5. Allocution de M. Helveg PETERSEN, ministre des Affaires étrangères du Danemark, Président en exercice du Comité des ministres - Question de M. Jean VALLEIX, député (RPR) (Mercredi 24 janvier)
" Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs,
c'est pour moi un grand honneur que de prendre la parole devant cette
éminente Assemblée pour la première fois durant la
présidence de mon pays. Permettez-moi tout d'abord, Madame la
Présidente, de vous féliciter de votre élection. Comme
votre distingué prédécesseur, vous pourrez vous inspirer
dans l'exercice de ces fonctions d'une expérience nationale et
européenne riche et diverse. Je ne doute pas que la coopération
entre votre Assemblée et notre Comité restera très
étroite. Elle est en fait plus nécessaire que jamais à un
moment où notre Organisation se trouve confrontée à un
tournant important.
" Je ne voudrais pas laisser passer cette occasion de rendre hommage
au
Président Martínez qui a, au cours de son mandat et
également pour la présente partie de session, fait de cette
Assemblée un pôle d'attraction des chefs d'Etat et de
Gouvernement. Il était particulièrement opportun qu'il
présente ses vues au Sommet de Vienne, en 1993, sommet qui avait eu pour
origine une proposition présentée par le Président
Mitterrand dans cet hémicycle même. Monsieur Martínez, vous
avez apporté à notre Organisation une contribution exceptionnelle
et il est heureux que votre engagement personnel ne soit pas perdu pour cette
Assemblée ni pour le Centre Nord-Sud, à la présidence
duquel vous avez été élu récemment.
" J'aimerais également saisir l'occasion de rendre hommage au
travail remarquable du greffier de l'Assemblée,
M. Heinrich Klebes -ancien secrétaire du Comité des
ministres- qui prendra sa retraite dans une semaine.
" Madame la Présidente, le Gouvernement danois attache beaucoup
d'importance au Conseil de l'Europe et à notre présidence, et ce
pour de nombreuses raisons. Les principes fondamentaux du Conseil de l'Europe,
à savoir la promotion des droits de l'homme, la démocratie et la
prééminence du droit, sont particulièrement importants
pour le Danemark, certainement dans sa politique nationale, mais aussi en tant
qu'élément essentiel de sa politique étrangère.
" Au début de cette année, le Danemark est devenu membre de
la Commission des droits de l'homme des Nations Unies pour une période
de trois ans. Mon pays est également membre de la Troïka de l'OSCE,
qu'il présidera en 1997. De notre point de vue, ces trois
catégories d'activités ont un dénominateur commun et
forment un ensemble.
" Comme vous le savez, le Secrétaire général et
moi-même avons eu hier une rencontre très utile avec le
Président en exercice de l'OSCE, M. Flavio Cotti, qui a pris la
parole devant votre Assemblée et a participé à un
échange de vues le même jour. En ce qui nous concerne, cette
réunion était la troisième d'une série d'entretiens
informels de haut niveau entre les Présidents et Secrétaires
généraux respectifs, inaugurée l'année
dernière par mes prédécesseurs de Chypre et de la
République tchèque.
" Les relations étroites entre les deux organisations,
particulièrement indispensables au cours de la phase présente
d'application de l'accord de paix paraphé à Dayton et
signé à Paris, sont bien symbolisées par la nomination,
à laquelle a procédé récemment l'OSCE, de la
compatriote de M. Cotti, Mme l'Ambassadrice Gret Haller, depuis quelques
temps représentant permanent de la Suisse auprès du Conseil de
l'Europe. Elle est bien connue de cette Assemblée où, il y a peu,
elle présidait énergiquement la Sous commission des droits
de l'homme. Mme l'Ambassadrice Haller exercera pour cinq ans les fonctions
de médiatrice en matière de droits de l'homme. Je sais que nous
sommes unanimes à lui souhaiter un plein succès et tous
désireux de l'aider, dans la mesure du possible, à remplir cette
tâche particulièrement exigeante.
" Les mandats confiés au Conseil de l'Europe et à l'OSCE ont
constitué le point principal de notre réunion de la nuit
dernière avec l'OSCE.
" Nous sommes convenus de poursuivre nos efforts communs concernant
l'établissement des structures en matière de droits de l'homme
prévues dans les accords de Dayton. Nous évaluerons ensemble les
besoins, préparerons un budget et lancerons un appel international afin
d'obtenir le financement de cette tâche importante.
" Madame la Présidente, comme je viens de le mentionner, le
traité de paix attribue au Conseil de l'Europe des mandats
spécifiques, notamment en ce qui concerne la chambre des droits de
l'homme de la Bosnie-Herzégovine, qui a également droit à
l'assistance et à la coopération en sa qualité de
candidate à l'adhésion à notre Organisation.
" A leur dernière réunion, nos délégués
ont approuvé des mesures urgentes afin de promouvoir la mise en place
d'institutions démocratiques, particulièrement en
Bosnie-Herzégovine et en Croatie. Ces mesures relèvent de quatre
grandes rubriques qui sont les droits de l'homme, les réfugiés et
personnes déplacées, les questions juridiques et
institutionnelles, et la démocratie locale.
" Les délégués se proposent de désigner dans
un proche avenir les huit membres de la chambre des droits de l'homme -y
compris son Président- comme le prévoit le traité de paix.
" En ce qui concerne la Russie, comme vous le savez, je me suis rendu
à Moscou avec le Secrétaire général le
1er décembre 1995. Cette visite a fait suite directement
à la réunion de votre Commission des questions politiques
à Copenhague. La question de la demande d'adhésion de la Russie
avait été examinée au cours de cette réunion,
examen dont je peux dire qu'il a été particulièrement
utile pour nous tous.
" Les récentes élections qui ont eu lieu
démocratiquement en Russie, avec une participation impressionnante
d'électeurs, ont confirmé l'évolution positive en cours.
Le rapport de la Commission des questions politiques va dans le même sens.
" Comme le rappelle ce rapport, la coopération est
préférable à la confrontation. Depuis quelques
années, nous avons réussi à intégrer au Conseil de
l'Europe un nombre significatif de pays d'Europe centrale et orientale. La
sécurité démocratique, dont le Sommet de Vienne en 1993 a
souligné qu'elle était pour l'heure la vocation essentielle du
Conseil de l'Europe, ne sera pleinement obtenue et garantie que si la Russie
est membre de notre Organisation.
" La sécurité démocratique de notre continent
revêt une importance cruciale non seulement pour le Conseil de l'Europe,
mais aussi pour toutes les structures de coopération dans notre
région du monde. L'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe
aidera à la coopération entre les pays européens et au
sein de ces pays, avec les différentes organisations et avec nos
partenaires extérieurs à l'Europe.
" Je suis convaincu que la Russie sera mieux à même de
progresser dans la direction que nous souhaitons tous en tant que membre du
Conseil de l'Europe.
" Après l'élargissement du Conseil de l'Europe, des Etats
non européens ont manifesté un intérêt croissant
pour une association plus formelle, en qualité d'observateurs, à
nos travaux. Cette coopération n'a rien de nouveau en principe. Depuis
de nombreuses années, des Etats non européens participent
à certaines des activités de l'Organisation. Nous nous sommes
efforcés, de manière prioritaire, de trouver des moyens de
répondre à l'intérêt manifesté par les
Etats-Unis, ainsi que par le Japon, pour l'obtention du statut d'observateur.
Toutes les parties concernées bénéficieront de tels
arrangements adaptés à chacun des cas.
" Immédiatement après l'adoption de la recommandation
positive de votre Commission permanente, les Etats-Unis sont devenus
observateurs auprès du Conseil de l'Europe.
" A cette occasion, nous avons fait connaître notre souhait
d'entamer au plus tôt le dialogue politique avec M. Holbrooke,
Sous-secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, et nous
avons fait en sorte que des informations sur nos travaux soient
communiquées aux Etats-Unis.
" Nous avons reçu récemment du Japon d'autres renseignements
sur le désir de ce pays de renforcer sa coopération avec le
Conseil de l'Europe. Nous venons de solliciter l'avis de cette Assemblée
sur la demande du Japon.
" Madame la Présidente, nous sommes tous sensibles aux importantes
questions qui concernent l'administration des droits des minorités en
Europe. Il s'agit d'un domaine délicat qui, sans aucun doute, continuera
à préoccuper l'Europe pendant des décennies.
" Notre Organisation a adopté récemment une convention-cadre
pour la protection des minorités nationales, première
étape d'un processus long et difficile. Nous devons maintenant tout
mettre en œuvre afin de progresser. La pression des Parlements
nationaux
serait utile afin d'obtenir les ratifications nécessaires pour que cet
instrument important entre en vigueur au cours de l'année. En même
temps, nous devons rester conscients de la complexité et de la
difficulté des problèmes en cause sur le plan des concepts et du
fond. Tout porte à croire que ce secteur restera l'un des plus
difficiles, dans un avenir prévisible, pour le Conseil de l'Europe et
également pour notre présidence.
" Nous sommes en train, au Comité des ministres, d'évaluer
les travaux menés jusqu'ici pour exécuter le mandat du Sommet de
Vienne relatif à l'élaboration d'un protocole dans le domaine
culturel garantissant des droits individuels, en particulier pour les personnes
qui appartiennent à des minorités nationales. Il est aujourd'hui
trop tôt pour évaluer l'aboutissement de ce processus.
" Dans ce contexte, il est vital également que le Conseil de
l'Europe poursuive son action importante contre le racisme et
l'intolérance dans notre région du monde. Il y a lieu de rendre
hommage à la Commission européenne contre le racisme et
l'intolérance (ECRI) pour les progrès déjà
accomplis dans ce domaine difficile. On peut espérer qu'ils conduiront
à des résultats tangibles dans un très proche avenir. Lors
de leur dernière réunion, les délégués ont
examiné le rapport de l'ECRI et décidé de prolonger son
mandat pour une période de deux ans.
" Au cours de notre présidence, le Conseil s'engagera dans une
activité nouvelle. Nous allons entamer le
monitoring
du respect
par les Etats membres de leurs engagements. Cet exercice concernera les Etats
membres anciens et nouveaux et le coup d'envoi en sera donné par un
panorama factuel que dressera le Secrétaire général.
" Nous devrons nous montrer prudent dans le lancement de cette
nouvelle
procédure. Il s'agit de questions sensibles et la présidence
danoise fera de son mieux pour que le nouveau mécanisme
bénéficie d'un bon début. Le concept-clé à
cet égard doit être un dialogue opérationnel. Il nous faut
éviter les confrontations stériles qui ne conduisent à
aucune amélioration de la situation dans les pays membres.
" J'aimerais mentionner la grande importance que la présidence
attache aux activités de l'Organisation relatives à la jeunesse.
La nouvelle Europe que nous établissons aujourd'hui a besoin pour
réussir de l'appui des générations à venir. La
présidence danoise partage le point de vue du Conseil de l'Europe
d'après lequel les activités favorisant les
générations futures sont prioritaires. Le Danemark a
été heureux d'être représenté, à
l'échelon ministériel, à l'inauguration du Centre
européen de la jeunesse de Budapest, le
15 décembre dernier. Nous avons le ferme espoir que ce Centre
de la jeunesse connaîtra le même succès que celui de
Strasbourg.
" Madame la Présidente, la démocratie locale a
été essentielle pour l'évolution de la
société danoise et devrait être d'une égale
importance pour toutes les nouvelles démocraties en Europe. J'ai plaisir
à rappeler que mon Gouvernement envisage d'organiser en avril prochain,
à Copenhague, sous les auspices du Conseil de l'Europe, une
conférence à ce sujet. L'année 1995 a marqué le
dixième anniversaire de la Charte européenne de l'autonomie
locale. La conférence sera organisée avec l'aide du
Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe et une
contribution de cette Assemblée. Elle aura pour but principal
l'appréciation de la Charte de l'autonomie locale dans une Europe en
évolution.
" La mise en œuvre du protocole à la Convention
européenne des Droits de l'Homme sur la fusion de la Cour et de la
Commission se fera, selon toute probabilité, pendant notre
présidence. Il est extrêmement important que la Cour et la
Commission, et à l'avenir les institutions résultant de leur
fusion, restent la pierre angulaire de notre Organisation.
" Madame la Présidente, je ne voudrais pas conclure cet
exposé sans mentionner un autre domaine encore de nos activités,
dont je sais qu'il intéresse vivement l'Assemblée, qui est celui
des procédures budgétaires du Conseil de l'Europe. Le
Comité des ministres, lorsqu'il a adopté en
décembre 1995 le budget de cette année, a
décidé également que les budgets futurs devraient
être présentés de manière plus transparente encore.
C'est pourquoi nous avons demandé, lors de cette adoption en
décembre du budget de 1996, que la présentation des projets de
programmes établisse une corrélation nette entre ceux-ci et les
budgets correspondants, et comporte également des indications
précises sur l'affectation de personnel aux divers programmes.
" La présidence danoise est convaincue que cette nouvelle approche,
avec d'autres mesures que nous préparons, conduira à la
transparence qui est la condition préalable à
l'établissement des bonnes priorités ainsi qu'à la
recherche et à l'obtention du soutien des Gouvernements membres -et
aussi des Parlements nationaux- afin d'augmenter comme il est nécessaire
le budget du Conseil de l'Europe.
" Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, en conclusion, je
voudrais souligner une fois encore l'importance d'une étroite
coopération au sein du Conseil de l'Europe entre l'Assemblée
parlementaire et les représentants des Gouvernements. En ces
années où le nombre des Etats membres augmente rapidement, avec
les nombreux problèmes politiques qu'implique cet élargissement,
il est crucial de cultiver cette coopération.
" Je crois pouvoir compter sur votre soutien pour les mois à venir,
et je serai heureux de répondre aux questions qui ont été
déposées ".
La question posée par
M. Jean VALLEIX
,
député
(RPR)
, est ainsi rédigée :
" M. Jean VALLEIX demande au Président du Comité des
ministres s'il peut fournir à l'Assemblée parlementaire le
maximum d'informations possible sur les perspectives de la Conférence
intergouvernementale de l'Union européenne en ce qui concerne le Conseil
de l'Europe. "
M. PETERSEN
a répondu à
M. Jean VALLEIX
en ces
termes :
" La Conférence intergouvernementale (CIG) se tiendra en mars en
vue de réviser le traité sur l'Union européenne. Elle
concerne au premier chef les Etats membres de l'Union et ses institutions. Il
me semble pourtant compréhensible et en même temps encourageant
qu'elle suscite autant d'intérêt en dehors de l'Union
également.
" La recommandation 1279 de l'Assemblée témoigne de cet
intérêt et le document préparé par les
délégués des ministres en septembre confirme cet
intérêt. Ce dernier document, auquel la recommandation de
l'Assemblée a été annexée, a été
transmis au Président du groupe de réflexion chargé de la
préparation de la CIG avant que le groupe ne présente son rapport
final au Conseil européen qui s'est tenu à Madrid en
décembre.
" Dans ce rapport, le groupe n'a pas fait explicitement
référence au Conseil de l'Europe et à sa contribution aux
travaux. Il a cependant mentionné une question très importante
pour l'Assemblée, à savoir l'éventuelle adhésion de
l'Union à la Convention européenne des Droits de l'Homme.
" Le rapport du groupe de réflexion figurera, avec les
contributions des Etats membres et des institutions de l'Union, parmi les
éléments importants de la CIG.
" Il faudra résoudre beaucoup de problèmes complexes au
cours des négociations avant que la CIG ne s'achève. Il est trop
tôt pour savoir si telle ou telle proposition de l'Assemblée sera
examinée et si elle a une chance d'être adoptée. Je puis
toutefois donner à l'Assemblée toute mon assurance que le
Comité des ministres attache la plus grande importance aux relations
entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe. Bien entendu, je
suivrai avec attention l'évolution de la situation et ne manquerai pas
d'en informer l'Assemblée.
" Je peux ajouter pour ma part que nous sommes conscients de
l'importance
du rôle joué par le Conseil de l'Europe dans la construction
européenne. Il n'y a aucune raison de ne pas en tenir compte à la
CIG, bien au contraire. "