RAPPORT D'INFORMATION N° 171 - LES TRAVAUX DE LA DELEGATION FRANCAISE A L'ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE
Mme Josette DURRIEU, Sénateur
DELEGATION FRANCAISE A L'ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE AU COURS DE LA SESSION ORDINAIRE 1996 - RAPPORT D'INFORMATION N° 171 - 1997/1998
Table des matières
-
I. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE PENDANT LA
SESSION DE 1996
-
A. LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 22 au 26 janvier
1996)
- 1. Introduction
- 2. Discours de M. Charles EHRMANN, député (UDF), à l'ouverture de la session de 1996 (Lundi 22 janvier)
- 3. L'histoire et l'apprentissage de l'histoire en Europe - Interventions de MM. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR), Pierre JEAMBRUN, sénateur (RDSE) (Lundi 22 janvier)
- 4. La démocratie électronique - Rapport de M. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.) - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 janvier)
- 5. La coopération scientifique et technologique avec les pays d'Europe centrale et orientale - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 janvier)
- 6. La politique de l'environnement en Europe (1994-1995) - Intervention de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Mardi 23 janvier)
- 7. Les droits des minorités nationales - Intervention de M. Serge VINÇON (RPR) (Mardi 23 janvier)
- 8. La stratégie européenne pour les enfants - Interventions de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.) (Mercredi 24 janvier)
- 9. La situation dans certains pays de l'ancienne Yougoslavie (Mercredi 24 janvier)
- 10. La demande d'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe - Interventions de MM. Jacques BAUMEL, député (RPR), Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.), Jean de LIPKOWSKI, député (RPR), Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), Jean BRIANE, député (UDF), et Jean SEITLINGER, député (UDF) (Jeudi 25 janvier)
- 11. La situation économique du Bélarus, de la Russie et de l'Ukraine (Vendredi 26 janvier)
- 12. Le bien-être des animaux et le transport du bétail en Europe - Intervention de M. Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR) (Vendredi 26 janvier)
-
B. CONFERENCE INTERPARLEMENTAIRE SUR LE NOUVEAU RÔLE DES PARLEMENTS NATIONAUX
DANS LA CONSTRUCTION PANEUROPÉENNE (PARIS - ASSEMBLÉE NATIONALE - 28
ET 29 MARS)
- 1. Introduction
- 2. Interventions de M. Philippe SÉGUIN, Président de l'Assemblée nationale, Mme Leni FISCHER, Présidente de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, MM. Jean-Claude MIGNON, député (RPR), Jean SEITLINGER, député (UDF), Robert PANDRAUD, député (RPR)
- 3. Conclusions adoptées par la conférence interparlementaire
-
C. LA DEUXIÈME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 22 au
26 avril 1996)
- 1. Introduction
- 2. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente - Intervention de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Lundi 22 avril)
- 3. La contestation des pouvoirs des délégations nationales dans le courant d'une session ordinaire - Modification du règlement (Lundi 22 avril)
- 4. La procédure d'examen des candidatures à l'élection de juge à la Cour européenne des Droits de l'Homme (Lundi 22 avril)
- 5. Les Parlements et l'évaluation des choix scientifiques et technologiques - Rapport de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 avril)
- 6. Les politiques européennes de transports - Interventions de MM. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), Jean VALLEIX, député (RPR), Christian DANIEL, député (RPR), Charles EHRMANN, député (UDF), et Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR) (Mardi 23 avril)
- 7. La charte européenne de l'espace rural - Interventions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.), et M. Pierre LACOUR, sénateur (Rat. RDSE) (Mardi 23 avril)
- 8. La demande d'adhésion de la Croatie au Conseil de l'Europe - Intervention de M. Gabriel KASPEREIT, député (RPR) (Mercredi 24 avril)
- 9. Les Activités du Comité international de la Croix-Rouge (1992-1995) (Mercredi 24 avril)
- 10. Les faits nouveaux dans la Fédération de Russie en rapport avec la situation en Tchétchénie
- 11. La mise en oeuvre des accords de Dayton pour la paix en Bosnie-Herzégovine - Observations de Mme Elisabeth REHN, rapporteur de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, Mme Gret HALLER, coordinatrice de la Commission des Droits de l'Homme pour la Bosnie-Herzégovine, MM. Rolf RYSSDAL, Président de la Cour européenne des Droits de l'Homme, Antonio CASSESE, Président du Tribunal international pour les crimes commis en Ex-Yougoslavie, Sir Peter EMERY, Vice-Président de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, MM. STRUBNER, député de l'OSCE en mission en Bosnie-Herzégovine, et Hans KOSCHNIK, ancien administrateur de l'Union européenne à Mostar - Interventions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.), et MM. Jacques BAUMEL, député (RPR), Jean-Claude MIGNON, député (RPR), Jean VALLEIX, député (RPR) (Jeudi 25 avril)
- 12. Le respect par la Turquie de ses engagements - Intervention de M. Jean VALLEIX, député (RPR) (Jeudi 25 avril)
- 13. Les conséquences de l'accident de Tchernobyl - Interventions de MM. Denis JACQUAT, député (UDF), rapporteur pour avis, Christian DANIEL, député (RPR), Jean BRIANE député (UDF), Claude BIRRAUX, député (UDF), et Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Jeudi 25 avril)
- 14. Le processus de paix au Proche-Orient (Vendredi 26 avril)
- D. LES RÉUNIONS GROUPÉES DE COMMISSIONS (THESSALONIQUE - du 27 au 29 mai 1996)
-
E. LA TROISIEME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 24 au 28 juin 1996)
- 1. Introduction
- 2. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (Lundi 24 juin)
- 3. La coopération culturelle européenne : les activités de l'Union européenne et les relations avec le Conseil de l'Europe (Mardi 25 juin)
- 4. Les activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement en 1995 - Communication de M. Jacques de LAROSIERE, Président de la BERD, et interventions de MM. Claude BIRRAUX, député (UDF), rapporteur pour avis, et Jean BRIANE, député (UDF) (Mardi 25 juin)
- 5. La protection des droits des minorités - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Mardi 25 juin)
- 6. La situation des jeunes en Europe : les jeunes marginalisés - Intervention de M. Jean-Claude MIGNON, député (RPR) (Mercredi 26 juin)
- 7. Les élections en Albanie (Mercredi 26 juin)
- 8. Les mesures de démantèlement de l'héritage des anciens régimes totalitaires communistes (Jeudi 27 juin)
- 9. La situation en Tchétchénie (Jeudi 27 juin)
- 10. Avis sur les dépenses relatives à l'Assemblée pour l'exercice budgétaire 1997 - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Jeudi 27 juin)
- 11. Les aspects civils des accords de Dayton et d'Erdut : besoins urgents - Intervention de M. Pierre LACOUR, Sénateur (Rat. RDSE), rapporteur pour avis de la Commission de l'agriculture et du développement rural (Vendredi 28 juin)
- 12. Abolition de la peine de mort en Europe - Intervention de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), prononcée par M. Pierre LACOUR, sénateur (Rat. RDSE) (Vendredi 28 juin)
-
F. LA QUATRIÈME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 23 au 27 septembre
1996)
- 1. Introduction
- 2. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (y compris situation en Russie et crise tchéchène) (Lundi 23 septembre)
- 3. Proposition pour un second sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement du Conseil de l'Europe - Interventions de MM. Jean SEITLINGER, député (UDF), corapporteur de la Commission des questions politiques, Jean VALLEIX, député (RPR), Jean BRIANE, député (UDF), Gabriel KASPEREIT, député (RPR) (Mardi 24 septembre)
- 4. La communication du Comité des ministres à l'Assemblée - Questions de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), et Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Mardi 24 septembre)
- 5. La politique sociale et le chômage en Europe - Interventions de MM. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.), Michel HUNAULT, député (RPR), et Jean VALLEIX, député (RPR) (Mardi 24 septembre)
- 6. La situation humanitaire des personnes déplacées en Géorgie - Intervention de M. Jean SEITLINGER, député (UDF) (Mardi 24 septembre)
- 7. L'exploitation sexuelle des enfants - Interventions de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), et Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Mercredi 25 septembre)
- 8. Le débat élargi sur les activités de l'OCDE en 1995 - Exposé de M. Donald JOHNSTON, Secrétaire général de l'OCDE - Interventions de MM. Bernard SCHREINER, député (RPR), Claude BIRRAUX, député (UDF), Jean VALLEIX, député (RPR), et Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.) (Mercredi 25 septembre)
- 9. L'Organisation mondiale du commerce et l'application des accords de l'Uruguay Round - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mercredi 25 septembre)
- 10. Le projet de convention sur les droits de l'homme et la biomédecine - Interventions de MM. Christian DANIEL, député (RPR), rapporteur pour avis de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille, Jean VALLEIX, député (RPR), Bernard SCHREINER, député (RPR), Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR) - Amendements de MM. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), Gabriel KASPEREIT, député (RPR), et Michel ALLONCLE, sénateur (RPR) (Jeudi 26 septembre)
- 11. La situation au Proche-Orient : le processus de paix israélo-palestinien - Intervention de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Jeudi 26 septembre)
- 12. Les migrations des régions en voie de développement vers les pays européens industrialisés - Interventions de MM. Charles EHRMANN, député (UDF), Bernard SCHREINER, député (RPR), et Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Vendredi 27 septembre)
-
A. LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 22 au 26 janvier
1996)
-
II. LES ALLOCUTIONS PRONONCEES PENDANT LA SESSION DE 1996 ET QUESTIONS DES
DELEGUES FRANÇAIS
-
A. PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION DE 1996 (22-25 JANVIER)
- 1. Allocution de Mme Leni FISCHER, Présidente de l'Assemblée (Lundi 22 janvier)
- 2. Exposé de M. Toomas SAVI, Président du Parlement estonien (Lundi 22 janvier)
- 3. Allocution de M. Flavio COTTI, Président en exercice de l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe - Question de M. Aloys GEOFFROY, député (UDF) (Mardi 23 janvier)
- 4. Exposé de M. Martti AHTISAARI, Président de la République finlandaise (Mercredi 24 janvier)
- 5. Allocution de M. Helveg PETERSEN, ministre des Affaires étrangères du Danemark, Président en exercice du Comité des ministres - Question de M. Jean VALLEIX, député (RPR) (Mercredi 24 janvier)
- 6. Exposé de M. Ivan GASPAROVIC, Président du Parlement de la République slovaque (jeudi 25 janvier)
- 7. Exposé de M. Milan UHDE, Président de la Chambre des députés de la République tchèque (Jeudi 25 janvier)
- 8. Exposé de M. John BRUTON, Premier ministre de l'Irlande (Jeudi 25 janvier)
-
B. DEUXIÈME PARTIE DE LA SESSION DE 1996 (23-25 AVRIL)
- 1. Discours de M. Léonid KOUTCHMA, Président de l'Ukraine - Questions de MM. Claude BIRRAUX, député (UDF), Jean-Claude MIGNON, député (RPR), et Jean VALLEIX, député (RPR) (Mardi 23 avril)
- 2. Allocution de M. le Président du Parlement d'Arménie
- 3. La Communication du Comité des ministres à l'Assemblée (Mercredi 24 avril)
- 4. Allocution de M. Guennadi SELEZNEV, Président de la Douma d'Etat de la Fédération de Russie (Jeudi 25 avril)
-
C. TROISIEME PARTIE DE LA SESSION DE 1996 (24-28 JUIN)
- 1. Discours de M. Kiro GLIGOROV, Président de l'Ex-République yougoslave de Macédoine - Question de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)) (Lundi 24 juin)
- 2. Discours de M. Vladimir MECIAR, Premier ministre de la République slovaque (Mercredi 26 juin)
- 3. La communication du Comité des ministres à l'Assemblée (Jeudi 27 juin)
- 4. Discours de M. Ugo MIFSUD BONNICI, Président de Malte (Jeudi 27 juin)
-
D. QUATRIÈME PARTIE DE LA SESSION DE 1996 (23-26 SEPTEMBRE)
- 1. Discours de M. Jorge SAMPAIO, Président de la République portugaise (Lundi 23 septembre)
- 2. Intervention de M. Zourab JVANIA, Président du Parlement de Géorgie (Mardi 24 septembre)
- 3. Discours de M. Guntis ULMANIS, Président de la République de Lettonie - Question de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Mardi 24 septembre)
- 4. Discours de M. Marc FORNÉ MOLNÉ, chef du Gouvernement de la Principaute d'Andorre - Questions de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 26 septembre)
-
A. PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION DE 1996 (22-25 JANVIER)
- A N N E X E
- LISTE DES TEXTES ADOPTES
- AU COURS DE LA SESSION DE 1996
N° 171
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès verbal de la séance du 11 décembre 1997.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom des délégués élus par le Sénat (1), sur les travaux de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au cours de la session ordinaire 1996 de cette assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,
Par Mme Josette DURRIEU,
Sénateur.
(1) Cette délégation était composée en 1996 de : MM. Michel Alloncle, Pierre Croze, Daniel Hoeffel, Pierre Jeambrun, Jean-François Le Grand, Jean-Pierre Masseret, membres titulaires ; M. Nicolas About, Mme Josette Durrieu, MM. Pierre Lacour, Jacques Legendre, Edouard Le Jeune, Serge Vinçon, membres suppléants. Au 10 décembre 1997, la délégation est composée de : MM. Nicolas About, Michel Alloncle, Mme Josette Durrieu, MM. Daniel Hoeffel, Pierre Jeambrun, Jean-François Le Grand, membres titulaires ; MM. James Bordas, Marcel Debarge, Jacques Legendre, Edouard Le Jeune, François Lesein, Serge Vinçon, membres suppléants.
Europe - Albanie - Arménie - BERD - Bosnie-Herzégovine - Chômage - Conseil de l'Europe - Croix-Rouge - Enfants - Environnement- Espace rural - Ethique médicale - Exploitation sexuelle de mineurs - Ex-Yougoslavie - Géorgie - Histoire - Irlande - Jeunes - Lettonie - Migrations - Minorités - Nouveaux moyens d'information électronique - OMC - OSCE - Parlements - Peine de mort - Portugal - Proche Orient - Réfugiés - République tchèque - Russie - Slovaquie - Tchernobyl - Tchétchénie - Transports - Ukraine.INTRODUCTION
Le présent rapport retrace les travaux de
l'Assemblée du Conseil de l'Europe au cours de sa session de 1996 dont
les quatre parties se sont tenues à Strasbourg, respectivement du 22 au
26 janvier, du 22 au 26 avril, du 24 au 28 juin et, enfin, du 23 au 27
septembre 1996, ainsi que les travaux des réunions groupées de
commission, qui se sont tenues, et le séminaire de l'Assemblée
parlementaire qui s'est tenu à Paris, à l'Assemblée
nationale, les 28 et 29 mars 1996, sur " Le nouveau rôle des
Parlements nationaux dans la construction européenne ".
Le premier chapitre
du présent rapport récapitule
les
activités des membres de la Délégation française,
et en particulier leurs interventions dans les débats inscrits
à l'ordre du jour des quatre parties de cette session de 1996.
Le chapitre II
reproduit les
allocutions
des
responsables
politiques
qui se sont adressés à l'Assemblée du
conseil de l'Europe pendant la session de 1996.
Enfin, en
annexe,
figure la
liste de tous les textes
adoptés
pendant la session de 1996.
*
* *
Cette introduction a pour objet de rappeler, d'une part,
l'évolution de la composition de la délégation
française pendant la session de 1996 et, d'autre part,
l'évolution générale de l'Organisation, qui a vu se
poursuivre, au cours de cette période, à la suite des profondes
mutations du paysage européen, l'élargissement du Conseil de
l'Europe.
A. COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE À
L'ASSEMBLÉE DU CONSEIL DE L'EUROPE DURANT LA SESSION DE 1996
1. Représentants de l'Assemblée nationale
·
Composition en 1996
Au nombre de
24,
les représentants de l'Assemblée
nationale durant la session ordinaire de 1996 de l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe étaient :
Délégués titulaires (12)
: MM. Jacques BAUMEL
(RPR), Claude BIRRAUX (UDF), Jean-Michel BOUCHERON (Soc.), Georges COLOMBIER
(UDF), René COUVEINHES (RPR), Robert GALLEY (RPR), Aloys GEOFFROY (UDF),
Denis JACQUAT (UDF), Gabriel KASPEREIT (RPR), Bernard SCHREINER (RPR), Jean
SEITLINGER (UDF), Jean VALLEIX (RPR).
Délégués suppléants (12)
: MM. Augustin
BONREPAUX (Soc.), Jean-Guy BRANGER (UDF), Jean BRIANE (UDF), Christian DANIEL
(RPR), Jean-Claude DECAGNY (UDF), Xavier DENIAU (RPR), Charles EHRMANN (UDF),
Michel HUNAULT (RPR), Jean de LIPKOWSKI (RPR)
(1(
*
))
, Jean-Louis MASSON (RPR), Jean-Claude MIGNON (RPR),
Jean PRORIOL (UDF).
·
Composition en 1997
A la suite des élections législatives des 1er et 8 juin 1997,
l'Assemblée nationale a désigné le 25 juin 1997 une
nouvelle délégation :
Délégués titulaires (12)
: MM. Jacques BAUMEL
(RPR), Jean BRIANE (UDF), Claude EVIN (Soc.), Raymond FORNI (Soc.),
Guy LENGAGNE (RCV), Martin MALVY (Soc.), Jean-François MATTEI
(UDF), Gilbert MITTERRAND (Soc.), Henri NALLET (Soc.), Jean-Claude
SANDRIER (Com.), Bernard SCHREINER (RPR) et Jean VALLEIX (RPR)
Délégués suppléants (12)
: MM. Claude
BIRRAUX (UDF), Paul DHAILLE (Soc.), Mme Laurence DUMONT (Soc.) MM. Charles
EHRMANN (UDF), François FILLON (RPR), Maxime GREMETZ (Com.), Georges
LEMOINE (Soc.), Jean-Pierre MICHEL (RCV), Jean-Claude MIGNON (RPR), Mme Yvette
ROUDY (Soc.), MM. Philippe SÉGUIN (RPR) et Kofi YAMGNANE (Soc.).
2. Représentants du Sénat
·
En 1996
A la suite de son renouvellement triennal à l'automne 1995, le
Sénat a désigné, le 18 octobre 1995, ses
douze
représentants :
Délégués titulaires (6)
: MM. Michel ALLONCLE
(RPR), Pierre CROZE (RI), Daniel HOEFFEL (UC), Pierre JEAMBRUN (RDSE),
Jean-François LE GRAND (RPR), Jean-Pierre MASSERET (Soc.).
Délégués suppléants (6)
: M. Nicolas ABOUT
(app. RI), Mme Josette DURRIEU (Soc.), MM. Pierre LACOUR (Rat. RDSE),
Jacques LEGENDRE (RPR), Edouard LE JEUNE (UC), Serge VINÇON (RPR).
M. Pierre CROZE ayant renoncé à son mandat de
délégué, M. Nicolas ABOUT a été
désigné le 2 mai 1996, en qualité de
délégué titulaire, tandis que M. Charles-Henri de
COSSE-BRISSAC (UC) était désigné comme
délégué suppléant.
Le 15 juillet 1996, le Conseil Constitutionnel a constaté la
déchéance du mandat de M. Pierre LACOUR. Le Sénat a
désigné le 10 octobre 1996 M. François LESEIN (RDSE)
délégué suppléant.
·
En 1997
M. Jean-Pierre MASSERET ayant été nommé Secrétaire
d'Etat aux anciens combattants le 4 juin dans le Gouvernement de M. Lionel
JOSPIN, son remplaçant n'a pu être désigné
qu'à l'expiration du délai d'option entre ses fonctions
ministérielles et son mandat de sénateur, délai arrivant
à échéance le 4 juillet, soit après la fin de la
session du Parlement. La désignation d'un nouveau membre pour
compléter la délégation du Sénat est intervenue le
17 septembre 1997, le Sénat étant réuni en session
extraordinaire depuis le 16.
C'est M. Marcel DEBARGE, Sénateur (Soc.) qui a été
élu délégué suppléant tandis que Mme Josette
DURRIEU, sénateur (Soc.), précédemment
délégué suppléant, était élue
délégué titulaire. Au cours de la même
séance, le Sénat a désigné M. James BORDAS,
sénateur (RI) délégué suppléant en
remplacement de M. Charles-Henri de COSSÉ-BRISSAC, démissionnaire
depuis le 5 septembre 1997.
3. Bureau de la délégation
·
En 1996
Renouvelé le 25 octobre 1995, le Bureau de la Délégation
française est resté composé en 1996 de :
- Président : |
M. Jean VALLEIX |
Député |
(RPR) |
- Vice-Présidents : |
M. Pierre JEAMBRUN |
Sénateur |
(RDSE) |
|
M. Jean SEITLINGER |
Député |
(UDF) |
|
M. Jean-Pierre MASSERET |
Sénateur |
(Soc.) |
|
M. Jean de LIPKOWSKI |
Député |
(RPR) |
- Secrétaire général : |
M. Daniel HOEFFEL |
Sénateur |
(UC) |
·
En 1997
A la suite du renouvellement des délégués de
l'Assemblée nationale, la Délégation s'est réunie
le 16 septembre 1997 pour procéder à l'élection de son
bureau qui se trouve désormais ainsi composé :
- Présidente : | Mme Josette DURRIEU | Sénateur | (Soc.) |
|
|
|
|
- 1er Vice-Président : | M. Bernard SCHREINER | Député | (RPR) |
|
|
|
|
- Vice-Présidents : | M. Pierre JEAMBRUN | Sénateur | (RDSE) |
|
M. Georges LEMOINE | Député | (Soc.) |
|
M. Raymond FORNI | Député | (Soc.) |
|
M. Marcel DEBARGE | Sénateur | (Soc.) |
|
M. Jean-François MATTEI | Député | (UDF) |
|
|
|
|
- Secrétaire Général : | M. Daniel HOEFFEL | Sénateur | (UC) |
|
|
|
|
- - Secrétaire Général Adjoint : | M. Claude EVIN | Député | (Soc.) |
B. COMPOSITION DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU
CONSEIL DE L'EUROPE
Au 1
er
janvier 1996
, l'organisation du Conseil de l'Europe
comptait
38 membres
pléniers tandis que
4 Etats
bénéficiaient du statut d' "
invité
spécial
" à son Assemblée parlementaire (avec voix
consultative donc).
1. Etats membres pléniers du Conseil de l'Europe
Le statut du Conseil de l'Europe a été élaboré et
signé le 5 mai 1949, par les cinq pays du Traité de Bruxelles :
Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni - et par le Danemark,
l'Irlande, l'Italie, la Norvège et la Suède.
Des adhésions successives ont eu lieu : 1949-1950 - Grèce,
Turquie ; 1950 - Islande ; 1951 République Fédérale
d'Allemagne ; 1956 - Autriche ; 1961 - Chypre ; 1963 - Suisse ; 1965 - Malte ;
1976 - Portugal ; 1977 - Espagne ; 1978 - Liechtenstein ; 1988 - Saint-Marin ;
1989 - Finlande ; 1990 - Hongrie - Pologne ; 1992 - Bulgarie ; 1993 - Estonie -
Lituanie - Slovénie - République tchèque -
République slovaque - Roumanie ; 1994 - Andorre ; 1995 - Lettonie -
Moldova - Albanie - Ukraine - Ex-République yougoslave de
Macédoine.
Les délégués des Etats membres pléniers
siégeant à l'Assemblée parlementaire étaient,
au
1er janvier 1996
, au nombre de 263 titulaires et autant de
suppléants.
2. Parlements bénéficiant du statut d' "invité
spécial" à l'Assemblée au 1
er
janvier 1996
Arménie (4 sièges)
Biélorussie (7 sièges)
Bosnie-Herzégovine (3 sièges)
Croatie (5 sièges)
3. Evolution au cours de 1996
L'adhésion de la Russie, différée en 1995, est devenue
effective le 28 février 1996, avec 18 sièges à
l'Assemblée, tandis que l'adhésion de la Croatie, elle aussi un
moment différée, est devenue effective le
6 novembre 1996, avec 5 sièges, ces nouvelles adhésions
portant à 40 les membres pléniers de l'Organisation
, et
à 286
l'effectif des membres titulaires de l'Assemblée
(avec autant de délégués suppléants).
Le statut d'invité spécial était, quant à lui,
accordé, outre l'Arménie, la Biélorussie, et la
Bosnie-Herzégovine (la Croatie étant devenue membre
plénier), aux délégations des Parlements de la
Géorgie (5 délégués), le 28 mai 1996, et de
l'Azerbaïdjan (6 délégués), le 28 juin 1996.
L'Arménie, la Biélorussie, la Bosnie Herzégovine ont
formulé des demandes d'adhésion à titre de membre
plénier de l'Organisation, qui sont en cours d'examen par les
commissions compétentes de l'Assemblée parlementaire.
Ainsi, à la fin de 1996, le Conseil de l'Europe compte
40
membres pléniers
, tandis que les
Parlements de 5 Etats
bénéficient du statut "
d'Invité spécial
"
à l'Assemblée parlementaire.
I. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLEE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE PENDANT LA SESSION DE 1996
A. LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 22 au 26 janvier 1996)
1. Introduction
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est
réunie à Strasbourg du 22 au 26 janvier 1996 (première
partie de la session de 1996).
Après l'allocution de
M.
Charles EHRMANN
,
député (UDF), Président d'âge, l'Assemblée a
élu à sa présidence
Mme
Leni FISCHER
(Allemagne, CDU-CSU), qui succède à
M.
Miguel-Angel
MARTINEZ
(Espagne, Socialiste).
M.
Jacques BAUMEL
,
député (RPR) a été réélu
Vice-Président au titre de la France.
Au cours de cette session, l'Assemblée parlementaire a entendu les
allocutions des personnalités suivantes :
-
M. Flavio COTTI
, chef du département fédéral des
affaires étrangères de la Suisse, Président en exercice de
l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en
Europe (OSCE) ;
-
M. Helveg PETERSEN
, ministre des affaires
étrangères, Président en exercice du Comité des
ministres du Conseil de l'Europe ;
-
M.
Martti AHTISAARI
, Président de la Finlande ;
-
M.
John BRUTON
, Premier ministre d'Irlande.
Sont également intervenus devant l'Assemblée
MM.
Toomas
SAVI
, Président du Parlement estonien,
Ivan GASPAROVIC
,
Président du Conseil national de la République slovaque,
Milan
UHDE
, Président de la Chambre des députés du Parlement
de la République tchèque.
Reprenant le débat, précédemment ajourné, notamment
en raison de la crise en Tchétchénie, l'Assemblée
parlementaire a consacré la journée du 25 janvier 1996
à délibérer de l'avis à donner au Comité des
ministres sur la demande d'adhésion de la Fédération de
Russie au Conseil de l'Europe (rapport 7443 et ad. - Avis 7463). Sont
intervenus dans ce débat
MM.
Jacques BAUMEL
,
député (RPR),
Jean de LIPKOWSKI
, député
(RPR),
Jean BRIANE
, député (UDF),
Nicolas ABOUT
,
sénateur (Ap. RI), et
Jean Pierre MASSERET
, sénateur
(Soc.).
A l'issue de ce débat, l'Assemblée a procédé
à un vote par appel nominal, adoptant finalement, avec des amendements,
l'avis, favorable à l'adhésion, n° 193, par 164 voix pour
(dont les délégués français), 35 voix contre et 16
abstentions, sur 214 suffrages exprimés. Les
délégués français ont voté en faveur de
l'adhésion de la Russie. L'Assemblée a également
adopté, sur le rapport 7475, une directive (n° 516) relative
à la création d'une Commission " ad hoc " sur la
Tchétchénie.
La Russie est devenue le 39ème Etat membre du Conseil de l'Europe lors
de la cérémonie officielle d'adhésion qui a eu lieu le 28
février 1996, sous l'égide du Comité des ministres. La
Russie dispose désormais à l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe de 18 représentants titulaires et d'autant de
représentants suppléants, au même titre que les
délégations de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et du
Royaume-Uni.
La Commission permanente de l'Assemblée a, le
10 janvier 1996,
accordé le
statut d'observateur aux Etats-Unis d'Amérique
,
représentés, dans un premier temps, dans les organes
ministériels du Conseil de l'Europe (mais sans voix
délibérative) (cf. rapport 7430, avis 192 et recommandations 1280
et 1281, résolutions 1071, 1072, 1073, et directive 512,
décisions de la Commission permanente ratifiées par
l'Assemblée parlementaire).
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a également
adopté des recommandations, des directives et des résolutions sur
les points suivants :
- l'histoire et apprentissage de l'histoire en Europe (rapport 7446).
M.
Jacques LEGENDRE
, sénateur (RPR), et
M.
Pierre JEAMBRUN
, sénateur (RDSE), sont intervenus dans ce
débat qui a donné lieu à l'adoption de la recommandation
1283 ;
- la coopération scientifique et technologique avec les pays de l'Europe
centrale et orientale,
M.
Claude BIRRAUX
, député
(UDF) intervenant dans ce débat (rapport 7451 et résolution 1075)
;
- la politique de l'environnement en Europe,
M.
Jean BRIANE
,
député (UDF), intervenant dans ce débat en sa
qualité de Président de la Commission de l'environnement (rapport
7441 annexes et ad., recommandation 1284 et résolution 1076) ;
- les droits des minorités nationales (rapport 7442 et avis 7471).
M.
Serge VINÇON
, sénateur (RPR), est intervenu
dans ce débat qui a donné lieu à l'adoption de la
recommandation 1285 et de la directive 513, amendées ;
- la stratégie européenne pour les enfants (rapport 7436 et avis
7473).
MM.
Jean VALLEIX
, député (RPR),
Nicolas ABOUT
, sénateur (Ap. RI), et
Mme
Josette
DURRIEU
, sénateur (Soc.), sont intervenus dans ce débat qui a
donné lieu à l'adoption de la recommandation 1286 et de la
directive 514 amendées ;
- la situation dans certains pays de l'ancienne Yougoslavie (rapport 7440 et
ad, avis 7470 et 7472) et les demandeurs d'asile albanais au Kosovo (rapport
7444). Ce débat commun a débouché sur l'adoption des
recommandations 1287 et 1288, de la résolution 1077, et de la directive
515 amendées ;
- la situation économique de la Biélorussie, de la Russie et de
l'Ukraine (rapport 7453 et résolution 1078) ;
- le bien-être des animaux et le transport du bétail en Europe
(rapport 7427).
M.
Jean-François LE GRAND
,
sénateur (RPR), est intervenu dans ce débat qui a donné
lieu à l'adoption de la recommandation 1289.
Après discussion, le rapport 7359 de
M.
Jean-Pierre
MASSERET
, sénateur (Soc.), sur la démocratie
électronique, a été renvoyé, à sa demande,
à la Commission des relations parlementaires et publiques afin de
permettre aux Commissions saisies pour avis, de préparer des
contributions complémentaires (avis 7454, 7562, 7455 et 7407).
M.
Claude BIRRAUX
, député (UDF) est intervenu dans ce
débat en tant que vice-Président de la Commission des questions
scientifiques.
*
Au cours du renouvellement du Bureau des Commissions de
l'Assemblée parlementaire, la France a obtenu trois présidences
: Commission pour les relations avec les pays non-membres :
M.
Jean SEITLINGER
, député (UDF) ; Commission de
l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux
:
M. Jean BRIANE,
député (UDF) ; Commission du
budget :
M. Bernard SCHREINER,
député (RPR).
A l'occasion de cette session, la Délégation a offert une
réception en l'honneur de
M.
Louis JUNG
, ancien
sénateur du Bas-Rhin (UC), qui fut, notamment, élu à trois
reprises Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe
(cf. rapport annuel d'activité de la
Délégation pour l'année 1995).
2. Discours de M. Charles EHRMANN, député (UDF), à l'ouverture de la session de 1996 (Lundi 22 janvier)
A l'ouverture de la session annuelle de 1996,
M. Charles
EHRMANN, député (UDF)
, a prononcé, en sa
qualité de doyen d'âge, l'allocution suivante :
" Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire
général, Mesdames, Messieurs, en tant que doyen de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, comme je le suis de
l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale et de l'Assemblée
nationale française, je désire vous présenter mes
meilleurs vœux pour l'année 1996, en n'ayant garde d'oublier
le Président Martínez qui, durant ses trois années de
présidence, a beaucoup fait pour le renom de notre Assemblée.
" Avant de vous faire part de quelques impressions personnelles sur
l'Union européenne des Quinze et le Conseil de l'Europe, car j'ai
l'impression qu'ils sont insuffisamment connus, laissez-moi vous dire que mes
réflexions sont celles d'un Français, petit-fils d'un Alsacien
qui a quitté sa province natale après la guerre de 1870 pour
rester Français, fils d'un soldat tué en 1914, à
l'âge de 23 ans. J'ai moi-même fait la guerre de 1939-1940 et
participé à la Résistance.
" Je suis un patriote ardent, partisan de la France unie et
indivisible,
mais qui a conscience que l'avenir de son pays n'est pas de se confiner dans
les regrets du passé. Le temps est révolu où Leibnitz
écrivait en français pour être lu par tous, où les
tsars s'exprimaient en français et où notre langue était
la langue diplomatique mondiale. Notre avenir, c'est l'Europe unie.
" Hélas ! Nombreux sont ceux qui en doutent, en France et
ailleurs. A tous ceux-là, il faut sans cesse rappeler que l'Europe unie
c'est la paix, qu'avant 1945 les peuples passaient leur temps à se faire
la guerre. La France a subi trois guerres en soixante-dix ans. Quand
naissait un garçon, on savait qu'un jour il irait se faire tuer. Ce fut
le cas pour mon père en 1914. Pour ma part, j'étais prêt
à ce sacrifice en 1939 dans mon unité de chars d'assaut.
" Ainsi l'Europe a perdu des dizaines de millions d'hommes ; elle
était ruinée en 1945 ; ses empires coloniaux ont
disparu ; la suprématie du monde est passée outre-Atlantique
et c'est aux Etats-Unis qu'ont été installées les Nations
Unies.
" Contre ce déclin politique et économique -il faut le
rappeler à ceux qui en doutent- des hommes ont créé la
Communauté européenne du charbon et de l'acier, le Conseil de
l'Europe, la Communauté européenne des Six -Benelux, Allemagne,
France, Italie- d'ailleurs aidée par le plan Marshall américain.
" La réussite a été telle -on parle, dans l'histoire
de France, des "Trente glorieuses" de 1945 à 1975- que beaucoup
de
pays ont voulu participer à cette Communauté qui est
passée à neuf, puis à douze et à quinze. Et bien
d'autres, à l'intérieur du Conseil de l'Europe, attendent avec
impatience d'y entrer.
" Cette Union européenne est devenue la première puissance
économique du monde. Sans oublier le rôle des autres pays -un
Winston Churchill, même s'il n'a pas été suivi dans son
pays, un Gasperi italien-, l'élément moteur a été
l'axe France-Allemagne.
" A ce titre, si tous les Français connaissent Robert Schuman et
Jean Monnet -les pères fondateurs- de Gaulle, l'homme de la rencontre
avec Adenauer en 1962, Pompidou, Giscard d'Estaing, Mitterrand, Delors,
Président si efficace de la Commission, ils connaissent aussi Adenauer,
Schmidt et, surtout, le Chancelier Kohl, dont l'image est celle du
réunificateur de l'Allemagne ; à ce titre, il a
supprimé la menace soviétique qui faisait que nous,
Européens, avions peur et avions besoin du parapluie nucléaire
américain et des forces américaines en Europe.
" Le recul de l'influence russe a permis au Conseil de l'Europe de
prendre
l'ampleur qu'on lui connaît avec ses quarante-quatre Etats. Tout en
maintenant avec les Etats-Unis des relations de qualité fondées
spirituellement sur l'amour de la liberté et de la démocratie, le
but du Chancelier Kohl et des Européens convaincus est de créer
une Europe capable de régler seule ses problèmes et de tenir
tête économiquement dans tous les pays du monde au bloc
Etats-Unis-Canada-Mexique, ainsi qu'aux géants asiatiques Japon et Chine
qui, comptant un milliard d'habitants, progressent à grand pas.
" Hélas ! En 1996, l'Union européenne a de graves
problèmes à résoudre, dont la crise économique,
sociale et morale qui la frappe. Cette crise, mise en relief par les
médias qui ne voient jamais, comme dit M. Delors, le verre à
demi-plein, c'est-à-dire ce qui va bien, mais qui insistent plutôt
sur le verre à demi-vide, c'est-à-dire sur ce qui ne va pas
-créant en fin de compte un climat maussade, morose- favorise les
adversaires de l'Europe unie qui rendent l'Union européenne responsable
de tout.
" L'année 1996 est une année critique : il n'y a que
des points d'interrogation et nous ne savons pas ce qui peut arriver. J'en
soumettrai quelques-uns à votre réflexion.
" Au niveau politique, les institutions ont été faites pour
six Etats. Elles ont été mal adaptées quand on est
passé à neuf et à douze, et elles sont devenues
obsolètes pour quinze Etats. Beaucoup pensent comme moi que l'on
n'aurait pas dû procéder à l'élargissement à
douze et puis à quinze avant d'approfondir, de changer les institutions.
" La Conférence intergouvernementale s'est occupée sans
succès de ce problème sous la présidence espagnole au
cours du second semestre de 1995. L'Italie, durant sa présidence au
cours du premier trimestre de 1996, va de nouveau l'étudier à
Turin dès mars 1996.
" La Commission européenne qui prépare, le Conseil des
ministres qui accepte ou refuse, le Parlement européen qui vote, ne
seront-ils pas trop nombreux pour agir efficacement ? Comment les petits
pays accepteront-ils de ne plus faire partie -tout au moins provisoirement- du
Conseil des ministres ou de la Commission ? Comment sera faite la
réduction du nombre des députés dans un Parlement devenu
pléthorique ? Les grands pays accepteront-ils de voir grandir
l'influence de Bruxelles pour faire avancer l'Europe alors que beaucoup lui
reprochent déjà d'en faire trop ? Le Royaume-Uni
continuera-t-il à agir pour que l'Union européenne ne soit qu'une
zone de libre-échange, en refusant toutes les avancées politiques
proposées ?
" Aux niveaux économique et social, les mêmes interrogations
se posent. L'Union européenne des quinze compte 20 millions de
chômeurs. Certains pensent qu'elle est responsable de cette situation,
oubliant par exemple que, si la France est la quatrième puissance
commerciale du monde et l'Allemagne la deuxième, elles le doivent
à l'Union européenne.
" Si la France et les autres pays de l'Union européenne ont des
budgets sociaux très importants -en France ils dépassent
2 000 milliards de francs alors que celui de l'Etat n'est que de
1 500 milliards de francs- pour essayer d'aider les 3 millions de
chômeurs, les 2 millions de pauvres et d'exclus, résoudre le
problème des banlieues, ils le doivent à leur
développement économique lié à l'Union
européenne.
" Au niveau militaire, sur les quinze membres qui la composent,
l'Union en
compte cinq qui sont neutres, ce qui, d'une part, crée une union
militaire impossible malgré l'UEO, bras armé de l'Europe
occidentale, l'Eurocorps, et, d'autre part, a mis l'Union européenne
dans l'incapacité de résoudre seule le problème bosniaque.
" Toutes ces difficultés, auxquelles on pourrait en ajouter
beaucoup d'autres -monnaie unique, politique agricole, etc.-, montrent que les
nouveaux pays qui veulent entrer dans l'Union européenne devront
attendre au moins cinq ou dix ans -à moins que l'on ne se contente
de créer une Europe de libre-échange sans liens politiques
supplémentaires, ce qui serait la négation de tout ce qui a
été fait. C'est pourquoi le rôle du Conseil de l'Europe ne
peut que grandir avec l'attente de tous les pays de l'Europe centrale et
orientale d'entrer dans l'Union.
" Créé en 1949, le Conseil de l'Europe est indispensable
à l'Europe : il est son laboratoire d'idées, son
école de la démocratie. Avec ses trente-huit Etats, ses
invités spéciaux, il touche à tout, il a
élaboré 157 conventions et noie d'ailleurs ses membres -dont je
suis- sous une débauche de brochures. Je reste rêveur quant
à la capacité de les lire toutes.
" Le Conseil de l'Europe rappelle que, si le continent n'a pas
d'unité physique, linguistique, économique, il a une unité
de civilisation judéo-chrétienne fondée sur la
liberté, les droits de l'homme, la démocratie, l'économie
de marché. C'est cette civilisation qui a permis d'intégrer des
dizaines de millions d'hommes et de femmes, et d'en faire de bons citoyens.
Cette civilisation aide au maintien des minorités au plan spirituel,
voire économique, en demandant cependant à celles-ci d'être
politiquement loyales.
" En tant que doyen, et bénéficiant à ce titre, je le
souhaite, de votre indulgence, je désire vous présenter quelques
observations.
" L'intégration facile avec les peuples de civilisation
judéo-chrétienne ne pose-t-elle pas des problèmes beaucoup
plus difficiles avec des peuples n'appartenant pas à cette civilisation,
surtout lorsqu'ils arrivent en masse ?
" La présence de 4 millions d'étrangers en France et de
6 millions d'étrangers en Allemagne, dont beaucoup sont africains
et musulmans, crée des banlieues explosives et, par contrecoup, le
développement de partis d'extrême droite, dont les succès
électoraux grandissent au fur et à mesure que ces
minorités augmentent - et l'on apprend qu'en France le tiers de la
classe ouvrière vote en leur faveur, au grand étonnement de tous,
sauf des députés qui, comme moi, comptent plusieurs milliers
d'HLM dans leur circonscription.
" Lorsqu'on est méditerranéen comme je le suis depuis
cinquante-huit ans, on peut craindre que les 200 millions d'habitants de
l'Afrique du Nord et de l'Afrique centrale, qui deviendront 400 millions dans
trente ans, ne créent un torrent de clandestins sur les rives nord de la
Méditerranée, et par là même des minorités
religieuses et politiques dangereuses pour l'Etat, d'où la
non-ratification par la France des accords sur la protection des
minorités.
" J'approuve donc la tentative de l'Union européenne et du Conseil
de l'Europe, qui a participé aux conférences de Limassol en
septembre 1995, de développer l'économie de ces pays africains
pour permettre à leurs habitants de vivre sur place et d'éviter
des venues si nombreuses qu'elles seraient capables de submerger les
populations locales.
" Un autre problème, peu connu, me paraît grave pour le
Conseil de l'Europe : celui de son budget qui s'élève
à 200 millions de dollars, soit à un milliard de francs. Ce
budget est insuffisant et il le restera tant que le Conseil de l'Europe ne
bénéficiera pas d'une ligne budgétaire spéciale
dans chacun des trente-huit Etats, nombre qui ne peut d'ailleurs que
croître.
" Cette augmentation budgétaire est nécessaire pour
renforcer le rôle du Comité des ministres, du Président, du
Secrétariat général, autrement dit de l'exécutif,
face à une Assemblée parlementaire dont le nombre des
députés va augmenter.
" Je veux enfin appeler votre attention sur deux points. Le premier,
le
plus difficile, qui ne fait pas entre nous l'unanimité, est
l'entrée de la Russie, demandée dès 1992 et que vous avez
reportée en février 1995 à cause de la question
tchétchène. A mes yeux, mais ce n'est pas une opinion
partagée par tous, l'entrée de la Russie est une
nécessité. Il faut se rappeler qu'elle n'a jamais
été une démocratie, qu'elle n'a connu que des tsars et le
communisme. Vouloir lui appliquer immédiatement les mêmes
principes démocratiques et libéraux que chez nous est impossible.
Il reste en Russie un nationalisme virulent, accru par le sentiment que les
pertes territoriales sont injustes.
" Si la Tchétchénie, partie intégrante de la Russie,
devait en sortir, cela accroîtrait l'influence des anciens communistes
qui ont déjà obtenu 22 % des voix aux dernières
élections, de l'extrême droite qui a enregistré un score de
11 %, ou d'un général candidat. Ce serait également
perdre les élections présidentielles et retrouver une politique
agressive à l'égard des pays voisins -la Pologne et la Roumanie-
qui regardent vers l'Ouest. Il est certain que la Russie n'acceptera pas un
deuxième renvoi et qu'une frontière nouvelle, peut-être
imperméable, existera.
" Il faut comprendre aussi qu'un pays aussi vaste ne peut vivre
qu'avec un
exécutif fort, sous peine de voir l'anarchie l'emporter. Rappelons-nous
-c'est là le "prof" d'histoire qui s'exprime- que l'Empire romain
s'est
créé le jour où le territoire de la république est
devenu trop grand.
" Un autre grand problème sera posé au Conseil de l'Europe
avec l'octroi du statut d'observateur aux Etats-Unis. Ce sera un observateur
d'un poids énorme, surtout si l'on se réfère aux propos du
Président Clinton, selon lesquels les Etats-Unis doivent jouer un
rôle de
leader
en Europe.
" Votre doyen, plus que quiconque, car il a vu les soldats
américains arriver à Nancy en 1917, rend hommage à ce
grand peuple qui a sauvé la liberté en 1917-1918 et en 1941-1945,
et qui a aidé à la reconstruction de l'Europe avec le plan
Marshall. Cela dit, tout doit nous inciter à rendre l'Europe majeure sur
les plans non seulement politique et militaire, afin qu'elle puisse
régler seule les problèmes qui peuvent se poser sur son
territoire, mais aussi sur le plan économique, car l'avenir appartient
aux grandes puissances.
" Cette avancée vers une Europe unissant de plus en plus de pays de
l'Union européenne et du Conseil de l'Europe sera votre œuvre, car
vous êtes le creuset dans lequel les pays d'Europe centrale et orientale
apprendront à discuter démocratiquement, à vivre unis. A
ce titre, je suis fier d'appartenir à votre Assemblée. "
3. L'histoire et l'apprentissage de l'histoire en Europe - Interventions de MM. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR), Pierre JEAMBRUN, sénateur (RDSE) (Lundi 22 janvier)
L'Assemblée a tout d'abord entendu la
présentation du rapport consacré à l'histoire et à
l'apprentissage de l'histoire en Europe. Le colloque, organisé par la
Commission de la culture et de l'éducation en décembre 1994
à Paris, a bien montré que l'histoire a un rôle politique
clé à jouer dans l'Europe d'aujourd'hui. Elle peut en effet aussi
bien favoriser la compréhension et la tolérance entre les
individus et entre les peuples d'Europe que devenir une force de division, de
violence et d'intolérance.
Or, les établissements scolaires ne sont pas les seules sources
d'information et d'apprentissage de l'histoire. Parmi les autres moyens
d'information, on peut citer la presse, la télévision, le
cinéma, le théâtre, la littérature, le tourisme et
les discours politiques. L'histoire occupe une place décisive dans la
formation culturelle et politique, individuelle et collective, des
citoyens : c'est dire toute son importance. D'évidence, sans
connaissance de l'histoire, l'individu est plus vulnérable à la
manipulation.
En conséquence, la Commission soutient l'activité du Conseil de
la coopération culturelle dans le domaine de l'enseignement de
l'histoire en Europe, enseignement qui devrait permettre aux
élèves d'acquérir la capacité intellectuelle
d'analyser et d'interpréter l'information d'une manière critique
et d'apprécier la diversité culturelle. Quant aux Etats, ils
devraient encourager une approche objective.
On sait pourtant que l'histoire a trop souvent été
manipulée et qu'un trop grand nombre de manuels sont truffés de
références historiques complètement fausses. Que dire,
aussi, de ces livres qui nient l'existence des camps d'extermination
nazis ? Comment ne pas évoquer la manière dont, pendant des
décennies, on a expliqué aux jeunes Espagnols ce qu'a
été la conquête de l'Amérique ? Comment ne pas,
encore, s'interroger sur le rôle que M. Le Pen entend faire
jouer à Jeanne d'Arc ? Comment, enfin, taire la formidable
manipulation de l'histoire qui a été le propre du
stalinisme ?
Les citoyens ont le droit d'apprendre une histoire non manipulée, seule
à permettre l'affirmation des identités culturelles,
véritable instrument de paix, de compréhension entre les peuples
et de progrès démocratique. Une attention particulière
devrait être accordée à l'apprentissage de l'histoire dans
les pays d'Europe centrale et orientale. Il faudrait, pour cela, modifier les
manuels, encourager l'apprentissage pluridisciplinaire et améliorer la
formation des professeurs.
M. Jacques LEGENDRE, sénateur (RPR)
, est intervenu dans les
termes suivants :
" Madame La Présidente, mes chers collègues, je veux tout
d'abord féliciter le rapporteur qui a su dégager des
propositions pleines de sagesse à partir des richesses du colloque
organisé à Paris en décembre 1994.
" J'approuve en particulier l'invitation à élargir les
sources des connaissances historiques aux témoignages qui parlent
à la sensibilité : la littérature, les œuvres
d'art, la musique. Les monuments d'une civilisation ne sont-ils pas souvent le
meilleur de son héritage ?
" En apprenant à connaître et à aimer le patrimoine
national, les jeunes citoyens apprennent la fierté légitime de
leur patrie ; en connaissant les patrimoines des autres nations, et
d'abord ceux de nos voisins européens, si riches dans leur
diversité, chacun s'ouvre à la compréhension des
traditions qui fondent les cultures distinctes. C'est en partant de l'histoire
de son terroir, de son pays, que l'on peut, sans nationalisme
dévoyé, élargir la recherche aux autres civilisations.
" Je vais d'ailleurs approfondir quelque peu les réflexions que
contient le rapport. Ainsi, à l'alinéa 10 du projet de
recommandation, il est précisé que les citoyens ont le droit
d'apprendre une histoire non manipulée. L'Etat devrait donc assurer ce
droit et encourager une approche scientifique appropriée, sans
déformations, religieuses ou politiques, à tout ce qui est
enseigné.
" Un peu plus loin, le même projet de recommandation indique
à l'alinéa 13 qu'une attention particulière devrait
être accordée à la problématique de l'Europe
centrale et orientale qui a tant souffert de la manipulation de l'histoire.
J'observe, mes chers collègues, que cette manipulation s'exerçait
précisément au nom d'une histoire prétendument
scientifique imposée par l'Etat.
" Je crois malheureusement que tout pouvoir absolu est porté
à l'abus. Sans doute certains des abus sont-ils perpétrés
dans la brutalité de la répression de toute opinion dissidente,
mais il peut y avoir aussi des abus exercés dans la suavité des
bonnes intentions. Je vise par là ce que l'on appelle le
politically
correct
qui est en passe de franchir l'Atlantique.
" L'alinéa 14 nous propose d'inviter les élèves
à apprécier la diversité culturelle ou encore à
identifier les stéréotypes et autres perversions basés sur
des préjugés nationaux ou raciaux.
" On insiste également sur la mise en valeur du rôle des
femmes ou encore l'histoire des minorités pour conclure : "Les
événements controversés, sensibles et tragiques, devraient
être équilibrés par rapport aux influences positives
mutuelles". Certes, mes chers collègues, mais à quel
trébuchet pèsera-t-on cet équilibre ?
" Qui ne s'accorderait sur des intentions aussi louables ? Je
crains
cependant que cette histoire consensuelle et tissée d'euphémismes
n'aboutisse parfois à de nouveaux travestissements d'une
réalité historique où nous savons que la distribution des
bons et des mauvais rôles change non seulement selon les époques,
mais aussi très largement selon les points de vue.
" Je ne crois donc nullement qu'il faille faire de l'histoire un long
conte de fée, ô combien séduisant, seulement peuplé
de héros positifs. Cette réécriture
d'événements historiques, que nous savons chaotiques et souvent
violents, risque d'avoir des effets contraires à l'irénisme du
propos. Les élèves ne manqueront pas de percevoir la niaiserie et
la fausseté des récits uniformément roses et ne lui
accorderont aucune crédibilité.
" Sans doute l'histoire peut-elle et doit-elle être d'abord la mise
en place de repères chronologiques, indispensables pour que les enfants
acquièrent une vue structurée de l'évolution de la
société dans laquelle ils vivent. Je suis, pour ma part,
attaché à la liberté de l'enseignement qui est -l'histoire
précisément le démontre- le plus sûr moyen de
prévenir les abus d'une histoire d'Etat.
" Enfin, toutes les disciplines doivent être placées sous le
double signe de l'acquisition de connaissances et de la formation à la
liberté de pensée. Cette dualité s'impose
particulièrement à l'enseignement de l'histoire : nous,
responsables politiques, qui faisons l'histoire contemporaine, en nous
réclamant de groupes politiques différents, nous savons que l'on
peut concourir au bien commun à partir de filiations intellectuelles
distinctes, et que c'est du débat que naissent les solutions les plus
acceptables, d'ailleurs toujours provisoires. Pourquoi refuser cette approche
pluraliste à l'égard des débats d'hier ?
" Il convient de favoriser la formation de l'esprit critique dont
l'histoire doit d'ailleurs être le principal aliment, et de lutter contre
toute tentation, si bien intentionnée soit-elle, du
politically
correct
. Il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté dans nos
propositions. L'histoire ne peut pas être faite par des Etats
totalitaires, mais l'histoire n'est pas non plus faite au nom d'Etats
démocratiques.
" Les Etats sont des acteurs de l'histoire. Ceux qui doivent écrire
l'histoire et dont c'est la responsabilité sont les historiens. Notre
rôle et celui des Etats est de les laisser dialoguer, confronter,
critiquer pour écrire notre histoire en pleine liberté. "
M. Pierre JEAMBRUN, sénateur (RDSE)
, s'est exprimé
à son tour dans les termes suivants :
" Mesdames, Messieurs, chers collègues, qu'il me soit permis tout
d'abord de remercier la Commission de la culture et de l'éducation ainsi
que M. de Puig pour leur remarquable travail.
" L'apprentissage de l'histoire est un sujet qui mérite, de notre
part, la plus grande attention tant il est vrai, comme l'a dit Salluste,
que : "Parmi d'autres exercices de l'esprit, le plus utile est
l'histoire." (
Guerre de Jugurtha
).
" Utile, l'histoire l'est à plus d'un titre. Comme le rapport le
souligne, elle doit jouer un grand rôle dans le rapprochement des peuples
européens, la tolérance et la compréhension mutuelle,
ainsi que dans l'affirmation du respect des valeurs démocratiques. En
effet, la science politique tire son existence des observations faites,
à l'origine le plus souvent par des historiens. C'est, par exemple, chez
Hérodote, baptisé par Cicéron le "père de
l'histoire", que l'on trouvera le premier document authentique où sont
distinguées et comparées les diverses espèces de
Gouvernement. Polybe, très proche d'Aristote, vient à exprimer sa
conception de la politique, après s'être fait l'historien de Rome
et de ses victoires sur Carthage.
" Je suis donc convaincu, mes chers collègues, de l'absolue
nécessité d'encourager et de renforcer l'apprentissage de
l'histoire en Europe. Nous pouvons agir sur les moyens d'enseignement et de
diffusion de l'information. Il est certain que les nouvelles technologies,
CD-ROM, Internet, multimédia, etc., ont leur rôle à jouer.
De même, tout ce qui va dans le sens d'une intensification des
échanges scolaires, d'une collaboration entre enseignants et chercheurs,
doit être salué, ainsi que tout ce qui peut contribuer à
rendre l'histoire vivante et familière aux jeunes. Je souscris donc tout
à fait aux propositions du rapport dans ce domaine.
" En reprenant l'analyse de la Commission, je note la place
essentielle
faite au développement de l'esprit critique, à l'acquisition des
capacités de raisonnement. Ce qu'il est important de viser, en somme,
c'est l'éducation du citoyen ou plutôt, devrais-je dire,
l'éducation du jugement politique. L'éducation du jugement
politique est une éducation à la discussion. Or, la participation
au débat public suppose que chacun soit suffisamment informé pour
saisir les problèmes, les enjeux et les issues possibles. Dans ce
processus, l'histoire a une place particulière : elle permet de
comprendre les problèmes par leur genèse. Ce n'est que lorsque
l'on connaît bien ses racines que l'on est capable de comprendre son
temps et de se projeter dans l'avenir. De même, l'on n'est citoyen d'un
Etat, partie d'une communauté, que lorsqu'on adhère à une
certaine culture, entendue à la fois comme façon de vivre et
façon de penser. Or, la communauté tient de l'histoire sa
physionomie propre. L'histoire a donc un deuxième rôle
fondamental : elle enracine le sentiment de la communauté dans une
mémoire commune et dans la transmission de valeurs fondamentales.
L'histoire suppose la continuité : comme l'a si bien dit
Alexis de Tocqueville : "Des liens invisibles, mais presque
tout
puissants, attachent les idées d'un siècle à celles du
siècle qui l'a précédé. On ne saurait parler d'une
nation à une époque donnée sans dire ce qu'elle a
été un demi-siècle auparavant".
" Jusqu'ici, vous l'aurez noté, je suis en accord avec la
Commission. Malgré tout, ma vision de l'histoire ne correspond pas
exactement à la définition qui en est donnée par le
paragraphe 7 du projet de recommandation. A mon sens, la différence
entre l'histoire et la mémoire est importante et significative. La
mémoire se nourrit de symboles, elle est affective, elle se
dépose dans des images, des rituels comme les fêtes nationales,
les commémorations d'armistices...
" C'est ce que le paragraphe 7 appelle la tradition, le souvenir.
L'histoire, en revanche, impose une démarche scientifique. Elle prend
une distance à l'égard de l'événement, traite les
actions et les faits avec le recul nécessaire à
l'objectivité. Fustel de Coulanges le dit d'ailleurs très
bien : "Elle n'est pas un art. Elle est une science pure. (...) Elle
consiste, comme toute science, à constater les faits, à les
analyser, à les rapprocher, à en marquer le lien".
" La conséquence de cette distinction est d'importance. Ainsi, je
ne pense pas, comme l'affirme le paragraphe 7, que "ces différentes
formes d'histoire remplissent des rôles différents". Je pense, au
contraire, que l'histoire se définit comme un dialogue entre plusieurs
mémoires, donc entre divers groupes qui fondent chacun leur
cohésion dans l'unité d'un récit.
" Mais cette divergence de vues ne serait pas bien grave s'il n'y
avait,
dans ce projet de recommandation, des initiatives, à mon sens, peu
judicieuses.
" Ainsi, le contenu des programmes d'histoire, s'il doit être
ouvert, ne doit pas négliger l'histoire nationale à laquelle il
convient de conserver une place éminente dans l'enseignement de
l'histoire !
" L'histoire nationale fait partie du patrimoine culturel de chaque
peuple, on ne peut la gommer ou la mettre à égalité avec
l'histoire locale ou régionale. L'identité des peuples qui
composent l'Europe s'est forgée dans le sang et la sueur, et l'Europe
n'est que plus riche de cette diversité.
" L'histoire nationale n'est pas nécessairement évocatrice
de propagande ou de manipulation. Comme le dit fort bien Patrice Canivez :
"La mémoire nationale, parce qu'il s'agit d'une mémoire politique
et non pas d'une mémoire primitive soudée par l'unité d'un
mythe, est une mémoire plurielle et didactique : elle est en
permanence en discussion avec elle-même".
" Par ailleurs, il faut se garder de toute simplification ou
généralisation excessive. C'est dans l'histoire nationale qu'un
homme comme le général de Gaulle a trouvé en 1940 la force
de réagir et de contribuer à l'échec d'idéologies
dangereuses et avilissantes pour l'homme. C'est grâce au sentiment
national que Churchill a mobilisé l'énergie des Britanniques, et
de quelle façon !
" S'il est fondamental de faire connaître l'histoire des
minorités, s'il faut rétablir la véracité des
faits, évitons de tomber dans les travers du politiquement correct au
risque d'occulter les réalités. Ainsi, les conquistadores ont
fait disparaître de grandes civilisations. Mais parfois, comme l'explique
Lévi-Strauss dans
Race et histoire
, "se réalisent de
curieuses situations où deux interlocuteurs se donnent cruellement la
réplique. Dans les grandes Antilles, quelques années après
la découverte le l'Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient
des Commissions d'enquête pour rechercher si les indigènes
possédaient une âme, ces derniers s'employaient à immerger
des blancs prisonniers afin de vérifier par une surveillance
prolongée si leur cadavre était, ou non, sujet à la
putréfaction".
" Connaître les minorités et leur histoire est important,
mais toutes les histoires ont leur zone d'ombre. Il convient donc de respecter
un équilibre : ne vouons pas aux gémonies l'histoire
nationale, n'exagérons pas les vertus de l'enseignement de l'histoire
des minorités.
" J'aborde maintenant un problème crucial. Dans le but louable de
rapprocher nos peuples, on nous propose "d'étudier comment un chapitre
contenant les éléments de base sur les diverses histoires des
peuples d'Europe, acceptés par tous, pourrait être
intégré dans tous les manuels d'histoire européens".
Gardons nous d'entreprendre ce que nous reprochons à d'autres d'avoir
fait. En effet, comme le remarque fort justement M. de Puig, l'analyse
historique et ses théories forcées et manipulées ont
parfois servi d'alibi à des régimes cruels et totalitaires.
Schiller l'explique parfaitement quand il s'écrie dans son histoire de
la guerre de Trente ans : "L'histoire n'est qu'un magasin pour ma
fantaisie et les sujets doivent s'adapter et devenir dans mes mains ce que je
veux qu'ils soient".
" Comment ne pas penser immédiatement au communisme et aux effets
désastreux qu'il a produit. Le matérialisme historique de Marx
emprunte la dialectique à Hegel, mais la fait critique et
révolutionnaire. Le marxisme entend découvrir la logique interne
des événements historiques et les expliquer de façon
à comprendre le passé et le présent, mais aussi à
prévoir scientifiquement l'avenir, par conséquent la
révolution sociale. Tout semble impeccablement organisé :
l'évolution est irréversible ; des contradictions existent
entre les forces productives et les rapports de production, qui expliquent les
antagonismes du devenir historique. Les crises, les révolutions doivent
tout résoudre en détruisant les rapports de production et la
superstructure correspondante pour les remplacer par de nouveaux rapports et
par une nouvelle superstructure. Le mouvement de l'histoire conduit à
l'avènement du prolétariat qui sera la fin de toute domination de
classe, un nouvel âge d'or. Séduisante théorie, mais
à force d'annoncer une révolution inéluctable, il courait
le risque de devenir une religion, voire un intégrisme, ce qui s'est
effectivement produit ! Le communisme soviétique a asservi toute
l'Europe centrale et orientale en imposant une vision unique du passé,
du présent et de l'avenir. Il a privé de leur mémoire et
de leur identité des millions de gens, annihilé leur esprit
critique.
" Le mieux est souvent l'ennemi du bien, et, à vouloir trop en
faire, nous risquons de verser dans le dogmatisme, l'unanimisme ; alors
que ce projet de recommandation se propose justement d'aller dans le sens
contraire. Nous ne voulons pas d'une histoire unique, nous voulons une histoire
plurielle car "ce que raconte l'histoire n'est (...) que le long rêve, le
songe lourd et confus de l'humanité". L'expression n'est pas de moi,
elle est de Schopenhauer, mais me convient tout à fait. Ainsi, mes chers
collègues, concentrons nos efforts sur la collaboration entre
enseignants et chercheurs, sur les échanges scolaires, sur tout ce qui
favorise le développement de l'esprit critique, l'ouverture d'esprit des
générations futures. Gardons-nous de figer ce qui ne peut
l'être. Car, comme l'a dit Albert Camus, nous ne sommes pas à la
fin de l'histoire, mais bien au contraire à l'heure du grand saut dans
une autre histoire. "
Après l'adoption de quelques amendements,
la recommandation
n° 1283, contenu dans le document 7446, est adoptée
.
4. La démocratie électronique - Rapport de M. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.) - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 janvier)
Présentant son rapport (7359),
M. Jean-Pierre
MASSERET, sénateur (Soc.)
a formulé les observations
suivantes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, ce sujet, la
démocratie électronique, a été pris en compte
depuis déjà un certain temps par la Commission des relations
parlementaires et publiques. En effet, depuis plusieurs années, notre
Commission réfléchit et travaille sur un certain nombre de sujets
intéressant le fonctionnement de la démocratie. Elle
s'inquiète notamment du fossé existant entre la fonction
politique et les citoyens.
" Depuis trois ans, nous menons des études et organisons des
colloques sur ce thème, dont le dernier est celui de l'avenir de la
démocratie confrontée au développement des nouveaux moyens
techniques de communication.
" Notre Commission a organisé un séminaire à Paris,
au Sénat, réunissant non seulement des parlementaires, mais aussi
des experts techniques de l'Europe et même des Etats-Unis. Par ailleurs,
des expériences ont pris en compte les travaux menés aussi bien
à Amsterdam que dans d'autres villes, que ce soit en Italie ou en France.
" Notre sujet de discussion, rapporté dans le document que j'ai
soumis à la Commission des relations parlementaires et publiques,
était le suivant : faut-il ou non imaginer un cadre juridique
européen qui éviterait les dérives ou les mauvais usages
de ces moyens modernes de communication, lesquels ne sont pas sans incidence
sur le fonctionnement de notre société ?
" Après avoir salué tous les apports positifs que l'on doit
attendre de ces nouveaux moyens de communication, aussi bien dans le domaine de
la culture que dans ceux des sciences et des connaissances facilitant la vie
quotidienne de nos concitoyens, je dois souligner que nous assistons à
la mise en place d'un véritable pouvoir. Dans une démocratie,
nous le savons, les pouvoirs fonctionnent à condition qu'il y ait des
contre-pouvoirs visant à protéger le bon fonctionnement de la
société, ainsi que les citoyens contre d'éventuelles
dérives de tel ou tel de ces pouvoirs. Tel était notre sujet de
préoccupation.
" C'est pourquoi nous avons élaboré ce projet de
recommandation, qui avait le mérite d'ouvrir un débat. Cette
nécessité, me semble-t-il, s'imposait à notre
Assemblée. Nous suggérons, après avoir fait une analyse
très synthétique de la situation, de mettre en place un cadre
juridique assez léger, mais visant tout de même à
protéger les citoyens.
" Il n'est pas dans l'intention de la Commission des relations
parlementaires et publiques d'imposer un cadre strict privant les
opérateurs de toute initiative. Il ne s'agit pas de poser un carcan
administratif sur quelque chose que l'on ne pourrait pas maîtriser. Les
évolutions technologiques et techniques doivent pouvoir se
développer tout à fait normalement, dans l'intérêt
bien compris de la planète. Nous devons cependant toujours veiller au
respect des libertés, du bon fonctionnement de la démocratie, des
droits fondamentaux des personnes et des citoyens.
" Par conséquent, la Commission appelle l'attention de
l'Assemblée sur un certain nombre de difficultés et
d'interrogations retracées dans le rapport.
" Ce document a été soumis à l'avis d'autres
collègues et d'autres Commissions de notre Assemblée. Je veux
d'abord remercier M. Birraux, rapporteur pour avis, de son travail
constructif dont il sera, bien entendu, tenu compte.
" La Commission des questions juridiques et des droits de l'homme a
fourni
un document très important, très intéressant, qui pose
naturellement des questions que nous-mêmes nous nous sommes posés.
" La Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
souhaite
des développements un peu plus amples, des précisions qui
pourraient être apportées sur tel ou tel point. Nous en tiendrons
compte également dans la procédure que je vais suggérer
à la fin de mon propos.
" Je fais remarquer également à la Commission des questions
juridiques et des droits de l'homme que bien des points abordés par elle
sont effectivement déjà synthétisés dans le rapport
de la Commission des relations parlementaires et publiques. Ces points sont
peut-être moins développés et probablement trop
synthétiques. Sans doute faut-il y voir l'esprit un peu français,
un peu trop cartésien qui a animé le rapporteur.
" La Commission de la culture et de l'éducation a également
déposé un document important. Cependant, alors qu'elle avait
été sollicitée sur l'aspect culturel, elle a plutôt
apporté des éléments de réponse dans le domaine
économique, en quelque sorte un peu à côté de la
demande que nous avions formulée. Quoi qu'il en soit, les analyses
intéressantes qui y sont développées doivent
nécessairement être prises en compte, car elles viennent
naturellement compléter la réflexion de la Commission des
relations parlementaires et publiques.
" La Commission des questions économiques et du
développement pose, me semble-t-il, un problème aujourd'hui plus
délicat à traiter : la liberté économique
s'opposerait, en quelque sorte, à la nécessité de
définir un cadre juridique tel que nous l'avons suggéré.
C'est une question lourde, une question de principe, voire une question
idéologique, mais au sens noble du terme. Nos collègues craignent
en effet qu'une réglementation ne perturbe les initiatives qui sont
absolument nécessaires dans le domaine économique et industriel.
" Loin de nous l'idée d'empêcher le développement des
techniques de communication. Même si nous le voulions, nous ne le
pourrions pas. Nous ne sommes pas assez bêtes pour vouloir encadrer un
développement technique, technologique et scientifique qui, de toute
façon, va se développer et dont l'intérêt est
évident pour l'ensemble du monde.
" Je vous invite cependant à la prudence : la liberté
absolue dans ce domaine ne sera pas sans conséquence sur le bon usage
que l'on fera de ces instruments techniques pour le meilleur fonctionnement de
notre société, pour la meilleure protection des droits
fondamentaux des individus et l'exercice de la démocratie.
" En conséquence, Monsieur le Président, j'appelle notre
Assemblée à contribuer à la réflexion sur ce sujet.
Il est évident que nous ne sommes ni au bout du chemin, ni au bout de
notre réflexion, mais nous avons voulu lancer le débat, lequel
s'est engagé, et c'est bien !
" Si l'on veut tenir compte de tous les avis, de toutes les
observations,
remarques et propositions, il est évident que l'on ne peut pas les
trancher ce matin après un débat de cinquante minutes ou
d'une heure. Il faut se donner un peu de temps, un peu de recul et approfondir
ces questions. C'est pourquoi je suggérerai tout à l'heure
à notre Assemblée de renvoyer le dossier en Commission.
" Je proposerai la constitution d'un petit groupe de travail
composé de tous les rapporteurs concernés, au fond ou pour avis.
Ils se rencontreront dans les prochaines semaines et travailleront au cours des
prochains mois. Nous serons alors en mesure de soumettre un rapport plus
complet, plus exhaustif, peut-être plus utile à notre
Assemblée lors de notre session de septembre prochain.
" Il y a nécessité de débattre et d'avancer sur ce
sujet. Il faut savoir également que nos collègues du Parlement
européen s'intéressent de très près à la
question. Or, nous avons notre mot à dire, ce lieu-ci étant
approprié pour définir des cadres juridiques pouvant concerner
l'ensemble du continent européen. "
M. Claude BIRRAUX, député (UDF), rapporteur pour avis de
la Commission de la science et de la technologie
, s'est exprimé en
ces termes :
" Je tiens d'abord à souligner la qualité du rapport de
notre collègue M. Masseret.
" Aujourd'hui, il n'est pas possible de considérer que les
autoroutes de l'information sont des techniques émergentes. Il s'agit en
fait d'une révolution tranquille, invisible, engagée et permise
par une offre de matériels qui s'élargit chaque mois et
s'accompagne d'une baisse des coûts. Elle répond à une
demande très forte du public et correspond à un marché
solvable de grande dimension.
" Les réseaux à haut débit et le multimédia
constituent donc un marché d'avenir dans lequel s'engouffre l'industrie
américaine soutenue par les pouvoirs publics. Les Etats-Unis disposent,
en effet, d'une avance considérable pour les composants, les logiciels
grand public et les industries de programme. L'administration Clinton avec son
projet "d'infrastructure nationale d'information" en a fait un de ses
chevaux
de bataille dans le domaine économique ainsi qu'en matière
d'image politique.
" La Commission européenne, elle aussi, tente de susciter une
dynamique industrielle européenne, au travers du Livre blanc pour la
croissance, du rapport Bangemann et de son rôle moteur lors de la
conférence du G7 tenue à Londres en février dernier.
" Je dirai encore qu'un phénomène fondamental doit
être noté dans la diffusion de ces nouvelles technologies de
l'information : leur appropriation immédiate par les utilisateurs
dont le nombre croît exponentiellement. L'usage de ces technologies se
répand rapidement, grâce à l'importance du parc
électronique ou informatique installé et grâce à un
niveau de formation en hausse rapide quand il s'agit de l'usage des produits
électroniques. Ces technologies s'ouvrent des publics et des champs
d'application nouveaux et variés : éducation, formation,
culture, loisirs, communication interpersonnelle, vie communautaire, nouvelles
professions.
" La diffusion de ces nouvelles technologies s'effectue à la fois
dans la sphère marchande et non marchande. Dans la sphère non
marchande des comportements nouveaux et positifs peuvent être
trouvés.
" Comme le montre le cas du réseau mondial Internet, il
apparaît que la communauté scientifique a su mettre en place d'une
manière totalement décentralisée, participative et
désintéressée des règles de fonctionnement tendant
à faire respecter une éthique de vérité.
" Ces principales règles de fonctionnement sont le partage des
coûts de connexion et de télécommunications, l'abaissement
de ceux-ci à des niveaux insoupçonnés auparavant, le
respect d'une éthique de comportement interdisant par exemple les
pratiques commerciales comme les mailings automatiques, la diffusion
d'informations contraires à la vérité et aux bonnes
mœurs.
" Parmi les questions-clés à résoudre -outre celles
touchant aux libertés individuelles et aux droits de l'homme, qui
doivent faire l'objet d'une attention permanente de notre Assemblée- se
pose le très important problème de la propriété
intellectuelle, alors même que, pour contenir les coûts
d'utilisation des réseaux, il est systématiquement fait usage de
la duplication des données collectées et mises en forme par les
producteurs, suivie d'un retraitement par l'utilisateur sur son propre site.
" L'ouverture des marchés, la déréglementation des
télécommunications et la généralisation du
multimédia sont des mouvements inéluctables dans l'ensemble des
pays du monde. Les principaux acteurs de cette révolution
déjà engagée, en particulier les Etats-Unis, ont
déjà pris les moyens d'y jouer un rôle majeur, en
renforçant leurs instances de régulation, leur
réglementation technique et les aides économiques de toutes
sortes, directes ou indirectes.
" Il faut d'urgence mettre en place en Europe des cadres
institutionnels
et juridiques, car je ne crois pas que les seules lois du marché soient
suffisantes pour présenter des garanties intrinsèques contre des
dérives signalées, entre autres, par notre collègue
M. Probst. Il faut donc mettre en place ces cadres ainsi que des aides
économiques pour tirer le meilleur parti de la révolution des
nouvelles technologies de l'information, tant au plan économique qu'au
plan du fonctionnement de la démocratie, qui est l'objet de l'attention
permanente du Conseil de l'Europe. "
M. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.)
, a repris la parole
en ces termes :
" Monsieur le Président, j'adresse mes remerciements aux
différents orateurs aux propos desquels je n'ai rien à
ajouter : chacun a donné un éclairage particulier
complémentaire composant un tableau impressionniste de la
démocratie et des préoccupations qui concernent notre
Assemblée.
" Il faut que nous nous mettions bien d'accord sur le fait que ce qui
nous
importe c'est de mettre au service du progrès économique, du
progrès social et du progrès humain les nouveaux moyens de
communication et de technologie de l'information. Il ne s'agit de rien d'autre
et nous devons, dans ce domaine, éviter deux écueils.
" Le premier serait qu'un groupe quelconque, financier ou autre,
accapare
ces moyens pour influencer le fonctionnement de la démocratie et
l'organisation de nos sociétés. Le second serait que des hommes
politiques, des élus, utilisent de façon populiste,
démagogique, ces moyens de communication et d'information, pour imposer
leurs vues, leur régime et, éventuellement, leurs
déviances.
" Nous sommes donc tout à fait dans notre rôle qui vise
à mieux faire fonctionner la démocratie.
" Les différents orateurs ont démontré, notamment mes
collègues rapporteurs, que la démocratie est un tout, ses
différentes composantes sont interdépendantes. La
démocratie, c'est de la culture, de la science, de la technique, du
droit, de la vie, de la politique.
" Aussi, Monsieur le Président, peut-être faudrait-il que le
groupe de travail, composé des différents rapporteurs, change
l'intitulé "démocratie électronique" qui pourrait laisser
supposer que la démocratie se coupe en morceaux. En fait, il
conviendrait plutôt de parler des "incidences des nouvelles technologies
sur le fonctionnement de nos démocraties". Il me semble que la formule
serait plus appropriée.
" En réalité, nous avons à travailler et c'est bien
ce que nous voulons faire. L'Assemblée s'est prononcée sur ce
sujet. Il nous reste quelques mois pour compléter nos réflexions,
pour présenter de meilleures propositions et un rapport conforme aux
enjeux que notre Assemblée a bien voulu définir ce matin. "
A l'issue du débat, l'Assemblée décide le renvoi en
Commission du rapport, afin de permettre à toutes les Commissions
intéressées (science et technologie, éducation et culture,
questions politiques et questions économiques, de préparer leurs
contributions en vue d'un nouveau débat élargi à tous les
aspects des nouvelles technologies de l'information.
5. La coopération scientifique et technologique avec les pays d'Europe centrale et orientale - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 janvier)
Le rapport porte sur l'état de la recherche et du
développement dans les pays d'Europe centrale et orientale cinq ans
après la chute du communisme.
Les régimes communistes attachaient une grande importance à la
science et à la technologie, d'où l'existence à l'Est
d'une vaste communauté de scientifiques de haut niveau. Mais ces
régimes ont également laissé derrière eux une
organisation centralisée et hiérarchisée subordonnant la
science à des considérations idéologiques et politiques.
Par ailleurs le lien, pourtant vital, entre la base de connaissances et les
différents secteurs de l'économie faisait défaut.
Le rapport lance un appel en faveur de programmes de coopération plus
efficaces. Il présente des mesures destinées à
reconstruire les infrastructures de la science et de la technologie, à
permettre de tirer le meilleur parti du potentiel humain et à
développer le lien entre la recherche, les universités et les
industries. Il souligne l'importance de la conversion des industries militaires
à des usages civils, de manière à satisfaire les besoins
des consommateurs en recourant à des technologies non polluantes et
durables et en faisant de l'énergie une utilisation rationnelle.
Dans ce débat,
M. Claude BIRRAUX, député (UDF
),
s'est exprimé en ces termes :
" Je voudrais, tout d'abord, féliciter notre collègue,
Mme Stiborová, pour la qualité de son rapport, en
particulier pour la pertinence de ses analyses. Je partage son point de vue sur
la nécessité de mettre en œuvre une coopération de
seconde génération tenant compte des principes
énoncés dans son rapport.
" Avant de développer trois points particuliers qui me paraissent
importants, je ferai trois constats.
" D'abord, il y avait, et il y a encore, dans ces pays un potentiel
scientifique important. Nous n'avons donc pas à avoir de complexe de
supériorité. Les conditions d'exercice de la recherche
scientifique et technologique étaient soumises à des
impératifs idéologiques qui empêchaient les chercheurs de
s'exprimer pleinement. La différence dans l'organisation des
systèmes de recherche rend la coopération plus difficile, en
particulier pour trouver son niveau optimal.
" Ensuite, le danger, pour ces pays, est la fuite des cerveaux à
l'étranger, pour les meilleurs, et la désorganisation
d'équipes de recherche, les chercheurs gagnant mieux leur vie en
exerçant d'autres activités. Or, dans des économies en
transition, où les conditions de mutation sont difficiles, ces pays ont
besoin de leurs élites scientifiques.
" Enfin, la coopération actuelle souffre de nombreuses
imperfections dues aux difficultés à identifier clairement les
interlocuteurs, à l'insuffisance des réformes engagées
-certes des académies des sciences existent, mais leur vocation n'a
toujours pas été redéfinie- à la lenteur et
à la lourdeur des procédures européennes, et à la
parcellisation des actions engagées, dont l'ampleur reste inconnue,
aucun organisme n'ayant une vision globale de ces diverses actions.
" La politique à mettre en œuvre doit être complexe et
pluridimensionnelle.
" Elle doit être adaptée à chaque pays ou groupe de
pays, car la recherche s'inscrit nécessairement dans un environnement
économique différent selon les pays.
" Elle doit être adaptée aux laboratoires, selon leur
degré d'ouverture, leur possibilité de réalisation de
partenariats, leur capacité à s'inscrire dans des réseaux
ou à un niveau plus restreint - aide aux bibliothèques, par
exemple.
" Elle doit être ciblée. Je pense là au domaine
nucléaire et à l'environnement. Au travers de l'exemple du
nucléaire, on peut décliner toute la palette des instruments de
coopération : de l'assistance pour la mise en place d'une
réglementation ou d'une autorité de sûreté, par
exemple, à la coopération par jumelages, échange de cadres
et de techniciens, exercices de crise en commun, etc.
" Elle doit être décentralisée afin de tenir compte
des lourdeurs du passé et du poids des technostructures fortement
centralisées et hiérarchisées, et afin d'éviter
dans ces canaux la déperdition d'énergie et de moyens. Dans ce
but, il convient d'encourager la coopération au niveau des
collectivités locales comme des universités ou des grandes
écoles, quitte à mieux en définir le cadre.
" Je me bornerai enfin, sur ce chapitre, à rappeler l'importance
des sciences sociales dans ces pays en transition, comme le démontre
fort bien l'excellent rapport de notre collègue Jean-Pierre Berger.
" Pour terminer, je dirai que nous sentons la nécessité de
la coopération de seconde génération. Pour la mettre en
œuvre et la rendre plus performante, il est nécessaire de mettre
en place des systèmes d'évaluation de la recherche dans les pays
d'Europe centrale et orientale.
" En outre, il me paraîtrait intéressant de disposer d'un
observatoire de la coopération scientifique et technologique qui
permettrait de faciliter l'échange d'informations et de mieux identifier
les actions de coopération ; de suivre, par pays et par discipline,
les actions et les besoins de coopération ; de suivre les
politiques des différents pays et celles de l'Union européenne,
afin d'en avoir une vision globale.
" Je suis par nature réticent à la création de
structures lourdes dont les problèmes existentiels propres finissent par
éclipser la vocation originelle. Aussi, des organismes existants -la
Fondation européenne de la science, la Berd, l'OCDE, l'ONU, le Conseil
de l'Europe, l'Unesco- pourraient-ils très bien assumer ce rôle.
" J'insiste sur la notion d'évaluation de la recherche. Dans nos
pays occidentaux, celle-ci permet aux meilleurs d'émerger. L'implanter
dans les pays d'Europe centrale et orientale créera un véritable
changement culturel qui libérera les chercheurs des carcans qui les
empêchaient d'exprimer leurs talents.
" Dans la période de transition que vivent les pays d'Europe
centrale et orientale, le maintien et le développement d'un haut niveau
de recherche scientifique et technologique est un gage d'espoir pour leurs
citoyens, espoir d'un développement technologique au service non pas
d'une idéologie, mais de l'économie et des populations.
" Cet apport concourt à la stabilisation de ces pays, dans leur
intérêt mais aussi dans le nôtre. C'est pourquoi la
coopération doit contribuer à renforcer nos liens et nos
intérêts communs, dans un partenariat bien compris. "
Sur le projet de résolution, trois amendements ont été
déposés par
MM. Claude BIRRAUX, député
(UDF)
, et
Jean-Claude BRIANE, député (UDF)
.
Le premier amendement invite les organismes publics à "cibler davantage
les projets, en particulier dans le domaine de la sûreté
nucléaire, en ayant une coopération cohérente, multiple et
ordonnée ; également pour les problèmes de
santé et particulièrement le Sida, mettre en place un effort de
coopération et de prise de conscience".
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, a pris la parole en
ces termes pour défendre les amendements cosignés par
M. Jean BRIANE, député (UDF)
:
" Comme je l'ai souligné dans mon intervention, la
coopération doit être ordonnée et ciblée.
" Deux domaines n'ont pas été mentionnés dans le
projet, celui de la sûreté nucléaire et celui du Sida. Or,
il me paraît important que puisse être consenti un effort de
coopération tout à fait exemplaire dans ces deux domaines, pour
le plus grand bien à la fois de ces pays et de ceux qui les
entourent. "
Cet amendement n° 1 est adopté.
L'amendement n° 2 des mêmes auteurs propose d'inviter les Etats
membres à " encourager la coopération
décentralisée grâce au concours des autorités et des
organismes locaux et régionaux, et des universités, dans le cadre
de leurs compétences respectives".
Amendement que
M. Claude BIRRAUX
défend en ces termes :
" La plupart des orateurs ont insisté sur les structures fortement
hiérarchisées et centralisées de la recherche dans les
pays d'Europe centrale et orientale.
" Or, aujourd'hui, vouloir passer dans un système de
coopération à travers les organismes existants conduira
certainement à une grande déperdition des moyens et des
énergies.
" C'est la raison pour laquelle il me paraît important que la
coopération décentralisée puisse s'instaurer entre les
autorités, organismes locaux et régionaux, et les
universités dans le cadre de leurs compétences respectives.
" Au sein du Conseil de l'Europe, la Conférence des pouvoirs locaux
et régionaux organise déjà des coopérations entre
les autorités locales et régionales. Dans ce cadre, il faut
faciliter les échanges et la coopération scientifique de l'Europe
à la base, là où les chercheurs peuvent rencontrer
d'autres chercheurs et là où des pôles de compétence
peuvent rencontrer d'autres pôles de compétence au
bénéfice réciproque de ceux qui coopèrent. "
Enfin,
MM. BIRRAUX et BRIANE
proposent par un troisième
amendement de "créer un observatoire de la coopération permettant
de mieux identifier cette dernière, et de l'évaluer par pays ou
par discipline". Amendement que
M. Claude BIRRAUX
défend de
la façon suivante :
" Tous ceux qui ont eu l'occasion de s'intéresser aux
problèmes de coopération scientifique et technologique avec les
pays d'Europe centrale et orientale se sont heurtés à la
même difficulté pour essayer d'obtenir des informations globales
soit par pays, soit par discipline.
" Il me paraîtrait intéressant que puisse être mis en
place un observatoire de la coopération qui permettrait d'avoir cette
vision globale et de mieux identifier la coopération, ce qui la rendrait
d'ailleurs a posteriori plus efficace parce que l'on pourrait mieux l'orienter.
" J'ai précisé, dans mon intervention, que je ne souhaitais
pas que soit créé de toutes pièces un organisme nouveau,
mais dans nos assemblées, que ce soit au Conseil de l'Europe ou dans des
organisations comme l'OCDE, la Berd ou l'Union européenne, des
organismes existants pourraient se charger de ce rôle d'observatoire.
Cela serait profitable à l'ensemble des acteurs de la
coopération. "
Les amendements sont adoptés à l'unanimité, puis
à son tour, la résolution n°1075 contenue dans le
document 7451.
6. La politique de l'environnement en Europe (1994-1995) - Intervention de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Mardi 23 janvier)
Le rapporteur a formulé les observations suivantes
:
" Ces dernières années, une accélération de la
destruction d'une série d'espèces vivantes va de pair avec
l'avancée technologique. Réduire les capacités de
destruction emmagasinées par notre planète représente un
vrai défi. "
Ainsi, selon le rapporteur, près de quatre ans après la tenue de
la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement durable (Rio de Janeiro, juin 1992), les mesures
concrètes prises en faveur du développement durable de la
planète sont considérablement en retrait par rapport aux
engagements des 179 Gouvernements présents et aux espoirs qu'elle a
suscités.
On peut néanmoins considérer comme un premier résultat le
processus "Un environnement pour l'Europe" dans le cadre duquel se
sont tenues
jusqu'à présent trois conférences paneuropéennes
des ministres de l'environnement, dont la dernière s'est
déroulée, à Sofia, du 23 au 25 octobre 1995.
Le Conseil de l'Europe a apporté à la Conférence de Sofia
une contribution importante avec la " stratégie
paneuropéenne de la diversité biologique et
paysagère " adoptée par son Comité des ministres.
Pour traduire cette "stratégie" dans les faits, le rapport recommande
au
Comité des ministres d'assurer les moyens nécessaires à la
mise en oeuvre du Plan d'action 1996-2001 et des actions, dans le cadre de la
Convention de Berne, en faveur des espèces menacées. Elle invite
les Gouvernements des Etats membres à traduire par des actions
concrètes les engagements pris dans le cadre de la Déclaration de
Sofia, à participer pleinement aux travaux de l'Agence européenne
pour l'environnement, à s'engager dans l'application concrète des
conventions concernant l'environnement et de signer, voire ratifier, des
conventions, comme par exemple la Convention du Conseil de l'Europe sur la
responsabilité civile en matière de dommages causés
à l'environnement.
M. Jean BRIANE, député (UDF)
, en sa qualité de
Président de la Commission de l'environnement, de l'aménagement
du territoire et des pouvoirs locaux, s'est exprimé en ces termes :
" Permettez-moi, à mon tour, au terme de ce débat,
après M. le Président de séance et après
M. Parisi qui a présidé aux travaux de la Commission pendant
l'élaboration de ce rapport, après tous les parlementaires qui se
sont exprimés au cours de cette séance, de rendre hommage, en mon
nom personnel et au nom de la Commission, à l'importante contribution de
Mme Robert aux travaux du Conseil de l'Europe, en particulier de la
Commission de l'environnement.
" Monsieur le Président, nous allons probablement adopter ce projet
de recommandation. De retour dans nos pays respectifs, il nous appartiendra, en
tant que délégation, de faire en sorte que cette recommandation
entre dans les faits.
" Telles sont les quelques réflexions que je tenais à vous
livrer au terme de ce débat. "
A l'issue du débat,
la recommandation n° 1284 et la
résolution n° 1076 contenues dans le rapport 7441 sont
adoptées.
7. Les droits des minorités nationales - Intervention de M. Serge VINÇON (RPR) (Mardi 23 janvier)
Une fois encore, selon le rapport, l'Assemblée
manifeste son vif intérêt pour les minorités nationales et
la protection de leurs droits. Elle a déjà adopté quatre
recommandations au cours des cinq dernières années, marquant sa
préoccupation constante en la matière.
L'Assemblée appuie fortement la Charte européenne des langues
régionales ou minoritaires et la toute récente convention-cadre
pour la protection des minorités nationales, espérant que le plus
grand nombre des Etats membres ratifient ces conventions dans les meilleurs
délais.
Des efforts restent cependant à fournir. C'est pourquoi,
l'Assemblée poursuit son action afin de promouvoir l'efficacité
des instruments juridiques existants.
Le projet de recommandation demande au Comité des ministres :
- que le Comité consultatif, à créer dès
l'entrée en vigueur de la convention-cadre pour la protection des
minorités nationales, soit aussi indépendant, efficace et
transparent que possible.
- d'examiner, en attendant la conclusion des études menées par la
Commission juridique de l'Assemblée et par la Commission
européenne pour la démocratie par le droit, la recommandation de
principe d'un noyau dur de droits susceptibles d'être acceptés par
tous les Etats contractants à la Charte européenne des langues
régionales et minoritaires.
- de conclure, au plus vite et le mieux possible, les travaux sur un projet de
protocole, à la Convention européenne des Droits de l'Homme
" dans le domaine culturel par des dispositions garantissant des
droits
individuels, notamment pour les personnes appartenant à des
minorités nationales ", et de faire le nécessaire pour que
ce protocole soit aussi complet que possible.
Dans ce débat,
M. Serge VINÇON, sénateur
(RPR)
, est intervenu de la façon suivante :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, à
nouveau nous débattons des instruments juridiques de protection des
droits des minorités. Je voudrais exprimer des réserves à
l'égard de certaines des orientations du rapport qui nous est soumis.
" Elles portent d'abord sur la notion même de "minorités
nationales", ensuite sur la substance des droits qu'il conviendrait de
reconnaître en plus des garanties de la Convention européenne des
Droits de l'Homme.
" La notion même de minorités nationales soulève un
problème insoluble : la Convention européenne des Droits de
l'Homme pose elle-même le principe de non-discrimination à raison,
notamment, de l'origine ethnique. En France, d'ailleurs, aucun juge
n'accepterait une distinction dans les droits des minorités selon la
durée de leur présence sur le sol national.
" En toute amitié, je ferai remarquer que l'Allemagne, si elle a
bien signé la convention-cadre sur le droit des minorités, a
assorti sa signature d'une déclaration qu'il convient de citer :
"La convention-cadre ne contient aucune définition de la notion de
minorités nationales. Par conséquent, il appartient à
chaque partie contractante de déterminer les groupes auxquels elle
s'appliquera après la ratification. En République
fédérale d'Allemagne, sont considérés comme
minorités nationales les Danois de nationalité allemande et les
membres du peuple sorabe de nationalité allemande. La convention-cadre
sera également appliquée aux groupes ethniques résidant
traditionnellement en Allemagne, à savoir les Frisons de
nationalité allemande et les Sintis et Rom de nationalité
allemande".
" Il convient également de citer la déclaration
luxembourgeoise : "Le Grand Duché de Luxembourg entend par
"minorité nationale", au sens de la convention-cadre, un groupe de
personnes installées depuis de nombreuses générations sur
son territoire qui ont la nationalité luxembourgeoise et qui ont
conservé des caractéristiques distinctes du point de vue ethnique
et linguistique. Sur la base de cette définition, le Grand Duché
de Luxembourg est amené à constater qu'il n'existe pas de
"minorité nationale" sur son territoire".
" Mes chers collègues, ces deux déclarations excluent les
minorités allogènes.
" En France, aucun juge ne tiendrait compte de telles distinctions au
nom
même du principe de non-discrimination inscrit dans la Convention
européenne des Droits de l'Homme. Cette contradiction démontre
les limites de l'exercice auquel nous voulons nous livrer.
" Les droits des minorités ne peuvent être
véritablement garantis que par un exercice loyal et concret des
dispositions de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
" La consécration par la Convention européenne des Droits de
l'Homme de droits individuels susceptibles de recours devant la Cour
européenne des Droits de l'Homme, juridiction supranationale, aboutit
précisément à garantir les droits de chaque personne
vis-à-vis de l'Etat où elle réside.
" La substance des droits spécifiques qui seraient reconnus aux
minorités nationales ne pose pas moins de problèmes que la
définition même du concept de minorité.
" En effet, soit il s'agit de formulations redondantes par rapport
à la Convention européenne des Droits de l'Homme -libertés
de pensée, de religion, d'expression, droit au respect de la vie
privée par exemple- et alors ces nouveaux instruments juridiques sont
non seulement inutiles, mais source de confusion s'ils comportent quelques
variantes dans la définition des droits garantis ; soit il s'agit
de droits réellement distincts et alors ils seront aussitôt
exploités pour limiter l'application des droits universels reconnus par
la Convention européenne des Droits de l'Homme.
" Ainsi, le droit de préserver "en toute liberté son
identité religieuse, ethnique ou culturelle", notamment contre "toute
tentative d'assimilation" sera revendiqué, n'en doutons pas, par les
activistes islamistes pour demander d'abord la légalisation du foulard
islamique et ensuite l'interdiction des
Versets sataniques
au nom de
l'identité religieuse et culturelle.
" Quelle régression non seulement pour nos sociétés
en général, mais encore pour les personnes appartenant
elles-mêmes à ces minorités ! Savez-vous, mes chers
collègues, qu'on a jugé ici, en Alsace, il y a un an, les membres
d'une famille qui avait décidé la mort de leur fille parce
qu'elle refusait de porter dans son collège le foulard islamique ?
" Non sans difficulté, mon pays s'attache à demeurer
fidèle à sa tradition intégratrice fondée sur
l'assimilation de ceux qui, tout au long de son histoire, ont fait le choix de
s'installer en France. Cette tradition a d'ailleurs ses lettres de
noblesse : Georges Charpack, arrivé en France à
l'âge de sept ans, ne connaissant pas la langue française,
est aujourd'hui l'un de nos prix Nobel.
" Plutôt que de concéder des droits spécifiques,
constitutifs de ghettos communautaires, porteurs de régression et
facteurs de fractures ethniques pour nos sociétés, il convient,
au contraire, de renforcer les capacités intégratrices de nos
institutions collectives, en premier lieu l'enseignement.
" Le droit français qui nous interdit, d'ailleurs, comme l'a
rappelé le Conseil d'Etat, de souscrire à des droits particuliers
limitant l'universalité des libertés individuelles,
résulte du principe superbement énoncé dans la
Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 : "La loi est la
même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse".
" La définition d'instruments abstraits, prétendant
surenchérir sur la Convention européenne des Droits de l'Homme,
en organise, en fait, l'affaiblissement puisque ces droits particuliers seront
interprétés, qu'on le veuille ou non, comme des limitations aux
droits universels.
" Je me félicite, pour ma part, que le Comité des ministres
ait renoncé à s'engager plus avant dans l'impasse de la
définition de "droits culturels". En revanche, je vous invite à
soutenir la pleine application des accords bilatéraux consacrant les
droits de minorités transnationales, sanctionnés dans le Pacte de
stabilité. "
A l'issue de ce débat,
la recommandation n° 1285 et la directive
n° 513 contenues dans le rapport n° 7442 sont adoptées.
8. La stratégie européenne pour les enfants - Interventions de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.) (Mercredi 24 janvier)
Le rapporteur esquisse une stratégie européenne
visant à donner aux enfants, considérés comme des citoyens
à part entière, des droits et des responsabilités.
Les enfants sont les premières victimes des guerres, de la
récession, de la pauvreté et des restrictions budgétaires.
Ils sont également exposés à certaines formes
d'exploitation : travail forcé et tourisme sexuel. Leurs
préoccupations sont rarement prises en compte lors de
l'établissement des budgets, de sorte qu'inévitablement ils sont
parcimonieusement servis, surtout en période de récession, ou
dans les pays en phase de transition vers l'économie de marché.
Les Gouvernements doivent faire des droits des enfants une priorité
politique, déclare le rapporteur. Parmi ses propositions figurent
l'institution de médiateurs, l'évaluation des incidences sur les
enfants des nouvelles politiques, la garantie de ressources financières
suffisantes pour répondre à leurs besoins par
l'intermédiaire de l'école, de la télévision et de
lignes téléphoniques gratuites, ainsi qu'un réexamen de
l'âge auquel les adolescents peuvent bénéficier du droit de
vote.
Enfin, le rapporteur exhorte tous les Gouvernements à ratifier la
Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant et les conventions du
Conseil de l'Europe visant à aider les enfants, en particulier la
nouvelle convention sur l'exercice des droits des enfants, qui sera ouverte
à la signature dans le courant de ce mois.
M. Jean VALLEIX, député
(RPR)
, est intervenu
dans le débat en ces termes :
" Mes chers collègues, je ne vous le cacherai pas, l'orientation du
rapport me cause quelques préoccupations.
" Je voudrais vous dire, d'entrée, deux choses.
" D'une part, il faut savoir gré à notre Commission de
s'être saisie du sujet, un sujet malheureusement d'actualité et un
sujet moralement, j'allais dire affectivement, très important.
" D'autre part, je suis très touché par les remarques
très pertinentes de Mme Alicja Grzeskowiak.
" Je n'ignore pas, à l'instar de chacun de nous ici, que le nombre
des familles en situation précaire, sur le plan économique mais
aussi sur les plans psychologique et affectif, ne cesse de croître. Cet
aspect familial est préoccupant. Cependant, je crains que les
dispositions que contiennent le projet de recommandation et le projet de
directive n'aillent parfois à l'encontre de l'intérêt des
enfants.
" Toutes les observations des psychologues et des psychanalystes
corroborent aujourd'hui les idées de la vieille sagesse populaire selon
laquelle la famille est le lieu privilégié
d'épanouissement de l'enfant. Je regrette à cet égard que
le projet de recommandation organise le conflit intrafamilial plutôt
qu'il ne cherche à le résoudre.
" Certes, il y a des situations qui imposent de soustraire l'enfant au
milieu familial - maltraitance, inceste, par exemple. En revanche, nombre
de situations de crise peuvent évoluer, soit vers un apaisement qui
maintiendra la cellule familiale, soit vers une dislocation le plus souvent
hautement conflictuelle et dont les enfants sont toujours, comme l'observe
d'ailleurs notre rapporteur, les premières victimes.
" Or, le projet de recommandation tend tout entier à organiser la
recherche d'une solution de la crise familiale comme si le problème
était insoluble, en faisant intervenir un
ombudsman
, des avocats,
enfin toute une machinerie judiciaire qui ne peut qu'exacerber les
difficultés initiales. Le projet de recommandation vise en effet
à renforcer les nouvelles dispositions de la Convention
européenne des Droits de l'Homme, que notre Comité des ministres
a acceptées le 8 septembre dernier, sans trop nous consulter
d'ailleurs.
" Je suis d'autant plus à l'aise pour parler de ce sujet que, dans
mon pays, la France, il existe une ligne téléphonique gratuite
où les enfants peuvent parler des mauvais traitements ou des abus qu'ils
subissent. De même, les juridictions comportent des chambres des affaires
familiales, point d'aboutissement des procédures malheureusement
engagées. Je regrette à nouveau qu'on privilégie la seule
approche judiciaire en traitant l'enfant comme une personne miniature, à
partir d'une nouvelle vision que je considère fallacieuse.
" Je crois au contraire qu'il faut développer l'aide à la
résolution des difficultés familiales et éviter
l'éclatement des familles. Est-ce un progrès que dans tel pays
d'Europe les divorces l'emportent sur les mariages ? Du point de vue de
l'enfant, ce n'est jamais un succès, et c'est même souvent un
drame. Nous devrions appliquer beaucoup plus sévèrement les
dispositions réprimant l'abandon de famille, par exemple le non-paiement
des pensions alimentaires ou les entraves au droit de visite, qu'il s'agisse du
père ou de la mère. Il faut privilégier le droit de
l'enfant à des relations équilibrées avec son père
comme avec sa mère sans se fonder sur le caprice et
l'irresponsabilité des adultes qui prennent le masque commode de la
liberté individuelle. Nous touchons là à un
problème très profond en vérité et dont l'approche
par le projet de recommandation me laisse quelque peu sur ma faim et
m'inquiète.
" En définitive, il y a, c'est vrai, le droit à la vie.
L'enfant a aussi le droit à être défendu, il a droit
à l'affection et, pourquoi pas, à l'amour des siens. Bref,
l'approche n'est pas vraiment satisfaisante dans le rapport, et je le regrette.
Mais tout cela est à la fois amendable et perfectible dans nos travaux
futurs.
" En conclusion, je souhaite qu'on puisse prendre ces remarques en
considération de façon que nous n'en restions pas là tant
le sujet est d'importance et le devoir considérable. C'est une affaire
de droit et aussi, ô combien, de cœur ! "
A son tour,
M. Nicolas ABOUT, sénateur
(Ap. RI)
, a pris la
parole en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, si les
enfants, en Europe encore plus qu'ailleurs, disposent d'un important arsenal
juridique leur reconnaissant des droits, le respect de ces droits et leur
connaissance par les enfants restent insuffisants.
" Qu'il s'agisse du travail des mineurs, de leur protection contre les
différentes formes de maltraitance, de la non-intégration de
l'enfant handicapé dans la société et donc de son
accès au marché du travail, de la prise en charge de l'orphelin
ou encore des conditions d'adoption, il reste de nombreux droits à
réaffirmer et à faire respecter.
" En ce qui concerne le sport de haut niveau, le code européen
d'éthique sportive qui rappelle la primauté de la santé,
de la sécurité et du bien-être sur la réputation
d'un club ou l'autosatisfaction d'un parent est souvent bafoué.
" Dans un monde complexe, en pleine mutation, l'enfant est la
principale
victime des agressions de cet univers commandé par les adultes. Il faut
notamment souligner le scandale que représentent le commerce des enfants
et la prostitution infantile, organisée comme une activité de
détente pour des occidentaux en manque d'exotisme ou de je ne sais quoi
d'autre, sans parler des réseaux télématiques qui se
multiplient autour d'Internet, nouveau lieu de la propagande pédophile.
" L'enfant victime des malveillances et des déviances de l'adulte
doit disposer d'instruments légaux qui lui assurent une meilleure
protection. Il est donc souhaitable que soit renforcée la
législation à l'encontre des adultes qui se rendent coupables
d'actes portant atteinte à l'intégrité physique et morale
de l'enfant.
" Le Conseil de l'Europe se doit de mettre en place une politique de
l'enfant en encourageant les Etats membres à accorder une
priorité à la question de l'enfant tant au niveau de son
éducation qu'à celui de la place qu'il doit occuper dans la
société, une priorité qui doit également être
donnée à l'intégration politique et culturelle des enfants
d'origine étrangère, laquelle passe, notamment, par la
scolarité obligatoire, selon les règles de la
laïcité, seule garantie de la liberté de l'enfant, et par
l'apprentissage prioritaire des langues européennes.
" L'Europe est un continent vieillissant. Les dernières
études démographiques montrent d'ailleurs une inquiétante
chute de la natalité dans les pays d'Europe centrale et orientale ;
il est temps de réagir en déclarant l'enfant comme la
priorité du siècle prochain, car il est l'élément
moteur de l'avenir du continent.
" Si nous ne savons pas protéger et accueillir les futurs
bâtisseurs de l'Europe, il est à craindre que nous ne perdions des
batailles importantes dans le domaine culturel et technologique. L'Europe doit
donc accroître et promouvoir sa première richesse -sa jeunesse-
nouvelle source de lumière pour notre continent.
" La création d'une structure permanente au Conseil de l'Europe,
chargée des questions relatives aux enfants, est nécessaire,
c'est vrai, mais est-elle indispensable dans la mesure où une telle
structure existe déjà à l'ONU ? Notre
Assemblée serait mieux inspirée en adoptant une convention
européenne relative aux droits de l'enfant plus respectueuse des droits
de l'enfant que la Convention de l'ONU qui, par volonté de consensus, a
accepté des dispositions très dangereuses pour l'enfant.
" Par exemple, les Européens peuvent-ils se contenter de
l'article 38 exigeant que les enfants de moins de 15 ans ne soient
pas engagés dans les conflits ? Ne peut-on pas faire mieux en
Europe ? Il nous appartient aussi de protéger les enfants des
dérives pseudo-religieuses de leurs parents.
" Autre exemple : un enfant retrouvé, une balle dans la
tête et calciné, a-t-il réellement exercé son droit
à la liberté de pensée, de conscience ou de
religion ? Les drames récents concernant différentes sectes
suffisent à nous imposer une convention européenne d'une plus
grande exigence que celle de l'ONU.
" Enfin, il est un droit de l'enfant que nous transgressons trop
souvent
et qu'il conviendrait de réaffirmer : celui d'avoir le plus
possible près de lui au moins l'un de ses parents, car les parents sont
les premiers responsables de l'enfant.
" De même, il est un autre droit de l'enfant sur lequel il
conviendrait de réfléchir, celui de connaître ses origines,
ses parents, car quand ce droit est bafoué -ce qui est trop souvent le
cas- cela entraîne beaucoup de perturbations chez les enfants.
" Mes chers collègues, l'enfant qui naît aujourd'hui sera
dans vingt ans un citoyen européen à part entière. La
monnaie, le passeport, la culture, tout lui rappellera son appartenance
à l'Europe. Les adultes, responsables politiques que nous sommes,
doivent préparer son avenir en le protégeant des dangers du monde
dans lequel il grandira ".
Enfin,
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.)
, est
intervenue de la façon suivante :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, je souhaite
vous faire part de ma déception devant la frilosité des
propositions qui nous sont soumises, sous le titre pourtant prometteur
d'"une
stratégie européenne pour les enfants".
" Je note d'ailleurs que le Comité des ministres a achevé la
rédaction de la Convention européenne sur l'exercice des droits
des enfants le 8 septembre dernier, sans associer véritablement
l'Assemblée parlementaire à l'élaboration de ce texte.
Cette convention du Conseil de l'Europe a le mérite d'exister, mais elle
est totalement inadaptée à l'ampleur des difficultés et
des sévices dont souffrent actuellement de trop nombreux enfants,
partout dans le monde, y compris en Europe.
" En effet, la convention du Conseil de l'Europe se limite à un
renforcement de la procédure pour la mise en œuvre des droits
énoncés par la convention des Nations Unies.
" Cette convention de l'ONU a été arrêtée
à New York le 26 janvier 1990. Elle constitue un
compromis minimal entre des Etats aux coutumes, aux orientations politiques et
aux niveaux de développement différents et très
hétérogènes.
" Ainsi, les droits énoncés sont le plus petit
dénominateur commun pour des Etats qui se réclament certains de
la charia, d'autres d'un étatisme fort, d'autres encore de
systèmes démocratiques plus équilibrés.
" Bien évidemment, j'approuve l'invitation de notre rapporteur
à signer et à ratifier au plus vite cette convention des
Nations Unies comme la France l'a d'ailleurs fait, dans un délai de
six mois, le 2 juillet 1990.
" Cependant, je ne peux pas, pour ma part, me contenter d'appuyer la
mise
en œuvre d'un texte insuffisant. Or, c'est bien le seul objet de la
Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants, et,
à mon grand regret, le seul objet également du projet de
recommandation qui nous est soumis.
" Pourquoi le Conseil de l'Europe renonce-t-il à imposer des
objectifs plus ambitieux et plus élevés que ceux qui ont
recueilli un consensus minimal à l'ONU ?
" Pourquoi notre Assemblée renoncerait-elle à inciter nos
Gouvernements à améliorer cette convention et à consacrer,
dans un document spécifique, des droits dont une expérience
récente rend la reconnaissance indispensable ?
" Je citerai quelques exemples.
" Combien d'enfants, mes chers collègues, sont morts dans
deux villages suisses au cours de l'incendie qui a dévasté
les lieux de réunion de la secte dénommée "Temple
solaire" ? Combien sont morts de la même façon, moins d'un an
après, dans une forêt des Alpes françaises ?
" Les dispositions de la convention des Nations Unies sur la
liberté de pensée des enfants sont totalement inadaptées
à la répression de pareilles dérives qui constituent en
fait des assassinats individuels et collectifs.
" L'article 14 de la convention de l'ONU énonce : "les
Etats Parties respectent le droit de l'enfant à la liberté de
pensée, de conscience et de religion (...). Les Etats respectent le
droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des
représentants légaux de l'enfant de guider celui-ci dans
l'exercice de ce droit d'une manière qui corresponde au
développement de ses capacités". Ces principes sont repris dans
l'article 21 de notre rapport.
" Les limites posées par la convention ne visent que certains
intérêts de la collectivité elle-même ou encore
certains droits d'autrui, mais la convention n'offre aucune base juridique pour
empêcher les abus qui résultent de l'enrôlement d'enfants
souvent très jeunes dans des sectes.
" Peut-on parler de liberté de religion quand il s'agit des trois
enfants de 6 ans, 4 ans et 2 ans, qui ont été
tués par balle avant d'être arrosés d'essence et
brûlés, au nom des règles des adeptes de la secte du Temple
solaire ?
" La liberté de religion des adultes cesse-t-elle devant le droit
à la vie des enfants protégés par la collectivité,
le cas échéant, contre les parents eux-mêmes ?
" Parmi les droits ignorés par la convention des
Nations Unies, il y a aussi la protection de l'intégrité
physique des enfants contre des mutilations appliquées au nom de
prétendues coutumes culturelles.
" Il y a des millions d'immigrés d'origine africaine
installés dans les Etats européens. Beaucoup ont d'ailleurs la
nationalité du pays d'accueil, notamment en France. Or, dans les
communautés qu'ils constituent par affinités d'origines, ces
coutumes se perpétuent. Il y a visiblement dans nos Etats
européens une hésitation sur la base juridique d'une
éventuelle répression de sévices physiques infligés
aux enfants et aux petites filles sans intention de nuire. Il faut que les
Gouvernements clarifient l'interprétation des dispositions
pénales réprimant les violences à enfants pour que
certaines pratiques soient sanctionnées. Et la coutume cédera.
" J'ai cité l'exemple des enfants victimes des sectes et j'ai
évoqué la mutilation des petites filles pour démontrer
l'inadaptation des textes actuels et par conséquent l'insuffisance d'une
recommandation qui ne viserait qu'à un renforcement procédural.
" Il me semble urgent, mes chers collègues, d'élaborer une
convention européenne qui affirme une conception des droits des enfants
plus exigeante que celle des Nations Unies, quelles que soient l'origine
ethnique, les traditions, ou les convictions pseudo-religieuses ou
philosophiques de leurs parents.
" Je voterai en faveur du projet de recommandation, mais j'espère
que nous ne nous en tiendrons pas à cette démarche trop
timide. "
Au terme de ce débat et
délibérant du rapport 7436,
l'Assemblée a adopté la recommandation n° 1286 et la
directive n° 514
.
9. La situation dans certains pays de l'ancienne Yougoslavie (Mercredi 24 janvier)
Faisant l'objet d'une discussion commune, les deux rapports
sont présentés successivement, le premier portant sur " les
réfugiés, les personnes déplacées et la
reconstruction dans certains pays de l'ancienne Yougoslavie ".
Selon les rapporteurs, l'accord pour la paix en Bosnie-Herzégovine,
conclu le 21 novembre 1995 à Dayton (Etats-Unis), représente une
chance réelle de mettre fin au conflit le plus tragique que l'Europe ait
connu depuis la Deuxième Guerre mondiale -plus de 220.000 personnes ont
été tuées, quelque 160.000 blessées, 23.000 sont
disparues. Quatre millions de personnes ont été forcées
à quitter leur foyer, dont la plupart ne sont toujours pas revenues et
continuent de dépendre de l'assistance humanitaire.
Cet accord signifie également le point de départ d'un effort
global de reconstruction -les dommages matériels causés par la
guerre sont estimés en dizaines de milliards de dollars, sans compter
les déchirures du tissu social dont le rétablissement sera encore
plus difficile. Le retour des réfugiés et des personnes
déplacées est un élément essentiel de la
reconstruction, mais il doit se faire volontairement et graduellement, dans la
dignité et en respectant les droits de l'homme.
Le Conseil de l'Europe est extrêmement bien placé pour contribuer
à cette reconstruction dans les domaines de sa compétence. Par
conséquent, l'Assemblée recommande au Comité des ministres
de mettre en oeuvre un programme d'assistance en faveur de l'Ex-Yougoslavie, de
créer une structure chargée de sa réalisation et de
demander aux Etats membres de contribuer à son financement.
Le deuxième rapport, quant à lui, porte sur la situation des
demandeurs d'asile albanais du Kosovo. Le rapporteur se déclare inquiet
des violations des droits de l'homme et de la discrimination ethnique
perpétrées à l'encontre des Albanais du Kosovo dont
340.000 ont demandé asile en Europe.
Pour ce qui concerne les demandeurs d'asile déboutés, il demande
aux Etats membres du Conseil de l'Europe de renoncer à les renvoyer par
la force et de leur accorder une protection jusqu'au moment où la
situation des droits de l'homme leur permettra de rentrer au Kosovo en toute
sécurité et dignité.
Il en appelle également aux autorités de Belgrade, -qui refusent
aujourd'hui la réadmission des demandeurs d'asile
déboutés-, afin qu'elles garantissent le retour dans leurs foyers
aux Albanais du Kosovo, conformément aux règles du droit
international.
Pour ne pas aggraver les tensions entre Serbes et Albanais du Kosovo, le
rapporteur demande aux Gouvernements de la République
fédérale de Yougoslavie et de la République de Serbie de
renoncer à leurs projets de réinstallation massive et
systématique de Serbes au Kosovo.
Enfin, s'adressant aux autorités de Belgrade aussi bien qu'aux Albanais
du Kosovo, il les encourage à rechercher un cadre permettant une
coexistence pacifique au Kosovo, dans le respect des droits politiques,
culturels, sociaux et économiques des uns et des autres.
A l'issue du débat,
la recommandation n° 1287 contenue dans le
rapport 7440, la résolution n° 1077, la recommandation n°
1288 et la directive n° 515, figurant dans le rapport 7444, sont
adoptées
.
10. La demande d'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe - Interventions de MM. Jacques BAUMEL, député (RPR), Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.), Jean de LIPKOWSKI, député (RPR), Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), Jean BRIANE, député (UDF), et Jean SEITLINGER, député (UDF) (Jeudi 25 janvier)
Compte tenu de la poursuite des réformes juridiques,
politiques et économiques en Russie, selon le rapporteur, les assurances
données par les autorités russes -notamment pour la recherche
d'une solution politique du conflit en Tchétchénie- et des
engagements auxquels elles ont souscrit, la Commission politique recommande
à l'Assemblée de voter en faveur d'une invitation de la Russie
à devenir membre du Conseil de l'Europe.
Parallèlement, elle suggère que l'Assemblée renforce ses
procédures et moyens de contrôle du respect des obligations et
engagements. Une liste des engagements contractés par la Russie figure
dans le projet d'avis.
Enfin, la Commission politique recommande que dix-huit sièges soient
attribués à la Russie. Elle propose également que le
Comité des ministres adapte les moyens et les capacités de
l'Organisation aux conséquences de cette adhésion.
M. Jacques BAUMEL, député
(RPR)
, intervient
dans le débat en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, avant de
commencer mon exposé, je veux remercier notre rapporteur M.
Muehlemann, pour l'inlassable travail qu'il poursuit depuis de longues
années, parfois dans des circonstances très difficiles. Il est
juste de lui rendre hommage quelles que soient les opinions que nous puissions
avoir sur ce sujet historique. J'associe à ces remerciements notre
collègue, M. Seitlinger, mon compatriote, car il a fait preuve
également de beaucoup de sérieux et de dévouement.
" Qui se rend compte dans cet hémicycle que nous sommes devant une
décision historique ? Que ce débat risque d'entraîner
des conséquences, quelles que soient les réponses que nous
donnerons ce soir ?
" Je dégagerai d'abord une idée générale. En
dehors peut-être de quelques rares milieux politiques européens,
il est évident que tout le monde est d'accord pour que la Russie ait sa
place, toute sa place, en Europe. Quand on est un homme d'Etat tourné
vers l'avenir, on ne peut pas imaginer une architecture politique,
économique ou stratégique de l'Europe sans une place pour la
Russie. Ce serait un très mauvais calcul que de la repousser d'où
elle vient à cause de certains aspects de son histoire, et de la rendre
plus asiatique qu'européenne.
" Déjà, trop de peuples russes, trop de citoyens,
considèrent que ce pays est isolé, qu'il n'est pas pris
suffisamment en compte, ce qui alimente l'anti-occidentalisme qui a parcouru
toute l'histoire de la Russie, depuis ses origines, et qui tend à faire
de Moscou la troisième Rome après Byzance.
" Aujourd'hui, nous sommes devant un choix extrêmement dramatique.
Nous voulons affirmer notre solidarité avec le peuple russe qui a subi
des épreuves tragiques tout au long de son histoire. C'est
Le malheur
russe
selon le titre d'un livre de politologie. Mais, en même temps,
nous devons faire respecter l'honneur de notre Assemblée, les droits
imprescriptibles que sont les droits de l'homme, le rôle de la
démocratie. Il faut bien dire que les événements
récents ne facilitent pas ce choix particulièrement dramatique.
Il est évident que, devant la lourde succession de faits que l'on
dénonce depuis des jours et des semaines, le choix devient de plus en
plus difficile.
" Finalement, si on veut écarter les passions malsaines, les partis
pris systématiques de certains, si on entend rester fidèle
à une conception très élevée de notre devoir,
deux questions se posent.
" Première question : l'adhésion de ce grand pays
qu'est la Russie au Conseil de l'Europe peut elle renforcer, de façon
très forte, les aspects démocratiques et favoriser la
démocratisation, alors que la Russie n'est pas encore totalement un Etat
de droit ?
" Si nous avions la conviction que cette décision peut jouer un
rôle essentiel dans cette démocratisation, tous les doutes
seraient balayés. Malheureusement, nous n'en sommes pas sûrs.
C'est un peu ce que nous appelons en France le "pari pascalien", du
nom du
grand philosophe chrétien. C'est un grand pari que nous prenons et dans
ce pari tout le monde a raison et certains ont peut-être tort. Nous ne
pouvons pas savoir quels seront les effets de cette adhésion dans la
grande masse de la Russie profonde -et pas dans les cercles d'intellectuels, de
journalistes ou de politiques des deux ou trois grandes villes.
" Deuxième question : devons-nous vraiment prendre une
décision immédiatement, après des élections
législatives que certains ont examinées de près et qui se
sont déroulées, il faut le dire, dans de parfaites conditions
démocratiques - cela est d'autant plus inquiétant qu'elles
ont révélé une profonde poussée nationaliste et
néocommuniste qui pèse aujourd'hui sur le pays et dont on ne sait
pas ce qu'elle deviendra, et avant une élection présidentielle
dont nul aujourd'hui ne peut présager du résultat ?
" C'est une question posée par des gens de bonne volonté,
qui ne sont nullement des partisans, mais qui s'interrogent. Le malaise qui
pèse sur nous depuis quelques jours, en dehors des pressions excessives
et, par certains côtés, scandaleuses, venant de
l'extérieur, nous place vraiment devant un choix important.
" Je crois, par conséquent, que le problème reste entier. Il
faudra examiner très attentivement les amendements et s'assurer, de
toute façon, des garanties, des assurances formelles, afin de pas donner
un chèque en blanc à un Etat, quel qu'il soit.
" C'est la raison pour laquelle je considère qu'au-delà du
débat politique c'est une question de conscience personnelle, une
question de conscience morale, pour chacun d'entre nous. Ainsi, nous pourrons
mieux répondre à la tragique interrogation qui nous est
posée aujourd'hui ".
M. Jean-Pierre MASSERET, sénateur
(Soc.)
, intervenant
dans le débat, fait les observations suivantes :
" Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, au moment de nous
prononcer sur la demande d'adhésion de la Russie, nous devons nous poser
deux questions. Où est l'intérêt de l'Europe ? Quel
est l'intérêt de la démocratie ?
" Pour ce qui est de l'intérêt de l'Europe, il faut ici se
rappeler que notre projet politique est de rassembler, dans un espace
démocratique commun, ouvert à l'ensemble des pays du continent
européen. Or, la Russie fait partie de l'Europe.
" Notre projet politique est de promouvoir un modèle
démocratique apportant le progrès économique, le
progrès social, la paix et la sécurité. Cependant, pour
être au niveau de ces enjeux que le monde lui fixe, que nous nous fixons
à nous-mêmes, encore faut-il que l'Europe soit
rassemblée !
" Si bien qu'aujourd'hui refuser l'adhésion de la Russie, c'est
diviser l'Europe. Refuser l'adhésion de la Russie, c'est constituer une
nouvelle barrière -certains ont parlé ce matin d'un nouveau mur.
Refuser l'adhésion de la Russie, c'est la pousser à se
détourner de l'Europe, à se détourner de notre
Organisation démocratique et à chercher d'autres réponses
en dehors de cette enceinte de la démocratie. Refuser l'adhésion
de la Russie, c'est renouveler les erreurs du traité de Versailles.
" Face à l'intérêt de l'Europe, que chacun aura
compris, examinons la situation de la démocratie en Russie. Il est vrai
que des questions se posent.
" L'affaire de Tchétchénie est une réalité que
l'on ne peut nier. Il faut que nous travaillions ensemble à y apporter
des réponses politiques, des réponses pacifiques. Les
insuffisances de la démocratie en Russie sont une réalité.
Le développement des zones grises en sont une autre.
" En regard de ces points noirs, ne méconnaissons pas les
progrès qui ont été réalisés dans des
domaines qui sont de notre compétence. Des élections libres sont
intervenues plusieurs fois depuis quatre ans, date de la première
demande d'adhésion déposée par la Russie. Le pluralisme
politique existe. Un Etat de droit s'édifie pierre après pierre.
Les libertés fondamentales émergent et irriguent l'ensemble de la
société, sans doute trop lentement, mais réellement.
" Il faut, mes chers collègues, que nous soyons exigeants. Il faut
que nous soyons vigilants. Il faut également que nous soyons justes.
Nous ne pouvons pas, dans le domaine de la démocratie, exiger de la
Russie un comportement à l'égal de nos propres comportements,
notamment en Europe occidentale, dans une société
démocratique que nous avons mis plusieurs siècles à
élaborer. Si bien que, malgré nos interrogations, il faut que
nous ayons confiance en nous-mêmes. Notre Assemblée est la mieux
placée pour permettre à la Russie de gagner la bataille de la
démocratie.
" Pensons, mes chers collègues, au peuple russe. Craignons les
forces nationalistes qui se nourriront de l'isolement de la Russie. L'isolement
de la Russie sera source de danger pour la sécurité de l'Europe
tout entière.
" Refuser l'adhésion de la Russie aujourd'hui, c'est favoriser les
forces nationalistes, asseoir l'isolement de la Russie, c'est donc faire peser
une menace sur notre sécurité commune.
" Pour ces raisons, brièvement exposées, Monsieur le
Président, je me prononce en faveur de l'adhésion de la Russie au
Conseil de l'Europe. "
M. Jean de LIPKOWSKI, député
(RPR)
, a
pris à son tour la parole en ces termes :
"
Pour prendre notre décision, sans doute la plus importante
depuis que notre Organisation existe, je pense qu'il faut nous poser
trois questions.
" Premièrement, l'entrée de la Russie constitue-t-elle un
élément positif pour l'Europe, sa sécurité et sa
stabilité ?
" Certains de nos collègues sont réticents pour des raisons
émotionnelles qui tiennent au passé. Les vieilles peurs
resurgissent et je peux parfaitement les comprendre. Mais la question que je
leur pose est la suivante : se sentiraient-ils davantage en
sécurité si nous fermions notre porte à la Russie ?
" Nous encouragerions les tendances ou les dérives
inquiétantes qui se manifestent depuis quelque temps dans la politique
russe. Les éléments ultra-conservateurs exploitent un certain
nombre de frustrations, que, naturellement, je ne prends pas à mon
compte, mais que je constate.
" Après l'effondrement de l'URSS, la diplomatie russe a choisi
résolument d'abandonner la confrontation pour une coopération
confiante avec l'Occident, en espérant entrer dans nos organisations.
Espoirs déçus : pas question de la faire entrer dans l'Union
européenne ; elle attend toujours que soit ratifié l'accord
de partenariat que nous avons signé avec elle ; elle voit avec
inquiétude l'élargissement de l'OTAN, car elle considère
que nous ne lui avons pas trouvé une place satisfaisante dans
l'architecture de sécurité européenne ; elle n'est
toujours pas admise au G7, ni à l'OCDE, ni chez nous.
" Elle a l'impression -humiliation suprême- de faire antichambre
tandis qu'elle voit d'anciens sujets admis avant elle au Conseil de l'Europe,
lesquels n'ont pourtant pas fait autant de chemin vers la démocratie.
Deux poids, deux mesures. Elle a l'impression de ne pas être
traitée selon son rang de grande puissance, que ce soit dans le
processus de paix au Moyen-Orient ou dans les Balkans.
" Ces frustrations permettent d'alimenter la campagne des
ultra-conservateurs à partir de la vieille notion de l'ennemi
extérieur, ce qui conduit à l'affrontement et non plus à
la coopération avec l'Occident.
" Naturellement, je ne prends pas à mon compte cette analyse d'une
Russie systématiquement isolée, ignorée ou même
méprisée par nous. Je dis uniquement que c'est un thème
commode pour les nostalgiques de l'ancien régime qui veulent
reconstituer l'URSS. Malheureusement, les dernières élections en
Russie prouvent qu'ils ne sont pas restés inertes. L'élimination
de M. Kozirev est d'ailleurs un signe inquiétant du durcissement de
la politique soviétique.
" Alors, prenons garde ! Un vote négatif encouragerait les
ultra-conservateurs à mobiliser l'opinion russe contre nous. On en
reviendrait à la "guerre froide" et à la coupure de l'Europe en
deux. Par contre, accueillir la Russie parmi nous nous permettrait de
créer des liens de partenariat et de confiance qui donneront un
encouragement puissant à tous les réformateurs qui
répudient la reconstitution des blocs.
" Deuxième question : l'entrée de la Russie
constituerait-elle ou non une victoire pour la démocratie ? A
l'évidence, oui.
" Notre Organisation est la seule qui puisse encourager, conduire et
guider la Russie vers l'établissement d'une démocratie
complète. Or, certains signes montrent qu'elle n'est pas à l'abri
d'un retour en arrière vers un régime fascisant qui exploiterait
l'échec économique et l'humiliation nationale. Des forces
rétrogrades travaillent dans ce sens. En lui fermant la porte, quelle
prise aurions-nous sur la Russie pour éviter cette détestable
dérive et encourager l'évolution démocratique ?
Aucune. Tout ce que la Russie a accompli sur le chemin de la démocratie,
c'est à nous qu'elle le doit.
" Pour satisfaire à toutes nos exigences, elle a instauré la
liberté d'expression, s'est donnée une Constitution, a
procédé à des élections libres. Naturellement -et
nos rapporteurs l'ont justement souligné-, bien du chemin reste à
faire, mais elle est en transition vers un Etat démocratique ; elle
s'y achemine pas à pas. De surcroît, elle prend des engagements
comme son adhésion à la Convention européenne des Droits
de l'Homme, avec droit de recours individuel.
" N'oublions pas qu'en cas de manquement grave ou de retour en
arrière nous avons toujours la possibilité d'une sanction,
c'est-à-dire la mise en congé, comme on le fit jadis pour la
Grèce des colonels et pour la Yougoslavie.
" Troisième et dernière question : l'entrée de
la Russie est-elle un élément positif pour notre
Organisation ?
" La réponse est claire : un vote négatif
réduirait considérablement le rôle du Conseil de l'Europe.
Beaucoup de ses membres sont candidats à l'entrée dans l'Union
européenne, si bien que le Conseil de l'Europe risque d'en devenir une
succursale ou un musée des droits de l'homme.
" Dans ce cas, Moscou a une politique de rechange. Elle se tournera
vers
l'OSCE où elle jouera activement son rôle dans la
sécurité européenne. Elle tâchera notamment d'y
développer un mini-conseil de sécurité pour l'Europe,
où un siège permanent lui sera garanti.
" En revanche, l'entrée de la Russie donnera à notre
Organisation un nouvel élan et une grande autorité. Nous serons
la seule organisation paneuropéenne, puisque l'OSCE comprend les
Etats-Unis et le Canada. Nous serons le seul forum de dialogue incluant tous
les pays d'un continent européen que nous aurons enfin
réconcilié avec lui-même grâce à
l'émergence d'une Russie démocratique qui, pour la
première fois depuis soixante-quinze ans, pourra jouer pleinement
son rôle dans la grande famille démocratique européenne.
" Ce vote est historique. Chacun comprendra que de nous dépend
aujourd'hui l'avenir de la stabilité et de la paix en Europe. Faisons
confiance à nos rapporteurs qui l'ont dit.
" Je voterai pour l'entrée de la Russie au Conseil de
l'Europe. "
M. Nicolas ABOUT, sénateur
(Ap. RI)
, intervient dans
le débat en ces termes :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, notre
Assemblée, en se prononçant sur l'adhésion de la Russie,
doit être consciente de ses responsabilités et de l'enjeu que
représente cette nouvelle étape dans l'histoire du Conseil de
l'Europe.
" L'histoire de l'Europe et celle de la Russie se confondent depuis
plusieurs siècles. Il serait anormal que le Conseil de l'Europe laisse
sur le bord de la route une grande nation européenne. La Russie a besoin
de l'Europe pour supporter la difficile transition économique qui
s'opère depuis la chute de l'URSS.
" La libéralisation économique a entraîné son
lot de misères et d'exclus qui deviennent nostalgiques de
l'époque soviétique ou qui se mettent à croire en un
nationalisme extrémiste qui porte en son idéologie les dangers
passés.
" Les Européens doivent participer au redressement de
l'économie russe, car il s'agit de l'avenir d'un pays plein de
potentialités, le plus peuplé d'Europe.
" Sur les plans politique et culturel, la pratique de la démocratie
a fait défaut jusqu'à ces dernières années, bien
que des progrès indéniables aient été accomplis
dans la voie des réformes, dans un pays, ne l'oublions pas, sans
tradition démocratique. La corruption au sein de l'Etat et les multiples
activités des mafias mettent en péril la toute jeune
démocratie russe. Il est à craindre que si l'on abandonne la
Russie à son triste sort ces dérives prennent des proportions
préjudiciables pour l'avenir du pays.
" Forte de son expérience en la matière, l'Europe
occidentale peut contribuer au renforcement de la démocratie en Russie.
Intégrée aux structures du Conseil de l'Europe, la Russie sera
conduite à améliorer les conditions de la détention
pénitentiaire et à régler ses problèmes de
minorités, nombreuses au sein de la Fédération de Russie,
par des voies pacifiques.
" L'adhésion au Conseil de l'Europe doit être un signe
d'encouragement pour les autorités russes et le mouvement
réformateur, ainsi que le moyen pour les Européens de s'assurer
que la démocratisation se poursuivra.
" L'Europe a également besoin de la Russie, car le rendez-vous de
l'unité européenne est arrivé après des
siècles de déchirures et d'intrigues. Comment concevoir la
construction européenne sans prendre en compte la nation russe ?
Son histoire et sa culture se mêlent à nos histoires et à
nos cultures.
" Des défis aussi importants que la sécurité
européenne, l'avenir des centrales nucléaires à l'est,
l'environnement ou les droits de l'homme, des enfants ou des minorités
nationales ne peuvent trouver des solutions satisfaisantes sans la
participation de la Russie aux différentes institutions
européennes qui abordent ces questions.
" Cette adhésion permettra également à la Russie de
développer et d'améliorer ses relations avec certains Etats
voisins, membres du Conseil de l'Europe. C'est donc un facteur de
stabilité dans une région aux contentieux frontaliers multiples.
" Madame la Présidente, mes chers collègues, M. Jirinovsky
vient de nous refaire le numéro qu'il a fait ce matin devant la presse,
numéro, d'ailleurs, qu'il a complété par des
déclarations sur notre Conseil, estimant que nous n'étions ici
qu'une Assemblée de parlementaires en mal de discours et que les
étoiles européennes craignaient la Russie.
" Ne tombons pas dans la provocation. Ne jouons pas le jeu de
M. Jirinovsky. Nous ne construisons pas aujourd'hui l'Europe pour Eltsine
ou pour Jirinovsky. Notre rôle est de construire, par nous-mêmes,
pour nos enfants et nos petits-enfants, une Europe plus respectueuse de ses
enfants et plus paisible que celle du XX
e
siècle.
" C'est la raison pour laquelle je voterai tout à l'heure en faveur
de l'adhésion. "
M. Jean BRIANE, député
(UDF)
, s'exprime dans
le débat en ces termes :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, c'est parce que
le Conseil de l'Europe a des exigences que l'admission de la
Fédération de Russie en son sein a fait l'objet d'un ajournement.
Aujourd'hui, nous sommes de nouveau appelés à nous prononcer. Il
convient en effet de dire très clairement si oui ou non nous sommes
favorables à son entrée.
" Les excellents rapports dont nous avons pris connaissance avec la
plus
grande attention nous éclairent sur la situation actuelle en Russie. Je
remercie les rapporteurs de la qualité de leurs travaux. Ce grand pays,
la Russie, remplit-il toutes les conditions pour son admission à part
entière et sans nouveau délai au Conseil de l'Europe ?
Objectivement, je dois répondre non.
" Il est bon de rappeler les exigences du Conseil de l'Europe
vis-à-vis des Etats membres, concernant le strict respect des droits de
l'homme et des libertés, et la pratique de la démocratie
pluraliste.
" Tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, je dis bien tous,
ont les
mêmes droits et les mêmes devoirs. Le Conseil de l'Europe doit
être cohérent avec lui-même et avoir exactement les
mêmes exigences envers chaque Etat membre. Le Conseil de l'Europe n'est
pas une auberge espagnole où chacun peut entrer quand il l'entend et
comme il l'entend. C'est une communauté de pays qui a ses règles
et chacun doit s'y soumettre. Il lui appartient de les faire respecter avec
souplesse et compréhension, mais aussi avec détermination.
" Quelle est la situation actuelle de la Russie ? De graves
déficits ont été constatés dans les domaines
juridiques et dans ceux des droits de l'homme, dans le domaine
démocratique également. La Russie ne peut aujourd'hui être
considérée comme un "Etat de droit". De ce seul point de vue,
elle ne remplit donc pas les conditions d'admission.
" Toutefois, la démocratie ne naît pas de la
génération spontanée. La Russie n'a pas de passé
démocratique. Au régime des tsars a succédé le
régime totalitaire. Les changements récents, intervenus depuis la
disparition de l'Ex-Union Soviétique, n'ont pas, malgré les
évolutions positives constatées, permis l'émergence d'une
véritable démocratie telle que nous la concevons en Occident. De
graves dysfonctionnements existent dans l'exercice du pouvoir et sont
soulignés dans les rapports écrits. Le drame
tchétchène ne fait, hélas, que confirmer cette
réalité et disqualifie en quelque sorte ceux qui en sont
responsables.
" Si nous ouvrons la porte de l'Europe à la
Fédération de Russie, peut-on obtenir de celle-ci que soient
effectivement tenus, dans des délais raisonnables à fixer, tous
les engagements pris par elle ? Aurons-nous les moyens d'en
contrôler l'exécution comme il convient ? La question est
posée, mais je n'en ai pas la réponse.
" Mes chers collègues, nous avons un défi à relever.
Le constat de la situation actuelle de la Fédération de Russie
plaide en faveur du prolongement de l'ajournement. Nous sommes convaincus
cependant de la nécessité d'arrimer la Russie à l'Europe.
Pouvons-nous le faire sans transgresser les règles et les exigences du
Conseil de l'Europe ?
" Il eût fallu pouvoir envisager une admission suspensive, ou, mieux
encore, initier une formule spéciale de partenariat et de
coopération entre le Conseil de l'Europe et la Fédération
de Russie, une formule prenant en compte sa spécificité et ses
particularités de nation de dimension intercontinentale avec des
composantes multiples et complexes. Notre désir d'arrimer la Russie
à l'Europe ne nous permet pas de signer un chèque en blanc en sa
faveur, mais nous ne pouvons pas lui fermer la porte.
" Il nous reste donc à tendre la main à nos amis
démocrates de la Fédération de Russie et à tous
ceux qui, là-bas, luttent pour les droits de l'homme et
l'avènement de la démocratie, pour les aider à se hisser
au niveau des exigences du Conseil de l'Europe et faire ainsi gagner la
Fédération de Russie et l'Europe.
" Ce défi, nous ne pourrons le relever qu'ensemble. C'est pourquoi
je voterai oui à l'adhésion de la Russie pour des raisons
politiques et géopolitiques, et pour la paix future en Europe, à
laquelle aspirent tous les peuples. "
M. Jean SEITLINGER, député
(UDF)
, a
formulé les observations suivantes :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, nous arrivons
à l'issue de ce débat de très grande qualité, au
cours duquel de nombreux collègues ont pu intervenir.
" Il est vrai que la question posée nous interpelle et que la
simple analyse des faits ne peut pas toujours aboutir à une certitude,
d'où l'interrogation légitime de certains de nos collègues
que nous comprenons parfaitement.
" Il n'en reste pas moins vrai -je remercie tous les orateurs qui se
sont
exprimés- qu'une large majorité s'est prononcée en faveur
de l'adhésion et que, de ce fait, la question posée à
notre institution est celle de savoir si nous sommes fidèles à la
mission qui est la nôtre.
" Je le crois profondément pour une double raison, contenue dans
l'article 1
er
de notre Statut, qui précise que notre
Organisation a pour buts, d'une part, de réaliser une union plus
étroite entre ses membres, et, d'autre part, non seulement de
sauvegarder, ce qui est statique, mais aussi de promouvoir les idéaux et
les valeurs qui sont les nôtres. Cette mission spécifique du
Conseil de l'Europe a été rappelée à Vienne en 1993
lors du Sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement.
" Si nous voulons respecter cet objectif, si nous voulons promouvoir
nos
valeurs -en d'autres termes, exploiter les droits de l'homme-, ce n'est pas en
fermant la porte que nous y parviendrons. Ne faisons donc pas de cadeaux aux
nationalistes, mais, au contraire, aidons les forces qui font appel à
nous. En effet, non seulement les autorités du pays, non seulement nos
collègues, non seulement tous les partis politiques, à
l'exception d'un seul, mais encore et surtout les organisations non
gouvernementales, les refuzniks, la presse, les journalistes, les
communautés religieuses, les nationalités, tous les
interlocuteurs que les Commissions ont rencontrés sur le terrain nous
ont demandé avec insistance d'accepter l'adhésion de la Russie au
Conseil de l'Europe.
" Pour conclure je dirai que nous avons l'occasion de réunir les
deux tronçons opposés d'une Europe trop longtemps
divisée. Soyons, toujours nombreux, les artisans de ce chantier pour
bâtir un continent de stabilité et de paix. "
A l'issue du débat,
l'avis n° 193 contenu dans le rapport 7443
est adopté, modifié par des amendements
.
Puis,
la directive n° 516 figurant dans le rapport 7375 est
adopté à son tour
.
11. La situation économique du Bélarus, de la Russie et de l'Ukraine (Vendredi 26 janvier)
D'après les rapporteurs, quatre ans après la
désagrégation de l'Union Soviétique, le Bélarus, la
Russie et l'Ukraine s'efforcent, non sans difficultés, de mettre en
place des économies de marché. Le rapport, établi sur la
base de missions d'enquête menées dans chaque pays, donne des
indications concernant de nombreux secteurs, apporte tout son soutien à
la poursuite des réformes économiques et suggère des
actions possibles. Il souligne l'importance que revêtent, pour le
développement économique, la démocratie, les droits de
l'homme, le respect de la légalité, la stabilité
politique, la solidarité avec les membres les plus faibles de la
société, la protection de l'environnement et l'existence d'une
législation claire, particulièrement dans le domaine
économique.
Une étroite coopération entre les trois pays est
nécessaire, estime le rapporteur. Il préconise en outre une
assistance européenne soutenue, adaptée aux conditions nouvelles,
notamment en matière de définition de nouvelles politiques
; il invite les Etats membres du Conseil de l'Europe, et la
communauté internationale en général, à s'abstenir
de tout protectionnisme face à ces pays et aux autres pays de la
région. L'Europe et le monde sont directement intéressés
au succès de l'effort de réforme dans les trois pays en question.
La résolution n° 1078 contenue dans le rapport 7453 est
adoptée.
12. Le bien-être des animaux et le transport du bétail en Europe - Intervention de M. Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR) (Vendredi 26 janvier)
Selon le rapporteur, l'intérêt croissant de
l'opinion publique de la plupart des pays d'Europe pour les questions
liées à la protection des animaux, a déclenché un
nouveau débat politique sur la législation et les pratiques
internationales dans ce domaine, et en particulier sur le transport
international des animaux vivants. Le présent rapport, axé sur ce
dernier point, traite également, mais dans une moindre mesure, de
l'élevage en général.
Le projet de recommandation invite les Etats membres et la Commission
européenne à décider d'actions urgentes pour
améliorer le traitement des animaux en transport international, par
exemple en réduisant les durées de trajet, en améliorant
les conditions d'alimentation et d'abreuvement et la qualité du
transport lui-même (aménagement des camions, formation du
personnel, etc). Il invite aussi les Etats à réexaminer en
détail les pratiques d'élevage afin de les adapter aux
conventions adoptées par le Conseil de l'Europe, et notamment la
Convention européenne pour la protection des animaux en transport
international, la Convention européenne sur la protection des animaux
dans les élevages et la Convention européenne sur la protection
des animaux d'abattage. L'Union européenne et tous les Etats d'Europe
devraient devenir Parties à ces conventions.
Enfin, le texte soumis à discussion appelle le Conseil de l'Europe
à accroître son aide aux pays d'Europe centrale et orientale qui
doivent réformer leur législation et améliorer leurs
compétences pour garantir une meilleure protection des animaux.
M. Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR)
, a
pris la parole dans le débat en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, je voudrais
d'abord féliciter notre rapporteur pour ce document qui rappelle
utilement les différents textes mis au point pour assurer les
règles essentielles en faveur de ce qu'il est convenu d'appeler "le
bien-être animal". J'approuve l'invitation adressée à tous
les Etats membres de notre Organisation à signer les différentes
conventions qui concourent à ce but.
" Je veux également exprimer mon plus entier soutien à mon
collègue de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du
territoire et des pouvoirs locaux, Lord Newall, qui présente
trois amendements dont les deux derniers, plus particulièrement,
trouveront un écho dans mon intervention.
" Mes chers collègues, vous n'êtes pas sans savoir que
l'organisation technique spécialisée qui fixe au niveau mondial
les normes phytosanitaires a été invitée, par nos amis
américains, à statuer par vote secret sur l'innocuité de
l'administration d'hormones naturelles dans l'élevage.
" L'effet de ces substances est tantôt d'accroître
considérablement la masse de viande de l'animal, tantôt
d'augmenter la production laitière, et ce dans des proportions
importantes.
" La thèse américaine d'innocuité l'a emporté
à la suite de ce vote secret : l'ingestion de viande ou de lait
obtenus à partir d'animaux traités aux hormones ne provoque sans
doute pas la mort des consommateurs à court terme ; en revanche, il
est bien établi qu'à long terme les effets sur l'homme peuvent
être désastreux. N'avait-on pas observé aux Etats-Unis ce
qu'on appelle "le syndrome des cous de poulet" sur les cuisiniers qui
se
nourrissaient trop souvent de ce bas morceau et qui voyaient apparaître
des caractères sexuels secondaires féminins ou étaient
atteints de surpondération ou de troubles de la fertilité ?
" La longue liste des effets négatifs est loin d'être
exhaustive : des recherches se poursuivent dont les résultats
partiels assombrissent encore le tableau.
" Un des aspects les plus préoccupants de la décision du
Codex Alimentarius
est qu'une fois la décision de
l'innocuité prise, la seule mention du mode d'élevage et de la
présence éventuelle de résidus d'hormones est interdite,
car elle constituerait alors une mesure de nature protectionniste.
" Par voie de conséquence, l'administration américaine qui
autorise l'utilisation d'hormones naturelles, désormais forte de la
décision du
Codex Alimentarius
, a annoncé qu'elle
saisissait l'Organisation mondiale du commerce d'une procédure de
condamnation des réglementations européennes prohibant les
hormones naturelles, comme autant d'entraves à la liberté du
commerce.
" En tant que docteur vétérinaire, j'ajoute que, du simple
point de vue du "bien-être animal", l'administration de
somatotrophine,
hormone bovine résultant de la lactation, bouleverse la physiologie des
vaches, entraîne une inflammation permanente qui impose à son tour
le recours à des quantités importantes d'antibiotiques pour
lutter contre les effets secondaires de l'inflammation.
" La qualité du produit offert à la consommation ne peut
qu'en souffrir, ce dont le consommateur n'est pas tenu informé.
" Il s'agit d'une politique à courte vue qui assimile trop
facilement les intérêts des firmes spécialisées dans
la biotechnologie avec l'intérêt général.
" Je tiens, enfin, à rappeler votre attention sur les
conséquences économiques de ces méthodes de production.
" A court terme, cette politique condamne certaines productions
émanant de petits élevages spécialisés ainsi que
les politiques agro-environnementales dont les mesures sont
déterminantes en matière d'aménagement du territoire.
" A long terme, elle va à l'encontre du concept de
développement durable.
" En outre, en s'alignant sur les standards les plus bas, on organise
la
déstabilisation de l'Europe agricole dont l'un des arguments forts sur
les marchés mondiaux est l'image de la qualité de ses produits.
" Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles
j'approuverai, par mon vote, les recommandations présentées par
le rapporteur et les amendements qui seront soutenus par
Lord Newall ".
Au terme de ce débat,
la recommandation numéro 1289 contenue
dans le rapport 7427 est adoptée à l'unanimité
.
B. CONFERENCE INTERPARLEMENTAIRE SUR LE NOUVEAU RÔLE DES PARLEMENTS NATIONAUX DANS LA CONSTRUCTION PANEUROPÉENNE (PARIS - ASSEMBLÉE NATIONALE - 28 ET 29 MARS)
1. Introduction
A l'invitation conjointe de
M. Philippe SÉGUIN
,
Président de l'Assemblée nationale, et de
Mme Leni FISCHER
(Allemagne, C.D.U.), Président de l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe, une conférence interparlementaire réunissant
près de 200 participants s'est tenue à l'Assemblée
nationale, les 28 et 29 mars 1996, sur "le nouveau rôle des Parlements
nationaux dans la construction paneuropéenne".
Le Président Philippe SÉGUIN
a prononcé le discours
d'ouverture de la Conférence auquel a répondu Mme Leni Fischer.
M. Franck Swaelen
, Président du Sénat de Belgique,
Président de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE (Organisation
pour la Sécurité et la Coopération en Europe),
Mme
Nicole Fontaine
, vice-présidente du Parlement européen,
MM. Robert Urbain
, membre du Sénat de Belgique,
représentant l'Assemblée de l'UEO,
Daniel Tarschys
,
Secrétaire général du Conseil de l'Europe, Michael Ferris,
Président du Comité mixte pour les Affaires européennes du
Parlement irlandais, représentant la COSAC (Conférence des
Organes Spécialisés dans les Affaires Communautaires des
Parlements nationaux de l'Union européenne et du Parlement
européen) ont présenté des rapports, ainsi que
M.
Jean-Claude MIGNON
, député (RPR), dont l'intervention portait
sur "le développement d'une civilisation démocratique
paneuropéenne".
MM. Jean-François Leuba
, Président du Conseil national
suisse,
Erling Olsen
, Président du Parlement danois,
Zurab
Zhvania
, Président du Parlement de Géorgie, ont
participé aux travaux ainsi que les représentants de
l'Assemblée baltique, du Parlement du Bénélux et de
l'Assemblée parlementaire de la Coopération économique de
la Mer Noire (PA.B.S.E.C.).
Trois thèmes avaient été retenus pour cette
Conférence, organisée sous l'égide de
M. Jean
Seitlinger
, député UDF, par la commission des relations
parlementaires et publiques de l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe, présidée par
Mme Lara Ragnarsdottir
(Islande) ;
-
les conditions de la stabilité démocratique en Europe :
rapport de
Mme Poptodorova
, (Bulgarie), contribution de
M.
Andreas Gross
(Suisse) ;
-
vers une civilisation démocratique paneuropéenne :
rapports de
MM. Jean-Claude MIGNON
(député RPR),
et
Andreas Barsony
(Hongrie) ;
-
les Parlements nationaux et l'Europe :
rapport
de M. Jean
SEITLINGER
, rapporteur général de la Conférence,
intervention
de M. Robert PANDRAUD
, député RPR,
Président de la délégation de l'Assemblée nationale
pour l'Union européenne.
A l'issue des travaux, et après qu'une synthèse ait
été présentée par le rapporteur
général
M. Jean SEITLINGER
, les participants ont
adopté les conclusions dans lesquelles ils invitent notamment les
Parlements nationaux à développer leur coopération,
à renforcer l'expertise parlementaire, en particulier par une meilleure
coordination de l'observation des élections. Les Parlements nationaux
sont encouragés à développer leurs actions dans le domaine
international en faveur de la stabilité et de la sécurité
en Europe, d'un développement économique équilibré
assurant la cohésion sociale, d'une clarification des actions conduites
par les différentes institutions, et d'un renforcement de leur
partenariat dans la perspective d'un modèle de société
européen.
Les participants ont également demandé la tenue d'un second
sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement des pays membres du Conseil de
l'Europe.
Le jeudi 28 mars
le Président Philippe SÉGUIN
a offert un
déjeuner à l'hôtel de Lassay en l'honneur des
parlementaires. Le même jour
, M. Michel BARNIER
, ministre
délégué aux Affaires européennes, a offert une
réception au Ministère des Affaires étrangères.
La délégation française à la Conférence
était conduite par
M. Jean VALLEIX
, député (RPR),
Président de la délégation française à
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
M. Jacques
GENTON
, sénateur (UC), représentait la
délégation du Sénat pour l'Union européenne, dont
il est le Président.
2. Interventions de M. Philippe SÉGUIN, Président de l'Assemblée nationale, Mme Leni FISCHER, Présidente de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, MM. Jean-Claude MIGNON, député (RPR), Jean SEITLINGER, député (UDF), Robert PANDRAUD, député (RPR)
M. Philippe SÉGUIN, député (RPR),
Président de l'Assemblée nationale française,
a ouvert
les travaux de la conférence en prononçant l'allocution
suivante :
"
A l'heure où s'ouvre cette Conférence
interparlementaire, organisée conjointement par l'Assemblée du
Conseil de l'Europe et l'Assemblée nationale française, je
souhaiterais vous dire le plaisir que je ressens à vous accueillir ici,
au Palais Bourbon, vous qui représentez les Parlements de l'Europe
continentale, autrement dit la grande Europe. Alors que doivent débuter,
demain, les travaux de la Conférence intergouvernementale de Turin,
cette réflexion que nous engageons en commun sur le rôle des
Parlements dans la construction paneuropéenne, sur le modèle de
société que nous voulons bâtir pour notre continent sur sa
plus vaste échelle, me paraît d'une singulière
actualité.
" Je salue tout particulièrement la présence de Mme Leni
Fischer, Présidente de l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe, que je suis heureux de recevoir à nouveau à Paris, de
M. Daniel Tarschys, Secrétaire général, de M. Frank
Swaelen, Président du Sénat de Belgique, Président de
l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, de Mme Nicole Fontaine,
Vice-Président du Parlement européen, et des éminents
représentants des Assemblées parlementaires régionales
qui, de la Baltique à la mer Noire, ont bien voulu répondre
à notre invitation.
" Je tiens également à rendre hommage au remarquable travail
accompli par vos rapporteurs, et en particulier par notre collègue
,
M. Jean SEITLINGER
, Vice-Président de la Délégation
française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe, qui a été l'artisan expérimenté de cette
Conférence.
" Il est vrai que vos travaux revêtent une importance
particulière en cette période cruciale de la construction
européenne, trop souvent caractérisée par la
morosité, l'inquiétude, voire le désenchantement.
" En réalité, nous vivons probablement aujourd'hui les
conséquences d'un rendez-vous manqué, au tournant des
années 1990. Nous n'avons pas su, alors, prendre la grande initiative
politique qui nous aurait permis de prendre en compte, dans toute leur
dimension, les profonds bouleversements intervenus en Europe.
" Certes, la Charte de Paris du 21 novembre 1990 était apparue,
dans l'enthousiasme qui prévalait à l'époque, comme l'acte
fondateur de la nouvelle Europe. Mais, reconnaissons-le, la mise en oeuvre des
principes alors affichés s'est rapidement heurtée à
l'embrasement de l'Ex-Yougoslavie. Quant au Traité de Maastricht, vous
ne serez pas étonnés de m'entendre dire que ses dispositions
n'étaient probablement pas à la mesure des grandes mutations qui
s'opéraient.
" Pourtant, nous ne devons pas nous laisser aller au découragement.
Nous devons, à l'inverse, tirer les leçons de ce passé
à la fois si proche et si lointain, et nous engager d'autant plus
résolument vers l'unification politique, économique et culturelle
du continent européen.
" Le principe de la primauté du politique, qui est notre raison
d'être, doit guider notre réflexion et notre action. Il ne saurait
y avoir d'Europe véritable ni durable sans l'adhésion des peuples
et sans le soutien des Parlements qui en sont l'expression légitime.
Oublier cette vérité première nous exposerait à de
cruelles désillusions. Certes, la tâche à accomplir est
immense.
" Si je voulais la résumer en quelques phrases, je dirais
volontiers qu'il nous faut tout à la fois garantir la
sécurité de l'Europe, assurer son développement
économique en préservant sa cohésion sociale, et
bâtir ou développer un modèle de société,
notre modèle de société, qui est fondé sur la
démocratie et la solidarité.
" Oui, il nous faut relever ensemble tous ces défis, en ayant pour
objectif l'organisation de la grande Europe. Et dans cette optique, les
Parlements nationaux, garants de la légitimité
démocratique du projet européen, sont appelés à
jouer un rôle essentiel et pour cela, doivent poursuivre leurs efforts de
modernisation et renforcer leur coopération mutuelle.
" Nous devons d'abord construire un vaste espace de sécurité
en Europe. L'Europe, qui n'a pas su éviter le drame de l'Ex-Yougoslavie,
a donc laissé pour l'essentiel à l'armée américaine
le soin de mettre en oeuvre, en Bosnie, un fragile accord de paix... Puisse
cette tragédie la décider enfin à assumer, progressivement
mais fermement, sa propre sécurité, à organiser la
prévention et le règlement des conflits sur son sol, en
partenariat étroit avec la Russie, et sans pour autant remettre en cause
son alliance privilégiée avec les Etats-Unis.
" Dans cette perspective, il est clair qu'elle doit se doter d'un
système de sécurité paneuropéen, au sens le plus
large possible, car la notion même de sécurité a
considérablement évolué. Celle-ci inclut désormais,
au-delà des aspects purement militaires, de nouveaux types de menaces,
notamment d'ordre écologique.
" Tous les aspects de la sécurité doivent donc être
pris en compte : coordination des forces, réflexions
nouvelles sur la stratégie, évaluation et prévention des
risques, maîtrise des armements et sécurité des
installations nucléaires civiles.
" Car il serait vain de croire que toute menace ait disparu avec
l'effondrement des blocs. En réalité, les dangers sont toujours
présents, et d'autant plus complexes à appréhender,
d'autant plus difficiles à réduire qu'ils s'inscrivent
désormais, de plus en plus, dans un cadre régional et non plus
strictement national.
" Par ailleurs, disons-le clairement, la sécurité de
l'Europe ne s'établira pas sans la Russie, qui devient, peu à
peu, un partenaire à part entière des institutions
européennes. Un pas décisif vient d'être franchi avec son
adhésion au Conseil de l'Europe qui est un gage supplémentaire de
la volonté des Européens de maîtriser ensemble leur destin.
" Mais cette adhésion n'a de sens que si la Russie s'engage
désormais dans la voie d'un règlement du conflit en
Tchétchénie, conflit qui hypothèque gravement les
progrès que nous attendons d'elle dans le respect de la
démocratie et des droits de l'homme.
" Bien d'autres questions, encore, devront être résolues
avant que ne s'élabore un véritable système de
sécurité continental, répondant à la fois au
sentiment de vide qu'éprouvent les pays d'Europe centrale et au souhait
légitime de la Russie de ne pas être mise à l'écart.
" L'OTAN, dans sa forme actuelle, et dans l'attente d'une
rénovation sans cesse annoncée, toujours différée,
n'a pas pris suffisamment en compte la situation radicalement différente
qui prévaut aujourd'hui en Europe. Or
,
la question de
l'élargissement de l'alliance est indissociable de la place que nous
entendons réserver à la Russie dans un système de
sécurité européen. Elle conditionne l'avenir du projet de
modèle commun et global de sécurité pour l'Europe du
XXIème siècle que propose l'OSCE, et qui repose sur la notion
d'un espace de sécurité indivisible.
" Qu'en sera-t-il, par ailleurs, de l'UEO en 1998, année au cours
de laquelle les Etats parties pourront, s'ils le souhaitent, réexaminer
les dispositions du Traité ?
" A cet égard, il faut éviter que le rapprochement
institutionnel entre l'UEO et l'Union européenne ne sonne le glas de
l'identité européenne de défense, à laquelle
n'adhéreraient pas les nouveaux pays membres de l'Union qui se
rattachent à une tradition de neutralité.
" La Conférence intergouvernementale devra être l'occasion de
mettre en place des procédures suffisamment flexibles, permettant aux
Etats qui le souhaitent de décider, le cas échéant, d'une
intervention, sans pour autant bénéficier du soutien des pays
neutres.
" Gardons-nous, par ailleurs, de remettre en cause le contrôle
parlementaire exercé par l'Assemblée de l'UEO, qui est
composée d'élus nationaux, seuls habilités, au nom des
peuples qu'ils représentent, à voter dans les Parlements les
crédits de la défense.
" Devant tant d'incertitudes, nous devons tenir fermement le cap du
projet
européen, affirmer notre volonté politique de donner à
l'Europe, dans toute sa dimension, y compris méditerranéenne, les
moyens d'assurer elle-même sa propre sécurité. La
sécurité est donc la condition nécessaire de tout
véritable projet européen. Mais les peuples n'adhéreront
à celui-ci que si le développement économique s'accompagne
d'un mieux-être social.
" Faute d'avoir pris, dès 1991, la mesure du défi politique
que constituait l'effondrement du bloc communiste, l'Union européenne
voit aujourd'hui sa stratégie contestée sous la pression des
opinions publiques. La montée du chômage et de la
désespérance qu'il engendre conduit à s'interroger sur la
finalité du projet communautaire, qui, pour certains de nos concitoyens,
pour certaines forces politiques, pourrait s'identifier de plus en plus
à un risque de faillite sociale.
" Chacun pressent que la construction européenne est à un
tournant de son histoire et qu'elle ne pourra indéfiniment confondre les
buts et les moyens. Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent
pour que la Conférence intergouvernementale sache dépasser le
seul objectif d'une révision institutionnelle limitée.
" Car on mesure, aujourd'hui, l'erreur qui consisterait à croire,
ou à faire croire, que l'Europe politique demeure l'aboutissement
logique et inéluctable de la construction économique, qu'elle
viendra, en quelque sorte, de surcroît, comme pour couronner
l'édifice... Il faut aujourd'hui inverser l'ordre des facteurs, remettre
l'Europe communautaire en marche, en lui donnant toute sa dimension politique,
sociale et humaine.
" Les choix sont, certes difficiles, dans un contexte d'explosion
technologique et de mondialisation accélérée de
l'économie. Devons-nous pour autant nous résigner, et prendre le
risque de laisser la régression sociale devenir le dénominateur
commun de nos sociétés ?
" Les réformes courageuses entreprises dans les pays d'Europe
centrale et orientale pour instaurer l'économie de marché ont eu
un coût social très élevé, trop élevé.
je suis convaincu que les résultats de certaines consultations
électorales qui ont fait grand bruit ne traduisent nullement la
volonté de revenir au passé, ni même la peur de l'avenir.
Ils reflètent simplement la forte aspiration des populations à
une meilleure garantie collective pour les plus faibles. Dans toute l'Europe,
l'ultra-libéralisme et ses excès ont atteint leurs limites et
imposent une nouvelle approche de l'économie, plus conforme à
notre modèle de société.
" La grande Histoire de l'Europe, son incomparable rayonnement à
travers le monde, la prédestinent-ils à n'être plus qu'un
vaste espace pour le négoce, soumis à la seule loi des
marchés ? L'Europe peut-elle entrer dans le prochain
siècle, sans être porteuse d'un nouveau destin, à la mesure
de son génie et de ses capacités ?
" Voilà des interrogations qui ne devraient, en
vérité, avoir aucune raison d'être, mais qui,
paradoxalement, découlent des choix économiques, dès lors
qu'ils sont exclusifs de toute finalité politique, sociale ou culturelle.
" C'est pourquoi il me parait absolument essentiel de reconnaître
à l'Europe une finalité humaine, et non strictement
économique. Il ne s'agit pas de créer un nouveau "cercle" de
politique communautaire, mais bien de remettre l'homme au coeur du projet
européen. Et il nous faut en tirer les conclusions pratiques, en faisant
de la lutte pour l'emploi la priorité absolue qui doit guider tous les
choix. Disant cela, je n'ai pas le sentiment d'être "léger".
L'Europe doit bien être conçue comme un système de
solidarité entre des nations qui ne sauraient survivre dans l'isolement.
" Le préalable -nous y revenons toujours- est évidemment que
l'Europe s'affirme comme une puissance politique. Il est clair qu'il ne saurait
y avoir d'"Europe sociale" sans Europe politique : car
c'est notre
modèle de société qui est en jeu. Et quand j'entends dire,
ici ou là, qu'il pourrait y avoir durablement deux Europe, une petite,
très intégrée, et une grande, plus lâche et
nébuleuse, je m'interroge encore : est-ce ainsi que nous
devons voir l'avenir du continent ?
" Oui, l'Europe doit construire son propre modèle de
société. Car nous sommes tous profondément attachés
à une certaine conception de la vie sociale qui privilégie la
solidarité entre les individus, entre les générations,
entre les régions, une conception qui, par dessus tout,
privilégie le souci du bien commun.
" Et si l'on ne peut, en quelques mots, définir ce modèle de
société européen auquel nous aspirons, au moins
pouvons-nous en esquisser les contours.
" Constatons d'abord que la démocratie pluraliste et l'Etat de
droit sont devenus la norme sur l'ensemble du continent. C'est l'acquis majeur
de la révolution des années 1989-1990. Mais cet acquis reste
fragile et doit être consolidé, grâce, notamment, aux
programmes mis en place par le Conseil de l'Europe. Des institutions stables
sont indispensables pour garantir, dans les nouvelles démocraties, le
nécessaire équilibre entre groupes majoritaires et
minorités historiques, et éviter que ne surgissent de nouveaux
conflits.
" Nous devons veiller à la complémentarité de
l'approche juridique du Conseil de l'Europe, avec sa convention-cadre pour la
protection des minorités nationales, et la démarche pragmatique
de l'OSCE dans le cadre du Pacte de stabilité. Il n'y aura pas de
stabilité dans la nouvelle Europe si le respect des droits des personnes
appartenant aux minorités nationales n'est pas solidement garanti.
L'Histoire nous l'a appris tant de fois...
" Affirmons ensuite que si la véritable richesse de l'Europe est sa
diversité, aussi bien géographique que culturelle, cette
diversité ne s'oppose nullement à la prise en compte d'une
identité culturelle européenne. Afin de rendre plus efficace
encore l'action conduite par le Conseil de l'Europe dans le cadre de la
convention culturelle européenne, nous devons encourager la mise en
place de programmes conjoints, harmonisés avec Bruxelles.
" L'Europe doit aussi assumer les responsabilités qui sont les
siennes à l'égard des pays du Maghreb et du Proche Orient.
L'extension à ces pays de la convention culturelle serait un des moyens
de les aider à choisir résolument la voie de la modernité.
" En élaborant plus de 160 conventions fixant des normes minimales
dans les domaines les plus variés de la vie politique,
économique, sociale et culturelle, le Conseil de l'Europe continue
à accomplir la mission qui lui avait été confiée
par ses fondateurs en 1949.
" Ce fonds commun, qui appartient aujourd'hui au patrimoine de
l'Europe
tout entière, devra être complété par de nouvelles
conventions répondant aux grands enjeux actuels, tels que la
bioéthique ou les nouvelles technologies de l'information.
" Les débats qui se déroulent sur ces questions essentielles
dans les Parlements nationaux, où s'expriment, par nature, toutes les
sensibilités, ne peuvent qu'enrichir la réflexion
européenne sur les solutions à imaginer pour un plus vaste espace.
" Car l'organisation de la grande Europe doit bien être notre
objectif à long terme. Près d'un demi-siècle après
les débuts de la construction européenne, l'inorganisation
relative du continent européen ne lui permet toujours pas de peser de
son vrai poids sur les affaires du monde.
" Le décalage est impressionnant entre, d'un côté, le
potentiel démographique, économique et culturel de l'Europe, et,
de l'autre, la difficulté qu'elle éprouve à affirmer son
identité politique. Nous le voyons, par exemple, au Proche Orient
où son influence, comme j'ai pu récemment le constater
moi-même, est loin d'être à la mesure des efforts d'aide
économique et financière qu'elle consent dans cette région
troublée.
" Je serais tenté de dire que, si l'Europe est certainement un
géant économique, elle demeure à bien des égards un
nain politique. Il faut donc lui donner les moyens de s'affirmer dans les
prochaines décennies, face à l'Amérique et aux
régions émergentes d'Asie et du Pacifique.
" Une meilleure coordination entre les multiples institutions qui
s'imbriquent, s'enchevêtrent et parfois se contredisent, est
indispensable. Nous devons clarifier le rôle respectif de ces
institutions, éviter les doubles emplois, notamment entre le Conseil de
l'Europe et l'OSCE, sous peine de voir l'Europe s'affaiblir encore face aux
interventions extérieures.
" L'Europe n'a pas vocation à vivre éternellement à
l'abri de puissances tutélaires.
" J'évoquais à l'instant l'importance de la Russie.
Regardons l'avenir. Une action de grande envergure s'impose pour aider ce pays
à s'intégrer durablement dans la construction européenne.
L'absence de tradition démocratique dans cet immense Etat, la
période de transition particulièrement difficile qu'il traverse,
doivent nous conduire à mettre en oeuvre un vaste programme d'aide
à la démocratisation, qui soit à la mesure de l'enjeu
historique que représente l'ancrage de la Russie dans la
communauté des Etats démocratiques d'Europe. Ce programme doit
concerner, en priorité, les fondements mêmes de la
démocratie que sont l'éducation et la formation des hommes.
" Le Conseil de l'Europe dispose de l'acquis indispensable pour mener
à bien l'adhésion définitive de ce pays aux normes de
l'Etat de droit et de la démocratie. L'Union européenne et les
Gouvernements qui la composent doivent aider le Conseil de l'Europe dans cette
tâche immense, car les moyens dont celui-ci dispose sont très
insuffisants.
" Alors que se dessine une nouvelle Europe, née de ces
élargissements successifs vers l'Est qui nourrissent l'essentiel des
débats au sein des institutions européennes depuis la chute du
mur de Berlin, l'heure est venue de fixer des objectifs et de donner un contenu
politique à la construction paneuropéenne.
" L'association du Conseil de l'Europe à la Politique
extérieure et de sécurité commune de l'Union
européenne ne pourrait que conforter le dialogue politique avec la
Russie.
" D'ores et déjà, plaçons-nous dans la perspective du
second sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement des pays membres du Conseil
de l'Europe, qui devrait marquer un tournant dans la construction d'une
société démocratique aux dimensions du continent.
" L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui avait
activement participé à la préparation du Sommet de Vienne
d'octobre 1993, voit ainsi s'ouvrir un nouveau chantier, propice à
l'élaboration de propositions novatrices.
" L'organisation de la grande Europe de demain suppose que se
rassemblent,
autour de valeurs communes, les initiatives et les projets entrepris depuis la
fin du second conflit mondial pour faire de l'Europe un espace de
liberté, de sécurité et de prospérité
économique.
" Pour réaliser cette grande ambition, il faut l'adhésion
des peuples. La participation des Parlements nationaux à
l'élaboration et à la mise en oeuvre du projet européen
est la condition de sa légitimité démocratique. L'histoire
des Parlements nationaux est indissociable de celle de la démocratie. De
celle-ci, aujourd'hui encore, la place faite aux Parlements demeure le
critère principal. Cependant, la technicité croissante des
problèmes, l'apparition de nouvelles instances multinationales
échappant à tout contrôle véritable, l'influence
croissante des médias, accélèrent le processus de
dessaisissement des Parlements. Ce processus, nous devons, résolument,
le combattre.
" Seuls des Parlements modernes, adaptés aux conditions nouvelles
d'exercice de la démocratie et renforçant leur coopération
mutuelle, seront à même d'affronter avec succès les
nouvelles responsabilités qui leur incombent.
" Le travail parlementaire doit désormais tenir compte du
développement et de l'expansion à l'échelle mondiale des
nouvelles technologies de transmission d'informations, dont le réseau
Internet est l'illustration.
" Les énormes potentialités de cet outil nouveau, les
perspectives qu'il laisse entrevoir quant à la place majeure de
l'information dans notre société, doivent conduire les Parlements
à engager, de toute urgence, une réflexion commune.
" Plus généralement, l'approfondissement de la
coopération interparlementaire doit permettre à tous les
Parlements d'améliorer leurs méthodes de travail et
d'investigation, de mieux maîtriser l'évaluation des choix
scientifiques et technologiques. Nous devons en outre harmoniser nos actions de
coopération bilatérale avec les programmes propres du Conseil de
l'Europe.
" Les Parlements français et allemand, qui ont déjà
mis en place des structures fortes de coopération bilatérale,
pourraient prendre une initiative en vue d'élaborer un programme commun
d'aide et d'assistance aux pays d'Europe centrale et orientale, et en
particulier à la Russie, en liaison avec le Conseil de l'Europe. En
clair, les Parlements nationaux doivent être mieux à même
d'assumer le nouveau rôle international qui leur incombe.
" Je citerai tout particulièrement l'observation des
élections, qui a consacré la qualité de l'expertise
parlementaire. De nombreuses institutions y concourent, ce qui nécessite
une coordination accrue, non seulement dans la préparation et le
déroulement des élections, mais également dans
l'élaboration de critères communs. L'observation des prochaines
élections en Bosnie-Herzégovine devrait être l'occasion
d'engager, sur ces questions, une réflexion nouvelle.
" Les expertises parlementaires devraient d'ailleurs se développer
de manière permanente, à l'instar de la procédure mise en
place par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pour le
contrôle des engagements pris par les nouveaux Etats membres.
" La création, par cette Assemblée, d'une commission
spéciale sur la Tchétchénie est un exemple du rôle
que les parlementaires sont appelés à jouer dans le
règlement des conflits.
" Toutes ces questions seront évoquées lors de la
Conférence des Présidents des Assemblées
européennes, qui aura lieu début juin à Budapest. Elle
tirera, j'en suis certain, le plus grand profit de vos travaux, auxquels je
souhaite un plein succès.
" L'ambition qui est la nôtre -la réalisation de la Grande
Europe- est peut-être immense, et ne pourra sans doute se réaliser
que par étapes successives. Mais il nous faut, d'ores et
déjà, prendre les initiatives qui montreront aux peuples que la
volonté politique existe, et que le projet européen n'est
synonyme ni de recul économique, ni de régression sociale et
culturelle. C'est ainsi, et ainsi seulement, que nous pourrons conjurer la
morosité et le désenchantement que j'évoquais à
l'instant, et qui sont propres, si nous n'y prenons garde, à ruiner tous
les efforts accomplis depuis cinquante ans en faveur de la paix et de la
sécurité en Europe, en faveur, en un mot, de son
unité
. "
Puis
Mme Leni FISCHER, Présidente de l'Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe
, a prononcé le discours suivant
:
"
C'est avec un très grand plaisir que je m'adresse à
vous aujourd'hui, dans cette Assemblée nationale française
où nous avons l'honneur d'être accueillis par
le
Président Philippe SÉGUIN
. Au nom de tous les participants
à cette Conférence, je tiens à lui exprimer mes plus
sincères remerciements et à lui dire combien nous sommes
sensibles à sa chaleureuse hospitalité et à
l'intérêt sans faille qu'il porte au Conseil de l'Europe et aux
travaux de son Assemblée parlementaire.
" Nous avons tous en mémoire, Monsieur le Président, le
discours que vous avez prononcé le 6 octobre 1994 à Strasbourg
devant notre Assemblée et qui trouve aujourd'hui son prolongement dans
l'important message que vous venez de nous adresser. Nous avons
également apprécié le nouvel éclairage que vous
avez su donner au projet de monnaie unique dans votre discours
d'Aix-la-Chapelle, et, tout récemment, les propos que vous avez tenus
dans votre chère ville d'Epinal, replaçant l'emploi,
c'est-à-dire l'homme, au coeur du projet européen.
" Dans l'incertitude où se trouve l'Europe quant à son
avenir, la qualité de vos analyses et la vision qu'elles sous-tendent,
prennent un relief tout particulier. Je ne doute pas que nos collègues
en tireront le plus grand profit, à l'heure où l'Europe est
confrontée à des choix décisifs.
" Car deux événements majeurs donnent à cette
Conférence interparlementaire une singulière
actualité : l'adhésion de la Russie au Conseil de
l'Europe, et l'ouverture, demain à Turin, de la Conférence
intergouvernementale de l'Union européenne.
" L'adhésion de la Russie consacre la dimension
paneuropéenne du Conseil de l'Europe, que parachèvera, avec les
adhésions prévisibles de la Croatie, des pays du Caucase et des
autres pays issus de l'Ex-Yougoslavie, la fin du processus
d'élargissement ouvert depuis la chute du mur de Berlin en 1989.
" L'Europe dispose ainsi avec le Conseil de l'Europe, d'une
institution
paneuropéenne à la fois expérimentée et innovante.
Saurons-nous faire fructifier ce capital inestimable ? Saurons-nous
donner au nouveau Conseil les moyens de faire face à l'immense
défi auquel il est confronté ?
" Telles sont précisément les questions que nous
souhaiterions voir évoquées à l'occasion de la
Conférence intergouvernementale. Certes, la C.I.G. est un exercice qui
concerne l'Union européenne au premier chef. Mais, comme l'a
souligné
M. SEITLINGER
dans son excellent rapport, le
débat sur la structure institutionnelle de l'Union peut-il être
séparé de la réflexion sur la construction
paneuropéenne ?
" La Conférence intergouvernementale a fait l'objet d'une
réflexion sans précédent dans les Parlements des Quinze.
Un large débat s'est engagé sur les moyens d'associer les
Parlements nationaux à l'élaboration et au contrôle des
actes communautaires. Plusieurs propositions ont été
avancées, qui témoignent de la vitalité des discussions au
sein des organes compétents des Parlements de l'Union.
" De leur côté, les instances dirigeantes de l'Union
européenne ont conduit une réflexion préparatoire qui,
certes, fait référence à l'UEO., à l'OTAN. et
à l'OSCE, mais qui fait preuve d'une remarquable discrétion en ce
qui concerne le Conseil de l'Europe.
" L'Union européenne peut-elle, d'un côté apporter un
appui spectaculaire à l'entrée de la Russie au Conseil de
l'Europe, souligner l'intérêt politique de cette adhésion
pour l'Europe et pour elle-même, et de l'autre, se dispenser d'une
réflexion de fond sur les conséquences à tirer de cette
nouvelle donne institutionnelle qui fait que pratiquement tous les pays du
continent européen sont membres du Conseil de l'Europe, et y
coopèrent sur un pied d'égalité ?
" L'heure est à l'imagination, à la définition de
voies nouvelles pour la construction de l'Europe continentale, désormais
réunie autour des valeurs communes de la démocratie et de l'Etat
de droit.
" Nous pensons que le projet d'intégration communautaire et la
démarche intergouvernementale et interparlementaire du Conseil de
l'Europe sont complémentaires et sont les deux facettes d'un même
projet politique pour l'Europe de demain.
" L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a fait des
propositions qui reposent sur la notion de finalité unique du projet
européen et sur le rôle que doivent jouer les Parlements nationaux
dont elle est l'émanation. Devenue la maison commune des Parlements
d'Europe, elle se devait en effet de faire connaître sa position à
l'égard de la Conférence intergouvernementale, dont les
décisions auront immanquablement des implications pour l'Europe tout
entière et les autres institutions européennes.
" Nous proposons ainsi de réviser l'article 230 du Traité de
Rome afin d'y faire reconnaître par la Communauté
européenne les réalisations et le rôle du Conseil de
l'Europe dans les domaines des institutions démocratiques, des normes
juridiques et des droits de l'homme.
" Qu'en serait-il du processus de démocratisation dans les Etats
d'Europe centrale et orientale s'ils n'avaient trouvé appui et accueil
auprès de nous, après l'effondrement du communisme ?
" Nous appelons l'attention sur l'acquis considérable du Conseil de
l'Europe dans les domaines couverts par le troisième pilier de l'Union
européenne, c'est-à-dire la justice et les affaires
intérieures.
" Nous souhaitons le renforcement du lien entre le dialogue politique
au
sein du Conseil de l'Europe, qui va se développer avec l'adhésion
de la Russie, et la Politique extérieure et de sécurité
commune de l'Union.
" Nous nous prononçons d'une manière générale
pour le renforcement de la coopération entre le Conseil de l'Europe et
l'Union européenne, que soulignerait avec éclat l'adhésion
de la Communauté à la Convention européenne des Droits de
l'Homme.
" Je ne peux imaginer que l'Union européenne réinvente un
dispositif qui a fait ses preuves, qui a été à l'origine
du projet européen et qui est désormais la norme dans toute
l'Europe.
" J'y ajouterais le souhait que la Communauté adhère aussi
à la Convention culturelle du Conseil de l'Europe, signée en 1954
à Paris et qui est devenue l'expression même de la
diversité et de l'identité culturelle du continent.
" Je voudrais saluer ici l'approche positive du Parlement européen
qui a toujours apporté son appui à nos propositions, et rappeler
en particulier l'important débat que le Parlement a consacré aux
relations avec le Conseil de l'Europe en décembre 1993.
" En septembre 1995, l'Assemblée parlementaire a discuté de
sa contribution aux travaux préparatoires de la Conférence
intergouvernementale. A cette occasion, il a été dit que
l'Assemblée parlementaire et le Parlement européen sont les
institutions européennes les mieux à même de
répondre à l'exigence démocratique des Européens et
que cela doit aider au renforcement de leur coopération. C'est dans cet
esprit que je rencontrerai bientôt le Président Hänsch et que
des délégations des Bureaux de nos institutions vont se
réunir.
" Les propositions de notre Assemblée tendent aussi à faire
reconnaître le rôle majeur des Parlements nationaux dans la
politique européenne. L'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe a le double avantage d'être composée d'élus
nationaux et de représenter la quasi-totalité du continent
européen. Elle apporte donc à la réflexion en cours une
représentativité répondant au souci légitime des
Parlements nationaux de faire entendre leur voix et une dynamique
adaptée au nouvel espace de l'Europe élargie.
" Ses travaux récents esquissent une conception d'ensemble de la
future architecture paneuropéenne.
" Nous estimons d'abord que toutes les institutions doivent travailler
dans un esprit de partenariat et avec le souci de mieux répartir les
tâches entre elles. Un nouvel état d'esprit fondé sur la
volonté de coopérer plus efficacement doit aujourd'hui
prévaloir, tant les défis qui nous sont adressés sont
considérables. Aucune institution ne peut prétendre régler
à elle seule l'ensemble des problèmes qui se posent à
l'échelle du continent.
" Nous nous réjouissons du rôle moteur de l'Union
européenne dans la construction européenne et nous souhaitons
qu'elle soit renforcée dans ses compétences et ses institutions,
y compris dans le domaine de la défense grâce à l'Union de
l'Europe occidentale, pilier européen de l'OTAN.
" Le Conseil de l'Europe est quant à lui l'outil majeur de la
sécurité démocratique, de la sauvegarde des droits de
l'homme et de la consolidation de l'Etat de droit dans tous les domaines de la
société civile.
" Quant à l'OSCE, elle est un instrument irremplaçable de
prévention des conflits et de gestion de ces crises. L'Assemblée
de l'OSCE et la nôtre ont passé un accord de coopération et
j'espère que nous parviendrons à resserrer encore les relations
entre les deux institutions, qui se sont vu confier récemment des
missions difficiles en Bosnie-Herzégovine. A mon avis, nos deux
Assemblées pourraient apporter ensemble une contribution importante
à la préparation et à l'observation des premières
élections démocratiques dans ce pays.
" L'Union européenne, enfin, a tout intérêt à
s'appuyer sur ces institutions qui couvrent un espace géographique plus
large que le sien et qui peuvent la faire bénéficier de leurs
expertises, à l'heure où elle s'engage elle aussi dans un
processus d'élargissement en direction des pays d'Europe centrale et
orientale.
" C'est dans le développement harmonieux de ces différents
schémas que se construira patiemment et en profondeur l'unité du
continent.
" L'Union européenne a tout intérêt aussi à ce
que le Conseil de l'Europe réussisse une intégration efficace de
ses nouveaux membres dans la famille des démocraties européennes,
y compris la Russie. Elle soutient déjà certaines
activités de formation et d'assistance à ces pays. Il s'agit
maintenant d'être plus ambitieux devant les besoins immenses que nous
avons recensés. Notre Assemblée est très
préoccupée par la poursuite du conflit en
Tchétchénie, et nous apportons notre soutien à la
Commission
ad hoc
que l'Assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe a décidé de dépêcher sur place. Cette
Commission a pour mission d'aider les Russes à dégager une
solution politique fondée sur la négociation et le respect des
minorités.
" Nous espérons que cette solution sera rapidement définie,
afin de permettre à la Russie de poursuivre, dans une
sérénité retrouvée, la consolidation du processus
de démocratisation qu'elle a courageusement engagé et que nous
soutenons ardemment.
" Malheureusement, les persécutions à l'égard de
minorités se poursuivent en bien d'autres endroits d'Europe. Le Conseil
doit redoubler de vigilance et promouvoir la protection des minorités
nationales tout en développant les mesures de confiance dans les pays
concernés.
" Pour mener à bien toutes ces actions, nous avons besoin de la
mobilisation des Parlements nationaux avec lesquels l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe a beaucoup de projets à
réaliser en commun.
" La coopération interparlementaire est un élément
essentiel de formation dans les Parlements d'Europe centrale et orientale. Elle
joue un rôle décisif dans le renforcement de leur capacité
législative. Nous souhaitons coordonner le programme de
coopération de l'Assemblée parlementaire avec les programmes
bilatéraux lancés par plusieurs Parlements et, en particulier,
par les Parlements français et allemand.
" Nous proposons de réaliser avec les Parlements qui le
souhaiteront quelques projets pilotes à la mesure des importants besoins
qui se manifestent. La formation et l'éducation doivent être au
coeur de la coopération car ce sont les fondements de la culture
démocratique que nous souhaitons promouvoir.
" De même, nous devons examiner ensemble toutes les
conséquences qu'ont les nouvelles technologies de l'information sur
l'exercice de la démocratie, et veiller, y compris en proposant de
nouvelles normes, à éviter que les libertés essentielles
et les règles élémentaires de l'éthique ne soient
contournées.
" L'ampleur des défis à venir, les conséquences
à tirer de l'élargissement du Conseil de l'Europe et de
l'intensification du dialogue intercontinental -qu'illustre l'octroi du statut
d'observateur aux Etats-Unis et bientôt au Japon et au Canada-, la
définition de nouveaux objectifs et de moyens appropriés,
soulignent la nécessité d'un second sommet des chefs d'Etat et de
Gouvernement des pays membres du Conseil de l'Europe.
" Je remercie vivement
le Président CHIRAC
d'avoir bien
voulu m'indiquer qu'il était pour sa part favorable à la tenue
d'un tel sommet qui, je l'espère, pourra se tenir à l'automne
1997, sous la présidence française.
" Les propositions novatrices que le Président français
vient de présenter pour une Europe plus démocratique, plus
sociale et plus humaine laissent bien augurer de cette rencontre.
" Nous devons d'ores et déjà préparer cette grande
échéance. L'Assemblée parlementaire avait, sous
l'impulsion du Président Martinez, participé activement à
la phase préparatoire du premier sommet de Vienne d'octobre 1993. Nous
devons agir de même aujourd'hui et la présente Conférence
interparlementaire vient à point nommé pour permettre un
échange de vues sur les perspectives de la construction
paneuropéenne et sur le rôle des Parlements nationaux.
" J'adresse tous mes remerciements aux Présidents et aux
représentants des autres Assemblées européennes, de la
COSAC et des Assemblées parlementaires régionales, qui ont bien
voulu être présents parmi nous et participer à notre
discussion dans un esprit de dialogue et de coopération.
" Je forme le voeu que nos travaux, qui s'engagent sous les meilleurs
auspices grâce au remarquable travail des rapporteurs, auxquels je rends
ici hommage, marquent une étape importante dans notre réflexion
commune en vue de donner à la construction européenne la grande
dimension qu'attendent les peuples.
" A cet égard, permettez-moi encore de rendre hommage au
Président SÉGUIN
qui nous a rappelé, dans son
remarquable discours d'Epinal, l'impérieuse nécessité de
l'adhésion des peuples au projet européen et au modèle de
société qu'il implique. La construction européenne doit
être envisagée comme un projet véritablement
démocratique, économiquement viable mais socialement plus juste,
garantissant la sécurité et respectant la diversité
culturelle européenne. Sur ce plan, nous sommes confrontés
à des interrogations majeures. Après plus d'une décennie
du tout économique fondée sur le libre jeu des marchés et
le monétarisme, sous le coup de la mondialisation de l'économie
et d'une compétition industrielle et commerciale sans merci, il importe
maintenant de prendre un peu de recul. En effet, nous ne pouvons qu'être
interpellés par le fait que l'augmentation globale des richesses va de
pair avec une réduction importante des emplois et une fracture sociale
de plus en plus grande. Le moment me semble venu d'intégrer un point de
vue éthique dans notre réflexion concernant la finalité
même de notre vie en société. Je suis convaincue que cette
réflexion doit être menée ensemble par les Parlements
nationaux et l'Assemblée du Conseil de l'Europe qui devraient
dégager les grandes lignes d'un projet européen ayant l'homme
comme finalité. "
M. Jean-Claude MIGNON, député (RPR),
raporteur de la
conférence au titre du thème II : "Vers une civilisation
démocratique paneuropéenne", a présenté les
observations suivantes à l'appui de son rapport écrit :
" Le Conseil de l'Europe occupe une place particulière parmi les
institutions européennes. Il s'agit de l'organisation la plus ancienne,
créée dès 1949 dans la période
d'après-guerre. Le Conseil de l'Europe a été ainsi le
creuset des idées et des propositions qui ont abouti à la
signature du Traité de Rome en 1957 créant le marché
commun.
" Il a ensuite été au coeur du débat sur la nouvelle
Europe après les bouleversements de 1989, et sa dimension
paneuropéenne trouve aujourd'hui son accomplissement avec
l'adhésion de la Russie.
" Le Conseil de l'Europe est aujourd'hui en mesure d'apporter une
contribution décisive à l'élaboration d'un projet de
civilisation paneuropéenne.
" En effet, et c'est sans doute sa profonde originalité, le Conseil
de l'Europe qui a fait de l'éthique le levier de son action, a vocation,
de par son statut même (article ler), à proposer des normes et des
standards dans pratiquement tous les domaines de la vie politique,
économique, sociale et culturelle.
" Hormis les questions de défense, il est clair en effet que la
compétence du Conseil de l'Europe était, dès l'origine,
extrêmement vaste et couvrait en réalité tous les secteurs
de la vie sociale.
" Depuis sa création, le Conseil de l'Europe a
élaboré 162 conventions dont la plus connue est la Convention
européenne des Droits de l'Homme de 1950. Bien d'autres textes de
référence ont été signés depuis tels que la
Charte sociale européenne, la Convention culturelle, les conventions sur
la circulation des personnes, la pharmacopée européenne, la
violence dans les stades, la coopération transfrontalière, la
protection des émissions de télévision, etc...
" C'est donc au sein de ce riche réseau des conventions du Conseil
de l'Europe, appelé d'ailleurs à se développer encore
davantage, que l'on peut dégager les normes applicables à un
véritable projet de civilisation concernant l'ensemble du continent.
" La mise en oeuvre de ce projet nécessite des efforts particuliers
en vue d'assurer la cohésion sociale, en particulier par l'adoption de
mesures de confiance dans la société civile, qui faciliteront la
construction d'un espace juridique commun et le renforcement de
l'identité culturelle européenne.
" Le Sommet de Vienne d'octobre 1993 a demandé l'élaboration
de mesures de confiance pour accroître la tolérance et la
compréhension entre les peuples. Cet objectif résulte d'une prise
de conscience du fait que, premièrement le Conseil de l'Europe devrait,
au-delà de ses activités d'envergure européenne,
être prêt à participer à la résolution de
problèmes spécifiques des minorités ; et
deuxièmement, pour que les réformes juridiques en matière
de minorités atteignent leur objectif, elles doivent s'accompagner d'un
changement d'attitude des intéressés.
" La participation spécifique du Conseil de l'Europe à
l'instauration d'un climat de confiance intervient donc principalement à
deux niveaux :
- fournir l'assistance et les avis d'experts à la rédaction de
traités bilatéraux, de dispositions nationales ou de politiques
concernant la situation d'une minorité donnée ;
- soutenir les projets pilotes visant à promouvoir de bonnes relations
entre les minorités et la majorité "locale".
" Une large part des travaux du Conseil de l'Europe s'inscrivent dans
son
objectif général de promotion d'un climat de compréhension
et de tolérance mutuelles, et de respect de la culture des autres. C'est
par exemple le cas des activités en matière d'éducation
(éducation pour une citoyenneté démocratique,
éducation interculturelle, apprentissage des langues, nouvelles
approches dans l'enseignement de l'histoire) ; de culture et de sauvegarde
du patrimoine culturel ; des moyens de communication de masse ; des
migrations et des rapports entre communautés ; de la promotion de
la coopération transfrontalière entre les autorités
locales et régionales.
" Si divers partenaires interviennent dans ces activités, celles-ci
restent toutefois dans une large mesure du ressort traditionnel de la
coopération intergouvernementale. Mais l'importance croissante des
problèmes des minorités, en particulier en Europe centrale et
orientale, a révélé que de telles initiatives doivent
s'accompagner d'initiatives spécifiques sur le terrain, entreprises en
étroite collaboration avec les communautés concernées.
Telle est la motivation sous-jacente au programme des mesures de confiance dans
la société civile.
" Ce programme rassemble des activités de type préventif,
c'est-à-dire conçues pour désamorcer des tensions
susceptibles d'engendrer de graves conflits. Elles doivent essentiellement
être de nature pratique et aider à faire tomber les
barrières qui séparent les communautés sur le terrain
grâce au dialogue et aux occasions d'apprendre ou de travailler ensemble
à des projets spécifiques. Le partage d'une telle
expérience est considéré comme le moyen le plus efficace
de promouvoir la connaissance et la compréhension mutuelles, et
d'écarter la violence dans la solution des problèmes.
" Les mesures de confiance peuvent intervenir dans un vaste
éventail de secteurs. Le programme intergouvernemental
d'activités de 1995 mentionne explicitement les médias,
l'éducation, le logement et les services sociaux. Cela n'empêche
pas de mener des projets dans d'autres secteurs culturels ou sociaux, ou dans
ceux de la jeunesse, de la démocratie locale ou de la coopération
régionale. Leur principale caractéristique sera de faire
intervenir principalement des partenaires non gouvernementaux.
" Par définition, ces projets n'auront généralement
un effet direct qu'au niveau local. C'est la raison pour laquelle ils sont
conçus comme des projets pilotes qui, en cas de réussite, auront
un effet multiplicateur et encourageront d'autres à s'engager sur la
même voie. Il conviendra d'encourager l'organisation en réseaux et
l'enrichissement mutuel des projets, et de tirer les leçons des
réussites comme des échecs.
" De même, il est réaliste d'espérer des
résultats à moyen et à long terme, et non dans
l'immédiat. Le besoin pour de tels projets dérive
précisément de l'impossibilité de légiférer
pour changer les mentalités. Pour créer un climat de confiance,
il
faut de la patience et de la persévérance.
" Le rôle du Conseil de l'Europe ne se limite pas à l'apport
des fonds nécessaires au démarrage des divers projets pilotes.
Pour garantir que les projets soient menés suivant le schéma
approuvé et continuent à répondre aux objectifs des
mesures de confiance, leur application doit faire l'objet d'un suivi et d'une
assistance par le service correspondant du Conseil de l'Europe. Ce dernier
devrait assurer un dialogue permanent avec les responsables de projet et rester
prêt, le cas échéant, à fournir une aide pour
résoudre d'éventuels problèmes.
" Le suivi de l'application de chaque projet doit faire l'objet d'un
bilan
effectif quand il se termine. Pour ce faire, les objectifs du projet doivent
être clairement définis dès le départ, afin que les
résultats obtenus puissent y être comparés. D'autre part,
il en dérive une obligation pour les organisateurs non seulement de
justifier que les fonds attribués par le Conseil de l'Europe ont
été correctement dépensés, mais encore de
coopérer à l'évaluation de la mesure dans laquelle les
objectifs du projet ont réellement été atteints, et de
fournir toutes les informations que cela demande. Une telle évaluation
doit permettre de tirer des leçons en vue du choix de projets
ultérieurs. Elle revêt donc une importance particulière
dans le cas de projets destinés à servir de modèles de
bons usages.
" La nature du soutien accordé à un projet par le Conseil de
l'Europe varie considérablement ; il s'agit parfois d'une
assistance morale ou technique, sans apport financier substantiel. Il ne serait
donc pas toujours approprié d'appliquer une procédure
d'évaluation normalisée. Une équipe dépendant de la
Direction des affaires politiques est chargée de la gestion du programme
de confiance. Elle coopère étroitement avec les services
compétents des institutions, centralise et assure la coordination. Le
Comité des ministres a constitué un petit Comité de
Pilotage pour assurer la sélection finale des projets proposés
pour leur inclusion dans les mesures de confiance. Ce Comité de Pilotage
a pour mandat d'examiner les projets approuvés et filtrés par le
Secrétariat pour lesquels les informations nécessaires ont
été fournies, et de prendre des décisions finales sur
l'adoption des projets et le mode d'assistance du Conseil de l'Europe. Une
trentaine de projets ont été approuvés par les
Comités de Pilotage.
" Les activités du Conseil de l'Europe dans le domaine juridique
ont toujours été prioritaires et cela se comprend car
l'Organisation a puissamment contribué à la construction d'un
espace juridique commun, notamment en tissant une trame de 162 conventions et
accords dans tous les domaines du droit. Pour ne citer que quelques
instruments, mentionnons les conventions dans le domaine pénal, telles
que celles sur l'entraide judiciaire, l'extradition, la répression du
terrorisme, le blanchiment de l'argent, ou encore la Convention sur la
protection des données à caractère personnel. Le Conseil
de l'Europe a ainsi directement contribué à l'harmonisation du
droit en jetant les bases d'un espace juridique au niveau de la Grande Europe.
" Depuis quelques années et surtout depuis l'ouverture à
l'Est, les activités dans ce domaine ont surtout été
axées sur le renforcement de la démocratie pluraliste et sur
l'Etat de droit et forment ainsi un complément indispensable à
l'action dans le domaine des droits de l'homme. Cette tendance s'affirme tant
dans le programme intergouvernemental d'activités régissant
à l'origine la coopération entre Etats membres mais qui, par la
voie des projets "Grande Europe", s'est ouvert largement à la
participation d'Etats non membres d'Europe centrale et orientale, que dans les
programmes spécifiques de coopération et d'assistance avec ces
pays. L'objectif de l'ensemble de ces activités est en effet la
cohésion démocratique de notre continent.
" La Conférence des ministres européens de la justice
constitue une excellente source d'initiatives dans le domaine de la
coopération juridique et fournit l'impulsion politique
nécessaire. Cette Conférence se réunira du 11 au 12 juin
1996, à Budapest, sur le thème : "Efficacité,
équité de la justice civile, pénale et administrative", et
l'on peut espérer que cette réunion soit le point de
départ d'une action au Conseil de l'Europe et dans les pays membres pour
remédier aux problèmes de procédure dans de nombreuses
juridictions nationales.
" L'Assemblée parlementaire constitue une autre source d'initiative
importante pour les activités juridiques. Le programme
intergouvernemental d'activités dans le domaine juridique a
été considérablement renforcé pour 1996 et les
priorités clairement définies.
" La lutte contre la criminalité est essentielle dans toute
société démocratique. Le Conseil de l'Europe
bénéficie d'une expérience unique en la matière et
fait preuve de dynamisme en s'adaptant continuellement à
l'évolution de la société et aux nouvelles formes de
criminalité que cette évolution entraîne malheureusement.
C'est ainsi que la corruption constitue une menace dans tous les pays de notre
continent et sape les bases mêmes des institutions démocratiques.
Le Conseil de l'Europe vient donc d'élaborer un ambitieux programme
d'action contre ce fléau. Ce programme est destiné à
être mis en oeuvre sur une période d'au moins cinq ans et portera
sur tous les aspects juridiques (civils, administratifs et pénaux).
L'élaboration d'un ou de plusieurs instruments internationaux est
prévue dont, si possible, une convention intemationale-cadre contenant
des principes généraux assortie d'un mécanisme de mise en
oeuvre, mais également un code de conduite européen des agents
publics.
" Dans le secteur de la protection des données à
caractère personnel, le Conseil de l'Europe a élaboré une
convention qui vise à délimiter l'exercice du droit à la
liberté d'expression par rapport au droit au respect de la vie
privée. Dans le secteur de l'information juridique se tiendra à
Stockholm, en juin, le XXVIè Colloque de droit européen qui sera
consacré aux "Changements dans le domaine du Droit et des technologies
d'information".
" La bioéthique est un autre domaine où le Conseil de
l'Europe est actif depuis quelques années. Il se devait en effet de
s'intéresser à cette problématique car il s'agit de
défendre des valeurs fondamentales telles que la vie, la vie
privée, la famille et le respect de l'être humain, à la
fois comme individu et dans son appartenance à l'espèce humaine.
Il s'agit également de s'adapter à des techniques qui progressent
très rapidement en créant des vides juridiques qu'il s'agit de
combler afin d'éviter l'anarchie. C'est pourquoi le Conseil de l'Europe
élabore en ce moment un projet de convention pour la protection des
droits de l'homme et la dignité de l'être humain à
l'égard des applications de la biologie et la médecine,
dénommée "Convention de bioéthique" qui constituera le
premier texte de référence en la matière.
L'Assemblée parlementaire a déjà donné un premier
avis sur ce projet et devrait à nouveau être consultée dans
quelques semaines avant l'adoption du projet par le Comité des ministres.
" Au vu de son expérience dans le domaine des
réfugiés et des apatrides, le Conseil de l'Europe a
été chargé, dans le contexte des Accords de Dayton,
d'organiser en mars 1996, en coopération avec le Haut Commissaire des
Nations Unies pour les réfugiés, une réunion d'experts de
cinq pays situés sur le territoire de l'Ex-Yougoslavie pour
vérifier que les législations en vigueur ou en projet ne feront
pas obstacle au retour des réfugiés et des personnes
déplacées.
" Le Conseil de l'Europe développe également une
activité permanente visant à renforcer le rôle du droit
international public. Suite à la troisième Conférence
européenne sur le Droit de la famille tenue à Cadix en novembre
1995, un nouvel élan a été donné aux
activités dans ce secteur. Une Convention européenne sur
l'exercice de droits des enfants vient d'être ouverte à la
signature des Etats membres en janvier.
" Les piliers de ces programmes de coopération et d'assistance avec
les pays d'Europe centrale et orientale sont l'Etat de droit, la
démocratie pluraliste et le respect des droits de l'homme. Le Conseil de
l'Europe met donc son acquis dans le domaine de la coopération juridique
en général à la disposition des pays
bénéficiaires. Le programme Demo-Droit vise à promouvoir
les réformes législatives. Cette action en amont est
complétée en aval par le plan Thémis destiné
à assurer la mise en oeuvre des réformes intervenues. Il propose
aux professions juridiques des programmes de formation et de perfectionnement
s'inspirant des principes fondamentaux de l'Etat de droit et des droits de
l'homme. La Commission européenne pour la Démocratie par le Droit
fonctionnant depuis 1990 sous la forme d'un Accord partiel, est un organe
consultatif qui coopère avec les Etats membres du Conseil de l'Europe et
les Etats non membres. Elle aide les nouvelles démocraties d'Europe
centrale et orientale à créer de nouvelles infrastructures
politiques et juridiques.
" Le Conseil de l'Europe, dès sa création en 1949, a
développé une compétence en matière culturelle
autour de deux lignes directrices, d'une part la défense du pluralisme
des identités culturelles et d'autre part, la mise en valeur du
patrimoine commun. Le cadre géographique propre à la Convention
culturelle européenne s'est élargi considérablement depuis
40 ans, et plus particulièrement depuis la chute du mur de Berlin.
L'Organisation se voit donc confier une vocation paneuropéenne, mais au
prix d'une complexité accrue du fait de la confrontation des situations
nationales les plus diverses.
" La Convention culturelle européenne affirme l'existence d'une
"culture européenne" dont la sauvegarde et le développement
doivent être assurés au moyen d'"une politique d'action commune".
" L'évolution de la coopération culturelle est le fruit d'un
programme intensif d'activités réalisées grâce
à l'oeuvre du Conseil de la Coopération culturelle (CDCC). Son
rôle est primordial puisqu'il conçoit et réalise les
programmes du Conseil de l'Europe en matière d'éducation et de
culture, grâce au Fonds culturel. Il est assisté par quatre
Comités spécialisés : Education, Enseignement
supérieur et Recherche, Culture, et Patrimoine culturel.
" Une date symbolique a été franchie récemment avec
la célébration, entre décembre 1994 et mai 1995, de 40 ans
de coopération culturelle. Le Sommet de Vienne, qui a réuni en
octobre 1993 l'ensemble des chefs d'Etat et de Gouvernement des pays membres du
Conseil de l'Europe, a montré le rôle fondamental que la
coopération culturelle peut et doit jouer dans le soutien et la
consolidation de la sécurité démocratique, et a
donné l'impulsion nécessaire à l'élaboration d'un
ensemble de nouveaux programmes.
" Le Conseil de l'Europe s'est vu confier la mission de réaliser,
sur notre continent, "un vaste espace de sécurité
démocratique". Au même titre que la démocratie, le respect
des droits de l'homme et la prééminence du droit, la
coopération culturelle est devenue un des quatre piliers de
l'Organisation d'une Europe démocratique multilingue et pluriculturelle.
La coopération doit jouer un rôle croissant de cohésion et
de stabilité particulièrement en promouvant une attitude positive
vis-à-vis de la diversité culturelle. L'enjeu est de renforcer la
conscience d'une identité européenne commune, de
développer une conception de cette identité culturelle en
référence à une histoire et à un patrimoine
particuliers, qui soit en même temps plurielle, dynamique et
évolutive.
" L'année 1996 constituera, pour le CDCC et le Fonds culturel, une
année de transition, en raison de l'achèvement prévu de
plusieurs grands projets. La réorganisation envisagée à
partir de 1997 devra tenir compte de l'émergence d'une politique
culturelle au sein de l'Union européenne. Le rôle du Conseil de
l'Europe n'en est pas pour autant menacé : il
est au
contraire explicitement défini dans les articles 126 et 128 du
Traité de Maastricht, ce qui a permis des progrès importants,
dans la période récente, dans la coopération entre les
deux organisations.
" L'examen des demandes de coopération provenant d'Etats non
parties à la Convention et n'appartenant pas au continent
européen est un autre défi à relever.
" Aux termes de ce rapport, il apparaît que le chapitre ouvert par
le Conseil de l'Europe pour fixer les bases d'une société
paneuropéenne est déjà considérable.
" La qualité des expertises du Conseil de l'Europe est aujourd'hui
reconnue par l'ensemble des institutions européennes. Le Conseil de
l'Europe apparaît comme une organisation ayant la capacité
d'innover, de susciter des approches nouvelles pour relever les nouveaux
défis de la société. Ces défis sont immenses, tels
que les conséquences à tirer des nouvelles technologies de
l'information dont Internet est la réalisation-pilote.
" Le Conseil de l'Europe a toujours été à
l'avant-garde dans l'analyse des grands problèmes de
société. Ses travaux précurseurs sur le Sida dans les
années 1980 en témoignent. Si les experts et les administrations
en avaient pris mieux connaissance, une tragédie aurait peut-être
pu être évitée...
" Pour une meilleure efficacité, le Conseil de l'Europe doit
renforcer sa coopération avec les autres institutions européennes
et en particulier avec l'Union européenne avec laquelle pourrait se
développer un nouveau partenariat.
" Les programmes de coopération avec les pays d'Europe centrale et
orientale doivent demeurer prioritaires. Beaucoup reste à accomplir, en
effet, pour aider ces pays à établir de nouvelles normes
applicables à l'ensemble de la vie publique.
" L'avenir du Conseil de l'Europe dans le nouveau contexte de son
élargissement à l'ensemble du continent européen
dépend plus que jamais de la volonté politique des Gouvernements.
Pour mener à bien les missions qui lui ont été
confiées par les chefs d'Etat et de Gouvernement lors du Sommet de
Vienne d'octobre 1993 et compte tenu de l'adhésion de la Russie, le
Conseil de l'Europe a besoin de moyens nouveaux. L'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe devrait d'ores et déjà
prendre des initiatives en faveur de la tenue d'un second sommet du Conseil de
l'Europe.
" Enfin, il est essentiel de rappeler une fois de plus la
nécessité pour le Conseil de l'Europe d'améliorer sa
communication pour que l'Organisation soit en mesure de donner à toutes
les actions qu'elle entreprend le retentissement souhaitable. "
Mme Nicole FONTAINE, Vice-Présidente du Parlement européen
(Parti populaire européen)
, est intervenue, lors de la discussion du
même thème, dans les termes suivants :
" Permettez-moi, tout d'abord, d'un mot, de me féliciter de cette
Conférence inerparlementaire que le Conseil de l'Europe et
l'Assemblée nationale française ont conjointement
organisée et à laquelle ils ont voulu associer le Parlement
européen, ce dont je vous remercie.
" Il faut bien l'admettre, depuis près de quarante ans, la
construction européenne s'est effectuée assez largement en marge
des citoyens, et souvent dans une grande absence de communication et de
transparence. Les campagnes référendaires qui, dans plusieurs
pays de l'Union, ont précédé l'adoption du traité
de Maastricht en 1992 ont révélé un véritable
fossé psychologique entre les citoyens et les décideurs
communautaires.
" Aujourd'hui, ce fossé demeure. Le temps de l'europhilie
euphorique est derrière nous, et nous devons affronter une crise assez
profonde de nos opinions publiques à l'égard de l'Europe. Son
image s'est détériorée, à des degrés divers,
dans tous les pays de l'Union. Nous devons ensemble, dans l'exercice de nos
responsabilités respectives et en renforçant notre
coopération, nous préoccuper de cette situation. A la veille de
la Conférence intergouvernementale, dont l'objectif est de parvenir
à une réforme profonde de l'Union pour la rendre plus
démocratique et en adapter le fonctionnement à la perspective de
son élargissement, l'entreprise est capitale. Les conclusions de la
C.I.G. devront recevoir explicitement l'assentiment de chacun des quinze
peuples, soit directement par référendum, soit par l'entremise de
leurs représentants élus.
" S'agissant des pays candidats à l'Union, il est essentiel que
cette expérience les amène à se pencher dès
maintenant sur les suites qu'aura l'adhésion dans leurs opinions
respectives, et il importe de prévenir le risque que la déception
succède à l'enthousiasme né de promesses insuffisamment
tenues. L'évolution rapide de l'opinion chez nos amis autrichiens et
suédois qui ont adhéré à l'Union européenne
depuis un an à peine est éclairante à cet égard.
" Car l'Union n'est pas un supermarché. Sa finalité est
d'être une authentique communauté, qui a vocation à
intégrer la plupart des pays de l'Europe. Au-delà des
échanges économiques, l'essentiel est dans le rapprochement
toujours plus grand des peuples eux-mêmes en une civilisation
paneuropéenne. Cela suppose une volonté politique bien
ancrée de garder le cap sur les exigences essentielles :
démocratie consolidée, structure sociale de marché,
adhésion à la dimension politique de l'Europe dont la
défense commune est un pivot. "Nous ne coalisons pas des Etats, nous
unissons des hommes", disait déjà Jean Monnet il y a cinquante
ans. Il n'en demeure pas moins que nous devons accomplir ensemble un double
effort : un effort de communication, un effort de courage politique et de
clarification.
" Un effort de communication : peut-être avons-nous eu tort de
tant dénoncer le déficit démocratique de la construction
européenne ; nos concitoyens n'en ont retenu que le constat, sans
se projeter sur l'objectif auquel nous souhaitions les sensibiliser et les
associer.
" Un effort de courage politique et de clarification : la
réforme à laquelle la Conférence intergouvernementale qui
s'ouvrira demain doit pouvoir répondre apparaît à la fois
nécessaire et urgente pour que, dans la perspective de
l'élargissement, l'Union préserve sa capacité d'action et
pour qu'aux yeux de nos citoyens nos institutions, qui les représentent,
soient plus lisibles.
" La qualité des relations entre nos institutions parlementaires
est pour cela fondamentale, et il convient, ici, à la fois de souligner
l'acquis et de relever ce qui peut et doit être amélioré.
" Entre Parlement européen et Conseil de l'Europe, notre
coopération a été renforcée. Nous ne nous limitons
plus à siéger dans la même enceinte à
Strasbourg ! Nous avons le souci d'accorder la
complémentarité de nos rôles et d'établir des
partenariats sur les sujets qui nous sont communs.
" Je remercie Mme Fischer de l'avoir souligné ce matin. Je confirme
que le Parlement européen a souvent réitéré
l'exigence de voir la Communauté adhérer à la Convention
des Droits de l'Homme.
" Entre Parlement européen et Parlements nationaux, nous nous
rencontrons, nous nous parlons, nous débattons sous des formes
multiples. La Conférence des présidents des Parlements nationaux
des Quinze se réunit régulièrement. La COSAC constitue un
forum privilégié de réflexion commune.
" Pourtant, au cours de ces dernières années, les Parlements
nationaux ont eu le sentiment d'être progressivement
dépossédés de leurs prérogatives
législatives au profit des institutions communautaires, alors que, dans
le même temps, la législation européenne prenait le pas sur
les législations nationales. Le débat n'est pas seulement
important, il
est essentiel.
" Au Parlement européen, sans fermer la porte à une
recherche inventive, il nous apparaît que la réponse n'est pas
dans la création d'une nouvelle institution, telle qu'une Chambre des
Parlements nationaux qui ne ferait qu'ajouter à la complexité
institutionnelle déjà grande, mais dans le renforcement des
mécanismes d'information et de contrôle dont les Parlements
nationaux doivent disposer à l'égard de leur propre Gouvernement
pour toutes les questions européennes ayant des effets
législatifs.
" Je me réjouis qu'en France, une disposition soit désormais
inscrite dans la Constitution, qui prévoit que les propositions de
directives communautaires sont, dès leur communication au Gouvernement,
transmises au Parlement qui exprime son avis par voie de résolutions.
Cette disposition est équilibrée. Elle permet à la
représentation nationale d'exprimer à temps au Gouvernement, et
non plus lorsqu'il est trop tard, ses avis et amendements.
" La généralisation de ce type de procédure, sous des
formes à choisir par chaque pays, serait de nature non seulement
à renforcer le fonctionnement démocratique de l'Union, mais
également à vérifier que le principe de
subsidiarité, introduit dans le Traité de Maastricht en vue
d'assurer une répartition plus judicieuse des compétences entre
le niveau des Etats et celui des institutions communautaires, sera, dans chaque
cas, respecté. Ce dernier aspect est d'autant plus important que plus
nous avancerons dans l'unification européenne, plus
l'appréciation du principe de subsidiarité sera délicate
à opérer, pour la simple raison que les attentes à
l'égard de l'Europe évoluent et qu'elles sont de plus en plus
mêlées, si ce n'est contradictoires.
" Il n'est pas facile de démêler ce qui doit relever de
l'action communautaire et ce qui doit relever de celle des Etats. Le droit des
Parlements nationaux à intervenir est, sur ce point en particulier, une
exigence démocratique qui devrait trouver sa concrétisation dans
la proposition du Président Chirac d'y associer la Conférence des
Présidents d'Assemblée.
" Pour conclure, je ferais deux remarques d'ordre général.
Premièrement, le modèle démocratique qu'il convient de
définir pour parfaire l'Union européenne n'a pas de
précédent classique, qu'il soit de type fédéral ou
confédéral. Il devra être spécifique. Pour cette
raison, il reste encore largement à inventer.
" Il ne peut y avoir de cohésion durable dans l'Union et
d'authentique démocratie communautaire que si les Etats, à
travers le Conseil où ils siègent et les Parlements nationaux
élus de leurs nations, partagent, de façon structurée,
permanente et équilibrée, avec les institutions communautaires le
pouvoir de législation commune. Le défi démocratique que
l'Union doit relever pour les années à venir est
précisément de parvenir à cette synergie
équilibrée entre des institutions européennes rendues plus
fortes et plus efficaces dans l'intérêt de tous, et des Etats qui
ne soient affaiblis ni dans leur identité ni dans leurs
responsabilités nationales.
" Deuxièmement, quelle que soit la pertinence des institutions, la
démocratie européenne ne doit pas rester une affaire
d'initiés. Elle exige une grande qualité de communication avec
l'ensemble des citoyens, acteurs et non simples sujets d'une Europe en
évolution accélérée. Ce fut la grande leçon
du débat sur la ratification du traité de Maastricht : les
décideurs avaient jugé de ce qui était bon pour l'Europe,
et sur le fond, ils avaient tellement le sentiment d'avoir raison qu'ils ne
demandaient au peuple que son consentement, sans l'avoir préalablement
associé au cheminement.
" Mais le peuple a voulu donner un accord réfléchi, et non
pas formel. Il l'a fait savoir. Alors que la réflexion de tous est
à nouveau sollicitée sur le futur proche de l'Union
européenne et au-delà, sur la future Confédération
paneuropéenne, sachons ne pas l'oublier. "
M. Jean SEITLINGER, député (UDF), Président de la
Commission des relations avec les pays européens non membres de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe,
rapporteur
général de la conférence, a présenté son
rapport écrit portant sur le thème III "Les Parlements nationaux
et l'Europe", en formulant les observations suivantes :
" Cette conférence, engagée sous les meilleurs auspices,
représente le terme d'un long cheminement. Je remercie la
Présidente Ragnarsdottir d'avoir agi à nos côtés
avec une ardente conviction.
" J'entends faire l'état des lieux avant l'ouverture de la C.I.G.
J'ai indiqué dans mon rapport écrit que le Conseil de l'Europe
était le creuset de la deuxième Chambre mais il s'agit seulement
d'ouvrir une piste de discussion, d'autres solutions restent possibles. Il en
va de même pour la perspective d'une fusion entre l'UEO et l'Union
européenne.
" Tout le monde s'accorde pour constater un
déficit
démocratique. On n'y remédiera qu'en renforçant le
rôle et des Parlements nationaux et du Parlement européen, sans
discrimination entre l'un et les autres. Sur ce point, le Traité de
Maastricht n'a pas apporté de vraie réponse. Le sujet est donc
à l'ordre du jour de la C.I.G. L'Union européenne ne saurait
ignorer les acquis des autres organisations européennes dotées
d'Assemblées issues des Parlements nationaux.
" L'OSCE réunit 53 pays, du Canada à l'Asie centrale, mais
sa composante parlementaire reste embryonnaire. Elle ne se réunit qu'une
fois par an et il faut la renforcer.
" Le Conseil de l'Europe compte 39 membres et vient d'admettre les
Etats-Unis et le Japon comme observateurs. Avec l'UEO, la répartition
des compétences est facile, il n'y a pas de chevauchement. Le Conseil a
une compétence politique générale alors que l'UEO s'occupe
de sécurité et de défense. Celle-ci réunit 10
membres de l'Union européenne, plus 27 Etats associés. Mais
qu'adviendra-t-il de cette organisation ? Va-t-elle fusionner avec l'Union
européenne ou se maintenir ? Comme l'a dit le Président
Séguin, je crois que sa disparition signifierait le glas de
l'identité européenne de défense. Et toute fusion avec
l'Union européenne est prématurée au moment où
cette dernière s'élargit à des pays neutres.
" J'ai évoqué un rapprochement de ces institutions. D'autres
parlent de parallélisme, mais des parallèles ne se rencontrent
jamais... En l'état actuel, elles doivent rester indépendantes et
trouver leur place dans le cadre d'une politique authentiquement
européenne de sécurité et de défense.
" Il y a contradiction à évoquer les rapports entre
Parlements nationaux et Parlement européen. En 1979, nous avions
pensé que l'élection de celui-ci au suffrage universel direct
améliorerait la situation mais, par un effet pervers de la
réforme, le cordon ombilical a été coupé non
seulement avec les Parlements nationaux mais aussi avec toutes les institutions
des pays concernés ! Les Parlements nationaux ont eu l'impression
d'être dépossédés de leurs compétences :
les directives sont adoptées par le Conseil des ministres et transcrites
en droit interne.
" On a exploré des voies en vue de les associer de façon
pragmatique à un meilleur contrôle de la Commission
européenne. Les Danois ont un système, les Français un
autre, les Allemands ont adopté une procédure spécifique
avec leur structure fédérale. Chacun établit ses propres
règles mais le but reste le même et les rencontres de la COSAC
permettent de coordonner les actions. Il ne doit pas y avoir rivalité
mais complémentarité.
" Il faut aussi constater que l'Union européenne conserve une
grande force d'attraction notamment en Europe centrale et orientale, à
cause de la situation économique. L'élargissement sera-t-il un
bien ou un mal ? Il est peut-être précipité d'agir
avant d'avoir modifié les institutions. Quoi qu'il advienne, l'Union
européenne ne sera pas paneuropéenne : elle
n'intègrera pas dès demain les nouvelles républiques
issues de l'URSS et elle doit encore compter avec des cas d'espèce comme
la Norvège et la Suisse.
" Deux pistes de réflexion s'ouvrent pour préciser les
rapports entre Conseil de l'Europe et OSCE ainsi qu'avec l'Union
européenne. Avec l'OSCE, le partage des tâches est aisé.
Flavio Cotti, Président de l'OSCE, s'est clairement prononcé
à Strasbourg pour une répartition des
responsabilités : à l'OSCE la prévention des
conflits, au Conseil de l'Europe le respect des droits de l'homme, de la
démocratie et de l'Etat de droit. Le partenariat est facile, est
déjà mis en place et on peut encore l'améliorer, par
exemple pour le contrôle des élections, comme en Bosnie.
" Entre le Conseil et l'Union européenne, les rapports sont plus
complexes. Les deuxième et troisième piliers de l'Union ont un
caractère partiellement communautaire et partiellement gouvernemental.
Ils relèvent aussi du Parlement européen et des Parlements
nationaux ou du Conseil de l'Europe. Il est délicat de fixer une ligne
de partage claire.
" Evitons la langue de bois ; n'allons pas raconter qu'entre
l'Union
et le Conseil la coopération est constante et constructive. Ce n'est pas
le cas ! Je le sais, j'ai siégé des deux côtés.
Les rapports du Conseil avec le Parlement européen sont rarissimes. Les
élus se rencontrent certes dans leur pays, dans leurs partis mais il n'y
a pas de véritable osmose institutionnelle.
" Nous avions ainsi toujours souhaité que l'Union européenne
adhère à la Convention des Droits de l'Homme. Or la Cour de
justice de Luxembourg vient ce matin même de rendre une expertise qui
conclut qu'en l'état actuel du droit communautaire, l'Union n'a pas
compétence pour adhérer à la Convention... La question est
tranchée et il n'est pas neutre qu'elle l'ait été à
la veille de l'ouverture de la C.I.G. On sait à quoi s'en tenir.
L'adhésion exigerait de modifier le traité. Faut-il assigner un
nouveau rôle au Parlement européen ? On a
évoqué une seconde Chambre, un Sénat européen, une
COSAC rénovée, un haut Conseil parlementaire... Je ne sais pas si
la C.I.G. explorera une de ces pistes. Beaucoup de pays ont un système
bicaméral mais pas tous et même parmi les premiers, il y a des
différences : le Bundesrat n'est pas du tout semblable au
Sénat français. Si on réunit des parlementaires nationaux
dans une seconde Chambre, on aura recréé le Parlement
européen d'avant 1979 aux côtés de l'actuel, ce qui posera
de nombreux problèmes.
" Pour le troisième pilier de l'Union européenne, on
procède plus souvent par convention que par directive. Or la convention,
c'est gouvernemental. J'ai lu ce matin que le ministre des Affaires
étrangères du Royaume-Uni déclarait : "Nous nous
opposerons à toute nouvelle centralisation, à toute extension du
vote à la majorité qualifiée, à tout
élargissement des compétences communautaires !" C'est dire
déjà combien il sera difficile de trouver un dénominateur
commun. Il est vrai que la C.I.G. se fixe 12 à 18 mois pour aboutir.
" La définition d'une nouvelle architecture ne sera pas neutre. La
situation semble bloquée. Les uns veulent diminuer le nombre des
commissaires, les autres veulent que chaque pays puisse en désigner un.
Il ne faudrait pas qu'un compromis aboutisse à reconnaître
à tous les Etats, même Malte et Chypre, le droit d'avoir aussi un
commissaire, alors que les grands Etats n'en auraient plus qu'un seul. La
France le pense tout bas et le dit tout haut. C'est un sacrifice que nous ne
sommes pas prêts à consentir.
" La France a proposé un "Monsieur PESC", politique
étrangère et de sécurité commune. D'autres
Gouvernements le refusent en soulignant qu'il affaiblirait le Président
de la Commission. Napoléon disait que mieux vaut avoir un mauvais
général que deux bons... Comment, en effet, faire parler l'Europe
d'une seule voix à deux ? Il faut pourtant que l'Europe puisse
s'affirmer davantage politiquement.
" Autre sujet, le mode d'élection. Le Traité de Rome avait
prévu expressément que le Parlement européen pourrait
modifier la loi électorale. J'ai été rapporteur d'un
projet de scrutin uniforme, il n'a jamais abouti en Conseil des ministres, les
uns tenant pour le scrutin majoritaire, les autres pour la proportionnelle,
sans compter la France qui change tout le temps : j'ai été
élu 8 fois député, deux à la proportionnelle,
notamment mon premier mandat, avec Robert Schuman, les autres au scrutin
majoritaire.
" A mon avis, il faudra, qu'on le veuille ou non, distinguer ce que
j'appelle, avec Valéry Giscard d'Estaing, l'Europe-puissance de
l'Europe-espace. La première serait une Europe plus restreinte où
quelques pays pourraient aller ensemble plus loin et plus vite, la seconde
serait l'Europe continent démocratique unie dans une
confédération européenne. C'est la seule solution
réaliste.
" Nous vous proposerons demain des conclusions pour cette
conférence. Ce soir, un groupe de travail restreint se réunira
pour les élaborer. "
Dans le débat sur le thème "Les Parlements nationaux et
l'Europe",
M. Robert PANDRAUD, député (RPR)
, a pris la
parole en sa qualité de Président de la Délégation
de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, et a
formulé les observations suivantes :
" "Les locaux de stabulation des porcs doivent être construits de
manière à permettre à chaque porc de s'allonger, de se
reposer et de voir d'autres porcs". Cette phrase saugrenue n'est qu'une
citation extraite d'une directive communautaire de novembre 1991 !
" Elle nous place au coeur de notre débat. Comment mieux illustrer,
en effet, le décalage entre les préoccupations de nos concitoyens
et l'action quotidienne de l'Union européenne ?
" Je crois que nous sommes tous -ici et ailleurs- conscients et
inquiets
du fossé grandissant qui s'est creusé entre les citoyens et la
construction européenne. Pour les Parlements nationaux, cette situation
est d'autant plus préoccupante que les transferts de compétences
des Etats membres à l'Union aboutissent, pour utiliser le mot du
président Philippe Séguin, à un "marché de dupes".
Des pouvoirs législatifs d'importance croissante sont confiés
à un collège d'exécutifs, le Conseil, lequel ne partage
que partiellement ce pouvoir avec le Parlement européen, tandis que la
Commission joue le rôle d'un exécutif peu ou mal
contrôlé.
" Complexité et multiplicité des procédures ajoutent
à la confusion des responsabilités entre ces trois institutions
communautaires. Perdus dans les dédales de trente-trois
procédures différentes, les citoyens ont cependant
conservé l'habitude, lorsque la législation communautaire leur
pose problème, de se tourner vers leurs représentants nationaux
et d'exiger d'eux des comptes ou des explications. La seule solution pour les
Parlements nationaux a donc consisté à perfectionner le
contrôle qu'ils exercent sur leurs Gouvernements respectifs au cours de
la négociation des actes communautaires, mais cette intervention en
amont, tout comme celle qui se situe en aval de l'adoption communautaire des
textes -avec la transposition des directives-, se heurte à des limites
évidentes.
" Ainsi le "marché de dupes" s'est-il traduit, pour les
Parlements
nationaux, par un paradoxe surprenant : malgré la place croissante
occupée par la législation communautaire dans la vie quotidienne
des citoyens, les affaires européennes sont restées des "affaires
étrangères", pour lesquelles l'intervention des Parlements
nationaux est trop souvent limitée au contrôle des
négociations, en amont, et à la ratification ou à
l'intégration en droit interne des textes adoptés au niveau
communautaire, en aval.
" Cette dernière fonction réduit d'ailleurs trop souvent les
Parlements nationaux au rôle de simples chambres d'enregistrement, leur
seul pouvoir étant de dire non, ce qui est
,
toujours ou presque,
politiquement impossible. Il reste certes, en théorie, la faculté
de préciser le contenu des directives, qui doivent, selon le
Traité de Rome, lier les Etats "quant au résultat à
atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant
à la forme et aux moyens". La pratique, trop fréquemment
constatée, consistant à préciser toujours davantage le
contenu même des directives sous la pression de telle ou telle
institution, a cependant abouti à transformer ces actes en de
quasi-règlements : comme le soulignait récemment notre
Conseil d'Etat, "tout y est indiqué, jusqu'à la place du
tournevis et la manière de s'en servir". La fonction des Parlements
nationaux se réduit ainsi à celle de "moines copistes".
" Reste donc le renforcement du contrôle parlementaire exercé
par chaque Parlement national sur son Gouvernement. De nombreuses
Assemblées, à la suite de la ratification du Traité de
Maastricht sur l'Union européenne, dont l'Assemblée nationale, se
sont dotées d'instruments plus performants. Cependant il apparaît
que ce contrôle, fut-il perfectionné, a atteint aujourd'hui ses
limites naturelles. Nos seules armes efficaces sont en effet
inutilisables : quel Parlement ira censurer son Gouvernement pour avoir
mal négocié telle ou telle directive technique ?
" Les Parlements nationaux doivent donc jouer un rôle plus
affirmé dans la construction européenne, en conformité
avec la légitimité qu'ils incarnent et la responsabilité
politique qu'ils assument envers les citoyens qui les ont élus.
" Pour ces raisons, la Délégation de l'Assemblée
nationale pour l'Union européenne, qui mène depuis dix-huit mois
une réflexion approfondie sur la réforme de l'Union dans la
perspective de la C.I.G., a proposé de confier aux Parlements nationaux
un rôle collectif et consultatif, sans interférer directement dans
le processus législatif communautaire. En aucun cas il s'agit de
créer une deuxième chambre : nous ne l'avons jamais
proposé : les reproches qui nous sont adressés à cet
égard relèvent du procès en sorcellerie ! Il n'est,
en effet, pas question de confier aux Parlements nationaux un pouvoir
délibératif s'inscrivant dans le processus de décision
communautaire. Nos Parlements pourraient, en revanche, à travers la
COSAC, porter une appréciation politique sur le respect du principe de
subsidiarité par les projets d'actes de l'Union et émettre des
avis dans les matières intergouvernementales de la politique
étrangère et de sécurité commune, de la justice et
des affaires intérieures, voire sur les grandes décisions de
l'Union adoptées par le Conseil à l'unanimité, telles que
celles qui concernent les ressources propres, la fiscalité,
l'élargissement ou la réforme des traités de l'Union.
" Notre proposition revêt plusieurs avantages. En s'appuyant sur un
organe préexistant -la COSAC-, elle ne surcharge pas l'architecture
institutionnelle de l'Union. D'autre part, en ne confiant à cette COSAC
rénovée qu'un rôle consultatif, elle n'interfère pas
dans le processus législatif lui-même. Enfin, en se concentrant
sur les domaines les plus proches de l'exercice des souverainetés dont
plusieurs ne font aujourd'hui l'objet d'aucun contrôle politique, elle
respecte le rôle et la place du Parlement européen, dans un souci
de complémentarité et de conciliation de la
légitimité de chacun.
" Il faut aller de l'avant et faire preuve d'audace et d'imagination,
à l'instar des Pères fondateurs de la Communauté
européenne. "
Au terme des travaux de la conférence
, M. Jean SEITLINGER,
député (UDF)
, a présenté, à titre de
rapporteur général, les conclusions qu'il tirait de ces travaux :
" Je remercie les très nombreux orateurs qui ont enrichi les
débats, que je vais tenter de résumer. Les principaux points
abordés ont été le déficit démocratique, la
subsidiarité, la spécificité des PECO, l'architecture du
Parlement européen, la COSAC.
" M. Leuba a particulièrement insisté sur le déficit
démocratique, malheureusement incontestable dans l'Union
européenne et qui inquiète certains pays candidats. Il a eu
raison de souligner que l'opinion est coupée en deux, en France,
heureusement, un peu plus européenne, en Suisse, malheureusement, un peu
moins, sans parler du Danemark. Je ne veux pas ouvrir un
débat
sur les avantages comparés de la démocratie directe et de la
démocratie représentative, M. Columberg est chargé d'un
rapport là-dessus. Je dirai seulement que l'usage de la
démocratie directe à répétition entraîne une
participation électorale très faible, ce qui pose d'autres
problèmes. En France, le référendum existe mais les
Présidents de la République sont réticents à
l'utiliser.
" La subsidiarité est une revendication forte. "Faire moins mais
faire mieux", a dit Lord Tordoff. L'Union européenne ne doit pas toucher
à tout, mais laisser les Etats, les régions, s'occuper de leurs
problèmes particuliers. Il n'y aura jamais d'Europe totalement
harmonisée. Elle serait très monotone et nous devons respecter
nos diversités.
" Nous comprenons les inquiétudes des Baltes, qui veulent des
garanties, et celles des Roumains qui craignent un double standard. Sur ces
deux points, nous sommes attentifs.
" J'ai précisé dans mon rapport imprimé ce que je
pensais de la COSAC. C'est une institution hétérogène,
à la composition différente dans chaque pays. On peut penser que
c'est justement cela qui la rend efficace ou au contraire, si on est
cartésien, souhaiter l'officialiser. Différentes propositions ont
été présentées, je ne suis pas sûr qu'elles
aboutissent, car qui sait ce qui sortira de la C.I.G. ?
" Cela étant, le plus important est de déterminer le
rôle de chaque institution dans l'Europe de demain. Du débat, il
ressort nettement qu'il ne saurait y avoir aucune exclusivité, aucun
monopole, mais aussi que le Conseil de l'Europe apporte une contribution
spécifique, pour laquelle il
est irremplaçable. On a dit
qu'il fallait parvenir à une division du travail satisfaisante entre lui
et l'OSCE, et qu'il convenait de rechercher une plus grande
complémentarité et une plus grande transparence dans les
relations avec l'Union européenne. En effet, comme l'a souligné
M. Kretschmer, on doit utiliser au mieux les institutions existantes :
il
y a un consensus pour ne pas en créer de nouvelles.
" S'agissant de la C.I.G., les Allemands avaient dans un premier temps
fait référence à un "noyau dur", terme auquel
l'Assemblée parlementaire avait préféré "pôle
central", qui lui semblait moins porteur d'exclusion. Les ministres des
affaires étrangères français et allemand parlent
maintenant de "socle". Quoi qu'il en soit, il semble aujourd'hui
clair que le
processus ne pourra être poursuivi ou accéléré sans
une certaine forme de "géométrie variable", ou une distinction
entre deux "cercles". Les deux ministres ont également demandé
que la Commission soit plus collégiale, que sa composition soit plus
resserrée et qu'on applique la règle de la majorité
qualifiée tout en tenant compte du poids de chaque Etat. Il a
également été question de nommer un "M. PESC" mais, sur ce
point, il me semble qu'il n'y a pas accord entre les deux Gouvernements... Ces
propositions dessinent en tout cas une Europe plus "flexible", mais
non
fermée car tous ceux qui
voudront venir renforcer le "socle" le
pourront à tout moment. L'Union a donc toutes les raisons de renforcer
son partenariat avec le Conseil et de privilégier l'approfondissement.
L'Assemblée parlementaire, considérablement élargie depuis
quelques années, devrait alors avoir compétence pour la grande
Europe, espace de droit et de respect des droits de l'homme. C'est à
partir d'une telle clarification des rôles que les différentes
institutions du continent pourront, en partenariat étroit, solidaires
mais complémentaires, servir le mieux l'Europe.
" M. Kreft a appelé à réserver la part du rêve.
Il faut en effet se montrer à la fois visionnaires et gestionnaires, se
comporter en utopistes en même temps qu'en technocrates, car le
génie et l'élan sont dans cette alliance ou cette addition des
contraires. Ceux qui y parviendront seront d'excellents architectes de l'Europe
unie
! "
Puis
M. Jean SEITLINGER, député (UDF)
, présente un
projet de conclusions qui fait l'objet de plusieurs amendements. Au terme de ce
débat, la conférence a adopté par 22 voix favorables
contre 5, et 10 abstentions, les conclusions suivantes :
3. Conclusions adoptées par la conférence interparlementaire
PREAMBULE
Réunis à l'initiative de M. Philippe
Séguin, Président de l'Assemblée nationale
française et de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe,
les 28 et 29 mars 1996, 200 parlementaires d'une quarantaine de pays
européens ont été invités à débattre
de l'avenir de l'Europe et de la réalisation de son unité.
Ils se sont prononcés pour une coopération plus étroite
entre les institutions et un renforcement de la participation parlementaire
dans le processus de décision.
Les moyens institutionnels d'atteindre ce but dépendent, de l'avis de
tous, d'une coopération de plus en plus étroite entre les
organisations existantes -l'Union européenne, le Conseil de l'Europe,
l'OSCE et l'UEO- chacune ne pouvant assumer à elle seule
l'immensité des tâches à accomplir.
La puissance économique de l'Union européenne, le
développement par le Conseil de l'Europe de l'espace juridique
paneuropéen concernant les différents problèmes de
société, les capacités de médiation des conflits de
l'OSCE, organisation paneuropéenne avec des prolongements
transatlantiques et asiatiques, sont des atouts majeurs pour créer les
conditions d'une sécurité et d'une paix durables.
Cependant les parlementaires ont tenu à souligner que ces atouts
seraient vains sans l'adhésion des peuples et par conséquent sans
une association étroite de leurs représentants au processus de
décision, d'autant plus que les affaires européennes sont
devenues des affaires intérieures.
Ainsi la construction de l'Europe de l'Atlantique au Pacifique passe par une
coopération interinstitutionnelle fondée sur les
responsabilités partagées par les chefs d'Etat et de Gouvernement
et les Parlements nationaux représentés dans les
différentes Assemblées européennes.
*
* *
Les participants à la Conférence affirment :
- que l'élaboration d'un modèle de société
européen nécessite le développement de l'action du Conseil
de l'Europe entreprise depuis sa création en 1949 pour définir
des normes pour la société civile désormais applicables
à l'ensemble de l'Europe ;
- que l'unification de l'Europe repose sur des valeurs communes, en particulier
le respect des droits de l'homme, qui constituent le fondement d'un vaste
espace de démocratie, de sécurité et de
développement économique, associant sur un pied
d'égalité tous les Etats du continent européen ayant la
volonté d'y adhérer ;
- que la construction paneuropéenne progressera d'autant plus
efficacement que sera mis en place un nouveau partenariat entre les
différentes institutions concourant à l'unité de
l'Europe ;
- que la réalisation de cette grande ambition suppose de nouveaux
efforts en vue du règlement des conflits en cours ou potentiels et
l'apaisement des tensions qui existent au sein de l'espace paneuropéen.
SECURITE
Les participants :
- souhaitent le renforcement de la coordination entre le Conseil de l'Europe,
organisation de référence en matière de sauvegarde des
droits de l'homme, de consolidation de la démocratie et de l'Etat de
droit, et l'OSCE, instrument irremplaçable de prévention des
conflits et de gestion des crises ;
- appuient la perspective de déploiement du pacte de stabilité
dans la région de l'Ex-Yougoslavie en vue de faciliter la conclusion
d'un accord régional fondé sur la maîtrise des armements et
l'adoption de mesures de confiance ;
- se félicitent de la coopération engagée entre l'OSCE et
le Conseil de l'Europe dans la mise en oeuvre de l'accord de paix en
Bosnie-Herzégovine, en particulier pour la protection des droits de
l'homme et pour la préparation et l'observation des futures
élections ;
- considèrent que la protection des droits des personnes appartenant aux
minorités nationales est une garantie essentielle de la stabilité
de l'Europe ;
- rappellent le droit incontestable de chaque pays de s'allier aux autres selon
sa propre décision et sans possibilité de veto de la part de pays
tiers.
ECONOMIE
- estiment que seul un développement économique
équilibré assurant la cohésion sociale et la protection
des groupes sociaux vulnérables, est de nature
à
recueillir l'adhésion des peuples à la construction
européenne ;
- appuient les initiatives régionales prises par les pays d'Europe
centrale et orientale en vue d'intensifier leur coopération
économique et commerciale ;
- soulignent l'urgence des actions à entreprendre pour protéger
l'environnement et assurer notamment la sûreté des centrales
nucléaires ;
- souhaitent que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
développe ses liens avec les institutions économiques et
financières telles que la BERD et l'OCDE, consacrant ainsi son
rôle de base parlementaire de ces institutions ;
- invitent les principaux pays contributeurs à accroître les
moyens du Fonds de développement social, dont les objectifs doivent
être mieux adaptés à la nouvelle situation en Europe ;
- appuient la volonté du Conseil de l'Europe d'étudier les
conséquences de la mondialisation de l'économie sur les acquis
sociaux nationaux ;
- soulignent l'importance de la Charte sociale du Conseil de l'Europe pour
favoriser la cohésion des sociétés et demandent le
renforcement de son dispositif en vue de parvenir à une harmonisation et
à une amélioration des normes à l'échelle
paneuropéenne.
MODELE DE SOCIETE EUROPEEN
-
rappellent que l'élaboration d'un
modèle de société européen repose d'abord sur la
construction d'un espace juridique commun à laquelle contribuent les
nombreuses conventions du Conseil de l'Europe, en particulier la Convention
européenne des Droits de l'Homme ;
- souhaitent que soient approfondis les différents aspects de cet espace
juridique et notamment la lutte contre le crime organisé et le
terrorisme, la protection juridique de la personne compte tenu de
l'évolution des sciences et de la technologie, ainsi que la promotion du
droit de la famille ;
- considèrent que l'émergence d'une identité culturelle
est à la base du projet de civilisation européenne et doit
être encouragée, grâce notamment à la convention
culturelle et aux actions entreprises dans le cadre du programme
intergouvernemental du Conseil de l'Europe ;
- appellent au développement des programmes spécifiques de
coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale dans les
domaines juridique, culturel et social, en liaison avec les programmes mis en
place dans le cadre de l'Union européenne.
INSTITUTIONS
-
soulignent la nécessité d'une
clarification entre les actions conduites par les institutions
européennes et internationales ;
- souhaitent une coordination de l'aide apportée à 1"Europe
centrale et orientale dans les domaines de la démocratie, de
l'économie, de la science et de la technologie ;
- appuient les propositions formulées par l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe concernant les perspectives ouvertes par
la Conférence intergouvernementale de l'Union européenne ;
- se félicitent de l'octroi du statut d'observateur auprès du
Conseil de l'Europe aux Etats-Unis et bientôt au Japon et au Canada, qui
marque une étape importante dans l'intensification du dialogue entre
l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Asie ;
- soulignent la dimension centre-européenne de la construction de
l'Europe et la nécessité historique, politique, économique
et sociale d'intégrer les pays de l'Europe centrale et orientale dans
l'ensemble européen ;
- rappellent la dimension méditerranéenne de la construction
européenne et la nécessité de développer le
dialogue et la coopération avec les pays du Maghreb et du
Proche-Orient ;
- lancent un appel aux Gouvernements afin que des moyens suffisants soient
accordés au Conseil de l'Europe pour remplir les missions qu'ils lui ont
eux-mêmes confiées et pour mettre en oeuvre des programmes d'aide
et de coopération ;
- demandent la tenue d'un second sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement des
Etats membres du Conseil de l'Europe.
NOUVEAU ROLE DES PARLEMENTS
- encouragent les Parlements nationaux à
développer leur coopération pour la mise en oeuvre des programmes
du Conseil de l'Europe ;
- soulignent l'importance acquise par l'expertise parlementaire, en particulier
lors de l'observation des élections et souhaitent que les institutions
et les Parlements concernés renforcent leur coordination dans ce
domaine ;
- soulignent le rôle joué par les Assemblées des
organisations régionales pour assurer la stabilité
démocratique de l'Europe et souhaitent le développement de leur
rôle dans la coopération interparlementaire ;
- demandent à la Conférence des Présidents des
Assemblées parlementaires européennes qui se tiendra à
Budapest du 7 au 9 juin 1996 de prendre en considération ces
propositions ;
- souhaitent la tenue d'une nouvelle Conférence interparlementaire
chargée d'examiner le suivi de ces propositions.
*
* *
Les actes de la Conférence interparlementaire ont été publiés par les soins du Conseil de l'Europe.
C. LA DEUXIÈME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 22 au 26 avril 1996)
1. Introduction
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est
réunie à Strasbourg du 22 au 26 avril 1996 (deuxième
partie de la session de 1996). A l'ouverture des travaux, M. Lukin (parti
Yabloko) a été élu Vice-Président de
l'Assemblée parlementaire au titre de la Russie.
Au cours de cette session, l'Assemblée parlementaire a entendu les
allocutions des personnalités suivantes :
-
M. Leonid KOUTCHMA
, Président de l'Ukraine, questions de MM.
Jean Valleix, député (RPR) Président de la
délégation française, Claude Birraux, député
(RPR), et Jean-Claude Mignon, député (RPR) ;
-
M. Guennady SELEZNEV
, Président de la Douma d'Etat de la
Fédération de Russie ;
-
Mme OUSOKAINEN
, Présidente du Parlement finlandais ;
-
M. PAVELTIC
, Président du Parlement croate ;
-
M. ARARKTSIAN
, Président de l'Assemblée nationale
d'Arménie ;
-
M. BOVOSIC
, Président de la Chambre des citoyens de la
République fédérale de Yougoslavie.
L'Assemblée a débattu de la demande d'adhésion de la
Croatie, rapport (n° 7510) de M. Van Der Linden (Pays-Bas, chrétien
démocrate), intervention de
M. Gabriel KASPEREIT
,
député (RPR).
L'Assemblée a adopté un avis (n° 195) favorable à
l'adhésion de la
Croatie
, qui est devenue
le 40ème Etat
membre
du Conseil de l'Europe, lors de la cérémonie
officielle d'adhésion.
Un large débat a eu lieu sur la mise en oeuvre des accords de
Dayton-pari pour la paix en Bosnie-Herzégovine, rapport (doc. 7509) de
MM. Bloetzer (Suisse, démocrate chrétien) et Van Der Linden.
Plusieurs personnalités ont pris la parole au cours du débat :
Mme Elisabeth Rehn, rapporteur de la Commission des Nations-Unies pour les
droits de l'homme, Mme Gret Haller, médiateur de la Commission des
droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine, M. Rolf Ryssdal,
Président de la Cour européenne des droits de l'homme, M. Antonio
Cassese, Président du tribunal pénal international pour
l'Ex-Yougoslavie, Sir Peter Emery, représentant le Président de
l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, M. Strubner, conseiller principal
pour les droits de l'homme auprès de la mission de l'OSCE à
Sarajevo, M. Hans Koschnick, ancien administrateur de l'Union
européenne à Mostar.
Mme Josette DURRIEU
, sénateur (Soc.) est intervenue en
qualité de porte-parole de la Commission des pays européens non
membres de l'Assemblée parlementaire.
MM. Jacques BAUMEL
,
député (RPR), Vice-Président de l'Assemblée
parlementaire, et
Jean-Claude MIGNON
, député (RPR), sont
intervenus dans la discussion.
A l'issue de ce débat, l'Assemblée a adopté à
l'unanimité une recommandation (n° 1297) et une directive (n°
521).
L'Assemblée a également débattu du rapport (doc. 7531) de
M. Muehlemann (Suisse, radical démocrate) sur les faits nouveaux
dans la Fédération de Russie en rapport avec la situation en
Tchétchénie et a adopté, à l'issue du débat,
la directive n° 520 et la résolution n° 1086.
L'Assemblée a entendu la communication (doc. 7518) de M. Niels Petersen,
ministre des Affaires étrangères du Danemark, Président en
exercice du Comité des ministres.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a également
adopté des recommandations et des résolutions sur les points
suivants :
- parlements et évaluation des choix scientifiques et technologiques,
rapport (doc. 7482) de
M. Claude BIRRAUX
, député (UDF),
Vice-Président de la Commission de la science et
de la
technologie, résolution n° 1083 ;
- politiques européennes des transports, rapport (doc. 7506) de
M. Pavlidis (Grèce, Nouvelle Démocratie), M. Lotz, ministre
hongrois des Transports, Président en exercice de la Conférence
européenne des ministres des Transports (C.E.M.T.), a pris la parole.
Sont intervenus
MM. Jean VALLEIX
, député (RPR),
Christian DANIEL
, député (RPR),
Charles EHRMANN
,
député (RPR),
Jean-François LE GRAND
,
sénateur (RPR), et
Nicolas ABOUT
, sénateur (Ap. RI),
adoption de la résolution n° 1084 ;
- activités du Comité international de la Croix-Rouge (C.I.C.R.),
rapport (doc. 7499) de M. Billing (Suède, libéral), allocution de
M. Sommaruga, Président du C.I.C.R., adoption de la
résolution n° 1085 ;
- charte européenne de l'espace rural, rapport (doc. 7507) de M. Seiler
(Suisse, Union démocratique du Centre) et Mme Antilla (Finlande, parti
du Centre). Interventions de
M. Claude BIRRAUX
, député
(UDF),
Mme Josette DURRIEU
, sénateur (Soc.), et
M. Pierre
LACOUR
, sénateur (Rat. RDSE), adoption de la recommandation n°
1296 ;
- respect par la Turquie de ses engagements concernant la réforme
constitutionnelle et législative, rapport (doc. 7545 et
addendum)
de M. Andras Barsony (Hongrie, socialiste). Intervention de
M. Jean
VALLEIX
, député (RPR), recommandation n° 1298 ;
- conséquences de l'accident de Tchernobyl, rapport (doc. 7538) de
M. Staes (Belgique, parti chrétien flamand). Avis oral de
M.
Denis JACQUAT
, député (UDF), au nom de la Commission des
questions sociales, de la santé et de la famille. Intervention de
M.
Jean BRIANE
, député (UDF), résolution
n° 1087.
L'Assemblée parlementaire a clôturé ses travaux par un
débat d'actualité sur les menaces qui pèsent sur le
processus de paix au Proche-Orient, rapport (doc. 7540) de M. de Puig (Espagne,
socialiste), adoption de la résolution n° 1088.
2. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente - Intervention de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Lundi 22 avril)
La communication présentée récapitule
tout d'abord les textes adoptés par le Bureau et la Commission
permanente, qui concernent la demande de statut d'observateur pour le Japon, le
suivi du sommet de Copenhague, la culture yiddish, le Centre européen de
la jeunesse de Budapest. Le Bureau a examiné un certain nombre de
questions administratives et politiques, il a accordé le statut
d'invité spécial au Parlement de l'Arménie et s'est
préoccupé du suivi de la mise en œuvre de la Directive
n° 508 sur le respect des obligations et engagements contractés par
les Etats membres du Conseil.
En ce qui concerne les relations extérieures, la communication rappelle
que le Bureau a été informé des travaux de l'OSCE et a
accepté le principe d'une conférence sur la mer Noire.
M. Pahor indique en outre que M. Chirac et le chef de l'Etat portugais ont
souhaité que soit organisé un deuxième sommet des chefs
d'Etats européens.
M. Jean BRIANE, député (UDF)
, a pris la parole dans le
débat qui a suivi cette communication, pour formuler les observations
suivantes :
" En premier lieu, j'estime que le Conseil de l'Europe, qui est le
temple
des droits de l'homme et de la démocratie, doit condamner avec la
même force tous les terrorismes, toutes les violences, toutes les
agressions d'où qu'ils viennent et où qu'ils aient lieu. Nous ne
pouvons pas prononcer des condamnations sélectives. Il faut que nous
sachions condamner tout ce qui est condamnable en matière de violence,
de terrorisme et d'agression.
" En second lieu, je veux insister, à mon tour, une nouvelle fois
sur le fait que les dates des sessions du Conseil de l'Europe sont connues
longtemps à l'avance. Elles commencent le lundi et se terminent le
vendredi inclus. Je ne souhaite pas qu'il y ait des jours où l'on
aborderait les questions dites "essentielles",
"importantes" ou de "premier
plan" au risque de laisser croire que les autres jours on aborderait des
questions considérées comme "secondaires". Le Conseil de l'Europe
risquerait de perdre sa crédibilité ! "
3. La contestation des pouvoirs des délégations nationales dans le courant d'une session ordinaire - Modification du règlement (Lundi 22 avril)
Selon le rapporteur, le règlement actuel de
l'Assemblée ne prévoit pas la possibilité de remettre en
cause les pouvoirs d'une délégation nationale dans le courant
d'une année parlementaire. Afin de remédier à cette
situation, le rapport propose de compléter l'article 6 du
règlement de l'Assemblée afin de permettre, sous certaines
conditions, l'annulation de la ratification des pouvoirs décidée
par l'Assemblée.
L'Assemblée adopte la résolution n° 1081 contenue dans le
rapport 7481.
4. La procédure d'examen des candidatures à l'élection de juge à la Cour européenne des Droits de l'Homme (Lundi 22 avril)
Présentant ses observations contenues dans le rapport
7439, le rapporteur explique que, il y a encore quelques mois, lorsqu'il
présidait la Commission des questions juridiques, il était bien
incapable de donner un conseil pour l'élection des membres de la Cour
européenne des Droits de l'Homme. Il faut en effet reconnaître que
la pratique actuelle est d'entériner le candidat classé
numéro un dans la liste soumise par les pays membres. La modification
proposée permettra de mieux connaître les candidats et de les
traiter sur un pied d'égalité, ce qui est important dans la
mesure où lorsque l'article 11 de la Convention entrera prochainement en
vigueur, il aura pour effet de remplacer la Cour et la Commission
européennes des Droits de l'Homme actuelles par une Cour de juges
à plein temps.
Selon lui, l'Assemblée doit saisir cette occasion pour apporter à
leur mode d'élection une modification depuis longtemps
nécessaire. Bien entendu, les Gouvernements conserveront le droit de
choisir les candidats -et c'est là une prérogative assez normale.
En revanche, l'Assemblée recevrait un curriculum vitae complet de chacun
des candidats. De plus il conviendrait de créer, afin de les interroger
tous, une Commission
ad hoc
qui se réunirait à Strasbourg
pendant trois jours, délai nécessaire pour auditionner, à
raison d'un quart d'heure par personne, les trois candidats de chacun des
quarante pays. Ces candidats auraient ainsi l'avantage de venir voir le nouveau
bâtiment où ils seraient éventuellement amenés
à officier.
Après ces entretiens de la Commission
ad hoc
, le Bureau serait
saisi et l'Assemblée disposerait ainsi de critères de choix
raisonnablement fondés. La fonction de juge à la Cour
européenne des Droits de l'Homme, observe le rapporteur, est chose
suffisamment importante pour justifier cette modification.
La résolution n° 1082 et la recommandation n° 1295
contenues dans le rapport 7439 sont adoptées.
Puis,
la directive n° 519 contenue dans le rapport 7530 est
adoptée
à son tour.
5. Les Parlements et l'évaluation des choix scientifiques et technologiques - Rapport de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 avril)
Présentant son rapport écrit (rapport 7482),
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, a formulé les
observations suivantes :
" L'histoire des rapports entre science, politique et
société a pu longtemps commencer, comme dans les contes de
fées, par : "Il était une fois le progrès
scientifique..."
" Ce progrès scientifique révolutionnait pour longtemps la
vie des hommes : Gutenberg pour l'imprimerie, Pasteur pour les virus et
l'hygiène médicale, pour ne citer que ces deux exemples,
influencent encore la vie de nos contemporains. Ce progrès scientifique
s'accompagnait du progrès du bien-être des humains.
" Puis, les sciences et techniques ont évolué très
rapidement. Une accélération spectaculaire s'étant
produite, les conditions d'existence des hommes s'en sont trouvées
bouleversées. Les habitants de notre planète vont connaître
au cours de leur vie plusieurs mutations technologiques qui vont transformer le
monde qui les entoure et leurs rapports avec la société.
" Là réside déjà la première source
d'incompréhension -si ce n'est de conflit- entre le citoyen et la
science. La science peut devenir l'ennemi, l'ennemi qui menace l'emploi, celui
qui fait de l'homme qui avait appris son métier une fois pour toute sa
vie, un exclu du progrès technologique. Ne nous leurrons pas, certains
intégrismes se nourrissent de cette incompréhension, qui devient
refus, huis-clos de l'obscurantisme politique et social.
" En effet, la maîtrise du changement technologique est devenue un
enjeu du pouvoir. Celui qui possède les clés de l'information
scientifique et technique peut dicter sa loi, orienter les marchés,
asseoir sa puissance, bien souvent au mépris de l'environnement, de la
santé des hommes, car bien sûr, il n'a pas évalué
les conséquences de ses décisions.
" Il était une fois un progrès scientifique qui transformait
les aspects matériels de l'existence. Certes, il avait pu donner lieu
à des querelles philosophiques sur le matérialisme, mais
globalement, les valeurs morales et éthiques demeuraient
éternelles, intangibles.
" Puis, un jour, les scientifiques ont abordé les rivages de cet
intangible, ils se sont approchés du mystère de la vie, là
où l'homme pouvait jouer à l'équivalent du Créateur
lui-même ou à l'apprenti sorcier. Et c'est peut-être bien le
scientifique qui s'est tourné vers l'homme politique :
"Arrête-moi, dis-moi ce que je peux faire sans perdre mon âme,
dis-moi ce qu'est l'homme afin que la science, si elle en perce les
mystères, sache ce qui est invariable et intangible".
" C'est toute la problématique des sciences de la vie et de
l'éthique biomédicale. Chacun mesure dans cette Assemblée
des droits de l'homme quelle attention nous portons à la Convention de
bioéthique et quels ont été le travail et la
responsabilité de notre collègue M. Palacios.
" La situation de l'homme politique est singulière, vous le
comprenez, puisqu'étant l'émanation et le reflet de notre
société, il est, lui aussi, partagé entre des formes
d'attirance et de rejet du progrès scientifique. Pourtant, il lui est
demandé de voter des lois, d'approuver des programmes et des budgets de
recherche.
" La plupart d'entre nous ne sont préparés, il faut bien le
reconnaître, ni par leur formation, ni par leur expérience
professionnelle à faire des choix qui étaient inconnus des
politiques.
" Le risque pour les parlementaires est de s'en remettre à ceux qui
détiennent le savoir, instances gouvernementales et experts, sans jamais
avoir l'opportunité de comprendre les fondements des décisions,
ni, bien entendu, leurs conséquences. Cela n'exclut pas le risque d'une
manipulation par le pouvoir, quel qu'il soit.
" L'homme politique se trouve placé en fait devant une double
interface. D'une part, interface avec le monde de la science et de la
technologie, qu'il lui faut comprendre. Il doit subir à sa disposition
la connaissance des paramètres constitutifs du choix à
opérer et de leurs conséquences, pour pouvoir librement effectuer
ce choix afin que la démocratie s'exerce pleinement. D'autre part,
interface avec le monde des citoyens qui l'ont élu et qui, du moins dans
les démocraties, sont en droit de lui demander des comptes sur ses choix
et leurs conséquences. Il faut pouvoir les expliquer aux citoyens et, en
cela, il est un acteur du débat public, une passerelle entre le monde
scientifique et celui des citoyens.
" L'évaluation scientifique et technologique, dont l'objectif
premier demeure de donner une information indépendante aux parlements
pour renforcer le processus décisionnel, contribue aussi au renforcement
de la démocratie par le biais des acteurs impliqués
-décideurs politiques, économiques, sociaux- de l'ouverture au
débat public qui en résulte et de la mise en perspective de la
technologie en relation avec les besoins de la société, et non
plus par rapport à elle seule.
" Vous lirez dans le rapport quelles formes l'évaluation
technologique revêt dans les différents pays où elle
existe. Vous me permettrez d'avoir une faiblesse particulière pour le
modèle français, non parce qu'il est français, mais parce
qu'il est à cent pour cent parlementaire et parce que je
préfère la vision d'un parlementaire à celle d'un expert,
fut-il le plus brillant.
" L'évaluation technologique n'en est qu'à ses débuts
en Europe, puisque seulement cinq ou six pays en sont dotés. Je suis
convaincu de la nécessité de son développement, car elle
est le moyen de rapprocher le monde des scientifiques et celui des politiques
et des citoyens.
" En donnant une information indépendante sur les critères
de choix technologiques et leurs conséquences prévisibles, cette
évaluation vise à assurer un contrôle démocratique
et à orienter les choix en relation avec le mieux-être social des
citoyens.
" Dans une Europe en proie à des changements économiques,
sociaux et culturels intenses, l'évaluation scientifique et
technologique permet la transparence dans les choix politiques, le débat
public et l'information des citoyens et, par là même, permet
à la démocratie de progresser. Cette assemblée devrait y
être particulièrement sensible. "
A l'issue du débat sur les propositions contenues dans son rapport
,
M. Claude BIRRAUX
a repris la parole en ces termes :
" Je tiens d'abord à remercier l'ensemble des intervenants pour
leur appréciation flatteuse sur la présentation de ce rapport.
" Le premier élément qui m'a frappé à
l'écoute de mes collègues est la profonde résonance d'une
part entre eux-mêmes, d'autre part, entre eux et le contenu de ce
rapport. Il s'agit bien de définir un peu mieux ce qu'est
l'évaluation scientifique et technologique dont l'objet, tout le monde
en est d'accord, est de fournir des paramètres de choix en partant d'un
constat unanime : nous n'avons pas les compétences
nécessaires et nous sommes soumis à des groupes de pression
organisés, des lobbies, face auxquels nous devons pouvoir
bénéficier d'une information objective et indépendante.
" Sur l'autre point tous les intervenants sont d'accord avec le
rapport : la prééminence du rôle du parlement et des
parlementaires. Là est peut-être bien l'essentiel, pour une
Assemblée comme celle du Conseil de l'Europe. Il fallait rappeler la
prééminence du parlement et des parlementaires dans les choix en
disant, comme M. Lenzer, que ce ne sont ni les experts ni les techniciens
qui doivent déterminer les choix politiques, mais bien les
parlementaires qui tiennent compte des besoins de la société.
" Je suis également d'accord avec M. Caccia sur les
trois points qu'il a évoqués : la
nécessité de rester humble, les risques des progrès
technologiques et la dimension nationale et globale.
" Rester humble ? Certes, nous n'avons pas vocation à nous
substituer à ceux qui ont la connaissance, à ceux qui font la
science en devenant, en quelque sorte, de "super-experts". Toutefois
nous
devons essayer de baliser les chemins politiques que nous traçons au
travers de nos lois, au travers des votes du parlement, sur les orientations de
la politique de recherche et sur les budgets qui lui sont consacrés.
" J'approuve aussi la nécessité de sortir du cadre national.
L'un des autres aspects positifs du débat de ce matin réside dans
le fait que chacun a souligné la nécessité de s'ouvrir,
d'avoir des échanges d'expériences, des échanges
d'informations, de savoir quelles sont les différentes méthodes
et méthodologies et d'examiner comment l'expérience des uns peut
profiter aux autres. Voilà qui me paraît très positif.
" Je retiendrai d'une des interventions un aspect également
très important : le rôle social, et même sociologique,
de l'évaluation technologique. Vous nous avez dit que des technologies
de pointe étaient en cours de développement dans votre pays.
Afin, précisément, d'éviter l'incompréhension entre
le monde de la science et celui de la technologie, il importe que les
parlementaires et les parlements puissent assurer l'interface, dans un
rôle aussi sociologique, pour pouvoir expliquer aux citoyens quels sont
les enjeux, pourquoi telle ou telle option a été choisie, de
manière à éviter le refus de tout progrès
technologique ce qui conduit au huis clos, puis parfois, à
différentes formes d'intégrisme.
" Un des intervenants des pays de l'Europe centrale et orientale, qui
ont
constitué la moitié des orateurs. En tout cas, cela me
paraît également être un signe extrêmement
encourageant sur le rôle que les parlements entendent jouer dans les
choix démocratiques. C'est d'autant plus intéressant qu'il s'agit
d'une rupture avec les méthodes des anciens régimes qui
utilisaient la science et les académies des sciences pour le service du
pouvoir. En cas de critique, on vous envoyait dans quelque "colonie de
vacances", si vous me permettez cette expression.
" Un orateur a souligné d'une part la nécessité
d'avoir des échanges pour les expériences acquises, d'autre part
l'importance du contrôle du parlement sur le progrès
technologique. Je ne puis que vous suivre.
" Je suis d'accord également ; il est important de nouer des
contacts avec le monde scientifique et technologique dans un cadre
organisé, approprié et créé même
spécialement, de manière à éviter la dispersion
d'informations qui, souvent, pour être trop parcellaires, sont mal
comprises, mal interprétées. Finalement, elles ne donnent pas les
paramètres du choix.
" On a insisté sur la nécessité de la
prééminence du politique. Il était peut-être
indispensable que quelqu'un fasse ce rappel. Les lois scientifiques sont
incontournables. Les principes de la thermodynamique ne seront pas
changés parce que quelqu'un aura décidé qu'on y pouvait
quelque chose et qu'on pouvait aller contre ces principes. Néanmoins,
à l'intérieur des lois scientifiques incontournables, les besoins
de la société doivent s'exprimer. Finalement il s'agit du sort du
citoyen, car c'est bien lui que tout cela concerne.
" Un orateur s'est employé à démontrer la
nécessité d'un débat ouvert, d'une collaboration plus
étroite entre politiques et scientifiques. Cette affirmation, de la part
d'un parlementaire d'un pays de l'ex-bloc communiste, a quelque chose
d'extrêmement positif et de réconfortant pour la démocratie
et pour l'avenir des choix scientifiques dans votre pays.
" Un autre orateur a parlé d'adapter les technologies aux besoins
de la Société. Tel est bien aussi le rôle social et
sociologique qui est confié aux institutions.
" Un délégué de la Douma a également bien mis
en évidence les perspectives qui s'offrent à son pays et à
son Parlement.
" Après avoir remercié le Secrétariat pour son
soutien efficace, ainsi que mes collègues de la Commission de la science
et de la technologie pour m'avoir confié ce rapport et l'avoir soutenu
à l'unanimité, je crois pouvoir dire que ce débat me donne
entière satisfaction. Nous sommes en train d'essayer de construire
ensemble les structures qui permettront de réconcilier le monde
scientifique et le monde politique, d'essayer d'établir ces passerelles
qui faciliteront une meilleure compréhension entre les uns et les
autres. Nous devons avoir à l'esprit deux éléments.
" D'abord, le rôle du Parlement et des parlementaires est
irremplaçable. Dans une démocratie, c'est bien à eux de
décider. Ensuite, et cela est extrêmement important, ce n'est pas
dans le vide que les parlementaires doivent décider, mais en fonction
des besoins de la société, c'est-à-dire pour les citoyens
qu'ils représentent. "
A l'issue de ce débat
, la résolution n° 1083 contenue
dans le rapport 7482 est adoptée à l'unanimité
.
6. Les politiques européennes de transports - Interventions de MM. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), Jean VALLEIX, député (RPR), Christian DANIEL, député (RPR), Charles EHRMANN, député (UDF), et Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR) (Mardi 23 avril)
Les liaisons de transport adéquates constituent un
élément important pour la croissance économique
européenne selon le rapport qui invite la Conférence
européenne des ministres des Transports (CEMPT) à rechercher des
solutions à l'échelle du continent au transport par routes,
chemins de fer, voies d'eau navigables, maritime, respectant l'environnement et
la qualité de vie des citoyens.
Les liaisons doivent inclure les pays d'Europe centrale et orientale et les
axes Nord/Sud et Est/Ouest, note par ailleurs le rapport qui met aussi l'accent
sur la nécessité de renforcer la sécurité
routière par la poursuite de la coopération enter la CEMPT et le
Conseil de l'Europe.
Etabli tous les deux ans dans le but d'analyser les activités de la
CEMPT et, d'une manière générale, les questions de
transport européen, le rapport note avec satisfaction que la composition
de la CEMPT est de plus en plus paneuropéenne, et qu'elle recoupe
largement celle du Conseil de l'Europe.
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)
, intervient dans le
débat en ces termes :
" Je féliciterai d'abord notre rapporteur, M. Pavlidis, et
M. Lotz de nous avoir présenté les travaux de la
Conférence européenne des ministres des transports.
" Ce débat apparemment technique est en fait d'une grande
portée politique : avec la chute du mur de Berlin, il y a six ans,
l'Europe a entrevu la possibilité de sa réunification. Ce
processus est aujourd'hui, heureusement, en phase de parachèvement,
comme en témoigne la présence sur nos bancs de
délégués de la plupart des pays d'Europe de l'Est.
" En revanche, la concrétisation des possibilités
d'échange et de développement économique des
régions orientales de l'Europe tarde encore à se
concrétiser, suscitant d'ailleurs certaines frustrations.
" Les seules règles du marché peuvent-elles répondre
à cet immense défi ? Nous savons bien vers quelles
difficultés on irait alors : explosion de la demande des transports
par route, accompagnée d'une dégradation d'un environnement
déjà très détérioré et, à
brève échéance, saturation des voies de circulation et
destruction des centres urbains. Il faut donc une politique des transports,
mais elle ne peut être que concertée pour éviter les
détournements de trafic et les disparités de concurrence.
" Il incombe donc à la Conférence européenne des
ministres des transports d'élaborer les orientations d'une politique
à l'échelle de la Grande Europe. Je souhaite que cette politique
soit à la fois audacieuse, rationnelle et démocratique.
" Audacieuse en anticipant sur les rentabilités à long terme
des modes de transports qu'on choisira de privilégier. On sait, en
effet, aujourd'hui, que les décisions prises par l'Union
européenne de développer des réseaux transeuropéens
à partir de quatorze projets prioritaires sont paralysées
par une controverse sur le financement d'équipements dont la
rentabilité à court terme demeure incertaine.
" Rationnelle, car est-il logique de définir des priorités
pour des investissements extrêmement lourds avant d'avoir mené
à leur terme les travaux qui débutent au niveau européen
sur le calcul des coûts réels de chaque mode de transport ?
" L'objectif est de définir des coûts réels
comparés à partir de ce que l'on appelle l'internalisation de
toutes les dépenses occasionnées par les transports de
marchandises et de personnes : atteinte à l'environnement, emprise
sur les sols, dangerosité pour les personnes, sécurité
d'accès quelles que soient les conditions météorologiques.
" La Conférence européenne des ministres des transports est
le cadre par excellence de ce que nous, médecins, appelons une
"conférence de consensus" qui doit permettre d'élaborer une
méthode commune à toute l'Europe pour le calcul des coûts
comparatifs des différents modes de transport et, par conséquent,
l'élaboration de politiques éliminant les distorsions de
concurrence.
" Démocratique, enfin, et je me réjouis que notre
Assemblée soit le cadre d'un débat annuel sur les travaux de
cette conférence ministérielle. J'y vois une double
réponse au sentiment de "déficit démocratique" qui fait
tant de tort à la construction européenne.
" Il s'agit non seulement des débats institutionnels de la
politique étrangère et de sécurité commune, mais
aussi de toutes les politiques qui intéressent nos concitoyens. Les
décisions en matière de transport, par leur impact sur la vie
quotidienne, sur l'environnement, sur les échanges, ne doivent pas
être laissées au seul jeu des lobbies et des négociations
des ministres soumis à des contraintes budgétaires
immédiates.
" Ces décisions engagent l'avenir de l'Europe, de toute l'Europe.
Notre Assemblée doit faire entendre à la conférence
ministérielle que nous souhaitons, au nom de tous nos concitoyens, la
réalisation rapide des réseaux transeuropéens, qui
concrétisera l'unification du vieux continent, favorisera un
développement harmonieux de toutes ses régions et redonnera
toutes leurs chances aux transports ferroviaires et par voie navigable,
sûrs et non polluants. "
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
, prend à son
tour la parole :
" Mes chers collègues, je tiens d'abord à exprimer la joie
que nous éprouvons tous à retrouver notre éminent
collègue d'hier, en la présence de
M. le Président de la CEMPT, M. Lotz, et à saluer notre
collègue, M. Holtz, qui nous a fait l'amitié de s'associer
à nos travaux aujourd'hui. Je complimente pour son excellent travail
notre collègue M. Pavlidis. Son rapport couvre parfaitement notre
débat, et il est renforcé par les qualités de celui de
M. Staes.
" Je veux également souligner l'importance pratique du rapport, que
constitue la prise de position du rapporteur en faveur d'un réseau
intégré de tous les modes de transport, réseau couvrant
une aire de six millions d'habitants. Un tel réseau
intégré élargi aux mers -il a eu raison d'évoquer
cette perspective- plus actuel que jamais.
" M. Staes a évoqué le droit à la
mobilité, mais n'oublions jamais l'aspiration première à
un meilleur niveau de vie, par conséquent au développement de la
capacité économique de nos pays, donc de l'Europe.
" Le transport est une source de richesse. Il est structurant. Non
seulement il permet l'échange de la richesse mais il en crée. Il
est donc aussi -on ne le souligne pas toujours assez- une source de travail.
" Bref, je dis oui au rapport, à cette volonté de renforcer
et de développer le fer-routage, action qui devrait être
appuyée par la volonté politique de chacun de nos Etats. En la
matière, au niveau de nos Gouvernements et de nos nations, on parle
beaucoup plus facilement de manière générale qu'on ne
prend de mesures concrètes.
" Bien évidemment, je dis oui au transport maritime et fluvial.
Nous devons davantage prendre en compte dans nos préoccupations le mode
de transport par eau. Tout à l'heure, un orateur a parlé du
projet Oder-Neisse. Ce recours aux transports par eau me paraît tout
à fait judicieux.
" Dans ce domaine, il me faut rappeler que le
canal Rhin-Main-Danube
est entré dans les mœurs, qu'il est maintenant une
réalité. Il faut étudier la politique européenne
des transports à la lumière de ce phénomène
nouveau. Je souhaite que mon pays, la France, assisté -pourquoi pas, car
ce projet est important- par l'Union européenne, n'oublie pas la
liaison Rhin-Rhône, en faveur de laquelle nous avons
décidé d'investir d'assez lourds crédits. Il y a urgence
si nous voulons éviter des détournements de trafic en direction
de la Méditerranée.
" Cela dit, je veux réaffirmer tout de même l'importance du
trafic routier. Il faut maîtriser ce transport, sans tarir les
possibilités de développement. Il est encore, à l'heure
actuelle, le meilleur moyen de renforcer les échanges économiques
entre nos pays, notamment entre l'Est et l'Ouest.
" A cette occasion j'insiste sur l'opportunité de développer
de façon plus active la rocade qui, au nord de la
Méditerranée, de l'Espagne à la Mer Noire et à la
Méditerranée, couvre les possibilités de
desserte Est-Ouest en Europe. Aujourd'hui, ces dernières sont
grandement insuffisantes.
" Enfin, s'agissant des grands travaux, on peut dire, avec l'Union
européenne pour les grands travaux européens, que les actes ne
suivent pas. Or c'est bien pour les investissements dans les travaux publics
que le temps de réponse en terme d'emplois est le plus court. Plus nous
accélérerons le rythme de ces grands travaux, plus les
problèmes d'emploi seront réglés rapidement. Il n'est pas
contraire à la vocation du Conseil de l'Europe, à juste titre
préoccupé par les problèmes économiques et sociaux,
de souligner, en liaison avec les Communautés européennes, un
aspect social et humain qui n'est peut-être pas assez mis en avant.
" En conclusion, je réaffirme mon soutien à ce rapport, en
souhaitant que le Conseil de l'Europe ne se sente pas en état
d'infériorité par rapport à l'Union européenne
mais, au contraire, essaye de jouer plus activement son rôle d'aiguillon
et éventuellement de conseil. Je remercie à nouveau le rapporteur
et j'espère que l'Assemblée soutiendra son rapport
unanimement. "
M. Christian DANIEL, député (RPR)
, s'exprime quant
à lui en ces termes :
" Ce rapport sur les politiques européennes de transports traite
d'une vaste et grande question qui en appelle d'autres. En matière
d'infrastructures de transports, quelle stratégie pour l'Europe ?
Quel rôle pour le Conseil de l'Europe ? C'est dans ce sens que le
rapport de M. Pavlidis, est bien politique.
" Avant de répondre à la première question, on peut
d'ores et déjà apporter une réponse en ce qui concerne le
rôle que l'on veut faire jouer au Conseil de l'Europe.
" L'objectif que doit afficher ce dernier est clair : il faut
intégrer dans nos politiques d'infrastructure de transport le
développement à l'Est et au Centre de l'Europe. Or qui mieux que
le Conseil de l'Europe serait capable de le faire, lui qui a brillamment
réalisé depuis les années 90 la réunification
de l'Europe au nom des principes des droits de l'homme et de la
démocratie ? Bénéficiant des mêmes droits, le
citoyen européen, citoyen libre, est un citoyen voyageur, un citoyen
commerçant, un citoyen touriste.
" Aujourd'hui, à la fameuse "banane bleue", axe Nord-Sud
que tout
le monde connaît bien -il s'étend du Sud-Est anglais au Nord
italien, de la Mer du Nord à la Méditerranée- un autre
axe, ô combien structurant, véritable colonne vertébrale,
s'est construit depuis 1990 de l'Atlantique à l'Oural, de Paris
à Moscou en passant par Berlin et Varsovie.
" Il s'agit d'un véritable arc-boutant à la manière
de nos cathédrales. L'Europe ainsi nouvellement construite, pleinement
élaborée sur ces deux axes, "banane bleue" et
"arc-boutant", doit
se donner les moyens de répondre à ses ambitions : faciliter
les échanges entre les foyers d'innovation du continent européen
tels que les europôles et les eurocités ; assurer la
fluidité des grands flux économiques, touristiques, culturels et
humains, aujourd'hui peut-être plus marqués par la logique
Nord-Sud, mais demain équilibrés par la logique Est-Ouest.
" Ces flux, ces échanges qui n'ignorent plus bien évidemment
les frontières, s'inscrivent dans l'espace unique européen voulu
par nos Etats membres et porté dans son action politique par le Conseil
de l'Europe. Nos ambitions nous contraignent à la mise en place de
réseaux de transports intereuropéens. Cette démarche de
réseaux s'applique aussi bien au schéma routier qu'aux voies
navigables et à l'espace aérien, mais il doit s'appliquer en
priorité au ferroviaire.
" Notre démarche s'affirme ainsi audacieuse et volontariste.
Certes, il ne faut pas jouer le ferroviaire contre le routier, mais notre
action doit tendre à réduire la croissance du transport routier
et permettre le retour à la croissance du réseau ferroviaire, en
prenant en compte notre plus grand respect de l'environnement et notre souhait
d'une plus grande sécurité, au bénéfice
également de l'industrie ferroviaire.
" De plus, l'Europe, qui n'a pas forcément, naturellement, les
moyens financiers d'investir dans toutes les infrastructures doit en revanche
avoir un rôle moteur, de pointe, et développer une politique
globale du transport ferroviaire, avec ses deux composantes que sont le
train à grande vitesse et son corollaire le transport combiné.
" Le Conseil de l'Europe, en liaison avec l'Union européenne et la
Conférence européenne des ministres des transports (CEMPT), doit
aujourd'hui dresser un vrai bilan de la politique ferroviaire menée en
Europe de 1945 à nos jours.
" L'intervention de l'Europe est certes ancienne. Des étapes ont
été essentielles : création en 1980 du Comité
européen initiant au développement des infrastructures, mise en
place de la CEMPT. Le 17 décembre 1990, sous l'impulsion de la
France, le schéma de la grande vitesse ferroviaire a été
mis sur les rails, si l'on peut dire. Cette volonté française
s'est exprimée lors de la présidence française de l'Union
européenne, ainsi que dans le discours prononcé il y a deux ans
par le ministre français des transports de l'époque, M. Bosson,
comme l'a rappelé M. le rapporteur. Le train à grande
vitesse et le transport combiné figurent parmi ses priorités.
" Paradoxalement, quel est notre constat sur le transport ferroviaire
en
1996 ? L'avenir du ferroviaire peut apparaître dans nos pays, au
moins en France, pour le moins incertain. De plus, les sociétés
nationales, en Allemagne et en Italie, sont en pleine mutation. Dans d'autres
pays, c'est un
statu quo
. Qu'en est-il au Royaume Uni ?
" Les instances européennes ont aujourd'hui la
responsabilité de mettre en œuvre les trois instruments
privilégiés, incontournables pour la réalisation de notre
objectif d'un schéma ferroviaire adapté.
" Le premier instrument -l'établissement d'un schéma
directeur, véritable carte du train à grande vitesse et du
transport combiné- doit reposer sur les deux grands axes Nord-Sud et
Est-Ouest. Ce schéma, élaboré par nos instances, devrait
être ensuite approuvé par une conférence
intergouvernementale qui aurait également la responsabilité de
son exécution. Certes, l'adoption de cette proposition remonte au 30
mars 1994, mais elle n'a pas été mise en œuvre.
" Le deuxième instrument serait l'établissement de normes
communes pour assurer l'interopérabilité des réseaux. La
notion de normes communes nous conduit au rôle des opérateurs ou
autorités organisatrices du réseau. Là encore, nos
instances européennes devront accompagner et structurer ces mutations.
" Aujourd'hui, décentralisation et privatisation sont des solutions
proposées pour remédier aux difficultés liées aux
développement du transport ferroviaire. A notre avis, il n'y a pas
opposition. Ne devrions-nous pas plutôt envisager une synergie ?
Reste que dans cette synergie, une autorité organisatrice s'impose
également, et l'Europe peut jouer ce rôle.
" Le troisième instrument privilégié est le soutien
financier des Etats membres. Aujourd'hui, c'est bien sûr la raison
d'être des fonds européens structurels comme le FEDER, mais la
Banque européenne d'investissement et le Fonds européen
d'investissement doivent eux aussi apporter leur concours.
" Au delà de la survie ou du développement du transport
ferroviaire et de la modernisation de nos transports, c'est l'avenir du
développement de l'Europe qui est l'enjeu de ce rapport. "
M. Charles EHRMANN, député (UDF)
, est
également intervenu dans ce débat, faisant les observations
suivantes :
" Monsieur le Président, le développement de l'Europe est
lié étroitement à celui des transports qui favorisera le
commerce et, par la même, le niveau de vie, amènera les peuples
à mieux se connaître, à s'apprécier, à ne
plus se faire la guerre.
" La paix -après les tueries des guerres 14-18 et 39-45 qui ont
fait perdre à l'Europe sa suprématie- est la seule chance de
créer une entité capable de résoudre ses propres
problèmes et de tenir tête économiquement et politiquement
aux grands Etats d'Amérique et d'Asie.
" Hélas ! -comme le souligne le rapport de M. Pavlidis
sur les politiques européennes de transport, dans sa conclusion- ce
développement est lié à des conditions naturelles,
historiques, humaines, qu'il faut connaître si on veut les
résoudre et aller de l'avant. Permettez-moi de vous présenter
celles d'une partie de la France méridionale qu'on n'a pas le droit
d'oublier.
" Le Sud-Est de la France -le département des Alpes-Maritimes et la
moitié Est de celui du Var- ce qu'on appelle la Côte d'Azur avec
un million et demi d'habitants, est loin de Paris, de la région
rhénane, de l'Europe centrale. Cet éloignement est encore
accusé par un massif montagneux, les Alpes, qui nous isole.
" Par contre, nous sommes la porte de l'Afrique, avec tous ses
problèmes économiques et humains.
" Notre élément naturel positif est notre micro-climat
méditerranéen qui attire touristes et retraités,
d'où des ressources financières, mais aussi des problèmes
de cherté de terrains et de surpopulation littorale, 2 500 à 4
500 habitants au km
2
.
" Depuis quelques décennies l'histoire ne favorise pas la France
méditerranéenne. La perte de l'empire colonial -s'il a
provoqué le retour d'un million et demi de rapatriés dont
beaucoup sont restés sur la Côte avec leur savoir et leurs
ressources- a appauvri le Midi, porte d'entrée et de sortie du commerce
France-Afrique du Nord.
" Notre histoire est aussi celle d'un pays centralisé avec une
toile d'araignée partant ou arrivant à Paris pour les routes et
les chemins de fer, donc peu apte au courant Ouest-Est qui semble - en dehors
de la vallée du Rhin - devenir celui de l'histoire alors que les pays
méditerranéens préféreraient des axes Nord-Sud.
" Enfin, la construction de l'Union européenne -15 Etats
aujourd'hui, bientôt 20, 22, 27- se fait vers l'Europe septentrionale,
centrale, orientale, laissant de plus en plus en marge l'Europe
méditerranéenne qui risque d'être en dehors des grands
courants. Depuis la chute du mur de Berlin, cinq fois plus d'argent a
été dépensé vers l'Est que vers le Sud. En 1993, la
disproportion a été encore plus grande : 11 milliards d'Ecus
pour le premier, 472 millions pour de second. Une réaction s'est
produite en 1994 : 7 milliards d'Ecus pour l'Est contre 5 pour le Sud en
cinq ans.
" Les conditions humaines, mélangées à l'histoire,
ont fait bénéficier le Sud-Est de ce que nous appelons les trente
glorieuses(1945-1975) en hommes et en argent, mais le littoral surpeuplé
-avec des villes très individualistes- n'a pas su régler le
problème des moyens de transport.
" Les lois de décentralisation de 1982, si valables sur bien des
points, sont arrivées en pleine crise économique et sociale.
" Dans les départements très urbanisés, les
Présidents des Conseils généraux, héritant d'une
partie des pouvoirs de préfets, sont élus, ainsi que beaucoup de
conseillers généraux, souvent par des minorités
d'électeurs ruraux, les campagnes étant
surreprésentées par rapport aux villes. Ils doivent tenir compte
de leurs intérêts qui sont hostiles aux routes, chemins de fer,
canaux, aéroports, lesquels prennent les terrains des campagnes. Aussi,
les riverains des travaux, à faire, créent-ils des associations
-soutenues par des écologistes et par des élus- et engagent des
recours devant les tribunaux.
" Le TGV Valence-Marseille a été ainsi retardé de
plusieurs années et ne sera fini qu'a la fin de 1999.
" Dans les Alpes-Maritimes, les recours des riverains augmentent de
10 %
chaque année depuis 1991 ; 2 000 dossiers sont devant les
tribunaux et demanderont quatre ans avant d'être réglés
positivement ou négativement. Durant ce temps, le secteur du
bâtiment-travaux publics chute de la moitié, le tourisme stagne,
le chômage s'étend : 62 000 dans les Alpes-Maritimes
pour 400 000 actifs, alors que, dans d'autres villes, comme à
Strasbourg, à Lille, de nouvelles constructions, de nouvelles voies se
font.
" La Côte d'Azur a besoin : d'une grande amélioration de
la Nationale 202 Nice-Grenoble pour atteindre l'Europe centrale ; d'une
grande autoroute Ouest-Est A8
bis
, dite aujourd'hui A58,
Nice-département du Var, pour doubler la A8, Aix-Nice,
encombrée ; du tunnel du Mercantour pour joindre l'Italie à
l'autoroute de la Durance pour les camions, à l'A58 pour les
voitures ; de l'amélioration de la 204 Vintimille-Tende et du
tunnel de Tende ; de la défense de l'arc
méditerranéen - Barcelone-Montpellier-Marseille-Nice-Gênes
ou Turin par le Mercantour ; d'un aéroport encore plus important.
" Puisse l'Etat, aidé par l'Union Européenne, user de son
pouvoir régalien pour permettre à la Côte d'Azur d'entrer
dans le XXI
e
siècle avec des moyens de transport lui
permettant de participer à la grande construction de l'Europe. "
Enfin,
M. Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR)
, prend la
parole dans les termes suivants :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, je tiens
à mon tour à féliciter notre rapporteur, M. Pavlidis
ainsi que M. Lotz, Président de la Conférence
européenne des ministres des transports de la CEMPT. Je partage
pleinement leur engagement en faveur du développement du transport
combiné, en particulier la nécessité de la prise en compte
de l'impact de chacun des modes de transport sur l'environnement et la
sécurité des personnes.
" Je n'omettrai pas non plus de souligner l'intérêt des
observations formulées par M. Staes au nom de la Commission de
l'environnement de l'aménagement des territoires et des pouvoirs locaux.
" Je souhaite appeler votre attention sur le paragraphe 12 du projet
de
résolution qui nous est soumis, sachant que mes collègues
français ont traité du reste et que je partage leurs sentiments.
" Je considère en effet qu'il convient de définir en commun
non seulement une méthode de calcul des coûts comparatifs des
différents modes de transport, mais également des normes
minimales d'exercice des différentes professions concourant aux services
de transports.
" La résolution recommande aux ministres européens des
transports "d'harmoniser les conditions de travail dans le secteur du
transport
de tous les pays membres de la Conférence européenne", notamment
pour les transports par camions et par autocars. J'aurais aimé pour ma
part qu'on n'oublie pas non plus les transports aériens, non plus que
les transports maritimes.
" S'agissant des transports aériens, il faut absolument faire
progresser l'harmonisation "par le haut", en empêchant le
"dumping
social". En effet, s'il se développait, il risquerait d'entraîner
très vite les désastres du "moins-disant sécuritaire".
" La dérégulation que certains préconisent ne peut
s'avérer une politique responsable que dans la mesure où seront
généralisées et imposées des normes
élevées de formation et de sécurité.
" La même démarche s'impose à l'égard des
transports maritimes. Je suis l'élu d'une circonscription qui borde le
passage maritime le plus fréquenté du monde. A la suite de
plusieurs accidents qui furent des désastres environnementaux, j'ai
été chargé par le Gouvernement français d'un
rapport sur la sécurité maritime. Le dumping social a
déjà fait la preuve qu'il entraînait malheureusement des
distorsions de concurrence insupportables pour nos entreprises et,
inéluctablement, un moins-disant sécuritaire.
" Chacun ici sait que, sur certains bateaux non seulement les minima
de
sécurité ne sont souvent pas respectés mais, dans certains
cas, la dignité de l'homme est bafouée.
" Je veux citer le travail exemplaire de l'Institut de Malmöe, l'un
des Centres les plus performants en matière de formation des personnels
de marine marchande. Je souhaiterais que l'Assemblée tout entière
soutienne le développement de ce Centre, en particulier avec
l'accroissement des crédits de bourses allouées à la
formation de personnels venant des pays moins développés.
" Comme je considère que la formation des personnels et la
définition de normes sociales communes fixées à un niveau
élevé sont des composantes essentielles de la
sécurité des transports et du développement d'une
concurrence loyale, j'approuve la suggestion que contient le paragraphe 12 de
notre résolution. Je souhaite que le Conseil de l'Europe, ou, le cas
échéant, M. le Ministre avec la Conférence
européenne des ministres des transports, consacre une étude
particulière à la définition de normes sociales minimales
et d'exigences communes de formation et de sécurité.
" Combien faudra-t-il de catastrophes, maritimes pour que s'imposent
à tous les normes de construction des navires lorsque ceux-ci
transportent du pétrole ou certaines matières dangereuses
exigeant une double coque ? Combien faudra-t-il de catastrophes pour qu'on
impose à tous des règles de formation et des dispositions
sociales harmonisées ?
" Cessons d'agir sous la pression de catastrophes et réintroduisons
un peu de rationalisme dans un système de transports qu'un
libéralisme sans règles mènerait à l'anarchie.
" L'OMI pour le transport maritime, l'OAC, pour le transport aérien
sont des instances de concertation indispensables, mais n'y aurait-il pas lieu
de se doter d'un outil judiciaire international adapté afin de
contraindre les contrevenants à respecter les normes internationalement
préconisées, la sagesse commençant souvent par la peau du
gendarme ?
" Je conclus en approuvant, à mon tour, l'invitation à une
véritable optimisation de la politique européenne des transports
privilégiant les transports combinés, intégrant non
seulement les coûts apparents de chaque mode de transport, mais
également les paramètres de sécurité et
d'environnement qui ont, nous le savons bien en tant que responsables
politiques, un coût social, c'est-à-dire à moyen terme, un
coût économique majeur.
" Si l'on sait combien coûtent des dégâts majeurs,
combien coûtent des normes, des mesures, on ne sait pas encore
évaluer, quantifier, le bénéfice de la
sécurité et d'un environnement protégé, alors
même que ces enjeux sont encore pour les générations
futures. "
A l'issue du débat,
la résolution n° 1084 contenue dans
le rapport n° 7506 est adoptée à l'unanimité
telle qu'amendée
.
7. La charte européenne de l'espace rural - Interventions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.), et M. Pierre LACOUR, sénateur (Rat. RDSE) (Mardi 23 avril)
Devant l'exode rural et la diminution de l'importance
économique de l'agriculture, il convient, selon les rapporteurs, de
préserver le milieu rural européen naturel et créé
par l'homme comme source d'alimentation, de matières premières
renouvelables pour l'industrie et le secteur énergétique et comme
élément de notre patrimoine culturel.
Pour permettre l'exploitation durable des ressources du milieu rural
européen, les rapporteurs proposent de donner au développement
rural un nouveau cadre politique en adoptant une charte européenne de
l'espace rural exposant les grands principes et orientations d'une nouvelle
politique rurale : la promotion du développement rural, la
protection du patrimoine rural naturel et créé par l'homme, le
développement des ressources humaines et la création d'emplois
ruraux diversifiés.
Le rapport suggère également de partager les expériences
européennes et de surveiller de façon continue les politiques
rurales en créant un comité permanent de l'espace rural.
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.)
, intervient dans
le débat en ces termes :
" A mon tour, je tiens à féliciter les rapporteurs.
" Pour commencer, je formulerai deux constats, à partir de
l'exemple de mon pays, la France -où je suis moi-même une
élue du milieu rural.
" D'abord, les problèmes de l'agriculture et la chute du nombre des
paysans -ils sont moins d'un million, alors que la population
française est de près de 60 millions- annoncent
peut-être, d'une certaine façon, la fin de l'espace rural. Alors
que cet espace représente dans notre pays l'essentiel du territoire,
environ 90 %, il est en voie d'abandon.
" Ensuite, jamais nos instruments d'analyse -statistiques, modèles
économiques, observations spatiales, entre autres- n'ont
été aussi perfectionnés. Jamais l'avenir n'a
été aussi prévisible. Pourtant, il semble que, devant
toutes les catastrophes annoncées -désertification des campagnes,
afflux de populations déracinées et sans emploi dans les villes-,
nous restions inertes, pris dans nos doctrines économiques
rigides : dérégulation, mondialisation, concurrence sauvage,
etc.
" Pis, devant des catastrophes avérées, comme
l'épizootie qui frappe le cheptel bovin et sa probable
contagiosité pour l'homme, nous hésitons à agir -nous
venons d'en avoir la preuve à l'instant- toujours en vertu des lois du
marché et de la rentabilité financière.
" La règle, semble-t-il, est d'offrir au consommateur des produits
à très bas prix. Précisément, à quel
prix ! Une maladie inquiétante, une crise de confiance durable des
consommateurs, des difficultés dramatiques pour les producteurs et,
finalement, une crise aux conséquences incalculables pour nos
agriculteurs ! La logique dicterait une remise en cause de cette politique
absurde.
" La réputation des produits agro-alimentaires des terroirs
européens tenait à leur haute qualité. Cette
qualité est liée au savoir-faire d'une main-d'œuvre
qualifiée. L'agriculture européenne doit-elle devenir une
production hors-sol et une production sans hommes ?
" Il convient ici de rappeler l'antique devise : sachons d'abord
ne
pas nuire ! Quand toute vie aura disparu de certaines régions,
aucune intervention, si volontariste soit-elle, ne pourra l'y ramener.
" Pour conclure, il me semble que l'article 1
er
de la
Charte européenne de l'espace rural doit réaffirmer la vocation
primordiale de l'espace rural et la préservation d'une production
agricole diversifiée et de qualité.
" Mais un nouvel ordre se mettra nécessairement en place. L'avenir
de l'espace rural s'inscrira forcément dans une autre politique, celle
de la ville. L'agriculture et la ruralité ne peuvent être
séparés. Ville et campagne, citadins et ruraux doivent être
réintégrés. Il faut une autre politique de
l'aménagement du territoire, qui associe les campagnes aux villes. Comme
le soulignait tout à l'heure notre collègue irlandais, partout
sont présents des exemples de zones qui ont su retrouver une
activité et une dynamique autour de leurs petites villes.
" Il faut, en fait, que l'agriculture reste l'activité de base.
Mais l'économie de l'espace rural doit évoluer aussi vers
d'autres secteurs économiques, les services sans doute, les entreprises
sûrement. Et je suis convaincue qu'il n'y a pas de devenir du monde rural
sans réindustrialisation. Cela suppose une volonté, mais avant
tout une conviction. "
M. Pierre LACOUR, sénateur (Rat. RDSE)
, prend à son tour
la parole en ces termes :
" Le moins que l'on puisse dire à cette tribune de l'Europe, c'est
que notre Charte européenne de l'espace rural arrive à point
nommé pour apporter une réponse aux questions que chacun -y
compris certains Gouvernements !- se pose quant au meilleur
aménagement durable à promouvoir pour le mieux-être de nos
enfants et petits-enfants demain.
" Je rejoindrai Sir John Cope sur l'exemple de la vache
folle,
mais avec une toute autre conception de l'économie agricole. A mon sens,
nous avons là le fruit empoisonné d'une certaine pratique
agricole, par trop intensive, accompagnée de ce que je me permettrai
d'appeler un certain "déménagement" agricole et rural que nous
dénonçons au sein de cette Assemblée depuis plusieurs
années et qui me paraît aujourd'hui être devenu un
détonateur tout à fait exemplaire.
" Je n'entrerai pas dans les détails, pourtant fort
intéressants, concernant quelques pratiques alimentaires douteuses ou
tolérées chez nos herbivores. Pourtant, il va bien falloir s'y
pencher aussi dans un souci de vérité pour le consommateur
à ce jour oublié, c'est le moins que l'on en puisse dire.
" Je me bornerai à quelques rappels historiques.
" Pendant des siècles, l'agriculture a rempli d'une façon
qui semblait immuable sa fonction d'occupation extensive de l'espace et de
production de la nourriture des hommes.
" L'espace rural et le monde rural lui-même ont toujours
été modelés par les bouleversements de nos
sociétés, mais jamais aussi rapidement et aussi radicalement que
sous l'ère industrielle.
" C'est une évidence, la révolution agraire sans
précédent que nous avons connue a profondément
modifié l'utilisation des sols, leur fonction et tout le paysage
européen, mais rien n'a paru devoir modifier la course à
l'occupation de l'espace et au productivisme à tout crin si ce n'est,
sur le plan des idées et dans les années 60,
l'intégration d'une nouvelle dimension, celle de l'environnement.
" C'est ainsi que, d'une production déficitaire, on en est
arrivé à une surproduction, avec toutes les conséquences
que nous savons, pour une agriculture soumise pratiquement aux seuls
impératifs de l'économie mondiale.
" Et, pour en revenir à nos vaches folles, témoignages,
comme je le disais tout à l'heure de la folie des hommes de l'âge
industriel, je rappellerai que la Communauté économique
européenne a payé pour maintenir les troupeaux allaitant. Elle va
maintenant devoir payer lourdement pour détruire des animaux, victimes
présumées de cette intensification alimentaire à laquelle
ont été conduits voire contraints nos agriculteurs. Et cela,
alors que déjà certains de nos Gouvernements commencent, au nom
de la solidarité, à se jeter la pierre et surtout à se
tourner vers l'Europe pour trancher entre incertitude et vérité.
La vérité, en fait, est partout et nulle part ; elle est
voilée.
" Pour nous, il n'est qu'une seule vérité : transformer
nos vaches herbivores en carnivores me paraît une aberration quand
parallèlement, nos belles et vertes prairies, qui ne demandent pourtant
qu'à satisfaire leur vocation naturelle sont indemnisées pour
cause de gel des terres !
" C'est la raison pour laquelle il faut intervenir, et avant qu'il ne
soit
trop tard. Il suffirait de mettre en pratique, très concrètement
les recommandations de notre Assemblée. Déjà nombreuses
à ce jour, elles feront l'objet, je n'en doute pas, d'une attention
toute particulière lors de la prochaine réunion à Bucarest
de notre Commission de l'agriculture qui sera consacrée à
l'élaboration de nouvelles propositions plus précises encore
concernant en particulier la santé des animaux et des hommes, bien
entendu par une nourriture saine et parfaitement contrôlée dont
notre espace agricole est un vecteur essentiel.
" Pour cela, il serait nécessaire que s'instaure enfin un consensus
entre les divers experts nationaux et internationaux aux avis encore mal
partagés, sinon mal interprétés, à ce jour.
" Le consommateur en effet est en droit d'être pleinement
informé de tout ce qui concerne la production, la transformation et
surtout la qualité des denrées alimentaires, informé de
leur provenance également selon les terroirs et les modes de production,
à partir d'un label parfaitement identifié.
" Je ne doute pas que demain le Conseil de l'Europe sera un vecteur
particulièrement important pour déterminer les lignes de
directives encore plus fortes afin de permettre l'avènement dans nos
pays d'un aménagement. "
Sur le projet de recommandation,
MM. Jean VALLEIX, député
(RPR)
, et
Pierre JEAMBRUN, sénateur (RDSE)
, ont
présenté l'amendement suivant :
" Dans le projet de recommandation, à la fin du paragraphe 3,
ajouter les mots suivants :
"tout en appelant à une réorientation de la production
privilégiant la qualité et la sécurité des produits
agro-alimentaires, les mêmes normes étant appliquées aux
produits importés."
M. VALLEIX
a défendu cet amendement de la façon suivante
:
" Monsieur le Président, je serai bref, compte tenu de l'heure.
J'ai noté les réflexions et les conclusions de
M. le rapporteur qui a souligné, à juste titre, que
notre action devait viser à ce que toute production soit en
conformité avec la nature, et non en contradiction avec elle.
Voilà l'esprit dans lequel s'inscrit cet amendement. Il ne
nécessite pas d'autre commentaire. La Commission, a bien voulu, me
semble-t-il, lui prêter une attention favorable. "
Cet amendement
, approuvé par le rapporteur,
est adopté
à l'unanimité par l'Assemblée
.
Puis,
la recommandation n° 1296, contenue dans le rapport 7507
,
amendée notamment par MM. Jean VALLEIX, député (RPR) et
Pierre JEAMBRUN, sénateur (RDSE),
est adoptée
.
8. La demande d'adhésion de la Croatie au Conseil de l'Europe - Intervention de M. Gabriel KASPEREIT, député (RPR) (Mercredi 24 avril)
Le rapporteur indique que la Croatie a demandé son
adhésion au Conseil de l'Europe le 11 septembre 1992. Le 10
décembre 1992, le Comité des ministres a adopté la
résolution (1992) 69 par laquelle il a invité l'Assemblée
parlementaire à formuler un avis. L'implication de la Croatie dans le
conflit bosniaque jusqu'en 1994, puis les événements survenus en
1995 en Slavonie occidentale et dans les anciennes zones de protection Nord et
Sud des Nations Unies avaient retardé la procédure
d'adhésion.
Le Président de la République de Croatie et le Président
du Parlement croate ont signé une liste d'engagements proposés
par la Commission des questions politiques le 15 mars 1996. Ces engagements
incluent une pleine coopération dans la mise en oeuvre des accords de
Dayton, de l'accord sur la Slavonie orientale et une aide active au travail du
Tribunal pénal international pour l'Ex-Yougoslavie.
Bien que des critiques aient été exprimées à propos
de la liberté de la presse et du traitement des minorités,
l'adhésion est considérée comme la meilleure garantie
contre les violations des droits de l'homme.
Elle est aussi considérée comme un moyen de stimuler les forces
démocratiques croates favorables à l'intégration
européenne dans cette période incertaine de reconstruction.
Le suivi des engagements de la Croatie débutera immédiatement
après la date d'adhésion.
M. Gabriel KASPEREIT, député (RPR)
, prend la parole
en ces termes :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, si j'ai bien
compris les interventions des rapporteurs et bien lu leurs rapports -je tiens
d'ailleurs à les féliciter pour leur travail- il est certain que
la demande d'admission de la Croatie au sein du Conseil de l'Europe sera
accueillie favorablement tout à l'heure.
" Pour ma part, conservant la position que j'ai prise au sein de la
Commission politique de notre Assemblée, je ne la voterai pas. Ce choix
n'est nullement la manifestation d'un quelconque reproche à
l'égard de la Croatie.
" Peut-être ce pays n'a-t-il pas assez avancé sur la voie de
la démocratie. On sait combien ce chemin est long et difficile et il
nous est arrivé ici, devant la candidature d'autres Etats, d'accepter
plus de promesses que de réalisations concrètes. N'oublions pas
non plus que, comme pour bien d'autres états, la démocratie est
chose nouvelle pour la Croatie. Trop d'exigences de notre part finiraient par
être néfastes.
" Le problème n'est pas là. Il est dans le fait
qu'après tant d'erreurs commises par les Etats européens, avant
et pendant le conflit de l'Ex-Yougoslavie, accepter aujourd'hui
l'adhésion de la Croatie serait une nouvelle erreur, celle qui
consisterait à traiter différemment les anciennes composantes de
l'Ex-Yougoslavie.
" Il y a maintenant un an, la position volontariste du Président de
la République française, Jacques Chirac, qui a
entraîné l'intervention diplomatique des Etats-Unis, a permis
d'aboutir aux accords de Dayton.
" L'une des premières mesures prise par les négociateurs
américains a été la reconnaissance immédiate de
l'existence de trois ethnies en Bosnie-Herzégovine et la décision
de les traiter sur un pied d'égalité, ce qui ne s'était
jamais fait jusque-là.
" Naturellement, peu nombreux -en tout cas dans les médias- sont
ceux qui ont paru reconnaître cette nouvelle manière de
considérer la composition réelle de la Bosnie-Herzégovine,
manière qui est totalement opposée à ce qui était
dit, écrit et fait antérieurement, où une existence
réelle n'était reconnue qu'aux musulmans et aux Croates de
Bosnie, à l'exclusion entière des Serbes. Ne recommençons
pas la même erreur !
" La guerre dans l'Ex-Yougoslavie a été une guerre civile
avec tous ses excès et toutes ses horreurs, comme dans toutes les
guerres civiles. Cependant cette guerre a ceci de particulier qu'elle s'est
terminée sans vainqueur ni vaincu, ce qui, me semble-t-il, ne s'est
jamais vu au cours de l'histoire des siècles passés à
l'issue d'une guerre civile.
" Une telle situation rend naturellement la paix plus fragile car les
susceptibilités et plus encore les haines, habituellement
étouffées par le vainqueur, peuvent ici continuer à
s'exprimer, et il faut prendre garde à ne pas les faire renaître.
" Ne les favorisons pas en créant des rancœurs ou en
paraissant donner à l'un et pas aux autres. Il nous faut, au contraire,
appliquer les mêmes traitements à la Bosnie-Herzégovine,
à la Croatie et à la République fédérale de
Yougoslavie. C'est de cette manière que nous contribuerons au maintien
de la paix et que nous aiderons à rétablir des relations directes
entre ces nouveaux Etats, comme cela a d'ailleurs déjà
commencé.
" La France, agissant dans ce sens, a rétabli ses relations
diplomatiques avec la République fédérale de Yougoslavie.
L'Allemagne vient d'en faire autant et je souhaite qu'il en soit ainsi des
autres Etats de l'Union européenne. Quant à nous, agissons de
même et repoussons l'adhésion de la Croatie jusqu'à celles
de la République fédérale de Yougoslavie et de la
Bosnie-Herzégovine. "
L'avis n° 195, contenu dans le rapport 7510, est adopté avec des
amendements
.
9. Les Activités du Comité international de la Croix-Rouge (1992-1995) (Mercredi 24 avril)
Le rapport recommande aux Etats membres du Conseil de
l'Europe, ainsi qu'à d'autres pays, d'accroître leur soutien
politique et financier à l'action menée par le Comité
international de la Croix-rouge (CICR).
Il donne un aperçu de quelques-uns des événements majeurs
qui ont marqué la mission humanitaire du CICR à travers le monde
de 1992 à 1995.
Il invite également les Etats membres du Conseil de l'Europe, ainsi que
d'autres pays, à ratifier les conventions de Genève de 1949 et
leurs protocoles additionnels de 1977 et à assurer le respect strict de
ces textes ainsi que d'autres dispositions du droit humanitaire international.
Le rapport demande aussi aux Etats de coopérer avec le CICR et de lui
permettre d'exercer ses activités sur leur territoire
conformément à son mandat.
Le rapport invite tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait à ratifier
les conventions de Genève de 1949 et les protocoles additionnels de
1977. L'annexe 2 du rapport récapitule les participations de leurs
propres pays et cela, éventuellement, les poussera à
réclamer qu'ils fassent plus. L'annexe 1 du rapport donne
l'état de ratification de ces textes.
A la suite de la présentation du rapport
, M. SOMMARUGA,
Président du Comité international de la Croix-rouge, a
prononcé l'allocution suivante :
" Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire
général, honorables parlementaires, votre invitation à
prendre la parole ce jour devant cette Assemblée parlementaire est la
confirmation, comme vous venez de le dire Monsieur le Président, de
l'excellente coopération existant entre le Conseil de l'Europe et le
Comité international de la Croix-Rouge. Je tiens à vous en
remercier, ainsi qu'à féliciter M. Knut Billing pour le
rapport qu'il vient de présenter au nom de la Commission des migrations,
des réfugiés et de la démographie.
" Pour le Comité international de la Croix-Rouge -institution
indépendante, spécifiquement neutre et impartiale- il est
essentiel de pouvoir compter sur l'appui actif du Conseil, de ses Etats
membres, et notamment des parlementaires de cette Assemblée qui sont
également actifs dans les organes législatifs de leur pays
respectif. Cela a été possible depuis des décennies,
grâce à la compréhension du Secrétaire
général du Greffe et d'autres organes du Conseil de l'Europe avec
lesquels le CICR a développé des échanges et une
collaboration particulièrement fructueux, ce dont je tiens à vous
remercier.
" De nombreuses résolutions de cette Assemblée ont
porté sur ce que sont les objectifs principaux du Comité
international : le droit international humanitaire et l'accès aux
victimes de conflits armés.
" L'appui à ces objectifs est nécessaire de la part des
Etats membres du Conseil ou des pays qui ont le statut d'invité
spécial de cette Assemblée, comme également de la part de
l'ensemble de la communauté internationale des Etats.
" Nous partageons, dans la finalité de nos institutions, des
valeurs communes que nous voulons préserver, notamment la sauvegarde de
la dignité humaine, en rendant effectifs les principes de
solidarité et de tolérance. Toutefois, nos tâches restent
toutefois différentes, même si je les juge complémentaires.
Le mandat du CICR, vous le savez, est purement humanitaire. Nous voulons
rejoindre toutes les victimes de tous les conflits armés -qu'ils soient
internationaux ou non internationaux- et toutes les victimes de violence
interne. Pour pouvoir atteindre avec succès cet objectif, le
Comité international doit être préservé de la
politique, ce qu'il fait en observant une scrupuleuse neutralité, en
maintenant la transparence de ses actions et en conduisant un dialogue constant
avec les parties au conflit, qu'elles soient autorités
de jure
ou
de facto
.
" La complémentarité entre nos institutions peut encore
être intensifiée, en toute indépendance et dans le plein
respect de nos mandats respectifs. Celui du CICR nous vient de 186 Etats,
par le biais des Conventions de Genève dont tous les pays membres du
Conseil de l'Europe sont parties.
" Il est fondamental dans ce contexte de ne pas mélanger ces
objectifs politiques et de sécurité, d'une part, avec des
objectifs humanitaires et surtout l'action humanitaire, d'autre part. En effet,
cette confusion est négative pour les victimes et crée des doutes
dans la perception de l'indépendance, de la neutralité et de
l'impartialité d'une action qui, pour le Comité international,
consiste dans une combinaison de protection et d'assistance.
" Mais l'activité du CICR est également de
prévention. La prévention des violations de règles
humanitaires de base, comme la prévention de la souffrance humaine
superflue en conflit, sont aussi prévention des violations des droits de
l'homme fondamentaux que les Conventions de Genève prévoient
comme limites absolues, des limites qui doivent, en tout cas, être
respectées dans les conflits armés. Il s'agit de la protection
des civils, du respect de la dignité humaine des prisonniers et de
l'assistance impartiale absolue à tous les blessés.
" Nous pouvons donner des réponses communes et conjointes à
ce postulat de prévention : il s'agit d'éducation, de
diffusion systématique du droit international humanitaire. Cette
tâche incombe toutefois, en premier lieu, aux Etats qui ont pris des
engagements en signant les conventions. La priorité du comité
reste de leur rappeler cette obligation, qu'ils remplissent avec plus ou moins
d'engagement. C'est pourquoi je me réjouis -et je le dis surtout
à vous, Madame Aguiar, à cause de l'initiative que vous avez
prise- de la coopération du Conseil de l'Europe avec le CICR dans ce
domaine, coopération démontrée lors du colloque sur le
droit humanitaire que nous avons tenu récemment à Prague et
auquel le Président vient de faire mention.
" La diffusion, l'universalisation et l'approfondissement du droit
humanitaire restent un postulat essentiel du CICR. Il est grand temps -et je
voudrais ici appuyer ce que le rapporteur de votre Commission vient de dire-
que tous les Etats membres du Conseil de l'Europe adhèrent aux
protocoles additionnels des Conventions de Genève conclus en 1977 et qui
renforcent notamment la protection des civils lors de conflits armés. Il
faut aussi que le plus grand nombre possible de pays reconnaissent la
compétence de la Commission internationale d'établissement des
faits qui existe, mais qui n'est pas encore active à cause du nombre
limité de pays qui en font partie.
" Mais l'essentiel est le respect du droit humanitaire vis-à-vis
duquel la communauté internationale dans son ensemble a une
responsabilité commune. L'état de ce respect est malheureusement
aujourd'hui bien précaire.
" Laissez-moi le dire tout fort : le monde est malade de ses
victimes. Aujourd'hui, c'est au nom de toutes ces victimes que je voudrais
m'adresser à vous. Le CICR et les Sociétés nationales de
la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sont confrontés au défi
consistant à protéger et à assister ces victimes dont le
nombre, tragiquement, ne cesse de croître. C'est dans la
solidarité avec ces victimes que nous puisons nos forces. De 1945
à aujourd'hui, il y a eu plus de cent-vingt conflits, qui ont fait
quelque vingt-deux millions de victimes. Les derniers cinq ans
ont été une phase de rupture et de basculement. A l'heure
où je vous parle, plus de trente conflits ensanglantent la terre,
conflits de pouvoirs, de territoires, de minorités, de religions.
" Certains de ces conflits se déroulent dans la région du
Conseil de l'Europe. Pensez à la Tchétchénie, à la
Bosnie, aux pays du sud du Caucase. Et puis, en regardant le nombre de conflits
qui font rage dans le monde, pensez à la région des Grands Lacs
africains, au Libéria, au Sierra Leone, à l'Afghanistan, au
Sri Lanka, au Timor-Est, aux conflits au Moyen-Orient, à la
Colombie. Ces guerres et tant d'autres conflits encore présentent des
violations tragiques du droit international humanitaire. Nos
délégués sont sur place et le constatent, ainsi que la
souffrance humaine qui en est la conséquence.
" Monsieur le Président, je suis au courant des travaux de cette
deuxième partie de la session ordinaire de 1996 de l'Assemblée
parlementaire qui se penche à des titres divers sur des situations
conflictuelles et postconflictuelles où le CICR est présent. Ces
situations me préoccupent à cause des problèmes
humanitaires graves non résolus. Pensez aux disparus de Vukovar en
Croatie. Pensez aux disparus de Sebreniska et à d'autres en
Bosnie-Herzégovine. Pensez au désarroi des populations civiles
affectées par les tirs dans le conflit israélo-arabe, surtout
israélo-libanais. Pensez aux violations répétées du
droit international humanitaire par les deux parties au conflit interne
à la Tchétchénie. A cela s'ajoute le blocage
répété du CICR lorsqu'il souhaite protéger et
assister toutes les victimes.
" L'expérience montre que le respect du droit humanitaire au
cœur des conflits armés prévient les exactions en
chaîne et évite des déplacements massifs de population. Ce
respect facilite aussi une réconciliation future et, de par les espaces
humanitaires qu'il ménage entre ennemis, il favorise le dialogue, amorce
la négociation et crée une dynamique de paix. C'est ce même
corpus juris
qui reconnaît aux victimes le droit à
l'assistance, sans que les secours humanitaires distribués par les
institutions indépendantes et impartiales ne puissent être
considérés comme une ingérence.
" Le Comité international de la Croix-Rouge,
préoccupé par le transfert massif, sans réel
contrôle, d'armes à feu de petit et moyen calibre et par les
violations du droit humanitaire qu'elles provoquent, ne peut que rappeler avec
force, ici, comme je l'ai fait avant-hier, à l'ouverture de la
Conférence de Genève, son appel en faveur d'une prohibition
totale des mines antipersonnel. Il faut mettre un terme à la production,
l'exportation et l'utilisation de ces armes lâches qui créent des
problèmes majeurs de caractère économique et social
paralysant la production agricole, car elles font des ravages parmi les civils,
non combattants, des années après la fin du conflit, et
génèrent d'indicibles souffrances pour les personnes atteintes
qui doivent très souvent être amputées.
" Ce ne sont pas les quelque trois millions de ces mines qui se
trouvent en Bosnie, et qui font leurs premières victimes, qui doivent
seulement nous préoccuper. Ce sont les quelque 110 millions de
mines enterrées dans une cinquantaine de pays et les quelque
100 millions de mines antipersonnel qui se trouvent dans les arsenaux
prêtes à être posées. Il faut que le carnage
provoqué par les mines antipersonnel cesse. Les avantages militaires que
ces engins pourraient procurer sont sans commune mesure avec leurs terribles
conséquences.
" Votre Assemblée, Mesdames et Messieurs les parlementaires, s'est
déjà engagée dans cette délicate affaire. Continuez
je vous prie à maintenir la pression sur la communauté
internationale comme vient de le faire l'Union interparlementaire dans sa
réunion d'Istanbul. Lundi dernier, elle m'a justement chargé de
présenter en son nom à la Conférence de Genève sa
résolution qui est très impressionnante car elle demande
exactement ce que je viens de décrire.
" Par un engagement dans l'universalisation, l'approfondissement, la
diffusion et le respect du droit international humanitaire, par un appui
financier accru à l'action de protection et d'assistance des victimes de
conflits armés, par l'encouragement d'une coordination plus incisive
entre acteurs humanitaires, les Etats membres du Conseil de l'Europe, le
Conseil lui-même et notamment cette Assemblée parlementaire,
peuvent contribuer de façon déterminante à la paix et
à la sécurité dans le monde, qui passe toujours par la
paix des esprits et des cœurs. Le Comité international de la
Croix-Rouge vous en sait gré et se réjouit de l'adoption du
projet de résolution qui vous est proposé. "
A l'issue du débat qui s'instaure
, la résolution n° 1085
contenue dans le rapport 7499 est adoptée
.
10. Les faits nouveaux dans la Fédération de Russie en rapport avec la situation en Tchétchénie
Présentant son rapport, le rapporteur de la Commission
des questions politiques observe qu'à Moscou, certains constatent
aujourd'hui qu'il est toujours beaucoup plus facile de commencer une guerre que
d'y mettre fin. Une Commission
ad hoc
a été
constituée, mais trop tardivement pour pouvoir se réunir à
Moscou. Seuls s'y sont rendus le rapporteur et M. Bindig. La Commission ne
s'est réunie au complet que lundi dernier. Les positions des Commissions
des questions politiques et des questions juridiques ayant pu être
harmonisées, M. Muehlemann est en mesure de présenter un
rapport équilibré et actualisé. Il demande que les
parlementaires, lors du vote des amendements, se souviennent de l'incertitude
qui règne encore sur beaucoup de points, sur le sort de
M. Doudaïev, par exemple.
L'Assemblée doit s'élever solennellement contre les
atrocités commises des deux bords. Il n'est pas plus acceptable de
prendre des otages que de bombarder sans discrimination un village abritant
otages, preneurs d'otages et civils. Les violations des droits de l'homme sont
constantes. Les populations civiles sont soit bombardées, soit
utilisées comme bouclier humain.
Certains à Moscou demeurent convaincus de la nécessité
d'employer la force à outrance. Mais il s'y trouve aussi des
réformateurs qui cherchent la paix et MM. Lukin et Kovalev sont de
ceux-là.
Le projet de résolution énonce clairement que l'Assemblée
est favorable à la recherche d'une solution de paix, même si elle
ne peut accepter le plan qui prévoit un retrait progressif après
un cessez-le-feu et la négociation d'un statut sur le modèle du
Tatarstan. Que va devenir ce plan, en effet, après l'élection
présidentielle ? La Commission ne peut naturellement pas s'immiscer
dans le processus électoral et il est clair que le
candidat-Président doit, s'il veut gagner, obtenir la paix.
Malheureusement, Boris Eltsine donne parfois des ordres qui ne sont pas
suivis par les militaires.
La Commission suit avec intérêt les travaux et les actions de
l'OSCE, qui maintient une délégation à Grozny contre vents
et marées. Celle-ci a élaboré un rapport qui est
contesté par les deux parties. M. Atkinson a proposé de
façon judicieuse une réunion de tous les acteurs,
c'est-à-dire non seulement les Russes et les indépendantistes,
mais aussi les autorités du Daghestan et de l'Ingouchie, qui se trouvent
elles aussi plongées dans la mêlée.
Jusqu'ici la Tchétchénie n'a pas provoqué l'embrasement de
tout le Caucase que l'on pouvait craindre et l'Assemblée a la chance
d'avoir en son sein trente-sept amis russes qui peuvent être de bon
conseil et lui indiquer à quelle porte frapper. A quoi peut-il servir
d'aller hurler sur la place Rouge ? Il faut avoir le courage d'aller voir
les responsables et de leur dire son sentiment. Il faudrait certes un
cessez-le-feu en préalable à la recherche d'une solution
pacifique raisonnable mais l'orateur rappelle que, dans les Balkans, on a
signé en vain d'innombrables cessez-le-feu et qu'il a fallu les chars
américains pour rétablir le calme, ce qui n'est pas envisageable
en Russie.
M. Muehlemann demande à l'Assemblée d'appuyer le projet de
résolution et de faire confiance à la Commission
Tchétchénie, tandis que la Commission des questions juridiques
met en place une procédure de surveillance. Il espère qu'il
pourra faire dans les prochains mois des propositions constructives en vue d'un
cessez-le-feu, car la région est un véritable baril de poudre. Le
défi sera difficile à relever.
A l'issue du débat
, la résolution n° 1086, contenue dans
le rapport 7531, est adoptée, amendée
.
La directive n° 520 amendée, contenue dans le rapport 7531, est
adoptée.
11. La mise en oeuvre des accords de Dayton pour la paix en Bosnie-Herzégovine - Observations de Mme Elisabeth REHN, rapporteur de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, Mme Gret HALLER, coordinatrice de la Commission des Droits de l'Homme pour la Bosnie-Herzégovine, MM. Rolf RYSSDAL, Président de la Cour européenne des Droits de l'Homme, Antonio CASSESE, Président du Tribunal international pour les crimes commis en Ex-Yougoslavie, Sir Peter EMERY, Vice-Président de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, MM. STRUBNER, député de l'OSCE en mission en Bosnie-Herzégovine, et Hans KOSCHNIK, ancien administrateur de l'Union européenne à Mostar - Interventions de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.), et MM. Jacques BAUMEL, député (RPR), Jean-Claude MIGNON, député (RPR), Jean VALLEIX, député (RPR) (Jeudi 25 avril)
Les rapporteurs font savoir que la Commission des questions
politiques a procédé à une évaluation
préliminaire de la mise en oeuvre des accords de Dayton. Le projet de
recommandation est susceptible d'être revisé en fonction des
événements récents. Un addendum sera élaboré
après leur visite en Bosnie-Herzégovine, à la mi-avril.
L'évaluation est axée sur certaines des questions suivantes
: la nécessité pour les Etats membres du Conseil de
l'Europe de s'engager à apporter leur contribution à la
reconstruction de la Bosnie-Herzégovine, les dispositions pour que le
Conseil de l'Europe soit représenté en permanence à
Sarajevo et la nécessité de lier les relations avec la
République fédérative de Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) au respect par celle-ci des accords de Dayton.
Après l'exposé des rapporteurs, l'Assemblée a entendu les
observations de Mme Elisabeth Rehn, rapporteur de la Commission des
Droits de l'Homme des Nations Unies, Mme Gret Haller, coordinatrice
de la Commission des droits de l'Homme pour la Bosnie-Herzégovine,
M. Rolf Ryssdal, Président de la Cour européenne des
Droits de l'Homme, M. Antonio Cassese, Président du Tribunal
international pour les crimes commis en Ex-Yougoslavie,
Sir Peter Emery, Vice-Président de l'Assemblée
parlementaire de l'OSCE, M. Strubner, député de l'OSCE en
mission en Bosnie-Herzégovine et M. Hans Koschnick, ancien
administrateur de l'Union européenne à Mostar.
Mme Elizabeth Rehn, rapporteur spécial de la Commission des
droits de l'Homme des Nations Unies, déclare ainsi à
l'Assemblée avoir constaté des modifications profondes en
Bosnie-Herzégovine. Les violations les plus grossières des droits
internationaux ont enfin cessé. De graves problèmes persistent
cependant au niveau de la libre circulation, de la liberté d'expression
et des mesures discriminatoires. Néanmoins, l'oratrice se dit optimiste
et pense qu'une évolution positive dépendra de la
disponibilité des parties en présence et de leur volonté
de participer au processus de paix.
Les difficultés sont effectivement considérables. On a
assisté, il y a peu, au départ de dizaines de milliers de
musulmans. En outre, les mouvements de populations entre les différentes
fédérations sont extrêmement compliqués.
De lents progrès se dessinent. Des contacts existent entre populations
de nationalités différentes, souvent amies avant les
événements. De nombreuses personnes ont manifesté leur
volonté de rentrer chez elles, ce qui constitue un net progrès.
Il ne faut toutefois pas se faire d'illusions. Ce processus prendra des mois.
La communauté internationale doit rester vigilante et le Conseil de
l'Europe doit assumer ses responsabilités. Il a un rôle
déterminant à remplir pour la protection des populations civiles.
Le Conseil de l'Europe est également présent à Banja Luka.
L'oratrice estime qu'il est plus important d'œuvrer pour la justice
que
de rechercher une quelconque revanche. C'est pourquoi il faut appuyer fermement
l'action du TPI. Dans tous les cas, il s'agit de culpabilités
individuelles et l'oratrice s'interdit de dire que tous les Serbes sont
responsables des horreurs de Srebrenica, que tous les Croates ou tous les
musulmans sont responsables de telle ou telle exaction. Les coupables sont des
individus qui doivent être traduits et punis par le tribunal
pénal. Le sort des disparus préoccupe également l'oratrice
qui a pris des mesures concrètes pour aider les familles
demeurées dans l'incertitude.
L'application de l'accord de Dayton sera difficile dans toutes les zones, mais
Mme Rehn est particulièrement préoccupée par
les événements de Krajina, d'où proviennent des
informations alarmantes selon lesquelles les discriminations, les
harcèlements et les violations des droits de l'Homme se poursuivent. Les
entraves à la liberté de circulation sont également
nombreuses et le Conseil de l'Europe devra suivre de près
l'évolution de la situation, d'autant plus que la Croatie vient
d'être admise en son sein. Cela dit, les contacts que l'oratrice a eus
avec le Gouvernement croate l'amènent à penser que celui-ci est
sincère dans sa volonté de respecter les droits de l'homme. En
Ex-République de Yougoslavie, c'est la situation en Voïvodine et au
Kosovo qui est très inquiétante et qu'il faudra suivre avec
attention.
Mme Rehn est convaincue qu'en matière de droits de l'homme,
on se trouve aujourd'hui à un tournant, mais elle est confiante. Les
réfugiés ne doivent plus être considérés
comme des pions à déplacer sur un échiquier. Les enfants
et les jeunes doivent être l'objet d'une préoccupation
spéciale dans la mesure où ils ont droit qu'on leur enseigne une
histoire objective. Déçus, sans emploi, dans un pays
dévasté, il seront les acteurs de nouveaux conflits si on ne leur
offre pas d'urgence des emplois.
Le bon déroulement des futures élections est à surveiller,
certes, mais il faut aussi porter attention à l'édification d'une
nouvelle société civile. La communauté internationale et
le Conseil de l'Europe, dont l'attention est trop souvent
détournée par une actualité changeante, doivent demeurer
vigilants. Mme Rehn a pu constater avec plaisir, lors de son dernier
voyage en Bosnie-Herzégovine, que les enfants y dessinent moins d'images
de guerre. Elle a vu des couples recommencer à semer et à planter
des fleurs. Il ne faut pas décevoir cet espoir, il faut soutenir
l'effort.
Puis, Mme Gret Haller, médiatrice pour la Commission des droits de
l'homme en Bosnie-Herzégovine, expose que l'annexe 6 de l'accord de
Dayton prévoit un mécanisme de protection des droits de l'homme
sur la base d'un recours individuel et conformément à la
Convention des Droits de l'Homme. Aussi est-il institué un tribunal, la
Chambre des Droits de l'Homme, composée de quatorze membres, six
bosniaques et huit représentants des pays du Conseil de l'Europe.
La Bosnie-Herzégovine n'étant pas encore membre du Conseil, elle
nomme ses six représentants tandis que ceux du Conseil sont élus
par le Comité des ministres. Par ailleurs, est instituée une
"ombudsperson", et l'OSCE a nommé Mme Haller à ce poste.
Sa mission consiste à arbitrer les conflits, mais elle peut aussi se
saisir de dossiers et intervenir si nécessaire. Elle a commencé
ses activités le 27 mars dernier et cinquante cas ont
déjà été notifiés dont dix
enregistrés. Les cinq premières années, cette double
institution de protection des droits de l'homme sera gérée par
des experts étrangers, puis elle sera transmise à
l'autorité de l'Etat bosniaque.
Cette Commission pour les droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine est
une entreprise commune de l'OSCE et du Conseil de l'Europe et le soutien
logistique ne peut venir que de ces deux institutions. L'OSCE a
déjà apporté un soutien notable. Quant à
l'expertise juridique, elle n'existait qu'au sein du Conseil.
L'oratrice se félicite du soutien moral de l'Assemblée et de
l'aide des différentes instances et personnalités du Conseil,
notamment du Secrétariat général qui lui a fourni
deux collaborateurs. Le financement de la Commission des Droits de l'Homme
relève en théorie de l'Etat bosniaque, qui n'est pas encore en
mesure d'y satisfaire. La Suisse et le Danemark ont déjà offert
un million de dollars. Les Pays-Bas et la Norvège financent les salaires
des représentants de Mme Haller et ce dernier pays a promis une
contribution pour payer des juristes.
Le fonctionnement est donc assuré jusqu'à la fin de 1996.
Cependant la Commission doit ouvrir un bureau dans les deux parties de la
Bosnie et elle a frappé à la porte de l'Union européenne
pour pouvoir être représentée à Banja Luka. Par
ailleurs, en l'absence de nouvelles contributions, elle ne pourra plus
continuer son travail à Sarajevo même. L'oratrice lance un message
pressant aux parlementaires afin qu'ils le répercutent dans leurs
capitales. Si tous font le maximum, il sera possible de rétablir -ce
sera long- la primauté du droit et de la démocratie en cette
région.
M. Ryssdal, Président de la Cour européenne des Droits de
l'Homme, prenant la parole à son tour, souligne à quel point
l'accord de Dayton constitue un progrès. Il a mis fin au conflit le plus
grave que l'Europe ait connu depuis la fin de la seconde guerre mondiale. La
Convention européenne des Droits de l'Homme doit d'ailleurs sa naissance
aux atrocités qui ont été commises lors de cette guerre,
et il est normal qu'elle serve aujourd'hui de cadre au retour de la paix en
Bosnie-Herzégovine en participant à la mise en œuvre de
l'accord de Dayton. La nouvelle constitution de cet Etat va en effet de pair
avec l'adhésion à la convention. C'est dire l'importance de cet
instrument.
Le rôle du Conseil de l'Europe dans la mise en œuvre de l'accord va
cependant plus loin qu'une simple référence dans la Constitution.
Le Comité des ministres a été chargé, après
consultation de la Cour et de la Commission, de désigner
huit membres, dont le Président, de la Chambre des Droits de
l'Homme de Bosnie-Herzégovine. Le Comité des ministres a rempli
cette tâche avec diligence, tandis que Mme Haller a
été nommée par le Président de l'OSCE.
M. Ryssdal rend hommage à l'action de Mme l'Ambassadeur et lui
souhaite un plein succès.
En tant que Président de la Cour européenne des Droits de l'Homme
M. Ryssdal a été chargé, quant à lui, de
désigner des membres de Cour constitutionnelle de
Bosnie-Herzégovine et de la Commission des personnes
déplacées. Il procédera à la nomination des membres
de la Cour constitutionnelle lorsqu'il aura pu consulter le Président de
la Bosnie-Herzégovine, par conséquent après
l'élection présidentielle.
Etant donné le rôle que doit jouer cette Cour dans le retour
à la normalité, M. Ryssdal a commencé
déjà à rechercher des candidats et à établir
une liste. Pour ce qui concerne les trois membres qu'il avait à
désigner pour la Commission des personnes déplacées, qui
doit faciliter le retour des réfugiés en réglant les
questions de compensation et de propriété, M. Ryssdal
souligne que les délais imposés, bien que fort courts, ont
été scrupuleusement respectés. Cette tâche
n'était pas facile car la Cour ne dispose pas d'infrastructures sur
place. Cependant M. Ryssdal a pu convaincre trois personnalités
d'assumer cette tâche difficile et il leur exprime sa reconnaissance.
M. Ryssdal souligne que, pour fonctionner, ces institutions auront besoin
de beaucoup de bonne volonté, de conditions favorables et de temps.
Elles auront également besoin d'une aide pratique et de ressources
financières. La protection des forces de l'ONU leur sera
également nécessaire et le mandat de l'IFOR, qui doit s'achever
à la fin de l'année, devra probablement être
prolongé. M. Ryssdal rappelle que les nominations auxquelles il
doit procéder dans le cadre de l'accord de Dayton ont une durée
de cinq ans. Les autorités locales prendront ensuite le relais.
L'accord de Dayton a fait l'objet de quelques critiques. Il aurait
été surprenant qu'un tel texte, élaboré dans ces
conditions, fût parfait. Mais avant lui la région était en
guerre et sans lui le conflit reprendrait. La communauté internationale
n'a pas le choix, elle doit veiller à la mise en œuvre
concrète de cet accord et M. Ryssdal se félicite de ce que
le Conseil de l'Europe ait répondu si rapidement à ses
sollicitations. Il va, pense-t-il, continuer à jouer un rôle actif
dans le processus de rétablissement de la paix et de l'ordre juridique.
La Cour, dans la limite de ses modestes moyens, fournira son appui à
Mme Haller, ainsi qu'à Mme Saulle.
M. Cassese, Président du Tribunal pénal international pour
l'Ex-Yougoslavie intervenant également dans ce débat, souligne
que, si l'accord de Dayton a mis fin à un conflit
particulièrement sanglant, il ne suffit pas de réparer les routes
et les bâtiments pour rétablir l'ordre et la loi. Il ne peut y
avoir de paix durable tant que la haine demeure dans les esprits et dans les
cœurs, tant que la justice n'est pas restaurée. A cet
égard, l'accord de Dayton a été décisif. La
résolution du conseil de sécurité qui, en 1993, a
institué le TPI, a obligé tous les Etats à coopérer
avec celui-ci, à se conformer à ses ordonnances, requêtes
et mandats.
Le Tribunal ne peut en effet remplir la mission qui lui a été
confiée sans la coopération des différents Etats car,
à la différence des juridictions nationales, il n'a pas à
sa disposition de forces de police propres. C'est un géant
dépourvu de bras et de jambes. Ses membres sont les procureurs, les
juges et les officiers de justice des Etats concernés. Si ceux-ci ne
s'acquittent pas de leurs responsabilités, le géant est
paralysé quels que soient ses efforts. Or, près de deux ans
après la création du Tribunal, il était manifeste que
certains d'entre eux n'étaient pas disposés à
coopérer.
Les accords de Dayton sont donc venus à point pour réaffirmer et
préciser leurs obligations. En outre, ils ont eu le mérite de
prévoir des mécanismes d'application ainsi que la
procédure à suivre en cas de manquements. Ils ont ainsi
insufflé un regain de vie au Tribunal et fait de la justice une partie
intégrante du processus de paix.
Qu'ont fait les Etats de la région depuis la signature des accords
à Paris ? La République de Croatie a accordé une
coopération partielle : depuis la fin de 1994, le Bureau du
Procureur est en mesure d'enquêter et d'interroger les personnes sur son
territoire. En outre, la semaine dernière, le Parlement croate a enfin
adopté une loi autorisant l'arrestation des accusés et leur
transfert au Tribunal.
En Bosnie-Herzégovine, le procureur peut se déplacer sur le
territoire contrôlé par les autorités bosniaques ayant
enquêté. C'est également l'un des rares Etats qui aient
adopté une loi définissant la coopération à
apporter au Tribunal. Malheureusement, les autorités de Sarajevo n'ont
pas encore les moyens d'imposer leur volonté dans les zones
contrôlées par les Serbes et les Croates de Bosnie.
Pour ce qui est de la République fédérative de Yougoslavie
et de la "Republika Sprska", c'est-à-dire la République des
Serbes de Bosnie, elles ne sont que très légèrement
revenues de l'hostilité qu'elles ont manifestée au Tribunal.
Malgré l'absence d'une loi de mise en œuvre, Belgrade vient de
remettre deux témoins au TPI et a indiqué qu'elle
était disposée à offrir une certaine coopération
pour les enquêtes. Le Bureau du Procureur peut également
enquêter dans le territoire contrôlé par la "Republika
Sprska" mais le progrès demeure bien timide et insuffisant.
Pour M. Cassese, le critère d'une coopération pleine et
entière est la façon dont sont exécutés les mandats
d'arrêt lancés par le Tribunal. Or, de ce point de vue, le bilan
est très décevant : sur plus de cent vingt mandats
envoyés à toutes les parties aux accords de paix, aucun n'a
été exécuté à ce jour. La République
croate a fait valoir qu'il lui était impossible de procéder
à ces arrestations en l'absence d'une loi réglementant la
coopération avec le Tribunal. Mais, depuis que cette loi a enfin
été adoptée, elle prétend que les accusés se
trouvent hors d'atteinte, en Bosnie-Herzégovine. Des rapports fiables
contredisent ces allégations.
Aucun acte d'accusation ne concernait jusqu'à présent des
personnes relevant de la Bosnie-Herzégovine. Deux mandats viennent
d'être lancés : il reste à voir si Sarajevo
s'acquittera de ses engagements.
La République fédérative de Yougoslavie refuse très
fermement d'exécuter tous les mandats sous prétexte que les
personnes concernées seront poursuivies sur place, mais cette promesse
en est restée à l'état d'intention. C'est cependant dans
la "Republika Sprska" que la situation est de loin la plus déplorable.
Aucune action n'a été entreprise contre Karadzic et Mladic, qui
continuent même d'exercer des fonctions officielles leur permettant
d'entraver le processus de démocratisation.
L'attitude des parties est donc décevante : sur 57 personnes
inculpées par le tribunal, 51 sont toujours en liberté. Les
autorités de Zagreb, de Sarajevo et de Belgrade attachant beaucoup
d'importance au soutien moral, politique et économique que peuvent leur
apporter les autres Etats européens, il est vital que ces derniers lient
cette aide au respect des obligations qui découlent des accords de paix.
Il faut également que M. Bildt envisage des sanctions contre la
République fédérative de Yougoslavie et contre la
"Republika Sprska", au cas où celles-ci ne prendraient aucune mesure
dans un avenir très proche. Il y va de l'efficacité du Tribunal
comme de l'avenir du processus de paix. L'orateur appelle les parlementaires
à faire pression pour que leurs Gouvernements et parlements exercent
toute l'influence possible sur les parties concernées. Il n'y aura pas
de paix, en effet, si les auteurs de crimes horribles ne sont pas punis.
La notion vague de responsabilité collective doit s'effacer au profit de
poursuites judiciaires à l'encontre des responsables effectifs de cet
enfer. Il faut par conséquent convaincre les parties de respecter la
justice internationale. Il ne peut y avoir de paix sans justice : les
accords de Dayton ne seraient qu'un château de sable, vite balayé
par les flots renaissants des querelles ethniques.
Sir Peter Emery, membre du Bureau de l'Assemblée parlementaire
de l'OSCE et responsable du groupe consultatif sur les élections en
Bosnie-Herzégovine, enfin a formulé, devant l'Assemblée,
les observations suivantes :
Le groupe qu'il préside a été mis en place par
l'Assemblée de l'OSCE sur la suggestion de l'ambassadeur Frowick, chef
de la mission de l'OSCE en Bosnie-Herzégovine ; il doit
élaborer des recommandations relatives au fonctionnement d'une
Commission électorale provisoire, et examiner les projets de lois et de
règlements que celle-ci élaborera. L'Assemblée soutient
pleinement cette initiative, car elle permet d'assurer une contribution
parlementaire au processus électoral, de concert avec les missions
d'observateurs.
Sir Peter Emery éprouve un très grand plaisir à se
retrouver dans une assemblée à laquelle il a appartenu dès
1964. Il occupait alors le fauteuil 118 ! Il y a siégé
à nouveau entre 1970 et 1972, et il est donc parfaitement conscient de
l'excellent travail accompli par le Conseil de l'Europe. Il ne peut que se
féliciter que M. Swaelen, Président de l'Assemblée de
l'OSCE, en visite dans les Etats baltes, lui ait demandé de le
suppléer.
Chargé de veiller à ce qu'il y ait une contribution parlementaire
au processus électoral qui va se dérouler en
Bosnie-Herzégovine, l'orateur insiste sur le nécessaire apport
des politiques. Certaines constitutions ont été
élaborées par des universitaires et des fonctionnaires brillants,
mais elle sont entachées d'imperfections parce que les politiques n'ont
pas été consultés. En ce qui le concerne, Sir Peter
essaie de fournir sa contribution, à la tête d'un tout petit
groupe, mais avec l'aide de M. Barsony, Président de la Commission
des questions politiques.
L'orateur indique que si l'on approfondit l'examen, on se rend compte que
subsistent beaucoup d'autres problèmes que ceux qui ont
été présentés par les différents orateurs.
Les informations diffusées sur place sont souvent trompeuses. Armes
rendues, prisonniers relâchés, emplois créés pour
ceux qui reviennent, tout cela n'existe pas.
Il faut malheureusement parler argent. Les coûts budgétaires
supportés par l'OSCE sont importants. Dix-sept pour cent des
ressources viennent du plan local, douze pour cent sont
subventionnés par l'OSCE elle-même et le reste, soit soixante et
onze pour cent des dépenses, doivent être assurées par des
contributions extérieures. Or, à ce jour, hormis les Pays-Bas et
la Suisse, aucun pays n'a libéré les sommes prévues.
Sir Peter Emery se doit d'insister auprès des divers Etats,
qui doivent comprendre combien il est difficile de préparer des
élections. Tout manque : les bâtiments officiels, les
logements, le personnel nécessaire pour organiser, surveiller, assurer
l'information nécessaire au contrôle et au suivi des
élections.
Une grande responsabilité pèse sur l'Ambassadeur mandaté
sur place par l'OSCE, puisqu'il doit juger si les conditions sont remplies pour
procéder à des élections libres et démocratiques.
Il y a quelques semaines, ces conditions étaient loin d'être
remplies. Or, si l'on veut s'en tenir au programme des accords de Dayton,
à savoir des élections avant le 11 septembre, ces conditions
devraient être atteintes au plus tard dans huit à
neuf semaines, sans quoi une partie des accords de Dayton échouera.
Dans ce cas, les troupes de l'IFOR devraient prolonger leur mandat en
Ex-Yougoslavie. Cela poserait problème, notamment dans la perspective
des élections américaines, puisque le retour des troupes
américaines est prévu dès le mois d'octobre.
Sir Peter Emery pense toutefois qu'il devrait être possible de
réunir les conditions nécessaires pour autant que l'on trouve les
sommes indispensables.
Il relève aussi des points positifs comme l'existence de partis
politiques, la liberté de la presse, la formation des responsables. La
surveillance pourra être garantie, bien que difficilement, car la
sécurité n'est pas encore assurée en
Bosnie-Herzégovine. Il n'y a pas de moyens de transport, ni de logements
pour les milliers de personnes affectées à la surveillance. Il a
été demandé à l'OSCE d'accueillir les observateurs
et de garantir la liberté de circulation. Ce sera possible mais il
faudra peut-être avoir recours à moins d'observateurs qu'on le
souhaiterait.
Sir Peter Emery invite le Président ainsi que les membres de
l'Assemblée parlementaire à se rendre à Stockholm pour
discuter du problème avec l'OSCE.
L'OSCE, l'Europe et les Etats-Unis veulent réaliser un miracle, tenir
des élections libres en Bosnie-Herzégovine. Des siècles
d'histoire n'y sont pas parvenues jusqu'ici, mais l'impossible prend toujours
plus de temps. Il faut espérer avoir assez de temps.
M. Strubner, chef-adjoint de la mission de l'OSCE en
Bosnie-Herzégovine et Président de la Commission provisoire
électorale en Bosnie-Herzégovine, a formulé les
observations suivantes :
" Les élections représentent la pierre de touche des accords
de Dayton. La mission de l'OSCE est de superviser celles-ci, de s'assurer
qu'elles seront libres et démocratiques et qu'elles remplissent les
conditions sociales et politiques requises. Le but de ces élections est
de mettre en place un Gouvernement représentatif et d'assurer, ainsi, le
cheminement vers la démocratie en Bosnie-Herzégovine.
" La mission de l'OSCE a une lourde responsabilité puisqu'elle doit
certifier que les conditions sont remplies et décider d'une date pour
les élections. Cette responsabilité est d'autant plus grande que
des élections libres et démocratiques ont déjà eu
lieu et qu'elles ont conduit à cette guerre tragique. "
M. Strubner indique que, le 1
er
février, la
Commission provisoire électorale a fixé des critères pour
la tenue d'élections libres. Il s'agit d'établir un environnement
politique neutre et d'assurer les libertés d'expression, de presse,
d'association et de circulation. A ce jour, ces critères ne sont pas
réalisés et nul ne peut certifier que les conditions
nécessaires seront réunies pour organiser des élections
libres. Il faut espérer que, d'ici juin, une recommandation positive
soit adressée par l'Ambassadeur mandaté.
Ces élections devraient entamer le changement. Il ne s'agit aucunement
de donner des apparences de démocratie à un Gouvernement
autoritaire. Aujourd'hui, grâce aux accords de Dayton, les massacres sont
terminés en Bosnie-Herzégovine. De l'expérience qu'il a
acquise au Salvador, M. Strubner sait qu'il faut arrêter les combats
avant de négocier. Il adresse ses remerciements aux soldats de l'IFOR
pour leur contribution.
Il a constaté que, au niveau des partis politiques, les élections
ne posaient pas problème. Tout est en place pour les organiser
rapidement. Il considère comme un avantage le fait que les partis au
pouvoir soient autoritaires. Ils peuvent très vite se faire obéir
de la police, qui protégera au moins la population ou obtenir que les
médias diffusent une information libre.
Ayant récemment travaillé avec des représentants de la
"Republika Sprska", l'orateur affirme qu'il y a rencontré des gens de
bonne volonté qui ne désirent ni la guerre ni la
séparation ethnique. Ce sont eux qu'il faut soutenir.
Il ne faut pas être naïf et penser que les comportements changeront
du jour au lendemain. Ce qu'il faut changer, ce sont les manifestations
extérieures de la haine. Cette guerre n'est pas née de divisions
ethniques mais des ambitions de certains pour accéder au pouvoir. Les
nationalistes avaient commencé à la préparer depuis dix
ans, bien avant la mort de Tito. Il ne faut donc pas leur laisser le droit de
donner libre cours à leur propagande.
Les élections ne sont qu'un début dans la voie de la
normalisation. L'orateur espère qu'elles pourront avoir lieu en
septembre. Elles ne se dérouleront certainement pas parfaitement, mais
il faut aller le plus loin possible dans la normalisation d'ici là. Le
Conseil de l'Europe peut y aider en faisant pression sur les partis au pouvoir
dans les trois capitales. Ceux-ci peuvent parfaitement et rapidement influer
sur la situation.
Après quatre ans passés en Bosnie, M. Strubner ne croit plus
à la spontanéité des événements. Tout a
été ordonné d'en haut par les partis nationalistes,
c'est-à-dire par les hommes au pouvoir, et c'est sur eux qu'il faut agir.
La liberté de circulation n'existe pas en Bosnie, non plus que la
liberté de la presse, qui d'ailleurs n'était pas de tradition
dans l'Ex-Yougoslavie. Le Comité provisoire électoral a
institué des règles tendant à faire respecter cette
liberté. La liberté de réunion n'est pas non plus
assurée, du fait d'agressions multiples et du refus de mise à
disposition de salles. Concernant le droit au retour, il faut noter que les
gens veulent rentrer, mais dans la sécurité. Le projet pilote
établi à ce sujet n'est malheureusement pas mis en œuvre
dans la Fédération. La liberté d'expression ne doit pas
concerner seulement la radio et la télévision. Les gens doivent
pouvoir se parler entre eux. Les connections téléphoniques ne
sont pas rétablies et les autorités utilisent la technologie pour
empêcher de communiquer, plutôt que pour y aider.
Le TPI, auquel l'orateur a eu l'honneur de collaborer pendant dix-huit mois,
est essentiel au processus de paix. Il faut soutenir financièrement ce
tribunal, qui devrait d'ailleurs devenir une Cour permanente. MM. Karadzic
et Mladic doivent être traduits en justice. Mais aussi Dario Kordic,
chef du HVZ en Bosnie. Il faut fermement réclamer à Zagreb son
arrestation, d'autant que la Croatie est désormais membre du Conseil de
l'Europe. De même du côté bosniaque : les
autorités prétendent être dans l'impossibilité
d'arrêter des criminels de guerre qui, pourtant, se permettent de donner
des interviews publiques. Il faudrait se pencher sur le charnier de Mrkonjic
Grad : on y a retrouvé plusieurs dizaines de corps de Serbes, de
vieilles femmes notamment, exécutés. Peut-être par
l'armée croate !
En conclusion, M. Strubner dit son espoir de voir se dérouler des
élections en septembre. Cela ne sera possible qu'au prix de pressions
sur les trois capitales.
Enfin, M. Hans Koschnick, ancien administrateur de l'Union européenne
à Mostar, a apporté à l'Assemblée des
précisions sur sa mission dans la ville où se
déroulèrent les pires combats.
L'Union européenne avait accepté la tâche d'administrer
Mostar pour y réunir les communautés et reconstruire une ville
unie. Le choix de cette ville n'était pas un hasard. Mostar constituait
une véritable pomme de discorde alors qu'elle aurait pu être un
modèle pour une fédération multinationale.
L'Union européenne a accepté cette tâche parce qu'elle
relève de la politique étrangère et de
sécurité commune. Des engagements ont été
ratifiés par les trois Présidents, les traités ont
été signés, les maires ont donné leur accord ;
tout, sur le papier, a été réglé, comme à
Dayton, mais sur place, au niveau de l'existence quotidienne, les choses sont
différentes.
Il faut chaque jour négocier, sans cesse remettre sur le tapis ce qui a
été obtenu, car les dirigeants croates de la ville ne souhaitent
pas la réunification, ils rêvent encore de s'amalgamer à la
Croatie et s'appuient sur des bandes fortement armées pour imposer la
loi du plus fort. Ce qui vaut pour les Croates de Mostar vaut aussi pour les
musulmans de Bosnie centrale et il n'est pas facile de briser cette
mentalité des barricades, même si, dans certains endroits, les
passions nationalistes sont moins fortes, les choses se passent bien. Or, on ne
peut pas mettre un policier à tous les carrefours.
Si la Croatie et la Bosnie-Herzégovine veulent se rapprocher de l'Union
européenne, elles doivent accepter de reconnaître le principe de
la libre circulation. Malheureusement le pouvoir dans la région est
morcelé, divisé en de multiples milices locales qu'il faudrait
ramener à la raison.
Verra-t-on des élections locales au mois de mai ? M. Koschnick
a appris que les miracles se réalisaient parfois. Par conséquent,
il ne perd pas espoir, d'autant plus que le cadre financier est
déjà fixé. Verra-t-on des législatives en
septembre ? Autre miracle... Il est important de rétablir un
processus démocratique qui permette aux gens de s'écouter. L'IFOR
permet une certaine coexistence. Mais que va-t-il se passer si les Etats-Unis
s'en vont à la fin de l'année ? De toute façon leur
intérêt pour l'Ex-Yougoslavie sera moins marqué
après le 6 novembre et l'Europe devra agir toute seule. Ce ne sont
pas des policiers désarmés qui maintiendront l'ordre, dans un
pays où l'on offre un revolver en cadeau à un gamin de quatre
ans.
Protéger les représentants de l'OSCE, assurer sur le terrain une
libre circulation effective, voilà de vastes tâches. S'agissant
des réfugiés, le Conseil de l'Europe a agi avec une remarquable
rapidité mais il est regrettable que les ministres des finances n'aient
pas été présents à Dayton. On ne peut pas inciter
les réfugiés à revenir sans argent. L'argent est aussi le
nerf de la paix.
Dans le débat qui suit l'exposé du rapporteur
,
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.)
, formule les
observations suivantes :
" Avec les rapporteurs qui viennent de s'exprimer, je rentre de
Bosnie et
je voudrais vous livrer, à chaud, mes réflexions personnelles.
" A l'évidence, les accords de Dayton, représentent la paix
dans l'immédiat. Comme un orateur l'a souligné, le massacre est
terminé. Toutefois ce n'est la paix que dans le cadre de conditions
"à minima" et grâce à l'IFOR. Chaque jour qui passe
stabilise cette paix mais, pour cela, la présence de l'IFOR est
essentielle. Elle a un mandat d'assistance et sa mission est de créer un
environnement sûr pour la mise en œuvre des accords de Dayton.
" Que se passerait-il si l'IFOR partait au terme de son mandat, en
décembre prochain ? A mon avis, le pire. Aujourd'hui la
Bosnie-Herzégovine a ses frontières mais ne soyons pas
naïfs !
" A Zagreb, l'idée de "Grande Croatie" n'est sûrement pas
abandonnée. Certes la Croatie a signé les accords de Dayton et
reconnu la Bosnie-Herzégovine, mais le problème de l'accès
à la mer n'est pas réglé. Hier, ce pays est entré
au Conseil de l'Europe. Il a donc désormais d'autres obligations, car il
a pris des engagements. A nous de les lui rappeler.
" A Belgrade, l'idée de "Grande Serbie" persiste
certainement.
Néanmoins la Serbie a signé les accords de Dayton et reconnu la
Bosnie-Herzégovine. Cependant, elle n'a pas encore établi de
relations diplomatiques avec la Bosnie-Herzégovine.
" Quant à la Bosnie-Herzégovine, elle existe dans des
limites reconnues. Elle est un Etat multiethnique et multiculturel. Cependant,
deux nations ont mené une guerre sanglante et doivent vivre ensemble,
malgré la peur, la haine. Est-ce possible ? Peut-être.
" La situation est équivoque et fragile. Ou elle se stabilise avec
le temps, ou le pays se divise. J'ai envie de dire que cela peut marcher alors
que je n'y croyais pas avant de me rendre sur place.
" Quant aux élections, elles seront un moment essentiel, tout le
monde l'a rappelé. pourtant elles ne constitueront que le début
du changement. Elles seront organisées par l'OSCE, mais certains ont
fait remarquer que les critères n'étaient pas remplis pour
l'instant. Espérons qu'ils le seront avant le mois de juin. Selon les
résultats, deux éventualités sont à envisager.
" Ou bien les "candidats ethniques" l'emportent, et les
conséquences seront graves. Chacun, côté serbe et
côté croate, voudra renforcer ethniquement son territoire et
-pourquoi pas ?- demandera son rattachement à l'Etat voisin. Il ne
resterait alors qu'un pseudo-Etat musulman autour de Sarajevo.
" Ou bien les élections portent au pouvoir d'autres
personnalités, aujourd'hui dans l'opposition. Alors, oui, la
cohabitation des communautés pourrait être possible et nous
assisterions à une stabilisation, mais à deux conditions :
d'abord, que l'IFOR reste après le mois de décembre, ensuite, que
la reconstruction soit visible. Pour cela, tous les orateurs l'ont dit, il faut
beaucoup d'argent, car ces territoires sont totalement ravagés.
" Enfin, il convient de souligner le rôle primordial de toutes les
organisations internationales que vous représentez, et de vous
remercier, vous tous ici, représentants de l'ONU, de l'OSCE, de l'Union
européenne, de la Croix-Rouge et du Conseil de l'Europe !
" A propos du Conseil de l'Europe, j'ai envie d'ajouter que s'il est
présent, il ne l'est pas assez. Il doit affirmer son engagement en
Bosnie-Herzégovine et coopérer davantage avec l'OSCE. Comme mon
collègue M. Ruffy vient de rappeler tout ce que pouvaient
être ses missions, je ne le ferai pas, mais le Conseil de l'Europe peut
affirmer sa spécificité car il a des domaines d'excellence :
les droits de l'homme, la démocratie locale, la coopération
transfrontalière, les médias.
" J'ai envie d'insister sur les droits de l'homme. Oui, Monsieur le
Président du Tribunal pénal international, nous avons une mission
à laquelle nous ne devons pas faillir ; oui, nous devons
coopérer avec vous, ou alors nous n'avons plus aucune raison d'exister
ni de siéger ici ! Il y a des criminels de guerre qui ont
été individuellement identifiés : la
responsabilité n'est pas collective. Ils doivent être jugés
et être punis, car aucune complaisance d'aucune nature ne serait
tolérable.
" Lors des accords de Paris, au moment de la déclaration de
Royaumont, a été évoquée la mise en œuvre
d'une initiative sur un accord régional de stabilité que l'on a,
semble-t-il, évoqué à nouveau entre partenaires
concernés, hier à Vienne. Cela me semble nécessaire.
" Effectivement, dans Sarajevo et en Bosnie, en même temps que les
canons qui se sont tus, que les chars que l'on voit, que les femmes
habillées de noir que l'on perçoit, oui, Madame, on voit des
couples se reformer et, curieusement, dans les décombres, des hommes et
des femmes planter des fleurs. C'est vrai, nous l'avons vu. C'est l'espoir.
Nous le partageons. "
Pour mieux éclairer encore l'Assemblée, une invitation avait
été adressée à
M. Radoman BOZOVIC,
Président de la Chambre des citoyens de l'Ex-République de
Yougoslavie
.
Prenant la parole, il affirme que les accords de Dayton, signés à
Paris, constituent un tournant dans l'histoire de l'Ex-Yougoslavie. C'est
assurément l'avancée la plus importante vers un règlement
depuis le début de la crise. En effet, la paix est actuellement
restaurée en Bosnie-Herzégovine. Si le volet militaire des
accords permet d'espérer un traitement équitable pour tous, le
volet civil présente une importance particulière pour
l'établissement d'une paix durable et pour la stabilité de la
région.
L'orateur se dit convaincu qu'un préalable indispensable au
succès de la paix est la tenue d'élections législatives en
Bosnie-Herzégovine. Ces élections nécessitent une bonne
préparation afin qu'elles puissent se dérouler dans une
atmosphère empreinte de démocratie et du respect d'autrui.
Le problème des réfugiés doit être
réglé sans tarder. Ils ont le droit au retour sans aucune
restriction ni entrave. Le pays a accueilli des centaines de milliers de
réfugiés de toutes origines. Il faudrait que la communauté
internationale fournisse des garanties tant à ceux qui veulent revenir
qu'à ceux qui préfèrent rester. La dernière
réunion des pays bailleurs de fonds, qui s'est tenue à Bruxelles,
revêt une importance essentielle dans le contexte des accords de Dayton.
Un règlement global dépend d'une approche
équilibrée. L'orateur soutient le volet civil des accords. La
République fédérale de Yougoslavie a respecté tous
les engagements qui étaient les siens dans le cadre des accords de
Dayton. Elle a participé aux négociations relatives au
contrôle des armements et estime que tous les criminels de guerre doivent
être traduits en justice.
Malgré sa politique constructive et pacifique, la République
fédérale de Yougoslavie n'a pas encore vu son statut reconnu par
la communauté internationale. Cela l'empêche de coopérer
avec des organismes comme le FMI et la Banque mondiale et nuit à
l'établissement de relations économiques diversifiées avec
d'autres pays. Un accroissement des échanges commerciaux serait pourtant
indispensable pour permettre les réformes socio-économiques qui
s'imposent.
La République fédérale de Yougoslavie se tourne vers une
orientation résolument européenne. Dans ce cadre, elle souhaite
coopérer avec les institutions européennes et, notamment, le
Conseil de l'Europe. C'est dans cet esprit qu'elle s'efforce également
de contribuer au règlement des problèmes qui concernent les
autres régions de l'Ex-Yougoslavie.
La République fédérale de Yougoslavie a signé des
accords de normalisation avec la Macédoine, elle a reconnu la
Slovénie et la Bosnie-Herzégovine, elle est en passe de traiter
avec la Croatie. Elle a invité la minorité du Kosovo au dialogue.
Celle-ci doit comprendre que l'heure n'est plus au terrorisme mais au dialogue.
Les Albanais de souche bénéficient de tous les droits
précédemment cités.
La République fédérale de Yougoslavie est disposée
à coopérer avec la nouvelle instance du Conseil de l'Europe
chargée de la mise en œuvre de la paix et elle est prête
à tout accord bilatéral. La meilleure garantie de la paix, c'est
la réintégration de la Yougoslavie au sein des institutions
internationales.
M. Dragoljub MICUNOVIC, membre de l'opposition yougoslave
, se
déclare ravi de prendre la parole dans l'hémicycle au nom de ceux
qui, dans la République de Yougoslavie, ont tenté
d'empêcher la désintégration du pays et la guerre qui s'en
est suivie. L'isolement de la Yougoslavie a eu de graves conséquences
économiques, la classe moyenne a disparu, le niveau de vie a
chuté et les forces extrémistes sont apparues au premier plan.
Cet isolement a également éloigné le pays des normes
démocratiques exigées par le Conseil de l'Europe.
L'orateur pense que son pays est maintenant dans la bonne voie quant au respect
des valeurs de la Charte des Nations Unies et de la Convention
européenne des Droits de l'Homme. Cela est vrai de la majorité du
peuple et des partis politiques. Les événements de
Bosnie-Herzégovine laissent planer de graves incertitudes. Les forces
démocratiques yougoslaves doivent être soutenues -elles qui sont
restées à l'arrière plan- et reprendre les rênes du
pouvoir dans un pays où les extrémistes, même s'ils crient
fort, ne sont pas la majorité. Seuls les criminels de guerre doivent
être individuellement inculpés. On ne peut condamner globalement
un peuple, sous peine de voir surgir de nouvelles haines.
L'orateur espère que les forces qui ont causé la guerre seront
punies et que l'on donnera leur chance aux nouvelles forces
démocratiques, qui existent dans les deux entités de la
Bosnie-Herzégovine. Le parti de l'orateur fera le maximum pour les
soutenir, mais le temps presse d'ici aux élections et les moyens sont
limités. Les démocrates yougoslaves souhaitent mettre en place
des règles totalement démocratiques dans leur pays pour le sortir
de la tragique période qu'il vient de traverser.
Puis,
M. Jacques BAUMEL, député (RPR)
, intervient
dans le débat en ces termes :
" Il aura donc fallu quatre ans, 200.000 morts,
600.000 réfugiés, 30.000 femmes violées pour
que, grâce à l'intervention tardive de la puissance
américaine, l'on puisse mettre fin au massacre et au
génocide !
" Dans cette affaire, il faut juger sévèrement l'impuissance
de toutes les grandes nations européennes qui ont laissé se
dérouler, à deux heures d'avion seulement de Strasbourg, une des
pires tragédies que l'Europe ait connue.
" Néanmoins il faut surtout, aujourd'hui, se tourner vers
l'avenir. Dans cette Bosnie-Herzégovine, sauvée, mais
terriblement malade et convalescente, il doit d'abord consister à mettre
sur pied des institutions démocratiques permettant la survie de ce pays
tragiquement découpé par la guerre civile.
" L'une des premières réalisations de ces institutions sera
la tenue d'élections, ce qui nous concerne tout particulièrement
puisqu'il s'agira d'assurer la liberté de vote, le respect des opinions,
la liberté des médias, des journaux, afin que ces
élections puissent se dérouler aussi favorablement que possible,
en dépit des énormes difficultés auxquelles nous serons
confrontés, entre autres celle consistant à recenser des
électeurs qui, broyés par la guerre, jetés sur les routes,
ont perdu toute attache avec leur village ou leur ville. C'est un
problème extrêmement grave.
" Si l'IFOR a réussi, sur le plan militaire, à
rétablir une paix provisoire et fragile, il reste un énorme
effort de reconstruction politique, de reconstruction économique, et
surtout d'apaisement entre toutes les parties prenantes à accomplir.
C'est à cela que nous devons faire tendre nos efforts, nous tous,
membres du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne ou de la
communauté internationale. Il est de notre devoir de montrer, que en fin
de compte, l'exemple de la barbarie n'est pas payant, afin d'éviter
demain, aux lisières de l'Europe et peut-être même en son
sein, de nouveaux drames du type de celui vécu par la
Bosnie-Herzégovine.
" C'est ce message que nous devons transmettre aux hommes politiques
de
cette région de l'Europe ainsi qu'à la population des diverses
communautés. Cela dit-il sera difficile de réaliser ces
élections dans de parfaites conditions, d'autant que je ne pense pas
que, d'ici là, ait été réglée la
délicate question des criminels de guerre. C'est donc dans un pays
où des forces malsaines, nationalistes et revanchardes, vont pouvoir se
déployer à l'occasion de ces élections qu'il faudra tout
de même maintenir le caractère démocratique de cette
consultation.
" Enfin, il est nécessaire d'apporter à ce pays non
seulement de quoi reconstruire les infrastructures, ruinées par la
guerre, mais surtout un aliment permanent en vue de la cohabitation pacifique
entre les différentes cultures et différentes origines, faisant
oublier les horreurs de la guerre civile, pour qu'enfin ces peuples qui avaient
vécu en cohabitation paisible pendant quarante ans puissent,
malgré les blessures et les cicatrices, retrouver cette paix.
" Nous avons, nous Européens, à jouer un rôle
important puisque un jour ou l'autre, probablement plus tôt qu'il ne le
faudrait, la puissance américaine va retirer ses troupes, après
les élections dans ce pays, probablement à l'occasion des
élections américaines. Nous nous retrouverons dans une situation
difficile. On nous dit : "nous sommes arrivés ensemble, nous devons
repartir ensemble". Mais si nous partons ensemble et si tout n'est pas
réglé d'ici là, allons-nous prendre la
responsabilité de replonger ce pays à nouveau dans les affres
d'une guerre qui recommencera ? N'est-il pas souhaitable d'obtenir le
maintien d'une force internationale pendant quelques temps, avec si possible la
présence limitée mais utile des forces américaines, la
participation de l'Union européenne et probablement de l'institution
qu'est l'UEO ?
" Il faut imaginer que ce n'est pas en quelques mois que tout sera
reconstruit. C'est la raison pour laquelle je tiens à souligner, pour
conclure, que les pires mines que nous devons désamorcer ne sont pas
seulement les mines de la guerre mais celles qui existent dans les cerveaux et
dans les cœurs et qui portent toujours les traces du nationalisme et
des
haines ancestrales. "
M. Jean-Claude MIGNON, député (RPR)
, intervient quant
à lui en ces termes :
" Quatre mois après la signature des accords de paix en
Bosnie-Herzégovine, les dispositions militaires semblent largement
réalisées. Hormis quelques difficultés techniques, le
désarmement et le retrait des armées progressent comme
prévu. Il en va tout autrement avec les aspects civils des accords. La
Fédération entre Bosniaques et Croates est loin d'être
stable et les nationalistes serbes réclament toujours une division
totale du pays. La paix en Bosnie-Herzégovine semble très
fragile, comme l'illustre la situation dans les villes de Mostar et de Sarajevo.
" Que faire pour stabiliser la paix ? Comment ouvrir la voie à
un bon déroulement de la mise en œuvre des accords de Dayton ?
" Il importe, tout d'abord, de reconstituer la société
civile et de garantir l'unité du pays. Pour cela, il est indispensable
d'écarter les forces qui s'opposent obstinément à
l'application des accords, et notamment MM. Karadzic et Mladic, tous deux
accusés de génocide par le Tribunal de La Haye.
" Karadzic est de tous les chefs de guerre en Ex-Yougoslavie celui qui
représente le plus fort obstacle à la paix. Bien qu'il soit
désormais isolé, il garde suffisamment de pouvoir pour mettre en
danger les acquis de Dayton. A cause de lui, les Serbes n'ont pas
été représentés à la conférence de
Bruxelles, les 12 et 13 avril dernier, et n'ont donc pas accès
à l'aide économique, ce qui pourrait à nouveau attiser les
rancœurs nationalistes. S'affrontant au chapitre constitutionnel des
accords, Karadzic poursuit ouvertement son but du partage de l'Etat bosniaque
et d'une unification de la République serbe avec la Serbie et le
Monténégro. Par sa récente nomination à la
tête d'un "comité de coopération avec la communauté
internationale et la Fédération croato-musulmane" qui luttera
contre la rétablissement d'un Etat unitaire, il persiste à
provoquer la communauté internationale. Discrédité depuis
longtemps par ses actes criminels, Karadzic doit être
définitivement refusé comme interlocuteur.
" La poursuite acharnée et l'écartement du pouvoir des
personnes incitant à la haine et coupables de crimes de guerre, qu'elles
soient serbes, croates ou bosniaques, est un premier pas indispensable vers la
paix.
" Un deuxième facteur clé, pour réaliser avec
succès le plan de paix, est la reconstruction économique. La
priorité doit être de fournir du travail et des logements. Cela
nécessite une assistance importante de la communauté
internationale, mais aussi une volonté politique et des efforts
concertés de la part des parties en Bosnie-Herzégovine.
" Plusieurs problèmes se posent.
" D'abord la communauté internationale tarde à verser
l'argent promis lors des négociations de Dayton. Il est pourtant
important que les Etats respectent pleinement leurs engagements concernant
l'assistance économique et financière à la Bosnie.
" De plus, la coopération des responsables en Bosnie est
insuffisante. Il importe de trouver des moyens de faire
bénéficier directement la population des aides accordées.
" Un autre problème réside dans l'absence de lois
appropriées, qui protégeraient les investisseurs étrangers.
" La troisième priorité des mois à venir sera la
préparation d'élections libres et démocratiques. C'est
uniquement en optant pour un système véritablement
démocratique que la Bosnie-Herzégovine s'ouvrira la voie vers la
paix. L'instauration de la démocratie est aussi une condition
fondamentale pour son adhésion au Conseil de l'Europe. Pour créer
un climat favorable à la tenue des élections, les organisations
internationales, telles que l'OSCE, la Communauté européenne,
l'OTAN, les Nations Unies et le Conseil de l'Europe, sont appelées
à coordonner leurs activités sur le terrain. Avec ses "programmes
d'assistance et de coopération", le Conseil de l'Europe jouera un
rôle central dans la création des conditions sociales et
politiques nécessaires pour l'installation de la démocratie en
Bosnie-Herzégovine.
" De nombreuses tâches restent à accomplir, comme
l'établissement des listes électorales et l'organisation du vote
des réfugiés. Surtout il faudra assurer la liberté des
médias et des réunions électorales, pour que tous les
candidats puissent se faire entendre.
" Toutes ces difficultés doivent être surmontées afin
de permettre l'instauration d'une paix durable en Bosnie-Herzégovine.
Les organisations internationales et, parmi elles, le Conseil de l'Europe, sont
prêtes à accepter le défi et à s'engager pleinement
dans la coopération avec ce pays. Reste à voir s'il sera possible
de trouver des solutions satisfaisantes avant la fin de cette année, de
sorte que la Bosnie puisse se passer de tutelle étrangère. Il
paraît plus réaliste de s'attendre à un
développement à plus long terme. Mais, dans tous les cas, il est
urgent d'agir pour que ce pays ravagé par la guerre retrouve enfin
l'unité et la paix. "
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
, fait les observations
suivantes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, le
débat d'aujourd'hui est particulièrement important alors que
chacun s'interroge sur les chances de réussite du volet civil des
accords de Dayton, et sur la manière d'y contribuer.
" La phase militaire conduite par l'IFOR en vue de créer un
environnement sûr et stable pour la mise en œuvre des accords a
donné dans l'ensemble d'excellents résultats. Les
échéances de l'application du règlement territorial ont
été tenues, ce qui n'était pas évident au
départ. Toutefois, on ne peut que regretter l'exode de la population du
quartier serbe de Sarajevo restitué à la
Fédération. Des pressions de toutes sortes ont été
exercées en ce sens, ce qui hypothèque l'avenir pluriculturel de
la Bosnie-Herzégovine.
" Par ailleurs, le regroupement des armes lourdes et des unités
combattantes dans les casernes, ainsi que la démobilisation des forces
non cantonnées a pris quelque retard, faute d'une préparation
suffisante.
" En outre, un point majeur reste à régler : la
définition de la ligne interentités dans le couloir de la
Posavina, soumise à un arbitrage international devant être rendue
entre le 14 juin et le 14 décembre 1996. J'appelle l'attention de
l'Assemblée parlementaire sur le fait qu'à ce jour, ni la
Fédération croato-bosniaque, ni la République serbe n'ont
désigné leur arbitre.
" Le règlement de ces questions est fondamental pour que soit
engagée dans de bonnes conditions la mise en œuvre du volet civil
de l'accord de paix, car il s'agit maintenant de reconstruire la
société civile en Bosnie-Herzégovine après les
déchirements d'une guerre sans merci.
" Dans son excellent rapport, M. van der Linden rappelle
l'ampleur
des défis auxquels nous sommes confrontés.
" Le plan de rapatriement et le retour volontaire de plus de deux
millions
de personnes déplacées et de réfugiés, soit la
moitié de la population d'avant le conflit, donnent la mesure des
difficultés de la tâche. Pourtant, nous devons fermement
poursuivre et consolider les efforts entrepris. Sur le plan économique,
le conférence des donateurs, qui vient de se tenir à Bruxelles, a
permis de recueillir des annonces de contribution couvrant les besoins de
l'année en cours. Nous nous félicitons également de voir
que plusieurs principes essentiels ont été affirmés
à cette occasion, en particulier la priorité donnée aux
projets favorisant la réconciliation entre les communautés et le
rappel de la nécessité de respecter les modalités de
l'accord de paix.
" Qu'en sera-t-il de la position de la République serbe ? Les
nationalistes jusqu'au-boutistes de M. Karadzic l'emporteront-il sur les
partisans de la coopération avec la communauté
internationale ? L'avenir proche nous le dira certainement. Tout doit
être fait pour que les partisans de la réconciliation et de la
paix civile l'emportent.
" Il reste que la préparation des élections est l'objectif
majeur de la période qui s'ouvre. La coopération entre le Conseil
de l'Europe et l'OSCE trouve là un terrain propice pour se
développer harmonieusement. Elle devra être poursuivie et donner
lieu à un partenariat renforcé, notamment pour l'observation des
élections car de nombreux problèmes restent à
régler : établissement des listes électorales,
organisation du vote des réfugiés et, surtout, accord des deux
entités pour "jouer le jeu", le jeu électoral et autoriser un
égal accès aux médias des candidats en présence.
" Nous voyons bien que la question essentielle, majeure, celle qui
domine
toutes les autres et qui conditionne la réussite de l'accord de paix est
celle de savoir si la Bosnie pourra reconstituer une société
multiethnique ou si elle se laissera emporter par les ferments de la division.
Si la logique de séparation, qui est à l'œuvre entre les
trois communautés de Bosnie-Herzégovine, devait l'emporter, nous
aurions à redouter que ne puisse s'établir dans cette
région sensible une paix durable.
" Cette paix durable doit reposer sur la préservation de
l'unité de la Bosnie-Herzégovine dans ses frontières
internationalement reconnues, le maintien de son caractère pluriethnique
et la réconciliation entre les différentes communautés qui
la composent. Il est également essentiel que nous puissions parvenir
à un accord régional de stabilité et de bon voisinage,
comme nous y invite l'initiative française prise en décembre 1995
à l'occasion de la Conférence de Paris.
" L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe doit fermement
marquer sa volonté que soit établie une paix durable et, pour
cela, elle doit placer les différents protagonistes devant leurs
responsabilités. Nous devons leur faire comprendre que l'adhésion
au Conseil de l'Europe est à ce prix.
" Enfin, je formulerai deux observations.
" La première est que seule la volonté politique est
payante. C'est, en grande partie, grâce au Président Chirac que le
tournant de la paix a été pris en Bosnie, même si les
Américains, et c'est heureux, ont apporté leur appui. L'Europe en
tant qu'entité se décidera-t-elle à exister politiquement,
et, face à l'Amérique, se décidera-t-elle à faire
entendre sa voix ?
" Ce qui se passe au Proche-Orient nous montre que l'Europe peut
être un des principaux bailleurs de fonds tout en ne parvenant pas, ou
même en ne voulant pas peser sur les décisions politiques majeures.
" Ma deuxième observation sera pour souligner qu'il est urgent de
mettre en place des mécanismes efficaces de prévention des
conflits. Nous voyons bien, au Liban, où vont nous conduire, une fois
encore, des actions militaires irresponsables : au financement de la
énième reconstruction de ce pays. Dans une Europe qui compte
vingt millions de chômeurs, les opinions publiques, les contribuables
européens tolèrent-ils longtemps de participer au financement des
énormes réparations dues aux dégâts causés
par tant de folie ?
" Nous atteignons, dans ce domaine, une certaine limite et il
appartient
au Conseil de l'Europe de la faire clairement savoir et de poser les conditions
qui s'imposent avant de s'engager dans des programmes ou des initiatives
nouvelles. "
La recommandation n° 1297 contenue dans le rapport 7509 est
adoptée à l'unanimité, telle qu'amendée.
Puis,
la directive n° 521 contenue dans le rapport 7539 est à
son tour adoptée.
12. Le respect par la Turquie de ses engagements - Intervention de M. Jean VALLEIX, député (RPR) (Jeudi 25 avril)
Le rapporteur indique que la Grande Assemblée nationale
turque a adopté depuis avril 1995 plusieurs réformes
constitutionnelles et juridiques qui vont dans le sens de la recommandation
1266 (1995) concernant l'intervention militaire turque dans le Nord de l'Irak
et le respect par la Turquie des engagements sur la réforme
constitutionnelle et législative.
Bien que les forces turques aient été retirées du
territoire de l'Irak, il faut que la Turquie s'engage clairement à
rechercher une solution pacifique au problème kurde.
Les autorités turques -et notamment le nouveau Parlement- devraient
être encouragées à poursuivre les réformes
juridiques pour améliorer la conformité de la Constitution et de
la législation avec les principes et normes du Conseil de l'Europe.
Le Comité des ministres est invité à évaluer
l'évolution de la situation dans le cadre de sa procédure de
suivi.
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
, intervient dans le
débat en ces termes :
" Mes chers collègues, je veux tout d'abord m'associer aux
compliments adressés à nos rapporteurs, car je crois qu'ils nous
ont présenté un dossier à la fois très complet et
très responsable.
" Notre débat est certainement d'un haut intérêt -ce
n'est pas la première fois-, parce qu'il concerne un pays important,
important dans notre Europe libre. Imaginons ce qu'eut été le
sort de l'Europe si, en 1945, la Turquie ne s'était pas confirmée
dans sa volonté de choisir les structures de république neutre et
de modèle occidental, dans un pays qui, comme vous le savez d'ailleurs,
est à 95 % musulman.
" Nous savons également que la Turquie est un pays important de
part sa dimension et sa situation. Notre collègue M. Demiralp a eu
raison de rappeler quelles sont les frontières, par conséquent
les voisins de la Turquie, ce qui est de nature à poser plus d'un
problème. La Turquie est un grand pays, divers, puissant, qui
connaît une progression démographique annuelle de 3 %,
important aussi de par les données naturelles et parce que
l'évolution en cours est considérable.
" Nous avons vécu -et certains parfois à des
responsabilités d'élus- des expériences en Turquie qui se
sont traduites, par exemple, par l'intervention du pouvoir militaire. Je ne
vous cache pas que, voilà quelques mois, je me demandais si, dans la
crise vécue actuellement par la Turquie, nous n'allions pas, une fois de
plus, déboucher sur une solution militaire, en reconnaissant toutefois
que les solutions militaires ont chaque fois permis à la Turquie un
retour aux pratiques civiles et démocratiques. Cette fois-ci nous nous
sommes maintenus malgré la crise et je crois qu'il faut en savoir
gré à nos amis turcs. Ils pourraient nous dire que cela ne nous
regarde pas. Qu'ils sachent toutefois que nous y sommes sensibles et que c'est
une marque de maturité supplémentaire en démocratie.
" Raison de plus pour souhaiter la bienvenue à la nouvelle
délégation turque et lui dire combien nous sommes prêts
à l'aider dans ses démarches pour surmonter ces difficiles
problèmes. La crise politique semble être
surmontée -pas facilement- mais il y a aussi une autre crise
liée au problème kurde. Parler d'amnistie, pourquoi pas ?
Mais il faut faire attention, car cela suppose une prise de
responsabilité partagée.
" Il faut par conséquent que des initiatives soient prises, de
manière responsable, de part et d'autre. Nous devons comprendre que la
difficulté réside à la fois dans notre discrétion
et notre insistance à aider nos amis turcs à aller dans cette
direction. La discrétion est nécessaire dans la mesure
où rien n'est plus difficile à maîtriser.
" Nous prenons en compte les évolutions constitutionnelles
positives, et nous nous en réjouissons. Nous ne pouvons que faire en
sorte qu'elles aillent de l'avant.
" J'ajoute que l'on ne dit peut-être pas assez que la
population kurde est quand même,
de facto
, assez largement
représentée. Ainsi, la Grande Assemblée nationale turque
ne comprend pas loin de 200 parlementaires d'origine kurde, tout
à fait kurdes, si vous me pardonnez l'expression, qui siègent en
son sein. Et le Sud-Est kurde, dans sa profonde évolution
économique, conduite en Turquie sans aide internationale, je le note,
offre une chance -espérons-le- à cette région.
" Pour tout pays, il reste beaucoup à faire en matière de
démocratie. Je suis du pays de Montesquieu, qui a parlé de
l'influence des climats en démocratie, constatant déjà que
la monarchie constitutionnelle britannique ne pouvait pas s'instaurer comme
telle en France, parce qu'il y avait déjà le
Channel
entre
nous. Nous pouvons comprendre les aspirations de chacune et de chacun et leurs
traductions parfois différentes. Je suis de ceux et je pense que nous
sommes nombreux qui rappellent avec une égale force à nos amis
turcs notre fermeté ainsi que notre confiance. "
La recommandation n° 1298 contenue dans le rapport 7445 est
adoptée après amendement.
13. Les conséquences de l'accident de Tchernobyl - Interventions de MM. Denis JACQUAT, député (UDF), rapporteur pour avis, Christian DANIEL, député (RPR), Jean BRIANE député (UDF), Claude BIRRAUX, député (UDF), et Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Jeudi 25 avril)
Le rapporteur signale qu'à l'instant même un
incendie fait rage autour de Tchernobyl et que le vent et la chaleur diffusent
des éléments radioactifs dans une zone où habitent
800.000 habitants. L'an dernier, un "léger accident" a eu lieu,
qui
était en fait un incident de type 3. D'autres incidents ont eu
lieu, et on a appris qu'en Arménie la centrale de Medzamor, qui avait
été fermée en 1989, vient d'être relancée.
Cette centrale figure sur la liste des installations dangereuses, les
mécanismes de contrôle et de sécurité y sont
insuffisants, mais les Arméniens n'en peuvent plus de subir des hivers
rigoureux et ils ont obtenu une aide de 22 millions de dollars de Moscou.
Il rappelle que la catastrophe de Tchernobyl a eu lieu lors d'un essai, alors
que le système de refroidissement était débranché.
Des tonnes de béton se sont écroulées et la centrale a
émis des particules radioactives pendant dix jours. Près de
200.000 "liquidateurs" ont été irradiés, tandis que
l'Agence de l'énergie nucléaire s'est préoccupée
surtout de l'image de cette énergie. Seules les
télévisions scandinaves et allemandes ont diffusé
dès l'origine des informations sur la catastrophe.
Le débat d'aujourd'hui ne trouve pas simplement sa justification dans un
anniversaire. Il s'agit de rappeler l'ampleur d'une catastrophe qui fera sentir
ses effets au moins jusqu'à l'an 2006, et qui appelle un débat
d'aujourd'hui et de demain. Il faut savoir que 96 % du réacteur
actif est composé de plutonium 239 qui met 24.000 ans pour perdre
50 % de sa radioactivité. Le sarcophage de béton est
fissuré et l'eau de pluie pénètre à
l'intérieur. L'ensemble vacille.
Quant au nombre de morts, il va 60.000 à 135.000 selon les estimations
et le nombre des cancers de thyroïde est en nette progression. En outre il
existe huit cent six sites à ciel ouvert où est
déposé du matériel radioactif et on compte encore sur le
territoire de l'ancienne Union Soviétique quinze réacteurs du
type Tchernobyl en activité.
Le coût de la fermeture de l'installation de Tchernobyl est estimé
entre 1,6 et 4 milliards de dollars. Cette fermeture a
été promise lors du dernier G7 à Moscou et devrait
intervenir avant l'an 2000. Les deux réacteurs en construction ne
seraient pas achevés. Mais il faudrait également fermer les
réacteurs du même type dans l'ancienne Union Soviétique.
Le rapporteur estime qu'il faut impérativement développer
d'autres sources d'énergie, comme la centrale à houille
très performante développée par Siemens et EDF en Ukraine,
qu'il faut démanteler l'énergie nucléaire à l'ouest
et manifester sa solidarité avec les enfants et les adultes qui ont
besoin de centres de santé sur place. La création d'une
Commission
ad hoc
rattachée à la Commission de
l'environnement devrait étudier les cimetières nucléaires
et chimiques. C'est à peu près tout ce qu'il est possible de
faire aujourd'hui.
M. Denis JACQUAT, député (UDF), rapporteur pour avis de
la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille
,
formule les observations suivantes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, la Commission
des questions sociales, de la santé et de la famille,
présidée par M. Grüsenbauer, m'a demandé en tant
que parlementaire, mais surtout comme médecin diplômé de
réparation juridique du dommage corporel, d'étudier les
conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl.
" J'ai accompli cette mission avec un professeur de radiobiologie de
renommée mondiale, le professeur Planel. Les conséquences
sanitaires doivent être étudiées de façon
impartiale. Beaucoup a été dit sur Tchernobyl mais il est
très important de savoir quelle est l'exacte vérité.
" Cette mission faisait suite à un rapport sur les
conséquences de l'accident de Tchernobyl rédigé il y a
quelques années pour la même Commission et pour le Conseil de
l'Europe par Mme Ragnarsdóttir. A l'époque, les
conclusions étaient qu'il fallait prendre encore un peu de recul pour
juger exactement les conséquences de cette catastrophe.
" Cette dernière est le résultat de la très grave
combinaison de déficiences de conception et de violations de
procédures. Cela a concerné l'essai, la structure, et
l'information sur l'explosion. N'oublions pas que ce sont les Suédois
qui nous ont informé de la catastrophe.
" Suite à l'explosion un nuage radioactif est parti dans l'air. Il
y a eu contamination externe et interne principalement avec de l'iode 131
et du césium 137. Les conséquences de ce nuage radioactif
ont été compliquées par une contamination en tache de
léopard à cause de la pluie, des endroits ayant été
plus contaminés que d'autres.
" Une affection domine plus que les autres, celle qui est liée
à l'iode 131 qui contamine la thyroïde de l'enfant. On note en
Ukraine, en Bélarus et en Russie une augmentation très importante
des cancers de la thyroïde de l'enfant -ils sont multipliés par
dix. Ils auraient pu être évités car il y a eu mensonge au
sujet de la catastrophe. Il n'y a pas eu distribution d'iode stable qui permet
d'éviter les cancers de la thyroïde chez l'enfant. Le produit
n'ayant pas été distribué ou trop tardivement, des enfants
ont été contaminés dans le ventre de leur maman. Les
adolescents ont été contaminés jusqu'à l'âge
de 18 ans. Le phénomène a été aggravé
car la population connaissant des problèmes d'équilibre
alimentaire, la contamination était encore plus facile.
" Une autre catégorie de la population a été atteinte
par l'iode 131, ce sont les "liquidateurs", ces personnes qui ont
travaillé pour éteindre l'incendie. Les contaminations ont
doublé. Sur les 830.000 liquidateurs touchés, 200.000 sont
menacés, mais on ne peut affirmer qu'ils auront un cancer de la
thyroïde. Par contre, 1.200 enfants sont atteints du cancer de la
thyroïde. Nous l'avons constaté en consultant des registres.
" Le deuxième composant est le césium 137.
Contrairement à l'iode dont la durée de vie est de huit jours et
dont on peut mesurer aujourd'hui les méfaits, le césium 137
a une durée de vie de trente ans. Pour le moment, on ne peut relever
l'apparition de tumeurs osseuses résultant d'une absorption massive de
césium 137, mais il faut rester méfiant et vigilant sur ce
point.
" Troisième grande catégorie de maladie : les troubles
neurovégétatifs. Une psychose a été
créée et de nombreuses personnes malades, ou qui ne se sentent
pas bien, essaient parfois de faire croire -c'est dans la nature humaine- que
leur mal est dû à la catastrophe de Tchernobyl.
" Pour tout le reste, tumeurs et autres, pour le moment, on ne peut
pas
vraiment juger.
" En conclusion, il faut veiller à ne pas avoir de faux malades ou
de faux-vrais malades, mais il ne faut pas oublier non plus que des maladies
peuvent se déclarer dans un deuxième temps liées aux
troubles de la thyroïde ou dues au césium et à d'autres
radionucléides.
" Toutefois, j'ai pu noter une différence de discours entre les
politiques et les médecins. Les politiques ont tendance à dire
que tout ce qui est sanitaire dépend de Tchernobyl. Les médecins
sont plus justes en ce qui concerne les conséquences.
" Au sujet de la thyroïde des enfants, j'ajouterai que le diagnostic
est établi par les médecins des trois pays, surtout grâce
à du matériel en provenance d'Europe de l'ouest. La chirurgie est
parfaitement bien réalisée dans les trois pays. Par contre, se
pose le problème du traitement postopératoire. Ces enfants ne
peuvent être traités dans les trois pays parce que ceux-ci n'ont
pas les moyens techniques pour les soigner. Ils viennent donc en Europe de
l'Ouest et, malheureusement nous n'avons pas les capacités suffisantes
pour les soigner tous. Sur les 1.250 enfants touchés, seules
quelques centaines ont été traités correctement. Le quart
de ces 1.250 enfants présentent des métastases, mais
soignés correctement, 95 % d'entre eux seront guéris. Si
l'Ukraine, le Bélarus et la Russie ont été atteints, j'ai
l'impression que le Bélarus a été le grand oublié
de l'histoire. Souvenons-nous que les vents soufflaient vers ce pays.
" Gardons à l'esprit qu'on ne peut pas dire qu'il n'y aura pas
d'autres conséquences sanitaires. Il faut être vigilant, car on
connaît mal les effets du césium. Des enfants auront encore des
cancers de la thyroïde, nous le savons. Il est de notre devoir de donner
tous les moyens financiers pour les soigner, que ce soit dans leur pays ou dans
nos pays. "
M. Jean BRIANE, député (UDF)
, intervient dans le
débat en ces termes :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, ce jour marque
le dixième anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl. Le
26 avril 1986, en effet, l'un des réacteurs de la centrale
nucléaire de Tchernobyl explosait.
" Ce fut la plus grande catastrophe nucléaire jamais survenue
depuis l'avènement de cette forme d'énergie dans le monde.
Catastrophe à la fois scientifique, technique et écologique,
véritable tragédie humaine. Aux conséquences tragiques
immédiates sont venues s'ajouter les conséquences durables
à moyen et à plus long termes, sur les populations et sur
l'environnement.
" Notre premier geste aujourd'hui doit être d'avoir une
pensée pour les victimes de la catastrophe ; il faut leur rendre un
hommage public dans cette enceinte du Conseil de l'Europe.
" Dans son excellent rapport, dont je le félicite, notre
collègue, M. Staes, fait le point :
- sur l'accident lui-même et sur le dégagement de produits
radioactifs ;
- sur les conséquences objectives actuelles et prévisibles
de la catastrophe, tant en dommages écologiques pour les sols, les
forêts, l'eau, l'environnement d'une manière
générale ;
- sur les conséquences pour la santé des populations plus ou
moins exposées aux radiations ;
- sur l'état actuel de l'installation accidentée et sur les
risques liés aux déchets.
" Avec le rapporteur, nous devons tirer les leçons de cette
catastrophe pour éviter qu'une telle tragédie ne se renouvelle de
par le monde.
" La première leçon à tirer est un constat :
aucun pays n'était préparé à faire face à ce
genre de catastrophe, pas plus les pays directement concernés, parce que
produisant de l'énergie nucléaire, que les autres pays qui, eux,
en subissent les conséquences dramatiques à plus d'un titre sur
la vie, sur la santé et sur l'environnement naturel.
" Cela veut dire que, malgré tous les débats qui ont eu lieu
depuis des années sur les exigences de sûreté des
installations nucléaires, toutes les recommandations n'ont pas
été suivies d'effet et toutes les mesures prises, pour garantir
la sûreté des installations, réalisées.
" Le projet de résolution présenté par le rapporteur
au nom de la Commission de l'environnement propose un certain nombre de mesures
urgentes, mais aussi des actions à entreprendre, d'une part pour
réduire, autant que faire se peut, les conséquences de la
catastrophe de Tchernobyl, d'autre part, pour prévenir et éviter
tout accident similaire, garantir la sûreté des installations
nucléaires partout où elles existent ou sont envisagées.
" Je veux dire ici que toute installation nucléaire, où
qu'elle se trouve de par le monde, devrait répondre à trois
principes qui sont également trois exigences sur lesquelles on ne peut
transiger : la sûreté, la transparence, la
responsabilité.
" En ce qui concerne la sûreté des installations, il convient
de fixer des normes strictes sur le plan international et d'en faire respecter
l'application par une autorité internationale spécialement
habilitée et reconnue. L'Agence de Vienne n'a pas toute
l'autorité requise.
" La transparence du fonctionnement suppose que toute installation
nucléaire soit connue et constamment ouverte à un possible
contrôle de l'autorité internationale accréditée.
" La responsabilité concerne les Etats sur le territoire desquels
se trouvent les centrales mais également les agents chargés du
fonctionnement et de l'exploitation de l'installation, seuls à
même de juger et de décider de la capacité de production
desdites installations hors de toutes pressions extérieures,
fussent-elles politiques.
" Au Conseil de l'Europe, temple par excellence du respect et de la
défense des droits de l'homme, nous ne pouvons admettre que la personne
humaine puisse être délibérément sacrifiée
sur l'autel de la science, de la technologie ou au profit de la raison d'Etat.
" A partir de la leçon de la tragédie de Tchernobyl,
tragédie qui atteint non seulement l'Ukraine et l'Europe proche -mais
concerne l'ensemble de l'humanité par ses conséquences- je
propose que la communauté internationale, sous une forme à
définir, ait autorité pour contrôler et garantir la
sûreté des installations nucléaires et que chaque Etat soit
tenu de s'y soumettre.
" Le Conseil de l'Europe me paraît fondé à
étudier et à proposer les voies et les moyens qui doivent
permettre, d'une part, de réduire les conséquences malheureuses
de la catastrophe de Tchernobyl et, d'autre part, d'éviter que ne se
renouvelle une telle tragédie.
" L'humanité doit se protéger de toute aventure scientifique
ou technologique qui conduirait à un suicide collectif. "
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)
, prend à son tour la
parole en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, un incident
entraînant une contamination de deux à sept fois supérieure
aux normes tolérables s'est produit hier à Tchernobyl, marquant
ainsi dramatiquement le dixième anniversaire de la catastrophe. Personne
pourtant ne peut dire aujourd'hui que l'accident d'hier était
imprévisible et imparable.
" Je ne m'attarderai pas sur les nouvelles responsabilités, mais
comment ne pas être inquiet ? Faut-il attendre une nouvelle
catastrophe annoncée pour donner un commencement de réalisation
aux engagements solennellement réitérés, et encore tout
récemment, au cours d'un G7 + 1 extraordinaire à Moscou.
" Je ne peux que souscrire aux recommandations que contient le projet
de
résolution qu'à préparé notre collègue
M. Staes. J'approuve également les amendements
déposés par nos collègues MM. Roseta, Birraux,
Jacquat et Daniel.
" Pour ma part, je voudrais rappeler le constat avant d'affirmer,
comme
notre rapporteur, les objectifs indispensables et enfin, m'interroger sur les
moyens de concrétiser enfin ces objectifs.
" Le constat tout d'abord : faut-il rappeler qu'il y a dix ans,
c'est
une cinquantaine de tonnes de combustibles nucléaire, sous forme de
très fines particules de matière radioactive qui se sont
échappées du réacteur n° 4 ? Faut-il
rappeler également qu'en Ukraine, mais également en
Biélorussie et en Russie, pour ne pas parler de régions plus
lointaines, quelque vingt millions de personnes ont été
exposées à cette radioactivité ? Faut-il rappeler
enfin que de très nombreux enfants sont actuellement soignés pour
des cancers de la thyroïde ?
" Ce constat est encore aggravé par la lenteur de diffusion de
l'information dans les jours qui ont suivi la catastrophe retardant les mesures
techniques de confinement et les actions de santé publique.
" Les objectifs sont aujourd'hui admis par tous. Déjà, des
conventions internationales font obligation de notifier les mesures prises pour
garantir la sécurité des installations et, le cas
échéant, informer rapidement des incidents survenus. Je
souhaiterais pour ma part que notre Assemblée appelle à
l'élaboration d'une convention complémentaire qui s'avère
indispensable pour une gestion sûre des déchets radioactifs,
interdisant notamment l'immersion en mer.
" Pour des questions de temps, je n'ai pas pu déposer d'amendement.
Peut-être notre rapporteur accepterait-il d'ajouter un paragraphe V
à l'alinéa 17 de sa résolution par lequel
l'Assemblée inviterait tous ses Etats membres "à élaborer
une convention sur la sûreté des déchets radioactifs,
interdisant notamment l'immersion en mer".
" Quant aux objectifs réaffirmés au G7 +
1 extraordinaire du 20 avril à Moscou, il reste à
souhaiter qu'ils connaissent enfin une mise en œuvre rapide de part et
d'autre, aide financière occidentale, réalisation des mesures
techniques de mise aux normes ou de démantèlement sur les sites
dangereux.
" Si le constat donc, et les objectifs eux-mêmes font l'objet d'un
consensus, je m'interroge cependant sur les méthodes.
" Comment expliquer que nous en soyons presque au même point dix ans
après l'accident et que puissent encore se produire des
événements comme ceux d'hier ? Je crains malheureusement que
la réunionnite propre aux organisations internationales n'ait
considérablement ralenti l'action nécessaire. Je voudrais croire
qu'il n'y a pas eu de retard dû à un "patriotisme institutionnel"
de certaines organisations privilégiant, quoiqu'il arrive et quoiqu'il
en coûte leurs procédures bureaucratiques sur toutes
considérations d'efficacité, qui sont pourtant en l'espèce
des exigences de santé publique.
" Mon excellent collègue Claude Birraux a démontré
les retards dus à ces cheminements bureaucratiques. Je partage
entièrement son option en faveur de jumelages entre institutions
techniques et scientifiques. Les organisations internationales et notamment les
bailleurs d'aide, devraient se borner à définir le plan de remise
aux normes de sécurité, à valider les compétences
des candidats à des actions de démantèlement ou de
modernisation et à coordonner les différentes interventions.
" Enfin, je souhaiterais que se développe un véritable
partenariat, notamment dans l'élaboration des options techniques,
associant pleinement les compétences des scientifiques et des
médecins en Ukraine, en Biélorussie et en Russie, afin d'aboutir,
sur le modèle des "conférences de consensus des médecins"
à des solutions sur mesure.
" Prenons garde à ne pas méconnaître les
compétences et le souci du bien public qui existent chez nombre de
responsables dans ces pays et doivent pouvoir participer à la
restauration de la sécurité due à leurs populations, comme
à celles de la grande Europe dont ils font partie. "
Enfin,
M. Denis JACQUAT, député (UDF), rapporteur de la
Commission des questions sociales, de la santé et de la famille, saisie
pour avis
, reprend la parole pour répondre aux orateurs en ces
termes :
" J'ai écouté avec beaucoup d'attention tous mes
collègues. Tout le monde reconnaît que cette catastrophe n'aurait
jamais dû avoir lieu si un essai inopportun -j'insiste sur le mot
inopportun- n'avait pas été effectué, si les installations
avaient été conformes et si l'information avait circulé.
" Au sujet des conséquences sanitaires, quelqu'un a employé
tout à l'heure le mot "minime", s'agissant des cancers de la
thyroïde de l'enfant, et ce mot m'a fait sursauter. Tout simplement parce
qu'il ne devrait pas être prononcé. Il ne devrait pas y avoir du
tout de malade. C'est un point extrêmement important. Les cancers de la
thyroïde de l'enfant dans les trois pays sont dus à
l'iode 131 qui s'est échappé par le nuage radioactif.
J'étais au Congrès de Minsk où l'on a parlé de ces
conséquences sanitaires et tout le monde est d'accord sur ce point.
1 250 enfants sont malades, j'insiste à nouveau sur ce point,
et 25 % ont des métastases. Mais s'ils sont soignés,
95 % seront guéris. Tout le reste est faux. "
MM. Denis JACQUAT, député (UDF), et Christian DANIEL,
député (RPR)
, ont présenté un amendement ainsi
rédigé :
" Dans le projet de résolution, paragraphe 8, supprimer les
mots "et les maladies, souvent incurables, survenues ou
potentielles ".
Amendement que
M. Denis JACQUAT
a soutenu en ces termes :
" A la lecture du paragraphe 8 du projet de résolution, j'ai
été un peu "crispé" à la deuxième ligne.
C'est pourquoi j'ai proposé deux sous-amendements.
" Je lis au paragraphe 8 : "Par ailleurs,
l'augmentation
impressionnante des cancers de la thyroïde chez les enfants, et les
maladies, souvent incurables, survenues ou potentielles, qui sont imputables
aux irradiations subies par les populations"... Dans le cas particulier,
il ne
peut s'agir que de cancers de la thyroïde chez des adultes. Pour le
moment, et j'insiste sur ce point, on ne peut pas dire que d'autres maladies
sont dues à la catastrophe. Même si l'on peut parfois avoir
quelques soupçons, il faudra du recul pour pouvoir le définir
avec précision.
" Dans mon esprit, l'augmentation très importante des cancers de la
thyroïde, en particulier chez les enfants, est imputable "aux irradiations
subies par les populations et en particulier par les 800.000 personnes qui se
sont relayées sur le site". Je ne puis admettre qu'on
écrive : "et les maladies, souvent incurables, survenues ou
potentielles", parce que c'est tout mélanger, y compris les psychoses.
Il en existe de très nombreuses. Tout le monde en a. Même des gens
qui se trouvaient à des milliers de kilomètres au sud pourraient
dire qu'ils se trouvaient dans les environs de Tchernobyl le jour de la
catastrophe.
" Sur le fond, je ne suis pas du tout contre le paragraphe 8,
mais je
souhaite qu'il soit très légèrement modifié. C'est
pourquoi j'ai proposé deux sous-amendements. C'est une question de
forme, pas de fond.
" Le problème des conséquences sanitaires est trop important
pour qu'on se dispute sur un tel amendement. J'ai une interprétation
médicale sur ce point. Même s'il s'agit d'un problème de
terminologie, comme on vient de l'expliquer, la psychose est une maladie.
" Je préciserais simplement : "l'augmentation importante des
cancers de la thyroïde, en particulier chez les enfants", et je laisserai
le reste. Il faut bien insister sur le rôle des "liquidateurs". Ce
sont
les enfants et les liquidateurs qui ont eu des cancers de la thyroïde.
" Pour ce qui concerne les psychoses, je suis entièrement d'accord.
Ce que je ne voulais pas, c'est parler de leucémie et d'autres maladies.
Pour le moment, il n'y a rien de démontré, il n'existe que
quelques soupçons. C'est un problème médical qui ne
justifie aucune guérilla. Peut-être une petite rectification
à tendance médicale ? Mais, ce n'est pas parce que
nous sommes au dixième anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl
qu'il ne faut pas rester serein. Il n'y a pas lieu à dispute. Je retire
donc mes deux amendements, sur lesquels je me suis expliqué. "
M. Claude BIRRAUX, député (UDF
)
,
avait
déposé un amendement aux termes duquel il demandait, dans le
projet de résolution, paragraphe 15, à supprimer
l'alinéa ii et insérer un nouvel alinéa
rédigé invitant les responsables
"à s'assurer que les
deux nouveaux réacteurs nucléaires dont la construction fait
partie intégrante de l'accord mentionné ci-dessus, correspondent
aux normes en vigueur de l'Agence internationale de l'énergie
atomique".
" L'exposé des motifs de cet amendement faisait valoir que
l'Ukraine a déjà engagé la construction de
deux réacteurs qui utilisent une autre technologie,
différente du type RBMK. Demander à l'Ukraine de tout abandonner
reviendrait à lui réclamer un effort financier énorme. La
raison la plus importante, je la gardais pour la fin. L'achèvement des
deux réacteurs en remplacement des tranches 1 et 3 de
Tchernobyl, fait partie intégrante du protocole d'accord signé il
y a quelques mois en décembre entre le G7, la Commission
européenne et l'Ukraine. Il y a donc une contradiction évidente
entre l'alinéa i où il est demandé exactement que l'accord
soit respecté, et celui-là.
" Le protocole, tout le monde le sait, est l'aboutissement de longs et
difficiles pourparlers. Demander maintenant sa renégociation, et c'est
ce qui est en réalité, c'est courir de grands risques. Si une
partie du protocole est remise en discussion, l'Ukraine serait en droit de
remettre en question l'engagement de fermer la centrale de Tchernobyl avant
l'an 2000.
" Le texte du protocole, clair, concerne l'achèvement de
deux réacteurs aux centrales de Rovno et Khmelnitski en
remplacement des tranches 1 et 3 de Tchernobyl avec beaucoup de
contreparties -la construction d'un nouveau sarcophage, la fermeture des
réacteurs 1 et 3, notamment. C'est une partie d'un ensemble, je
crois qu'il serait mauvais de l'éliminer. "
Cet amendement est adopté.
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, présente un
deuxième amendement afin d'inviter les autorités responsables
"à prendre immédiatement des mesures ayant comme but
l'amélioration rapide de la culture de sûreté, notamment en
matière de formation du personnel".
" L'exposé des motifs fait valoir que la référence
à une culture de la sûreté fait aussi partie du patrimoine
de notre Assemblée. Je ne vais pas relire ici le rapport d'il y a
trois ans. La recommandation votée à l'unanimité
comportait un point sur l'amélioration de la culture de
sûreté et parlait des mesures qui pouvaient être introduites
facilement et assez rapidement. D'abord, combler les lacunes en matière
de lois et de normes, ensuite motiver et former le personnel, par exemple.
" Ce qui est important c'est que l'Ukraine puisse prendre des
initiatives
plus larges, le plus rapidement possible, pas trop difficiles à mettre
en place, afin qu'elle sache mieux prévenir tout incident et
réagir si un incident survient. D'ailleurs, je suis sûr que ces
initiatives recevraient un fort soutien non seulement de l'AIE, mais aussi de
toutes les organisations concernées.
Cet amendement est adopté par l'Assemblée.
Enfin,
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, a
déposé un troisième amendement afin d'inviter les
Gouvernements
"à planifier des jumelages entre centrales
nucléaires des pays d'Europe centrale et orientale et celles des pays
occidentaux, afin de développer en commun la culture de
sûreté ;"
" L'exposé des motifs de cet amendement souligne que son objet se
réfère à l'histoire de l'Assemblée, puisque
l'alinéa que je souhaite ajouter au projet de résolution a
déjà été voté ici.
" La recommandation 1209 (1993), adoptée il y a
deux ans et demi, incite aux jumelages, aux projets bilatéraux
entre centrales des pays occidentaux et des pays de l'Europe de l'Est, ainsi
qu'à d'autres actions.
" Ce que je reprends dans mon amendement appartient, en quelque sorte
au
patrimoine de l'Assemblée. Certains de nos collègues des pays
d'Europe centrale et orientale ont trouvé la proposition
intéressante et sont d'accord pour la "remettre sur le tapis" et
l'inclure dans le texte du projet de résolution. "
L'amendement est adopté
comme les deux précédents,
puis, à l'issue du débat portant sur le rapport 7538,
la
résolution n° 1087 est adoptée, amendée
.
14. Le processus de paix au Proche-Orient (Vendredi 26 avril)
Le rapporteur rappelle que l'Assemblée a toujours suivi
avec attention le processus de paix au Proche-Orient : la Commission des
questions politiques et sa Sous-commission spécialisée ont
élaboré plusieurs rapports. Dernièrement, cinq "task
forces" ont été mises sur pied pour préparer la
contribution du Conseil à ce processus et, en septembre,
l'Assemblée devrait adopter ce texte.
Les récents événements du Sud-Liban font redouter un recul
et l'Assemblée ne pouvait donc rester silencieuse. Le rapporteur
regrette simplement que ce débat d'urgence intervienne à
l'extrême fin de la partie de session, en l'absence de nombreux
parlementaires. De ce point de vue, il ne peut approuver la décision du
Bureau.
L'escalade de la violence vient à un moment extrêmement
délicat, où les Palestiniens sont aux prises avec des
extrémistes tandis qu'Israël pleure M. Rabin. De grands
progrès avaient été réalisés pourtant, dont
témoigne la récente révision de la Charte de l'OLP.
Visiblement, l'objectif du Hezbollah est de provoquer une
déstabilisation et des réactions indiscriminées pour
rendre impossible la mise en œuvre des accords de paix. Il convient
donc
d'exercer des pressions sur des pays comme la Syrie et le Liban qui soutiennent
ou tolèrent ces terroristes. En ce qui concerne Israël, il faut
condamner un recours à la force qui s'est soldé par de nombreuses
victimes innocentes.
Un accident comme le bombardement de zones sous protection de l'ONU n'aurait
jamais dû se produire. La communauté internationale doit le
condamner fermement.
L'escalade de la violence au Proche-Orient profite aux extrémistes. Il
convient que l'Assemblée parlementaire réaffirme son soutien aux
actions contribuant à promouvoir la paix, le dialogue et la
négociation. Elle doit appeler les Libyens et les Syriens à
s'engager à désarmer le Hezbollah. Dès que les menaces
contre Israël auront cessé, ce pays devra retirer ses forces
armées du Sud-Liban. Une zone de sécurité et le
déploiement de forces internationales sont à prévoir.
Israël doit ensuite poursuivre la réalisation des accords
israélo-palestiniens.
Le projet de résolution demande un règlement définitif de
la paix.
A l'issue du débat,
la résolution n° 1088 contenue dans
le rapport 7540 a été adoptée, amendée
.
D. LES RÉUNIONS GROUPÉES DE COMMISSIONS (THESSALONIQUE - du 27 au 29 mai 1996)
Les Commissions des questions politiques, de l'environnement,
de la culture, ainsi que le Bureau et la Commission permanente de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ont tenu leurs
réunions groupées de printemps à Thessalonique
(Grèce) du 27 au 29 mai 1996. Ont participé à ces
réunions,
MM. Jacques BAUMEL
, député (RPR),
Claude BIRRAUX
, député (UDF),
Jean BRIANE
,
député (UDF),
René COUVEINHES
, député
(RPR),
Gabriel KASPEREIT
, député (RPR
), Jean
de LIPKOWSKI
, député (RPR),
Bernard SCHREINER
,
député (RPR), ainsi que
MM. Nicolas ABOUT
, sénateur
(Ap. RI),
Daniel HOEFFEL
, sénateur (UC),
Jean-François
LE GRAND
, sénateur (RPR), et
Jean-Pierre MASSERET
,
sénateur (Soc.).
Le Bureau élargi de l'Assemblée a, notamment,
décidé d'accorder le statut " d'invité
spécial " au Parlement de la Georgie qui enverra désormais
à l'Assemblée une délégation, aux pouvoirs
consultatifs, de 5 membres (Rapport n° 7430 de
M. Christian
DANIEL
, député (RPR)).
La Commission permanente, quant à elle, a pris acte du statut
d'observateur conféré au Canada par le Comité des
ministres, le 3 avril 1996, statut déjà accordé en janvier
aux Etats-Unis d'Amérique, réservant, cependant, " la
question distincte d'un statut approprié pour le Parlement
canadien " (Rapport n° 7569 et Avis 196).
La Commission permanente a également tenu un "débat d'urgence"
sur "la mise en oeuvre des engagements contractés par la Croatie dans le
cadre de la procédure d'admission au Conseil de l'Europe", à
partir, notamment, de la décision du Comité des ministres de
surseoir à l'adhésion plénière de cet Etat,
cantonné donc au statut "d'invité spécial" de son
Parlement à l'Assemblée (Résolution n° 1089).
Puis elle a débattu des "Problèmes de la désertification
dans le bassin méditerranéen", ce débat ayant
été précédé d'une audition sur "la
coopération dans le bassin méditerranéen", à
l'initiative de
M. Jean BRIANE
, député (UDF),
Président de la Commission de l'environnement de l'Assemblée du
Conseil de l'Europe, au cours de laquelle se sont exprimés les plus
hauts responsables de l'environnement, notamment du Sud de la
Méditerranée (outre Mme PAPAZOI, ministre grec, le Professeur
PAVAN, de Pavie, Président de l'Année européenne de la
conservation de la nature, M. BOUCHAOUR, Vice-Président du Conseil
national de transition de l'Algérie, ainsi que M. Ben BLIDIA,
Président de l'Institut méditerranéen de l'eau). M.
Stefanos TZOUMAKAS, ministre de l'agriculture grec a prononcé une
allocution devant la Commission permanente.
M. Daniel HOEFFEL
, sénateur (UC), est intervenu dans ce
débat, faisant adopter à l'unanimité un amendement
(Rapport n° 7503 et Résolution n° 1090) afin de subordonner le
développement des biotechnologies au respect de la santé humaine
à long terme et à l'information du consommateur. De même,
il a fait adopter un amendement, en faveur de la prise en compte par les
navires de commerce des exigences de la sécurité maritime, dans
le texte sur "les politiques de gestion des pêches" (Résolution
n° 1091, directive n° 522 et Rapport n° 7514).
La Commission permanente a également adopté : une
Résolution (n° 1092, Rapport 7544) sur la non-discrimination
à l'égard des femmes dans le sport ; une Résolution
(n° 1093, Rapport n° 7526) sur les 33ème et 34ème
Rapports annuels de l'Association européenne de libre échange
(AELE).
Au titre de la Commission politique,
M. Jean-Pierre MASSERET
,
sénateur (Soc.), a fait une communication sur les travaux de la
Conférence intergouvernementale de l'Union européenne,
thème dont il est rapporteur devant l'Assemblée du Conseil de
l'Europe.
La Commission permanente et les membres des Commissions siégeant
à Thessalonique ont pu, enfin, entendre un discours de M. Apostolos
KAKALAMANIS, Président du Parlement hellénique, qui a
souligné l'importance d'une implication accrue des Parlements nationaux
dans les processus de décision de l'Union européenne.
E. LA TROISIEME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 24 au 28 juin 1996)
1. Introduction
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est
réunie à Strasbourg du 24 au 28 juin 1996 (3ème partie de
la session de 1996).
L'Assemblée a tenu un débat sur les élections en Albanie -
rapport (doc. 7592) de Lord Finsberg (Royaume-Uni, conservateur) au nom de
la Commission des questions politiques et avis (doc. 7592) de M. Columberg
(Suisse, démocrate chrétien) - résolution n° 1095 et
directive n° 524.
L'Assemblée a également pris acte du rapport d'information
(doc. 7560) présenté, au nom de la Commission
ad hoc
sur la Tchétchénie, par M. Muehlemann (Suisse, Radicale
démocrate).
Au cours de cette session, l'Assemblée parlementaire a entendu les
allocutions des personnalités suivantes :
-
M. Kiro GLIGOROV
, Président de l'ex-république
yougoslave de Macédoine, qui a répondu à une question de
M. Nicolas About, sénateur (R.I.) ;
-
M. Vladimir MECIAR
, Premier ministre de la République slovaque ;
-
M. Ugo MIFSUD-BONNICI
, Président de Malte.
La communication du Comité des ministres a été
présentée par son Président en exercice,
M. Siim
KALLAS
, ministre des Affaires étrangères de l'Estonie (doc.
7582 et 7593).
L'Assemblée a adopté des recommandations et des
résolutions sur les points suivants :
- coopération culturelle européenne : les activités de
I'Union européenne et les relations avec le Conseil de l'Europe -
rapport (doc. 7575) de Sir Russel Johnston (Royaume-Uni,
libéral) - recommandation n° 1299 ;
- activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le
développement présentées par son Président,
M.
Jacques de LAROSIÈRE
- rapport (doc. 7564) de M. Bogar (Hongrie,
Forum démocratique) - intervention de
M. Jean BRIANE
,
député (UDF), Président de la Commission de
l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux, résolution
n° 1094 ;
- protection des droits des minorités - rapport (doc. 7572) de
M. Bindig (Allemagne, S.PD.), intervention de
M. Bernard SCHREINER
,
député (RPR) - recommandation n° 1300 ;
- situation des jeunes en Europe : la jeunesse marginalisée - rapport
(doc. 7574) de M. Elo (Finlande, social-démocrate), intervention de
M. Jean-Claude MIGNON
, député (RPR) - directive
n° 523 ;
- mesures de démantèlement de l'héritage des anciens
régimes totalitaires communistes. Rapport (doc. 7568) de M. Severin
(Roumanie, Parti Démocrate). Résolution n° 1096 ;
- budget de l'Assemblée pour 1997. Rapport (doc. 7579) de M. Theis
(Luxembourg, Parti chrétien social). Intervention de
M. Bernard
SCHREINER
, député (RPR), Président de la Commission du
budget et du programme intergouvernemental. Avis n° 197 ;
- aspects civils des accords de Dayton. Rapport (doc. 7588) de M. Iwinski
(Pologne, Socaliste), recommandation n° 1301 ;
- abolition de la peine de mort. Rapport (doc. 7589) de Mme Wohlwend
(Liechtenstein). Intervention de
M. Pierre LACOUR
, sénateur
(Rat. RDSE). Résolution n° 1097. Recommandation n° 1302
et directive n° 525.
Enfin, le vendredi 28 juin, le Bureau de l'Assemblée a
décidé d'accorder le
statut "d'invité spécial"
au Parlement d'Azerbaïdjan
, qui sera désormais
représenté, à titre consultatif, par six
délégués à l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe.
2. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (Lundi 24 juin)
A l'issue de l'exposé du rapporteur, l'Assemblée a donné acte du rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (Doc. 7560 et addenda I, II et IV).
3. La coopération culturelle européenne : les activités de l'Union européenne et les relations avec le Conseil de l'Europe (Mardi 25 juin)
Le rapporteur évalue l'état des relations entre
l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, tout en soulignant que
l'Union européenne est devenue l'un des principaux acteurs de la
coopération culturelle européenne. Mais dans nombre de domaines,
remarque-t-il, il y a matière à renforcer la coopération
avec le Conseil de l'Europe, dans le respect du caractère
spécifique, de l'expérience et du potentiel de chacune des deux
institutions.
A l'issue du débat
, la recommandation n° 1299 contenue dans le
rapport 7575 est adoptée
.
4. Les activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement en 1995 - Communication de M. Jacques de LAROSIERE, Président de la BERD, et interventions de MM. Claude BIRRAUX, député (UDF), rapporteur pour avis, et Jean BRIANE, député (UDF) (Mardi 25 juin)
Le rapporteur indique que ce débat annuel est
axé sur la poursuite des réformes qui avaient été
entreprises en 1994 à la Banque européenne pour la reconstruction
et le développement, sous la présidence de Jacques de
Larosière.
L'Assemblée se félicite du doublement récent du capital de
la Banque, passé de 10 à 20 milliards d'Ecus, et propose des
mesures pour renforcer l'efficacité des activités et diminuer les
coûts, par exemple en concentrant les premières sur les pays les
moins développés et en réduisant le Conseil
d'administration.
Le rapport souligne le rôle de l'Assemblée comme forum
parlementaire de la Banque.
M. Jacques de LAROSIERE, Président de la Banque
européenne pour la reconstruction et le développement
, est
intervenu dans ces termes :
" Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les
parlementaires, Monsieur le Président Davis, Monsieur le rapporteur
M. Bogár, je suis très heureux d'être parmi vous
aujourd'hui et je me réjouis de ce dialogue avec l'Assemblée
parlementaire, un dialogue qui a été toujours très
fructueux et qui nous apporte beaucoup, à nous qui sommes chargés
de gérer cette banque.
" En introduction à ce débat, je rappellerai que la BERD a
été réorganisée, comme vous le savez, en 1993-1994
et qu'elle s'est dotée d'une stratégie. Les coûts
administratifs ont été comprimés. Aucune croissance des
dépenses administratives n'a été observée en termes
réels depuis l'année 1993, alors que notre portefeuille a plus
que doublé pendant cette période. Ce qui veut dire que des gains
de productivité importants ont été réalisés.
" Dans le même temps, la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement est devenue "profitable", puisque,
l'année dernière, nous avons réalisé un
bénéfice de 83 millions d'Ecus avant provision. Plus de
8 milliards d'Ecus d'opérations ont été
approuvés par notre Conseil d'administration, ce qui représente
80 % de notre base initiale de capital.
" C'est donc avec une grande satisfaction que nous avons accueilli la
décision des actionnaires, prise à l'unanimité, au mois
d'avril dernier à Sofia, de doubler la base en capital de notre banque,
la portant de 10 à 20 milliards d'Ecus. Cela nous permettra de
porter nos engagements, qui sont aujourd'hui de 2 milliards d'Ecus par an
en moyenne, à 2,5 milliards d'Ecus vers la fin des
années 90. Et j'ai le plaisir de vous dire, Mesdames et Messieurs
les parlementaires, que nous n'aurons plus besoin, si Dieu le veut, de recourir
à de nouvelles dotations en capital de notre banque, parce que nous
deviendrons, comme on dit,
self sustainable
.
" Un mot encore relatif à la stratégie, qui est simple. Nous
avons réaffirmé notre désir de promouvoir la transition et
donc le développement du secteur privé. Nous avons dans notre
charte une obligation qui est de travailler avec le secteur privé au
moins à raison de 60 % de notre chiffre d'affaires. C'est chose
faite. Maintenant, nous consacrons à peu près 70 à
75 % de nos opérations annuelles au secteur privé.
" Le deuxième axe de cette politique, c'est de travailler de plus
en plus avec le secteur privé local, c'est-à-dire de ne pas faire
exclusivement des
joint ventures
avec des sociétés
multinationales occidentales, mais de travailler avec le tissu
économique local, en particulier avec les petites et moyennes
entreprises, qui sont créatrices d'emplois. C'est ce que nous faisons.
" Nous avons augmenté notre présence locale. Nous avons
maintenant une vingtaine de bureaux locaux. Nous recrutons des gens sur place,
qui sont d'ailleurs des personnes de très haute qualité, et qui
ont énormément enrichi notre capacité à
générer des projets. Nous développons nos relations avec
le secteur financier local, pour une raison très simple : si nous
voulons être présents dans le tissu économique local, nous
devons le faire non pas à partir de Londres, mais avec les banques qui
ont une clientèle locale. C'est ce qui explique que 25 % de notre
activité est désormais dans le secteur financier.
" Une autre orientation est d'augmenter notre participation en
capital et
de développer nos actions en matière d'environnement. Des signes
encourageants se font jour ; M. Bogár les a cités. Il
s'agit du retour à la croissance de toute une partie de notre zone
d'opérations et de la réduction de l'inflation.
" Il est extrêmement important que la Banque européenne pour
la reconstruction et le développement continue son action, notamment
dans des secteurs qui seront difficiles à couvrir par le secteur
privé, même dans les pays les plus avancés ou dans les pays
qui entrent dans cette gradation dont a parlé M. Bogár. Car,
dans les domaines de l'infrastructure, de l'environnement, de la
restructuration des entreprises qui perdent de l'argent, dans le domaine de la
rénovation du secteur financier, nous ne verrons pas beaucoup de sources
de financement en provenance du marché pendant quelque temps encore. Je
pense donc que, même dans les pays les plus avancés, la BERD a
encore beaucoup à faire.
" Le défi est important, je crois qu'il est devant nous pour
quelque temps encore. M. Bogár a raison, les choses ne se feront
pas du jour au lendemain. Il est important que la BERD puisse contribuer
à la transition et même l'accélérer tout en
minimisant son coût social. "
M. Claude BIRRAUX, député
(UDF)
, rapporteur
pour avis de la Commission de la science et de la technologie, présente
les observations suivantes, au nom de sa Commission :
" Je voudrais en premier lieu, au nom de notre Commission, remercier
chaleureusement le Président de la BERD pour avoir accepté
que notre Sous-commission de la politique technologique et de l'énergie
puisse rencontrer les responsables de la banque en charge du compte
spécial sûreté nucléaire. Les informations
recueillies et les discussions engagées, nous ont permis de
présenter une contribution écrite bien documentée qui
donnera une information complète à notre Assemblée.
" Présentant la contribution orale de notre Commission l'an
dernier, j'avais eu l'impression que notre Assemblée ne connaissait pas
bien l'existence même du compte spécial sûreté
nucléaire. Je rappelle donc que c'est dès 1993 que le G7 a
demandé à la banque de jeter les bases du compte pour la
sûreté nucléaire. Alimenté par des contributions de
pays donateurs, ce compte sert à subventionner l'exécution de
projets de renforcement de la sûreté des centrales
nucléaires dans les PECO et la CEI. A la fin de l'année 1995,
c'était 193 millions d'Ecus qui avaient été
enregistrés.
" La Banque se constitue en secrétariat du compte spécial
nucléaire et fournit des services techniques de management, financiers,
juridiques et administratifs. Elle fait rapport aux donateurs par
l'intermédiaire de l'Assemblée des contributeurs qui exerce un
contrôle général de la gestion du compte.
" Les actions concrètes concernent les centrales de Kozloduy,
d'Ignalina, de Léningrad et de Novovoronezh et Kola. Un montant de
140 millions d'Ecus a été engagé fin 1995, auquel
s'ajoute un engagement de principe d'environ 100 millions d'Ecus pour
Tchernobyl.
" Si l'on compare les différentes estimations du coût des
travaux urgents de mise à niveau qui vont de 6,4 milliards d'Ecus
à 16 milliards d'Ecus -il s'agit là d'une estimation du G7- pour
les seules centrales de Russie et d'Ukraine, il est bien clair que le compte
spécial nucléaire ne suffit pas à couvrir les besoins les
plus urgents.
" La comparaison de ces deux chiffres montre à l'évidence
toute la difficulté qu'il y a à mettre en œuvre une action
concrète, rapide et efficace, faute de trouver une instance politique
décisionnelle de haut niveau capable d'imposer des choix aux pays
bénéficiaires. Il est clair que des problèmes
éminemment politiques se posent en termes de souveraineté des
Etats.
" Néanmoins dans les discussions internationales, lorsque les Etats
ont réalisé un consensus, une attitude très ferme et
contraignante peut voir le jour. Dans le domaine de la sûreté
nucléaire, cela présupposerait qu'une sourdine soit mise à
l'appel à la concurrence au bénéfice d'un partage des
tâches et des fardeaux.
" De plus, la problématique amélioration de
sûreté ou fermeture de la centrale nucléaire doit
être replacée dans le contexte plus large de la
problématique de la politique énergétique et de
l'utilisation rationnelle de l'énergie.
" Cette problématique de la politique énergétique est
un élément de la politique économique. Il est clair que le
développement économique ne peut être suspendu aux
"incertitudes" de fonctionnement d'une centrale nucléaire.
" Si nous voulons être cohérents avec nos cris d'alarme, nos
inquiétudes exprimées haut et fort, nos priorités et nos
urgences déclarées, il nous faut une pratique différente
où la sûreté nucléaire devienne la première
préoccupation -à défaut d'en être le
préalable- dans notre coopération avec les pays de l'ex-bloc
soviétique. Cette attention à la sûreté porte en
elle-même le changement d'échelle de valeur et par là,
mesure la rupture avec les schémas culturels des régimes
communistes. "
M. Jean BRIANE, député
(UDF)
, prend
la
parole à son tour en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, la discussion
du rapport d'activité de la BERD confirme le rôle joué par
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe en tant que base
parlementaire des grandes institutions économiques et financières.
" Le dialogue ainsi instauré se révèle fructueux, non
seulement pour les parlementaires qui confortent ainsi leurs informations, mais
aussi pour les institutions -en l'occurrence, la BERD- qui recueillent avec
profit les avis des hommes de terrain que sont les élus.
" La conférence sur les progrès des réformes
économiques dans les pays d'Europe centrale et orientale, qui s'est
tenue à Varsovie du 22 au 24 mai à l'initiative de la
Commission des questions économiques, a été l'occasion de
dresser le bilan des progrès accomplis, et ils sont importants, mais
aussi de dégager les zones d'ombre, en particulier le coût social
de la transition et la nécessité de renforcer l'aide à ces
pays.
" La Commission économique pour l'Europe des Nations Unies, qui
était partenaire du Conseil de l'Europe lors de cette conférence,
doit également jouer un rôle accru et renforcer son aide et ses
expertises. Elle apparaît comme le véritable pilier
économique paneuropéen, et nous ne voyons que des avantages
à renforcer son partenariat, non seulement avec le Conseil de l'Europe,
mais également avec l'OSCE, ainsi qu'avec les autres institutions
économiques et financières telles que la BERD et l'OCDE.
"
M. Jean Valleix
a d'ailleurs déposé une
proposition de directive afin que la Commission économique pour l'Europe
puisse chaque année présenter devant notre Assemblée un
rapport d'activité et bénéficier, elle aussi, d'un
dialogue au niveau parlementaire.
" S'agissant plus particulièrement de la BERD, l'excellent rapport
de notre collègue, M. Bogár, me dispensera de trop entrer
dans les détails. Ce rapport est enrichi de la contribution de notre
collègue Claude Birraux sur les activités de la BERD dans le
domaine de la sûreté nucléaire.
" Comme le rapporteur, je me réjouis des remarquables efforts
entrepris sous l'autorité du Président de Larosière pour
assainir l'institution, réduire ses coûts et mieux cibler ses
interventions. La volonté de la BERD de coopérer avec le Conseil
de l'Europe est très positive, tant il est vrai que le
développement économique et la promotion de l'économie de
marché vont de pair avec le renforcement de la démocratie et de
l'Etat de droit, domaine d'excellence de notre Organisation.
" Si nous nous félicitons que la Banque accorde au secteur
privé 60 % de ses prêts, nous appelons toutefois son
attention sur l'importance du secteur public.
" Nous devons être conscients du fait que les pays d'Europe centrale
et orientale sont aujourd'hui confrontés à la
nécessité de maintenir un niveau suffisant de protection sociale
dans un contexte d'ultra-libéralisme et de mondialisation
accéléré des échanges et des communications.
" Or cette orientation passe par le maintien du service public que
nous
devons veiller à ne pas négliger. En outre, nous devons
accroître nos expertises afin d'aider les Pays d'Europe centrale et
orientale à mettre en place les nouvelles législations sociales,
à résoudre en particulier l'épineuse question des
retraites.
" Bien entendu, l'impact des réformes n'est pas le même d'un
pays à l'autre. Certains pays sont plus avancés que d'autres et
pourraient utilement faire bénéficier les autres de leur propre
expérience.
" La priorité d'aujourd'hui est d'inscrire les réformes dans
la durée et de réduire le décalage existant entre les
espoirs soulevés et la réalité quotidienne. Les
consultations électorales qui se succèdent à l'Est
montrent que se développe dans bien des secteurs de la
société la nostalgie de l'ordre ancien.
" Si nous voulons que la transition réussisse, il est
impératif que les peuples aient confiance dans l'avenir et
adhèrent au nouveau projet qui leur est proposé.
" Dans la maîtrise de la lutte que nous devons tous engager pour
garantir la cohésion sociale et la maîtrise de l'environnement, un
nouveau partenariat est à mettre en place entre toutes les institutions
concernées, y compris celle qui, comme la BERD, constituent un
précieux outil d'intervention sur le terrain.
" La réforme en profondeur de la BERD, entreprise avec
succès, nous conduit à envisager l'avenir avec confiance. Nous
appuyons énergiquement la demande de M. de Larosière pour un
accroissement du capital qui permettrait à la BERD de répondre
aux nouvelles demandes et aux nouveaux défis. Car la Banque intervient
dans un cadre géographique de plus en plus vaste et doit faire face
à des interventions de grande ampleur, par exemple en Russie.
" L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe apportera
aujourd'hui encore son soutien à la BERD, instrument essentiel pour la
réussite de la transition à l'Est et pour l'ancrage des pays
d'Europe centrale et orientale à l'Europe libérale et
démocratique. "
M. de LAROSIÈRE
, prenant la parole pour répondre aux
orateurs, évoque d'abord les modalités d'un retrait progressif de
la BERD de certains PECO.
Par définition, la transition n'est pas un état permanent. Les
choses s'améliorent peu à peu et l'économie de
marché finira par s'imposer, ce qui permettra aux différents pays
concernés de lever sur les marchés internationaux les capitaux
nécessaires au financement de leurs projets. C'est ainsi que pourra se
faire le retrait progressif de la BERD. Mais, comme l'a dit
M. Bogár, ce n'est pas pour demain et la Banque devra financer
pendant un certain temps encore les projets d'infrastructure, notamment pour la
préservation de l'environnement.
Le thème des économies d'énergie a été
abordé à différentes reprises au cours du débat
ainsi que tout ce qui a rapport à l'eau : purification et
adduction, par exemple, domaines essentiels qui ne peuvent actuellement
être financés par un simple appel au marché.
De même, la BERD aura pendant un certain temps encore un rôle
à jouer dans la reconversion des grandes entreprises. Les pays d'Europe
centrale et orientale ont "hérité" de grandes entreprises pour
lesquelles la notion de "bénéfice" était tout bonnement
inconnue. Beaucoup d'entre elles, bien que privatisées, n'ont pas encore
un fonctionnement assez rationnel pour pouvoir en appeler au marché des
capitaux.
Le troisième champ d'action à long terme de la BERD sera
précisément la création de véritables
marchés financiers dans les nouvelles démocraties.
Un document est en cours d'élaboration sur les modalités du
retrait progressif de la Banque. Son conseil d'administration l'examinera
à la fin de l'année mais, une fois encore, ce retrait n'est pas
pour demain. Quant à définir quels sont les projets qui devront
sortir du champ d'action de la BERD, c'est au marché de le dire !
La Banque n'a pas à être dirigiste ni à entrer en
concurrence avec les établissements financiers traditionnels. Elle doit
s'en tenir à son rôle de catalyseur et offrir des
possibilités que les autres n'ont pas.
En tout état de cause, M. de Larosière ne pense pas que
les modalités du retrait seront telles que tout appui sera retiré
à un pays donné du jour au lendemain. Les choses ne se passeront
pas de cette manière : la Banque reverra ses critères
d'intervention au cas par cas, et elle évaluera si le marché est
en mesure de prendre le relais.
Plusieurs interventions ont porté sur le secteur de l'énergie et
donc sur l'efficacité énergétique.
M. de Larosière a écouté avec un grand
intérêt les différentes recommandations formulées et
il s'en fera l'interprète auprès du conseil d'administration de
la Banque. Certains pensent que les économies d'énergie et la
recherche de l'efficacité énergétique doivent être
des éléments essentiels de l'action de la BERD. Il ne pense pas,
quant à lui, qu'il faille systématiquement développer
l'offre de remplacement des installations existantes, car le système en
place conduisait à des gaspillages considérables. Il
considère pour sa part qu'un kilowatt économisé est
beaucoup plus rentable qu'un kilowatt produit : c'est à la fois
beaucoup moins cher et beaucoup moins polluant !
Une unité spécifique a été créée
récemment au sein de la Banque, chargée de se pencher tout
particulièrement sur les possibilités d'économie
d'énergie dans les pays d'Europe centrale et orientale. Elle est
déjà intervenue pour un projet hongrois. La BERD finance en effet
une société de service qui traite avec de grandes administrations
tels que les organismes de HLM, gros consommateurs d'énergie et dont le
potentiel d'économies est considérable. Le développement
du concept dit "ESCO" est, pour M. de Larosière, une
priorité mais il suppose l'établissement de contacts
privilégiés avec les autorités locales, qui doivent avoir
le courage de tenter l'expérience et de bien vouloir admettre que les
économies d'énergie amortissent le coût des projets
proposés.
Certaines inquiétudes se sont manifestées à propos de la
sûreté nucléaire. Dans ce domaine aussi, la BERD
espère parvenir à réduire les besoins en favorisant les
économies d'énergie par l'isolation des bâtiments ou
l'installation de compteurs individuels. Dans l'intervalle, plusieurs pays ont
pris des initiatives visant à améliorer la sécurité
à court terme. La BERD a mis au point avec eux une sorte de politique du
"donnant-donnant" : ceux qui veulent bénéficier d'une
intervention de la Banque doivent en contrepartie accepter que certaines
installations désuètes soient fermées. Malheureusement,
cet échange est souvent mal compris. Il est vrai qu'un grave
problème se pose, non seulement en Ukraine, mais aussi dans d'autres
pays, dont la Russie. Pour l'Ukraine, l'ampleur des sommes en cause est telle
que la BERD ne pourra résoudre la question à elle seule.
Sur le plan général, la politique de la Banque en matière
de sûreté nucléaire a été très
clairement énoncée par ses actionnaires et elle est tenue de la
respecter. Elle se doit donc, si elle participe aux travaux de finition de
certains réacteurs en construction selon des techniques russes, de
veiller à ce que les projets qu'elle finance garantissent le plus haut
niveau de sécurité possible. Elle doit aussi, si elle
achève un chantier, choisir la solution la moins coûteuse parmi
toutes les options qui lui sont proposées, ce qui suppose des
études solidement argumentées.
Actuellement, il est demandé à la BERD de terminer
deux centrales en cours d'édification. Si elle le fait, cela
pourrait contribuer à accélérer la fermeture de la
centrale de Tchernobyl. Mais la Banque attend de disposer des rapports
circonstanciés d'experts impartiaux pour choisir la meilleure solution.
Enfin, si des financements sont octroyés, les opérateurs doivent
s'engager à respecter les normes de sécurité les plus
strictes et à choisir un mode de gestion qui rende l'opération
rentable.
Telles sont les options qui ont été retenues par le conseil
d'administration de la BERD, et son Président entend tout mettre en
œuvre pour que l'ensemble de ces conditions soit parfaitement
respecté, sans céder à aucune des pressions qui pourraient
s'exercer pour le faire s'écarter de ce qui lui a été
demandé. Revenant plus particulièrement sur le cas de l'Ukraine,
M. de Larosière souligne que l'on ne peut se limiter à
comparer l'énergie nucléaire au gaz ou à
l'électricité. Il faut quantifier les besoins pour évaluer
comment éviter tout gaspillage ; inutile de dire que cette
évaluation est très difficile. Quoi qu'il en soit, la BERD, en
coopération avec la Banque mondiale, fera des propositions en ce sens
à l'Ukraine.
D'autres orateurs ont évoqué l'action à mener en faveur
des PME. La BERD a décidé d'ouvrir des lignes de crédit
à des institutions financières traditionnelles, à charge
pour elles d'octroyer ce qui, à l'échelle de la Banque, ne peut
que correspondre à des micro-crédits. C'est ainsi que plusieurs
centaines de prêts de 50 000 dollars ont été
accordés à des PME implantées dans différentes
provinces russes. L'expérience a été
particulièrement fructueuse puisque l'on a enregistré 98 %
de réussite et seulement 2 % de défauts de remboursement, ce
qui, à l'heure actuelle, constitue une proportion d'échecs
inédite. Le délégué de l'Estonie a dit que la BERD
devait consentir des prêts aux PME parce que les banques locales ne sont
pas en mesure de le faire. Mais les choses vont changer !
M. de Larosière a été interpellé par le
porte-parole de la Commission des affaires sociales, qui a souhaité un
bilan de l'emploi dans le rapport annuel de la BERD, et il va transmettre cette
requête à ses services, tout en faisant remarquer que la Banque
procède déjà à une étude d'impact social des
projets. Il devrait être possible cependant de retracer dans une
synthèse les projets qui ont permis de créer des emplois et
notamment ceux qui sont venus en aide aux PME, irriguant tout le tissu social.
M. de Larosière observe qu'on adresse des demandes
contradictoires à son établissement, ce qui ne fait que
refléter la complexité de la transition. L'essentiel demeure
cependant que la BERD respecte les exigences de son mandat : suivre les
bonnes pratiques bancaires, aider les projets qui favorisent la transition et
apporter quelque chose de plus par rapport aux institutions financières
ordinaires.
M. de Larosière se fera un devoir de rapporter à son
conseil d'administration la teneur des propos qu'il a entendus aujourd'hui et
il se réjouit du dialogue qui s'est instauré avec
l'Assemblée parlementaire.
M. Claude BIRRAUX, député
(UDF)
, a repris la
parole au terme du débat, en sa qualité de rapporteur de la
Commission :
" Tout à l'heure, j'ai mis en évidence le décalage
flagrant qui existe entre les sommes disponibles au compte "sûreté
nucléaire" et l'estimation des besoins les plus urgents faite par le G7
et par une institution privée, à savoir Siemens.
" Il n'existe aucun sommet mondial ou européen où l'on ne
souligne l'urgence d'une amélioration de la sûreté et
où l'on ne demande la fermeture de Tchernobyl. Cette urgence est
réaffirmée depuis le cri d'alarme du sommet de Munich en 1991, et
nous attendons avec patience depuis cette date.
" Notre amendement propose des pistes pour mettre en conformité les
déclarations et les actions et donc vise à augmenter le volume de
la ressource, dans le droit-fil d'ailleurs de l'augmentation de capital
décidée par la Banque à Sofia, il vise aussi à
rechercher des procédures plus rapides et plus efficaces et enfin
à assurer ce monitoring, si je puis m'exprimer ainsi, des engagements
des pays bénéficiaires.
" Notre Assemblée, qui a inventé ce système et qui
lui est très attachée pour l'évolution de la
législation des pays qui viennent d'adhérer au Conseil de
l'Europe, devrait être sensible à ce dernier aspect. Il me semble
que ce suivi peut être étendu sans difficulté au respect
des engagements internationaux que sont les accords signés par les pays
bénéficiaires avec la Banque.
" Le donnant-donnant dont a parlé M. de Larosière
est un préalable. Le suivi me paraît de bon sens. Et s'il n'y pas
respect de ce suivi, il faut bien qu'il y ait, à un moment, des
procédures qui sanctionnent ces pays. Sinon, il n'y aurait plus
d'accords internationaux. Il n'y aurait même plus de prêts,
puisqu'il suffirait qu'un pays décide qu'il ne veut pas rembourser pour
que la Banque transforme son prêt en don, sans que personne aie quoi que
ce soit à dire. Il faut donc assurer, pas à pas, ce suivi du
respect des engagements signé par les différents contractants.
" M. le Président de Larosière nous a affirmé
solennellement que le donnant-donnant était un préalable aux
engagements de la Banque. L'intervention sur l'achèvement
éventuel de centrales nucléaires en Ukraine se fera en
échange de la fermeture de Tchernobyl. Le Président nous a
affirmé qu'il allait insister pour qu'une politique d'économie
d'énergie soit mise en place. Nous interviendrons donc que dans la
mesure où il y aura un préalable au respect de ces engagements.
" Si, en cours d'évolution, vous ne contrôlez pas ce qui se
passe, cela signifie qu'il n'y a plus d'engagements internationaux, que les
accords qui auront été signés avec la BERD, sont chiffons
de papier, qu'ils ne servent à rien. Il ne sert à rien non plus
à M. de Larosière de négocier pied à pied avec les
bénéficiaires puisque, de toute façon, vous n'assurerez
pas le suivi. Comme je le disais tout à l'heure il n'y a plus aucune
raison pour que le prêt ne se transforme pas en don. "
La résolution n° 1094 contenue dans le rapport 7564 est
adoptée à l'unanimité, telle qu'amendée.
5. La protection des droits des minorités - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Mardi 25 juin)
Le rapporteur indique que ce rapport contient une série
de propositions pratiques pour la création d'un mécanisme de mise
en oeuvre de la convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des
minorités.
Selon le rapport, l'efficacité de la protection offerte aux
minorités par la convention-cadre repose pour l'essentiel sur ce
mécanisme à créer, en particulier, création d'un
Comité consultatif devant assister le Comité des ministres. C'est
pourquoi le projet de recommandation propose une liste de principes qui
garantiront l'indépendance, l'efficacité et la transparence du
Comité consultatif, et notamment :
- la compétence de ses membres alliée à de hautes
qualités morales,
- un mode d'élections conçu selon le modèle de ceux de la
Commission européenne des Droits de l'Homme ou du Comité
européen de la prévention de la torture,
- un dialogue avec les Gouvernements en cause et des auditions avec des
minorités nationales et des ONG,
- la rédaction de rapports et recommandations adressées au
Comité des ministres,
- la publication de ces rapports et recommandations.
Le rapport préconise en outre que l'Assemblée continue de
souscrire pleinement à la recommandation 1201 et à
l'élaboration d'un protocole additionnel à la Convention
européenne des Droits de l'Homme.
Dans le débat qui s'instaure sur ce rapport,
M. Bernard
SCHREINER, député
(RPR)
, intervient dans ces
termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, je
voudrais vous exposer pour quelles raisons il importe de privilégier une
approche politique du problème des minorités. La convention-cadre
pour la protection des minorités nationales a été
conçue comme une convention ouverte, c'est-à-dire susceptible
d'être signée par des Etats alors non membres du Conseil de
l'Europe ; il s'agissait donc initialement d'un texte alternatif par
rapport à la Convention européenne des Droits de l'Homme ;
il s'agissait de favoriser une transition provisoire vers
l'établissement d'un Etat de droit, garanti par la Convention des Droits
de l'Homme, idéal qui paraissait alors très lointain.
" Or désormais, tous les Etats appartenant au continent
européen sont membres du Conseil de l'Europe ou en instance de
l'être et adhèrent donc à la Convention. L'application
simultanée de deux textes conçus comme alternatifs pourrait
en particulier aboutir à faire prévaloir des conceptions, propres
à telle ou telle communauté, de leur "identité ethnique,
culturelle ou religieuse", sur des droits aussi essentiels que la
liberté d'expression, l'égalité devant la loi, la
laïcité des autorités publiques ou encore
l'égalité entre les hommes et les femmes.
" Au surplus, la notion de "minorité nationale" n'est
nullement
définie dans la convention-cadre sur les minorités nationales.
" Seuls quatre Etats, on l'a rappelé, ont ratifié cette
convention-cadre et deux Etats signataires ont assorti leur engagement de
déclarations qui en limitent singulièrement la portée.
Ainsi, l'Allemagne reconnaît que seuls les citoyens allemands peuvent
avoir des droits et le Luxembourg, quant à lui, a dit, dans sa
déclaration, avoir été "amené à constater
qu'il n'existe pas de "minorité nationale" sur son territoire".
" A ce compte-là, on comprend mieux une signature qui n'oblige
à rien !
" La faculté ainsi ouverte à chaque Etat de désigner
arbitrairement les groupes qu'il qualifie de "minorité nationale" et
qui, seuls, bénéficieraient des garanties de la convention-cadre,
tandis que les autres en seraient écartés, introduit une
distinction choquante entre les personnes résidant sur le territoire des
Etats membres du Conseil de l'Europe.
" Cette distinction est contraire à tous les principes qui
inspirent, depuis son origine, l'action du Conseil de l'Europe et contraire aux
principes constitutionnels des Etats démocratiques.
" Dès lors, je considère qu'il y a lieu de réaffirmer
la primauté de la Convention européenne des Droits de l'Homme et
l'unicité du mécanisme de contrôle des droits qu'elle
garantit, avec les pouvoirs juridictionnels de la Commission et de la Cour
européennes des Droits de l'Homme. Ainsi, nous devons écarter
tout conflit de loi et tout conflit de compétence avec un "comité
d'experts" sans légitimité, ni politique, ni judiciaire.
" Nous devons mettre en œuvre pleinement les trois
instruments de
l'Etat de droit : la Convention des Droits de l'Homme, la Directive
Halonen et, enfin, des accords régionaux du Pacte de stabilité,
qui ont pour premier objectif la protection des minorités.
" J'estime donc que les propositions contenues dans le projet de
recommandation qui nous est soumis ne vont pas dans le bon sens. Elles
affaiblissent la Convention européenne des Droits de l'Homme et peuvent
provoquer des conflits d'interprétation de droits repris dans deux
textes différents et jugés par deux organes concurrents.
" L'universalité des droits de l'homme et le principe
d'égalité des citoyens ne doivent pas être remis en cause.
" Le "communautarisme juridique" sera exploité demain par
les pires
extrémistes qui, au nom même des droits individuels,
étendront la domination obscurantiste de l'intégrisme, sur leurs
propres communautés d'abord, avant de déstabiliser les
démocraties.
" Aussi, à regret, je ne voterai pas le projet de recommandation,
parce que je suis conscient d'un risque politique majeur pour l'avenir de nos
Etats démocratiques. "
La recommandation n° 1300 contenue dans le rapport 7572 est
adoptée telle qu'amendée.
6. La situation des jeunes en Europe : les jeunes marginalisés - Intervention de M. Jean-Claude MIGNON, député (RPR) (Mercredi 26 juin)
Le rapporteur attire l'attention sur l'exclusion sociale et
la
marginalisation de la jeunesse. De nouvelles solidarités et une nouvelle
conception du travail dans nos sociétés, souligne le rapporteur,
pourraient prévenir ces problèmes fondamentaux de la jeunesse que
ce soit à l'Est ou à l'Ouest du continent. Il propose par
ailleurs que ces problèmes soient repris, après consultation des
représentants de la jeunesse, dans le débat sur une politique
sociale et d'éducation globale qui aura lieu en septembre.
M. Jean-Claude MIGNON
,
député (RPR),
fait les
observations suivantes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, dans le
rapport de notre collègue Elo, je lis ces phrases : " Les
jeunes qui n'ont pas de vision claire des valeurs fondamentales, n'ont pas de
bases solides pour fonder leur propres valeurs."
"L'absence d'autorité conduit à la violence dans les
écoles et à la délinquance en milieu urbain."
" Excellentes observations ! Mais ce rapport est accompagné,
sous forme d'addendum, par des extraits du "Livre blanc sur l'exclusion
sociale" du Fonds européen pour la jeunesse, où je lis les
recommandations suivantes :
" Les Etats devraient repenser leurs lois sur la famille afin de
réduire les avantages accordés aux couples mariés."
" Les jeunes lesbiennes, homosexuels et bisexuels devraient avoir des
droits égaux à ceux des hétérosexuels : le
droit au mariage pour un couple de même sexe, le droit à
l'adoption et à la garde conjointe."
" Voilà ce qu'on lit dans ce Livre blanc, rédigé par
un organisme qui dépend du Conseil de l'Europe, que nous
finançons donc tous.
" Quelle logique y a-t-il à déplorer, d'une part,
l'effondrement des valeurs, le manque de repères qui déboussolent
les jeunes et, d'autre part, à se faire l'écho d'un catalogue de
revendications inqualifiables ? Le législateur est-il là
pour tenir un supermarché d'où chacun pourrait tirer la
reconnaissance légale de ses caprices et recevoir les subventions
nécessaires ?
" Mes chers collègues, les psychanalystes nous disent que l'enfant
sans limite est guetté par la régression et l'agressivité.
Il ne s'agit pas de faire de la répression pour la répression,
mais d'enseigner la loi de la démocratie : les règles de la
vie commune sont fixées par ceux qui en ont reçu mandat du
suffrage universel et sont responsables devant lui. Elles s'imposent à
tous.
" Dès lors que nous avons démocratiquement fixé les
règles minimales qui permettent la vie en commun, nous sommes
fondés à en demander le respect, y compris par les jeunes.
" Ce n'est pas en abolissant tous les repères, mais bien en les
éclairant, en expliquant leur sens, que nous ferons reculer
l'agressivité. Dès dix-huit ans, les jeunes peuvent, par leur
vote, influer sur la définition des normes sociales.
" Dénoncer les lacunes de la société comme le
suggère le rapport ? Soit, mais pas pour, démagogiquement,
participer à la destruction des bases mêmes de nos
démocraties.
" J'aurais souhaité participer à ce débat en
évoquant les mesures en faveur des jeunes en France :
développement de l'apprentissage combinant formation technique et
enseignement général, création de dizaines de milliers
"d'emplois de ville" pour répondre aux besoins sociaux encore
insuffisamment couverts. J'aurais voulu exposer encore l'évolution de la
politique pénale, distinguant, d'une part, les jeunes qui se heurtent
à la loi par des provocations d'adolescents appelant des mesures
d'encadrement et d'éducation à la citoyenneté ;
d'autre part, quelques caïds, qui tentent d'imposer la loi des gangs dans
les banlieues. Pour ceux-ci, nulle complaisance : il faut leur rappeler la
force de la loi, par des mesures au besoin coercitives. C'est le sens de la
nouvelle loi votée par le Parlement français.
" Non, mes chers collègues, l'autorité ne se retrouve pas
"totalement compromise" comme le soutient le rapport. Institution
humaine, elle
est certes imparfaite, et nous devons œuvrer à son
amélioration. Le mandat de nos électeurs n'est pas de subvertir
tout l'ordre social. Un monde sans lois, c'est un monde où dominent les
plus forts.
" Je ne voterai donc pas, à regret, pour un projet de directive qui
avalise les orientations du
Livre blanc du Centre européen de la
jeunesse
, catalogue de caprices irresponsables et démagogiques. Si
notre Commission de la culture doit poursuivre ses travaux, je souhaite qu'elle
le fasse en tenant compte de l'intérêt général de
nos sociétés sur le long terme, et, en particulier, qu'elle
prenne en considération la proposition de recommandation sur l'emploi
des jeunes présentée par M. Hunault et par un certain nombre de
nos collègues, toutes tendances politiques confondues, qui
siègent au sein de cette Assemblée. On retrouve dans cette
proposition nombre d'éléments s'inscrivant dans la ligne du bon
sens. Je vous remercie. "
La directive n° 523 contenue dans le rapport 7574 est
adoptée
, après que plusieurs orateurs ont
précisé que le vote de l'Assemblée ne portait que sur la
proposition de directive contenue dans le rapport, mais nullement sur
l'
addendum
rédigé par des consultants du Centre
européen de la jeunesse, et qui ne saurait donc engager
l'Assemblée ni prétendre refléter l'opinion des
délégués.
7. Les élections en Albanie (Mercredi 26 juin)
Le rapport expose que les élections albanaises ont
été truffées d'irrégularités. Le rapport de
l'OSCE l'a clairement souligné sans toutefois mettre en cause la
légalité du parlement.
Le rapporteur indique qu'il a assisté à l'audition
organisée par la Commission des questions politiques et trouve dommage
que les intervenants se soient bornés à ressasser les erreurs du
passé plutôt que de chercher à construire l'avenir.
Des élections locales doivent avoir bientôt lieu en Albanie. Des
représentants de l'Assemblée parlementaire et la CPLRE y
assisteront. Le Gouvernement albanais devra assurer une mise en œuvre
équitable de ces élections et le respect strict de l'opposition.
Les responsables des violations du droit auront des comptes à rendre.
L'opposition doit pouvoir occuper les sièges qui lui reviennent au
parlement.
Au lieu d'écraser l'opposition, le Gouvernement albanais a tout
intérêt à entamer un dialogue avec elle,
éventuellement en présence d'un médiateur, rôle dont
le Conseil de l'Europe pourrait se charger.
Après cinquante ans de tyrannie et d'isolement, l'Albanie a
réalisé une avancée étonnante vers l'Etat de droit
mais il reste encore beaucoup à faire. Si les élections
s'étaient déroulées équitablement, elle entrerait
aujourd'hui dans une seconde ère de progrès. Il faut donc que le
processus démocratique soit relancé sans tarder. Le Conseil de
l'Europe peut y apporter son concours mais il ne peut rien faire sans bonne
volonté dans les deux camps.
L'aide à apporter à l'Albanie concerne essentiellement la
formation de la police et celle des juges. Ces objectifs, déjà
mis en évidence par le Conseil de l'Europe, n'ont pas été
suffisamment concrétisés. La loi électorale
nécessite également un remaniement en profondeur.
Assortie de plusieurs amendements,
la résolution n° 1095
contenue dans le rapport 7587 est adoptée, ainsi que la directive
n° 524
.
8. Les mesures de démantèlement de l'héritage des anciens régimes totalitaires communistes (Jeudi 27 juin)
Selon le rapporteur, ces mesures de
démantèlement visent à instaurer une société
démocratique et pluraliste, fondée sur la
prééminence du droit et le respect des droits de l'homme. La base
de ce processus doit être la restructuration des anciens systèmes
juridique et institutionnel en tenant compte des principes suivants :
- démilitarisation
- décentralisation
- démantèlement des monopoles
- débureaucratisation.
Ce processus doit aller de pair avec la transformation des mentalités,
rappelle le rapporteur. Il recommande que les personnes, ayant commis des
crimes sous les régimes totalitaires communistes, soient jugées
et punies conformément au Code pénal en vigueur. En même
temps, il faut que les lois d'épuration et les mesures administratives
analogues soient conformes aux exigences d'un Etat de droit, garantissant
spécialement le droit de défense, la présomption
d'innocence jusqu'à preuve de la culpabilité et la
possibilité d'un recours judiciaire régulier contre toute
décision. Les principes directeurs concrets sont proposés
à cet effet.
A l'issue du débat,
la résolution n° 1096 contenue
dans le rapport 7568, amendée, est adoptée.
9. La situation en Tchétchénie (Jeudi 27 juin)
Le rapport fait suite aux visites de la Commission
ad
hoc
sur la Tchétchénie qui s'est rendue à Moscou les
30 et 31 mai 1996 et à Moscou, Grozny, Urus Martan et Nazran
(Ingouchie) du 8 au 10 juin 1996.
Le rapporteur en tire un certain nombre de conclusions :
- Les perspectives de stabilisation de la situation en
Tchétchénie sont meilleures, mais depuis la mort de
Doudaïev, les dirigeants tchétchènes sont partagés
entre une certaine autonomie et une indépendance politique totale.
- La signature des accords de cessez-le-feu a montré l'importance des
efforts de l'OSCE et de sa présence dans la capitale
tchétchène. L'OSCE doit poursuivre son action pour parvenir
à un règlement politique du conflit.
- Le Conseil de l'Europe peut lui apporter son aide pour le maintien du
cessez-le-feu, pour exercer des pressions sur les parties au conflit et pour la
question du respect des droits de l'homme.
- Les engagements pris par la Russie lors de son adhésion au Conseil de
l'Europe seront systématiquement surveillés avec l'aide de la
délégation russe à l'Assemblée.
La Commission
ad hoc
propose un dialogue à Strasbourg entre
toutes les parties au conflit et des représentants des victimes afin
d'arriver à un règlement acceptable par tous. Elle ajoute que les
violations des droits de l'homme et du droit humanitaire en
Tchétchénie devraient faire l'objet d'une large publicité,
ce qui implique la libre circulation des médias et des garanties
d'accès aux diverses autorités et institutions.
Une délégation d l'Assemblée a observé le premier
tour des élections présidentielles en Russie. Un
addendum
au rapport pourrait en tirer quelques conclusions.
A l'issue du débat, l'Assemblée a donné acte de l'addendum
III du rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente,
document 7560, qui portait sur la situation en Tchétchénie.
10. Avis sur les dépenses relatives à l'Assemblée pour l'exercice budgétaire 1997 - Intervention de M. Bernard SCHREINER, député (RPR) (Jeudi 27 juin)
Chaque année, l'Assemblée présente un
avis au Comité des ministres sur son budget-programme. En raison de
l'augmentation du nombre de pays-membres du Conseil de l'Europe (cinq nouveaux
membres depuis mai 1995, y compris la Russie) et de l'accroissement de ses
activités et responsabilités, notamment en ce qui concerne le
suivi des engagements, le rapporteur propose de demander plus de personnel et
un financement accru.
Dans le débat,
M. Bernard SCHREINER, député
(RPR)
, Président de la Commission, fait les observations
suivantes :
" Je remercie très chaleureusement notre rapporteur, M. Theis,
pour son excellent rapport, fouillé et détaillé, que j'ai
d'ailleurs eu le plaisir d'élaborer avec lui en tant que
Président de la Commission.
" J'ai écouté avec beaucoup d'attention toutes les
interventions. Comme l'a dit le rapporteur, elles vont dans le même sens.
" Je remercie également les membres de la Commission qui ont fait
les propositions que nous a présentées M. Theis et que, eu
égard à l'accroissement des tâches, nous jugeons tout
à fait raisonnables.
" Dans le cadre de notre Commission, qui se veut dynamique et active,
il y
aura peut-être lieu de revoir quelques points afin de mieux utiliser
certains fonds. Encore faut-il que nous puissions répondre aux besoins
formulés par les différents pays, compte tenu notamment de
l'élargissement.
" N'oublions pas que ce projet de budget représente à peine
douze heures de fonctionnement des Communautés européennes.
Je ne crois donc pas que les demandes soient exorbitantes et que nous ne soyons
pas raisonnables. Il importe de veiller à ce que cet argent soit bien
utilisé en fonction de notre objectif. Le Conseil de l'Europe a pour
mandat de veiller à la sécurité et à la
stabilité démocratiques dans nos pays.
" Madame la Présidente, mes chers collègues, je
vous demande d'approuver le rapport présenté par notre
collègue Theis et surtout de répercuter ses demandes
auprès de nos Gouvernements et de nos parlements, de sorte que des
moyens puissent nous être donnés afin que nous puissions continuer
à répondre aux besoins et surtout à œuvrer pour la
démocratie dans l'ensemble des pays d'Europe. "
Au terme de ce débat,
l'avis n° 197 contenu dans le rapport
7579
est adopté à l'unanimité.
11. Les aspects civils des accords de Dayton et d'Erdut : besoins urgents - Intervention de M. Pierre LACOUR, Sénateur (Rat. RDSE), rapporteur pour avis de la Commission de l'agriculture et du développement rural (Vendredi 28 juin)
Pour le rapporteur, il faut tout faire pour que les
élections en Bosnie et Herzégovine se déroulent dans des
conditions satisfaisantes, y compris exclure de la vie politique les personnes
accusées de crimes de guerre et les traduire devant le Tribunal
international de La Haye, souligne le rapporteur.
Vivement préoccupé par les retards pris dans l'application des
dispositions civiles de l'Accord de Dayton, notamment en ce qui concerne le
retour des réfugiés, le rapporteur demande aux Etats du Conseil
de l'Europe de donner la priorité absolue aux projets de
réhabilitation et de construction de logements. L'état
désastreux des infrastructures et le taux de chômage -entre 60 et
90 % de la population active- découragent en effet un grand nombre
de candidats au retour.
Dans ce contexte, il demande au Fonds de développement social du Conseil
de l'Europe d'augmenter sa capacité d'intervention en Bosnie et
Herzégovine et en Croatie et aux Etats membres de contribuer à la
garantie et au co-financement de projets en leur faveur.
Le rapport préconise également l'extension du mandat de l'IFOR
jusqu'à ce que la situation politique se soit stabilisée et que
tout danger de reprise des combats soit écarté.
Enfin, le rapport demande aux Etats européens de ne pas rapatrier les
personnes de Bosnie et Herzégovine actuellement en protection
temporaire, tant que les conditions acceptables pour leur retour ne seront pas
remplies.
M. Pierre LACOUR, sénateur (Rat. RDSE)
, formule les observations
suivantes en sa qualité de rapporteur pour avis de la Commission de
l'agriculture et du développement rural :
" Il est inutile de rappeler les difficultés d'application des
accords de Dayton pour la paix en Bosnie-Herzégovine, de même
qu'en Slavonie orientale, autour des accords d'Erdut. Le Président et
rapporteur de la Commission des migrations, M. Iwinski, vient de le faire avec
force détails objectifs. Et l'on ne peut que le féliciter et
approuver ses conclusions.
" Une chose est sûre : si l'on veut rétablir la
confiance des populations et l'espoir dans une vie démocratique et
tolérante qui s'impose, il est urgent de mettre en œuvre, comme
l'ont déjà indiqué mes prédécesseurs, le
processus de restauration d'une économie pratiquement détruite.
Mme Verspaget, dans son rapport, donne une description très
exhaustive des diverses possibilités d'aides de l'Europe en ce sens, et
j'y souscris totalement.
" Dans le secteur agro-alimentaire et forestier, nous avons pu
observer,
sur le terrain, que l'agriculture et le développement rural
représentaient dans tous les territoires de l'Ex-Yougoslavie un facteur
important de paix civile, propre à favoriser une restauration rapide de
la confiance et à recoudre le tissu social.
" L'agriculture et la sylviculture, avec le bois au service de la
reconstruction des logements, demeurent, en effet, riches de
potentialités de développement économique, pouvant
rapidement apporter un remède efficace à l'exode rural qui
sévit, suite à la guerre barbare qui, ici et là, a
détruit de nombreuses petites fermes où travaillaient, pour
beaucoup à mi-temps, une majorité d'ouvriers désormais
totalement désœuvrés, dans des villes plus ou moins mortes.
Déjà s'est mis en place une
task force
entre donateurs
d'aide au secteur agro-alimentaire et forestier, pour répondre à
l'attente des 2 à 3 millions de nécessiteux.
" Au terme de la mission préalable que nous avons effectuée
près de la FAO à Rome, nous avons pu apprécier
l'objectivité et la priorité donnée à certains
projets dans ce domaine par la Banque mondiale, qui s'efforce d'en assurer
l'application locale : 50 millions de dollars US pour la
reconstruction des fermes ; 30 millions pour le secteur forestier et
30 millions pour le secteur agro-alimentaire font partie des urgences.
" De toutes les organisations des Nations Unies, le Fonds
international de
développement agricole (FIDA), semble être, de son
côté, celle qui a fait le plus preuve d'innovation, en se
concentrant sur de petits projets sous forme d'envoi, au printemps prochain,
d'un nombre important d'ovins et de bovins, et cela tandis que l'Union
européenne accordait, elle, aux Serbes de Bosnie, première aide
de 2 millions de dollars à des fins de reconstruction des complexes
agricoles et de renouvellement du cheptel.
" Une priorité s'impose, bien entendu, dans certains secteurs
à vocation agricole : une vaste opération de
déminage. S'impose également une information préalable et
surtout une coordination indispensable entre tous les donateurs et
responsables. C'est pourquoi, notre Commission de l'agriculture et du
développement rural, consciente du rôle majeur que l'Europe peut
et se doit de jouer, afin que soient mis rapidement en œuvre des
projets
de rénovation dans le domaine agro-alimentaire et artisanal, avec la
reconstruction des fermes en toile de fond, prévoit dès à
présent l'organisation, en octobre prochain, d'une audition
parlementaire, pour faire le point dans ce domaine prioritaire et relativement
facile de mise en œuvre -mais surtout efficace en matière d'emploi.
" Telles sont, Monsieur le Président, chers collègues, les
conclusions que le rapporteur vous soumet, au terme de sa mission. "
M. Pierre LACOUR, sénateur (Rat. RDSE
), au nom de la
Commission de l'agriculture et du développement rural, a
déposé, sur le projet de recommandation, un amendement tendant
à ajouter la phrase suivante :
"
Les secteurs agro-alimentaire et forestier peuvent jouer un
rôle majeur pour améliorer la sécurité alimentaire,
pour fournir des matériaux (bois de construction) pour la
réparation et la construction de logements et pour la création de
l'emploi et de ce fait sont parmi les priorités de la
reconstruction
."
M. Pierre LACOUR
a défendu son amendement en ces termes :
" Autant nous paraît difficile la relance de l'économie
générale, que nous souhaitons tous, bien entendu, notamment en ce
qui concerne les petites et moyennes entreprises dont le tissu a
été, çà et là, détruit, et les
marchés perdus qu'il faudra retrouver, autant il est un domaine dont le
développement nous paraît actuellement tout à fait
possible : celui de l'agriculture et du monde rural. C'est la raison pour
laquelle nous avons présenté cet amendement. "
Au terme de cette explication, l'amendement est adopté par
l'Assemblée.
La résolution n° 1301 contenue dans le rapport 7588 est
adoptée, telle qu'amendée.
12. Abolition de la peine de mort en Europe - Intervention de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), prononcée par M. Pierre LACOUR, sénateur (Rat. RDSE) (Vendredi 28 juin)
Le rapporteur de la Commission des questions juridiques
rappelle que l'Assemblée, en 1994, sur la proposition de M. Franck,
avait adopté différents documents concernant la peine de mort et
elle juge qu'il est bon aujourd'hui de faire le point. A l'époque un
projet de recommandation invitait les pays membres à abolir la
peine de mort et à adopter le 6ème protocole à la
Convention européenne des Droits de l'Homme. Les nouveaux Etats membres
quant à eux ont signé des engagements qui prévoient soit
la ratification de ce protocole, soit des mesures destinées à
empêcher l'application effective de la peine de mort comme un moratoire
ou des grâces. La Commission avait préconisé quant à
elle l'élaboration d'une nouvelle convention prévoyant
l'abolition irréversible de la peine de mort en temps de paix et un
mécanisme de contrôle.
Depuis cette date, certains pays ont aboli la peine de mort comme la Moldova,
peu de temps après son adhésion, ainsi que l'Italie, l'Espagne et
la Belgique. Mais, à côté de ces bonnes nouvelles, on peut
observer que des Etats refusent d'appliquer le moratoire. La Lituanie qui, il
est vrai, n'avait pris aucun engagement, a fait procéder à trois
exécutions, dont la dernière remonte à juillet 1995,
et considère que le moratoire ne peut être décidé
que par voie législative. La Lettonie, qui s'était engagée
à ratifier le protocole, a fait exécuter deux personnes et le
Code pénal nouveau qui est en cours d'élaboration ne semble pas
pour l'instant prévoir l'abolition de la peine de mort. Des
exécutions ont eu lieu en Estonie et des demandes de grâce ont
été rejetées en Russie, selon les informations
données par M. Bindig. Mme le rapporteur veut faire
preuve d'optimisme mais craint que des exécutions n'aient lieu
prochainement. Une mise au point s'impose.
Elle se déclare favorable à une abolition inconditionnelle de la
peine de mort, mais considère que les pays doivent au moins appliquer un
moratoire. La Lituanie, l'Estonie, l'Ukraine et la Russie doivent mettre un
terme aux exécutions et les Etats membres qui ont renoncé
à appliquer la peine de mort doivent l'abroger de jure en ratifiant le
6ème protocole. Le Conseil de l'Europe peut apporter une assistance aux
Etats qui veulent adapter leur législation.
La Commission demande au Comité des ministres de veiller à
l'application de la recommandation de 1994 et d'appuyer ses initiatives, en
organisant éventuellement une conférence et en vérifiant
que les engagements souscrits ont été tenus. Aucun argument ne
peut justifier aux yeux d'un chrétien la peine capitale.
M. Pierre LACOUR, Sénateur (Rat. RDSE)
, intervient dans le
débat en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, en l'absence
de notre collègue
M. Nicolas ABOUT
, qui a dû brutalement
s'absenter, je me ferai un devoir de reprendre son intervention.
" Nous avons lu attentivement le rapport de notre collègue ainsi
que les projets de résolution, de recommandation et de directive soumis
à notre Assemblée. Nous ne pouvons qu'approuver pour notre part
l'invitation adressée aux Etats membres du Conseil de l'Europe, et aux
Etats candidats à l'adhésion, de décider un moratoire des
exécutions capitales, ainsi que l'inscription formelle dans leur
législation de l'abolition de la peine de mort.
" Tout en réaffirmant ces principes, je voudrais observer que les
rumeurs d'exécution qui auraient eu lieu en Lettonie, en Lituanie, en
Ukraine et en Russie, pour déplorables qu'elles soient, ne semblent
avoir concerné que des coupables de crimes de droit commun et non pas,
fort heureusement, des délits politiques.
" Nous savons tous, mes chers collègues, qu'avec l'effondrement des
dictatures communistes, toutes les forces qui se sont
déchaînées, dans les Etats d'Europe centrale et orientale,
ne sont pas également bénéfiques.
" Nous ne pouvons pas ignorer que dans la phase de reconstitution d'un
appareil d'Etat cette fois démocratique, des phénomènes de
grand banditisme se sont développés.
" Le rétablissement de la sécurité des personnes est
un enjeu décisif pour l'enracinement de l'Etat de droit sur tout notre
continent. Nous savons trop à qui peut profiter l'inquiétude des
citoyens devant la montée de l'insécurité. A l'Ouest,
comme à l'Est d'ailleurs, de mauvais bergers sont prêts à
récupérer les peurs de la population.
" En tenant compte de ce contexte, je souhaite néanmoins que tous
les Etats du Conseil de l'Europe abolissent effectivement la peine capitale.
J'approuve donc le fait que nous invitions les Etats membres comme les Etats
candidats à l'adhésion à s'engager dans ce sens.
Cependant, je souhaiterais également que notre Assemblée fasse
preuve de l'impartialité nécessaire pour être
écoutée.
" Ainsi, j'aurais souhaité que dans le projet de résolution
à la fin du paragraphe 2, nous étendions l'observation aux
Etats ayant obtenu ou demandant le statut d'observateur auprès de notre
Organisation.
" De même, après le paragraphe 6 du projet de
résolution, j'aurais voulu que la recommandation d'introduire un
moratoire et d'abolir la peine de mort s'adressât également aux
Etats bénéficiant du statut d'observateur.
" Enfin, la même observation vaut pour le projet de recommandation.
Il me semble que dans le paragraphe 4, l'alinéa iv aurait dû
être suivi d'un alinéa supplémentaire recommandant au
Comité des ministres la prise en compte de la situation dans les Etats
ayant obtenu ou demandant le statut d'observateur.
" Dois-je rappeler que les Etats-Unis d'Amérique, que nous avons
unanimement accueillis au début de cette année comme
observateurs, ont procédé à 56 exécutions
capitales l'année dernière et que quelque
3.000 condamnés attendent actuellement dans les couloirs de la
mort ? Ce nombre est à rapprocher des 46 prisonniers qui se
trouveraient actuellement dans la même situation en Russie selon le
paragraphe 3 du projet de résolution.
" Le rapport n'en qualifie pas moins les Etats-Unis de "pays qui
a une
tradition démocratique et d'Etat de droit".
" Personne ne comprendrait que notre invitation s'adresse aux Etats
membres, aux invités spéciaux et aux candidats à
l'adhésion, tout en passant complètement sous silence la
situation dans un Etat admis au statut d'observateur et où les
condamnations à mort, comme les exécutions, sont à la fois
les plus nombreuses et en nette augmentation.
" Il y aurait là une sorte de double langage auquel, pour ma part,
je ne peux souscrire et je subordonnerai mon vote favorable des projets de
résolution, de recommandation et de directive, à la prise en
compte -si le rapporteur en était d'accord- de la situation dans les
Etats admis au statut d'observateur. ".
La résolution n° 1097, la recommandation n° 1302
et la directive n° 525 contenues dans le rapport 7589, sont
adoptées sans modification
.
F. LA QUATRIÈME PARTIE DE LA SESSION (STRASBOURG - du 23 au 27 septembre 1996)
1. Introduction
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est
réunie à Strasbourg du 23 au 27 septembre 1996 (4ème
partie de la session de 1996).
Après la présentation du rapport d'activité du Bureau et
de la Commission permanente, l'Assemblée parlementaire a entendu un
discours de M. Jorge Sampaio, Président de la République
portugaise.
Ont également prononcé une allocution au cours de cette session :
-
MM. Guntis ULMANIS
, Président de la République de
Lettonie
, Marc FORNÉ MOLNÉ
, chef du Gouvernement de la
principauté d'Andorre, et
Zourab JVANIA
, Président du
Parlement de Géorgie.
La communication du Comité des ministres a été
présentée par son Président en exercice,
M. Siim
KALLAS
, ministre des Affaires étrangères d'Estonie ;
question de
M. Jean VALLEIX
, député (RP), Président
de la délégation française.
Les débats ont porté sur :
- la proposition sur un
second sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement
des Etats membres du Conseil de l'Europe ; rapport (doc 7637) de
MM.
Jean SEITLINGER
, député (UDF), et Miguel Angel Martinez
(Espagne, socialiste), co-rapporteurs ; interventions de
MM. Jean
VALLEIX, Gabriel KASPEREIT
, députés (RPR), et
Jean
BRIANE
, député (UDF) - adoption de la recommandation
n° 1303 ;
- les questions économiques et sociales :
rapport (doc 7634) de
MM. Dundee (Royaume-Uni, conservateur) et Hegyi (Hongrie, socialiste),
co-rapporteurs sur l'avenir de la politique sociale ; intervention
de
MM. Jean VALLEIX
, député (RPR), et
Michel
HUNAULT
, député (RPR) ; adoption de la recommandation
n° 1304 ; rapport (doc 6720) de M. Bloetzer (Suisse,
démocrate-chrétien) sur "Le chômage en Europe : causes
et remèdes" ; intervention de
M. Jean-Pierre MASSERET
,
sénateur (Soc.) ; adoption de la résolution
n° 1098 ;
- l'exploitation sexuelle des enfants :
rapports (doc 7659) de
Mme Err (Luxembourg, socialiste) ; intervention de
M. Nicolas
ABOUT
, sénateur (Ap. RI) ; adoption de la
Résolution n° 1099 et de la Directive n° 526 ;
- l'avis sur le projet de
convention sur les droits de l'homme et la
biomédecine
:
rapport (doc 7622) de M. Plattner (Suisse,
socialiste) ; avis de
M. Christian DANIEL
, député
(RPR), au nom de la Commission des questions sociales, interventions de
MM.
Jean VALLEIX
, député (RPR
), Bernard SCHREINER
,
député (RPR),
Jean-François LE GRAND
,
sénateur (RPR), et
Nicolas ABOUT
, sénateur (Ap. RI), qui a
fait adopter plusieurs amendements au projet d'avis (n° 198) ;
- les activités de l'OCDE. :
rapport (doc 7615) de M. Leers
(Pays-Bas, chrétien-démocrate). Le débat, élargi
aux délégations parlementaires du Canada, d'Australie et du Japon
a été introduit par un exposé de M. Donald Johnston,
Secrétaire général de l'OCDE. Sont intervenus dans la
discussion :
MM. Bernard SCHREINER
, député (RPR), au
nom du groupe des Démocrates européens,
Jean VALLEIX
,
député (RPR),
Claude BIRRAUX
, député (UDF),
et
Mme Josette DURRIEU
, sénateur (Soc.) : adoption de la
Résolution n° 1100. Dans le cadre du dialogue entre
l'Assemblée parlementaire et les institutions économiques et
financières,
M. Claude BIRRAUX
, député (UDF),
Vice-Président de la Commission de la science et de la technologie,
avait présenté lors de la précédente session un
rapport (doc 7576) sur les activités de la BERD, au nom de cette
Commission ;
- l'Organisation mondiale du commerce (OMC)
et l'application de
l'Uruguay Round ; rapport (doc 7618) de M. Demiralp (Turquie, parti de la
Mère patrie) et Mme Verspaget (Pays-Bas, socialiste),
corapporteur ; intervention de
M. Daniel HOEFFEL
, sénateur
(UC) ; adoption de la Résolution n° 1101 ;
- la situation au Proche-Orient :
le processus de paix
israélo-palestinien ; rapport (doc 7636) de M. de Puig (Espagne,
socialiste) ; intervention de
M. Nicolas ABOUT
, sénateur
(Ap. RI) ; renvoi en Commission du projet de résolution
présenté par la Commission des questions politiques et adoption
d'une déclaration de l'Assemblée parlementaire insistant
notamment pour que le processus de paix ne soit pas remis en cause ;
- la situation humanitaire des personnes déplacées en
Géorgie :
rapport (doc 7629) de M. Atkinson (Royaume-Uni,
conservateur) ; intervention de
M. Jean SEITLINGER
,
député (UDF), Président de la Commission des relations
avec les pays européens non membres ; adoption de la Recommandation
n° 1035 ;
- les migrations des régions en voie
de
développement vers les pays européens industrialisés :
rapport
(doc 7628) de M. Junghanns (Allemagne, C.D.U. -
C.S.U.) ; interventions de
MM. Charles EHRMANN
, député
(UDF) et
Bernard SCHREINER
, député (RPR) ; adoption de la
Recommandation n° 1306 après rejet de la motion de renvoi en
commission présenté par
M. SCHREINER
et explication de
vote de
M. Daniel HOEFFEL
, sénateur (UC).
2. Le rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente (y compris situation en Russie et crise tchéchène) (Lundi 23 septembre)
Le rapporteur indique que le 28 juin, le Bureau a
accordé le statut d'Invité spécial au Parlement de
l'Azerbaïdjan. Les trois républiques caucasiennes ont
présenté une demande d'adhésion au Conseil de l'Europe.
En matière de procédure de surveillance des engagements pris par
les Etats membres, la Commission du règlement a préparé un
rapport sur la création d'une Commission ad hoc qui devrait être
composée de 40 membres proposés par les groupes politiques et les
Présidents des trois Commissions générales
concernées. Le Bureau a demandé que, en attendant toute
décision, aucune nouvelle procédure de monitorage ne soit ouverte.
Le Bureau a traité de diverses questions politiques, notamment le
respect des engagements pris par la Turquie. Deux rapporteurs se rendront dans
ce pays en octobre. Des membres du Bureau se sont rendus en
Tchétchénie au mois d'août. Cette visite fait l'objet d'un
rapport annexe, de même d'ailleurs que les questions relatives à
l'Albanie. D'autre part, le Bureau a décidé le report de
l'audition concernant la Tchétchénie initialement prévue
ce soir.
Le Bureau a tenu un premier échange de vues sur la demande de statut
d'observateur du Parlement canadien.
Il a décidé qu'une Commission ad hoc surveillerait les
élections municipales en Albanie, le 20 octobre. Il est demandé
au greffier de prévoir les mesures logistiques nécessaires.
D'autre part, le Conseil de l'Europe a pris note du rapport de la Commission
relatif au deuxième tour des élections présidentielles en
Russie ainsi que des élections en Bosnie le 14 septembre. Il sera
également attentif au bon déroulement du processus
électoral en Roumanie.
Cette session verra un débat sur l'organisation d'un deuxième
sommet du Conseil de l'Europe. L'orateur espère que cette initiative
sera appuyée.
Enfin, en ce qui concerne la Turquie, la directive n° 508 assure le suivi
des engagements. Le Bureau est attentif à cette question.
Le rapporteur, sur les élections présidentielles russes,
constate, pour avoir été deux fois observateur lors des
élections, que la Russie a pris le chemin de la démocratie.
Le rapporteur, qui rappelle qu'il vient d'un très ancien pays
démocratique, se réjouit de voir que les Russes sont venus en
masse aux urnes et ont pris plaisir à participer à cette
consultation. Il est exact que, en vertu de la Constitution, le
Président dispose de beaucoup de pouvoirs, voire même de pouvoirs
excessifs, et cela rend son élection selon des règles
démocratiques d'autant plus importante. Cependant, siège à
la Douma un parti qui représente une opposition également forte
et avec laquelle le Gouvernement doit apprendre à vivre. En outre, le
Conseil de la Fédération, qui rassemble les 89 pays membres de la
Fédération, apporte un correctif au centralisme naturel de la
Russie.
L'orateur souligne que, comme il est normal dans une société
démocratique, plusieurs partis luttent pour le pouvoir, que
l'information s'exerce normalement, même si, pendant la campagne
électorale, le parti au pouvoir dispose d'une influence
considérable grâce aux médias. Il considère en tout
cas que l'observation du déroulement des élections vient
heureusement compléter le suivi d'un nouveau membre, et il estime que le
Conseil de l'Europe doit prendre l'habitude de veiller à la
manière dont se déroulent les élections après une
adhésion. Il conclut en disant que les résultats de
l'élection présidentielle russe sont positifs.
Ensuite, il présente son rapport d'information sur la
Tchétchénie en notant que celui-ci est plus problématique
que le précédent. Il rappelle que l'Assemblée avait
été choquée de voir que, après le
deuxième tour de l'élection présidentielle, les
promesses faites n'avaient pas été tenues. Une
délégation s'est rendue en Tchétchénie où
elle a pu observer le cessez-le-feu et où elle a eu le sentiment qu'une
solution acceptable par toutes les parties était possible. Qui a rompu
ce cessez-le-feu ? Il est clair que l'armée russe a lancé
une offensive dans le Sud du pays, à laquelle les
Tchétchènes ont riposté par l'occupation de Grozny.
La Présidente de l'Assemblée a protesté contre cette
rupture du cessez-le-feu, avec l'approbation de la Commission. Le
19 août, le Conseil de l'Europe a également protesté
lorsqu'un général russe a lancé un ultimatum à la
Tchétchénie et il a fait valoir qu'une nouvelle offensive sur
Grozny entraînerait la suspension de l'adhésion de la Russie.
Heureusement, le général Lebed est intervenu et a
trouvé avec son homologue tchétchène une solution
réaliste qui permet qu'actuellement le cessez-le-feu se poursuive.
Une délégation s'est rendue à Moscou les 27, 28 et
29 août, où elle a eu des discussions franches avec les
dirigeants du Kremlin, de la Douma et du Conseil de la
Fédération. Elle en a retiré le sentiment que les Russes
cherchaient une issue pacifique au conflit et le
général Lebed l'a convaincue qu'il était le
général de la paix, comme en Moldavie. La Présidente de
l'Assemblée l'a d'ailleurs invité, avec le général
tchétchène indépendantiste Maskhadov, à une
audition à Strasbourg. Il a accepté mais, très
récemment, il a fait savoir qu'il était empêché en
raison de problèmes en Tchétchénie et en Russie, notamment
à cause de l'état de santé de Boris Eltsine. Il a
cependant réitéré son souhait de se rendre à
Strasbourg et a souhaité que le processus de paix se poursuive.
L'orateur souligne que le Conseil n'a jamais voulu s'immiscer dans les affaires
intérieures russes et que le mandat de ses représentants
était de maintenir le contact, de favoriser le dialogue de façon
que l'on parvienne à un cessez-le-feu durable, seul moyen de mettre un
terme aux violations des droits de l'homme. Actuellement, ce cessez-le-feu,
dont on surveille l'application, se passe assez bien, parce que les
généraux des deux camps s'efforcent de modérer leurs
propres troupes. Le retrait des Russes, le désarmement des milices
tchétchènes et l'échange de prisonniers se
déroulent tant bien que mal, et le Gouvernement provisoire rencontre des
difficultés parce que les clans s'affrontent. Mais le Conseil de
l'Europe souhaite continuer à apporter sa contribution à la
recherche d'une solution pacifique qui débouche en 2001 sur un statut de
la Tchétchénie.
Le rapporteur souligne, pour finir, que la Commission a fait preuve dans cette
affaire d'une grande cohésion et qu'il n'y a aucune divergence entre
elle et l'OSCE, non plus qu'entre la Présidente Fischer et le chancelier
Kohl. L'objectif des uns et des autres est de faire taire les armes et il faut
souhaiter que la Russie montre qu'elle a compris le message.
3. Proposition pour un second sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement du Conseil de l'Europe - Interventions de MM. Jean SEITLINGER, député (UDF), corapporteur de la Commission des questions politiques, Jean VALLEIX, député (RPR), Jean BRIANE, député (UDF), Gabriel KASPEREIT, député (RPR) (Mardi 24 septembre)
Le Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement de Vienne
(octobre 1993) avait clairement reconnu le rôle du Conseil de
l'Europe comme l'organisation politique paneuropéenne par excellence,
capable d'arrimer à l'Europe les démocraties émergentes de
l'Europe Centrale et Orientale.
Le rapport présente le bilan de l'action du Conseil de l'Europe trois
ans plus tard, suite au mandat que lui avait confié ce sommet.
L'évolution du Conseil de l'Europe et du contexte géopolitique et
institutionnel en Europe conduisent à la nécessité d'une
nouvelle impulsion politique de la part des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
Le rapport constate ainsi que si certaines décisions de Vienne ont
été mises en oeuvre (réforme du mécanisme de
contrôle de la Convention européenne des Droits de l'Homme,
élaboration d'une convention sur la protection des minorités,
Plan d'action contre le racisme et l'intolérance), d'autres sont
restées dans l'impasse : par exemple, le protocole à la
Convention européenne des Droits de l'Homme pour la protection des
droits culturels individuels, révision du statut, etc.
Dans le même temps, le Conseil de l'Europe s'est pratiquement
élargi à l'ensemble du continent avec l'adhésion de la
Russie. La révision institutionnelle de l'Union européenne est en
cours et le processus de mondialisation des échanges sous l'effet du
développement des techniques de télécommunications
s'accélèrent et mettent en cause la cohésion des
sociétés en Europe.
Cette situation exige qu'une réflexion nouvelle soit engagée sur
les moyens et objectifs à long terme du Conseil de l'Europe, pour lui
permettre de jouer le rôle dans la promotion du modèle de
société pour l'Europe du XXIe siècle.
C'est pourquoi le projet de recommandation propose qu'un second Sommet soit
organisé en 1997.
M. Jean SEITLINGER, député (UDF), co-rapporteur de la
Commission des questions politiques
et initiateur de la proposition de
tenue d'un deuxième sommet du Conseil de l'Europe, formule, en
présentant son rapport écrit, les observations suivantes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, M. Miguel
Martínez a exposé d'excellente façon les raisons pour
lesquelles nous demandons, après le premier sommet de Vienne de 1993, un
deuxième sommet.
" Après un demi-siècle de bipolarisation au plan des
relations mondiales, après cette séparation et l'architecture
rigide que l'Europe a connue, après cette "règle du jeu", certes
simple et lisible, mais critiquable, tout est à présent
entré en mouvement, nul n'en doute. Nous les premiers avons accueilli
des pays d'Europe centrale et orientale. Face à ces bouleversements,
nous sommes confrontés au fait que l'élargissement, qui
d'ailleurs se termine, ne peut pas tenir lieu de politique
éternellement : il nous faut à présent engager une
réflexion de fond.
" Ce n'est pas un caprice que de demander un deuxième sommet, on
l'a déjà dit. Ceci n'est pas parce que d'autres institutions en
bénéficient très régulièrement, voire tous
les six mois. Mais Il s'agit d'un constat : les sommets sont le moteur
politique ; c'est vers le sommet, vers cette réunion de chefs
d'Etat et de Gouvernement, que sont transférées pour
décision des questions importantes.
" Quelles sont nos propositions ? Je vais les résumer
très brièvement.
" Premièrement, il est clair qu'il faut procéder à
une adaptation politique et donc à un renforcement du rôle
politique des composantes du Conseil de l'Europe, Assemblée
parlementaire, Secrétaire général, Comité des
ministres.
" Deuxièmement, il nous faut, bien sûr, préparer un
modèle social européen ou un modèle de
société européen. Nous sommes confrontés au
défi de la mondialisation, non seulement au niveau de l'identité
culturelle mais aussi au niveau de la Charte sociale. Nous avons
été par excellence, et nous devons en être fiers, une
expertise dans le domaine des droits de l'homme, du pluralisme parlementaire et
de l'Etat de droit. A présent nous devons être l'institution
pilote qui élabore un modèle de société
européen et notamment, en plus de la Charte sociale approfondie, qui
garantisse la fonction publique, le service public, la professionnalisation et
le caractère apolitique de la fonction publique dans tous les pays.
" Pour toutes ces obligations, et pour tous ces mandats, il est clair
que
des moyens budgétaires accrus sont indispensables. Il ne faudrait pas
que les contributions suivant les nouvelles adhésions, viennent en
déduction dans un budget déjà insuffisant. Nous voulons
bien accepter ces missions ambitieuses indispensables, ces projets de
partenariat démocratique avec l'Union européenne et avec d'autres
institutions pour l'ensemble des pays du Conseil de l'Europe, mais à la
condition que l'on nous en donne les moyens. Cette exigence est traduite dans
un amendement dont nous discuterons plus tard.
" Voilà, très résumé, ce que je voulais dire
au début d'un débat qui s'annonce fort riche. "
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
, prend ensuite la parole en
ces termes :
" Mes chers collègues, présenter en quelques minutes les
observations du Groupe des démocrates européens est un peu une
gageure. Cependant, au nom de ce Groupe, j'entends apporter notre soutien
à l'initiative prise ainsi qu'au rapport. Au passage, je complimente les
deux rapporteurs : on sait que l'exercice est difficile lorsqu'il y a deux
personnes pour présenter un rapport ! En l'occurrence, il semble
que le résultat soit excellent.
" L'initiative a été prise au mois d'avril dernier par
quelques-uns de nos collègues, pour appuyer l'intention de
Mme Fischer. Il semble que le projet présenté
recueille aujourd'hui à la fois l'intérêt de notre
Assemblée parlementaire, mais aussi la considération du Conseil
des ministres.
" Nous sommes donc en charge de cette préparation avec un horizon
précis, la deuxième partie de l'année 1997, et nous avons
raison tant les événements sont allés vite depuis le
Sommet de Vienne.
" Au passage, je signale que s'il est bien de parler du Sommet de
Vienne,
je regrette que l'on ne sache pas assez que c'est le sommet du Conseil de
l'Europe. Si ce doit être le Conseil de Strasbourg, je souhaite que ce
soit le Sommet du Conseil de l'Europe de Strasbourg pour que notre institution
soit positionnée.
" Notre institution remplit en effet une mission exceptionnelle. Nous
ne
sommes pas l'Union européenne, partenaire actif et irremplaçable
de cette Europe économique. Nous ne sommes pas l'UEO, partenaire encore
modeste mais qui s'élargit pour répondre à des besoins
d'exigence et de sécurité dans cette Europe de paix où
nous mesurons, à la lumière des expériences de ces
dernières années, depuis Vienne, combien elle est difficile
à vivre en pratique. Par conséquent, il est important que la CIG
suive son chemin et avance. Il est important que le Conseil de l'Europe ait son
mot à dire dans tous ces domaines. Sa vocation n'est pas seulement
d'être une structure européenne. Il n'est pas seulement une
institution mais il est une organisation d'Etats rassemblés et assumant
une vocation commune.
" Cette vocation, qui dépasse l'institution, est de servir les
hommes et les femmes, et les enfants, de notre Europe, conformément
à un héritage de civilisations tout à fait
irremplaçable, qui a servi de modèle à beaucoup d'autres,
qui n'est pas le seul au monde mais qui, vraisemblablement, et c'est ce qui
nous réunit, fait que sur l'essentiel nous savons être d'accord.
" C'est en cela que nos rapporteurs, détaillant quelques
orientations, nous aident à concrétiser le projet. L'affaire est
assez complexe. Nous sommes dans une Europe actuellement sceptique. Il
appartient au Conseil de l'Europe de lui rendre plus d'âme et plus
d'enthousiasme. Il appartient au Conseil de l'Europe de rendre l'approche
économique plus humaine. Quand on parle du social, tout à fait
nécessaire et à la base de notre démarche
générale, il ne doit pas s'agir seulement des aménagements
des salaires, des conditions de travail : il faut aussi considérer
l'homme dans sa dimension générale et dans ses aspirations.
" Le Conseil de l'Europe n'est pas chargé de dire seulement non. Il
doit dire oui, il doit entraîner des courants. A cet égard, la
vocation humaine du Conseil de l'Europe doit l'emporter sur la seule
démarche sociale. Par conséquent, l'aspect culturel est
considérable.
" C'est pourquoi, le projet doit davantage penser à proposer un
modèle et non imposer une contrainte. Ce modèle serait la
translation vers le futur de nos civilisations additionnées et non pas
fondues, de telle manière que le projet de deuxième sommet
nourrisse le fond de notre politique et ne soit pas simplement une correction
institutionnelle, ou une situation dans la nouvelle architecture
européenne.
" Demain, nous parlerons de l'OCDE et de l'économie en
général. Cet après-midi, nous traiterons de la politique
sociale, après-demain de la biomédecine. Voilà très
exactement les pistes qui sont les nôtres, les vocations internationales
du Conseil de l'Europe, les vocations humaines selon nos civilisations
européennes historiques. Il y a là beaucoup à inventer.
" Le Conseil de l'Europe a une place unique au milieu des autres
institutions. Je remercie nos rapporteurs d'avoir si bien posé le
problème. Il faut maintenant œuvrer pour le succès de ce
sommet. "
M. Jean SEITLINGER, député (UDF)
, reprend la parole pour
apporter aux orateurs les éléments de réponse suivants
:
" A mon tour, je veux remercier les orateurs qui en intervenant ont
enrichi les débats. Ceux qui n'ont pas pu parler auront certainement
l'occasion d'apporter leur contribution.
" Je formulerai d'abord un double constat. Tous les orateurs se sont
prononcés en faveur d'un deuxième sommet et personne ne s'est
opposé à ce que le calendrier prévu soit respecté
-à savoir le deuxième semestre 1997.
" Le point important, c'est la substance. De nombreux orateurs ont
demandé que le statut soit modifié, corrigé, pour tenir
compte des bouleversements des dernières années. Nombre
d'orateurs ont aussi souligné l'aspect financier, demandant des moyens
budgétaires accrus ainsi que l'autonomie financière pour
l'Assemblée. Ces questions sont également prévues dans
notre rapport et figurent dans nos propositions.
" Le plat de résistance, la substance essentielle, est ce que nous
appelons le "modèle européen de société". Certains
ont parlé de "civilisation européenne", d'autres ont
mentionné des "valeurs", mais tout cela se retrouve dans l'expression
"modèle européen de société", ou
"sécurité démocratique", qui concerne aussi bien
l'identité culturelle -avec l'éducation, la formation des jeunes,
évoquées par notre collègue Laakso- que l'espace
juridique, qui comprend aussi bien la lutte contre la criminalité, le
terrorisme dont a parlé notre collègue de la
fédération de Russie, que le volet social, cette charte qui doit
donner une déontologie à la fonction publique et assurer la
protection des travailleurs.
" Voilà ce que nous retenons et ce que nous nous efforcerons de
traduire encore dans des documents. Car, rappelons que notre Assemblée
parlementaire n'est pas la seule composante, mais l'une des trois. Cependant,
nous nous efforçons d'être le moteur de ce deuxième sommet
et nous voulons que les chefs d'Etats et de Gouvernements
l'organisent. "
M. Jean BRIANE, député (UDF)
, s'exprime sur ce sujet en
ces termes :
" Au début de mon intervention, je veux féliciter les deux
rapporteurs sur la qualité de leur rapport, les féliciter pour le
duo harmonieux de leurs propos qui reflètent l'harmonie et la
sérénité qui règnent d'une manière
générale dans cet hémicycle du Conseil de l'Europe.
" Le constat doit être fait que les institutions européennes
créées après la Deuxième guerre mondiale ont
apporté à l'Europe un demi-siècle de paix et de
prospérité : cependant, le drame yougoslave encore actuel
est un révélateur qui montre que les pays européens n'ont
pu, malgré l'existence des institutions européennes,
régler ce conflit interne dans l'une des contrées du continent
européen.
" L'Europe institutionnelle n'a pas encore su se donner l'autorité
politique et morale, les voies et les moyens de régler, par
elle-même, tous ses conflits internes. Elle a encore besoin de la tutelle
de son allié américain. J'arrêterai là mes
réflexions sur les faiblesses et les insuffisances de l'Europe et sur
ses acquis positifs pour souligner le rôle du Conseil de l'Europe dans la
construction de l'Europe des droits de l'homme et de la démocratie,
l'Europe des hommes, l'Europe de la diversité des cultures, l'Europe de
l'esprit. Que de chemin parcouru depuis la création du Conseil de
l'Europe en 1949. Hier une dizaine de pays fondateurs, aujourd'hui quarante
pays membres. Bientôt, tous les pays du continent européen seront
membres du Conseil de l'Europe.
" Est-ce à dire que le rôle et la fonction de
l'aînée des institutions européennes seraient alors
terminés et que nous pourrions rentrer chez nous ? Certes
non ! Bien au contraire !
" Au moment où le Conseil de l'Europe se prépare à
célébrer son cinquantième anniversaire, au moment
où il s'interroge sur son avenir et sur l'opportunité d'un
deuxième sommet, il me paraît que nous devons, sans
hésitation aucune et sans état d'âme, affirmer avec force
la nécessité de maintenir et de conforter la mission propre du
Conseil de l'Europe au sein des institutions européennes existantes et
notamment par rapport à l'Union européenne et à son
élargissement prévisible vers les pays à l'est du
continent.
" Il faut renforcer le rôle du Conseil de l'Europe et les moyens
budgétaires matériels et humains nécessaires à son
bon fonctionnement. Il convient aussi, sans faire ombrage aux autres
institutions européennes, de renforcer son rôle politique, de
réformer et d'adapter le statut de 1949. Cinquante ans après sa
création, après tous les changements intervenus en Europe, cela
est nécessaire.
" Le Conseil de l'Europe d'aujourd'hui et de demain doit toujours
promouvoir les droits de l'homme et de la démocratie, aborder les
problèmes de société, proposer un ensemble de
références et de valeurs communes pour les pays européens.
" Le deuxième sommet du Conseil de l'Europe doit avoir lieu. Il
doit être l'occasion d'approfondir et de redéfinir les missions
qui doivent être les siennes par rapport et à côté de
l'ensemble des autres institutions européennes. "
M. Gabriel KASPEREIT, député (RPR)
, formule les
observations suivantes :
" A mon tour, je félicite mes collègues Seitlinger et
Martínez. Parmi toutes les propositions et les arguments
formulés, je retiens particulièrement l'idée que le moment
est venu pour notre Assemblée de s'attacher à l'étude d'un
modèle de société pour le XXI
e
siècle.
" Nous sommes qualifiés pour la faire. Notre action essentielle sur
le respect des droits de l'homme fait que, plus que toute autre
Assemblée ou Organisation internationale, nous ne pouvons être
suspectés de parti pris et encore moins d'idéologie partisane.
Membres et observateurs, nous réunissons des parlementaires de plus de
quarante Etats et nombreux sont ceux qui frappent encore à notre porte,
conscients que nous sommes la seule assemblée internationale où
les échanges peuvent se dérouler dans la franchise et la
sérénité, parce que nous sommes dégagés des
problèmes ponctuels exigeant des solutions immédiates et
entraînant parfois des conflits internes, et que, de ce fait, nous sommes
éloignés des tentations de la démagogie et des querelles
d'intérêt.
" Il est urgent de faire cette étude sur l'avenir de notre
société. L'Europe n'est plus ce qu'elle était à la
fin des années 80. Elle n'est déjà plus celle de
Maastricht : ce traité a été élaboré
alors que la guerre froide se poursuivait. L'écroulement du mur de
Berlin a été le premier signal annonçant qu'un monde
nouveau commençait à apparaître, sans qu'on sache, bien
sûr, comment il serait constitué. L'implosion de l'URSS,
concrétisée par le putsch de Moscou en août 1991, a
été la victoire de la liberté.
" Mais dans le même temps, l'évolution technologique des
moyens de communication -qu'il s'agisse du transport des personnes et bien plus
encore de la transmission instantanée et en grand nombre des
informations- s'est faite à une vitesse qui dépasse largement
celle de l'évolution politique et aboutit au fait qu'il est difficile
d'imaginer l'avenir et même de saisir le présent. En fait, nous
vivons une révolution industrielle dont les conséquences sont
plus grandes que celles de la révolution du XIX
e
siècle, car cette dernière se faisait dans le cadre des Etats
alors que la révolution actuelle implique le monde entier, passant au
travers des frontières.
" Cette situation s'exprime particulièrement dans les migrations et
dans la mondialisation.
" Je ne m'attarderai pas sur le premier phénomène, sauf pour
dire qu'aucun des Etats aux prises avec ce problème n'a encore pu y
apporter de solution alors que son règlement devient pourtant urgent.
" La mondialisation se développe sans que soient établies
des barrières à ce phénomène qui bouleverse notre
existence car elles font disparaître deux notions essentielles pour
l'homme que sont l'espace et le temps. On voit déjà
l'économie dicter sa loi à la politique, c'est-à-dire
à la société.
" Et pour couronner le tout, c'est face à un problème de
morale élémentaire que nous nous trouvons, problème que
nous pouvons constater chaque jour dans ce qu'Internet peut transmettre
d'ignoble. Nous sommes dans une période où le
développement technologique a permis que soit répandu sans
contrôle tout ce qui dégrade l'homme au moment même
où notre société européenne s'est
éloignée de ce qui est religieux et a perdu ses repères.
" Le prochain sommet que nous voulons est essentiel pour l'avenir du
Conseil de l'Europe. Je souhaite qu'on y décide l'élaboration
d'une charte constituant un modèle de société. "
La recommandation n° 1303 contenue dans le rapport 7637 est
adoptée, amendée.
4. La communication du Comité des ministres à l'Assemblée - Questions de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), et Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Mardi 24 septembre)
M. Siim KALLAS
, ministre des Affaires
étrangères de l'Estonie, prononce l'allocution suivante en sa
qualité de Président en exercice du Comité des
ministres :
" Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, c'est un grand
honneur pour moi que de m'adresser à vous aujourd'hui pour la
deuxième fois. En temps "normal", il aurait pu y avoir moins de choses
à dire sur les mois d'été qui se sont
écoulés depuis que je me suis adressé à vous, fin
juin. Mais notre Organisation, avec le mandat paneuropéen qu'elle
détient depuis le sommet de Vienne, continue d'exercer ses
activités à une époque exceptionnelle. Cela signifie que
le Comité des ministres, tout comme votre Assemblée, a eu des
questions importantes à son ordre du jour, malgré la
période des vacances.
" J'éprouve aujourd'hui un plaisir particulier à prendre la
parole à la suite d'un "invité spécial" aussi
éminent que le Président du Parlement de Géorgie,
M. Zurab Zhvania, auquel je souhaite chaleureusement la bienvenue,
tout comme il me l'a souhaitée récemment dans sa capitale.
" Ainsi que je l'ai annoncé la dernière fois que je me suis
adressé à cette Assemblée, Madame la Présidente, je
me suis rendu à Bakou et à Tbilissi, ainsi qu'à Erevan,
à la mi-juillet, en compagnie du Secrétaire
général. Après nos entretiens, au plus haut niveau, nous
sommes revenus avec des lettres par lesquelles les autorités
d'Azerbaïdjan et de Géorgie demandaient officiellement à
adhérer à notre Organisation. Le Comité des ministres qui,
en mai dernier, avait déjà adressé à votre
Assemblée pour avis la demande de l'Arménie, a fait de même
au début de ce mois-ci pour ces Etats transcaucasiens.
" Dans ce contexte, j'ai été heureux de pouvoir mettre
à la disposition de chacun des pays que nous avons visités des
textes législatifs reflétant l'expérience de l'Estonie
pendant sa transition vers des structures pleinement démocratiques, et
de promettre à chacun d'entre eux, s'il le souhaitait, le maintien de
conseils et d'aide, tant au niveau bilatéral qu'au niveau
multilatéral. Cette aide a été chaleureusement accueillie
car il s'agit d'une source précieuse d'inspiration, notamment dans la
mesure où elle concerne des problèmes que nous avons
hérités de notre passé commun.
" Je tiens à souligner que, dans chaque pays, nous avons
été impressionnés par une grande ouverture à
l'égard du Conseil de l'Europe, par une ferme détermination
à adhérer à notre Organisation et par un engagement
explicite à respecter nos principes et nos valeurs. Les personnes que
nous avons rencontrées étaient bien conscientes du fait que ces
principes et ces valeurs auraient besoin d'être renforcés et
consolidés et que cela ne se ferait pas du jour au lendemain.
" Votre Assemblée, avec son système bien rôdé
d'"invités spéciaux", fera, j'en suis sûr, diligence pour
rendre les avis demandés, d'autant plus qu'à l'occasion de ses
travaux relatifs à l'élargissement, elle a déclaré
il y a déjà longtemps, en ce qui concerne les Républiques
transcaucasiennes, que ces pays appartiennent à l'Europe, qu'ils sont
historiquement et culturellement liés étroitement à notre
patrimoine commun, et qu'ils ont contribué et sont encore capables et
désireux de contribuer à notre civilisation européenne
commune.
" Pour leur part, lors de leur dernière réunion ce mois-ci,
nos délégués ont invité l'Azerbaïdjan à
adhérer à la Convention relative à la conservation de la
vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (la "Convention de
Berne") et
autorisé le Secrétaire général à inviter une
délégation d'experts de Géorgie à Strasbourg afin
d'examiner les conditions dans lesquelles ce pays pourrait être
invité à adhérer à la Convention culturelle
européenne. A cet égard, je précise qu'à la suite
d'invitations lancées par le Comité des ministres, des
réunions distinctes ont eu lieu au début de ce mois-ci avec des
délégations d'experts d'Arménie et d'Azerbaïdjan pour
discuter des conditions dans lesquelles ces pays pourraient être
invités à adhérer à cette même Convention.
" Madame la Présidente, cette session de votre Assemblée
n'en est qu'à son deuxième jour, mais elle a déjà
été exceptionnellement riche de substance politique. Vous avez
entendu deux éminents chefs d'Etat auxquels vous avez pu poser des
questions, à savoir celui du Portugal et, ce matin, le
Président Ulmanis du pays balte voisin du mien, la Lettonie. Et,
hier, le rapport d'activité de votre Bureau n'avait absolument rien de
routinier. En effet, il contenait des rapports d'information sous forme
d'
addenda
, sur des sujets aussi brûlants que la situation en
Tchétchénie, sur l'Albanie et sur les élections en
Bosnie-Herzégovine.
" En ce qui concerne l'Albanie, ce qu'il y a de nouveau c'est que le
Comité des ministres a autorisé le Secrétariat à
mettre en œuvre, en concertation avec les autres organisations
internationales actives sur le terrain, un certain nombre d'activités de
coopération ayant pour but de remédier aux difficultés
constatées dans le cadre des récentes élections
législatives dans ce pays.
" Il faut donc compléter et consolider les grands succès
obtenus par la Commission
ad hoc
du Bureau de votre
Assemblée, notamment en favorisant l'organisation d'une table ronde
destinée à rétablir la confiance entre le Gouvernement et
les partis d'opposition. En outre, le Comité des ministres examinera
plus en détail les programmes de coopération après la
réunion du Comité directeur mixte (Conseil de l'Europe/Commission
européenne) pour l'aide à la réforme du système
juridique, réunion qui aura lieu dans quelques jours, le
30 septembre 1996.
" En ce qui concerne les relations avec l'Union européenne, je
tiens à faire savoir à l'Assemblée que les pourparlers en
sont à un stade avancé, ce qui devrait permettre d'envisager
prochainement la tenue d'une nouvelle réunion "quadripartite", pendant
la présidence de l'Estonie.
" En Bosnie-Herzégovine, candidate à l'adhésion
à notre Organisation, les élections, observées par votre
Commission
ad hoc
le 14 septembre, ont clarifié la
situation en donnant naissance à des interlocuteurs institutionnels
légitimes. Pour leur part, nos délégués ont
adopté, lors de leur dernière réunion, une réponse
détaillée au large éventail de questions soulevées
dans les recommandations de votre Assemblée en ce qui concerne, d'une
part, la mise en œuvre des accords de Dayton sur la paix en
Bosnie-Herzégovine et, d'autre part, les aspects civils des accords de
Dayton et d'Erdut.
" A mon avis, le rôle de notre Organisation ne va certainement pas
décroître maintenant que les élections -hormis les
élections municipales- sont terminées. C'est bien plutôt le
contraire qui risque d'être le cas, ce qui explique pourquoi un dialogue
très étroit est maintenu avec tous les autres organismes
internationaux concernés, y compris l'OSCE, dont le Secrétaire
général, qui vient d'être nommé, procédera le
15 octobre à un échange de vues avec nos
délégués.
" Ainsi que vous le savez, le Président en exercice de cette
Organisation, M. Flavio Cotti, qui s'est tellement attaché
à entretenir des relations particulièrement étroites tant
avec votre Assemblée qu'avec notre Comité (dont il est membre),
sera suivi à la présidence le 1
er
janvier
-après le sommet de Lisbonne de l'OSCE- par le ministre
Niels Helveg Petersen, qui m'a précédé à
la présidence du Comité des ministres. Je considère cela
comme un heureux présage pour des relations toujours plus
imbriquées et se renforçant mutuellement l'année prochaine.
" En attendant, mon pays est fier d'accueillir à la fin du mois
prochain, à Tallin, un séminaire régional conjoint Conseil
de l'Europe/OSCE sur "le rôle de l'éducation dans le renforcement
de la société civile".
" En ce qui concerne la demande d'adhésion de la Croatie, Madame
la Présidente, la résolution du Comité des ministres,
adoptée en juillet dernier, invitant ce pays à adhérer
à l'Organisation, contient, ainsi que vous le savez, une "clause
suspensive". Elle laisse la possibilité de reconsidérer cette
décision pendant la deuxième moitié de ce mois-ci, eu
égard à la manière dont ce pays aura respecté un
certain nombre d'attentes, d'obligations et d'engagements. Le Comité des
ministres est en train d'étudier le rapport d'information établi
par la Commission
ad hoc
de votre Assemblée sur les
élections en Bosnie et Herzégovine.
" Il le fait avec grand soin, car il se préoccupe
particulièrement, ainsi que le mentionne la résolution, de la
manière dont la Croatie a respecté ses obligations
découlant de l'accord de paix pour la Bosnie-Herzégovine, et
notamment de la manière dont elle a contribué au bon
déroulement des élections dans ce pays.
" En ce qui concerne le territoire croate de Slavonie orientale, lors
de
ma communication à cette Assemblée en juin dernier, j'ai fait
référence au départ imminent pour Vukovar du
Représentant permanent suédois d'alors,
l'ambassadeur Amneus. Il a été nommé par son
Gouvernement à l'Administration transitoire des Nations Unies pour
la Slavonie orientale, en qualité de Président du Comité
mixte de mise en œuvre des droits de l'homme. Cette nomination faisait
suite à une réponse positive donnée par le Comité
des ministres à des appels lancés par M. Jacques Klein,
chef de l'Administration transitoire, qui demandait à notre Organisation
une aide concrète dans les domaines où elle est
particulièrement compétente.
" Par la suite, les délégués ont
décidé, lors de leur réunion du début de ce
mois-ci, de donner encore une réponse favorable à une demande
émanant de l'Administration transitoire des Nations Unies. Elle
concernait la présidence d'un autre Comité mixte de mise en
œuvre, à savoir celui de l'éducation et de la culture. A
cet effet, les délégués ont décidé de
détacher un membre qualifié du Secrétariat du Conseil de
l'Europe. Ils ont aussi autorisé le Secrétariat à
répondre favorablement à une demande d'expertise concernant la
législation en matière d'amnistie.
" Madame la Présidente, depuis la session de juin de
l'Assemblée, le Comité des ministres a aussi poursuivi ses
travaux concernant le suivi des engagements pris. Lors de notre réunion
de délégués, en juillet dernier, un accord a
été conclu sur les grandes lignes des questions fondamentales
concernant "le fonctionnement et la protection des institutions
démocratiques, y compris les questions relatives aux partis politiques
et aux élections libres".
" Je tiens à vous rappeler qu'il s'agit là, avec "la
liberté d'expression et d'information", de l'un des deux principaux
"domaines de préoccupation" mis en évidence lors de la
première réunion spéciale des
délégués, consacrée à ce qui constitue
l'essence même de l'exercice de suivi du Comité des ministres qui,
ainsi que vous le savez, se trouve à un stade expérimental.
D'autres réunions spéciales seront consacrées cette
année, respectivement en octobre et en décembre, à ces
deux "domaines de préoccupation" et elles se fonderont de toute
évidence sur les travaux, entre autres, de votre Assemblée.
" Madame la Présidente, il est important que le Comité des
ministres soit franc avec l'Assemblée et que l'on évite les
malentendus. Je pense que l'on reconnaît maintenant de plus en plus que
la différence essentielle entre notre démarche et celle de votre
Assemblée -qui, nous l'espérons, aboutira à une
authentique complémentarité- réside dans le
caractère confidentiel. Les travaux de l'Assemblée, notamment ses
débats publics, sont sans nul doute d'une grande utilité et, tant
par leur teneur que par leur impact sur l'opinion publique, ils contribuent
à la découverte de solutions justes permettant d'assurer le
respect de leurs engagements par les Etats. Le Comité des ministres,
pour sa part, a sa propre démarche fondée sur la persuasion et la
négociation diplomatique et sur les appels à la confiance
mutuelle et à la solidarité.
" Madame la Présidente, en ce qui concerne la proposition
d'organiser un second sommet, ce dont a débattu l'Assemblée ce
matin, le Comité des ministres en tant que tel n'a pas pris de position
formelle à ce sujet. Mais les ministres ont chargé en mai dernier
les délégués d'étudier la proposition dont vous
avez discuté avec le Président Chirac à Paris, en mars. Eu
égard aussi aux propositions faites précédemment dans cet
hémicycle par le défunt Président
François Mitterrand et par M. Philippe Séguin,
Président de l'Assemblée nationale, il est juste que le groupe de
travail
ad hoc
des délégués à ce sujet
soit présidé par l'Ambassadeur de France. Ce groupe de travail
s'est réuni deux fois la semaine dernière, avec dans ses dossiers
le rapport des deux corapporteurs dont vous avez discuté ce matin. La
recommandation que vous venez d'adopter, préconisant un sommet en 1997,
va maintenant devoir être étudiée en détail.
" Je ne suis, bien entendu, pas en mesure de prévoir quelle en sera
l'issue, mais l'on ne saurait exclure que la 99
e
session du
Comité des ministres, que je présiderai en novembre prochain,
soit en mesure de prendre une décision à ce sujet. Une telle
décision supposerait, bien entendu, qu'un Gouvernement, tenant compte
des autres réunions importantes planifiées pour 1997 et de
l'éventuel thème principal, ait entre-temps fait savoir qu'il
était disposé à lancer une invitation.
" Si le projet, auquel votre nom, Madame la Présidente, est
associé, se concrétise, vous pouvez être sûre que le
Comité des ministres sera disposé à collaborer
étroitement avec votre Assemblée.
" Cette coopération constituait, nous le savons, un
ingrédient important de la réussite du premier sommet il y a
trois ans à Vienne, comme d'ailleurs de la réussite de notre
Organisation en général. Les discussions informelles du
Comité mixte, vendredi prochain, seront importantes à cet
égard.
" Madame la Présidente, je serai heureux de répondre aux
questions qui ont été déposées, ainsi,
éventuellement, qu'à des questions supplémentaires -fut-ce
dans les couloirs du Palais. "
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
, pose la question
suivante :
" M. le Président du Comité des ministres, quelle est la
position du Comité des ministres en ce qui concerne le projet de second
sommet du Conseil de l'Europe ? les réflexions ont-elles
avancé en ce qui concerne les thèmes et la date de ce sommet
? "
Le Président du Comité des Ministres
lui répond en
ces termes :
" J'ai évoqué assez longuement, dans mon introduction, la
question du projet de second sommet. Je ne vais donc pas me
répéter sur ce point.
" Le sommet fera l'objet d'une attention particulière lors de la
réunion du Comité mixte, vendredi.
" Les délégués se sont saisis rapidement de cette
proposition. Sous la présidence du représentant permanent de la
France, deux réunions se sont tenues en septembre, et deux autres sont
prévues pour octobre. Les ministres seront en mesure de prendre position
sur le thème et sur la date lors de leur session de novembre, s'ils le
souhaitent. La place du Conseil de l'Europe dans la future architecture
européenne à partir de la fin de 1997 est la question qui,
selon toute vraisemblance, sera au centre de leurs préoccupations. "
M. Jean VALLEIX :
" Je vous remercie, Madame la Présidente, de me permettre de poser
une question supplémentaire et ainsi, de présenter une
observation à M. le Président du Comité des
ministres.
" Le Conseil de l'Europe est certes une organisation internationale
européenne, mais qui pèse sur le plan mondial. Elle n'est pas en
concurrence avec d'autres, mais elle a notamment vocation à s'occuper
des problèmes de civilisation, de culture, de droits de l'homme.
" Estimez-vous qu'en matière de civilisation, le Sommet puisse
s'élever à ce niveau, ce que nous souhaitons ? "
" Bien entendu, Monsieur Valleix ", déclare alors le
Président KALLAS
.
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)
, pose à son tour la
question suivante :
" Rappelant qu'un Etat admis au Conseil de l'Europe, signataire de la
Convention européenne des Droits de l'Homme, même s'il n'a pas
encore terminé la procédure de ratification, va organiser un
procès à huis-clos devant un tribunal militaire contre un citoyen
dont l'action visait à défendre l'environnement contre une
pollution radioactive majeure et cela au bénéfice des citoyens de
tous les Etats du Conseil de l'Europe et d'abord des citoyens russes
eux-mêmes ;
Demande au Président du Comité des ministres,
Si le procès du capitaine Nikitine ne doit pas respecter les
règles de la Convention européenne des Droits de l'Homme."
M. KALLAS
a apporté les éléments de réponse
suivants :
" Je puis commencer par informer les honorables membres que le
Comité des ministres n'a pas été saisi du cas de
M. Nikitine.
" D'autre part, il est évident que les Etats membres doivent
respecter les dispositions de la Convention européenne des Droits de
l'Homme.
" A propos du respect des engagements des Etats membres, question à
laquelle j'ai fait allusion dans ma communication, je rappelle que la
déclaration adoptée sur cette question en novembre 1994 par
le Comité des ministres dispose que celui-ci "examinera les questions du
respect des engagements concernant la situation de la démocratie, des
droits de l'homme et de l'Etat de droit dans tout Etat membre qui lui seront
déférées : par des Etats membres, ou par le
Secrétaire général, ou sur la base d'une recommandation de
l'Assemblée parlementaire". "
5. La politique sociale et le chômage en Europe - Interventions de MM. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.), Michel HUNAULT, député (RPR), et Jean VALLEIX, député (RPR) (Mardi 24 septembre)
L'Assemblée aborde la discussion commune de deux
rapports : le premier portant sur la politique sociale et le second sur le
chomâge en Europe.
L'avenir de la politique sociale
Selon les rapporteurs, l'organisation du travail a été
modifiée par les progrès technologiques et la
mondialisation ; en conséquence, le système de protection
sociale de naguère, qui fonctionnait "du berceau jusqu'à la
tombe", n'est plus viable. Le rapport met en avant un grand nombre de
propositions très variées, qui devraient permettre de trouver de
nouvelles orientations en matière de politique sociale.
Des horaires de travail souples, le partage du travail, les bassins d'emplois
et la réduction du temps de travail sont autant de propositions
destinées à stimuler l'emploi. L'éducation et la formation
devraient être déclarés prioritaires, et les travailleurs
devraient avoir la possibilité d'alterner entre le travail et la
formation. Les services de proximité pourraient générer de
nouvelles sources d'emplois.
Les rapporteurs pensent que les questions financières doivent être
repensées. Le PIB devrait être remplacé par l'IDH -un
"indicateur de développement humain" prenant en compte différents
facteurs tels que le revenu, l'espérance de vie, la nutrition, les soins
de santé et l'éducation. Les impôts, les budgets et la
redistribution des revenus pourraient être réorganisés afin
qu'on puisse dégager des fonds, et les projets importants de l'Europe
pourraient être financés par un grand crédit
européen.
Les rapporteurs soulignent enfin que la politique sociale doit être
pondérée, et qu'elle doit reposer sur la Charte sociale
européenne du Conseil de l'Europe.
Le chômage en Europe - Causes et solutions
Le rapporteur rappelle que le chômage a pris une ampleur
intolérable dans de nombreux Etats membres du Conseil de l'Europe,
où il atteint de plein fouet des millions de personnes.
Le taux de chômage varie considérablement entre ces
différents Etats : parfois inférieur à 3 %, il
dépasse ailleurs les 20 %, et il est important de comprendre les raisons
de ces différences. Le chômage n'est plus seulement un
phénomène cyclique ; il est devenu essentiellement
structurel, ce qui signifie que la reprise économique n'entraîne
plus forcément une reprise de l'emploi.
Les Etats doivent prendre d'urgence des mesures radicales s'ils veulent
parvenir à résoudre durablement le chômage. Ils doivent se
doter de politiques macroéconomiques qui stimulent la croissance
économique, et mieux structurer leur système de
sécurité sociale et leur fiscalité afin d'améliorer
la flexibilité du marché du travail. Il est primordial d'offrir
une meilleure éducation et la possibilité de suivre une formation
en alternance. En outre, le rapporteur préconise d'accorder la
priorité aux petites et moyennes entreprises, qui peuvent offrir des
moyens novateurs de réanimer les économies.
M. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.)
, intervient dans le
débat en ces termes :
" Je commencerai par citer Jean-Jacques Rousseau : "Le
plus
grand mal s'est déjà produit quand on doit protéger les
pauvres et contenir les riches". C'est bien de cela qu'il est question
dans les
rapports qui nous sont soumis, deux rapports qui présentent, en
vérité, plus de différences que de points communs.
" Certes, les deux rapports expriment un même souci, ils sont
fondés sur un même constat : les sociétés
européennes produisent de l'exclusion sociale, notamment du
chômage, qui est la première cause de l'exclusion, et cette
situation crée des souffrances individuelles et collectives.
" Mais là s'arrêtent les points communs. En effet, le rapport
de notre collègue M. Blœtzer est franchement, disons-le,
néolibéral, alors que le rapport de la Commission des questions
sociales est mieux balancé, même s'il présente des
insuffisances au regard de son objectif central qui est d'installer une
véritable démocratie sociale.
" Au-delà de la forme, l'intérêt de ces
deux rapports est qu'ils engagent un débat essentiel sur un choix
de société.
" En quelques minutes cependant, je veux dire mon opposition radicale
au
rapport de mon collègue M. Blœtzer qui se fait le chantre de
la pensée unique dominante. La rhétorique employée, la
vision proposée portent la marque de l'offensive libérale. Son
rapport propage l'idée qu'il existe des contraintes inflexibles en
matière économique et sociale, contraintes
présentées comme s'il s'agissait de phénomènes
naturels, de phénomènes météorologiques, comme si
la volonté politique, la volonté des hommes, était
effacée : c'est ainsi que l'on crée le fossé qui se
creuse aujourd'hui entre la responsabilité des élus et du citoyen.
" Le rapport nous offre le tour de force qui consiste à
présenter les reculs sociaux comme des réformes positives. Ces
pseudo-réformes correspondent, en fait, à de vrais reculs
sociaux, il ne faut pas s'y tromper. Elles touchent tous les domaines : la
santé, les retraites, l'enseignement, les salaires. Nous sommes
invités à traiter des questions de culture, des questions
sociales et de santé sous le seul angle de leur financement.
L'Etat-providence devrait en somme disparaître et il faudrait privatiser
et commercialiser les biens collectifs et les services publics. On peut
même lire que le salaire minimum est une gêne pour l'emploi !
Allez donc expliquer à ceux qui ont 3.000 FF par mois pour vivre
qu'ils gagnent trop aujourd'hui ! Moi, je ne le ferai pas, je ne peux le
faire !
" L'aspect moral de ma responsabilité me l'interdit totalement. Les
salaires conventionnels qui garantissent pourtant la stabilité de la
demande intérieure sont condamnés. L'austérité est
érigée en vertu. Je rappelle ici que l'objet de toute
réforme sociale est d'ouvrir des possibilités
d'intégration sociale, et non d'exclusion ! Toute réforme
sociale doit accorder la priorité à la dignité humaine
plutôt qu'à l'utilité financière des individus. La
logique de rentabilité n'est pas plus importante que la recherche de
l'équilibre interne de la société.
" Le chantage exercé sur les salariés européens en
exploitant la misère du monde ne légitime pas une politique
sociale.
" Sur ces questions essentielles, il ne peut donc y avoir de
consensus. Je
sais que notre Assemblée parlementaire fonctionne sur la base du
consensus et nous pouvons l'instaurer quand il s'agit des principes
démocratiques constitutionnels, des institutions et des droits de
l'homme. En revanche, à propos du contenu économique et social,
se creuse un véritable fossé entre certaines conceptions qui
existent dans cette Assemblée. Le mieux est de le dire, de le soutenir
et d'en débattre.
" C'est ainsi que nous rendrons service à la démocratie
parce que, derrière tout cela, c'est bien son avenir qui est en jeu. En
évoquant dans ces rapports les dangers sociaux, vous fracassez les
principes d'égalité et de solidarité. Or la
démocratie requiert un équilibre entre liberté,
égalité et solidarité, ce qui n'est pas, me semble-t-il,
contenu dans le projet de recommandation de notre collègue
M. Blœtzer ".
M. Michel HUNAULT, député (RPR)
,
a pris la parole
à son tour en ces termes :
" Madame le Président, Mesdames et Messieurs les
Députés, je tiens en premier lieu à féliciter M.
Blœtzer pour la qualité de son rapport sur "le chômage en
Europe : causes et remèdes", un fléau qui touche aujourd'hui
l'ensemble de nos pays.
" Je le remercie d'avoir fait état dans ce rapport de la
proposition de recommandation sur l'emploi des jeunes que j'ai
présenté en mai 96 et je souhaite développer les
propositions contenues dans cette recommandation.
" Il me paraît important de dissocier le chômage en
général et l'emploi des jeunes en particulier. Ce dernier est
spécifique et de son évolution dans les prochaines années,
dépendra le dynamisme économique et l'avenir de nos pays donc de
l'Europe face aux autres continents.
" Le chômage est le plus important problème économique
auquel sont confrontés nos pays européens. Faut-il rappeler que
plus de 20 millions de nos compatriotes sont touchés ?
" Depuis 1973, il a connu une augmentation progressive et aucun Etat
n'est
parvenu à réduire fortement le chômage ou à le
maintenir à un faible niveau sur une longue période exception
faite du Luxembourg.
" Le chômage des jeunes a suivi hélas la même courbe.
" Dans tous les Etats membres le chômage frappe les jeunes bien plus
que leurs aînés à l'exception de l'Allemagne.
" Depuis le choc pétrolier de 1973, clôturant deux
décennies marquées par une croissance économique
élevée et relativement constante en Europe, le taux de
chômage n'a cessé de croître. Chacun s'accorde sur le fait
que le chômage est le plus important problème économique de
l'Europe.
" Mais aujourd'hui, près d'un jeune sur cinq de moins de vingt cinq
ans est au chômage. Un taux deux fois supérieur à celui des
adultes.
" Devenu un véritable sujet au centre des débats
internationaux, comme dernièrement au sommet du G7 sur l'Emploi, le
chômage des jeunes trouve principalement ses causes dans les faiblesses
des formations et leurs inadéquations au marché du travail.
" Ainsi l'évolution du chômage des jeunes est
caractéristique de cette dernière décennie, tant d'un
point de vue quantitatif -21 % des jeunes de moins de 25 ans touchés par
le chômage- que qualitatif par le développement de la
précarité du travail.
" Il est à souligner que cette généralisation du
chômage des jeunes a entraîné le recul de la proportion des
jeunes de moins de 25 ans dans la population active. Elle est tombée de
20 % en 1985 à 15 % en 1992 dans les pays européens.
" Nous devons d'autant plus y faire attention et trouver rapidement le
moyen de combattre de fléau que ce phénomène
s'installe ".
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
, prend la parole en ces
termes
:
"
Monsieur le Président, chers collègues, le scepticisme
des opinions publiques existe aussi bien en Europe de l'ouest où se
mettent en place de sévères politiques budgétaires, qu'en
Europe centrale et orientale, où s'ajoutent les traumatismes dus
à la transition parfois brutale vers l'économie de marché.
" Les Européens ont le sentiment que nous allons vers la monnaie
unique et vers l'application du traité de Maastricht à marche
forcée, alors que l'objectif prioritaire devrait être la
création de richesses et donc de salaires, capable de résorber le
chômage et de réduire l'exclusion.
" Les insuffisances de l'Europe communautaire dans le domaine social,
la
priorité absolue qu'elle donne à la monnaie unique, l'aggravation
du chômage dans toute l'Europe (20 millions dans les pays de l'Union
européenne, 35 millions dans la zone OCDE) ont pour conséquences
un désenchantement des opinions publiques à l'égard de la
construction européenne et un accroissement du malaise social.
" Si la libre concurrence et le marché sont de nature à
promouvoir les droits de l'homme et la démocratie pluraliste, qu'en
est-il des garanties que les citoyens attendent des Etats dans le domaine de la
protection sociale, de l'accès aux services publics, de la lutte contre
le chômage et la fracture sociale ?
" Il est urgent aujourd'hui de remettre l'homme au cœur du
projet
européen, de donner à la construction européenne une
finalité humaine et sociale et non pas seulement économique et
monétaire. "La grandeur d'un métier, c'est aussi d'unir les
hommes" dit St Exupéry.
" Comment expliquer que l'Union européenne ne parvienne pas
à mettre en œuvre le programme de grands travaux toujours en panne
et qui serait pourtant susceptible de relancer l'emploi dans plusieurs
régions de l'Europe ?
" Nos réflexions sont bien entendu liées au processus de
mondialisation de l'économie, à ses nouvelles technologies qui
détruisent plus d'emplois qualifiés qu'elles ne créent
d'emplois plus spécialisés, qui nécessitent d'ailleurs une
formation accrue. Il est donc essentiel de privilégier la formation, des
jeunes en particulier.
" Nous devons en particulier privilégier l'aide aux petites et
moyennes entreprises qui contribuent à créer un tissu
économique propice à l'emploi et qui s'avèrent capables
d'accéder aux plus hautes performances pour peu qu'on leur en donne les
moyens.
" Je me réjouis que notre Commission des questions
économiques organise fin novembre à Budapest un colloque sur les
P.M.E., appliqué notamment à l'Europe centrale et orientale.
" Le débat sur la politique sociale et sur le chômage est au
cœur de la discussion sur le modèle de société
européen, car la perte d'emploi a de dramatiques conséquences sur
les comportements individuels, sans parler de la crise de l'adhésion aux
différentes institutions que nous ressentons tous.
" Le modèle social européen proposé par le
Président Chirac alors que s'ouvrait la Conférence
intergouvernementale de l'Union européenne, repose essentiellement sur
trois piliers : en premier lieu, il convient de rappeler que des
systèmes de protection sociale sont très enracinés dans la
culture européenne. L'Europe n'est pas l'Amérique et, à
l'Ouest comme à l'Est du continent, le sentiment dominant est que l'Etat
doit garantir les citoyens des aléas de l'existence et leur assurer
notamment un revenu garanti après la retraite.
" Entre l'ultra-libéralisme et l'étatisation à
outrance, une nouvelle voie doit être recherchée. Pour Guy Sorman,
l'Amérique privilégie la croissance et le travail, l'Europe
plutôt le confort et un discours égalitaire.
" En second lieu, nous devons maintenir la notion de l'égal
accès de tous aux services publics, qu'il s'agisse des transports, des
télécommunications, de l'éducation ou de la santé.
La notion de "service d'intérêt général" est
proposée par la Commission européenne et vise les entreprises
publiques privatisées. Elle ne doit pas aboutir à exclure des
services essentiels les plus défavorisés.
" Enfin, la priorité doit être donnée à
l'emploi des jeunes et je saisis cette occasion pour apporter mon appui
à la proposition de recommandation présentée par notre
collègue Michel Hunault.
" Par ailleurs, il est indispensable que se développe le dialogue
social européen. Le Conseil de l'Europe doit apporter sa contribution
grâce au dispositif conventionnel dont il dispose déjà. Le
Conseil de l'Europe devrait mettre en chantier un code de conduite des
relations sociales et du travail adapté au nouveau contexte
économique et social.
" Le Conseil de l'Europe n'est pas dénué de moyens. Je
rappelle à ce sujet l'importance que nous attachons au Fonds de
développement social. Nous devons encourager ce Fonds à
accroître encore ses actions, en particulier dans les pays d'Europe
centrale et orientale et dans le cadre de l'aide à la reconstruction en
Ex-Yougoslavie ; il est cependant indispensable que les Etats membres du
Fonds libèrent une part plus grande du capital souscrit, afin d'en
renforcer la base de fonctionnement.
" Je rappellerai en conclusion que si notre civilisation et les
valeurs
qui la sous-tendent ne devaient pas s'imposer comme la motivation
première de toutes nos actions économiques et financières,
c'en serait fait, je le crains, de l'idéal européen fondé
avant tout sur la suprématie de l'homme. "
La recommandation n° 1304
contenue dans le rapport 7634
sur
l'avenir de la politique Sociale
est adoptée
,
amendée
à l'issue d'un long délai.
Prenant la parole contre un amendement proposant, comme incitation à la
création d'emplois, d'"assouplir la réglementation du
travail",
M. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.)
, formule les
observations suivantes :
" La souplesse dont il est ici question s'applique toujours aux
mêmes, c'est-à-dire aux travailleurs, aux plus modestes. Les
efforts sont toujours demandés aux mêmes catégories !
" Il n'est donc pas question d'accepter une remise en cause de la
législation du travail qui engendrerait prétendument des emplois.
Nous avons tous assisté dans nos pays respectifs à des demandes
de ce type. En France, par exemple, a été réclamée
et accordée l'autorisation administrative de licenciement. Au lieu de
créer 400.000 ou 500.000 emplois, on a enregistré, en fait,
500.000 chômeurs de plus. Ce n'est pas en portant atteinte à
la législation sociale du travail que se réglera le
problème du chômage ! "
A la suite de cette intervention, l'amendement est rejeté par
l'Assemblée.
La résolution n° 1098 contenue dans le rapport
7620 sur le
chômage en Europe
est adoptée, amendée.
6. La situation humanitaire des personnes déplacées en Géorgie - Intervention de M. Jean SEITLINGER, député (UDF) (Mardi 24 septembre)
L'auteur du rapport s'est rendu cette année en
Géorgie pour examiner la situation des personnes déplacées
qui ont fui les conflits d'Ossétie du Sud en 1991-1992 et d'Abkhazie en
1992-1993. Il a constaté qu'en dépit des accords, bien peu de ces
personnes avaient pu rentrer chez elles.
Il appelle, dans son rapport, à plus d'aide humanitaire, et invite le
Conseil de l'Europe à contribuer davantage à l'élaboration
d'une législation sur les réfugiés. L'auteur engage
instamment la Géorgie à adhérer à la Convention de
Genève de 1951 sur les réfugiés, et appelle de ses voeux,
une fois encore, la création d'une institution unique de l'ONU
consacrée au Caucase. Il demande aux autorités
indépendantistes abkhazes de permettre aux personnes
déplacées de rentrer chez elles et de ne pas entraver les
activités des organismes à vocation humanitaire. Il lance enfin
un appel à la Russie pour que celle-ci intervienne de tout son poids en
faveur d'un règlement négocié entre les parties.
Ce rapport fait suite aux travaux précédents sur les personnes
déplacées en Arménie et en Azerbaïdjan.
Dans le débat sur ce rapport,
M. Jean SEITLINGER
,
député (UDF), a pris la parole en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, je connais
l'engagement ardent de David Atkinson en faveur des
réfugiés, et notamment de ceux de Géorgie. Depuis que nous
avons décidé, le 28 mai dernier, d'accorder le statut
d'invité spécial à la Géorgie, nous avons des
devoirs réciproques. L'Etat géorgien doit respecter ses
engagements, mais nous devons démontrer notre solidarité et
accorder notre concours à ce nouveau membre. Car le problème
clé, le problème prioritaire auquel ce pays doit faire face,
c'est le fardeau des 300.000 réfugiés.
" Du temps de l'Union Soviétique, la Géorgie était
l'une des républiques les plus riches, un pays de grande culture, le
berceau de l'industrie cinématographique. Depuis plusieurs
années, depuis 1993, ce pays est aux prises avec un problème
insoluble, à savoir, la perte du huitième de son territoire et
l'accueil de 300.000 réfugiés.
" Nous devons lui apporter notre soutien, car ce problème a
été trop longtemps occulté, alors qu'il est, sinon
identique, du moins similaire à celui de l'ancienne Yougoslavie. Il
s'agit d'un génocide, d'une "purification ethnique", et nous devons
exiger le droit au retour des réfugiés, un droit qui, pour
l'instant, n'est nullement garanti. Que ce soit avec la Russie, avec la
Communauté des Etats indépendants ou avec les Nations Unies, les
négociations se sont jusqu'à présent soldées par un
échec.
" Une conférence régionale s'est tenue à
Genève au mois de mai dernier. Dans le cadre de la
Communauté des Etats indépendants, elle a adopté un
catalogue de vœux pieux, qui n'a été suivi pour l'instant
d'aucune réalisation. Certes, la Communauté des Etats
indépendants doit intervenir, mais nous savons que celle-ci ne peut rien
sans son principal organisateur, la Russie. C'est la raison pour laquelle nous
devons demander à la Russie de peser de tout son poids, afin que les
réfugiés puissent retourner en Abkhasie.
"Nous devons également dénoncer l'initiative des autorités
Abkhases d'organiser, au mois de novembre, des élections
législatives. C'est dire que non seulement elles ne reconnaissent pas
les décisions de la CEI qui veut isoler, politiquement et
économiquement, l'Abkhasie, mais qu'elles poursuivent dans la voie
séparatiste pour mettre en place un nouveau Gouvernement.
" Le Président Chewarnadze a récemment dit devant
l'Assemblée de son pays qu'il souhaitait que les institutions
européennes soient plus actives dans cette région. Eh bien,
l'occasion nous est offerte de clairement affirmer que nous sommes au
côté du Gouvernement géorgien afin que les
réfugiés puissent retourner en Abkhasie ".
La recommandation n° 1305 contenue dans le rapport 7629 est
adoptée à l'unanimité.
7. L'exploitation sexuelle des enfants - Interventions de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), et Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Mercredi 25 septembre)
Le rapporteur présente son travail en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, pendant
l'été, un iceberg d'atrocités envers les enfants a
émergé. Il est apparu, lors de la conférence de Stockholm,
que des centaines de milliers d'enfants sont à l'abandon et s'adonnent
à la prostitution, dès l'âge de sept ans. Il paraît
que l'Europe de l'Est est devenue le supermarché des pédophiles.
Mais il ne faut pas se leurrer ; l'exploitation sexuelle des enfants
n'est pas uniquement le fait du tourisme sexuel, elle est due également
à la " clientèle locale " !
" Je signalerai à mes collègues ici présents qu'il
s'agit d'un débat d'urgence dans lequel il est impossible d'inclure
toutes les données nécessaires. De ce fait, il est un
début et non une fin. Il faudra revenir sur le sujet après avoir
réalisé une étude comparative de nos législations
et des dispositifs sociaux en la matière, afin de pouvoir tirer des
lignes directrices en vue de l'établissement d'une législation
harmonisée, à tout le moins dans les pays membres de
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Il serait
évidemment souhaitable que cette harmonisation dépasse les
limites géographiques du Conseil de l'Europe, car le
phénomène n'est évidemment pas seulement européen
mais mondial.
" N'oublions pas que ce phénomène est lié à
l'expansion du Sida et que les médias ont un rôle important
à jouer en ce domaine.
" Je tiens à signaler que le fait que la Convention des Nations
Unies de 1989 ait été, depuis, signée par 188 pays, ne
signifie pas qu'elle soit appliquée dans tous les Etats qui l'ont
ratifiée. La mise en oeuvre de cette Convention exige, en effet, la mise
à disposition de moyens budgétaires considérables.
Malgré la ratification, les pays ne sont pas toujours d'accord pour
mettre à disposition les fonds nécessaires pour la totale
application de la convention.
" Je me permettrai aussi de rappeler que la résolution
n° 1286, adoptée par l'Assemblée, l'année
dernière, demandait au Conseil des ministres l'institution d'une
structure permanente à composition pluridisciplinaire habilitée
à traiter toutes les questions relatives aux enfants.
" Si besoin était, ce dont je doute, la preuve est faite que cette
structure s'impose. Celle-ci pourra aussi s'occuper, de façon plus
précise, du phénomène de l'exploitation sexuelle.
" Il va de soi que tous les pays du Conseil de l'Europe devraient
s'engager à mettre en oeuvre la plate-forme d'action
dégagée à Stockholm avant d'envisager les nouvelles
démarches qui s'imposent.
" Mes chers collègues, le rapport qui vous est
présenté pourrait se résumer en trois
mots-clés : premièrement, information et prévention
; deuxièmement, extension ou amélioration de la
coopération policière et judiciaire ; troisièmement,
diversification ou accroissement de l'arsenal répressif.
" La résolution invite le Conseil des ministres à
élaborer -c'est une demande ancienne, non suivie d'effet depuis 1990- un
protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de
l'Homme sur les droits des enfants, afin qu'ils soient appliqués aux
enfants qui en sont justiciables. Tant que les droits des enfants restent
théoriques et ne peuvent être défendus en justice, ils
risquent de rester lettre morte. Il faut lutter contre ce fait et, donc, pour
ce protocole additionnel.
" La résolution invite également les Etats membres à
soutenir l'élaboration d'une convention européenne ou
internationale ou d'un protocole sur les droits des enfants ayant trait plus
spécialement aux divers phénomènes d'exploitation sexuelle.
" Autre fait : quelques-uns des Etats membres du Conseil de
l'Europe
n'ont pas encore signé et ratifié la Convention des Nations Unies
ou la Convention européenne d'application des droits des enfants. Il
serait grand temps que ces pays, qui n'ont pas encore fait leur devoir à
domicile, le fassent dans un proche avenir.
" Quant à la prévention et à l'information, la
résolution demande l'institution d'une structure appropriée pour
informer, conseiller les enfants et intervenir, le cas échéant,
en leur nom, y compris le droit d'ester en justice pour eux. Le système
visé est celui d'un médiateur spécial pour les enfants, de
préférence une personne isolée. En raison de
considérations de quelques collègues de la Commission des
questions juridiques et des droits de l'homme, ce système précis
a été retiré pour donner toute latitude aux
différents pays membres pour prévoir une autre structure
dotée des mêmes missions.
" La formation et l'information des professionnels en contact
journalier
avec les enfants s'imposent alors que souvent, les policiers, les magistrats et
les avocats ne sont pas formés ou équipés pour recevoir
plus spécialement les enfants. Ce ne sont, en effet, pas des
" clients " comme tout le monde. Une formation spécifique
s'impose qui, elle aussi, a été demandée dans la
recommandation de l'année dernière. Là encore, il serait
important de suivre son exécution.
" En deuxième lieu, vient la coopération policière et
judiciaire. Elle est essentielle et il a déjà été
question dans la presse d'étendre les missions d'Europol à
l'exploitation sexuelle des enfants. Il est impérieux de dresser un
fichier informatique européen, et même de préférence
mondial, sur les pédophiles afin que ce qui se passe à l'heure
actuelle quant à la récidive cesse.
" Il n'est pas normal en effet que des personnes condamnées pour
fait de proxénétisme pédophile ou autre aspect de
l'exploitation sexuelle des enfants puissent être, dans un autre pays,
considérées comme des délinquants primaires et ainsi
échapper à la circonstance aggravante de la récidive.
C'est une pratique désormais absolument inadmissible.
" Quant à l'arsenal répressif, il existe dans de nombreux
pays du Conseil de l'Europe mais dans tous, il essaie de dégager des
principes communs et parmi ces principes, j'estime que
l'extra-territorialité est le plus important ;
l'extra-territorialité des poursuites et des condamnations pour crimes
et délits sexuels commis à l'étranger permettra de
poursuivre chez nous, par exemple dans les pays d'Europe, des faits qui se sont
passés sur un autre continent.
" Reste à régler le problème de l'instruction de ce
genre d'affaires. Il ne faut pas oublier, dans ce domaine, de mettre en place
les dispositions spéciales concernant la protection des témoins.
" Deuxième principe important : l'interdiction de
décriminaliser les crimes contre les enfants, ce qui permettrait de
réduire les pénalités et de qualifier autrement des faits
pénaux à établir.
" Troisième principe : étendre le délai de
prescription est impérieux afin de permettre, pendant plus longtemps, de
poursuivre des faits qui se sont passés dans la jeunesse de certaines
personnes. En tout état de cause, il faut prolonger ce délai
pendant un minimum de cinq ans au-delà de la majorité.
" Les médias aussi sont particulièrement interpellés.
Il faut qu'ils aident l'opinion publique à prendre conscience du
phénomène, contribuant ainsi à la lutte contre
l'exploitation sexuelle des enfants. La pornographie sur Internet est un autre
phénomène marginal dont il faudra s'occuper ainsi que celui des
agences de voyage "spécialisées". Des campagnes dissuasives
contre les clients des agences ainsi que des sanctions pénales et
administratives contre ces agences, telle que par exemple le retrait du permis
d'exploitation, sont des mesures envisageables qu'il faut essayer de mettre en
pratique de préférence de façon concertée.
" Tels sont, Monsieur le Président, mes chers collègues, les
points essentiels de la résolution. Je prierai tous ceux qui restent sur
leur faim sur un point ou sur un autre de se rappeler que ce n'est qu'un
début et non une fin. Nous reviendrons peut-être avec un rapport
plus élaboré et plus précis après
l'établissement d'un questionnaire et avec les réponses de nos
Gouvernements respectifs, afin de progresser dans ce domaine qui est urgent et
d'une importance capitale. "
Puis, le rapporteur pour avis de la Commission des questions sociales, de la
santé et de la famille, dit qu'il est essentiel de ne pas laisser
retomber l'élan donné par la Conférence de Stockholm,
à laquelle il a assisté en sa qualité de membre de la
Commission et au cours de laquelle il a pu entendre le Secrétaire
général prononcer un discours impressionnant.
Après avoir rendu hommage au Gouvernement suédois, le rapporteur
pour avis rappelle que le Conseil de l'Europe a été l'une des
premières organisations internationales à s'intéresser au
bien-être des enfants, adoptant en 1987 la recommandation 1065 relative
à la traite et à d'autres formes d'exploitation des enfants, en
1990, la recommandation 1121 et, au début de 1996, la recommandation
1286. Sans aucun doute, le rapport présenté par Mme Err marquera
une étape supplémentaire importante dans la protection de
l'enfance et la Commission des questions sociales, de la santé et de la
famille l'appuie absolument. Elle juge particulièrement importants les
paragraphes 7 à 10 du projet de résolution, et elle incite
vivement les Etats membres à suivre les recommandations contenues au
paragraphe 12, dans lequel il leur est demandé de renforcer les mesures
répressives et d'adopter sans tarder une législation relative
à l'exploitation sexuelle des enfants.
Les ressortissants des pays membres du Conseil de l'Europe qui se livreraient
à des crimes et délits de cette sorte sur d'autres continents
doivent savoir qu'ils seront poursuivis dans leur propre pays. Quant aux
agences de voyage visées au paragraphe 13, qui organisent sciemment le
tourisme sexuel, elles doivent s'attendre à des retraits de licence et
à des amendes. Inutile de soutenir que rien ne peut être fait,
puisque l'Australie a démontré le contraire.
Nul ne saurait non plus se contenter de pousser des cris d'orfraie en
prétendant que cela n'arrive qu'ailleurs, car ces pratiques honteuses
sont universelles. Tous les parlementaires doivent donc travailler ensemble
pour garantir une meilleure protection des mineurs et inciter leurs
Gouvernements à renforcer leur coopération à cette fin.
Tous ceux qui ont des enfants ou des petits-enfants devraient bien consacrer
quelques minutes, quand ils les tiennent dans leurs bras, à ces enfants
d'autres pays, victimes d'abus abominables. Tout le monde est concerné,
personne ne peut se dérober à sa responsabilité en
refusant la réalité.
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
, prend la parole en ces
termes :
" Enfin ! Notre Assemblée débat enfin de ce
problème grave qui se pose, ne nous le cachons pas, dans tous les Etats
du Conseil de l'Europe, comme dans tous les pays du monde.
" Je regrette seulement que nous tenions enfin ce débat sous
l'urgence d'événements dramatiques.
" Dois-je rappeler, mes chers collègues, que nous avons
consacré des heures et des heures depuis des années et des
années à satisfaire les revendications de différents
lobbies irresponsables.
" Dois-je rappeler le "livre blanc" sur la jeunesse
marginalisée,
qui nous était soumis en juin dernier (en annexe d'un rapport) et qui
préconisait le démantèlement de toutes les règles
de la vie familiale ?. Dois-je souligner que ce "livre blanc" a
été demandé à une personnalité qui n'a
d'autre qualité, semble-t-il, que celle de Président de
"l'Organisation internationale de la jeunesse gay et lesbienne" ?
Cette
personnalité "particulièrement qualifiée" n'a-t-elle pas
été recrutée comme agent de la Direction de la jeunesse de
notre Organisation ?
" Les responsables, si l'on ose dire, de ce recrutement, sont-ils
conscients des risques pour les jeunes qui participent aux activités du
Conseil de l'Europe, et des risques pour notre Organisation d'un
éventuel scandale ? Si j'évoque cette dérive, mes
chers collègues, c'est pour vous rendre attentifs au climat dans lequel
se développent les crimes contre les enfants.
" Quand ceux qui sont chargés d'édicter la loi semblent
adopter le slogan : "il est interdit d'interdire", comment
s'étonner que certains pervers passent à l'acte et imposent leurs
dérèglements aux enfants et aux adolescents ? Je crois qu'il
est grand temps de réagir et de redonner à la jeunesse comme aux
adultes des repères clairs.
" A cet égard, je veux bien féliciter Mme Err de son
rapport, mais elle me permettra de trouver son projet de résolution bien
timoré à l'égard des exigences de la protection des
enfants et des adolescents.
" Aussi, j'appuie nettement la proposition de nos collègues MM.
About et López Henares tendant à la définition d'une
limite d'âge en-deçà de laquelle on ne saurait
présumer le consentement d'un enfant à des actes sexuels.
" Entre les dépravés et l'enfant, je choisis d'accorder la
protection de la loi au plus faible, à l'enfant, dont l'équilibre
futur peut être saccagé à jamais par une atteinte à
son intimité.
" De même, est indispensable la constitution d'un fichier non pas au
niveau d'Europol, mais bien dans le cadre de la grande Europe ; nous
devons établir par une convention spécifique du Conseil de
l'Europe un fichier des condamnations définitives permettant la
répression sans faiblesse des criminels récidivistes.
" L'Europe unie ne doit pas être l'espace de la libre circulation
des criminels, mais celui de la protection des enfants et des
adolescents. "
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)
, a présenté sur
le projet de résolution un amendement visant à demander aux
Gouvernements :
" De prévoir dans la législation nationale que toute
relation sexuelle entre une personne majeure et un mineur de moins de quinze
ans fait l'objet d'une présomption irréfragable de violence, sans
possibilité d'alléguer un quelconque consentement du mineur de
moins de quinze ans, et doit donc être qualifiée de délit
ou de crime, selon la gravité des faits. "
M. Nicolas ABOUT
défend cet amendement en ces termes :
" Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, notre jeunesse
violée, vendue, martyrisée, nous implore aujourd'hui. Les
cadavres de nos enfants nous rappellent avec violence que les politiques n'ont
pas su prendre les mesures nécessaires à leur protection. Une
communauté qui ne protège pas ses enfants, qui en abuse ou qui
les laisse se faire massacrer, n'a pas de courage et n'a plus aucune
dignité.
" Notre première mission consiste à arrêter une
barrière claire et incontournable, définissant les limites de
l'enfance. C'est pourquoi, avec mon collègue Lopez Henares, nous
demandons que soit fixée une limite, celle de quinze ans, afin que soit
retenue une présomption irréfragable de violence, sans
possibilité d'alléguer un quelconque consentement du mineur de
moins de quinze ans, et doit donc être qualifiée de délit
ou de crime, selon la gravité des faits.
" Je ne souhaite pas qu'il soit répondu à notre proposition
: "Nous verrons cela plus tard !" Ce que j'ai entendu au
sujet d'une
énième recommandation ! Il y en a déjà eu
trois ! Si nous ne votons pas cet amendement aujourd'hui, nul n'aura plus
le droit d'essuyer les larmes de nos enfants martyrisés pour leur vie
entière ! "
Après le rejet de l'amendement, M. Nicolas ABOUT présente un
nouvel amendement visant, dans le projet de résolution, à
insérer un nouveau paragraphe rédigé comme suit :
" L'Assemblée invite les Etats membres à élaborer
une convention établissant un fichier des condamnations
définitives rendues contre les auteurs de délits ou crimes
sexuels contre les enfants, fichier que seules les juridictions saisies de
faits de cette nature pourraient interroger afin de rechercher si un
inculpé n'a pas déjà commis les mêmes délits
ou crimes dans un autre Etat, et établir ainsi la
récidive. "
Mme FERNÁNDEZ DE LA VEGA, membre de la délégation
espagnole (Soc.)
, s'oppose à cet amendement, qu'elle estime
pénalement inadéquat. Selon elle, fixer à quinze ans
l'âge en dessous duquel on présume qu'un rapport sexuel est un
délit relève de l'ordre moral et non du droit pénal.
Prendre une telle mesure reviendrait à considérer comme un crime
toute relation sexuelle entre jeunes. Pour l'oratrice, le problème de
l'âge n'est pas le critère primordial. Elle considère qu'il
serait plus utile d'établir une norme générale au niveau
de la prostitution des mineurs.
Le rapporteur, Mme ERR (Luxembourg - Soc.)
, prend à son tour la
parole en ces termes :
" Je me rallie aux propos à l'instant développés par
notre collègue Mme Fernánda de la Vega. Il est exact que,
d'un point de vue juridique, nombre d'éléments de cette
proposition ne sont pas corrects, voire sont incohérents. D'autres se
retrouvent dans le texte. Je renvoie l'auteur à l'alinéa 15 sur
la coopération judiciaire, policière et les dispositifs de
l'Europol. Dans le mémorandum, on évoque un fichier, non pas
seulement européen, mais également international, des
pédophiles. Le fait de pouvoir prendre en compte la récidive est
un élément essentiel. Mais le principe de
l'extra-territorialité dans la législation pénale est
évidemment introduit dans le rapport pour s'assurer que la
récidive puisse être appliquée à chaque cas. Un
fichier international figure donc dans le dossier. S'ajoute le protocole
additionnel, qui, par rapport à une convention, est plus fort, puisque
les droits d'un protocole sont justiciables. La récidive étant
assurée par l'extra-territorialité, j'estime que cet amendement
est superfétatoire. "
Après la prise de position de Mme Err, rapporteur,
M. Nicolas
ABOUT
a quitté ostensiblement l'hémicycle en déclarant
: " On protège la pédophilie. Je n'ai rien à
faire ici ! "
L'amendement est alors considéré comme retiré.
Néanmoins, un amendement de délégués belges
tendant, dans le projet de résolution, à insérer un nouvel
alinéa demandant aux Etats membres :
" d'inscrire dans la législation qu'un mineur de moins de 15 ans
ne peut pas donner son consentement à des relations sexuelles avec un
majeur ; "
s'attire à son tour les observations suivantes de
Mme ERR (Soc.)
,
rapporteur :
" Sur ce point, et conformément à ce qui a été
dit sur l'amendement de
M. ABOUT
, la Commission juridique des
droits de l'homme a pris une décision. Elle s'est prononcée
contre. En effet, elle a estimé que l'âge à partir duquel
on est censé donner un consentement valable à des relations
sexuelles est une question de morale et non une question de droit pénal.
Les différences culturelles expliquent aussi qu'il y a des
différences d'un pays à l'autre. Je sais que dans mon pays on a
eu des discussions terribles pour réduire l'âge à 16 ans et
je sais que dans d'autres pays la situation est la même.
" Les préoccupations, je tiens à le dire, sont les
mêmes : protéger les enfants. Mais on ne peut les
protéger forcément sur tous les points par l'intermédiaire
de la loi pénale.
" Je propose de rejeter l'amendement qui nous est soumis. "
Malgré ces observations, l'amendement est adopté sous les
applaudissements, donnant, de fait, après réflexion de
l'Assemblée, satisfaction à l'amendement de
M. Nicolas
ABOUT
.
A l'issue du débat,
la résolution n° 1099 contenue dans
le rapport 7659 est adoptée telle qu'amendée
.
Puis
la directive n° 526 contenue dans le rapport 7663 est
adoptée sans modification
.
8. Le débat élargi sur les activités de l'OCDE en 1995 - Exposé de M. Donald JOHNSTON, Secrétaire général de l'OCDE - Interventions de MM. Bernard SCHREINER, député (RPR), Claude BIRRAUX, député (UDF), Jean VALLEIX, député (RPR), et Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.) (Mercredi 25 septembre)
Le débat élargi de cette année sur l'OCDE
concerne les problèmes auxquels se heurtent de nombreux Etats membres de
l'OCDE - notamment le fort taux de chômage et le nouvel ordre du jour du
commerce à la suite de la création de l'Organisation mondiale du
commerce.
Le rapport montre que la reprise économique tient bon dans certains pays
tels que les Etats-Unis, alors qu'elle se ralentit, parfois
considérablement, dans plusieurs pays d'Europe.
La croissance dans la zone de l'OCDE est descendue à 2 % en 1995,
et elle devrait demeurer à ce niveau en 1996. L'inflation s'est
maintenue à 3,3 % en 1995. Elle devrait descendre à
près de 2,5 % en 1996. C'est toutefois le chômage qui
constitue la principale préoccupation politique, surtout en Europe
continentale.
Après l'adhésion de la République tchèque et de la
Hongrie à l'OCDE, le rapport étudie les perspectives
d'élargissement pour l'avenir. Il traite des relations de l'OCDE avec
les économies dynamiques non membres ainsi qu'avec les pays d'Europe
centrale et orientale et les nouveaux Etats indépendants.
M. Donald JOHNSTON, Secrétaire général de l'OCDE
,
intervient en ces termes :
" Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
anciens collègues, je vous remercie des chaleureux souhaits de bienvenue
que vous venez de m'adresser au moment où je prends la parole pour la
première fois devant cette assemblée en qualité de
Secrétaire général de l'OCDE.
" Bien que le thème de votre débat soit intitulé
"Activités de l'OCDE en 1995", nous nous concentrerons sur l'avenir et
non sur le passé. Je m'en réjouis : ayant pris mes
fonctions le 1er juin dernier, ma contribution aurait forcément
été des plus modestes ! Mais avant de vous faire part de ma
conception de l'avenir de l'Organisation et des difficultés
immédiates que l'OCDE et les responsables politiques que vous êtes
doivent affronter, je voudrais vous dire en quoi nous avons des
intérêts communs et, de fait, pourquoi nous devons mettre à
profit nos expériences respectives pour aider les pays membres de l'OCDE
à relever les enjeux socio-économiques à court, moyen et
long termes auxquels nous sommes tous confrontés à l'aube du XXIe
siècle. "
M. Johnston remercie la Présidente d'avoir bien voulu évoquer son
passé de parlementaire et de ministre. Il dit l'honneur ressenti
à servir ses concitoyens en respectant les exigences de la
démocratie.
Les parlementaires sont aussi en première ligne dans ce débat.
Ils doivent présenter à leurs électeurs un message qui
n'est parfois pas conforme à celui qu'ils défendaient au cours de
leur campagne électorale. Ils doivent par exemple promettre la
croissance à long terme au prix de sacrifices immédiats. Alors
qu'ils ont une expertise limitée, ils doivent se familiariser avec tous
les aspects de la politique. En d'autres termes, ils doivent se conformer
à la définition que donnait Keynes du professeur
d'économie : il leur faut combiner les talents du
mathématicien, de l'historien, de l'homme d'Etat et du philosophe
; ils doivent comprendre les symboles tout en s'exprimant simplement,
maîtriser le concret aussi bien que l'abstrait, examiner le
présent à la lumière du passé pour préparer
l'avenir, être à la fois passionnés et
intéressés, incorruptibles comme des artistes et
terre-à-terre comme des hommes politiques. Cette combinaison est
à l'évidence rare et difficile.
L'OCDE pourtant la possède. Certes, elle n'est pas un homme d'Etat, mais
c'est un forum pour les hommes d'Etat. Elle n'est pas un philosophe, mais elle
défend une philosophie. Contrairement aux autres organisations, elle a
une approche mondiale et pluridisciplinaire des problèmes, une vision
à long terme, une vision intégrée. Et c'est en ce sens
qu'elle peut être utile aux parlementaires. Instrument de la recherche
politique, elle doit permettre aux Gouvernements de résoudre les
problèmes qui se posent à eux. Les rencontres avec
l'Assemblée favorisent ainsi une synergie utile.
M. JOHNSTON
déclare encore :
" Avant d'examiner certains de ces enjeux, je voudrais rappeler la
mission
fondamentale de l'OCDE, telle qu'elle est définie dans sa Convention.
Ses membres doivent se consulter et coopérer pour "réaliser la
plus forte expansion possible de leur économie et améliorer le
bien-être économique et social de leurs peuples". C'est ce que
j'appelle le paradigme triangulaire constitué par la croissance
économique, la stabilité sociale et la stabilité
politique, un équilibre harmonieux devant s'instaurer entre ces trois
éléments pour assurer le progrès social. Plus simplement,
l'OCDE a pour rôle d'aider ses membres à maintenir cet
équilibre dans leurs sociétés respectives et à
veiller à l'équilibre du paradigme à l'échelle
mondiale. Etant donné que 1,3 milliard d'individus vit dans les pays en
développement avec moins d'un dollar par jour, le paradigme à
l'échelle de la planète paraît être
sérieusement déséquilibré ! Ce défi
reste le plus important et le plus ardu de tous, mais je voudrais aujourd'hui
me concentrer essentiellement sur la situation des pays de l'OCDE.
" Je pense que nous risquons d'assister à une rupture de
l'équilibre du paradigme, accompagnée d'une réaction de
rejet de l'opinion publique à l'encontre des stratégies
économiques qui ont été adoptées, à
savoir : une politique macro-économique visant à s'attaquer
aux déficits et à assurer la stabilité des prix
grâce à une politique monétaire prudente ; des
réformes structurelles, notamment une réduction du rôle de
l'Etat, la déréglementation et la privatisation ; et une
libéralisation générale des marchés à
l'échelle mondiale. Ces politiques, destinées à
réaliser une croissance économique soutenue, sont
considérées par les sceptiques comme en conflit avec le principe
fondamental essentiel pour l'équilibre du paradigme, à savoir que
toute politique économique conçue pour favoriser la croissance
économique doit comporter des objectifs de politique sociale. Dans la
course effrénée engagée pour corriger les
déséquilibres provoqués dans le passé par
l'intervention gouvernementale excessive prenant la forme de
réglementations, du contrôle par l'Etat d'entreprises
commerciales, de législations du travail restrictives, de
prélèvements obligatoires trop lourds, de marchés
intérieurs protégés et d'autres pratiques qui se sont
conjuguées pour aggraver les déficits budgétaires et
l'endettement public accompagnés d'une progression du chômage et
d'un ralentissement de la croissance, les pouvoirs publics ont adopté
des mesures correctives énergiques conformément aux
recommandations de l'OCDE. Si l'OCDE est convaincue que ces réformes
auront à terme d'importantes retombées économiques
globales positives, cela ne satisfait pas dans l'immédiat un
électorat mécontent comme en témoignent l'agitation
sociale, les grèves et les mauvais indices de popularité ainsi
qu'un manque général de confiance qui se traduit par un
"sentiment de malaise". Il n'est tout simplement pas évident pour les
citoyens ordinaires que ces choix économiques pénibles se
traduiront par des avantages sociaux pour eux-mêmes et leurs familles.
" Que constatons-nous dans les pays membres de l'OCDE aujourd'hui qui
conduise à cette conclusion ? On oppose souvent la situation en
Europe et la situation qui semble s'annoncer sous un jour nettement plus
favorable dans certains autres pays de l'OCDE. Les perspectives à court
terme dans de nombreux pays européens demeurent précaires avec
des perspectives de croissance incertaines et la persistance d'un chômage
élevé. Par contraste, les Etats-Unis connaissent actuellement une
période de prospérité relative : la croissance de la
production et de l'emploi paraît robuste, le chômage se situe
à un bas niveau, il n'y a pas de signe de tensions inflationnistes et le
déficit budgétaire est en voie de réduction. Dans une
perspective à plus long terme, l'économie américaine a
créé de nombreux emplois et évité le chômage
élevé et en progression constante qui caractérise tant de
marchés du travail européens. Le Japon a lui aussi
évité un niveau de chômage élevé, et les
graves tensions sociales que cela n'aurait pas manqué de provoquer dans
la période actuelle de faible croissance de la production,
essentiellement grâce à une rétention par les entreprises
d'une main-d'oeuvre sous-utilisée.
" Bien entendu, il ne faut pas exagérer ces différences.
D'autre part, un grand nombre de débats sur les politiques à
suivre qui ont lieu actuellement en Europe ont leurs équivalents aux
Etats-Unis et au Japon. A cet égard, je me bornerai à mentionner
rapidement quelques exemples. Dans ces deux derniers pays, des
préoccupations se font jour au sujet de la réforme
budgétaire, des problèmes d'environnement et de la question
primordiale qui est celle des moyens d'accélérer le rythme d'une
croissance durable sur le long terme. La répartition des revenus
constitue un motif de préoccupation particulier aux Etats-Unis. Un
aspect très critiqué du marché du travail américain
a trait à la forte augmentation de l'inégalité des
salaires et des revenus ; les revenus de ceux qui se trouvent au bas de
l'échelle ont en fait diminué en termes réels. Il n'a pas
échappé à l'attention des observateurs que
l'évolution du marché du travail a suivi une tendance analogue au
Royaume-Uni, où le chômage recule et où les
inégalités de salaires et de revenus semblent se creuser.
" La question qui doit retenir notre attention aujourd'hui est celle
de
savoir comment régler les problèmes du chômage, de
l'exclusion sociale et des disparités croissantes de salaires à
la satisfaction d'une opinion publique de plus en plus sceptique dans les pays
membres. En d'autres termes, comment l'OCDE peut-elle contribuer à
rétablir l'équilibre du paradigme ? "
L'orateur souligne que l'organisation sociale varie d'un pays à
l'autre : à l'évidence, les Etats-Unis n'obéissent
pas au modèle européen de l'Etat-providence. Cependant, partout,
on en est à une étape critique de la réforme
économique : les Gouvernements pourront-ils résister
à la pression de plus en plus forte des électorats, pression qui
pourrait remettre en cause une libéralisation des échanges, une
mondialisation dont dépend la croissance, notamment dans les pays en
développement ? L'enjeu est considérable. De même, il
va falloir s'attaquer à la disparité des revenus et des salaires
entre travailleurs non qualifiés et travailleurs hautement
qualifiés. Ces inégalités ne font que s'aggraver pour
l'heure. Enfin, le vieillissement de la population dans les pays de l'OCDE ne
pourra manquer d'influer sur le marché du travail et sur les
systèmes de protection sociale.
Dans beaucoup de pays, certaines forces tendent à revenir en
arrière pour renouer avec le protectionnisme des années 30. On
cherche à réduire les déficits pour se conformer au
traité de Maastricht, mais cette consolidation budgétaire a aussi
l'avantage de réduire l'endettement et le poids de la fiscalité
sur l'économie. Elle permettrait ainsi d'accroître les
investissements et la productivité. L'OCDE a présenté des
propositions pour chacun des pays membres : il s'agit de mesures propres
à améliorer les performances économiques et la
distribution des revenus, mais il s'agit de politiques macro-économiques
ou structurelles à long terme et l'électorat n'est pas toujours
patient. Reste que l'Organisation vise ainsi à aider les Etats à
fixer le cap, à travailler au rétablissement de
l'équilibre entre politiques économiques et politiques sociales,
à redistribuer les bénéfices de la croissance de
façon plus égale.
En conclusion, M. Johnston félicite M. Leers pour son rapport
très complet et, en même temps, très lisible et très
clair.
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
, s'exprime sur ce
thème de la façon suivante :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, au nom du
Groupe des démocrates européens, permettez-moi tout d'abord de
féliciter M. Leers pour son excellent rapport et sa synthèse
très lucide des problèmes économiques auxquels nous devons
faire face.
" Je voudrais également saluer le nouveau Secrétaire
général de l'OCDE, M. Donald Johnston, qui rend visite pour la
première fois au Conseil de l'Europe et à cette Assemblée
élargie. Permettez-moi d'exprimer le souhait, au nom de mon groupe, que,
comme ce fut le cas durant le mandat de votre prédécesseur, M.
Jean-Claude Paye, les relations entre cette Assemblée élargie et
vous-même, Monsieur le Secrétaire général, soient
excellentes et qu'elles s'approfondissent encore dans l'avenir.
" Comme M. le rapporteur l'a fort bien souligné dans son discours
introductif, le monde économique actuel est un nouveau monde. Tout est
à repenser : notre approche du travail et du chômage, du
commerce, de l'émergence de nouvelles puissances économiques dans
le monde, qu'elles soient en Asie du Sud-Est, en Amérique latine ou en
Europe centrale et orientale. Nous, les pays de l'OCDE, nous ne devons pas nous
reposer sur nos lauriers et penser que notre richesse passée est garante
de notre richesse future. Nous devons absolument réformer nos
économies presque aussi profondément que le font les pays en
transition.
" La nouvelle civilisation qui se dessine semble malheureusement se
fonder
de plus en plus sur le profit, privilégiant ce qui est superficiel et
plaçant la consommation au premier rang des valeurs.
" Tout comme le Conseil de l'Europe, l'OCDE doit nous permettre de
clarifier la situation nouvelle dans laquelle nous nous trouvons, de
réunir les pays membres autour d'initiatives et de propositions qui
pourront être soumises à la nouvelle Organisation mondiale du
commerce. Je souscris entièrement à l'avis exprimé par M.
le rapporteur dans le paragraphe 58 de son exposé des motifs dans lequel
il " souhaite ardemment voir le monde entier adopter de nouvelles
normes
de travail aptes à protéger les droits fondamentaux et le
bien-être des travailleurs, en particulier les normes que certains pays
de l'OCDE estiment fondamentales, c'est-à-dire liées aux droits
de l'homme ". Que l'on insiste aussi sur les devoirs des travailleurs
envers la société et que ceux-ci soient précisés
!
" En outre, je me rallie aux délégations canadienne,
mexicaine et à d'autres membres de notre Assemblée élargie
qui se sont déclarées opposées avec vigueur à la
loi récemment adoptée aux Etats-Unis, visant à interdire
le commerce d'autres pays de l'OCDE avec certains pays réputés
" intouchables " par les Etats-Unis, tels que Cuba. La
portée
"extra-territoriale" de cette législation constitue une violation des
droits de nos pays à exercer librement le commerce international.
" Cela est contraire aux principes de l'OMC et d'autres organisations
internationales. J'espère que le moratoire déclaré
récemment par le Président Clinton conduira dans les mois
à venir, à l'annulation de cette législation qui va tout
à fait à l'encontre de ce que nous sommes en droit d'attendre de
nos amis américains.
" Nombreux sont les défis auxquels nous avons à faire face.
" Le dialogue entre le Conseil de l'Europe et l'OCDE prend d'ailleurs
une
tonalité nouvelle dès lors que l'Europe entend sauvegarder son
modèle social.
" Nous pensons, en effet, que les droits sociaux sont parties
intégrantes des droits de l'homme et qu'ils ne doivent pas être
sacrifiés sur l'autel du libre-échangisme. Sans nier le
rôle moteur du profit dans le développement économique, ni
son importance pour assurer le progrès social, il convient
néanmoins de rappeler l'importance des enjeux éthiques auxquels
le Conseil de l'Europe est particulièrement attaché. Cela
concerne notamment le secteur des médias où le profit ne doit pas
occulter les risques que provoquent, par exemple, les excès de la
violence sur la jeunesse.
" Je pense que nous devrions mettre à profit la cinquième
conférence ministérielle sur la politique de communication de
masse, qui aura lieu l'an prochain en Grèce, pour faire avancer les
choses sur cet important sujet.
" Je souhaite également que les échanges entre l'OCDE et le
Conseil de l'Europe soient plus approfondis dans le domaine social. Les
domaines couverts par la Charte sociale du Conseil de l'Europe permettent, sans
aucun doute, de renforcer la coopération entre nos deux institutions.
" Il faudrait de même développer la coopération dans
le secteur de l'emploi, qui nécessite aujourd'hui des réflexions
nouvelles. Dans l'élaboration de ses normes, le Conseil de l'Europe ne
peut que bénéficier de l'apport technique et statistique de
l'OCDE.
" D'une manière générale, l'OCDE a tout
intérêt, me semble-t-il, à se référer aux
normes et aux valeurs du Conseil de l'Europe, notamment à l'égard
des pays d'Europe centrale et orientale, candidats à une meilleure
intégration à l'Europe.
" Telles sont les observations qu'au nom du groupe des démocrates
européens et en mon nom personnel, je souhaitais présenter
à l'occasion de ce débat élargi qui souligne le rôle
de l'Assemblée parlementaire en tant qu'interlocuteur des plus grandes
organisations économiques et financières. "
Puis,
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, prend la
parole en ces termes :
" Permettez-moi tout d'abord de remercier et de féliciter notre
rapporteur, je dirais même nos rapporteurs, le rapporteur de la
Commission d'économie et permettez-moi de rajouter le rapport de
M. Newall, de la Commission de la science et de la technologie, pour la
présentation fort instructive de leurs rapports.
" J'aimerais me limiter à quelques remarques concernant la
politique scientifique et la politique énergétique.
" Il est clair que les pays membres de l'OCDE concentrent l'essentiel
des
moyens humains et matériels de la politique de recherche et
développement menée dans le monde. Je comprends que l'OCDE adapte
les indicateurs à l'économie fondée sur le savoir.
" Premièrement, je pense que dans les processus d'innovations
technologiques, l'irruption des technologies nouvelles a bouleversé les
schémas traditionnels :
- ce sont des technologies finalisant des produits qui répondent aux
besoins de la société et des consommateurs ;
- ce sont des technologies résultant de "l'hybridation" -au sens
physique ou botanique du terme- de technologies existantes et connues.
" Leur importance va croissant, comme leur marché et leur influence
sur le développement économique des nations qui ne sont
peut-être pas encore bien mesurés. D'où la
nécessité d'élaborer de nouveaux indicateurs. D'où
la nécessité d'adaptation souple et rapide du système de
formation et d'éducation.
" Je me permets de rappeler pour mémoire l'excellent rapport de
notre collègue Lenzer adopté par notre Assemblée.
" Deuxièmement, les développements technologiques
bouleversant les données de base des sociétés
traditionnelles. L'interface entre la Science/la Politique et les Citoyens doit
être organisée afin que dans les sociétés que nous
voulons démocratiques, le citoyen soit informé des enjeux, des
conséquences des choix afin que la politique définie par les
Etats soit claire, transparente et motivée. Je sais que l'acceptation du
public est un domaine traditionnel du travail de l'OCDE ; il ne doit pas
être relâché, d'autant que de nouveaux membres arrivent
venant des PECO. Pour certains d'entre eux, cette prise en compte de
l'acceptation du public marque une rupture avec les schémas du
passé. D'autre part, les élus politiques ne sauraient être
des idéologues pures et doivent être à l'écoute des
demandes sociales des citoyens et doivent être en mesure de leur
expliquer la politique qu'ils conduisent.
" Troisièmement, l'adhésion de nouveaux pays, membres de
l'ex-bloc de l'Est, marque les progrès remarquables accomplis par ces
pays dans la réussite de la transition économique. Pour eux se
pose le problème de le réorientation de leur potentiel
scientifique et technologique vers cette économie fondée sur le
savoir.
" Des coopérations bi ou multilatérales se sont
développées. Je vous rappelle le rapport de la Commission de la
science et de la technique adopté par notre Assemblée il y a
quelques mois. Dans la droite ligne de ses conclusions, je me demande si l'OCDE
ne pourrait être, ou créer en son sein, cet observatoire de la
coopération scientifique et technique entre les Pays de l'Ouest et les
PECO. Cette notion d'observatoire a été reprise lors de la
Conférence de Varsovie organisée par la Commission des affaires
économiques de notre Assemblée. C'est une idée
communément admise et si vous me permettez cette comparaison triviale,
je cherche en quelque sorte une "mère porteuse".
" Quatrièmement, dans le domaine énergétique,
permettez-moi de citer comme bon exemple d'échange d'expériences
le séminaire organisé en novembre 1994 à Prague sur
l'information des élus et du public sur le nucléaire.
" La culture de sûreté, et la transparence dont elle est
indissociable, sont les ingrédients incontournables d'une culture
démocratique.
" L'action à entreprendre dans le domaine de l'efficacité
énergétique, de la protection de l'environnement demeure
gigantesque vers les PECO.
" Enfin, il semble que l'OCDE abandonne l'idée de la taxe sur le
CO
2
, comme l'a souligné Lord Newall, alors qu'elle en avait
été l'un des promoteurs, comme si l'effet de serre n'était
qu'une idée passée de mode. Récemment, un groupe d'experts
a relancé un avertissement sur les dangers de réchauffement de la
planète.
" La Conférence de Rio n'était-elle qu'une agréable
kermesse ? La météo de l'été 1996
était-elle déjà connue de l'OCDE en 1995 ou bien d'autres
considérations ont-elles conduit l'Organisation à changer de
discours ?
" En conclusion, je dirai que l'adhésion de nouveaux Etats à
l'OCDE démontre les progrès réalisés par des pays
dans la conduite des réformes économiques. Cette adhésion
ouvre un champ de nouvelles coopérations entre les pays membres.
" Enfin, elle démontre que culture économique et culture
démocratique sont ensemble la réponse à la question de
l'avenir des sociétés post-communistes, comme de nos
sociétés occidentales. "
M. Jean VALLEIX, député
(RPR)
, s'exprime
à son tour en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, cette
année encore, nous voici au rendez-vous de l'économie et du
développement, que nous souhaitons, plus que jamais, associer à
la promotion des droits de l'homme dans son acception la plus large, prenant en
compte le droit au travail et à la protection sociale. Bravo d'ailleurs
aux rapporteurs, tout spécialement à M. Leers, pour leur
prestation !
" Je tiens à saluer, bien entendu, la présence parmi nous du
nouveau Secrétaire général de l'OCDE,
M. Donald Johnston, pour qui je forme, au nom de la
délégation française, des vœux de plein
succès. Sa tâche certes ne sera guère facile dans une
période de profonde mutation qui remet en cause les fondements du
modèle social européen auquel nous sommes, il est vrai, tous
très attachés.
" C'est précisément l'intérêt de ce
débat, Monsieur le Secrétaire général, que d'ouvrir
un dialogue fructueux entre les parlementaires et l'exécutif de l'OCDE.
A cet égard, comme vous le savez, nous avons engagé des dialogues
avec la BERD, et pourquoi pas demain, avec la Commission économique de
l'Europe.
" Ainsi, notre Assemblée du Conseil de l'Europe est-elle
désormais la base parlementaire des institutions intergouvernementales
comme la vôtre.
" Alors que votre prédécesseur, M. Jean-Claude Paye,
avait eu la charge de gérer la période de la fin de la guerre
froide, vous avez à conduire l'OCDE dans l'ère nouvelle qui
s'amorce, aussi bien à l'Ouest confronté à
d'indispensables adaptations qu'entraîne la globalisation des
échanges, qu'à l'Est où doivent être
consolidés les acquis de la période de transition vers
l'économie de marché.
" Il s'agit, en effet, d'une tâche ardue, car la mondialisation de
l'économie, comme l'évoquait l'orateur qui m'a
précédé, présente de sérieux risques pour la
cohésion sociale dans nos pays respectifs. C'est d'ailleurs un
thème que le Président de la République,
M. Jacques Chirac, évoquait récemment au plan
international, ces derniers mois.
" Nous découvrons aujourd'hui que la croissance et l'emploi ne vont
pas toujours de pair. L'excellent rapport de notre collègue
M. Leers apporte une très utile contribution à notre
réflexion. Je lui sais gré d'avoir souligné
l'inquiétude que suscite la persistance du chômage, notamment dans
notre zone OCDE-Europe qui, à elle seule, représente
malheureusement les deux tiers du chômage total de la zone OCDE.
" Ce qui est en jeu aujourd'hui, mes chers collègues, c'est le
maintien de la cohésion sociale et des solidarités essentielles
face à une accélération des échanges et du
progrès des technologies, que nous devons impérativement
maîtriser, mais comment ?
" L'année dernière, j'avais évoqué le
problème du développement des autoroutes de l'information, lequel
demeure malheureusement, me semble-t-il, presque entier et se complique avec le
développement fulgurant d'Internet.
" Si la France a fait valoir "l'exception culturelle", il
faut bien se
rendre compte, mes chers collègues, que cette exception concerne
l'Europe tout entière face à la diffusion d'un modèle
culturel dominant, s'appuyant sur des modes de consommation adaptés
à la nouvelle dimension du marché mondial.
" La question se pose donc de savoir si, dans le domaine culturel,
nous
voulons transformer la planète simplement en un vaste supermarché
qui privilégierait les consommateurs au détriment des citoyens,
en observant d'ailleurs qu'ils sont parfois l'un et l'autre.
" Je pense pour ma part que l'économie doit, avant tout, avoir une
finalité humaine et sociale. Cela a d'ailleurs été dit et
répété, et nous ne pouvons que nous en réjouir. La
France souhaite que la conférence ministérielle de l'OMC qui se
tiendra à Singapour en décembre prochain, se traduise par des
avancées significatives sur ce plan.
" Mes chers collègues, en ce qui concerne l'aide aux pays d'Europe
centrale et orientale, nous ne pouvons que nous réjouir de l'action
conduite par l'OCDE dans le cadre du programme "Partenaires pour la
transition", lequel a certainement aidé à accompagner ces pays
bénéficiant également d'autres appuis. Les
résultats s'avèrent concluants, mais cette évolution
positive des indices macroéconomiques ne doit pas cacher la
disparité entre les différents pays et les
déséquilibres sociaux importants dans chacun d'entre eux,
liés à une transition souvent trop rapide.
" Pour conclure, je voudrais, bien entendu, évoquer les relations
que nous devons veiller à renforcer entre l'Asie et l'Europe. Le sommet
de Bangkok a été une étape décisive dans le
rapprochement entre l'Europe et le continent asiatique.
" Je veux aussi évoquer la situation de l'Afrique qui -je vous
cite, Monsieur le Secrétaire général- "n'encombre" pas
spécialement nos réflexions. Elle pose pourtant des
problèmes à la fois d'équité et de devoir universel
et pourrait présenter demain, des risques si nous n'y prenions pas garde.
" Cela étant, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler
simplement en conclusion que nos actions économiques et
financières n'ont de mérite qu'à condition qu'elles ne se
départissent jamais de l'obligation fondamentale qui est d'abord la
nôtre, pour chacun de nos concitoyens et nos pays en
général -et ce dans cette conception universaliste de l'homme et
de sa dignité- de ne jamais nous égarer dans nos
réflexions économiques et financières sans
privilégier le sens de l'homme. "
Mme Josette DURRIEU, sénateur
(Soc.)
, fait les
observations suivantes :
"
Monsieur le Président, après avoir remercié
notre rapporteur, je reviendrai, moi aussi, sur les problèmes de l'homme
et du travail.
" On peut produire plus en travaillant moins. Cela n'est pas nouveau,
cela
dure depuis l'Antiquité. Mais pour que le développement soit
durable, le "travail libéré" doit être
réorienté vers la création de nouvelles richesses et vers
de plus fortes valeurs ajoutées.
" Le jeu économique simultané doit être un jeu
à somme positive. Cela suppose au moins trois conditions :
l'innovation, l'éducation, et la mobilité.
" Faute d'innovation, les emplois supprimés ne sont pas
remplacés. A quoi serait due aujourd'hui cette absence
d'innovation ? Deux causes peuvent être retenues : des taux
d'intérêt élevés qui font que la spéculation
l'emporte sur la production et des entrepreneurs aujourd'hui devenus d'abord
des gestionnaires qui ont à se préoccuper davantage des risques
et des coûts que de leur mission naturelle, à savoir entreprendre
et innover.
" L'éducation est à la fois la cause et la
conséquence de l'innovation. Plus une économie est
évoluée, plus elle mobilise l'intelligence et crée des
emplois à haute valeur ajoutée. Mais le pari de
l'éducation n'est gagné que si l'économie fournit les
emplois qualifiés, dégage des surplus et engage de nouveaux
progrès. Or aujourd'hui, partout, dans nos pays, beaucoup de jeunes
hautement qualifiés n'ont pas d'emploi ou se déqualifient pour
obtenir un emploi. Ce n'est pas le travail qui est trop cher, c'est
l'économie qui ne joue plus son rôle.
" La mobilité : pour un développement durable dans
l'avenir, il faudra savoir et pouvoir changer d'emploi, voire de métier.
Mais, et vous avez employé ce matin ce mot essentiel, Monsieur le
Secrétaire général, il faudra que la confiance soit
établie. Il faudra donc que nous arrivions à vaincre les peurs
qui règnent.
" Dans ces conditions, j'ai envie de remettre l'homme au
cœur de
l'économie de marché, de ce système dont il est le pivot
et pour lequel nous devons gérer toutes les finalités.
" Cinquante deux millions de pauvres en Europe,
dix huit millions de sans emplois : la froideur des
chiffres étale largement cette détresse.
" Tous les discours se rejoignent à un certain moment, mais le
vôtre, Monsieur le Secrétaire général, s'est
situé à partir de Keynes, entre le mathématicien et le
philosophe, le passé et l'avenir.
" Vous avez insisté sur un élément essentiel qui est
le long terme. Nous, dans l'immédiat, avons à gérer
l'urgence, c'est-à-dire le court terme. Nous sommes tous d'accord pour
donner la priorité à l'emploi. Mais si je parle de plein emploi,
vous me répondrez immédiatement : non, c'est fini !
Est-ce vraiment fini, même pour le long terme ? Je ne veux pas
l'envisager.
" Aujourd'hui, nous gérons et vous gérez le court terme, et
vous dites : "le climat est hostile à l'emploi", et vous vous
prononcez contre la rigidité, les pièges du chômage, de la
pauvreté, de la fiscalité, le poids de la protection sociale. Par
souci d'efficacité immédiate, vous dites :
"dérégulation", "flexibilité", "réduction de la
protection sociale".
" Là, nos philosophies divergent. On pense à deux
philosophies alternatives, peut-être trois : modèle
rhénan, oui, modèle anglo-saxon, non. Une troisième voie
est à peine évoquée dans le rapport. Je ne sais pas
quelles sont les normes minima que l'on nous proposerait, et je veux le savoir,
en me rappelant que Ford disait : "Ce qui est bon pour moi est bon
pour
l'Amérique". Je n'en suis pas sûre. Au même moment, un
prêtre ouvrier français, disait reprenant Lacordaire : "la
liberté opprime, c'est la loi qui libère".
A la suite du débat élargi où se sont exprimés des
délégués de pays membres de l'OCDE comme le Canada,
l'Australie, le Japon, la Nouvelle Zélande ou le Mexique,
la
résolution n° 1100
contenue dans le rapport 7615
est
adoptée
à l'issue du débat, amendée.
9. L'Organisation mondiale du commerce et l'application des accords de l'Uruguay Round - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mercredi 25 septembre)
Les auteurs du rapport se félicitent de la
création de l'Organisation mondiale du commerce et de sa mission, qui
consiste à promouvoir " un système d'échanges
commerciaux ouvert, multilatéral et mondial " qui puisse servir de
" véhicule de paix et de prospérité pour toutes les
nations ".
Ils examinent l'incidence que les accords de l'Uruguay Round, signés
sous les auspices du GATT, auront sur le commerce mondial. Par ailleurs, ils
invitent les Etats membres du Conseil de l'Europe à apporter leur
soutien aux travaux de la réunion ministérielle prévue
à Singapour vers la fin de l'année, dont le but est de consolider
les acquis et de faire progresser les négociations dans de nouveaux
domaines tels que les normes en matière de travail, les droits de
l'homme et la protection de l'environnement.
Le rapport souligne les enjeux auxquels l'OMC se trouve confrontée,
notamment l'accession de grands pays tels que la Russie et la Chine, ou encore
le règlement des différents. Ses auteurs lancent un appel pour
que davantage de travaux soient consacrés aux pays moins avancés
qui ont des problèmes d'endettement et de ressources alimentaires.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, intervient dans le débat
en ces termes
:
" Monsieur le Président, mes chers collègues, venant
après notre discussion annuelle sur les activités de l'OCDE, le
débat sur l'Organisation mondiale du commerce s'avère
particulièrement opportun.
" Débat opportun, en effet, puisque s'ouvrira à Singapour le
9 décembre prochain la première conférence
ministérielle de l'OMC.
" Et il est très souhaitable que la conférence
ministérielle, qui doit se réunir tous les deux ans, soit
véritablement l'organe de supervision de cet ensemble institutionnel et
surtout qu'elle soit en mesure d'en assurer le contrôle politique. Nous
attendons d'elle également qu'elle fasse évoluer progressivement
les règles du commerce international, dans un esprit de concertation et
de partenariat, afin d'éviter la dramatisation et les tensions
auxquelles avait donné lieu dans le passé chaque cycle de
négociation. Le maintien de la pratique du consensus est, me
semble-t-il, de nature à favoriser les compromis positifs.
" L'extension de l'OMC est bien sûr à l'ordre du jour, en
particulier la Chine et la Russie ont d'ores et déjà
présenté leur candidature. Nous y sommes favorables, à
condition que ces pays s'engagent à respecter effectivement les
règles de l'OMC et renoncent à certaines pratiques en
matière d'accès au marché, de propriété
intellectuelle ou d'intervention de l'Etat dans le commerce.
" Tel qu'il a fonctionné jusqu'à présent, l'accord de
Marrakech a entraîné une libéralisation
maîtrisée des échanges internationaux, sans toutefois
entraîner, et nous devons nous en réjouir, le bouleversement des
échanges que certains redoutaient. Globalement, la structure des
échanges, notamment avec l'Asie du Sud-Est, est demeurée stable.
" Il nous faut aujourd'hui aller plus loin et la Conférence de
Singapour nous en donne l'occasion. Je rappelle que cette conférence
sera la première conférence ministérielle de l'OMC et les
décisions qu'elle prendra auront valeur de précédent.
" Nous espérons que la Conférence de Singapour permettra de
consolider durablement le cadre multilatéral de l'OMC tout en apportant
des réponses nouvelles à des préoccupations qui pour nous
sont fondamentales : je veux parler des normes sociales du commerce
international. Il est intolérable, en effet, que se poursuivent
certaines pratiques, en particulier le travail des enfants dans les pays en
développement et à forte croissance.
" Outre la question des normes sociales, il convient d'engager des
discussions sur l'investissement afin de garantir une bonne protection pour nos
investisseurs dans les pays qui émergent et qui ne seront pas parties
à l'Accord multilatéral sur l'investissement.
" Une autre préoccupation est la multiplication des initiatives en
matière de zones de libre-échange, avec les risques que cela
comporte de créer une fragmentation commerciale.
" Quant aux pays d'Europe centrale et orientale, ils doivent
affronter de
redoutables défis liés aux difficultés de la
période de transition. La Conférence sur les progrès des
réformes économiques en Europe centrale et orientale,
initiée à Budapest en 1991, et qui s'est une nouvelle fois tenue
à Varsovie en mai dernier, a permis un utile débat sur la
situation de ces pays et je me réjouis que nous ayons pu
bénéficier à cette occasion du précieux concours de
la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies.
" S'agissant des réductions tarifaires prévues par l'Accord
de Marrakech, il n'y a guère de raison de les accélérer.
" Enfin, nous souhaitons que la Conférence de Singapour puisse
contribuer à clarifier et à coordonner les indispensables normes
environnementales.
" Nous serons très attentifs aux décisions et aux
orientations qui seront prises à Singapour, et, d'ores et
déjà, nous devons nous préparer à la
réflexion sur le suivi qui devra en être donné. "
La résolution n° 1101 contenue dans le rapport 7618
est
adoptée
à la suite d'un débat là encore
élargi à des délégués Australiens, Canadiens
et Mexicains.
10. Le projet de convention sur les droits de l'homme et la biomédecine - Interventions de MM. Christian DANIEL, député (RPR), rapporteur pour avis de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille, Jean VALLEIX, député (RPR), Bernard SCHREINER, député (RPR), Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR) - Amendements de MM. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), Gabriel KASPEREIT, député (RPR), et Michel ALLONCLE, sénateur (RPR) (Jeudi 26 septembre)
L'Assemblée examine, en seconde lecture, le projet de
convention de bioéthique (rebaptisée " Convention sur les
droits de l'homme et la biomédecine ").
La nouvelle rédaction soumise à l'Assemblée respecte la
philosophie des propositions d'amendements formulées
précédemment par l'Assemblée. Selon le rapporteur, une des
préoccupations majeures de l'Assemblée, la question du
" consentement ", et en particulier, la protection des
personnes qui
n'ont pas la capacité de consentir, y trouve une réponse
satisfaisante. Par ailleurs, la nouvelle disposition qui confie à la
Cour européenne des droits de l'homme le soin de l'interprétation
de la Convention constitue une sauvegarde supplémentaire.
De l'avis du rapporteur, ce texte constitue aujourd'hui le meilleur consensus
possible à l'échelle européenne et pourra servir de
modèle pour les législations nationales.
Il estime cependant que l'article 12 (tests génétiques
prédictifs) doit être renforcé pour empêcher la
communication des résultats de ces tests à des fins autres que
médicales.
Le projet d'avis soumis à l'Assemblée propose ainsi au
Comité des ministres d'amender la Convention sur ce point, puis de
l'adopter avant la fin de l'année, sans le renvoyer au Comité
directeur de Bioéthique. Il propose également l'adoption d'un
calendrier pour l'élaboration des protocoles que le Comité des
ministres a chargé le CDBI de préparer (génétique,
transplantation d'organes, recherche médicale et protection de
l'embryon).
L'Assemblée demande que les projets de ces protocoles lui soient soumis
pour avis le moment venu.
Deux autres rapports seront présentés à
l'Assemblée, portant avis sur le nouveau projet de convention :
l'avis présenté par la Commission des questions juridiques et des
droits de l'homme et l'avis présenté par Christian DANIEL,
député (RPR), au nom de la Commission des questions sociales et
de la santé.
Ils proposent d'autres amendements.
Les propositions d'amendement présentées par le rapporteur
concernent la primauté de la dignité et des droits de
l'être humain sur les intérêts de la société
ou de la science (art. 2), l'obligation de toutes les parties contractantes de
se donner les moyens de mettre en oeuvre les dispositions de la Convention
(art. 1), la communication des résultats des tests
génétiques (art. 12), les interventions sur le génome
humain (art. 13), l'interdiction absolue de la création d'embryons
humains aux fins de recherche et de la recherche sur des embryons humains
vivants (art. 18), et la garantie pour l'Assemblée de participer
à la rédaction d'amendements à la convention ou des
protocoles.
L'avis présenté par Christian DANIEL est favorable au projet de
convention qui est tout à fait dans la ligne de la législation
française.
M. Christian DANIEL, député (RPR), rapporteur pour avis de la
Commission des questions sociales, de la santé et de la famille
,
fait les observations suivantes en présentant son rapport
écrit :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, nous sommes
pleinement conscients que dans les vingt dernières années,
les progrès de la médecine ont été prodigieux. En
effet, la vie peut désormais être donnée en dehors du
processus naturel, notamment au travers de la procréation naturelle
assistée ; la vie peut désormais être secourue au
moyen de transplantations de tissus et d'organes ; la vie peut être
modifiée avec les thérapies géniques.
" Ces avancées de la médecine ont déjà conduit
de nombreux Parlements de nos Etats membres à fonder et à
inscrire ces progrès en raison et en droit.
" A son tour et parallèlement, le Conseil de l'Europe s'est
légitimement saisi de ce dossier. Il l'a fait après une longue
réflexion et avec persévérance. Je tiens d'ailleurs
à saluer notre collègue Palacios qui a porté ce
dossier pendant de longues années. Grâce au bon héritage
qu'il a reçu, M. Plattner peut aujourd'hui nous présenter
une convention-cadre qui n'est certes pas un aboutissement, mais qui permettra
au Conseil de l'Europe d'adopter une convention qui pourra être
déclinée dans nos différents Etats membres.
" Je tiens à féliciter M. Plattner, rapporteur de la
Commission de la science et de la technologie pour l'excellent travail qu'il a
effectué depuis ces derniers mois en comparant le nouveau texte de
projet de convention avec l'ancien texte, à la lumière des
propositions d'amendements déjà faites par l'Assemblée
parlementaire, notamment dans son avis du 2 février 1995.
" Le tableau comparatif contenu dans son avis facilite la lecture du
texte
et permet de vérifier que le texte modifié répond en
grande partie aux préoccupations de l'Assemblée.
" Je partage le souci du rapporteur de voir réintroduire -car il
était là précédemment- l'article sur la
communication des résultats des tests prédictifs des maladies
génétiques, ainsi que l'amendement qui a été
proposé et dont nous avons encore discuté, ce matin, en
Commission.
" Je le répète, cette convention-cadre n'est pas un
aboutissement. Elle comporte encore assurément de nombreux points
d'interrogation, dont un point qui est crucial à nos yeux, le point
relatif aux problèmes des embryons. La discussion sur les embryons ne
doit pas se limiter à la recherche. Se pose bien aujourd'hui le
problème du statut de l'embryon.
" A ce sujet, dans des Etats membres de notre Assemblée, des
décisions récentes ou des discussions législatives peuvent
éclairer notre débat. La décision du Gouvernement
britannique d'ordonner la destruction d'embryons a suscité une
polémique et ranimé la discussion en France. La loi
française de 1994 sur la bioéthique n'a pas apporté non
plus de solution.
" S'agissant du statut des embryons, je livrerai aujourd'hui deux
informations au Conseil de l'Europe. En décembre prochain, vous l'avez
dit, Monsieur Plattner, se déroulera à Strasbourg un symposium
placé sous l'autorité du Conseil de l'Europe, dont l'ordre du
jour comportera la nature et le statut de l'embryon, ce qui ouvrira à
nouveau des perspectives pour les années futures.
" Parallèlement, le Comité directeur pour la biotechnique,
dont nous pouvons saluer également le rôle de partenaire, est bien
chargé par le Comité des ministres d'élaborer un protocole
sur la protection de l'embryon et du tissu. En effet, aujourd'hui,
l'article 18 se limite simplement à empêcher la constitution
d'embryons humains aux fins de recherche.
" En conclusion, mes chers collègues, cette convention-cadre sur
les droits de l'homme et la biomédecine est très attendue de nos
concitoyens. De nombreux sondages l'attestent. Elle permettra de renforcer la
confiance des personnes et des familles dans leur médecin et dans les
progrès de la médecine. En votant favorablement cette
convention-cadre, vous manifesterez également votre confiance dans les
progrès de la médecine et des médecins. "
Dans le débat qui suit,
M. Jean VALLEIX, député
(RPR)
, prend la parole en ces termes :
" Je me réjouis, comme nombre d'entre vous, de l'élaboration
par le Conseil de l'Europe d'une convention posant les règles
fondamentales du développement de la biomédecine. Notre
organisation est là tout à fait dans son rôle, nous
l'évoquions hier et avant-hier et je parlais alors de vocation.
" Notre rôle, notre vocation, notre mission consistent à
définir un socle de valeurs permettant à notre idéal
humaniste commun d'inspirer, demain comme hier, les adaptations de la
législation au développement des sciences. Cette
fidélité à notre idéal humaniste est
particulièrement de rigueur quand il s'agit d'encadrer les sciences qui
touchent à la vie humaine.
" Nous sommes tous stupéfaits et souvent émerveillés
par les possibilités que nous offre les progrès de la
médecine moderne, mais nous devons être d'autant plus exigeants
quant aux orientations de ces progrès. Il ne s'agit pas de laisser libre
cours aux tentations futuristes et aventuristes. Il s'agit au contraire de
subordonner les acquis de la médecine moderne au bien de l'homme et, en
particulier, au respect dû aux plus vulnérables, et je pense aux
personnes juridiquement qualifiées d'"incapables". Je pense
également aux embryons dont nous savons désormais obtenir la
conception
in vitro
. Cela vient d'être rappelé à
l'instant.
" Si j'ai tenu, mes chers collègues, à rappeler dans quel
esprit nous devons, me semble-t-il, élaborer une convention pour toute
l'Europe, c'est parce que je me demande si le texte qui nous est soumis par le
Comité des ministres est bien à la hauteur des enjeux. En effet,
je ne partage pas, et je le regrette, ce qui est exprimé dans le
paragraphe 4 du projet d'avis. On nous invite, en effet, à
déclarer que "l'Assemblée considère que le nouveau projet
est un texte cohérent et équilibré".
" Les corrections apportées vont heureusement tout à fait
dans le bon sens. Je me bornerai donc à relever les nouvelles
dispositions relatives à l'expérimentation sur les embryons. Je
constate qu'elles paraissent en retrait par rapport à celles dont nous
avions délibéré en février 1995.
" Notre rapporteur -et je félicite d'ailleurs tous les rapporteurs
pour cette réflexion, certes, difficile mais nécessaire et qui
s'oriente dans le bon sens- qualifie les embryons de
morituri
sur
lesquels la recherche serait permise sans autre restriction que celle d'une
"protection adéquate" laissée à l'appréciation de
chaque loi nationale !
" Encore une fois, je suis au courant de l'évolution des travaux de
la Commission et si je trouve indigne de notre Assemblée d'avaliser une
formule parfaitement vide, sans aucune portée normative dans un domaine
où précisément un encadrement est nécessaire,
j'espère que nous pourrons, en fin de journée, constater que
l'évolution va dans le bon sens.
" Sans doute nous dit-on que les Etats qui veulent aller plus loin
pourront s'engager dans un protocole plus protecteur des embryons. Soit, mais
alors, qu'est-ce qu'une convention censée définir un socle
minimum de règles qui ne serait qu'un alignement pseudo-juridique sur
les faits ?
" C'est pourquoi, mes chers collègues, je ne pourrai pas apporter
mon suffrage à un projet d'avis valant accord avec une convention qui
éluderait une exigence de protection essentielle. Au surplus, je pense
que ce serait un mauvais signal que nous donnerions là aux Etats
européens qui ne se sont pas encore dotés de législation
en la matière, surtout aux Etats extra-européens qui nous
verront, à juste titre, infidèles aux valeurs humanistes qui ont
fait la force de la civilisation européenne. Nous devons donner un
signal, mais un bon signal.
" Au travers des précisions de ce matin, nous allons, en effet,
dans le bon sens, mais je subordonnerai mon vote à la prise en compte de
plusieurs des observations ainsi faites, en particulier de notre
collègue M. Daniel, au nom de la Commission des questions sociales,
de la santé et de la famille, et à l'adoption des amendements
qui, comme ceux de notre collègue M. About, bien entendu, mais
d'autres également, visent notamment à rétablir dans le
texte de la convention l'interdiction de recherche sur les embryons, la
protection des personnes dites incapables, c'est-à-dire des plus faibles.
" Je souhaite, mes chers collègues, que nous puissions voter sur un
texte qui marque un choix responsable et pas simplement une sorte d'abandon
à la situation du moment. Il s'agit, mes chers collègues
-n'est-il pas vrai ?- de notre conception de la dignité de
l'homme. "
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
, intervient
à son tour de la façon suivante :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, on nous appelle
pour la seconde fois à donner un avis sur le projet de convention
relatif à la biomédecine. Je voudrais féliciter nos
rapporteurs pour le travail approfondi auquel ils se sont livrés, sur un
texte particulièrement complexe.
" De même, je pense que nous devrions exprimer au Comité des
ministres notre satisfaction d'être à nouveau consultés,
comme nous l'avions demandé lors de notre première
délibération en février 1995.
" Cependant, le texte qui nous est à nouveau soumis me paraît
encore perfectible, et je souhaiterais pour ma part, qu'il y ait encore un
échange entre le Comité des ministres et notre Assemblée
avant que ne soit arrêté le texte définitif de la
convention.
" Le texte que l'on nous demande d'approuver aujourd'hui n'a-t-il pas
pour
titre : "Convention pour la protection des droits de l'homme et de la
dignité de l'être humain à l'égard des applications
de la biologie et de la médecine" ? Or, sommes-nous bien sûrs
que le texte actuel répond à cet intitulé ambitieux ?
En particulier, assure-t-il la protection des droits de l'homme et la
dignité de l'être humain ?
" Je pense pour ma part, malheureusement, que cette protection est
encore
bien insuffisante dans le projet actuel de convention.
" Je dirai même que le compromis qui nous est soumis, est, sur
certains points, en retrait par rapport au projet qui nous avait
été présenté initialement en
février 1995.
" Le rapporteur nous avertit que ce texte "représente le
degré optimum de consensus européen qui soit possible à
l'heure actuelle". Certains pensent sans doute que mieux vaut ce consensus
minimum que pas de convention du tout. A mon sens, en cette matière qui
met en jeu des positions de principe, ce choix n'est pas acceptable.
" Je prendrai l'exemple de la recherche expérimentale sur les
embryons.
" Le rapporteur, dans son exposé des motifs, nous indique que "ce
sujet a donné lieu, en plusieurs occasions, à un débat
passionné au sein de l'Assemblée" et il nous présente
l'autorisation d'utilisation pour la recherche comme ne devant pas
"susciter
d'objections" ; le rapporteur précise même que "cette
position est
éthiquement correcte
et prend aussi en
considération la situation de fait dans plusieurs pays".
" On nous propose donc rien de moins que d'aligner le droit sur le
fait,
c'est-à-dire de modeler la convention qui devrait fixer des
règles minimales sur l'anarchie qui règne en cette matière
sensible dans certains Etats dépourvus de toute réglementation.
" Je ne peux non plus souscrire au dispositif qui prétend encadrer
"les expériences menées sur les mineurs ou d'autres sujets
incapables".
" Je participe activement, en tant qu'élu, à la gestion
d'établissements hébergeant de telles personnes, notamment des
malades mentaux. Je demande donc que la convention, selon son titre même,
leur assure une protection réellement compatible avec "la dignité
de l'être humain".
" Peut-on accepter, comme le suggère le paragraphe 22 de
l'exposé des motifs, que des expériences soient menées
"sur des mineurs ou des sujets incapables" atteints "de
myopathie infantile ou
de certains troubles mentaux", sous la seule condition de l'autorisation de
leurs représentants légaux et d'un éventuel
bénéfice pour "les progrès dans la lutte contre certaines
maladies" ? Selon la formulation de ce commentaire, il s'agirait d'un
bénéfice scientifique général, sans égard
pour l'intérêt particulier de ces pauvres sujets
d'expérience.
" Aussi, comme nombre de mes collègues, je ne peux approuver le
projet d'avis qui avalise un texte aussi peu protecteur des plus faibles. Je
souhaite vivement que soient adoptés les amendements que nous proposent
MM. Schwimmer, Daniel, About et nos différents collègues,
soucieux, comme moi, de renforcer la protection des personnes et, avant tout,
des plus vulnérables.
" C'est à cette seule condition que je pourrai souscrire à
un avis amendé. "
M. Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR)
, intervient
à son tour en ces termes :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, Rabelais, qui
était médecin, ne l'oublions pas, et aussi un grand humaniste, a
dit :
"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme"
.
Cette maxime est évidemment d'autant plus vraie aujourd'hui que le
développement des sciences, et de la médecine en particulier,
nous ouvre des perspectives vertigineuses.
" S'il n'est pas question de modeler uniformément les consciences
qui régissent le progrès scientifique, en revanche, il est
essentiel de fixer des règles minimales communes. C'est essentiel pour
éviter un détestable tourisme vers les pays les "moins-disants"
en matière d'éthique.
" Si, par hypothèse, un pays tolérait n'importe quelle
pratique en matière de greffes, d'assistance à la
procréation, voire d'expérimentation sur l'embryon, la tentation
serait forte de voir se diriger ce que je n'ose appeler une clientèle
vers ces offres sans concurrence.
" Si le dumping social est déjà critiquable, que dire d'un
dumping éthique ? Ce serait odieux.
" Aussi, je voudrais insister, mes chers collègues, sur la
responsabilité qui est la nôtre. Nous devons fixer les
règles minimales de la biomédecine à un niveau d'exigence
conforme à l'idéal que partagent nos pays depuis deux
millénaires.
" Il me semble que nous ne saurions nous contenter du projet d'avis
que
notre rapporteur nous propose d'adopter.
" En effet, notre rapporteur lui-même ne nous indique-t-il pas
que :
"une fois adoptée, la Convention servira de
référence universelle et incitera plusieurs Etats à
atteindre et dépasser les normes qui y sont contenues"
. Je ne
pourrai considérer que cette Convention peut constituer une
référence universelle que si notre avis comporte bien les
amendements déposés par notre collègue, M. Schwimmer,
au nom de la Commission des questions juridiques et des Droits de l'Homme,
ainsi que les amendements déposés par nos collègues,
Mme Terborg et M. Haack, nos collègues About, Kaspereit et
Alloncle, et enfin M. Figel et ses co-signataires.
" Mon vote final dépendra donc de l'adoption de ces amendements au
projet d'avis et je souhaite par conséquent que notre Assemblée
soit reconsultée sur le texte finalement arrêté par le
Comité des ministres.
" Sans doute cette procédure itérative paraîtra-t-elle
un peu longue, mais on ne met pas en chantier une convention sur la
bioéthique tous les deux ans et si ce texte doit, en effet, servir de
"référence universelle", il convient d'en peser soigneusement
tous les termes. "
M. Nicolas ABOUT
,
sénateur (Ap. RI)
, prend la parole dans
la discussion des amendements pour s'opposer à une proposition de
prohibition totale de recherche ou d'essai thérapeutique concernant une
personne juridiquement incapable :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, c'est en ma
qualité de médecin et de parlementaire que je m'exprime. Cet
amendement me révolte ! C'est l'opposé de la liberté
consentie à une personne dans l'incapacité de donner son
consentement. Il me paraît absolument scandaleux que l'on puisse refuser
une chance à un malade. Il appartient bien entendu à ceux qui en
sont responsables de s'assurer que la chance est réelle. C'est ce que
nous examinerons dans l'amendement suivant.
" Mais comment oserions-nous, nous, politiques, considérer que
quelqu'un qui ne peut exprimer son consentement n'a pas les mêmes droits
que les autres, c'est-à-dire le droit d'améliorer sa santé
et de voir sa situation
-
souvent extrême
-
évoluer ? Il s'agit de gens qui ne peuvent exprimer leur
consentement : peut-être y a-t-il coma ? D'autres personnes que
les handicapés sont concernées. Comment voulez-vous interdire
à ces individus d'avoir accès au meilleur de la recherche,
éventuellement aux meilleures thérapeutiques ?
" Le médecin et le parlementaire que je suis vous demande de
refuser cet amendement ".
Le rapporteur de la Commission ayant déclaré partager l'avis de
M. Nicolas About, la proposition d'interdiction est rejetée par
l'Assemblée.
Puis, l'Assemblée débat de l'amendement, présenté
par MM. Nicolas About et Michel Alloncle, qui vise à préciser que
ces recherches et essais concernant des personnes incapables doivent comporter
un bénéfice réel et direct pour la santé.
M. Nicolas ABOUT
défend l'amendement déposé avec
M. Michel ALLONCLE, sénateur (RPR),
en ces termes :
" Même si je suis favorable à la recherche, je ne suis pas
innocent et le texte de la convention me donne satisfaction parce que je compte
sur la responsabilité de chacun. Mais après discussion avec
l'association UNAPEI, j'ai déposé l'amendement pour que le
bénéfice soit "réel" et "direct" pour la santé. En
tant que médecin j'ai eu à manipuler beaucoup de
médicaments, j'ai eu à pratiquer un certain nombre
d'interventions chirurgicales, et je sais les abus. Je souhaite donc que la
mention de "réel" soit adjointe au mot "bénéfice" afin de
rassurer les familles de ces personnes dans l'impossibilité d'exprimer
leur consentement ".
M. ROSETA
, Président de la Commission, déclare
alors :
" C'est avec beaucoup de satisfaction que la Commission a approuvé
à l'unanimité cette proposition d'amendement de M. About qui
renforce ce qui était dans le projet et le renforce très bien. Je
vous demande d'adopter aussi cet amendement. "
A la suite de ces observations, l'amendement est adopté à
l'unanimité.
M. Nicolas ABOUT
prend à nouveau la parole, cette fois pour
marquer des réserves à l'égard d'un amendement qui part
d'un bon sentiment mais il institue une limitation dangereuse, en prohibant
toute recherche sur l'embryon :
" Bien sûr la constitution d'embryons humains aux fins de recherche
doit être interdite, c'est évident, j'approuve. Par contre, je ne
peux pas approuver, ou alors je nie ma vie de médecin et la vie de
beaucoup de chercheurs que la recherche sur des embryons humains vivants soit
interdite. C'est stupide, si l'embryon lui-même peut en tirer
bénéfice ? Là encore, pourquoi laisser se
développer un embryon dans des conditions déplorables si l'on
peut intervenir et si une recherche ou une vérification peut permettre
d'intervenir à son profit. C'est maintenant très souvent fait sur
le fœtus. Cela sera fait demain sur l'embryon dans l'intérêt
du fœtus, puis de l'enfant
-
parce qu'à ces
stades-là, ça ne veut rien dire puisque tout est continu.
" Je vous demande de refuser cet amendement, non pas pour me donner la
satisfaction de proposer le mien, mais parce que je crois que la
rédaction que nous avons proposée avec M. Kaspereit
correspond à l'esprit de l'amendement que nous discutons répond
peut-être mieux aux exigences de notre temps ".
De fait, l'amendement prohibant de façon générale et
absolue toute recherche sur l'embryon est rejeté par l'Assemblée.
L'Assemblée débat alors de l'amendement déposé
conjointement par
MM. Nicolas ABOUT, sénateur (RI),
et
Gabriel KASPEREIT, député (RPR)
, visant, dans le projet
d'avis à insérer un nouvel alinéa rédigé
comme suit :
" amender le projet de convention en rédigeant ainsi
l'article 18 - recherche sur les embryons in vitro :
-
la recherche sur les embryons in vitro n'est admise que dans
l'intérêt de leur développement. Elle peut toutefois porter
sur le diagnostic des maladies les plus graves ;
-
la constitution d'embryons humains aux fins de recherche est
interdite."
M. Nicolas ABOUT
, pour soutenir cet amendement a fait les observations
suivantes :
" Mon amendement reprend partiellement un amendement de
M. Schwimmer,
puisqu'il indique que "la constitution d'embryons humains aux fins de
recherche
est interdite". Nous sommes entièrement d'accord sur ce point.
" J'ajoute simplement que "la recherche sur les embryons
in vitro
n'est admise que dans l'intérêt de leur
développement", c'est-à-dire pour aboutir à la
maturité, à l'évolution normale de l'embryon vers le
fœtus et vers l'enfant
-
et non pas, bien entendu, vers tout
autre
développement.
" Naturellement, cette recherche doit porter sur le diagnostic des
maladies les plus graves, faute de quoi elle n'aurait aucune raison
d'être. "
Recueillant l'avis favorable de la Commission, l'amendement est adopté
par l'Assemblée.
MM. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) et Michel ALLONCLE,
sénateur (RPR)
, ayant déposé un amendement afin, dans
le projet d'avis, d'ajouter un nouvel alinéa visant à encadrer
les recherches et essais intéressant des mineurs en disposant que :
" L'autorisation prévue aux paragraphes 2 et 3 de
l'article 6 a été donnée spécifiquement et par
écrit, selon la loi et en accord avec l'autorité judiciaire
chargée de la protection de l'enfance. "
M. Nicolas ABOUT
, pour soutenir cet amendement, a formulé les
observations suivantes :
" Il nous est apparu particulièrement dangereux de laisser à
l'autorité la possibilité d'intervenir pour des
prélèvements d'organes sur quelqu'un ne pouvant donner son
consentement, en particulier s'il s'agit d'un membre de la famille.
" C'est pourquoi nous proposons, pour protéger cette personne et ne
pas la soumettre au risque d'un conflit d'intérêts,
c'est-à-dire, par exemple, aux mains d'un parent qui, ayant à
choisir entre un enfant souffrant d'un mal pouvant être soigné par
une transplantation, pourrait être tenté d'autoriser ce
prélèvement sur l'autre enfant. Il faut donc transférer
cette autorité et indiquer que "l'autorisation prévue (...) doit
être donnée, spécifiquement et par écrit, selon la
loi et en accord avec l'autorité judiciaire chargée de la
protection de l'enfance. "
Le Président de la Commission ayant déclaré :
" C'est encore un amendement que nous avons adopté à une
très large majorité et qui enrichit grandement le
texte ! "
L'amendement est adopté à l'unanimité par
l'Assemblée.
Au terme du débat,
l'avis n° 198 contenu dans le rapport 7622
est adopté, amendé
.
11. La situation au Proche-Orient : le processus de paix israélo-palestinien - Intervention de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Jeudi 26 septembre)
Selon le rapporteur, l'échange de jeunes,
l'organisation de séminaires sur les drois de l'homme et la
démocratie, la formation de juges et d'avocats, ainsi que l'assistance
en matière de législation et de démocratie locale sont
autant de contributions que le Conseil de l'Europe peut apporter pour
l'évolution du processus de paix israélo-palestinien.
Constatant que les conflits dans la région du Proche-Orient
représentent une menace pour la stabilité et la
sécurité en Europe, l'Assemblée réaffirme son
soutien au processus de paix dans cette région. Elle s'engage à
poursuivre ses efforts pour y instaurer un climat de confiance, à
procéder à des contacts avec le peuple et les
représentants palestiniens. Elle décide enfin de soutenir la
politique du Gouvernement israélien tendant à renforcer les liens
avec l'Europe.
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)
, intervient en ces termes
:
" Monsieur le Président, mes chers collègues, nous savons
tous que le processus de paix au Proche-Orient est dans l'impasse depuis la
victoire électorale du Likoud. Certaines décisions prises par le
Gouvernement israélien, comme la poursuite des colonisations dans les
territoires occupés, compromettent les chances de mener à terme
l'application de l'Accord d'Oslo.
" Qu'Israël soit attachée à la sécurité
de ses citoyens, cela est légitime, au regard en particulier des
souffrances que les terroristes leur ont infligées cette année.
Cependant cet impératif de sécurité intérieure ne
doit pas servir de prétexte pour remettre en cause le processus
d'indépendance des territoires palestiniens que le Likoud a toujours
combattu.
" Le Premier ministre israélien doit pourtant prendre conscience
des conséquences de son attitude. Elle fait le jeu des radicaux hostiles
à Israël dans les pays arabes et fragilise la position politique
des leaders qui ont œuvré pour la paix, je veux parler de
Yasser Arafat, du Président Moubarak, véritablement
attaché à l'équilibre dans cette région, et du
roi Hussein de Jordanie. Cinq ans après la guerre du golfe, il
aura réussi là où Saddam Hussein avait
échoué : la reconstitution de l'unité du monde arabe
contre Israël.
" M. Nétanyaou répète sans cesse qu'il ne peut y
avoir de paix sans sécurité. Je pense pour ma part, qu'il n'y
aura pas de sécurité sans paix au Proche-Orient.
" En maintenant son pays dans un environnement régional sous
tension, il ne peut prétendre offrir un avenir serein aux
générations futures. Après les événements
d'aujourd'hui, il nous a été dit qu'une rencontre
Arafat/Nétanyaou est imminente. Tant mieux ! Espérons
qu'elle fera renaître l'espoir.
" Cependant, n'oublions pas le rôle des Etats-Unis qui ont
parrainé l'Accord d'Oslo et qui, de ce fait, portent une lourde
responsabilité. Souvenons-nous qu'ils ont écarté
volontairement les européens du processus de paix au Proche-Orient. Ils
se retrouvent désormais seuls à assumer cette lourde tâche.
Au moment où ce processus bat de l'aile, il est urgent que Washington
remplisse sa fonction de parrain, garant de l'Accord d'Oslo, car les
Américains sont les seuls à pouvoir exercer des pressions,
notamment financières, sur le Gouvernement israélien.
" Si la paix au Proche-Orient ne devait pas aboutir, cet échec
incomberait également, et peut-être principalement, à la
Maison-Blanche. Il faut donc se tourner aujourd'hui vers les observateurs
américains afin de les inciter à rappeler au
Président Clinton ses responsabilités et l'implication de
son pays au Proche-Orient, région en quête d'une légitime
stabilité politique, seule voie menant au développement
économique.
" Je remercie M. le rapporteur de son travail. En effet, le
Conseil
de l'Europe a un rôle à jouer même si d'autres ne souhaitent
pas le lui voir jouer. Les événements d'aujourd'hui, beaucoup
l'on rappelé, vont certainement vous imposer d'intégrer de
nouvelles données dans votre rapport. Croyez, Monsieur le rapporteur,
qu'appréciant votre travail, vous pourrez toujours compter sur mon
soutien. "
La demande de renvoi en Commission du projet de résolution contenu
dans le rapport 7636 est adoptée.
12. Les migrations des régions en voie de développement vers les pays européens industrialisés - Interventions de MM. Charles EHRMANN, député (UDF), Bernard SCHREINER, député (RPR), et Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Vendredi 27 septembre)
Selon le rapporteur, les mouvements migratoires des pays en
développement vers les pays industrialisés d'Europe ont eu
tendance à s'intensifier ces dernières années, ce qui a eu
certaines conséquences négatives à la fois pour les pays
d'origine et pour les pays d'accueil.
Le rapport propose une série de mesures pour freiner les mouvements
migratoires et parer aux effets du séjour illégal d'un nombre
croissant d'immigrés et de l'exclusion de certains groupes de migrants.
Ces mesures sont destinées à dissuader les migrants potentiels
d'émigrer. Elles comprennent notamment la mise en place d'une politique
européenne globale de migration prévoyant la surveillance des
axes migratoires, des conflits ethniques et des violations des droits de
l'homme, une action directe sur les processus migratoires par une politique de
développement économique bien ciblée, axée sur des
projets, et une responsabilité commune pour la solution des
problèmes régionaux.
Le rapporteur demande également aux Etats membres de prendre des mesures
pour améliorer les conditions de vie des migrants dans les pays
d'accueil et aborder les problèmes posés par la présence
durable des migrants clandestins.
Dans ce débat,
M. Charles EHRMANN, député (UDF)
,
prend la parole en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, des paroles et
des écrits récents laissent penser que l'on ignore la position de
la grande majorité des Français sur les problèmes des
migrations. Je voudrais l'exposer devant les représentants des
trente-neuf Etats du Conseil de l'Europe au nom de la
délégation française.
" Nous reconnaissons qu'il n'y a pas de race française : on
dit qu'en remontant trois générations, quinze millions
de Français ont un étrangers dans leurs aïeux. Parfois
même, ils étaient très nombreux : Nice en 1911 en
avait 45 %, mais ces hommes et des femmes étaient, même s'ils
étaient incroyants, de civilisation judéo-chrétienne.
" Si la France est laïque, depuis la séparation de l'Eglise et
de l'Etat en 1904, elle n'oublie pas ses origines et a donné naissance,
grâce à ses écoles, à son genre de vie, à un
peuple français qui a le sens de l'homme, de ses droits, de ses devoirs
à l'égard de son prochain et qui fait la distinction entre Dieu
et César, c'est-à-dire entre la religion et l'Etat.
" Elle n'oublie pas ce que ces migrants lui ont apporté sur les
plans démographique, économique, intellectuel, mais elle est
heureuse de voir qu'ils sont tous, comme le dit la chanson, devenus
"d'excellents Français", prouvant par là même le pouvoir
d'assimilation de la France.
" Mais le défi devient actuellement presque impossible à
relever : n'entre-t-il pas légalement en France chaque année
plus de 100 à 120 000 étrangers extra-Européens,
dont 60 % d'Africains !
" Depuis quelques décennies, de nouveaux migrants venus d'Asie, des
Balkans mais surtout d'Afrique du Nord et d'Afrique centrale se prêtent
mal et refusent parfois l'intégration ; ils sont souvent
groupés dans des banlieues sans vouloir ou pouvoir travailler et vivent
avec leurs nombreux enfants, des secours de l'Etat providence ;
quatre millions sont musulmans et représentent la deuxième
religion française.
" D'autres, mourant de faim chez eux, croient trouver en France
l'Eldorado
et ils passent clandestinement la frontière, conduits par des passeurs
très bien organisés, et travaillent parfois au noir. Certains
volent, vendent de la drogue ; 80 % des dealers à Nice sont
des Tunisiens ; les prisons des Alpes-Maritimes sont remplies à
50 % d'étranger, alors qu'ils ne sont que 7 % de la population.
" La présence de quatre millions d'étrangers et de
500 000 à un million de clandestins crée dans la population
-surtout là où ils sont nombreux, le Midi de la France par
exemple, un sentiment d'hostilité. Les Gouvernements français,
surtout modérés, prennent sous la pression de l'opinion, des
mesures de plus en plus dures, mais pas assez efficaces encore, par manque de
moyens et de coordination. Le renvoi ne dépasse pas 30 % des
clandestins.
" Cependant, depuis le 1
er
janvier 1996, grâce
aux efforts du Gouvernement, les départs ont beaucoup augmenté et
les entrées ont diminué, les clandestins étant
prévenus de cette nouvelle façon d'agir.
" De plus, la lutte contre le travail clandestin, visant à la fois
les employeurs et les travailleurs, s'est beaucoup intensifiée.
" Sera-ce suffisant ? En effet, le drame est de penser que
l'Afrique
du Nord, du Maroc au Liban, a doublé sa population en trente ans et
atteint aujourd'hui 200 millions. Qu'en sera-t-il dans trois
décennies ?
" Aussi, l'Europe industrialisée a-t-elle le devoir d'aider, vous
venez de le dire, au développement rapide de l'économie surtout
rurale de ces pays, à l'affranchissement social de la femme, en leur
consacrant davantage de crédits. La France donne déjà
0,45 % de son produit national brut, soit près de 40 milliards
de francs, beaucoup plus que les Etats-Unis -sinon l'Europe succombera sous le
flot des immigrants comme Rome a disparu sous les attaques des Barbares en
476 après J.C.
" Notre politique est d'intégrer et d'assimiler les quatre millions
d'étrangers qui vivent légitimement sur notre sol, en leur
rappelant qu'ils ont des droits, mais aussi des devoirs ; de renvoyer les
clandestins ; d'aider les pays en voie de développement, afin que
leurs peuples restent chez eux.
" La délégation française votera contre le rapport de
la Commission sur les migrations, qui ne tient pas assez compte du fait que la
France est un Etat laïque, que la République est une et indivisible
et que sa politique à l'égard des migrants relève de sa
seule souveraineté. "
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
, s'exprime à son
tour de la façon suivante :
" D'emblée, je vous dirai que ce rapport sur un thème
particulièrement sensible pour la plupart de nos pays me laisse perplexe.
" Les formulations sont si floues que chacun peut y mettre ce que bon
lui
semble. Ainsi, nous recommanderions au Comité des ministres, je
cite : "d'étudier des mesures propres à empêcher ou
réduire les migrations illégales". Nous lui recommanderions
également, je cite toujours : "d'étudier les
problèmes que posent les présences durables des migrants
clandestins dans les Etats membres".
" De même, nous inviterions les Etats membres "à envisager
des accords qui permettraient de laisser entrer un
certain
nombre de
migrants pour des séjours de courte durée, et cela
dans des
conditions bien définies,
non autrement
précisées ; ou encore "à prendre
des mesures
appropriées
visant à modérer les mouvements
migratoires".
" Exhortations excellentes ! Mais sans contenu réel...
" L'exposé des motifs, s'il n'est guère plus précis,
développe une vision iréniste, et malheureusement
irréaliste, de l'immigration vers l'Europe.
" Peut-on sérieusement inférer de la suppression des visas
à l'égard de la Pologne et d'autres pays d'Europe centrale, qui
n'a en effet pas suscité d'afflux de migrants vers les Etats de l'Europe
de l'Ouest, pour décider une généralisation de la libre
circulation du Sud vers le Nord ?
" Pourtant, le rapport ne propose rien de moins. Que dire également
de l'invitation à élaborer des politiques d'hébergement
des immigrés clandestins ? Les Etats ne sont-ils pas fondés
à appliquer leur loi sur les conditions d'entrée et de
séjour et doivent-ils, non seulement avaliser les entrées
frauduleuses, mais encore dégager des subventions pour offrir des
logements ?
" Quelle puissante incitation à migrer vers des pays qui, non
seulement supprimeraient tout contrôle, mais fourniraient logement et
aides diverses à tout arrivant, régulier ou non.
" Mais il est une proposition que je voudrais combattre fermement. Le
rapport nous présente en effet l'ethnisation progressive de nos
sociétés, sous l'effet de l'immigration récente non
européenne comme une contribution positive, notamment, je cite :
"pour vaincre les conceptions nationalistes désuètes de
l'homogénéité culturelle".
" Dans cette logique, le rapport dénigre l'ancienne "théorie
prévalente de l'assimilation" au profit, je cite : d'un
"processus
de socialisation autonome" à l'intérieur de communautés
d'immigrés organisées sur une base ethnique, politique et
culturelle.
" Je le dis tout net : je suis scandalisé que dans la Maison
des droits de l'homme, on prononce l'éloge de l'ethnisation progressive
des sociétés qui s'oppose directement au principe
d'universalité des droits de l'homme.
" J'ai lu et relu le rapport. Je n'y ai pas trouvé un mot en faveur
des droits des femmes. Comment ne pas voir pourtant que là est le point
essentiel et fondamental ? Le rapporteur constate l'échec des
programmes démographiques. Pourtant, la Conférence du Caire,
comme la Conférence de Pékin ont montré que si un
malthusianisme indiscret échoue toujours, en revanche, il y a une
corrélation indiscutable entre l'éducation des filles et la
taille des familles. Vous savez comme moi que les prévisions de l'ONU
font entrevoir un Nigeria de 300 millions d'habitants. Le Mali et le
Sénégal, d'où viennent la plupart des immigrés
clandestins en France, connaissent des taux d'accroissement annuel de plus de
3 % de leur population.
" Face à cet immense problème, nous pouvons répondre
de deux façons : soit nier les difficultés et entonner un
hymne irresponsable à une "polyethnicité" chatoyante. Il faut
savoir alors que la conséquence sera très directement l'explosion
de la xénophobie et de l'extrémisme dans nos pays qui ne peuvent,
comme l'a dit un grand penseur du socialisme en France "accueillir toute la
misère du monde".
" L'autre réponse s'appuie sur la diffusion sans complexe de
l'idéal des droits de l'homme, c'est-à-dire de la promotion
individuelle et d'abord de la promotion des femmes. Cette promotion, je la
souhaite tant au bénéfice des immigrés dans nos propres
pays que des populations poussées à l'exil par la misère.
" Dans nos pays, l'ethnisation préférée à
l'homogénéité culturelle, c'est-à-dire -ne nous le
cachons pas- à l'égalité des droits, est une
régression scandaleuse. Voulez-vous permettre l'excision, le mariage
forcé, la claustration, la stigmatisation vestimentaire, et en
général l'inégalité des droits ?
" Dans les pays d'émigration, la même promotion des femmes
doit être privilégiée sur tout autre programme
d'assistance. Alors, la démographie étant maîtrisée,
le développement pourra s'enclencher et les familles pourront
s'épanouir sur leur terre natale.
" Mon choix va à ces attitudes responsables, conformes à nos
principes de l'égalité et de l'universalité des droits de
l'homme. Je ne pourrai donc pas approuver le projet de recommandation, et cela
à mon grand regret. "
La recommandation n° 1306 contenue dans le rapport 7628 est
adoptée, amendée.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, pour expliquer ce vote, a
formulé les observations suivantes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, j'ai
voté pour le texte même de la recommandation,
présenté par la Commission : je le crois réaliste et
raisonnable.
" Je tiens à remercier M. Junghanns pour ses explications et
sa proposition, mais je veux aussi éviter toute équivoque et
c'est dans ce souci que, tout à l'heure, avec mes collègues de la
délégation française, j'ai voté le renvoi en
Commission.
" Je tiens donc à préciser que mon approbation de la
recommandation présentée par M. Junghanns ne saurait en
aucun cas signifier approbation des termes mêmes du rapport,
particulièrement des paragraphes 24 et 25. Ces derniers sont
manifestement d'une philosophie et d'une inspiration qui ne sont pas exactement
celles qui imprègnent la recommandation proprement dite.
" Par conséquent, je me suis prononcé en faveur de la
recommandation, sans pour autant approuver l'exposé des motifs des
paragraphes 24 et 25.
" Je tenais à apporter ces précisions afin de clarifier ma
position. "
II. LES ALLOCUTIONS PRONONCEES PENDANT LA SESSION DE 1996 ET QUESTIONS DES DELEGUES FRANÇAIS
A. PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION DE 1996 (22-25 JANVIER)
1. Allocution de Mme Leni FISCHER, Présidente de l'Assemblée (Lundi 22 janvier)
" Chers collègues, je vous remercie de la
confiance que vous m'accordez en élisant, en ma personne, la
première Présidente de l'Assemblée parlementaire.
Permettez-moi aussi de remercier notre doyen, M. Ehrmann, d'avoir ouvert cette
partie de session et procédé à l'élection.
" Vous me permettrez ici d'ajouter quelques mots de remerciements en
allemand à l'intention de ma famille, de mon mari et de mes
enfants ; à l'intention de mes amis et de tous ceux qui, ces
dernières années, m'ont assistée et m'ont soutenue, et qui
se trouvent aujourd'hui dans la tribune des invités. Merci beaucoup.
" Je voudrais, tout spécialement vous remercier aussi, Monsieur le
Président Martínez -cher Miguel Ángel que je viens
d'embrasser- de tout ce que vous avez accompli durant votre présidence
et, en particulier, de votre engagement politique et personnel. Vous avez,
durant votre mandat, assisté comme nous tous à l'arrivée
de treize -pas moins- nouveaux Etats membres. La plupart des nouvelles
démocraties d'Europe centrale et orientale sont devenues au sein de
notre Organisation des partenaires. D'autres suivront.
" Durant votre présidence s'est tenu le Sommet du Conseil de
l'Europe, le premier de notre histoire, organisé à Vienne, en
octobre 1993, et vous y avez pris une large part. Autre aspect important de
votre présidence, le développement des relations
extérieures de l'Assemblée, grandement facilité par votre
attitude extraordinairement amicale avec les principales personnalités
politiques. Et puis, c'est encore sous votre présidence que le
Comité des ministres a enfin officiellement reconnu, en février
1994, le nom d'Assemblée parlementaire pour notre institution.
" Je vous connais, cher Miguel, depuis une vingtaine d'années. Nous
nous sommes aussi rencontrés à l'Union interparlementaire et
continuons d'y coopérer grâce au Groupe des "Douze plus",
composé de représentants du Conseil de l'Europe et de quelques
autres qui unissent leurs forces pour promouvoir les valeurs
démocratiques de l'Europe dans le monde.
" Nous partageons, au sein de notre Assemblée, le patrimoine que je
chéris peut-être le plus au monde et dont nous pouvons être
particulièrement fiers : l'atmosphère amicale et le respect
qui caractérise les relations et négociations entre nos groupes
politiques. Je remercie les chefs de ces groupes pour leur sens des
responsabilités et leur dévouement envers notre Assemblée.
Et je me réjouis de ce qu'ils poursuivent ici leur combat pour l'Europe,
en s'attachant tout particulièrement aux questions vitales Nord-Sud. Une
fois encore, merci beaucoup.
" J'aimerais ensuite remercier tous ceux qui m'ont aidée à
remplir mes tâches passées à l'Assemblée et, plus
spécialement, les membres du Greffe. Je rendrai d'abord hommage à
M. Heinrich Klebes, le greffier sortant. Son remarquable travail pour
l'Assemblée et le Conseil de l'Europe a été reconnu
puisqu'on lui a conféré le titre de greffier honoraire à
partir du 1
er
février 1996. L'Assemblée lui
adresse toutes ses félicitations.
" Ces dernières années, j'ai aussi
bénéficié de la fructueuse coopération de
M. Bruno Haller qui succédera à M. Klebes le
1
er
février 1966. Je lui souhaite beaucoup de succès
et je suis persuadée que nous formerons une bonne équipe.
" Prendre mes fonctions en 1996, année que les principaux
quotidiens français ont déjà baptisée "Année
de l'Europe", n'est pas seulement un honneur, c'est un défi. Le plus
important est le rôle que jouera l'Assemblée dans l'instauration
d'une paix sûre et durable sur l'ensemble du continent. Une
personnalité aussi grande que Winston Churchill disait que la base de
l'unité européenne était le désir universel de tous
les simples citoyens et citoyennes de vivre en paix, d'élever leurs
enfants dans la liberté et de recueillir le juste profit de leur
journée de travail.
" Notre défi est de consolider la culture commune, y compris les
valeurs démocratiques. Ne soyez donc pas surpris d'entendre la
précédente Présidente de la commission de la culture et de
l'éducation de l'Assemblée lancer un appel en faveur d'un
renforcement de l'action du Conseil de l'Europe dans le secteur culturel au
sens large.
" Ce domaine qui s'est développé plus rapidement que les
autres s'appuie sur la Convention culturelle européenne. Depuis 1991,
l'URSS -désormais la Fédération de Russie- y
adhère. Les ressources, malheureusement, n'ont pas suivi l'extension.
L'un des grands problèmes qui se pose au Conseil de l'Europe est de
faire connaître ses activités et ses réalisations non
seulement aux Gouvernements et aux décideurs, mais aussi au large public
des ONG, aux chercheurs, aux enseignants et aux journalistes. Peut-être
pourrait-on faire une percée grâce aux nouvelles technologies de
la communication, en particulier Internet.
" J'espère qu'Israël pourra bientôt se rallier à
la Convention culturelle européenne. Il importe que l'Europe au sens
large -tout comme celle plus étroite de l'Union européenne- ne se
ferme ni aux pays voisins, ni aux cultures apparentées. La Commission de
la culture et de l'éducation a fait œuvre de pionnier par son
ouverture aux cultures judaïque et islamique. Nos travaux sur la
tolérance religieuse viennent tout juste de commencer : il
conviendra, ensuite, de les faire entrer dans la salle de classe, dans le
sillage du rapport sur l'histoire dont nous débattrons cet
après-midi.
" Comme le disait le Chancelier Kohl, il y a quatre mois, devant notre
forum, malgré les progrès accomplis depuis 1990, la
persécution des minorités ethniques et religieuses continue de
sévir en Europe, nourrie par la haine ethnique et religieuse. Le Conseil
de l'Europe et son Assemblée ne doivent donc pas relâcher leurs
efforts pour la protection des droits des minorités. Il nous faut,
premièrement, faire le maximum pour une rapide mise en œuvre de la
convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
Après quoi, nous devrons surtout veiller à ce que le
mécanisme d'application prévu dans cette convention soit aussi
indépendant, efficace et transparent que possible. Deuxièmement,
en dépit des nouvelles fâcheuses qui nous parviennent par le biais
du Comité des ministres, nous devrions poursuivre notre action en faveur
de l'élaboration d'un protocole additionnel visant à sauvegarder
les droits de l'individu dans le domaine culturel.
" En 1993, je l'ai déjà dit, l'Assemblée a
instauré une procédure de surveillance pour le respect des
engagements contractés par les nouveaux Etats membres lors de leur
adhésion au Conseil de l'Europe. Cette procédure a, depuis,
été révisée pour garantir que la surveillance
couvre l'observation des obligations statutaires et autres par tous les
membres. Il y a, certes, encore beaucoup à faire. Mais il importe en
tout cas au plus haut point que le système soit mis en œuvre dans
un esprit de coopération et que le Conseil de l'Europe offre son aide
pour aider les Etats membres à honorer leurs engagements.
" En dépit des hauts et des bas de la coopération Est-Ouest,
l'Assemblée a maintenu depuis les années 50 ses relations avec la
Yougoslavie, premier pays d'Europe centrale à mener en 1987 une
coopération officielle au titre de la Convention culturelle
européenne. L'Assemblée a donc suivi en détail la
récente tragédie. On peut comprendre, vu les circonstances,
l'urgence qui a présidé à l'élaboration des Accords
de Dayton, mais il faut espérer que l'on associera davantage le Conseil
de l'Europe à l'application de ces accords et aux processus de
reconstruction. Le Conseil devrait, par exemple, participer aux programmes de
protection des biens culturels, d'éducation et de reconstruction civile.
Il devrait aussi être représenté au Comité directeur
prévu à la Conférence de mise en œuvre de Londres.
" En 1876, Victor Hugo, dans un texte intitulé "Pour la
Serbie",
écrivait : "Plus de guerres, plus de massacres, plus de
carnage ; libre pensée, libre-échange ;
fraternité. Est-ce donc si difficile la paix ? La République
d'Europe, la fédération continentale, il n'y a d'autres
réalités politiques que celle-là". C'était il y a
120 ans.
" L'Assemblée débattra cette semaine de la demande
d'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe. Je ne veux pas
m'immiscer dans ce débat, mais j'apprécierai que les membres
aient, en conscience, les idées bien nettes sur la conduite à
tenir : faire confiance aux sphères dirigeantes de Russie ou
exclure ce pays de notre zone d'influence. Peut-être devrions-nous aussi
nous demander ce qui favorise la démocratie, quelle est notre
responsabilité dans le soutien aux défenseurs des droits de
l'homme en Russie et comment nous envisageons la coopération avec les
représentants élus des citoyens russes ?
" Depuis toujours la coopération avec l'Union européenne a
revêtu une signification particulière pour le Conseil de l'Europe.
Il n'y a pas de contradiction entre le projet d'intégration
européenne et la politique paneuropéenne. L'Union
européenne et le Conseil de l'Europe devraient être les acteurs
majeurs d'un même projet européen. Pour ce faire, il faudra rendre
davantage consciente l'opinion publique de cette réalité. La
meilleure façon d'y parvenir est de réaliser des projets communs,
de faire référence chaque fois que cela est possible à la
fonction complémentaire de l'autre institution. Malheureusement, ceci
est rarement le cas dans les programmes de travail des deux institutions. Ne
devrait-il pas aller de soit, chaque fois que l'Union prend une initiative
ayant une dimension paneuropéenne, de réaliser une telle action
avec le Conseil de l'Europe sous la forme d'une
joint venture
?
" Un thème en discussion actuellement au sein de l'Union est celui
des relations avec les Parlements nationaux. Depuis près de cinquante
ans, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe constitue un lien
particulièrement important et original entre le projet européen
et les Parlements nationaux. Là aussi, l'Union et ses institutions
pourraient davantage s'appuyer sur l'expérience et les ressources des
membres de notre Assemblée parlementaire. Fin mars 1996, débutera
la Conférence intergouvernementale de l'Union européenne.
L'Assemblée a toujours soutenu les efforts d'intégration de
l'Union et cela vaut également pour la Conférence
intergouvernementale. Une définition réaliste de la
répartition des tâches entre le Conseil de l'Europe et l'Union
européenne est encore en suspens.
" Nous serions heureux si la Conférence intergouvernementale
examinait ce problème sérieusement et prenne en compte les
propositions formulées par notre Assemblée.
" En guise de conclusion, je voudrais vous faire part encore de
quelques
réflexions sur les méthodes de travail de l'Assemblée, sur
son administration et son budget.
" En raison de l'élargissement de l'Assemblée depuis 1989,
une réforme de l'organisation des débats de l'Assemblée
devient indispensable. Les organes compétents de l'Assemblée y
travaillent. Il s'agit en particulier d'impliquer davantage les groupes
politiques pour l'établissement de l'ordre des orateurs dans les
discussions générales de l'Assemblée et de revoir les
horaires pour les séances de l'Assemblée.
" Une autre question étudiée par le Bureau de
l'Assemblée est celle d'une simplification des structures des
commissions de l'Assemblée.
" Dès sa création, l'Assemblée a milité en
faveur d'une plus grande autonomie administrative et budgétaire. Cette
revendication est justifiée car une comparaison avec les autres
institutions parlementaires internationales montre que l'Assemblée
figure parmi celles dont les pouvoirs sont les plus limités. A cet
égard, je ne suis pas encore en mesure de vous soumettre des
propositions précises. Mais, le moment venu, je ferai part de mes
idées à notre Commission du budget qui a déjà
été chargée par la Commission Permanente de se pencher sur
les pouvoirs budgétaires de l'Assemblée.
" Quant au budget global de l'Organisation, l'adhésion de nouveaux
Etats membres ne doit plus se traduire par une diminution des contributions
budgétaires des anciens Etats membres. Les contraintes
budgétaires ne justifient pas non plus, à mon avis, de geler le
budget du Conseil de l'Europe. Une telle décision est contraire à
l'esprit des délibérations et aux engagements pris lors du sommet
des chefs d'Etat et de Gouvernement, à Vienne. Le Conseil de l'Europe ne
peut pas faire face aux engagements contractés lors de l'adhésion
des nouveaux Etats membres sans obtenir une augmentation de ses ressources
équivalente au surcroît de ses activités résultant
de l'élargissement.
" En tant qu'Assemblée parlementaire, nous sommes un des deux
organes statutaires de l'Organisation, l'autre étant le Comité
des ministres. Ces dernières années, nous avons eu plus de
contacts avec le Comité des ministres grâce notamment à une
augmentation des réunions du Comité mixte. Je poursuivrai
l'action de Miguel Ángel Martínez visant à accorder
davantage de poids à l'Assemblée au sein de l'Organisation.
" A cet égard comme à beaucoup d'autres, tels que
l'amélioration du dialogue entre l'Assemblée et les
conférences des ministres spécialisés, je compte sur la
coopération avec le Secrétaire général, Daniel
Tarschys.
" Je vous prie, mes chers collègues, de m'assister dans ma
tâche difficile et de garder constamment à l'esprit notre objectif
si bien formulé par notre premier Président, Edouard Herriot en
1949, "la liberté et le droit à l'échelle du
continent". "
2. Exposé de M. Toomas SAVI, Président du Parlement estonien (Lundi 22 janvier)
" Madame la Présidente, je vous félicite
pour votre élection. Monsieur le Secrétaire
général, Mesdames, Messieurs, les membres de l'Assemblée,
c'est pour moi un plaisir que de m'adresser à l'Assemblée
parlementaire en ma qualité de Président du Parlement estonien.
" L'Estonie continue de voir dans le Conseil de l'Europe l'une des
pierres
angulaires de la démocratie européenne. Les principes
incarnés et défendus par le Conseil -Etat de droit, droits de
l'homme et élections démocratiques- unissent désormais
l'ensemble de l'Europe de la Baltique à la Méditerranée.
Depuis son adhésion au Conseil, il y a trois ans, l'Estonie a fait de
grands progrès dans la suppression des vestiges de l'occupation
soviétique, non seulement en devenant membre d'organisations
internationales et en signant des conventions, mais aussi par sa propre
politique.
" Nos lois sur la résidence et la citoyenneté ont
été élaborées sous les auspices du Conseil de
l'Europe et sont parfaitement conformes au droit international. La
réforme judiciaire fondée sur la primauté du droit est
achevée. Les droits des individus et des minorités sont garantis
par notre Constitution. La meilleure preuve de notre engagement aux principes
du Conseil sera peut-être la présidence estonienne du
Comité des ministres qui débutera en mai. Nous nous
réjouissons de cette tâche exaltante à laquelle nous
voulons nous consacrer, sachant que cette présidence sera l'occasion de
démontrer l'aptitude de l'Estonie à remplir une fonction
dirigeante dans les forums internationaux.
" Le Conseil de l'Europe a largement secondé les efforts
déployés par l'Estonie pour assumer un rôle en Europe. Ses
travaux, ses conseils et son inspiration ont permis à mon pays de
trouver sa juste place aux côtés d'autres Etats européens
imprégnés de traditions démocratiques. Je peux dire avec
fierté que l'Estonie est maintenant l'Etat européen normal
qu'elle avait toujours été.
" Je fais l'éloge des progrès de l'Estonie, mais je dois,
pour être honnête, admettre qu'il subsiste un différend -la
ratification de la Convention européenne des Droits de l'Homme, celle-ci
impliquant l'interdiction de la peine de mort. L'Estonie est une
démocratie et nous devons débattre des problèmes avant de
prendre des décisions. Je peux vous assurer que le débat sur la
peine de mort a commencé. Un projet de loi et un nouveau Code
pénal supprimant la peine de mort vont être soumis au Parlement,
et nous nous efforcerons de ratifier la Convention aussi rapidement que
possible.
" Une grave question va être débattue dans cette institution
démocratique historique, c'est la demande d'adhésion de la
Russie. Certes, nous condamnons les actes terroristes des
Tchétchènes ; mais la méthode russe de
résoudre la crise par des attaques massives d'obus, en justifiant ses
actions par une désinformation et une propagande éhontées,
ne respecte pas la primauté du droit, les droits de l'homme ni la
solution pacifique des conflits. Or, ces valeurs sont
généralement exigées des Etats candidats. En outre, il ne
faut pas oublier que la crise trouve son origine dans l'attaque russe sur la
Tchétchénie en décembre 1994. Elle s'était
caractérisée par la force brutale et un total mépris pour
la vie humaine.
" La communauté des Etats civilisés
représentés au Conseil a réagi à cette attaque par
le gel, durant sept mois, de la demande d'adhésion de la Russie.
" Le Conseil doit agir pour arrêter la perte de vies innocentes, et
pour promouvoir et négocier une solution du conflit.
" L'Estonie sait bien qu'il importe de soutenir une démocratie
russe déclinante. Une Russie démocratique dessert les
intérêts de l'Estonie et de l'Europe. Si la démocratie
surmonte en Russie la crise actuelle -et nous espérons qu'il en sera
ainsi- l'Estonie se réjouira de l'accueillir en qualité de membre
durant sa présidence. Au lieu d'intégrer la CEI, comme le
voudraient de nombreux dirigeants russes, l'Estonie aurait l'occasion de
superviser l'intégration de la Russie au Conseil de l'Europe.
" C'est pour moi un plaisir que de rendre hommage aujourd'hui devant
le
Conseil au Président Miguel Ángel Martínez qui, durant
toutes ces années à la présidence de l'Assemblée
parlementaire, n'a cessé de travailler à la réunification
d'une Europe fondée sur la prééminence du droit, des
droits de l'homme et des élections démocratiques. Ayant pris ses
fonctions en 1992, un an tout juste après l'effondrement de l'Union
Soviétique, M. Martínez était particulièrement
qualifié pour faire retrouver aux Etats concernés le chemin du
bercail européen. Ancien dissident lui-même, il a pu comprendre
l'héritage du totalitarisme et le désir des peuples de rompre
avec le passé. Il a compris aussi les défis que devaient relever
les Etats de l'Europe centrale candidats au Conseil, et il a contribué
à y répondre. Sous la présidence de M. Martínez,
dix-sept pays sont devenus membres du Conseil de l'Europe, dont l'Estonie.
" Les conseils et le soutien dont l'Estonie a
bénéficié de la part de M. Martínez et de
l'Assemblée n'ont pas de prix. Afin de marquer notre gratitude pour sa
contribution au rétablissement de la liberté en Estonie, j'ai
remis, il y a quelques heures à M. Martínez, de la part du
Président estonien, l'Ordre de première classe de l'Etoile
blanche. Mais, j'en suis convaincu, il considérera comme un honneur plus
grand encore de revenir en Estonie pour voir en pleine floraison les semences
de démocratie qu'il a plantées.
" Je vous remercie de votre attention. "
3. Allocution de M. Flavio COTTI, Président en exercice de l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe - Question de M. Aloys GEOFFROY, député (UDF) (Mardi 23 janvier)
" Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je
vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de prendre la parole devant votre
Assemblée. Je voudrais lier ces remerciements, Madame la
Présidente, à l'expression de mes félicitations et de mes
meilleurs vœux pour l'activité que vous venez de commencer
à la présidence de cette haute assemblée.
" C'est la première fois qu'un Président de l'OSCE s'adresse
à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Cet
événement constitue, à mes yeux, la preuve d'un
intérêt croissant réservé à l'OSCE, et de la
volonté de nos deux organisations d'œuvrer ensemble pour relever
les défis qui se posent dans la situation actuelle de l'Europe.
" Il y a cinq ans, lorsque j'ai eu le privilège de me prononcer
ici-même, à l'occasion du 700ème anniversaire de la
Suisse, en ma qualité de Président de la
Confédération, j'ai soulevé la question de la place que
devrait -et que peut- prendre la Suisse au sein de l'Europe de demain. J'ai mis
en avant la difficulté que suscite cette question lorsqu'on doit y
répondre : je disais que les Suisses étaient certainement
ouverts à une participation étendue et active dans une Europe qui
s'unit pour vivre en paix, dans la démocratie et dans le respect de ses
valeurs essentielles. Cependant, les Suisses, disais-je aussi, tenaient
beaucoup à leur culture politique particulière qui veut qu'ils
aient le dernier mot sur toutes les questions -grandes ou petites- concernant
leur pays. J'ai souligné la nécessité de trouver un
équilibre entre la participation au niveau de l'institution et le
respect de la diversité, mais j'ai surtout plaidé pour
l'ouverture de mon pays face aux immenses changements historiques que vit notre
continent.
" Notre ouverture sur l'Europe, en ce qui concerne en particulier
l'Union
européenne, n'a malheureusement pas abouti jusqu'à
présent. Mais sachez qu'elle constitue notre objectif
stratégique. En fait de solidarité, nous avons posé des
jalons : notre assistance financière, technique et humanitaire
à l'Europe de l'Est et du Sud-Est, mais aussi l'octroi du droit de
transit aux troupes de l'IFOR est une nouveauté absolue dans la
politique étrangère récente de la Suisse. La
présidence suisse de l'OSCE est un pas de plus dans cette direction
d'ouverture. En effet, assumer une responsabilité effective et
importante comme celle de la présidence de l'OSCE est un fait nouveau
pour mon pays, qu'il aurait été difficile d'imaginer il y a
encore quelques années.
" Nous poursuivons l'objectif de l'ouverture avec la ferme conviction
que
l'Europe de demain ne peut être créée que si un dialogue
s'établit dans le respect mutuel, que si l'on réussit à
mettre en harmonie les objectifs et les intérêts qui sont en jeu
et que si tous les Etats, malgré leurs différences
légitimes, se comprennent comme des partenaires de valeur égale.
Tout cela a une importance particulière dans les pays de l'Europe
centrale et orientale.
" Le communisme, avec ses allures dictatoriales, avait couvert cette
région d'une espèce de couche géologique incassable, qui a
caché artificiellement toute une série de conflits historiques
préexistants. Ces conflits ne pouvaient plus se manifester, mais ils
brûlaient encore dangereusement sous les cendres. La liberté
retrouvée fait renaître aujourd'hui les anciennes
difficultés, la liberté étant l'oxygène qui leur
fait reprendre les souffles anciens.
" Notre volonté, Mesdames et Messieurs, ne peut dès lors
qu'être unique : contribuer à atténuer et à
apaiser ces conflits nouvellement éclatés. Pour faire cela il
faut certes une approche pragmatique ; mais nous devons en même
temps nous appuyer sur les bases mêmes des valeurs qui ont permis,
après la deuxième guerre mondiale, à la partie libre
de l'Europe de progresser finalement dans la liberté, la
démocratie et la paix, et éviter que l'histoire dramatique du
passé ne se répète.
" C'est en Europe occidentale en effet que deux conflits mondiaux
sanglants, inhumains ont éclaté au cours de ce
siècle ; les valeurs auxquelles je faisais référence,
qui sont celles du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne, mais
aussi de l'OSCE, ont permis de tourner une page. Avec quelle émotion
avons-nous découvert les larmes dans les yeux d'un grand homme d'Etat
allemand, Helmut Kohl, lors de la cérémonie funèbre
en l'honneur du Président de la République française,
François Mitterrand, auquel j'adresse un souvenir de profonde
reconnaissance ! Vraiment ces larmes sont le symbole d'un passé que
nous voulons fermement révolu.
" Cependant, je le répète : sans la mise en œuvre
concrète de ces valeurs que sont les droits de l'homme, les droits des
minorités, le respect de la diversité culturelle, ethnique et
religieuse, la démocratie, l'Etat de droit, les libertés
économiques, en un mot, sans la mise en œuvre de la
société civile, qui est à la base de l'engagement en
politique extérieure aussi de mon pays, nous n'arriverons pas à
nos buts.
" Mesdames, Messieurs, nous savons bien que, selon les milieux
culturels
concernés, la notion des droits de l'homme est sujette à des
interprétations diverses. Selon le pays ou le continent, les
problèmes peuvent se poser de différentes manières, les
accents peuvent être mis différemment. Toutefois, certains des
droits sont propres à tous les êtres humains, quels que soient
leur appartenance ethnique, leur sexe, leur religion et leur conception
politique. C'est sans réserve et avec un langage clair et sans
équivoque que nous devons intervenir en faveur de ces droits.
Quotidiennement nous constatons combien ces interventions sont
nécessaires lorsque nous assistons à la violation
systématique de ces valeurs.
" Partant de cette prise de conscience, nous devons nous interroger
sur
les autres objectifs fondamentaux d'une politique étrangère
ouverte, fiable et adaptée aux exigences de la communauté
internationale. Je suis convaincu que la sauvegarde de la
sécurité et de la paix, l'encouragement du bien-être et de
la justice sociale et la préservation du milieu naturel sont des
objectifs dignes d'être poursuivis pour l'humanité tout
entière. Ce sont des objectifs que le récent rapport sur la
politique étrangère de mon pays met aussi en évidence.
" La démarche que ces objectifs nous commandent de prendre peut
aussi donner lieu à des tensions que nous ne voulons pas nier et que
nous devons au contraire discuter ouvertement. J'évoquerai quelques-uns
des problèmes qui peuvent surgir, Mesdames, Messieurs, dans chacun de
nos pays.
" Premier élément, première difficulté : nous
évoquons les droits de l'homme, mais nous parlons trop peu des
obligations que ces droits font naître. Il est certes plus ardu et plus
critique d'évoquer les obligations de chacun, surtout de ceux qui les
violent, que de rappeler de manière générique ces droits
universels.
" Deuxième élément : nous recherchons
l'égalité entre les Etats et pourtant nous sommes souvent
forcés de constater qu'il y a des Etats plus égaux que les
autres, des Etats qui peuvent se permettre davantage que les plus petits et
plus faibles.
" Troisièmement : nous suivons et soutenons la logique de la
globalisation de l'économie mais force est de constater que cette
globalisation -laquelle n'est pourtant qu'à son début-
crée souvent des injustices sociales frappantes et douloureuses qui
pourraient être la source de nouveaux et graves conflits dans les
décennies à venir.
" Nous proclamons la laïcité de l'Etat et de la
communauté internationale tout en respectant profondément les
différentes manifestations de la foi religieuse ; mais en
même temps nous assistons au développement préoccupant des
plus divers fondamentalismes qui sont toujours aussi une cause de
déchirement et de conflit.
" Nous tentons, dans nos pays, de trouver les voies propices pour
asseoir
la politique internationale dans nos sociétés intérieures,
mais nous expérimentons la difficulté qu'il y a à
rapprocher la politique extérieure des problèmes et de la vie de
nos citoyennes et citoyens.
" Mesdames, Messieurs, en quoi ces réflexions concernent-elles
l'OSCE, organisation dont les obligations ne sont juridiquement pas
contraignantes, dont le secrétariat est modeste et dont le budget
correspond à peine au sixième de celui du Conseil de
l'Europe ; organisation qui ne semblait représenter qu'un
intérêt relatif pour les Etats, à tel point que, pour la
présidence de 1996, seule la Suisse s'y était
manifestée et était intéressée ; organisation
de cinquante-trois Etats dans laquelle le principe du consensus
confère à chaque Etat le droit de veto ?
" Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je crois que ces
faiblesses représentent aussi des atouts considérables. L'OSCE
n'est pas une organisation internationale puissante, mais elle est
flexible ; elle peut s'adapter aux différentes situations ;
tous les Etats membres y ont les mêmes droits ; le dialogue en est
ainsi fortement favorisé. Je crois pouvoir affirmer que, jamais depuis
longtemps, depuis les débuts de son activité, les
conditions-cadres pour l'activité de l'OSCE n'ont été
aussi favorables qu'aujourd'hui.
" L'OSCE est d'abord un forum ouvert à tous les Etats de l'Europe
et au-delà pour le dialogue. Par la dialectique de la recherche du
consensus, l'OSCE a pour vocation de développer l'esprit de
coopération dans son espace.
" La base commune est constituée par les principes qui sont
contenus dans l'Acte final de 1975 et dans la Charte de Paris de 1990. Ils
touchent la réalité humaine et sociale à tous les niveaux.
Mais c'est surtout la dimension humaine qui importe.
" La diplomatie préventive, la prévention des conflits et la
gestion des crises par l'OSCE émanent de la volonté de faire
triompher ces principes et ces valeurs d'une manière pragmatique et
dépourvue de tout caractère spectaculaire. C'est ainsi que l'OSCE
fournit sa modeste contribution à la sécurité en Europe.
" M. Cotti souligne encore que les forces de l'OSCE seront
grandement
sollicitées cette année par son engagement en Bosnie, où
elle est avant tout chargée de superviser la préparation et
l'organisation des élections. Elle remplit ce mandat sous la forme d'une
mission, inspirée des missions de longue durée qui ont fait leurs
preuves dans d'autres régions de conflits. Ce sera là un
défi décisif pour l'évolution future de l'organisation et
il faut donc souhaiter un plein succès à
l'ambassadeur Frowick, chef de cette mission ; la présidence
suisse de même que les Etats-Unis ne lui ménageront pas leur appui
mais il est indispensable que tous les pays de l'OSCE fassent de même.
" En compagnie d'autres organisations, l'OSCE est en outre conviée
à observer la situation en matière des droits de l'homme.
Conformément au traité de paix, elle a nommé une
médiatrice à cette effet et le fait que le choix se soit
porté sur Mme Haller, Ambassadeur de Suisse auprès du
Conseil de l'Europe, n'est certainement pas fortuit. Il est en tout cas de
nature à garantir une collaboration étroite entre les deux
institutions.
" Enfin, l'OSCE a aussi reçu pour mandat d'élaborer des
mesures propres à renforcer la confiance dans les domaines de la
sécurité et du contrôle des armements, ce aussi bien en
Bosnie et en Ex-Yougoslavie que dans tout le reste des Balkans. Ces
négociations sont aujourd'hui en cours.
" Le succès de l'Accord de Dayton suppose la stabilité et la
restauration de la confiance dans l'ensemble de la région. C'est
pourquoi M. Cotti espère qu'on acceptera bientôt l'envoi
d'une mission de l'OSCE en Croatie et que la mission envoyée en
République fédérale de Yougoslavie pourra prochainement
reprendre son activité. Il souhaite également une
évolution favorable en ce qui concerne la question des minorités
au Kosovo et il pense que la mission envoyée à Skopje pourra
continuer d'apporter une précieuse contribution.
" L'une des particularités des Accords de Dayton est que la mise en
œuvre en a été confiée à plusieurs
organisations internationales. Le processus y gagnera en stabilité, mais
à condition que toutes ces organisations sachent collaborer
fructueusement et étroitement. Cette coordination s'impose
particulièrement dans le secteur des droits de l'homme et la
présidence suisse l'a signalé la semaine passée à
M. Carl Bildt, haut représentant pour les aspects civils de
l'accord, seul à même de procéder à la
répartition des tâches. L'OSCE se tient à sa pleine et
entière disposition.
" L'organisation ne pourra cependant négliger les tâches
qu'on lui a confiées dans d'autres régions de conflits. Elle
continuera donc de travailler à un règlement au Nagorno-Karabakh,
en Tchétchénie, en Géorgie, en Moldova, en Asie centrale
et en Crimée. Enfin, elle continuera de suivre attentivement la
situation en Estonie et en Lettonie. En raison de sa tradition et de sa culture
politiques, la Suisse se préoccupe particulièrement des questions
de minorités et M. Cotti ne peut que souligner le rôle
important joué à cet égard par le Haut Commissaire pour
les minorités nationales.
" En 1996, l'OSCE devra également se préoccuper
d'élaborer un modèle commun de sécurité pour
l'Europe du XXI
e
siècle. Une année ne suffira pas
pour achever cette tâche, dont le principe a été
arrêté lors du Sommet de Budapest en 1994, mais M. Cotti
espère que l'organisation sera en mesure de présenter au Sommet
de Lisbonne un texte qui permette une discussion substantielle.
" Ce modèle doit bien entendu contribuer à une meilleure
coopération en Europe et la discussion ne pourra donc en être
dissociée de celle qui porte sur la place de la Russie dans les futures
structures de sécurité. Comme le Conseil de l'Europe, l'OSCE doit
empêcher, autant que faire se peut, que l'Europe ne se scinde à
nouveau en deux blocs. Une politique européenne de
sécurité est impensable sans la Russie. Mais pour que celle-ci y
contribue conformément à sa puissance et à son influence,
elle doit manifester sans équivoque sa volonté de collaboration.
" Les dernières élections ont certes été un
test important pour la démocratisation en cours et la construction d'une
société civile exige beaucoup de temps après des
siècles de tsarisme et des décennies de communisme ; de
même, une participation pleine et entière de la
Fédération au Conseil de l'Europe aurait de grands avantages,
mais l'orateur rappelle que le conflit tchétchène doit absolument
être résolu par le dialogue et conformément aux valeurs
défendues par les deux organisations. Il souhaite également que
le groupe d'assistance ait la possibilité d'accomplir son mandat en
toute liberté.
" Puis M. Cotti souligne la nécessité d'un partage
judicieux du travail pour remédier à l'insuffisance des
ressources. La collaboration qui s'est instaurée entre l'OSCE et le
Conseil favorise indiscutablement leur synergie. Les rencontres sont nombreuses
aux niveaux des présidences et des secrétariats
généraux ; le Haut Commissaire pour les minorités
nationales est en contact quasi quotidien avec les services compétents
du Conseil et le Bureau des institutions démocratiques des droits de
l'homme travaille de concert avec M. Tarschys.
" La reconstruction de la Bosnie peut fournir une occasion idéale
de collaborer, comme cela se fait d'ailleurs déjà dans le cadre
de la Commission des droits de l'homme, institution bosniaque composée
du Bureau, de la médiatrice et de la Chambre : la première
est placée sous l'égide du président en exercice de
l'OSCE, la seconde sous celle du Conseil. A ce propos, M. Cotti tient
à remercier le Secrétaire général pour son appui,
notamment pour les deux experts qu'il a mis à la disposition de la
médiatrice.
" La collaboration est certes une excellente chose, mais il faut
parfois
lui préférer le partage du travail. Des progrès peuvent
sans doute être réalisés, par exemple, en ce qui concerne
l'observation des élections. D'un autre côté, même si
le champs géographique couvert par les deux organisations n'est pas
identique, M. Cotti se demande si l'OSCE n'aurait pas intérêt
à abandonner au Conseil les tâches qui relèvent de la lutte
contre le racisme et de l'instauration de l'Etat de droit, tous domaines
où le Conseil dispose d'une expérience supérieure.
" Les défis à relever aujourd'hui sollicitent la
capacité d'adaptation de chaque organisation internationale. Elles
n'accompliront les tâches immenses de l'heure qu'en faisant preuve de
créativité. L'OSCE comme le Conseil ont un grand rôle
à jouer dans la construction de l'Europe. Ce sont des laboratoires dans
lesquels se prépare l'unification du continent et leur collaboration
est, par conséquent, plus que jamais indispensable.
" M. Cotti s'est dit profondément convaincu que le Conseil a pour
vocation fondamentale de promouvoir et de garantir les droits de l'homme et
l'Etat de droit. L'accomplissement de cette mission l'a placé au fil des
années devant un choix délicat : ou bien maintenir une
rigueur absolue en ce qui concerne le respect de ses critères, ou bien
suivre une voie plus nuancée en présumant qu'une pleine
adhésion permettrait aux Etats candidats de parfaire des réformes
déjà entreprises. C'est cette seconde solution qui a
été retenue pour des raisons historiques et cela ne donne que
plus d'importance au système de "monitoring", c'est-à-dire de
contrôle du respect des engagements pris par les Etats membres. Si ce
dispositif était dans l'impossibilité de remplir sa fonction, il
ne fait pas de doute que la crédibilité du Conseil finirait par
en souffrir grandement.
" M. Cotti a indiqué que s'il a laissé percevoir un certain
optimisme à tel ou tel moment de son exposé, c'est qu'il est
convaincu que les problèmes de politique étrangère ne sont
jamais insolubles.
" L'orateur ne peut conclure sans signaler l'énormité des
tâches auxquelles l'OSCE est confrontée. Ses moyens sont
limités, son personnel restreint, son budget modeste. Le
Président en exercice est lié au mandat des organes politiques
qui fondent son pouvoir sur le consentement et le consensus, sur la
volonté active et solidaire de collaboration de chaque Etat. Il est donc
utile de ne pas semer des espérances superficielles ou des attentes
illusoires. Il est important de garder une vision objective et réaliste
de l'immensité du travail que l'OSCE est appelée à
fournir. Il faut garder à l'esprit les limites que posent les
circonstances objectives, les moyens qui lui sont propres et la nature humaine
qui est riche en contradictions.
" C'est ainsi que, en conclusion, au delà de l'évaluation
objective des problèmes et des possibilités, M. Cotti place la
présidence suisse sous une devise fascinante qui vient de la
littérature allemande. Johann Wolfgang Goethe a dit :
"celui qui ne cesse de faire des efforts peut être
racheté". "
M. Aloys GEOFFROY, député (UDF)
, pose sa question en
ces termes :
" Monsieur le président, le Conseil des ministres de Budapest de
l'OSCE a engagé une vaste réflexion sur le nouveau concept
de modèle global de sécurité en Europe pour le
21ème siècle.
" L'OSCE attend-elle une contribution du Conseil de l'Europe à
cette réflexion et si tel est le cas, selon quelles
modalités ? "
M. COTTI
lui fait la réponse suivante :
" J'essaierai d'être très sommaire dans mes réponses,
ce qui signifie que je ne pourrai pas être complet mais je peux signaler
à M. Geoffroy que nous avons, après la
première année de réflexion générale,
signalé lors d'un Conseil permanent de l'OSCE de Vienne, il y a deux
semaines, que les Etats intéressés pourraient soumettre à
la présidence en exercice, environ jusqu'au mois d'avril de cette
année, les propositions concrètes que les Etats entrevoient et
estiment devoir figurer dans ce document.
" Dans ce sens, nous allons nous engager plus tard, surtout à
Vienne, à définir, comme je l'ai dit précédemment,
non pas un projet définitif mais quelques éléments
essentiels qui devraient permettre une première discussion substantielle
à Lisbonne au mois de décembre. Vous savez que le Conseil de
l'Europe a été convié à plusieurs réunions
d'experts ainsi qu'à plusieurs séminaires dans ce secteur.
" Je pense que le Conseil de l'Europe a, actuellement, une fonction
essentielle qui est aussi de soumettre ses visions, ses idées pour
composer ce document très important pour le siècle à
venir. "
4. Exposé de M. Martti AHTISAARI, Président de la République finlandaise (Mercredi 24 janvier)
M. AHTISAARI prend la parole en ces termes :
" Madame la Présidente, je vous remercie, vos
prédécesseurs et vous-même, de m'avoir invité ici
devant cette instance, première Assemblée parlementaire
présidant au processus d'intégration européenne.
" La charte ne donne à l'Assemblée parlementaire qu'un
rôle consultatif. Pourtant, j'ai constaté qu'étant
donné le savoir-faire propre aux parlementaires, elle a pu jouer un
rôle bien plus éminent, qui s'est manifesté avant tout par
l'art avec lequel vous avez piloté le Conseil de l'Europe dans un
véritable esprit paneuropéen.
" Il y a plus de cinquante ans, alors que la seconde guerre
mondiale
faisait encore rage, Winston Churchill disait qu'il faudrait créer
après la fin de la guerre un Conseil qui "englobe finalement toute
l'Europe et où les principaux membres de la famille européenne
soient un jour représentés". Aujourd'hui, nous sommes bien
prêts de ce but.
" Quand la Finlande a adhéré au Conseil de l'Europe, il y a
un peu plus de six ans, après environ trente ans
d'étroite collaboration avec lui, elle en est devenue le
vingt-troisième pays membre. Aujourd'hui, il y a déjà
trente-huit Etats membres et, d'ici à la fin de cette session,
j'espère que ce chiffre sera de trente-neuf.
" Cette augmentation considérable des effectifs a posé de
nouveaux défis au Conseil de l'Europe. Elle a exigé une
mobilisation extrême de ses ressources, mais elle lui a aussi
donné l'occasion de revenir à sa tâche originelle :
étendre à tout notre continent les valeurs européennes de
démocratie, de prééminence du droit et de droits de
l'homme.
" Demain, alors que le Conseil examinera la candidature de la Russie,
je
suis convaincu qu'il sera conscient de l'importance historique de sa
décision. Nous avons tous suivi avec consternation le drame de
Pervomaïskaïa et les morts tragiques qui en ont
résulté. Rien ne peut justifier la prise d'otages et le
terrorisme. Mais il faut protéger les civils innocents en toute
circonstance et éviter tout recours immodéré à la
force. La crise de Tchétchénie ne peut être résolue
que par des moyens pacifiques. Elle demande un règlement politique et
non une solution militaire.
" Nous savons qu'en Russie la société civile a
été détruite dans une large mesure pendant l'ère
communiste. Il est manifeste qu'il faudra du temps pour que le processus
démocratique prenne racine. La Russie connaît des changements
déchirants. Les récentes élections, marquées par
une bonne participation, ont renforcé le processus démocratique.
" Dans sa forme de l'après guerre froide, le Conseil de l'Europe
est devenu élément à part entière de la structure
européenne de sécurité. L'appartenance de la Russie au
Conseil de l'Europe fera progresser la démocratie en Russie et la
stabilité en Europe. Ce n'est pas en excluant la Russie qu'on se
rapprochera de ces objectifs.
" Je me félicite de l'intérêt que les Etats-Unis ont
manifesté à l'égard du Conseil de l'Europe. L'octroi du
statut d'observateur aux Etats-Unis est un fait important et, nous
l'espérons, prometteur.
" L'Europe a changé et continue de le faire. La notion
traditionnelle de sécurité souligne les facteurs militaires.
Aujourd'hui, il faut que l'on considère la sécurité en
termes plus larges pour y inclure ses aspects démocratiques et sa
relation avec les droits de l'homme. La sécurité doit d'abord se
fonder sur la coopération et non sur l'affrontement.
" Le développement politique révolutionnaire de l'Europe a
ouvert la voie d'un nouveau mode d'action préventive. Nous ne devons
plus nécessairement nous borner à résoudre les crises une
fois qu'elles ont éclaté, mais nous efforcer d'empêcher
qu'elles n'apparaissent.
" La notion de sécurité démocratique adoptée
comme principe directeur du Conseil de l'Europe lors du Sommet de Vienne n'est
pas un vœu pieux, mais bien une réalité dont il faut encore
enrichir le contenu. Les programmes du Conseil grâce auxquels la
démocratie, le principe de la prééminence du droit et la
mise en œuvre des droits de l'homme sont soutenus dans les pays
membres
constituent la meilleure forme possible de démocratie préventive.
En créant une zone où prévalent les valeurs
représentées par le Conseil de l'Europe, nous bâtirons un
avenir stable pour l'Europe.
" La directive "Halonen", élaborée dans le cadre de
l'Assemblée parlementaire, joue un rôle central particulier dans
ce contexte. En vous félicitant d'avoir pris cette initiative, je
reconnais qu'elle a véritablement incité le Comité des
ministres à créer son propre système de suivi. Les
systèmes de suivi instaurés sous les auspices du Conseil sont
uniques au monde. Ils donnent l'occasion de mettre en œuvre un
dialogue
réel avec les pays membres, un dialogue qui permet d'influencer
l'évolution de la situation et d'accomplir des changements réels.
" Il faudrait non pas craindre cette occasion de transformer les
systèmes de suivi en de véritables instruments de changement,
mais en profiter. La possibilité unique qui existe actuellement
d'aménager une zone européenne de valeurs communes ne se
représentera peut-être plus. Je ne veux pas dire par là que
nous devrions créer une culture commune unique, mais plutôt une
zone où prévaudront la démocratie et les droits de
l'homme, où l'on respectera les différences et où l'on se
comprendra les uns les autres - une zone où tous, majorités
et minorités, trouveront leur place au soleil.
" La Commission et la Cour européennes des Droits de l'Homme jouent
un rôle capital dans les travaux du Conseil, car elles défendent
et font avancer les droits des personnes. Cependant, l'élargissement du
Conseil pose de nouveaux défis que le Conseil doit relever. Le
développement du système, c'est-à-dire la fusion de la
Commission et de la Cour en une nouvelle juridiction, contribuera sans aucun
doute à son efficacité. On peut néanmoins se demander si
cela suffira, étant donné les nouveaux enjeux.
" Il y a juste un peu plus de cinq ans, alors que nous entrions
dans
une nouvelle décennie, la population totale des pays membres du Conseil
de l'Europe dépassait quelque peu les 400 millions. Avec
l'adhésion de la Russie, ce chiffre sera près de doubler pour
atteindre plus de 750 millions d'habitants. Je comprends que l'on
s'inquiète à la Commission et à la Cour. Peut-on
réellement supposer que le système pourra faire face à un
élargissement de cette nature sans qu'il faille recourir à des
mesures extraordinaires ? Ne devrait-on pas après tout examiner
sous un autre angle de nouveaux moyens et solutions ? Le temps est
peut-être venu de relancer la question d'un médiateur du Conseil
qui œuvrerait en coopération étroite avec les nouveaux pays
membres. Je sais que, par le passé, l'Assemblée parlementaire a
examiné cette question à plusieurs reprises.
" Les événements de Bosnie n'ont certainement laissé
aucun d'entre nous indifférent. La purification ethnique et les tueries
ne devraient pas appartenir à l'Europe d'aujourd'hui.
" Le Conseil de l'Europe est une organisation qui s'est attachée
à élaborer des instruments juridiques pour régler ces
problèmes. Ses résultats en la matière sont
considérables. Il subsiste néanmoins la question des
minorités, domaine dans lequel les résultats obtenus à ce
jour restent insuffisants.
" L'Europe a toujours été un lieu où
différents peuples et cultures se rencontrent, un havre pour la
création et pour des échanges empreints de franchise. La
diversité et la multiplicité des expressions que l'on rencontre
en Europe a toujours été une cause de fierté. Elle se
retrouve aussi dans tous les pays membres du Conseil. Il n'existe aucun pays
d'Europe dont la culture n'est pas le fruit d'influences diverses et
opposées, et l'on ne peut guère trouver de pays qui n'abrite une
minorité ou une autre.
" C'est pourquoi, j'en suis convaincu, nous sommes tous attachés
à ce que l'on reconnaisse l'importance de résoudre les questions
de minorité. Je ne pense pas qu'il soit exagéré de dire
que l'avenir de l'Europe dépend de la manière dont nous saurons
résoudre ce problème. Il faut que nous puissions montrer que des
citoyens parlant différentes langues ou appartenant à divers
groupes ethniques peuvent vivre ensemble dans le même Etat.
" La Charte européenne des langues régionales ou
minoritaires et la convention-cadre pour la protection des minorités
nationales, élaborées toutes deux par le Conseil, et les
principes touchant aux minorités énoncés par
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe sont des mesures importantes pour créer une Europe qui soit
sûre pour tous. Mais cela ne suffit pas, car ni les droits des
minorités ni la manière dont ils doivent être
protégés n'ont été définis simplement, avec
assez de clarté ou avec suffisamment de détails. Il faut que nous
nous efforcions d'assumer la tâche que les chefs d'Etat ont donné
au Conseil à Vienne en 1993 : rédiger un protocole sur les
droits culturels des minorités.
" Si je me suis permis d'évoquer assez longuement la question des
minorités, c'est que je pense que nous en savons quelque chose en
Finlande. Il y a aussi des problèmes dans notre pays, mais nous avons
réussi à les résoudre. Notre pays est bilingue. Pour nous,
il va de soi que la population de langue suédoise jouisse des
mêmes droits que celle qui parle le finnois. Et nous pensons que c'est
là une richesse pour nous. Nous avons résolu la question des
îles Åland en leur accordant une autonomie
considérable, qui a montré sa vitalité ces soixante-quinze
dernières années. Nous avons accordé à la
population des Samits de Laponie le droit d'utiliser sa langue dans
l'éducation et dans l'administration. La Constitution protège les
Roms et leur culture. Toutes ces solutions parlent d'elles-mêmes et
indiquent qu'il est possible de résoudre des problèmes touchant
aux minorités et qu'il est dans l'intérêt de l'Etat de le
faire. Seule une minorité qui se sent en sécurité et qui
pense qu'elle est acceptée comme élément constitutif de la
nation peut participer pleinement à la construction de la
société.
" Je sais que l'Assemblée parlementaire -donc vous tous- est
préoccupée par la manière dont le Conseil de l'Europe
relèvera les défis auxquels il est confronté. Les
tâches du Conseil sont énormes, alors que les ressources
disponibles pour ce faire sont, il faut le reconnaître, modestes. Je
partage votre préoccupation. Bâtir une nouvelle Europe sûre
exigera des ressources. J'espère que nous les trouverons pour
exécuter le mandat approuvé à Vienne.
" La Finlande est membre de l'Union européenne depuis le
début de l'année dernière. Un débat animé a
précédé chez nous la décision d'adhérer. On
ne peut soutenir que l'on pouvait préjuger de son résultat, bien
que j'aie moi-même compté parmi les partisans d'une
décision positive. Un point qui n'a jamais été mis en
question pendant le débat est notre engagement en faveur d'une Europe
unifiée.
" Le Conseil poursuit le même but. Il faut donc que nous nous
efforcions de bâtir une Europe qui ne soit pas divisée, mais
sûre et ouverte, qui respecte ses citoyens et leurs droits et qui assume
la responsabilité de notre avenir commun. "
5. Allocution de M. Helveg PETERSEN, ministre des Affaires étrangères du Danemark, Président en exercice du Comité des ministres - Question de M. Jean VALLEIX, député (RPR) (Mercredi 24 janvier)
" Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs,
c'est pour moi un grand honneur que de prendre la parole devant cette
éminente Assemblée pour la première fois durant la
présidence de mon pays. Permettez-moi tout d'abord, Madame la
Présidente, de vous féliciter de votre élection. Comme
votre distingué prédécesseur, vous pourrez vous inspirer
dans l'exercice de ces fonctions d'une expérience nationale et
européenne riche et diverse. Je ne doute pas que la coopération
entre votre Assemblée et notre Comité restera très
étroite. Elle est en fait plus nécessaire que jamais à un
moment où notre Organisation se trouve confrontée à un
tournant important.
" Je ne voudrais pas laisser passer cette occasion de rendre hommage
au
Président Martínez qui a, au cours de son mandat et
également pour la présente partie de session, fait de cette
Assemblée un pôle d'attraction des chefs d'Etat et de
Gouvernement. Il était particulièrement opportun qu'il
présente ses vues au Sommet de Vienne, en 1993, sommet qui avait eu pour
origine une proposition présentée par le Président
Mitterrand dans cet hémicycle même. Monsieur Martínez, vous
avez apporté à notre Organisation une contribution exceptionnelle
et il est heureux que votre engagement personnel ne soit pas perdu pour cette
Assemblée ni pour le Centre Nord-Sud, à la présidence
duquel vous avez été élu récemment.
" J'aimerais également saisir l'occasion de rendre hommage au
travail remarquable du greffier de l'Assemblée,
M. Heinrich Klebes -ancien secrétaire du Comité des
ministres- qui prendra sa retraite dans une semaine.
" Madame la Présidente, le Gouvernement danois attache beaucoup
d'importance au Conseil de l'Europe et à notre présidence, et ce
pour de nombreuses raisons. Les principes fondamentaux du Conseil de l'Europe,
à savoir la promotion des droits de l'homme, la démocratie et la
prééminence du droit, sont particulièrement importants
pour le Danemark, certainement dans sa politique nationale, mais aussi en tant
qu'élément essentiel de sa politique étrangère.
" Au début de cette année, le Danemark est devenu membre de
la Commission des droits de l'homme des Nations Unies pour une période
de trois ans. Mon pays est également membre de la Troïka de l'OSCE,
qu'il présidera en 1997. De notre point de vue, ces trois
catégories d'activités ont un dénominateur commun et
forment un ensemble.
" Comme vous le savez, le Secrétaire général et
moi-même avons eu hier une rencontre très utile avec le
Président en exercice de l'OSCE, M. Flavio Cotti, qui a pris la
parole devant votre Assemblée et a participé à un
échange de vues le même jour. En ce qui nous concerne, cette
réunion était la troisième d'une série d'entretiens
informels de haut niveau entre les Présidents et Secrétaires
généraux respectifs, inaugurée l'année
dernière par mes prédécesseurs de Chypre et de la
République tchèque.
" Les relations étroites entre les deux organisations,
particulièrement indispensables au cours de la phase présente
d'application de l'accord de paix paraphé à Dayton et
signé à Paris, sont bien symbolisées par la nomination,
à laquelle a procédé récemment l'OSCE, de la
compatriote de M. Cotti, Mme l'Ambassadrice Gret Haller, depuis quelques
temps représentant permanent de la Suisse auprès du Conseil de
l'Europe. Elle est bien connue de cette Assemblée où, il y a peu,
elle présidait énergiquement la Sous commission des droits
de l'homme. Mme l'Ambassadrice Haller exercera pour cinq ans les fonctions
de médiatrice en matière de droits de l'homme. Je sais que nous
sommes unanimes à lui souhaiter un plein succès et tous
désireux de l'aider, dans la mesure du possible, à remplir cette
tâche particulièrement exigeante.
" Les mandats confiés au Conseil de l'Europe et à l'OSCE ont
constitué le point principal de notre réunion de la nuit
dernière avec l'OSCE.
" Nous sommes convenus de poursuivre nos efforts communs concernant
l'établissement des structures en matière de droits de l'homme
prévues dans les accords de Dayton. Nous évaluerons ensemble les
besoins, préparerons un budget et lancerons un appel international afin
d'obtenir le financement de cette tâche importante.
" Madame la Présidente, comme je viens de le mentionner, le
traité de paix attribue au Conseil de l'Europe des mandats
spécifiques, notamment en ce qui concerne la chambre des droits de
l'homme de la Bosnie-Herzégovine, qui a également droit à
l'assistance et à la coopération en sa qualité de
candidate à l'adhésion à notre Organisation.
" A leur dernière réunion, nos délégués
ont approuvé des mesures urgentes afin de promouvoir la mise en place
d'institutions démocratiques, particulièrement en
Bosnie-Herzégovine et en Croatie. Ces mesures relèvent de quatre
grandes rubriques qui sont les droits de l'homme, les réfugiés et
personnes déplacées, les questions juridiques et
institutionnelles, et la démocratie locale.
" Les délégués se proposent de désigner dans
un proche avenir les huit membres de la chambre des droits de l'homme -y
compris son Président- comme le prévoit le traité de paix.
" En ce qui concerne la Russie, comme vous le savez, je me suis rendu
à Moscou avec le Secrétaire général le
1er décembre 1995. Cette visite a fait suite directement
à la réunion de votre Commission des questions politiques
à Copenhague. La question de la demande d'adhésion de la Russie
avait été examinée au cours de cette réunion,
examen dont je peux dire qu'il a été particulièrement
utile pour nous tous.
" Les récentes élections qui ont eu lieu
démocratiquement en Russie, avec une participation impressionnante
d'électeurs, ont confirmé l'évolution positive en cours.
Le rapport de la Commission des questions politiques va dans le même sens.
" Comme le rappelle ce rapport, la coopération est
préférable à la confrontation. Depuis quelques
années, nous avons réussi à intégrer au Conseil de
l'Europe un nombre significatif de pays d'Europe centrale et orientale. La
sécurité démocratique, dont le Sommet de Vienne en 1993 a
souligné qu'elle était pour l'heure la vocation essentielle du
Conseil de l'Europe, ne sera pleinement obtenue et garantie que si la Russie
est membre de notre Organisation.
" La sécurité démocratique de notre continent
revêt une importance cruciale non seulement pour le Conseil de l'Europe,
mais aussi pour toutes les structures de coopération dans notre
région du monde. L'adhésion de la Russie au Conseil de l'Europe
aidera à la coopération entre les pays européens et au
sein de ces pays, avec les différentes organisations et avec nos
partenaires extérieurs à l'Europe.
" Je suis convaincu que la Russie sera mieux à même de
progresser dans la direction que nous souhaitons tous en tant que membre du
Conseil de l'Europe.
" Après l'élargissement du Conseil de l'Europe, des Etats
non européens ont manifesté un intérêt croissant
pour une association plus formelle, en qualité d'observateurs, à
nos travaux. Cette coopération n'a rien de nouveau en principe. Depuis
de nombreuses années, des Etats non européens participent
à certaines des activités de l'Organisation. Nous nous sommes
efforcés, de manière prioritaire, de trouver des moyens de
répondre à l'intérêt manifesté par les
Etats-Unis, ainsi que par le Japon, pour l'obtention du statut d'observateur.
Toutes les parties concernées bénéficieront de tels
arrangements adaptés à chacun des cas.
" Immédiatement après l'adoption de la recommandation
positive de votre Commission permanente, les Etats-Unis sont devenus
observateurs auprès du Conseil de l'Europe.
" A cette occasion, nous avons fait connaître notre souhait
d'entamer au plus tôt le dialogue politique avec M. Holbrooke,
Sous-secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, et nous
avons fait en sorte que des informations sur nos travaux soient
communiquées aux Etats-Unis.
" Nous avons reçu récemment du Japon d'autres renseignements
sur le désir de ce pays de renforcer sa coopération avec le
Conseil de l'Europe. Nous venons de solliciter l'avis de cette Assemblée
sur la demande du Japon.
" Madame la Présidente, nous sommes tous sensibles aux importantes
questions qui concernent l'administration des droits des minorités en
Europe. Il s'agit d'un domaine délicat qui, sans aucun doute, continuera
à préoccuper l'Europe pendant des décennies.
" Notre Organisation a adopté récemment une convention-cadre
pour la protection des minorités nationales, première
étape d'un processus long et difficile. Nous devons maintenant tout
mettre en œuvre afin de progresser. La pression des Parlements
nationaux
serait utile afin d'obtenir les ratifications nécessaires pour que cet
instrument important entre en vigueur au cours de l'année. En même
temps, nous devons rester conscients de la complexité et de la
difficulté des problèmes en cause sur le plan des concepts et du
fond. Tout porte à croire que ce secteur restera l'un des plus
difficiles, dans un avenir prévisible, pour le Conseil de l'Europe et
également pour notre présidence.
" Nous sommes en train, au Comité des ministres, d'évaluer
les travaux menés jusqu'ici pour exécuter le mandat du Sommet de
Vienne relatif à l'élaboration d'un protocole dans le domaine
culturel garantissant des droits individuels, en particulier pour les personnes
qui appartiennent à des minorités nationales. Il est aujourd'hui
trop tôt pour évaluer l'aboutissement de ce processus.
" Dans ce contexte, il est vital également que le Conseil de
l'Europe poursuive son action importante contre le racisme et
l'intolérance dans notre région du monde. Il y a lieu de rendre
hommage à la Commission européenne contre le racisme et
l'intolérance (ECRI) pour les progrès déjà
accomplis dans ce domaine difficile. On peut espérer qu'ils conduiront
à des résultats tangibles dans un très proche avenir. Lors
de leur dernière réunion, les délégués ont
examiné le rapport de l'ECRI et décidé de prolonger son
mandat pour une période de deux ans.
" Au cours de notre présidence, le Conseil s'engagera dans une
activité nouvelle. Nous allons entamer le
monitoring
du respect
par les Etats membres de leurs engagements. Cet exercice concernera les Etats
membres anciens et nouveaux et le coup d'envoi en sera donné par un
panorama factuel que dressera le Secrétaire général.
" Nous devrons nous montrer prudent dans le lancement de cette
nouvelle
procédure. Il s'agit de questions sensibles et la présidence
danoise fera de son mieux pour que le nouveau mécanisme
bénéficie d'un bon début. Le concept-clé à
cet égard doit être un dialogue opérationnel. Il nous faut
éviter les confrontations stériles qui ne conduisent à
aucune amélioration de la situation dans les pays membres.
" J'aimerais mentionner la grande importance que la présidence
attache aux activités de l'Organisation relatives à la jeunesse.
La nouvelle Europe que nous établissons aujourd'hui a besoin pour
réussir de l'appui des générations à venir. La
présidence danoise partage le point de vue du Conseil de l'Europe
d'après lequel les activités favorisant les
générations futures sont prioritaires. Le Danemark a
été heureux d'être représenté, à
l'échelon ministériel, à l'inauguration du Centre
européen de la jeunesse de Budapest, le
15 décembre dernier. Nous avons le ferme espoir que ce Centre
de la jeunesse connaîtra le même succès que celui de
Strasbourg.
" Madame la Présidente, la démocratie locale a
été essentielle pour l'évolution de la
société danoise et devrait être d'une égale
importance pour toutes les nouvelles démocraties en Europe. J'ai plaisir
à rappeler que mon Gouvernement envisage d'organiser en avril prochain,
à Copenhague, sous les auspices du Conseil de l'Europe, une
conférence à ce sujet. L'année 1995 a marqué le
dixième anniversaire de la Charte européenne de l'autonomie
locale. La conférence sera organisée avec l'aide du
Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe et une
contribution de cette Assemblée. Elle aura pour but principal
l'appréciation de la Charte de l'autonomie locale dans une Europe en
évolution.
" La mise en œuvre du protocole à la Convention
européenne des Droits de l'Homme sur la fusion de la Cour et de la
Commission se fera, selon toute probabilité, pendant notre
présidence. Il est extrêmement important que la Cour et la
Commission, et à l'avenir les institutions résultant de leur
fusion, restent la pierre angulaire de notre Organisation.
" Madame la Présidente, je ne voudrais pas conclure cet
exposé sans mentionner un autre domaine encore de nos activités,
dont je sais qu'il intéresse vivement l'Assemblée, qui est celui
des procédures budgétaires du Conseil de l'Europe. Le
Comité des ministres, lorsqu'il a adopté en
décembre 1995 le budget de cette année, a
décidé également que les budgets futurs devraient
être présentés de manière plus transparente encore.
C'est pourquoi nous avons demandé, lors de cette adoption en
décembre du budget de 1996, que la présentation des projets de
programmes établisse une corrélation nette entre ceux-ci et les
budgets correspondants, et comporte également des indications
précises sur l'affectation de personnel aux divers programmes.
" La présidence danoise est convaincue que cette nouvelle approche,
avec d'autres mesures que nous préparons, conduira à la
transparence qui est la condition préalable à
l'établissement des bonnes priorités ainsi qu'à la
recherche et à l'obtention du soutien des Gouvernements membres -et
aussi des Parlements nationaux- afin d'augmenter comme il est nécessaire
le budget du Conseil de l'Europe.
" Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, en conclusion, je
voudrais souligner une fois encore l'importance d'une étroite
coopération au sein du Conseil de l'Europe entre l'Assemblée
parlementaire et les représentants des Gouvernements. En ces
années où le nombre des Etats membres augmente rapidement, avec
les nombreux problèmes politiques qu'implique cet élargissement,
il est crucial de cultiver cette coopération.
" Je crois pouvoir compter sur votre soutien pour les mois à venir,
et je serai heureux de répondre aux questions qui ont été
déposées ".
La question posée par
M. Jean VALLEIX
,
député
(RPR)
, est ainsi rédigée :
" M. Jean VALLEIX demande au Président du Comité des
ministres s'il peut fournir à l'Assemblée parlementaire le
maximum d'informations possible sur les perspectives de la Conférence
intergouvernementale de l'Union européenne en ce qui concerne le Conseil
de l'Europe. "
M. PETERSEN
a répondu à
M. Jean VALLEIX
en ces
termes :
" La Conférence intergouvernementale (CIG) se tiendra en mars en
vue de réviser le traité sur l'Union européenne. Elle
concerne au premier chef les Etats membres de l'Union et ses institutions. Il
me semble pourtant compréhensible et en même temps encourageant
qu'elle suscite autant d'intérêt en dehors de l'Union
également.
" La recommandation 1279 de l'Assemblée témoigne de cet
intérêt et le document préparé par les
délégués des ministres en septembre confirme cet
intérêt. Ce dernier document, auquel la recommandation de
l'Assemblée a été annexée, a été
transmis au Président du groupe de réflexion chargé de la
préparation de la CIG avant que le groupe ne présente son rapport
final au Conseil européen qui s'est tenu à Madrid en
décembre.
" Dans ce rapport, le groupe n'a pas fait explicitement
référence au Conseil de l'Europe et à sa contribution aux
travaux. Il a cependant mentionné une question très importante
pour l'Assemblée, à savoir l'éventuelle adhésion de
l'Union à la Convention européenne des Droits de l'Homme.
" Le rapport du groupe de réflexion figurera, avec les
contributions des Etats membres et des institutions de l'Union, parmi les
éléments importants de la CIG.
" Il faudra résoudre beaucoup de problèmes complexes au
cours des négociations avant que la CIG ne s'achève. Il est trop
tôt pour savoir si telle ou telle proposition de l'Assemblée sera
examinée et si elle a une chance d'être adoptée. Je puis
toutefois donner à l'Assemblée toute mon assurance que le
Comité des ministres attache la plus grande importance aux relations
entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe. Bien entendu, je
suivrai avec attention l'évolution de la situation et ne manquerai pas
d'en informer l'Assemblée.
" Je peux ajouter pour ma part que nous sommes conscients de
l'importance
du rôle joué par le Conseil de l'Europe dans la construction
européenne. Il n'y a aucune raison de ne pas en tenir compte à la
CIG, bien au contraire. "
6. Exposé de M. Ivan GASPAROVIC, Président du Parlement de la République slovaque (jeudi 25 janvier)
M. Ivan GASPAROVIC, s'adressant à l'Assemblée,
rappelle qu'avant de devenir membre du Conseil de l'Europe, la Slovaquie a fait
l'objet d'une enquête étroite sur le respect des droits de l'homme
et des minorités. La République slovaque a accepté sans
réserves les avis émis par l'Assemblée et les a
intégrés dans sa législation. Elle a pu devenir ainsi une
société démocratique stable.
Concernant l'adhésion de nouveaux membres au Conseil de l'Europe,
l'orateur pense qu'il ne serait pas judicieux de concevoir le continent
européen comme un club d'heureux élus. Laisser certains pays
en-dehors du club entraînerait certainement des conflits latents. Exclure
la Russie reviendrait à créer un nouveau rideau de fer. Il
convient de mettre sur pied une Europe démocratique avec des nations
égalitaires soumises à des règles qui seront
appliquées pour le bien de tous.
L'élargissement du Conseil de l'Europe et le processus
d'intégration européenne finiront par arriver à leur
terme. De nouvelles formes de coopération devront être
envisagées. La coopération entre le Conseil de l'Europe et le
Parlement européen sera de plus en plus étroite, et l'on peut se
demander si ces deux institutions ne finiront pas par fusionner.
M. GASPAROVIC réitère la proposition qu'il a faite à
Vienne de rédiger un livre blanc sur les minorités nationales.
Cela suppose la mise en œuvre de la convention-cadre pour la
protection
des minorités nationales. La Slovaquie, ayant une grande
expérience dans ce domaine, pourrait fournir le fil conducteur de
l'élaboration de ce livre blanc.
7. Exposé de M. Milan UHDE, Président de la Chambre des députés de la République tchèque (Jeudi 25 janvier)
M. Milan UHDE s'adresse à l'Assemblée en ces
termes :
" Madame la Présidente, Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs, c'est un grand honneur pour moi que de pouvoir saluer
cette Assemblée et chacun d'entre vous, et je le fais avec un plaisir
sincère. Les contacts avec l'Europe, si fréquents qu'ils soient
devenus, ont toujours pour moi un je ne sais quoi de spécial, au
meilleur sens du terme. Nous avons été trop longtemps
séparés de l'Europe, et je continue de ressentir chaque rencontre
avec des collègues européens comme un moment extrêmement
précieux.
" Les six mois pendant lesquels la République tchèque a
présidé le Comité des ministres sont arrivés
à leur terme et, chaque fois que cette période est
évoquée, j'entends des commentaires favorables sur la
façon dont nous avons assumé ce rôle important.
Václav Havel, Président de la République tchèque, a
prononcé un discours à l'occasion de l'inauguration du Palais de
droits de l'homme, et ses propos ont également suscité
approbation et louanges.
" Pour la République tchèque, l'année 1995 a
été réellement fructueuse à tous les égards.
En tant que premier pays entré dans l'ère post-communiste, la
République tchèque est devenue l'un des vingt-six Etats membres
de l'Organisation pour la coopération et le développement
économiques, qui n'avait pas accueilli de nouveau membre depuis de
nombreuses années. J'estime que cette adhésion est liée
aux résultats économiques que nous avons obtenus au cours de la
transformation de notre société.
" Nous avons abordé 1996 avec un budget en équilibre, tandis
que l'inflation était contenue en-dessous de 9 % et que le taux de
chômage ne dépassait pas 3 %. Les analystes les plus prudents
prévoient une croissance de 5 % du produit national brut. En
dépit de la complexité de cette transformation
accélérée, rendue plus difficile encore par la scission en
deux Etats de l'Ex-Fédération tchécoslovaque, il a
été possible de maintenir la paix sociale, ce qui est très
important. Nous avons adopté deux lois sociales fondamentales -sur la
sécurité sociale et les retraites- et nous mettons actuellement
la dernière main à un troisième projet de loi relatif
à l'assistance sociale. Nous disposons ainsi d'instruments convaincants
qui permettront de contrebalancer une augmentation assez importante et peu
commune des disparités sociales.
" Au seuil de 1996, année d'élections pour la
République tchèque, nous nous présentons comme une
société politiquement stable, capable d'éviter les
commotions et les convulsions anormales. Comme nous avons enfin trouvé
un accord sur la loi relative à l'élection du Sénat en
1995, il nous sera possible, cette année, de nous acquitter de la
tâche fixée dans notre Constitution de 1992 : élire un
Parlement à deux chambres qui contribuera à préserver
notre système juridique. Nous aurons ainsi honoré tous nos
engagements à l'égard du public, à l'exception d'un seul.
Il nous reste encore à accomplir une grande tâche, qui est de
créer un niveau territorial supérieur, doté d'autonomie,
et nous y travaillons d'arrache-pied.
" Tel est le bref message que je voulais délivrer. Je sais
qu'aujourd'hui la procédure d'examen de la demande d'adhésion de
la Russie entre dans sa phase finale. Il s'agit d'une question de principe
extrêmement grave qui, à mon avis, appelle une évaluation
approfondie, même si cela doit prendre du temps. Les membres de la
délégation tchèque auront certainement une contribution
à apporter au débat, fondée sur leur propre
expérience et sur notre expérience commune.
" Je vous souhaite de prendre une décision mûrement
réfléchie, et je terminerai en remerciant le Conseil de l'Europe
et son Assemblée parlementaire de la compréhension qu'ils
manifestent à l'égard des nouveaux membres, et notamment de la
République tchèque. Je me félicite de l'existence de ce
lieu de dialogue stimulant, en espérant qu'une disposition studieuse
n'est pas incompatible avec un sentiment de bonheur extrême à se
trouver ici et ensemble pour toujours. "
8. Exposé de M. John BRUTON, Premier ministre de l'Irlande (Jeudi 25 janvier)
Devant l'Assemblée, M. John BRUTON s'est exprimé
en ces termes :
" Monsieur le Secrétaire général, chers
invités, chers collègues, Mesdames, Messieurs, je vous remercie,
Madame la Présidente, de votre allocution de bienvenue si aimable et si
bien documentée. Je remercie également M. Miguel Angel
Martínez, votre prédécesseur, de m'avoir invité
à m'adresser à votre Assemblée aujourd'hui. J'en suis
très honoré, d'autant que, depuis Soan Lemass en 1966, aucun
Premier ministre irlandais n'a pris la parole devant cette Assemblée
dont j'ai été moi-même membre en 1990, alors que le Conseil
de l'Europe ne comptait encore que vingt-trois Etats membres. Ils sont
maintenant trente-huit : voilà une évolution très
positive à mon sens.
" Peut-être plus que tout autre organisation au monde, le Conseil de
l'Europe nous rappelle la dignité inhérente à notre
condition d'homme. Par son statut et diverses conventions, en particulier la
Convention européenne des Droits de l'Homme, il a aidé à
définir les obligations et les droits fondamentaux. Ces droits
existaient bien avant la création des Etats dont nous sommes les
représentants. Ils sont les fondements de la légitimité
morale de toute autorité, de tout Etat, de toute organisation telle que
le Conseil de l'Europe. Une société qui bafoue les droits de
l'homme sape les fondements de sa propre légitimité morale.
" D'une certaine manière, le Conseil de l'Europe ressemble à
une université dans laquelle des pays viendraient apprendre la
démocratie, la primauté du droit et les droits de l'homme. Et, de
même qu'on n'exclut pas des cours les étudiants qui s'efforcent de
réussir, on ne devrait pas non plus exclure de notre université
des droits de l'homme les membres qui ont la volonté de satisfaire aux
normes fixées en la matière par l'Organisation.
" Bien entendu, conformément au statut du Conseil de l'Europe, les
Etats doivent -et ceci est primordial- reconnaître "le principe de la
prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute
personne sous sa juridiction doit jouir des droits de l'homme et des
libertés fondamentales". Voilà un point à propos duquel il
convient de se montrer intransigeant. Mais on ne pourra imposer ces principes
qu'aux membres du club, les seuls auxquels ces règles sont applicables.
" Le Conseil de l'Europe est avant tout un forum de dialogue où
chacun peut exposer ses problèmes. Le seul fait de se trouver
réunis dans la même salle -sous le même toit- gomme peu
à peu les différences. Et cela est particulièrement vrai
dans le cas de l'Irlande, dont j'aimerais vous parler à présent.
" En Irlande, les leçons de l'histoire montrent clairement que les
différends politiques ne peuvent être réglés que par
des moyens pacifiques et démocratiques.
" Dans le processus de paix irlandais, mon Gouvernement s'est fixé
comme priorité d'arriver à un règlement politique auquel
toutes les parties et communautés de notre île puissent apporter
leur soutien en y adhérant loyalement et d'un commun accord. La
tâche ne sera pas aisée. L'absence de confiance restant le
problème majeur, il nous faudra jeter des bases solides pour instaurer
la confiance entre des communautés divisées depuis des
siècles.
" C'est sur cette toile de fond que les deux Gouvernements ont
travaillé ensemble pour frayer la voie à de véritables
négociations auxquelles toutes les parties concernées puissent
participer.
" En novembre dernier, les deux Gouvernements ont engagé un
"processus à double voie" dans le ferme dessein de lancer des
négociations multipartites d'ici à la fin du mois prochain.
" Dans un premier temps, les deux Gouvernements et tous les partis
politiques ont entamé des entretiens préliminaires, au cours
desquels un certain nombre d'idées ont été
examinées, y compris la possibilité de tenir des élections
en Irlande du Nord. Mais à ce stade ce ne sont rien de plus que des
idées, car les discussions de ce volet du processus sont loin
d'être achevées, puisqu'elles ne se termineront que dans un mois.
" Dans un deuxième temps, les Gouvernements ont mis en place un
organe international, présidé par le sénateur George
Mitchell, qui compte parmi ses membres un éminent ancien Premier
ministre finlandais. Cet organe est chargé de procéder à
une évaluation indépendante de la question du désarmement
des formations paramilitaires qui possèdent encore d'importants arsenaux
en Irlande du Nord. Ces dépôts d'armes constituent une entrave
à l'instauration de la confiance et à l'établissement de
conditions favorables au bon déroulement des négociations.
" Cet organe international a publié hier son rapport dont le
Gouvernement irlandais se félicite, car il semble donner à chacun
une base pour avancer sans abandonner ses principes ; de plus, il se fonde
sur des compromis raisonnables et traite, entre autres, de la question de
savoir ce qu'il adviendra de ces armes, résidus du passé.
" Le rapport constitue un défi pour les partis qui avaient
été précédemment associés à la
violence paramilitaire. Il constitue un défi, parce qu'il leur
recommande de changer et d'accepter un certain nombre de principes. Il
constitue également un défi pour les parties qui, en raison des
blessures du passé et du souvenir de la terrible violence exercée
par les groupes paramilitaires contre leur communauté, trouvent
quasiment impossible de s'asseoir autour de la même table que ces
derniers. Il faut bien reconnaître que nous ne pourrons progresser sur la
voie d'une résolution politique du conflit que si nous acceptons de nous
asseoir à la même table que ceux qui, par le passé, nous
ont tant blessés. Nous ne ferons jamais la paix si nous ne cherchons
à la faire qu'avec nos amis. Comme le soulignait Yitzhak Rabin, on ne
peut faire la paix qu'avec ses ennemis, pas avec ses amis.
" Cet organe international a élaboré un ensemble de
principes extrêmement précis qui vise à permettre à
tous ceux qui le souhaitent de s'asseoir à la même table. Je pense
qu'il serait utile de présenter ici, devant le Conseil de l'Europe, la
liste des principes qui devront présider aux négociations de paix
en Irlande du Nord.
" Ces principes incluent un attachement total et absolu aux idées
suivantes : le recours exclusif à des moyens démocratiques
et pacifiques pour résoudre des problèmes politiques -cela exclut
expressément le recours à la violence- le désarmement
total de toutes les organisations paramilitaires ; l'acceptation que ce
désarmement doit être vérifiable par un organe
indépendant ; la volonté de renoncer au recours à la
force, mais aussi de s'opposer à toute tentative de quelqu'un d'autre de
recourir à la force ainsi que celle de renoncer à brandir la
menace du recours à la force pour influencer le déroulement de
négociations ; le respect de tout accord conclu dans le cadre de
négociations et l'acceptation de recourir uniquement à des
méthodes démocratiques et pacifiques pour tenter d'influer sur le
résultat des négociations ; enfin, les parties sont
instamment priées de mettre fin aux assassinats et aux passages à
tabac dits "punitifs" qui se sont poursuivis jusqu'ici. Elles devront
prendre
toutes les mesures efficaces pour y parvenir.
" Je suis convaincu que l'acceptation expresse de ces six principes
par
toutes les organisations précédemment associées à
la violence et par tous les partis politiques qui les soutiennent contribuerait
à créer un climat de confiance qui permettrait de réunir
toutes les parties autour de la table des négociations.
" Mais, aussi astucieux ou aussi logique soit-il -encore qu'il faille
parfois se méfier de l'excès de logique, comme ici par exemple-
tout dispositif qui ne séduirait pas toutes les parties serait
inopérant. Et ce qui ne fonctionne pas est inutile. A ce propos, je me
félicite du pragmatisme qui caractérise la politique menée
par mon voisin le plus proche. Ce qui ne fonctionne pas est inutile -ce
principe vaut pour toute nouvelle proposition qui serait faite à ce
stade des entretiens. Il faut que les propositions soient constructives et
réalistes ; si elles ne le sont pas, il faudra en formuler de
nouvelles. Il faut également que les deux parties soient
présentes lors des négociations pour que puisse être
créé un partenariat pour la paix.
" Je déclarais tout à l'heure que l'acceptation de ces six
principes constitue un défi pour les parties associées à
des groupes paramilitaires, notamment le Sinn Fein.
" Les unionistes, ceux qui en Irlande du Nord sont en faveur du
maintien
de l'union avec la Grande-Bretagne -à savoir la majorité- sont
confrontés à un défi tout aussi net. Pourquoi ne pas
s'asseoir à la table des négociations avec le
Sinn Fein ? Après seize mois sans violence, les unionistes ont
certainement aujourd'hui suffisamment confiance pour prendre le risque de
discuter avec le Sinn Fein. Les paroles de Yitzhak Rabin me reviennent à
l'esprit ainsi que celles de Shimon Peres qui me disait qu'en s'asseyant
à la table des négociations avec les Syriens et les Palestiniens
son premier objectif n'avait été de résoudre ni le
problème A, ni le problème B, ni le problème C, mais de
s'assurer qu'à cette table se trouvait quelqu'un qui pourrait devenir
son partenaire pour la paix. Il en est bien ainsi : jamais nous ne
parviendrons à devenir des partenaires si les gens réunis autour
de la table n'ont pas la volonté d'engager des négociations.
" J'ai dit aux unionistes que personne ne les obligeait à se
prononcer avant d'avoir commencé à négocier avec le Sinn
Fein ; mais que cela ne les empêcherait pas de prendre dès
à présent des initiatives, même en l'absence de
modalités convenues entre les Gouvernements. Les deux Gouvernements ont
la ferme intention d'organiser des négociations en trois volets, mais
toutes les parties ont le droit et l'obligation de discuter entre elles de leur
plein gré même avant l'adoption de ces modalités
d'organisation. Cela vaut tant pour les unionistes que pour le Sinn Fein.
" Chaque partie a aussi le droit de ne pas être marginalisée,
le droit de ne pas être soumise à un test politique insoluble dont
les inventeurs savent bien qu'il ne pourra jamais être réussi. Il
s'ensuit que chaque partie a l'obligation de tenir compte des idées
émises par d'autres, adversaires traditionnels ou non, et de s'efforcer
d'y voir des aspects positifs au lieu de les rejeter en bloc, machinalement.
" Dans toute négociation, l'élan est vital. Si l'élan
est maintenu, l'insoluble devient soluble. Si l'élan disparaît,
des points de détail pourront être érigés en
questions de principe et se transformer en barrières infranchissables.
Les Gouvernements irlandais et britannique ont décidé de
continuer sur la même lancée le processus de paix en Irlande, en
fixant fixé l'objectif ambitieux, mais ferme, de commencer les
négociations avec toutes les parties en cause d'ici à la fin du
mois prochain. Jusque là, de nouvelles idées pourront être
examinées, mais il ne faudra pas s'en servir pour se détourner ou
s'éloigner de l'objectif commun que nous nous sommes fixé.
L'absence de dialogue structuré est un terrain fertile pour les
prophètes de la guerre. Le dialogue ne peut faire de mal ; il ne
peut, au contraire, que se révéler utile. C'est pourquoi les
Gouvernements irlandais et britannique ont déjà renforcé
les travaux en cours dans le cadre du processus politique.
" A cet égard, les idées du Conseil de l'Europe en
matière de droits de l'homme peuvent être une source d'inspiration
précieuse. On pourrait, par exemple, envisager l'adoption d'une charte
ou d'un accord sur les droits des individus et des communautés en
Irlande du Nord. Voilà l'une des idées que l'on pourrait examiner
au cours du processus politique. Les Gouvernements irlandais et britannique
-surtout le Gouvernement irlandais- tiennent à ce que la future
déclaration des droits puisse être efficace en Irlande du Nord.
Selon le Gouvernement irlandais, celle-ci devra définir à la fois
les droits des communautés et les droits de l'individu. Nous
reconnaissons que le Conseil de l'Europe est le chef de file dans
l'élaboration de la jurisprudence en matière de droits des
communautés.
" Il faut garder à l'esprit -et cela est essentiel- que
l'efficacité des instruments juridiques, aussi bien libellés
soient-ils, dépendra de l'atmosphère qui règnera au moment
de leur application : c'est pourquoi il convient d'instaurer la confiance
et la tolérance. Ces instruments ne pourront fonctionner que si les gens
sont disposés à se rencontrer, que ce soit dans une salle, au
sein d'une assemblée ou dans le cadre d'une organisation.
" Il faut donc accueillir les gens au lieu de les laisser à la
porte. Voilà précisément les considérations qui
sous-tendent le débat à la suite duquel votre Assemblée
sera appelée à se prononcer sur la demande d'adhésion de
la Russie. Si la Russie devient membre du Conseil de l'Europe, tous les
problèmes -y compris les problèmes de droits de l'homme- pourront
être examinés. Si la Russie reste en dehors de l'Organisation, ce
sera au détriment de l'élan acquis dans la tâche
douloureuse et nécessairement progressive d'étendre l'ordre
juridique ouest-européen à la Russie. Parmi les plus anciennes
démocraties représentées au sein de cette
Assemblée, quelle est celle qui peut prétendre y être
parvenue du jour au lendemain ? Dans beaucoup de cas, il aura fallu
près d'un siècle de réformes constitutionnelles. Ne
demandons donc pas aux autres de passer des examens que nous n'avons pas
nous-mêmes réussis.
" J'aimerais, si vous le permettez, dire quelques mots du rôle de
l'Irlande dans l'Union européenne. D'importants défis se
présentent à l'Irlande, qui, pendant le deuxième semestre
de cette année, occupera la présidence de l'Union
européenne à la suite de l'Italie. La Conférence
intergouvernementale, le système monétaire européen ainsi
que l'élargissement de l'Union figurent au nombre des questions à
examiner et revêtent une importance capitale pour tous les pays membres.
" Il nous tient à cœur de réussir ; mais, pour
réussir, il faut prouver que l'Union européenne se
préoccupe vraiment des problèmes du citoyen, qu'elle ne se livre
pas uniquement à des exercices abstraits de bureaucrates, usant d'un
langage que les gens ne comprennent pas, lui-même émaillé
d'initiales dont seuls les hauts fonctionnaires et les hommes politiques
saisiront le sens, et organisant des débats à un niveau si
élevé que les Européens ne se sentent pas le moins du
monde concernés. Il faut se pencher sur les problèmes qui
intéressent directement les citoyens, le chômage et la
délinquance, par exemple. L'Union européenne doit tout à
la fois prouver sa volonté et sa capacité d'aider les pays
membres à combattre le chômage. Et cela vaut également pour
le Conseil de l'Europe. Le chômage dans un pays donné crée
également des tensions sociales chez ses voisins. J'espère que
l'Union européenne, en concertation avec le Conseil de l'Europe
-Organisation de plus grande envergure- pourra démontrer aux citoyens
européens qu'elle est capable de s'attaquer au problème du
chômage.
" Quant au Conseil de l'Europe, il importe qu'il étudie de
près le problème de la délinquance en relation avec l'abus
de stupéfiants. La délinquance procède souvent de la
toxicomanie. En Irlande, près de 80 % des détenus sont ou ont
été toxicomanes. Et les quatre/cinquièmes d'entre eux ont
connu le chômage de longue durée. Il existe un lien direct entre
les taux élevés de chômage, le nombre des toxicomanes et la
délinquance, problèmes qui forment un tout et qu'il convient de
traiter ensemble.
" Le Conseil peut apporter une contribution essentielle grâce aux
normes juridiques qu'il a adoptées en matière de lutte contre la
criminalité organisée et le blanchiment de l'argent, ainsi
qu'à ses recommandations dans le domaine de la santé visant
notamment à réduire la demande de drogues dures.
" Nous sommes convaincus que l'Union européenne a besoin de la
contribution et de l'aide du Conseil de l'Europe dans la lutte contre la
délinquance, la toxicomanie et le chômage de longue durée.
C'est en effet la seule façon de montrer que les institutions
européennes sont capables de répondre directement aux
préoccupations réelles de nos citoyens en matière de
chômage, de délinquance et de toxicomanie, sinon pour
eux-mêmes, du moins pour leurs enfants.
" J'espère que ces quelques mots ont pu mettre en lumière
l'engagement de mon Gouvernement en faveur de l'idéal européen.
Nous reconnaissons que le Conseil de l'Europe est un partenaire essentiel dans
la concrétisation de cet idéal. J'espère que la
présidence de l'Irlande à l'Union européenne nous
permettra de renforcer la coopération entre l'Union et son grand
frère, le Conseil de l'Europe. "
B. DEUXIÈME PARTIE DE LA SESSION DE 1996 (23-25 AVRIL)
1. Discours de M. Léonid KOUTCHMA, Président de l'Ukraine - Questions de MM. Claude BIRRAUX, député (UDF), Jean-Claude MIGNON, député (RPR), et Jean VALLEIX, député (RPR) (Mardi 23 avril)
M. KOUTCHMA, Président de l'Ukraine, a tout d'abord
remercié l'Assemblée parlementaire et sa Présidente, Mme
FISCHER, pour leur invitation. Il exprime également sa reconnaissance
à tous ceux qui, l'an dernier, ont appuyé la demande
d'adhésion de l'Ukraine et ont ainsi soutenu le peuple de ce pays dans
la voie des réformes et de la démocratie. Cette confiance
l'engage dans une marche irréversible vers la constitution d'une
société de droit.
L'Ukraine, un des derniers Etats européens à s'être
affranchi du joug colonial et du communisme, a ainsi fait des choix sans
ambiguïté : l'indépendance, le bien-être du
peuple, la construction de la société et de l'Etat sur des bases
démocratiques. Cette construction s'opère, via le processus
constitutionnel, sur un cycle de cinq ans. Il s'agit d'un long chemin,
ponctué de luttes politiques entre les forces du passé
totalitaire et celles de l'avenir démocratique.
Seul pays d'Europe centrale et orientale à ne pas encore disposer d'une
nouvelle constitution, l'Ukraine en adoptera une très bientôt. Le
Président Koutchma fera tout son possible pour cela. Le texte final
est en cours de négociation car la tactique suivie est de rechercher le
compromis plus que la confrontation.
Pour garantir la légalité et la légitimité de la
nouvelle constitution, le Président Koutchma n'exclut pas que le peuple
ukrainien soit consulté par référendum. Si tout se passait
favorablement, trois cents ans après sa première tentative
constitutionnelle de 1710, l'Ukraine jetterait ainsi les bases solides et
définitives de sa démocratie et de sa liberté.
Il faut reconnaître que le processus de mise en forme constitutionnelle
donne lieu à d'épineuses confrontations, compliquées par
d'énormes difficultés économiques et sociales. Le
programme de réforme, lancé en 1994 en direction d'une
économie de marché, a déjà donné des
résultats positifs et l'année 1995 a permis d'enregistrer une
stabilisation de la dégradation économique. Le rythme de
diminution de la production a ralenti, les salaires réels ont
augmenté et l'on escompte, pour 1996, un accroissement de la production
agricole et industrielle.
Le Gouvernement a entrepris de maîtriser l'inflation et son programme de
restructuration de la propriété et de la gestion
économiques commence à porter ses fruits. Le chemin est long mais
ce qui encourage l'Ukraine, c'est la volonté des institutions
européennes et mondiales -Union européenne, Conseil de l'Europe,
OCDE, FMI, Banque mondiale, BERD- de lui apporter leur aide et de favoriser sa
participation à un espace économique européen commun.
Pour réformer la législation et la mettre en conformité
avec les normes européennes, une commission spéciale a
été créée, ce qui garantit que les engagements pris
devant le Conseil seront respectés. Cela est vrai de l'adoption d'une
nouvelle constitution, qui est très près de se réaliser.
D'autres engagements, il faut le reconnaître franchement, ne sont pas
très bien perçus par une partie de la société et
des forces politiques du pays. Tel est le cas du moratoire sur les
exécutions. Cependant, comme le dit le proverbe, "l'engagement vaut plus
cher que l'argent", et l'Ukraine s'appliquera à respecter tous ses
engagements.
Elle apprécie l'aide que le Conseil lui apporte dans leur mise en
œuvre, grâce au programme conjoint "la démocratie à
travers le droit". Elle a déjà ratifié dix conventions et
elle va adhérer prochainement à cinq autres. Elle examine en
particulier la ratification de la convention-cadre sur les minorités
nationales qu'elle a signée le 15 septembre et elle exprime sa
satisfaction de voir le Conseil élaborer un tel document dans la mesure
où, en Europe, les foyers de tension sont souvent dus à la
question des minorités.
Pour ce qui la concerne l'Ukraine a adoptée une législation qui,
pour les droits de l'homme et les statuts de minorité, a reçu
l'approbation du Conseil et qui explique pourquoi elle ne connaît pas de
conflits interethniques. Elle espère que les minorités
ukrainiennes qui se trouvent dans les autres pays bénéficieront
des mêmes conditions favorables.
M. Koutchma souhaite cependant évoquer le problème épineux
des personnes déplacées qui reviennent s'installer en Ukraine,
comme les Tatars de Crimée. Ceux-ci sont près de 300 000
à être revenus et il faut y ajouter 17 000 Bulgares,
20 000 Grecs et 15 000 Allemands, qui, eux aussi, ont voulu revenir
sur leur terre natale. L'Ukraine n'a aucune responsabilité morale dans
les crimes commis par le régime totalitaire vis-à-vis de ces
peuples, mais elle est seule à supporter les conséquences de ces
réinstallations. Il faudrait deux milliards de dollars américains
pour réaliser le programme qui a été ratifié alors
que l'Ukraine ne dispose que de cent millions de dollars, de sorte que le
mouvement de retour s'est interrompu. Aussi demande-t-elle une aide urgente de
la communauté internationale.
Depuis qu'elle a accédé à l'indépendance, l'Ukraine
a manifesté la volonté de s'intégrer aux institutions
internationales et européennes. Elle a signé des accords de
partenariat et de coopération avec l'Union, dont elle souhaite devenir
membre de plein droit et dont, en attendant, elle espère obtenir le
statut de membre associé.
L'Europe comprend les problèmes auxquels l'Ukraine est affrontée
et va lui apporter une aide. C'est pourquoi, la procédure de
ratification de 1994 va s'accélérer.
En ce qui concerne la coopération avec les organisations comme l'OTAN et
l'UEO, l'Ukraine cherche une voie de coopération
équilibrée, dont la première étape a
été constituée par le partenariat en faveur de la paix.
Elle considère qu'une zone dénucléarisée dans la
région pourrait contribuer beaucoup à la stabilité. La
sécurité du continent serait en tout cas vouée à
l'échec si les pays non alignés se retrouvaient dans une sorte de
zone tampon, grise, entre l'OTAN et le puissant voisin de l'Ukraine. Celle-ci
n'est pas hostile à tout élargissement de l'OTAN mais elle
considère que cet élargissement doit être un processus
ouvert et ne doit pas contribuer à la réapparition de
confrontations.
M. Koutchma, qui rappelle la participation de son pays au processus d'Helsinki,
considère que l'OSCE est un instrument unique de diplomatie
préventive et indique qu'il coopère avec elle pour définir
l'autonomie de la Crimée. L'Ukraine souhaite sincèrement trouver
une solution équilibrée à ce problème ; elle
refuse tout séparatisme, mais désire éviter d'attiser les
tensions dans la région. Elle veille donc à garantir les droits
des minorités et élabore un statut d'autonomie qui
préserve l'intégrité territoriale de la république.
Personne n'a intérêt à encourager des menées
séparatistes qui constitueraient un précédent dangereux en
Europe. Chacun doit savoir que la stabilité absolue des
frontières est un gage de paix.
Aujourd'hui, l'Europe connaît, dans certaines régions, des crises
aiguës, l'inquiétude est diffuse, les minorités se sentent
menacées, les migrations et les périls écologiques posent
de nouveaux problèmes. Dans ce contexte, l'Ukraine est favorable
à tout ce qui peut contribuer à consolider et stabiliser les
relations entre les pays. Les différentes institutions comme les Nations
Unies, l'OTAN, l'OSCE ont participé à la recherche d'un
règlement du conflit en Bosnie, avec l'aide du Conseil de l'Europe, de
l'Union et de l'UEO. Pour sa part, l'Ukraine est favorable à
l'établissement de relations bilatérales conformes au droit
international. Elle n'a pas de prétention territoriale et rejette toute
prétention du même type à son égard de la part de
quelque voisin que ce soit.
Le dialogue entre l'Ukraine et la Russie va se poursuivre dans le respect de la
souveraineté des Etats, selon les principes de la non ingérence,
de l'intégrité territoriale et de l'inviolabilité des
frontières. L'Ukraine participe activement aux travaux des structures
interétatiques régionales comme l'Organisation de
coopération de la mer Noire, et elle se déclare favorable
à une coopération internationale dans le domaine
écologique. La tragédie de Tchernobyl lui a appris que seule une
aide internationale permettait d'atténuer les effets d'une telle
catastrophe. Aussi a-t-elle bien reçu les décisions du
récent Sommet de Moscou qui constitue un pas important dans la voie de
la coopération entre Etats.
M. Koutchma conclut en observant que la situation internationale et les
perspectives qui s'offrent à son pays peuvent inciter à
l'optimisme. Les Ukrainiens œuvrent en tout cas dans ce sens,
persuadés qu'ils sont que la démocratie dépend pour une
bonne part de l'existence d'un Etat indépendant. Ils ont jeté les
bases d'un système démocratique conforme aux normes
européennes, d'un Etat de droit, d'une économie de marché.
Ils vont poursuivre dans cette voie, vers la création d'un Etat
prospère dans une Europe unie.
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, a posé
à M. Koutchma la question suivante :
" Un incident survenu récemment à la centrale
nucléaire de Tchernobyl est demeuré secret pendant quelques
semaines, ce qui fait peser des doutes sur la rupture avec les principes du
régime communiste pour qui seule comptait la production, puisque ce
régime sanctionnait ceux qui provoquaient des arrêts de la
production.
" Que comptez-vous faire pour que, désormais, la
sûreté soit l'unique préoccupation des responsables et des
travailleurs ukrainiens du nucléaire, ce qui ne nécessite pas de
financement du G7 ? "
Le Président Koutchma lui a répondu que l'Ukraine ne cache rien
et agit dans le respect des normes internationales. Ceux qui en douteraient
peuvent le vérifier auprès de l'Agence de l'énergie
atomique à Vienne. L'incident auquel fait allusion l'orateur n'a
existé que dans l'imagination de journalistes ukrainiens.
M. Jean-Claude MIGNON, député (RPR)
, a
interrogé à son tour M. Koutchma en ces termes :
" Monsieur le Président, ce qui se passe à Tchernobyl
concerne bien sûr l'Ukraine, mais aussi l'humanité tout
entière. Dernièrement, un nouvel accident grave s'est produit en
chargeant du combustible dans un des réacteurs. Nous n'avons appris
l'accident que plusieurs mois après.
" Eu égard aux efforts faits par la communauté
internationale, vous comprendrez aisément que nous aimerions être
avertis immédiatement lorsqu'intervient un accident de ce type,
considéré comme très important. Avez-vous l'intention de
nous informer dans le futur, en espérant bien sûr que de tels
accidents ne se reproduiront pas ? "
Le Président Koutchma lui a répondu que ce type d'accident ne
survient pas qu'en Ukraine. Si le Conseil est mécontent de l'information
diffusée par l'Ukraine, celle-ci tentera d'améliorer sa politique
de communication. En tant que Président, il a reçu en temps utile
l'information relative à l'accident de Tchernobyl et l'a transmise
immédiatement.
Enfin,
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
, a posé
à M. KOUTCHMA la question suivante :
" Monsieur le Président, pouvez-vous éclairer
l'Assemblée sur la répartition de la flotte de l'ex-URSS ?
Un accord a-t-il été conclu sur l'utilisation des bases
navales ? Qu'en est-il de l'application de cet accord tant pour l'Ukraine
que pour la Crimée ? "
M. Koutchma lui a répondu qu'il s'agit d'un problème entre la
Crimée et la Russie. Tant qu'il ne sera pas résolu, aucun
traité de collaboration ne pourra être signé. C'est la
raison pour laquelle, d'ailleurs, Boris Eltsine ne veut plus venir à
Kiev depuis longtemps. La négociation a cependant avancé à
plusieurs niveaux. Le stationnement des unités navales russes en
Crimée ne pose actuellement plus de problème. Le seul point noir
qui persiste est celui de Sébastopol et du statut de la flotte russe en
mer Noire. L'Ukraine a confirmé que sa base navale principale de la mer
Noire était Sébastopol. Cependant, les Russes disant la
même chose, l'Ukraine ne peut être d'accord. Ce problème
devrait pouvoir être résolu.
2. Allocution de M. le Président du Parlement d'Arménie
M. ARARKTSIAN, Président de l'Assemblée
nationale d'Arménie exprime, au nom de son Parlement, sa gratitude
sincère pour la confiance qu'a manifestée le Conseil de l'Europe
envers l'Arménie en lui conférant le statut d'invité
spécial. C'est sans doute la récompense des efforts accomplis,
mais c'est aussi une incitation à poursuivre la construction d'une
société démocratique et à avancer dans la voie de
l'économie de marché.
M. Ararktsian est convaincu que le processus est désormais
irréversible et qu'avec l'appui du Conseil, l'Arménie atteindra
ses objectifs, notamment en ce qui concerne le respect des droits de l'homme.
C'est donc avec fierté qu'elle se joindra à la famille
européenne des Etats de droit.
Depuis la déclaration d'indépendance de 1991, le pays a parcouru
un chemin ardu. Le 5 juillet 1995, une constitution a enfin été
adoptée par référendum et à cette occasion le
peuple a nettement manifesté sa volonté de créer un Etat
souverain et démocratique. Un nouveau Parlement a été
élu, où sont représentés douze des quarante-neuf
partis officiellement enregistrés. Les élections ont
été remportées par un bloc de la république, qui en
regroupe six, et M. Ararktsian tient à préciser que le Parti des
femmes est arrivé en seconde position. Ce Parlement s'est attelé
à la création des institutions prévues par la
constitution : une cour constitutionnelle a été mise en
place et l'indépendance du pouvoir judiciaire sera bientôt
garantie, ainsi que l'autonomie de pouvoirs locaux pleinement restaurés.
Le conflit du Haut-Karabakh n'est toujours pas réglé, et cela
affecte considérablement l'Arménie. Les autorités
nationales demeurent convaincues que le problème doit être
résolu par le dialogue politique, étant entendu que le
cessez-le-feu conclu il y a deux ans doit absolument être maintenu.
L'Arménie a aussi à créer de nouvelles structures
économiques. Elle a lancé la privatisation des terres et
l'Assemblée Nationale a décidé d'étendre le
processus à quelque 9 000 entreprises ou unités de
production d'ici à 1997. Une fois ce programme mené à
bien, la privatisation sera pratiquement achevée. Le pays souffre
toutefois d'un handicap grave : le blocus que lui imposent
l'Azerbaïdjan et la Turquie depuis cinq ans. Il doit en outre prendre en
charge les 700 000 victimes du tremblement de terre de Spitak, ainsi que
500 000 réfugiés d'Azerbaïdjan.
M. Ararktsian souhaite que la communauté internationale aide son pays
à retrouver le chemin de la paix et du développement.
L'Arménie a une longue tradition culturelle et spirituelle : ne
s'apprête-t-elle pas à célébrer le
1 700ème anniversaire de sa christianisation ? Depuis 301,
elle a maintenu sa foi, en dépit des guerres, des invasions, des
massacres. Aujourd'hui, elle attache le plus grand prix à sa
participation aux institutions internationales, persuadée que la
sécurité internationale, condition du progrès, ne peut
être obtenue que par un effort commun. Elle s'est préparée
à cette intégration et sa détermination à entrer
dans la maison commune l'a tout naturellement poussée à demander
son adhésion au Conseil de l'Europe.
En ce 24 avril, toute personne de bonne volonté ne peut qu'avoir une
pensée pour les victimes du génocide commis en 1915 par la
Turquie ottomane. Ce fut le premier génocide du XX
e
siècle et plus d'un million et demi d'Arméniens y disparurent. De
la reconnaissance du fait et de sa condamnation dépend beaucoup pour
l'humanité : il ne s'agit de rien de moins que de savoir si elle
restera à l'abri d'un nouveau geste de terreur.
3. La Communication du Comité des ministres à l'Assemblée (Mercredi 24 avril)
M. Helveg PETERSEN, ministre des Affaires
étrangères du Danemark, Président en exercice du
Comité des ministres, prononce le discours dont la traduction suit :
" Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, c'est un grand
honneur pour moi que de prendre la parole devant votre Assemblée juste
une semaine avant la fin de la présidence danoise du Comité des
ministres. Ce m'est également un plaisir de vous rendre compte des
progrès réalisés sous les principales "rubriques"
auxquelles je me référais lorsque je me suis adressé
à vous en janvier dernier, tout juste après que vous soyez,
Madame la Présidente, entrée en fonction.
" Je me réfère en particulier à quatre sujets qui ont
dominé l'ordre du jour tant de l'Assemblée parlementaire que du
Comité des ministres au cours des six derniers mois, à
savoir :
- l'élargissement, et plus particulièrement
l'adhésion de la Russie en tant que 39ème Etat membre ;
- les efforts déployés pour promouvoir les droits de l'homme et
la démocratie en Bosnie-Herzégovine et dans la
région ;
- la question du respect des engagements -le "suivi"- qui prend
aujourd'hui une
importance croissante alors que notre Organisation doit concilier les
idéaux, qui sont sa raison d'être, et sa nouvelle vocation
paneuropéenne ;
- la nécessité de dégager des moyens budgétaires
adéquats, au sein du Conseil de l'Europe, pour lui permettre de relever
les nouveaux défis exigeants qui se poseront à lui à
l'avenir.
" Parmi les autres questions que je mentionnerai figurent les suites
données aux directives du Sommet de Vienne concernant la protection des
minorités et la lutte contre l'intolérance, et aussi la
démocratie locale suite à l'initiative de mon pays de convoquer
une conférence, la semaine dernière, à Copenhague, pour
marquer le dixième anniversaire de la Charte européenne de
l'autonomie locale.
" Je prends un vif plaisir à souhaiter la bienvenue, en tant que
participants à part entière à leur première session
plénière, aux représentants du Parlement russe. Depuis le
28 février, lorsque le ministre Evgeny Primakov a
déposé l'instrument d'adhésion et signé la
Convention européenne des Droits de l'Homme, la zone du Conseil de
l'Europe s'étend jusqu'aux frontières de la Chine ou de la mer du
Japon.
" Plus importante que la géographie est toutefois, d'un point de
vue européen, la contribution de la Russie en termes d'enrichissement
politique et culturel de notre Organisation. Votre assemblée a, il est
vrai, bénéficié notablement, avant l'adhésion de la
présence d'invités spéciaux parlementaires, et tout porte
à croire que tant l'Assemblée parlementaire que le Comité
des ministres tirera grand avantage de la participation de notre plus
récent membre. Au sein du Comité des ministres, le ministre
Primakov a accepté d'ouvrir le débat, consacré à
"la Fédération de Russie au Conseil de l'Europe", lors de la
session informelle des ministres qui aura lieu le 2 mai.
" En ce qui concerne la suite de l'élargissement, je note que
l'Assemblée a adopté ce matin son avis sur la candidature de la
Croatie.
" De même, vous comptez parmi vous, pour la première fois,
des invités spéciaux de l'Arménie. Nos
délégués ont tenu un dialogue politique avec le ministre
des Affaires étrangères arménien le mois dernier, à
l'occasion duquel le ministre Papazian a remis la demande d'adhésion de
son pays à notre Organisation. Cette demande sera examinée par
nos délégués à leur réunion de mai. Un
dialogue politique aura lieu au cours de la même réunion avec le
ministre des Affaires étrangères de Géorgie et, le mois
suivant, avec son homologue d'Azerbaïdjan.
" Dans le contexte de l'élargissement, il est également
indiqué de parler du statut d'observateur. Après les Etats-Unis
(qui venaient tout juste de devenir observateur lorsque j'ai pris la
dernière fois la parole devant cette Assemblée), le Comité
des ministres, suite à la réunion de nos
Délégués de ce mois, a invité le Canada -en
superficie le deuxième pays du monde après la Russie- à
devenir observateur dans les mêmes conditions que l'autre grande
démocratie d'Amérique du Nord. Comme dans le cas de la
résolution concernant les Etats-Unis, cette décision est,
évidemment, sujette à l'avis positif de votre Assemblée
que, j'en suis sûr, vous ne manquerez pas de donner. Le Japon, lui aussi,
après l'avis favorable émis par la Commission permanente en mars
dernier, sera sans doute bientôt encore plus étroitement
associée aux travaux de notre Organisation, en jouissant d'un statut
approprié.
" Un autre aspect de l'élargissement est, évidemment,
l'aspect budgétaire, qui a déjà plus d'une fois
été l'objet de discussion au sein du Comité mixte. Ce sera
également un aspect d'un point, à savoir "adaptation de
l'Organisation pour répondre aux nouveaux défis", qui figure
à l'ordre du jour de la session ministérielle du 3 mai prochain.
A l'issue de notre présidence, j'espère faire en sorte que cette
discussion ait une portée directe sur la préparation du budget
pour 1997, compte tenu de l'élargissement et des ressources humaines
nécessaires pour mettre en œuvre ce budget.
" L'action peut-être la plus importante -et la plus novatrice- du
Comité des ministres, depuis que je me suis adressé à
cette Assemblée en janvier dernier, concerne les accords de paix pour la
Bosnie-Herzégovine et la région. A ce propos, nous nous
réjouissons du débat que votre Assemblée consacrera, toute
la journée de demain, à la mise en œuvre de l'accord de
Dayton, avec la participation d'importantes personnalités. La
première des tâches confiées à notre Organisation
à Dayton et à Paris a été la désignation de
huit des quatorze membres de la Chambre des Droits de l'Homme, notamment son
Président, mon compatriote, le professeur Peter Germer. Cela a
été fait dans les délais prescrits, ce qui a permis la
tenue de la session inaugurale de la Commission des Droits de l'Homme de
Bosnie-Herzégovine, composée de la Chambre et d'un
médiateur, au cours de la dernière semaine de mars, à
Sarajevo.
" Comme les membres de l'Assemblée le savent, Madame la
Présidente, la contribution du Comité des ministres est
déjà allée bien au delà du simple acte de
désignation prévu dans l'accord de paix. Bien que la Commission
des Droits de l'Homme y soit décrite comme une "institution de
Bosnie-Herzégovine", le Comité des ministres reconnaît que
les autorités de l'Etat ne sont pas en mesure, dans l'immédiat,
d'en assurer pleinement l'organisation et la dotation en personnel. C'est
pourquoi nous aidons votre ancien collègue, Madame l'Ambassadrice
Gret Haller, la médiatrice, désignée par l'OSCE, en
détachant auprès d'elle, temporairement, deux membres du
personnel. Le budget du Conseil de l'Europe a également financée
la session inaugurale de la Chambre, qui a eu lieu du
27 au 29 mars à Sarajevo.
" Je crois qu'il est important pour nous de reconnaître que,
à l'avenir également, le Conseil de l'Europe devra assumer une
certaine responsabilité pour le fonctionnement de la Chambre des Droits
de l'Homme. Cette responsabilité recouvre plusieurs domaines, y compris
l'appui administratif et logistique général, et des efforts
tendent à promouvoir un soutien financier accru du projet.
" Entre-temps, des contributions volontaires sont en train d'arriver
en
réponse à l'appel aux Gouvernements que j'ai co-signé, le
30 janvier 1996, avec le président en exercice de l'OSCE, le
ministre Flavio Cotti et le haut représentant Carl Bildt. A la
Conférence des pays et organisations donateurs sur la reconstruction en
Bosnie-Herzégovine, tenue les 12 et 13 avril 1996 à
Bruxelles, la délégation du Conseil de l'Europe a appelé
à des contributions volontaires affectées à la Chambre des
Droits de l'Homme et aux autres institutions établies par les Accords de
Washington et Dayton. Je réitère chaleureusement mon appui
à cet appel et exprime le fervent espoir que des cotisations volontaires
proviendront à cette fin non seulement d'Etats membres, mais aussi
d'autres relations.
" Le Comité des ministres a également décidé
que sa vocation à contribuer à la sécurité
démocratique dans la région ne s'arrête pas aux
frontières de la Bosnie et Herzégovine. Suite à un
dialogue politique entre nos délégués et
M. Jacques Klein, qui préside l'Administration transitoire des
Nations Unies (ATNUSO) pour la Slavonie orientale, notre Comité a
décidé de répondre favorablement aux demandes
formulées par l'administrateur transitoire. Celles-ci concernent, plus
particulièrement, la désignation d'un Président pour le
Comité mixte de mise en œuvre sur les droits de l'homme et une
assistance à l'élaboration d'une méthodologie pour la
réalisation d'une étude de population en Slavonie orientale.
" En outre, des membres du groupe de spécialistes sur les
Roms/Tsiganes de notre Organisation ont été autorisés
à effectuer une mission d'observation -à laquelle l'OSCE est
associée- sur la situation des Tsiganes en Bosnie et Herzégovine,
mission financée par des crédits disponibles sous la rubrique
déjà approuvée des " mesures urgentes ".
" Ainsi, Madame la Présidente, la coordination étroite
essentielle avec l'OSCE continue d'être assurée et le
Secrétaire général, M. Höynck, est, comme le
Président de la Commission européenne, invité à la
session ministérielle le 3 mai 1996. Le premier point de
l'ordre du jour sera "Sécurité démocratique en Bosnie et
Herzégovine et dans la région : mise en œuvre des
accords de paix, rôle et responsabilités du Conseil de l'Europe".
" Madame la Présidente, s'agissant du "suivi" du respect des
engagements, l'Assemblée, depuis l'adoption de la "Directive Halonen",
est allée plus vite que la propre procédure de notre
Comité. Nos délégués ont récemment pris des
décisions à ce propos, essentiellement de nature
procédurale, mais aussi reflétant notre volonté politique
commune. Il a ainsi été décidé de consacrer les 20
et 21 juin 1996 exclusivement à la question du respect des
engagements, sur la base d'un panorama factuel confidentiel et de commentaires
écrits s'y rapportant, dans un esprit de non-discrimination et de
coopération. A cette réunion, les tendances quant aux domaines
principaux de préoccupations particulières émergeront sans
aucun doute.
" Une "première série" de réunions consacrée
à ce sujet se poursuivra, ainsi en a-t-il été
décidé, avec au moins deux jours, par réunion, en octobre
et décembre 1996, et en février 1997, pour aboutir
à une réunion d'évaluation en avril, moment où des
décisions pourraient être prises.
" Permettez-moi de souligner, Madame la Présidente, comme cela a
été fait à la dernière session
ministérielle, que "cet effort doit être combiné à
un appui effectif à tous les efforts de réforme et à la
consolidation des structures démocratiques dans les Etats membres".
" Un vigoureux suivi continue d'être donné aux mandats
reçus du Sommet de Vienne sur la protection des minorités
nationales et la lutte contre le racisme, la xénophobie et
l'intolérance.
" Dans le courant de l'année, le nombre de ratifications
nécessaires pour l'entrée en vigueur de la Convention-cadre pour
la protection des minorités nationales devrait être atteint.
" Le mois dernier, après avoir examiné le rapport du
Comité
ad hoc
CAHMIN, nos délégués ont
confié les mandats nécessaires pour pouvoir prendre les
décisions finales requises pour définir en temps voulu le
mécanisme de mise en œuvre de la convention-cadre.
" En outre, Madame la Présidente, le 3 mai 1996 -qui est
également la journée mondiale de la liberté de la presse-
les ministres projettent d'examiner, sous ma présidence, une
déclaration sur la protection des journalistes et une déclaration
sur les suites de la vaste campagne européenne de la jeunesse,
décidée à Vienne pour "mobiliser le public en faveur d'une
société de tolérance, fondée sur l'égale
dignité de tous ses membres, et contre les manifestations de racisme, de
xénophobie, d'antisémitisme et d'intolérance".
" La Déclaration de Vienne a également reflété
la préoccupation des chefs d'Etat et de Gouvernement d'accroître
la démocratie locale et régionale. Les 17 et 18 avril
derniers, à l'initiative de mon Gouvernement, une conférence
s'est tenue dans notre capitale, Copenhague, avec la participation de membres
de cette Assemblée et, bien sûr, du Congrès des pouvoirs
locaux et régionaux de l'Europe sur " L'autonomie locale en Europe
: la Charte comme mécanisme démocratique de promotion de la
subsidiarité "... La participation à cette conférence
fut extrêmement bonne, avec plus de trente délégations
nationales, dont de nombreuses étaient menées par des ministres.
La conférence a attaché une grande importance à la charte
envisagée comme texte de référence à être
utilisé pour promouvoir les normes élevées de
démocratie locale dans tous les Etats membres du Conseil de
l'Europe : à l'Est et à l'Ouest. Il faut espérer que
le nombre de ratifications -vingt-et-un à ce jour- augmentera dans un
proche avenir.
" Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, en conclusion, je
désire une fois de plus souligner l'importance d'une étroite
coopération, au Conseil de l'Europe, entre l'Assemblée
parlementaire et les représentants des Gouvernements. Dans notre
nouvelle Organisation élargie -mais toujours en cours d'expansion- il
est particulièrement important de cultiver cette coopération, et
je sais que mon successeur de l'autre côté de la Baltique pourra
compter sur le maintien de votre appui dans les mois à venir.
" Vendredi prochain, le Comité mixte traitera, comme il est normal,
à la fois de la mise en œuvre des accords de paix de Dayton et
d'autres questions politiques suscitées par cette partie de
session. "
4. Allocution de M. Guennadi SELEZNEV, Président de la Douma d'Etat de la Fédération de Russie (Jeudi 25 avril)
M. SELEZNEV dit que la décision prise par
l'Assemblée en janvier était à la fois nécessaire
et utile à la Russie, au Conseil et à toute l'Europe. L'admission
de la Fédération comme membre à part entière de
l'Organisation a été un pas vers la réunification du
continent sur la base de valeurs communes ; c'est une contribution
à la paix et à la stabilité, c'est la garantie d'une
protection égale pour tous les citoyens européens.
Pour la Russie, c'était l'aboutissement d'un processus qui avait
commencé avec l'acquisition du statut d'invité spécial,
mais aussi la conséquence logique d'un long parcours vers la
démocratie. L'admission constitue une reconnaissance du travail accompli
par la Fédération en vue de transformer son économie, de
mieux garantir les droits de l'homme, d'assurer une vie parlementaire
authentique. C'est aussi la reconnaissance du rôle particulier que joue
la Russie comme pont entre l'Europe et l'Asie.
Dans l'orchestre européen, ce pays va introduire de nouveaux rythmes,
euro-asiatiques, mais il fera tout pour ne léser les
intérêts de personne. Au contraire, il entend contribuer aux
tâches communes. En s'appuyant sur la riche expérience de ses
voisins européens, il compte mener à bien sa réforme
économique, accéder à l'Etat de droit, assurer la
séparation des pouvoirs, garantir les libertés de ses citoyens...
L'orateur ne doute pas que cette coopération permettra de surmonter la
russophobie artificiellement entretenue chez certains Européens, comme
les appréhensions que peuvent encore ressentir ses compatriotes.
Si divers qu'ils soient, tous les parlementaires russes partagent la même
attitude envers le Conseil de l'Europe. La Douma d'Etat, comme le Conseil de la
Fédération, se sont prononcés à l'unanimité
en faveur d'une coopération avec cette Organisation. Tous refusent
l'extrémisme. Considérant que signer la Convention des Droits de
l'Homme, la Convention contre la torture et celle sur les droits des
minorités ainsi que la Charte de l'autonomie locale, est dans
l'intérêt des citoyens de Russie, ils ont élaboré un
programme pour les quatre années de leur mandat. Il est par exemple
prévu que le document signé le 28 février sera soumis
à ratification dès le début de l'année prochaine.
Le Parlement russe a déjà fait beaucoup pour installer l'Etat de
droit : il a adopté une constitution conforme à la
Convention européenne des Droits de l'Homme et un Code civil propre
à satisfaire les critiques les plus sévères. La Douma a
voté une loi sur le médiateur et élaboré un Code de
procédure civile. Elle compte sur le concours du Conseil pour poursuivre
son œuvre, mais elle refuse les critiques trop
générales : en ce qui concerne les droits de l'homme, il
n'est aucun pays d'Europe où la situation ne puisse être
améliorée. Le meilleur recours en ce domaine est la Commission
des droits de l'homme, mais des mesures de contrôle trop précises
ne seraient guère efficaces.
Les parlementaires russes souffrent eux aussi de la tragédie
tchétchène, mais ils considèrent que des progrès
sont intervenus. Le Président de la Fédération a mis au
point un plan visant à trouver un compromis tout en préservant
l'intégrité territoriale de la Fédération,
étant entendu que le terrorisme doit être condamné sous
toutes ses formes.
Au moment où l'humanité se prépare à entrer dans le
XX
e
siècle, il importe de tracer des perspectives
d'avenir conformes à l'idéal des pères de l'Europe :
Victor Hugo, Aristide Briand, Jean Monnet... Les institutions
européennes, au premier rang desquelles le Conseil de l'Europe, ont
apporté une contribution de poids pour instaurer la confiance, la
coopération, la sécurité sur le continent. Il faut que
l'Europe de demain, qui se crée aujourd'hui, demeure fidèle
à l'esprit de ses fondateurs.
La Russie ne peut approuver ceux qui considèrent que l'OTAN serait le
seul instrument possible pour la paix. Elle n'a jamais beaucoup
apprécié cette organisation et, maintenant que le Pacte de
Varsovie appartient au passé, il serait inquiétant de
l'étendre jusqu'aux frontières de la Fédération. En
revanche le processus d'Helsinki ouvre des perspectives beaucoup plus
intéressantes et l'orateur souscrit à la proposition de
M. Moroz tendant à convoquer une grande conférence
européenne pour la sécurité et la coopération.
De façon générale, la Fédération est ouverte
à une large coopération dans tous les domaines. Elle est
prête à soutenir un élargissement et un approfondissement
du Conseil car elle pense que celui-ci a un rôle important à jouer
en faveur de la sécurité démocratique en Europe.
C. TROISIEME PARTIE DE LA SESSION DE 1996 (24-28 JUIN)
1. Discours de M. Kiro GLIGOROV, Président de l'Ex-République yougoslave de Macédoine - Question de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)) (Lundi 24 juin)
M. Kiro GLIGOROV se déclare tout d'abord
honoré de s'adresser à l'Assemblée de l'une des plus
anciennes organisations européennes, et de l'une des plus
représentatives du continent. Le Conseil a joué un rôle
historique dans la prise de conscience européenne et a été
au premier rang dans le combat pour la paix, la prospérité et la
coopération entre les peuples. La République de Macédoine
est donc fière d'en être devenue le 38ème membre,
entrant ainsi dans la grande famille de ceux qui travaillent à
élargir le territoire des droits de l'homme et à construire la
maison commune.
La République de Macédoine a acquis son indépendance en
1991, quand l'Ex-Yougoslavie s'est désintégrée, mais elle
a choisi une voie pacifique, montrant qu'au seuil du
XXIème siècle, un peuple peut se doter d'un Etat sans que le
sang soit versé. En effet, les Macédoniens ont refusé de
participer à la guerre insensée qui a dévasté la
région : ils ont refusé toute revendication territoriale,
toute politique de purification ethnique et le résultat montre bien que
c'étaient celles-ci qui étaient à l'origine du conflit des
Balkans.
La Macédoine a fermement opté pour la coopération et
l'amitié avec les pays voisins, pour la libre circulation des personnes,
des biens et des idées. Elle n'a aucun contentieux territorial et
souhaite que les frontières existantes soient maintenues. Elle est ainsi
devenue un facteur de paix et de stabilité dans la région. En
politique extérieure, elle s'est prononcée pour le
règlement pacifique de tous les contentieux, elle a clairement fait
sienne l'option atlantique et elle aspire à l'intégration
européenne. A l'intérieur, elle s'est engagée dans une
transition rapide et radicale vers l'économie de marché, dans la
construction d'un Etat de droit et elle considère que le respect des
droits des minorités nationale est l'un des fondements de la
stabilité politique et la condition d'un développement
démocratique.
Les cinq dernières années ont été très
difficiles pour les Macédoniens. Toutes sortes d'obstacles ont
été dressés sur leur chemin par la Communauté
internationale : c'était l'effet d'un manque de confiance dû
à la guerre et aux sanctions économiques, mais aussi le signe
d'une politique peu cohérente, probablement héritée de la
période où s'affrontaient deux blocs. Heureusement, un grand
nombre de ces obstacles ont maintenant été surmontés,
comme le prouve l'admission de la Macédoine au Conseil de l'Europe.
Les Macédoniens considèrent que la question des Balkans est une
question-clé pour l'Europe, un test pour la solidité de la future
architecture de sécurité commune.
Qu'on le veuille ou non, les Balkans sont une région d'Europe,
géographiquement et politiquement. La Grèce est membre de l'Union
européenne et de l'OTAN, la Turquie se prépare à
l'intégration dans l'Union européenne et est déjà
membre de l'OTAN ; la Slovénie et la Macédoine ont pris des
options européennes claires et sont déjà bien
avancées dans la voie des réformes ; la Croatie manifeste
les mêmes aspirations, de même que l'Albanie, dont les
problèmes cependant sont multiples ; la Bulgarie est
indéniablement un pays en transition ; la République
fédérative de Yougoslavie doit maintenant consolider sa situation
économique et s'assurer l'accès aux institutions
internationales ; quant à la Bosnie-Herzégovine c'est
actuellement le plus grand chantier du continent.
Il est donc clair que l'Union européenne, l'OTAN, l'OSCE et le Conseil
doivent s'atteler à construire dans cette région une paix
durable. L'Europe elle-même n'a t-elle pas souffert beaucoup de tous les
déchirements balkaniques, anciens ou récents ? N'a-t'elle
pas été affectée par l'interruption des échanges,
par la pression d'une nouvelle immigration ? La menace de trafics divers,
nés de la guerre, ne pèse-t-elle pas sur elle ?
La politique européenne dans les Balkans doit partir de la
réalité actuelle : l'ancienne Yougoslavie s'est
désintégrée et a été remplacée par
des Etats indépendants et souverains, dont les frontières
clairement définies ont été reconnues par la
Communauté internationale.
Tous les Etats membres de l'ancienne fédération sont les
successeurs de la République de la Yougoslavie. Chacun a ses propres
perspectives d'avenir, radicalement différentes de celles du voisin.
Aucune résolution internationale ne pourra réduire ces peuples
à une seule communauté. Il est grand temps de cesser d'utiliser
le terme "ancienne Yougoslavie" car il n'existe plus.
Si on néglige cette réalité, tout projet sera
contreproductif. La seule solution possible est de soutenir le mouvement
d'indépendance de ce pays. L'application des accords de Dayton et de
Paris, la normalisation des relations entre les pays des Balkans, la
démocratisation de ces pays sont les seules voies possibles pour que la
poudrière des Balkans devienne une région stable et sûre.
En optant pour une coopération avec le Conseil de l'Europe, la
République de Macédoine s'est engagée dans un processus
d'adaptation de sa législation en vue de la rendre compatible aux
standards européens. Pour ce faire, il a été fait appel
aux experts du Conseil de l'Europe.
La République de Macédoine travaille activement à la
ratification de diverses conventions dont la Convention européenne des
Droits de l'Homme, la Convention-cadre sur la protection des minorités,
la Charte européenne sur les langues régionales et minoritaires.
La République de Macédoine a accepté dès le
début le système de monitoring patronné par le Conseil de
l'Europe. Ce système lui a d'ailleurs été d'une grande
aide. Toutefois, il doit rester spécifique à la région
à laquelle il s'adresse. Dans l'avenir, le monitoring propre à la
Macédoine ne peut être inclus dans les mandats destinés aux
autres Etats issus de l'ancienne Yougoslavie.
La signature d'un accord de coopération commerciale marque les premiers
pas de l'adhésion de la Macédoine à l'Union
européenne.
La République de Macédoine attache une grande importance au
respect des droits de l'homme. Selon un proverbe macédonien, chaque
homme en vaut un autre et peut-être même un peu plus. Ce proverbe
témoigne bien de la volonté de respect des droits de l'homme, de
la compréhension et de la tolérance du peuple macédonien.
La République de Macédoine a la volonté d'appliquer les
principes les plus élevés défendus par le Conseil de
l'Europe. Elle a réussi à améliorer sa situation sur ce
plan en peu de temps.
S'agissant des minorités nationales, les droits de ces minorités
ont été calqués sur les traditions des peuples
macédoniens ainsi que sur les droits internationaux en la
matière. La sauvegarde des droits des minorités est contenue dans
un cadre légal et est reprise plus spécifiquement au niveau de la
Constitution. Des actions claires et précises tentent de mettre en
oeuvre les solutions prévues par la loi pour améliorer
l'intégration des minorités dans la vie sociale, ce qui
différencie la Macédoine de ses voisins.
Les experts du Conseil de l'Europe et de l'ONU, le commissaire de l'OSCE pour
les minorités nationales ont joué un grand rôle dans ce
processus. Le respect des minorités est un problème crucial pour
la stabilité des Balkans. C'est pourquoi, la République de
Macédoine a proposé une étude comparative sur la situation
des minorités dans cette région d'Europe. Elle pourrait
être le point de départ d'un dialogue permettant d'établir
la confiance et le bon voisinage ainsi qu'une coopération accrue.
Le Président Gligorov exprime son plaisir d'avoir pu parler devant
l'Assemblée parlementaire, cette tribune des peuples
démocratiques européens. Il est à la disposition des
parlementaires pour répondre à leurs questions.
M. Nicolas ABOUT
,
sénateur (Ap. RI)
, pose la question
suivante à
M. GLIGOROV
:
" Monsieur le Président, je tiens dans un premier temps à
vous remercier pour votre action et pour votre diplomatie en faveur de la paix
et de la réconciliation dans la région des Balkans.
" Malgré de nombreuses concessions, comme la suppression de
l'étoile de Virginia sur votre drapeau, vous n'avez toujours pas le
droit d'utiliser les termes "République de Macédoine" pour nommer
votre pays. La France, pour sa part, apprécie l'usage par l'un de ses
voisins du nom de l'une de ses régions, la Bretagne.
" Vous faudra-t-il qualifier votre pays de "grand" pour
éviter les
querelles ? Peut-être pourriez-vous donc l'appeler "la
République de la Grande Macédoine".
" Plus sérieusement, Monsieur le Président, est-il permis
d'espérer une issue rapide à cette querelle de mots ? "
M. Gligorov lui rappelle en réponse que le Conseil de l'Europe et les
Nations Unies ont adopté une résolution demandant à la
République de Macédoine de trouver un accord avec ses voisins.
Il est arrivé que certains pays changent de nom, mais il s'agissait
alors d'une décision souveraine. Dans le cas de la Macédoine, il
y a exception à cette pratique traditionnelle puisque le changement
serait imposé de l'extérieur. On se trouve donc dans une impasse,
car il n'est pas question pour les Macédoniens de renoncer à leur
souveraineté, c'est-à-dire à leur dignité. On
conviendra que, sur un point aussi fondamental, il ne puisse être
question d'aller trop vite. C'est pourquoi les autorités
macédoniennes cherchent une solution conciliant les
intérêts communs de deux peuples unis par l'Histoire.
M. Gligorov se dit fier qu'en dépit de l'embargo qui a durement
éprouvé son pays, le peuple macédonien n'éprouve
pas de ressentiment à l'égard des Grecs. Des échanges,
notamment commerciaux, se multiplient entre les deux nations. Il convient donc
de se donner le temps de résoudre ces difficultés, ce qui ne
pourra se faire que si chaque pays surmonte ses aspirations nationalistes.
Chacun doit comprendre que la Macédoine ne peut renoncer à son
nom. L'accepter signifierait pour elle accepter la perte de son
identité, avec le risque de conflit et peut-être de guerre
généralisée qu'une telle frustration engendrerait.
2. Discours de M. Vladimir MECIAR, Premier ministre de la République slovaque (Mercredi 26 juin)
" Madame la Vice-Présidente de l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, Mesdames et Messieurs,
" Le 30 juin, nous allons nous rappeler le troisième
anniversaire de l'adhésion de la République slovaque au Conseil
de l'Europe. Nous sommes venus libres parmi les libres, égaux parmi les
égaux, au nom de l'humanisme, au nom des valeurs humaines fondamentales,
dans l'intérêt des droits de l'homme, de la nation, de l'Etat.
Nous confirmons notre intérêt de participer à la
construction d'une Europe nouvelle, aux valeurs communes de la
démocratie, des droits de l'homme, de la liberté, respectant le
droit aux particularités des voies vers ces valeurs. Le Conseil de
l'Europe est pour nous le symbole et la garantie du développement de ces
valeurs, et il est appelé, à juste titre, la conscience de
l'Europe.
" Nos ancêtres se sont dotés, entre le VIème et le
IXème siècles, d'un Etat fort. C'est sur notre territoire
que se trouvait le premier diocèse en Europe centrale et orientale.
C'est dans notre pays qu'ont travaillé les patrons de l'Europe, saints
Cyrille et Méthode, et c'est grâce à eux que le
christianisme a continué son expansion vers l'Est. La langue de nos
ancêtres a été reconnue quatrième langue liturgique.
Je ne souhaite pas faire ici une interprétation de l'Histoire, mais
confirmer que si l'Europe se développe, depuis presque
deux millénaires déjà, sous l'influence des valeurs
du christianisme, nous avons toujours été l'une de ses parties.
" La République slovaque se développe en tant qu'Etat
démocratique des citoyens égaux en droits, devoirs et chances.
L'évolution démocratique est irréversible. Les
défauts sont des erreurs de l'évolution, et non pas du fond de la
démocratie. L'économie évolue vers une économie de
marché à orientation sociale, ayant un accroissement dynamique du
PIB pour la deuxième année consécutive dépassant
7,3 %, une monnaie stable avec une convertibilité extérieure
sur le compte courant depuis 1995, un accroissement des réserves en
devises et une diminution du taux de chômage de 4 % durant les
dix-huit derniers mois. La recherche d'une charge sociale admissible pendant la
période de transition nous mène à constater l'absence de
troubles sociaux, de grèves. Le système des valeurs des gens
change. La longue opposition des idées du collectivisme et de
l'individualisme nous ramène aux valeurs originelles du christianisme et
de l'humanisme. Dans la vie pratique, nous avons bien défendu notre
voie, une voie slovaque vers une société changée.
" Les changements auxquels nous procédons dans notre pays se
déroulent tenant compte des tendances civilisatrices d'une
société postindustrielle, et des processus d'intégration
européenne. Les efforts de rapprochement, les efforts
développés pour arriver au même niveau que les pays les
plus développés nous forcent à accélérer le
dynamisme de notre évolution.
" Les droits de l'homme et du citoyen sont bien respectés en
Slovaquie. Ils sont garantis par la jurisprudence, par les activités des
autorités de l'Etat, par les tribunaux indépendants et par les
garanties internationales. Les droits des minorités connaissent une
protection particulière. Nous avons accepté le standard
international des droits des minorités, la République slovaque a
également ratifié la Convention-cadre pour la protection des
minorités du Conseil de l'Europe. Nous exprimons nos regrets que cette
convention ne puisse pas encore entrer en vigueur, car trop peu d'Etats l'ont
ratifiée. Nous comprenons que le conflit dans les Balkans est
perçu, de façon simplifiée, comme un conflit ethnique et
qu'il a ainsi attiré l'attention sur la politique des minorités.
Cependant, réduire le problème des minorités au seul
aspect ethnique n'est pas correct. La protection des droits des personnes
appartenant aux minorités nationales ne peut être confondue avec
la protection du nationalisme des minorités, des efforts
d'irrédentisme, du ghetto linguistique et de la séparation.
L'examen de la protection des droits de l'homme et du citoyen ne devrait pas
appliquer une mesure double.
" La Slovaquie, suite à une séparation amicale d'avec la
République tchèque, a réglé les relations avec tous
ses voisins, et cette année, elle a ratifié le traité avec
la République de Hongrie. Les conditions de la stabilité et de la
coopération entre les régions sont remplies. Nous voyons de
nouvelles opportunités pour l'Europe centrale dans
l'élargissement de la coopération économique dans le cadre
de l'ACELE (CEFTA).
" La République slovaque a clairement déclaré son
intérêt de s'intégrer dans les structures
européennes et atlantiques, et entreprend aussi des démarches
pratiques dans ce sens, étant ainsi à la recherche des garanties
de sa sécurité. Dans l'histoire de l'Europe, beaucoup de paroles
nobles ont été prononcées lors de toasts portés
à la paix éternelle et à la coopération, mais le
nombre de conflits et d'échecs est aussi grand. Une question est alors
justifiée : sommes-nous prêts à profiter de la chance
qui a été offerte à l'Europe avec la chute des
blocs ? Serons-nous en mesure de transformer un équilibre de la
peur et de la force en un équilibre des intérêts ?
L'Europe sera en sécurité lorsque tout le monde en son sein sera
en sécurité. Une sécurité pour tous, non pas contre
quelqu'un. Nous comprenons alors l'évolution future comme un ensemble
d'opérations des pays intégrés à l'OTAN, des pays
coopérant entre eux. Nous avons intérêt à
adhérer à l'OTAN. Les questions de sécurité et de
garanties sont extrêmement importantes pour le centre de l'Europe. La
sécurité de l'Europe centrale ne peut être comprise
uniquement comme un espace entre l'OTAN et la CEI, mais comme une partie
intégrante de l'ensemble de l'architecture de la sécurité.
" Nous considérons une coordination de la lutte contre la
criminalité organisée, plus rapide et mieux organisée,
comme importante pour la sécurité des citoyens. Pendant que les
bureaucraties d'Etat cherchent des modes de coopération, la
criminalité s'est internationalisée avec la chute du rideau de
fer.
" La République slovaque est un pays associé de l'Union
européenne et a présenté sa candidature pour y
adhérer. Nous saluons l'évolution qui s'efforce d'objectiviser
les critères comme des efforts parallèles et le début des
négociations avec tous les pays associés en même temps, en
sachant que ces négociations ne se termineront pas forcément en
même temps pour tous les pays. Ainsi, pour les pays associés, il y
a l'obligation de s'adapter à la situation future de l'Union
européenne et de se préparer aux conditions de l'Union
monétaire.
" L'évaluation de la possibilité de s'intégrer en
établissant des échelles sans critères objectifs a
plutôt un effet contre-productif et démotivant.
" La préparation de l'intégration se déroule en
matière de législation, de compatibilité des conditions
économiques de la collaboration, grâce à l'interconnexion
des infrastructures et à l'augmentation de l'efficacité de notre
économie. Le plus grand problème, ce ne sont pas les
investissements, mais la formation des personnes.
" Nous apprécions hautement l'aide du Conseil de l'Europe au
renforcement de la démocratie, à la protection des droits de
l'homme, à la législation et à la construction
démocratique de l'administration d'Etat. Votre expérience nous
aide à raccourcir à quelques années le chemin que vous
avez mis plusieurs décennies à traverser, la démocratie,
ce n'est pas seulement le droit et les institutions, c'est aussi le mode de vie
et de pensée. Il n'y a pas d'alternative à cela. Nous appliquons
l'expérience des démocraties développées sur nos
conditions et notre évolution historique. Actuellement, il s'agit
plutôt des facteurs du développement de la démocratie que
de son fond.
" Le développement de la démocratie est un processus infini
de la connaissance de l'évolution de la société et des
relations, en cela consiste aussi l'une des fonctions permanentes du Conseil de
l'Europe. Il faut réévaluer les mécanismes de la
construction des institutions européennes, des Etats de grande ou de
petite taille, du rôle de la démocratie directe et
représentée, des rapports entre le citoyen, l'Etat, la
collectivité locale, ainsi que la situation des partis politiques, de la
famille, des relations sociales, les questions de la souveraineté des
Etats et de l'intégration, des relations régionales, etc. Les
questions du développement des cultures et de tout un ensemble de droits
sociaux, de la personne humaine, dans leurs fonctions de protection et de
motivation, attendent leurs réponses.
" Souvent, on me pose la question, quelle était la tâche la
plus difficile que j'avais à accomplir. La vie m'a appris que seules les
tâches que nous n'avions pas accomplies pouvaient être plus
difficiles que celles déjà accomplies.
" La République slovaque sait apprécier son adhésion
au Conseil de l'Europe. Elle n'est pas sans menus défauts, mais elle est
et elle restera un partenaire fiable pour la coopération avec tous. Nous
nous trouvons au seuil d'un nouveau millénaire, nous nous trouvons au
seuil d'une nouvelle coopération postindustrielle. Nous nous trouvons au
seuil d'une nouvelle Europe aux valeurs et aux chances fondamentales communes.
" Prouvons que nous sommes dignes de cette époque et que nous
n'avons pas laissé passer notre chance. "
3. La communication du Comité des ministres à l'Assemblée (Jeudi 27 juin)
M. Siim KALLAS, ministre des Affaires
étrangères de l'Estonie, Président en exercice du
Comité des ministres, prononce l'allocution suivante :
" N'ayant adhéré au Conseil de l'Europe qu'en 1993,
l'Estonie en est un membre relativement récent. Toutefois, nous avons
déjà le vif sentiment d'appartenir à notre nouvelle
famille, qui rassemble presque tous les pays d'Europe, et d'y être
entourés d'amis et de voisins. En effet, en raison des hasards de
l'alphabet, nous sommes littéralement entre voisins. Juste
au-delà de l'horizon de la mer Baltique se trouvent, respectivement
à l'Ouest et au Nord, le pays de mon prédécesseur danois
et celui de mon successeur finlandais.
" Le Conseil de l'Europe aura ainsi tout loisir de découvrir le
regard que portent les riverains de la mer Baltique sur notre continent, bien
que notre régime soit sans aucun doute aussi pluraliste que toute autre.
Dans cette optique, je constate avec intérêt que vous avez tenu
hier un débat sur la protection des droits des minorités, sujet
sur lequel j'entends revenir plus tard.
" Dans le cadre de son mandat à la Présidence du
Comité des ministres, l'Estonie entend poursuivre l'examen des
principaux thèmes de la dernière réunion
ministérielle qui s'est tenue le 3 mai dernier sous la présidence
de mon homologue danois. Nous avons alors axé notre attention sur le
rôle que le Conseil de l'Europe peut jouer en faveur de la
sécurité démocratique en Bosnie-Herzégovine et ans
la région, y compris en Croatie, ainsi que sur l'adaptation de notre
Organisation en pleine expansion aux nouveaux défis.
" Les questions qui figurent au calendrier de votre Assemblée,
Madame la Présidente, illustrent bien les similitudes importantes qui
existent entre les préoccupations actuelles de l'Assemblée et
celles du Comité des ministres.
" Permettez-moi de commencer par la Croatie, qui ne figure pas
directement
au calendrier de votre présente partie de Session parce qu'elle a fait
tout récemment l'objet d'un débat important lors de la
réunion de la Commission permanente à Thessalonique, où le
rapport de la Commission des questions politiques a conduit à l'adoption
de la résolution 1089 relative à la mise en œuvre des
engagements contractés par la Croatie dans le cadre de la
procédure d'admission au Conseil de l'Europe. Votre Bureau est convenu
lundi dernier que cela constituerait le premier point de l'ordre du jour de la
réunion du Comité mixte qui doit se tenir vendredi prochain.
" Le 7 juin, j'ai adressé au ministre des Affaires
étrangères de la Croatie une lettre dans laquelle je me
référais expressément à cette résolution de
l'Assemblée, en y joignant une note établie par le Comité
des ministres qui énonçait, dans le cadre de la demande
d'adhésion de la Croatie, des engagements et des attentes prioritaires,
analogues à ceux figurant dans l'avis n° 195 de votre
Assemblée, adopté en avril dernier. Cette lettre et la note qui y
était jointe, ainsi que la réponse du Dr Grani en date du
13 juin, vous ont été transmises.
" La semaine prochaine, à la lumière également de la
réunion du Comité mixte, nos délégués
reprendront l'examen de cette question à la lumière de cette
réponse des autorités croates. Ils prendront aussi note du fait
que leur homologue suédois, Monsieur l'Ambassadeur Amneus, a
été nommé par son Gouvernement au service de
l'administration transitoire des Nations Unies en Slavonie orientale afin d'y
présider la commission conjointe de mise en œuvre des droits de
l'homme. Cela fait suite à un échange de vues qui a eu lieu en
avril dernier entre nos délégués et le chef de
l'administration transitoire des Nations Unies, qui a lancé à
notre Organisation un appel auquel le Comité des ministres a
décidé de répondre favorablement. Vous ne manquerez pas,
j'en suis certain, de vous joindre à moi pour souhaiter à
Monsieur l'Ambassadeur Amneus tout le succès possible dans sa nouvelle
mission qui constitue un véritable défi à relever.
" En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, le Comité des
ministres suivra de près vendredi prochain le débat de votre
Assemblée qui aura pour point de départ le rapport établi
par M. Iwinski au nom de la Commission des migrations, des
réfugiés et de la démographie. Nos
délégués examinent actuellement la
recommandation 1297 qui résulte des travaux de la Commission des
questions politiques concernant la mise en oeuvre des accords de paix de Dayton
en Bosnie-Herzégovine.
" Nos délégués ont adopté, en mai dernier,
après la 98ème réunion officielle, une réponse
intérimaire substantielle à la recommandation 1297 (1996)
relative aux réfugiés, aux personnes déplacées et
à la reconstruction dans certains pays de l'ancienne Yougoslavie. Je
tiens à rappeler que dans le communiqué final de leur session du
3 mai, les ministres ont noté avec satisfaction que plusieurs Etats
membres avaient répondu généreusement à l'appel
cosigné par mon prédécesseur,
M. Helveg Petersen, par le Président en exercice de l'OSCE,
M. Flavio Cotti et le haut représentant,
M. Carl Bildt, le 30 janvier 1996, invitant les
Gouvernements à verser des contributions volontaires en vue de mettre en
œuvre les aspects civils de l'accord de paix.
" Cependant, nous avons également souligné l'importance
capitale de ces efforts volontaires et invité à de nouvelles
contributions généreuses. Il est évident, par exemple, que
ni le budget du Conseil de l'Europe ni, pour l'heure, celui de la Bosnie et
Herzégovine ne suffisent à couvrir les activités de la
Chambre des droits de l'homme. Un nouvel appel à contributions pour la
mise en œuvre des aspects civils de l'Accord de Dayton a
été lancé par le haut représentant, M. Bildt, lors
de la réunion ministérielle qui a eu lieu dans le cadre du
Conseil sur la mise en œuvre du processus de paix, réuni à
Florence les 13 et 14 juin, où le Conseil de l'Europe était
représenté par le Secrétaire général.
" Le Comité des ministres, comme vous le savez, a fait part de ce
que le Conseil de l'Europe était disposé, à
côté d'autres Organisations internationales, et notamment l'OSCE,
à remplir son rôle en contribuant à la mise en œuvre
des conditions nécessaires en Bosnie et Herzégovine pour que des
élections libres et équitables puissent se dérouler. Ces
élections devraient se dérouler, nous en avons aujourd'hui
confirmation, le 14 septembre prochain. Des élections auront
également lieu le 30 juin à Mostar, qui servira de test.
" Madame la Présidente, d'autres sujets inscrits au calendrier de
l'Assemblée sont également très proches du deuxième
grand sujet débattu par les ministres en mai dernier, à savoir
l'adaptation de notre Organisation qui va s'élargissant, pour
répondre aux nouveaux défis. Je me réfère ici
notamment aux questions relevant, de manière générale, de
la nouvelle procédure de suivi, monitoring, qu'il s'agisse de la
situation en Tchétchénie ou des élections récentes
en Albanie, instituée dans le contexte du contrôle du respect des
engagements pris par les Etats membres.
" Parmi les autres sujets pertinents, Madame la Présidente, je
citerai votre proposition d'organiser un deuxième sommet du Conseil de
l'Europe.
" Nos délégués ont, pour leur part,
décidé de constituer un groupe de travail
ad hoc
chargé de faire des propositions concernant les divers aspects de votre
proposition d'organiser un tel sommet -ordre du jour, date et lieu notamment.
Nous attendons avec intérêt le rapport de la Commission des
questions politiques à cet égard. Il incombera en dernier lieu
-peut être dès la 99ème session du Comité des
ministres, que je présiderai en novembre prochain- aux Gouvernements de
prendre la décision appropriée. Il est également et
à l'évidence crucial, pour le succès d'une telle
entreprise, qu'un chef d'Etat ou de Gouvernement accepte, en temps voulu,
d'assumer la présidence de ce sommet, comme ce fut le cas pour le Sommet
de Vienne. Nous verrons, au cours des mois prochains, si cette condition est
remplie. En attendant, il va de soi que le dialogue se poursuivra entre le
Comité des ministres et l'Assemblée.
" En ce qui concerne le respect des engagements et les mécanismes
de suivi, je tiens à rappeler que la dernière session
ministérielle s'est ouverte par une séance informelle et un
discours introductif prononcé par le ministre russe des Affaires
étrangères. M. Evgueni Primakov, consacré à
"la Russie au Conseil de l'Europe". La déclaration du président
danois, à la clôture de la session, a confirmé que les
débats avaient été pour l'essentiel consacrés
à la Russie en tant que nouvel Etat membre du Conseil de l'Europe, y
compris la réforme démocratique, les droits de l'homme et la
situation en Tchétchénie. A cet égard, les ministres ont
fait part "de leur préoccupation constante et de leur profond regret que
le conflit en Tchétchénie n'ait toujours pas été
résolu et ont fait valoir la nécessité d'une solution
politique pacifique dans le meilleur délai possible". Le débat
qui aura lieu demain à l'Assemblée sur le rapport volumineux de
la commission ad hoc présidée par M. Muehlemann sera,
à cet égard, du plus grand intérêt.
" S'agissant des élections en Albanie, l'audition organisée
lundi dernier par la Commission des questions politiques a suscité un
grand intérêt et a été suivie par plusieurs de nos
Ambassadeurs. Le même jour, le groupe de travail compétent de nos
délégués a également organisé un
échange de vues sur ce sujet avec le Vice-Président de la
Commission électorale centrale albanaise. C'est avec grand
intérêt que nous suivrons le débat qui se déroulera
ici dans l'après-midi.
" Madame la Présidente, comme vous le savez, les ministres ont
réitéré, lors de leur session de mai, l'importance de
veiller, en se fondant sur l'esprit de coopération et de
non-discrimination, à ce que les engagements pris par tous les Etats
membres soient pleinement respectés et demande leur appui à cet
égard, notant que les procédures pour débuter leur mise en
œuvre avaient été convenues.
" La semaine dernière, nos délégués ont
consacré une première session spéciale de deux jours
à la substance de cet exercice ; chaque délégation a
eu la possibilité de formuler des commentaires sur un "panorama
factuel"
établi par le Secrétaire général. Le principal
objectif de cette réunion spéciale était de dégager
les principaux sujets de préoccupation, et ainsi de mettre en route le
propre mécanisme de suivi confidentiel du Comité des ministres.
Vous n'êtes pas sans savoir que ce mécanisme est destiné
à compléter les travaux déjà bien établis de
l'Assemblée parlementaire.
" Je suis en mesure de vous informer que les délégués
sont convenus d'examiner le sujet de la liberté d'expression et
d'information à leur prochaine réunion, prévue en octobre
1996 et de continuer à discuter ce sujet et, si possible, d'aborder le
sujet du fonctionnement et de la protection des institutions
démocratiques, y compris les questions relatives aux partis politiques
et aux élections libres, lors de la réunion spéciale
suivante, en décembre 1996.
" Nous sommes pleinement conscients, en Estonie, que la qualité de
membre du Conseil impose à tous des obligations, tant au plan individuel
que collectif, et je suis convaincu que le succès de nos
procédures de suivi est absolument vital pour la
crédibilité de notre Organisation, ainsi que pour son rôle
futur en Europe.
" Tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, les anciens comme les
nouveaux, doivent accorder au processus de suivi l'importance et l'attention
qu'il mérite. Nous souhaitons voir ce processus devenir l'un des futurs
centres de gravité de l'Organisation.
" S'agissant de "l'élargissement" du Conseil, nous savons
que, au
moment où l'Organisation approche de son 50ème anniversaire,
le nombre d'Etats membres atteindra et dépassera sans doute très
bientôt la barre des quarante, que ce soit durant la présidence de
mon pays ou celle de nos successeurs. La "clé de la réussite"
-c'est-à-dire le respect de nos critères- est avant tout entre
les mains des Etats candidats eux-mêmes.
" A cet égard, il est également important de noter que,
depuis l'adoption par la Commission permanente à Thessalonique de l'Avis
n° 196 relatif à la demande de statut d'observateur par le
Canada, les deux grandes démocraties d'Amérique du Nord
participent à un grand nombre des activités de l'Organisation.
Cet état de fait ne peut que renforcer le nouveau rôle que nous
assumons dans l'architecture de la coopération européenne. Par
ailleurs, le Comité des ministres a récemment consulté
l'Assemblée au sujet de la demande d'adhésion de
l'Arménie, et poursuit un dialogue politique avec les trois
Républiques transcaucasiennes, tout comme l'Assemblée le fait,
dans le contexte du statut d'invité spécial, pour ce qui concerne
les Parlements. Je me rendrai moi-même, avec le Secrétaire
général, en visite officielle dans les trois capitales au cours
de la deuxième semaine de juillet.
" Madame la Présidente, j'évoquais plus tôt la
question de la protection des minorités nationales, dont votre
Assemblée a débattu hier. Je voudrais à ce propos exprimer
tout particulièrement la gratitude de l'Estonie envers le Conseil de
l'Europe, qui lui apporte une aide très concrète dans le domaine
de l'enseignement des langues qui, dans notre pays, constitue un facteur
essentiel d'intégration à la vie de notre démocratie
naissante, ou plutôt renaissante.
" Dans le même état d'esprit, nous allons organiser une
réunion à Tallinn au cours des mois prochains, à laquelle
participeront des représentants des organisations de minorités
européennes, dans le but de favoriser le débat sur les questions
se rapportant aux minorités. Nous nous réjouissons aussi
d'accueillir, en octobre prochain, un séminaire régional
organisé conjointement par le Conseil de l'Europe et le Bureau des
institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE sur "le
rôle de l'éducation dans le renforcement de la
société civile".
" Madame la Présidente, soyez assurée que l'Estonie soutient
pleinement l'octroi à l'Organisation des ressources nécessaires
pour remplir ses responsabilités et ses tâches et contribuer
à la sécurité démocratique de notre continent. En
mai dernier, au cours de leur débat sur l'adaptation du Conseil de
l'Europe aux nouveaux défis, les ministres n'ont pas manqué
d'évoquer les conséquences de ces derniers sur le plan des
orientations budgétaires et du personnel, tout en encourageant la
poursuite des efforts en faveur d'une plus grande transparence dans le
débat sur les priorités budgétaires.
" Madame la Présidente, si vous me permettez de terminer sur une
note plus légère, je voudrais saisir cette occasion pour vous
rappeler que je me réjouis de vous recevoir tous demain soir pour
l'inauguration, au foyer de votre Assemblée, d'un piano à queue
blanc, cadeau de l'Estonie au Conseil de l'Europe. Je suis sûr que vous
serez conquis par les nombreux talents de M. Olav Ehala, l'un de nos
plus grands pianistes compositeurs. "
4. Discours de M. Ugo MIFSUD BONNICI, Président de Malte (Jeudi 27 juin)
" Après avoir remercié Madame la
Présidente pour ses paroles de bienvenue, je souligne qu'elle a bien
décrit la place de son pays et les sentiments qu'il éprouve pour
le Conseil de l'Europe. Les deux organisations européennes, le Conseil
et l'Union, ont été conçues comme des instances normatives
en réponse aux traumatismes de la dernière guerre mondiale et
comme une manière d'écarter jusqu'à la possibilité
de la cruauté sans exemple à laquelle elle a donné lieu.
Après la Première guerre mondiale, le principe qui a
régné dans les relations internationales a été le
vae victis
. La conviction était que seule la force pouvait
valablement défendre les intérêts nationaux.
" En 1945 l'humanité a pris conscience des périls moraux
auxquels l'exposait le recours à la guerre. Pour instaurer une paix
véritable et durable, il fallait se débarrasser des haines et des
préjugés et assurer la prédominance du droit par la
démocratie et les droits de l'homme. Ainsi est né l'idéal
d'une solidarité qui repose non sur des mesures contraignantes mais sur
l'adhésion volontaire à des normes dont on reconnaît le
caractère impératif. On pensait qu'une collaboration
étroite et prolongée créerait des liens très forts
qui feraient obstacle aux déchirements du passé.
" Le succès de cette entreprise a permis un exceptionnel
développement et il faut reconnaître que le Conseil de l'Europe et
l'Union européenne ont répondu aux aspirations des Pères
fondateurs. Les domaines de coopération ne cessent de s'élargir
ainsi que le nombre des Etats qui reconnaissent la juridiction de la Cour
européenne des Droits de l'Homme, les Etats nations ont accepté
volontairement une limitation de leur souveraineté en s'associant au
sein de deux organismes complémentaires qui ont permis d'offrir la
souplesse nécessaire. L'avenir dira si un jour la coopération
entre les deux instances se fera dans un cadre institutionnel plus officiel.
" Le Conseil de l'Europe s'est montré à la hauteur de sa
vocation en rassemblant toutes les nations du continent dans le respect des
différentes traditions séculaires qui les ont formées, et
en sachant que plus la période de dictature subie a été
longue, plus la période de transition avant le rétablissement de
l'Etat de droit sera importante. Il faut du temps pour que le pluralisme et la
liberté prennent racine dans des sociétés qui ont connu
l'omnipotence de l'Etat. Mais les progrès, en dépit des
obstacles, sont irréversibles. Les élections ne suffisent pas
à guérir les blessures mais le seul fait de solliciter un mandat
populaire et de devoir rendre des comptes a des effets salutaires :
usus opus movet hoc
.
" Les nations européennes ont en outre su construire des
réseaux de protection sociale et de sécurité et
considèrent qu'un Etat qui ne garantit pas à tous
l'éducation, des soins médicaux et un minimum vital, n'est pas
civilisé. Elles se sont abstenues de recourir à un instrument
normatif. Le Traité de Maastricht comporte une charte sociale qui est le
corollaire de la concurrence, tandis que le Conseil de l'Europe n'a pas encore
fait de sa propre charte sociale une condition de l'adhésion. Il est
vrai que la proclamation de l'égalité et de la liberté a
précédé celle de la fraternité. Il est cependant
temps de rendre irréversible l'Etat providence, qui est un acquis de la
civilisation européenne. Certaines sociétés asiatiques ont
cru pouvoir obtenir un miracle économique par les voies brutales d'un
développement rapide qui a mis à mal les liens traditionnels de
solidarité et les garanties légales. Il serait aussi dangereux
pour les nouvelles démocraties de céder à ce mirage que de
succomber à la nostalgie des rapports de force.
" Malte est persuadée que le modèle de société
du Conseil de l'Europe mérite d'être mieux connu et c'est pourquoi
elle propose de créer un Conseil de la Méditerranée, qui
réunirait autour de normes reconnues un certain nombre de pays riverains
malgré leurs traditions culturelles différentes.
" La conclusion d'un pacte de stabilité régionale pourrait
être une première étape dans cette direction.
" Le Conseil de l'Europe doit aussi se préoccuper des relations
intercontinentales. Extravertie, l'Europe a influencé la plupart des
autres continents et même en Asie, elle est une référence.
Le colonialisme a heureusement disparu mais il subsiste la tentation
d'exploiter les pays qui y ont été soumis. Il faudrait donc
promouvoir une démarche plus éthique et, en particulier,
favoriser une prise de conscience des problèmes de l'environnement.
L'Europe a apporté par le passé une contribution scientifique
considérable : elle doit continuer, en mettant résolument la
science et la technique au service de l'humanité tout entière.
Les succès commerciaux ne doivent pas conduire à arrêter
l'effort de recherche.
" Contre le totalitarisme qui glorifie l'Etat, il est de la plus haute
importance d'affirmer que celui-ci est au service des citoyens. La
reconnaissance de la primauté de la personne, la prise en
considération de la diversité culturelle, ont été
des révolutions. L'apparition de nouvelles divisions ne doit pas
conduire à une contre-révolution. Le Conseil de l'Europe doit
rester une organisation collective œuvrant pour tous les peuples à
égalité : le citoyen de Saint-Marin doit recevoir la
même considération que le citoyen français.
" La création de cette juridiction supranationale qu'est la Cour
européenne des Droits de l'Homme représente un progrès
considérable et il ne faut pas revenir en arrière mais, bien au
contraire, consolider le droit dont chacun dispose pour se défendre des
abus de pouvoir.
" La gloire et la fonction de l'Europe dans le monde est de
répandre une civilisation de la dignité humaine. De ce point de
vue, il faut chercher à parvenir à un degré de raffinement
encore supérieur. L'Europe a une âme, une conscience et une
voix : le Conseil de l'Europe, dont le message éthique unique
s'adresse au monde entier. "
D. QUATRIÈME PARTIE DE LA SESSION DE 1996 (23-26 SEPTEMBRE)
1. Discours de M. Jorge SAMPAIO, Président de la République portugaise (Lundi 23 septembre)
M. SAMPAIO remercie vivement la Présidente pour les
paroles aimables qu'elle a eues à son endroit et à celui de son
pays, ainsi que pour son invitation aux cérémonies
commémorant l'adhésion du Portugal au Conseil de l'Europe. Il ne
se retrouve pas sans émotion à Strasbourg, où il a eu la
chance d'être le premier membre portugais de la Commission des
Droits de l'Homme. Cette expérience a laissé en lui une empreinte
indélébile : le défi, mais aussi les satisfactions
étaient considérables pour un juriste qui entendait se consacrer
à la défense de la dignité humaine et de la justice. C'est
avec fierté qu'il se souvient de ses années de travail au service
de la Convention des Droits de l'Homme, et avec plaisir qu'il reconnaît
des lieux et des visages familiers.
Le Conseil de l'Europe a toujours été présent dans les
périodes de crise. Dès sa fondation, il est apparu comme le
premier jalon institutionnel de la construction européenne sur un
continent ébranlé et désorienté. Aux guerres
fratricides du passé, il a opposé le modèle d'une union
démocratique et, pour les opposants portugais à la dictature, il
a eu le mérite d'exclure fermement tous les régimes despotiques.
Une fois la démocratie pluraliste restaurée dans le pays,
celui-ci a pu reprendre en Europe la place qui lui revenait de droit.
Dès lors, le Conseil a joué un rôle déterminant dans
la consolidation des nouvelles institutions, notamment grâce à son
expérience dans le domaine des droits de l'homme et de la
coopération juridique. A son tour, le Portugal s'est attaché
à moderniser et à conforter le système de la Convention
des Droits de l'Homme, comme en fait foi son adhésion au
Protocole 11. La coopération s'est renforcée et
diversifiée, et devrait se manifester encore en 1998 à l'occasion
de l'exposition universelle consacrée aux océans,
"héritages naturels pour l'avenir".
Personne ne peut nier le rôle particulièrement actif que joue le
Portugal au sein du Conseil : il est à la mesure de l'importance
que le pays attache à ce bastion des valeurs démocratiques,
à ce forum essentiel où se dessine l'avenir commun du continent.
Les autorités portugaises se sont notamment attachées à
protéger les droits des étrangers : une campagne est en
cours pour légaliser ceux d'entre eux qui sont en situation
irrégulière et les immigrés disposent du droit de vote aux
élections locales. Ainsi le veulent la solidarité et
l'universalisme européens ; il est indispensable de lutter contre
les inégalités qui se creusent dans le monde.
C'est dans le même esprit qu'a été créé le
Centre européen pour l'interdépendance et la solidarité
mondiales, ouvert à Lisbonne et auquel M. Sampaio souhaite que de
nouveaux pays adhèrent bientôt. Les valeurs qui font
l'identité européenne exigent d'ailleurs que toutes les
situations soient appréciées sur des critères identiques
et, à ce propos, l'orateur exprime sa préoccupation à
propos du sort fait par l'Indonésie aux habitants de Timor oriental,
pour lesquels il demande le droit à l'autodétermination.
Le Conseil de l'Europe a contribué activement au processus de
redémocratisation de l'Europe. Après l'effondrement du
communisme, il a pu accueillir les pays de l'Est et du Centre du continent,
qu'il a soutenus dans leur difficile transition. C'est grâce à
cette fermeté et à cette ouverture qu'il est devenu le forum
naturel où débattre de l'avenir commun. La transition est
à l'évidence complexe tant la Révolution de 1989 et la
réunification allemande ont modifié la carte du continent. Du
jour au lendemain, tout a semblé possible : le meilleur comme le
pire. Quelques années après, les attentes les plus optimistes
comme les prévisions les plus pessimistes ont été
déçues. L'illusion d'un triomphe complet de la démocratie
accompagné d'une unification de l'Europe a été remise en
cause par le drame yougoslave, mais les scénarios catastrophistes ne se
sont pas non plus réalisés. On se trouve à un carrefour,
où il convient de se concentrer sur trois priorités.
En premier lieu, il faut associer la Russie aux institutions et aux processus
de coopération multilatérale. Dans ce pays, la transition sera
longue et son cours dépendra avant tout de l'évolution
interne : il ne faut pas entretenir de faux espoirs sur l'influence que
peut y avoir l'Europe. Pour autant, la Fédération ne peut
être tenue à l'écart. Membre fondateur de l'OSCE, admise au
Conseil de l'Europe, elle est liée à l'OTAN dans le cadre du
partenariat pour la paix et par sa participation aux forces de la paix en
Bosnie. On ne pourra éviter des fractures dans le continent que si on
l'associe à la définition des équilibres régionaux.
La deuxième priorité est l'intégration graduelle des Etats
de l'Europe centrale et orientale dans les institutions européennes et
occidentales. Il y va de la consolidation de la démocratie sur leur
territoire et de la sécurité européenne. Leur
intégration à l'Union européenne et à l'Alliance
atlantique sera sûrement difficile, mais il ne faut pas laisser passer
une occasion rare de réaliser l'unité, au service de la paix et
de la sécurité.
Enfin, il faut renforcer les institutions multilatérales
régionales reposant sur une société ouverte. La stagnation
ou la paralysie dans ce domaine marqueraient un déclin de la
construction européenne face aux risques de fragmentation.
Il serait irresponsable de laisser proliférer des tendances susceptibles
de mettre en cause la stabilité de la démocratie. C'est pourquoi,
il est indispensable de mettre sur pied des institutions multilatérales
chargées de représenter l'idéal européen.
En tant que symbole des principes démocratiques européens, le
Conseil de l'Europe a un rôle primordial à jouer dans
l'établissement de la sécurité sur le continent. Il doit
agir en collaboration étroite avec l'Union européenne et l'OSCE.
L'idée européenne ne peut être enfermée dans une
vision étroite. Le Conseil de l'Europe tient une place éminente
en vue d'un approfondissement, en ce qu'il reflète la richesse de
l'Europe et est le mieux placé pour définir les grandes
orientations de l'Europe future.
La démocratie a besoin des sciences afin de promouvoir l'esprit
critique. Pour maintenir la légitimité de l'ordre
démocratique, les associations de citoyens jouent un rôle
essentiel. Il faut dès lors mobiliser ceux-ci dans la défense des
idéaux du Conseil de l'Europe et répondre à leurs
aspirations légitimes.
Le Conseil de l'Europe a entrepris des efforts sérieux pour coordonner
les actions des différentes organisations européennes. Il faut
aller encore plus loin, pour répondre aux grands défis
posés par l'exclusion sociale, ce revers de la
compétitivité économique, et éviter que ne
s'installe une société dualiste et affaiblie. A cet égard,
il est important de revaloriser les notions d'associations et de services
publics, afin de défendre les valeurs de toujours, avec les moyens
technologiques de notre époque.
Aucune démocratie n'est parfaite. Il existera toujours un écart
entre le droit et son application. C'est pourquoi il est important de
manifester en permanence une extrême rigueur.
Le respect de la personne humaine amène le Président Sampaio
à lancer un appel solennel en faveur de l'abolition complète de
la peine de mort sur le continent européen.
Il y a vingt ans, le Portugal est devenu le 19ème membre du
Conseil de l'Europe. Face à l'élargissement de celui-ci,
M. Sampaio réitère aujourd'hui sa confiance dans l'avenir de
l'Europe.
2. Intervention de M. Zourab JVANIA, Président du Parlement de Géorgie (Mardi 24 septembre)
M. JVANIA regarde comme une décision historique
l'octroi du statut d'invité spécial à son pays. Celui-ci
vient de connaître des changements fondamentaux. Sur la base de la
Constitution adoptée il y a un an et qui a permis un nouveau consensus,
des élections présidentielle et parlementaires ont eu lieu
-certains membres de l'Assemblée y ont assisté comme
observateurs. Des réformes ont mis fin à un état
d'anarchie et, au cours des huit derniers mois, le Parlement a mis en place le
cadre juridique nécessaire au fonctionnement d'une libre économie
de marché. La monnaie nationale est aujourd'hui l'une des plus stables
d'Europe orientale et la production comme les investissements ne cessent de
croître.
La Géorgie s'est fixé trois priorités en matière
législative : tout d'abord, l'instauration d'un système
judiciaire indépendant et fort. La Cour constitutionnelle fonctionne
déjà et une réforme des tribunaux est en bonne voie ;
tous les instruments sont en place pour relever le défi que
représente l'adhésion à la Convention des Droits de
l'Homme. La deuxième priorité consiste à répartir
pouvoirs et fonctions entre les autorités nationale,
régionales et locales. La dernière est de lutter contre la
corruption et la bureaucratie qui sont les fléaux de tout Etat
post-soviétique.
Au cours de ces deux dernières années, qui ont vu l'instauration
de l'Etat de droit, l'expérience du Conseil de l'Europe a
été particulièrement précieuse à la
Géorgie et l'adhésion à l'Organisation interviendra au
meilleur moment. Le pays est en effet déterminé à avancer
dans la voie des réformes, mais il manque de l'expérience
indispensable.
Cependant, la démocratie toute neuve demeure considérablement
handicapée par le conflit abkhaze, qui dure depuis près de trois
ans. Une campagne de nettoyage ethnique a fait quelque 6 000 victimes civiles
dans la région, tandis que près de 270 000 personnes devaient
fuir : actuellement, un Géorgien sur dix est une personne
déplacée. L'orateur félicite M. Atkinson pour son
rapport et pour ses propositions, tendant notamment à l'envoi
d'observateurs des Nations Unies et à l'octroi d'une autonomie aussi
large que possible à l'Abkhazie. Malheureusement, la présence de
"gardiens de la paix" russes fait aujourd'hui obstacle à la
paix :
elle encourage les séparatistes dans leur volonté d'organiser des
élections parlementaires, en l'absence d'une majorité de la
population. Le crime risque ainsi d'être récompensé.
La Géorgie veut la paix et le Président Chevardnadze a
présenté des propositions qui ont suscité un large
intérêt dans le monde. Mais, pour les mettre en œuvre, une
assistance extérieure est indispensable. M. Jvania invite donc le
Conseil de l'Europe à participer au processus, en nommant un rapporteur
qui présentera à l'Assemblée une information
incontestable. Les droits de l'homme sont indivisibles et ceux qui les violent
ne doivent à aucun prix finir par être regardés comme des
hommes politiques respectables. La première raison pour laquelle la
Géorgie veut adhérer au Conseil de l'Europe, c'est que celui-ci
fait primer les valeurs fondamentales sur toutes les considérations de
la
Realpolitik
: tel est le sort que la Géorgie souhaite
précisément pour elle-même.
3. Discours de M. Guntis ULMANIS, Président de la République de Lettonie - Question de M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Mardi 24 septembre)
M. ULMANIS se félicite de la coopération
étroite qui s'est nouée entre le Conseil et son pays depuis que
celui-ci est devenu indépendant. Au cours de ces cinq années, la
Lettonie a ainsi pu parcourir une distance considérable : le rideau
de fer disparu, les valeurs démocratiques ont triomphé et une
véritable société civile a pris la relève de la
société soviétique. Les principes du marché se sont
substitués au protectionnisme et des personnalités politiques se
sont affirmées.
Le Président se dit convaincu que son pays est en mesure d'affronter
l'avenir et de répondre aux critères qu'exige une Europe moderne.
La notion d'Etat-nation est sans doute une notion discutable et
ambiguë : la plupart des Etats européens se sont
créés autour d'un noyau national, mais aucun ne peut survivre
s'il ne fait preuve d'esprit d'ouverture et de volonté
d'intégration. Il faut donc essayer de concilier cette notion
d'Etat-nation avec celle de région culturelle, en cherchant à
intégrer dans la nation ce qui lui est étranger. De ce point de
vue, Strasbourg, capitale européenne, peut servir de modèle dans
la mesure où l'Alsace a été un creuset pour deux cultures.
Herder, avant de venir à Strasbourg, avait passé cinq
années à Riga, s'intéressant à la vie spirituelle
des petites nations, souvent oubliées, mais si importantes pour
l'identité européenne. L'Assemblée du Conseil de l'Europe
est aujourd'hui le forum où l'on peut aborder cette question, ainsi que
toutes celles qui concernent l'avenir des Etats-nations et leur
sécurité. De ce dernier point de vue, l'union et
l'intégration apparaissent comme des préalables.
Le préalable à la solidarité nationale est l'existence
d'une société unie et capable d'intégrer ce qui lui est
étranger. Le lien européen est un modèle du genre. Cet
exercice d'intégration, déterminant pour le bien-être des
peuples, est parfois difficile à réaliser, comme le prouvent les
situations de certaines régions d'Europe.
Seule une réflexion en profondeur pourra assurer le futur de l'Europe.
Dans chaque pays, l'environnement culturel revêt un aspect traditionnel.
Il s'agit de savoir comment un Etat peut conserver son identité
nationale tout en relevant les défis du monde moderne liés
à la globalisation. Il convient de réfléchir à ses
retombées pour les pays situés aux confins de l'Europe. De petits
peuples, comme la Lettonie, qui ont déjà beaucoup souffert lors
de l'occupation soviétique, ne tiennent pas à disparaître
de la carte européenne. Ils font d'une réflexion sur le processus
d'intégration une des grandes priorités de l'époque.
La Lettonie est l'expression même de la variété.
L'indépendance a entraîné un regain de nationalisme. On a
craint, à un certain moment, que celui-ci n'entraîne des conflits
ethniques. Mais rien de tel ne s'est produit. Le lourd héritage de
l'ère soviétique a donné conscience aux Lettons de la
nécessité de développer leur pays dans un esprit de
tolérance et de compréhension. Un dialogue social, politique et
ethnique est instauré en Lettonie depuis plusieurs années.
L'appartenance à la communauté européenne trouve un large
consensus. Depuis l'indépendance, la transition politique a
été opérée avec succès. Il pourra être
important pour d'autres nations de bénéficier de
l'expérience du peuple letton, qui a su mettre en place un Etat-nation
multiculturel par la voie du pacifisme.
La Lettonie a été sensibilisée aux respects des droits de
l'homme et des minorités linguistiques depuis quelques années
seulement. Les différents observateurs européens qui se sont
rendus dans ce pays ont pu constater que ces droits y étaient garantis.
La Lettonie a établi un programme national de protection des droits de
l'homme, dont le centre est une institution indépendante chargée
d'enregistrer les plaintes individuelles, d'informer le public et d'effectuer
des recommandations au Parlement.
Sous l'occupation soviétique, l'éducation était
donnée en deux langues. Actuellement, l'enseignement gratuit est
proposé en neuf langues. Cette société multiculturelle se
caractérise en outre par la liberté linguistique au niveau de la
presse et des médias. La Convention européenne des Droits de
l'Homme sera ratifiée par le Parlement letton d'ici à la fin de
l'année. L'opinion publique ne semble pas encore prête à
accepter l'abolition de la peine de mort. Toutefois, le moratoire sera
respecté et le Président Ulmanis s'engage à
poursuivre le combat qui aboutira tôt ou tard à sa suppression.
Sous l'occupation soviétique, l'éducation était
donnée en deux langues. Actuellement, l'enseignement gratuit est
proposé en neuf langues. Cette société multiculturelle se
caractérise en outre par la liberté linguistique au niveau de la
presse et des médias. La Convention européenne des Droits de
l'Homme sera ratifiée par le Parlement letton d'ici à la fin de
l'année. L'opinion publique ne semble pas encore prête à
accepter l'abolition de la peine de mort. Toutefois, le moratoire sera
respecté et le Président Ulmanis s'engage à
poursuivre le combat qui aboutira tôt ou tard à sa suppression.
Un conseil consultatif sur les nationalités a été
institué en Lettonie. Il est chargé de l'intégration
sociale et du développement d'un dialogue entre les groupes nationaux.
Le Gouvernement letton va exécuter un vaste programme d'enseignement de
la langue lettone afin de permettre au plus grand nombre de l'apprendre, ce qui
devrait contribuer à augmenter le sentiment d'appartenance à une
communauté et permettre de stabiliser l'Etat nation.
Si certaines critiques ont parfois été formulées à
l'égard de violations des droits de l'homme en Lettonie, le
Président Ulmanis rappelle que les membres de la Commission
parlementaire ont pu constater sur place que les droits fondamentaux
étaient garantis dans son pays. Il répondra en outre aux
questions posées par les parlementaires.
Au sein de l'Europe unie, chaque pays membre doit trouver sa propre voie.
Chaque nation a sa propre origine, sa propre langue. Il est d'ailleurs
important qu'un peuple sente son appartenance au pays où il est
né. En Lettonie, cinquante ans d'occupation soviétique ont
laissé des traces indélébiles. Toutefois, la
mémoire de l'Histoire fait partie intégrante de l'identité
nationale. Le Président Ulmanis pense que son parcours personnel est
caractéristique de celui du peuple letton. Lors de l'annexion de son
pays, sa famille a été déportée en Sibérie.
A son retour, elle a pu constater les dégâts causés par
l'idéologie communiste. L'humiliation subie ne s'oublie jamais. Il n'est
toutefois pas question de haine, mais plutôt de pitié pour ceux
qui pensent pouvoir dominer les autres par une idéologie totalitaire.
Le Président Ulmanis aimerait se rendre en Sibérie pour
rendre hommage aux Lettons qui y sont morts, pour dire sa gratitude à
ceux qui ont aidé sa famille et pour rencontrer les Lettons qui sont
restés vivre dans cette région rude.
Une Europe unie a besoin que l'on définisse sa dimension spirituelle et
spatiale. La deuxième guerre mondiale a laissé des
séquelles et des blessures. Après le conflit, le Conseil de
l'Europe a pu jouer un rôle important pour restaurer l'harmonie et tenter
d'instaurer la paix dans le respect de certaines valeurs et du pardon mutuel.
Le débat entre éthique et Realpolitik est dépassé.
La civilisation occidentale a pris un nouveau départ et doit,
aujourd'hui, mettre l'accent sur le pragmatisme. L'appartenance de la Lettonie
à cette civilisation ne pose aucun problème, comme le prouve son
développement pacifique vers un Etat multiculturel stable.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est la conscience de
l'Europe. En s'exprimant sur les grandes questions de société,
ses parlementaires font progresser le respect mutuel et l'harmonie. Elle sera
la clé de l'avenir de l'Europe.
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)
, pose la question suivante
:
" Monsieur le Président, 34 % de votre population est
russophone. Aujourd'hui Lettonie et Russie sont au Conseil de l'Europe et votre
pays est confronté au délicat dossier du respect des
minorités et de leur citoyenneté.
" Quel programme d'intégration politique et culturel entendez-vous
mettre en place pour assurer au tiers de votre population les mêmes
droits et les mêmes devoirs qu'aux autres Lettons ? "
M. ULMANIS lui répondant admet que la question des russophones se
pose, comme celle de ceux qui parlent une autre langue que le letton.
L'intégration de ces personnes dans la société fait
actuellement l'objet d'un débat. Elle pourra sans doute se faire un
jour, mais le problème essentiel demeure celui de la langue et des
différences culturelles. Cela dit, 70 % des non-ressortissants sont
prêts à prendre la citoyenneté lettone.
4. Discours de M. Marc FORNÉ MOLNÉ, chef du Gouvernement de la Principaute d'Andorre - Questions de M. Jean BRIANE, député (UDF) (Jeudi 26 septembre)
M. FORNÉ MOLNÉ prononce l'allocution suivante
:
" Je tiens à vous remercier, Madame Fischer, Présidente
de cette Assemblée, pour vos paroles au sujet de la Principauté
d'Andorre, notre pays, ainsi que pour votre constante lutte en faveur de la
paix et des droits de l'homme au sein de cette Assemblée.
" En ce jour particulier, tout juste deux ans après l'approbation
par cette honorable Assemblée de l'adhésion de la
Principauté d'Andorre au Conseil de l'Europe, c'est un grand honneur
pour moi d'être parmi vous, au sein de ce prestigieux hémicycle,
pour se souvenir d'un moment si important pour tous les Andorrans.
" Le chemin que nous avons parcouru au cours de ces deux années, a
été long et intense, grâce à l'activité
parlementaire des députés andorrans, à la présence
de la représentation permanente d'Andorre, à la tâche du
juge et du tout nouveau commissaire au sein de la Cour européenne des
droits de l'homme, de la présence de nombreux experts et professionnels
de l'administration andorrane aux réunions du Conseil de l'Europe, entre
autres.
" Depuis la Constitution de 1993, notre pays a dû assumer de
profonds et d'importants changements, tant au niveau législatif qu'aux
niveaux politique et institutionnel.
" L'étroite collaboration qui est mise en œuvre grâce
à la mise à disposition des services du Conseil de l'Europe, que
je tiens à remercier pour leur coopération, nous est une aide
précieuse.
" L'Andorre est, comme vous le savez déjà, un pays
très particulier doté d'une spécificité
économique, humaine et géographique. Cette situation est due
à divers facteurs historiques et conjoncturels du système
international actuel et est comparable, par exemple, à celle des pays
ayant des configurations similaires tout en demeurant différents, comme
Saint Marin, le Liechtenstein ou Malte.
" La coopération et la participation sont des
éléments essentiels pour la vitalité et
l'efficacité de cette organisation. Nul ne doit oublier que la vie du
Conseil de l'Europe est le reflet de la capacité de réaction
qu'ont les nations qui le composent. Le monde et l'Europe
particulièrement, ont beaucoup changé depuis 1989. Cette
Assemblée en est la preuve visible, puisqu'en quelques années,
elle a accueilli quatorze pays sans compter les nouveaux pays observateurs.
" L'interdépendance et la planétisation des courants et des
tendances ont unifié le monde dans lequel nous vivons, au point qu'aucun
conflit, danger ou injustice ne peuvent nous être indifférents.
L'extrémisme violent et agressif, la détérioration de
l'environnement, l'insécurité citadine dans les grandes
métropoles européennes, les guerres et les conflits ethniques et
religieux, que l'on mélange souvent, sont des soucis qui constituent des
préoccupations fondamentales de notre société et qui
restent des défis difficiles à atteindre pour les pouvoirs
publics.
" Les Commissions de cette Assemblée sont un cadre de travail, de
réflexion et d'information sans pareil, grâce à leurs
rapports et aux exposés où se font jour les expériences
vécues et la neutralité des opinions extérieures des
parlementaires présents.
" Partager les savoirs, la richesse, l'expérience et la
responsabilité pour favoriser le développement
démocratique des pays qui restructurent leurs institutions depuis 1989
ou qui sont nouvellement indépendants, est une tâche constante du
Conseil de l'Europe, malgré ses maigres moyens humains et
économiques. Cette enrichissante relation directe permet la
participation pleine et authentique de tous les pays afin d'aider à
atteindre la liberté, la solidarité et le respect des droits de
l'homme en Europe.
" Nous sommes tous conscients du fait que les menaces les plus graves
pour
la paix et le futur de l'Europe ont changé de signe au cours de ces
dernières années. La chute du mur de Berlin ouvrit au grand jour
les forces et les situations réprimées pendant longtemps en
raison de la rivalité entre les deux blocs. Les conflits qui surgissent
de nos jours sont essentiellement le résultat de l'oppression
vécue plus que des cinquante ans de rêve de liberté.
" Chaque nation a essayé de s'adapter à un nouveau milieu
social, économique, institutionnel et politique en accord avec son
passé historique et avec sa conscience nationale actuelle. Les destins
n'ont pas toujours été tranquilles. On se souvient de la
différence profonde qui existe aujourd'hui entre la séparation de
velours des Républiques tchèque et slovaque et les
difficultés rencontrées pour trouver un compromis politique
à la question nationale au sein des territoires de l'Ex-Yougoslavie.
" La tâche de cette organisation demeure ainsi encore immense, afin
de préciser les positions, de permettre un forum ouvert de discussions
et de trouver des solutions de compromis. En outre, la longue expérience
pédagogique des fonctionnaires présents et la volonté de
conciliation des parlementaires engagés sont des facteurs indispensables
pour atteindre la stabilité si prisée dans notre continent.
" Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
l'Europe n'est pas un espace ayant une interprétation unique des
réalités. Ce continent, à la différence de grands
espaces comme l'Amérique du Nord, n'a pas et n'aura jamais une langue
européenne unique. Notre richesse provient de la pluralité de
langues, de cultures et de coutumes de l'ensemble européen. Nous sommes
un continent polyglotte et cette réalité, loin d'être une
entrave, doit s'ériger comme notre force. Cette différenciation
interne est un des caractères géopolitiques les plus importants
et durables. Nous abritons quarante trois langues et trois alphabets
-latin, grec et cyrillique.
" Le catalan est la seule langue officielle de l'Andorre. Elle
progresse
grâce à la dynamique économique des régions voisines
de la Principauté.
" Cependant, les récentes indépendances ou les
reconnaissances internationales des pays de l'Europe centrale et orientale ont
donné une impulsion à la réhabilitation de langues
nationales d'origine finlandaise, comme l'estonien, ou d'origine balte, comme
le letton ou le lituanien. La langue particulière, outil de
communication administratif, économique et de transmission de la
mémoire, devient le fondement de la nation en tant que culture
spécifique.
" L'Europe a d'immenses ressources dont elle doit savoir tirer profit.
Parallèlement à la renaissance des langues et des cultures
réprimées ou oubliées, elle développe l'usage des
langues véhiculaires comme l'anglais ou l'allemand en Europe centrale,
et doit soutenir l'énorme richesse de communication en langue
française et espagnole dans de nombreuses parties du monde.
" Notre devoir est de promouvoir ces réalités et de les
transformer en facteur de progrès. La création du Centre de Graz,
pour la promotion et pour l'apprentissage des langues vivantes en Europe, est
une illustration de cette volonté partagée au sein du Conseil de
l'Europe. Il s'agit là d'un terrain très connu pour les Andorrans
sur lequel nous nous sentons fort à l'aise. Nos enfants choisissent
parmi trois systèmes scolaires publics ayant comme base d'apprentissage,
soit le catalan, soit le castillan, soit le français. Ils ont la
possibilité d'apprendre chacune de ces deux autres langues, aussi bien
dans l'établissement choisi que de façon spontanée dans la
rue. En outre, l'anglais leur est enseigné en tant que quatrième
langue. Du reste, ils côtoient et se familiarisent avec une autre langue
latine qu'est le portugais, langue qui est parlée par une partie
importante de la communauté andorrane. Aussi, nous avons la chance que
la langue catalane soit la plus proche de l'italien, puisque ses racines
latines ont reçu moins d'influences étrangères du fait de
son isolement séculaire.
" L'Etat andorran, dès lors la reconnaissance internationale de ce
qu'il a été sept siècles durant -un Etat
indépendant- a reçu la mission de faire connaître au sein
de toutes les institutions internationales cette langue qui est commune
à dix millions d'Européens. Et l'Andorre peut justement
accomplir cette mission de façon ouverte et sans exclusion, de
manière fraternelle avec les grandes langues voisines que nous cultivons
et que nous apprécions aussi.
" Mais il ne faut pas oublier que notre langue, chez nous, est devenue
minoritaire dans bien des domaines, en raison de la force démographique
immigratoire et des médias en langue espagnole. Lorsqu'on nous demande
de ratifier la Convention européenne sur les minorités, il est
bien évident que bon nombre de ceux qui l'ont conçue ne pouvaient
pas imaginer qu'il existe des Etats européens dont l'une des
minorités est celle des nationaux. Il nous faut y
réfléchir tous ensemble parfois les lieux communs et les
clichés habituels ne tiennent pas compte de certaines situations.
" Mesdames et Messieurs, la diversité linguistique est un des
aspects de la particularité européenne. Cependant, c'est
l'originalité géographique, historique et géopolitique,
dont la Principauté d'Andorre est un vif exemple, qui demeure la
caractéristique du poids des années et des siècles
d'expériences humaines au sein de notre continent.
" La diversité fait partie de notre patrimoine.
" L'expérience de pays comme le Liechtenstein, Saint-Marin, Malte,
Chypre ou le Luxembourg nous montre que l'espace qui nous entoure est
polyculturel.
" Chaque endroit montre sa spécialité et son
itinéraire.
" L'identité de pays comme l'Andorre, qui vivent au milieu d'Etats
plus vastes, est une garantie de la richesse qu'offre la démocratie
internationale.
" Préserver l'histoire, les coutumes, la culture et la tradition
des sites européens n'est pas synonyme de conservatisme, mais tout le
contraire !
" L'intelligence de l'avenir européen nécessite une grande
cohésion, un dialogue et une confrontation des expériences de
l'ensemble des Etats situés en Europe.
" A ce propos, les contacts bilatéraux et multilatéraux
entre les différents pays sont très importants, où chacun
parle selon des critères propres, sans se soucier de critères
comparatifs, démographiques, sociaux, économiques ou
géographiques. Le grand défi des Européens est
peut-être les seuls à pouvoir rendre possible la fraternisation de
cultures aussi différentes que ce sont celles de l'Extrême Orient
et de l'Occident américain. Nous pouvons l'accomplir car nous avons
parcouru difficilement un long chemin d'apprentissage de tolérance et de
connaissance de la culture d'autrui.
" Cela est, plus ou moins, ce que cette organisation s'efforce de
faire
depuis quarante sept ans pour la protection des droits de l'homme.
" Nous parlons d'une des valeurs fondamentales de l'Europe et de
l'humanité, de droits qui touchent des domaines si divers comme les
droits sociaux et économiques, la liberté de la presse ou la
protection de la société civile.
" Il existe ainsi différents instruments pour sensibiliser et
contrôler les Etats membres.
" Nous pouvons remercier la tâche de la Commission et de la Cour
européenne des Droits de l'Homme, qui accueille des requêtes
individuelles et personnelles des citoyens des pays qui ont signé et qui
ont ratifié la Convention pour la sauvegarde des Droits de l'Homme et
des libertés fondamentales.
" Je voudrais souligner aussi l'importance des autres textes de grande
valeur, comme celui de la Convention pour la prévention de la torture et
des peines ou des traitements inhumains ou dégradants, que la
Principauté d'Andorre vient de signer. Il faut ajouter que bien avant
son abolition officielle, la peine capitale ne s'appliquait plus en Andorre
depuis 1944.
" Et parmi les droits dont nous parlons, la liberté d'expression,
de circulation et de représentation sont les conditions
nécessaires pour que quiconque puisse jouir des initiatives à
caractère politique, social et économique. Ces droits sont une
garantie pour la démocratisation d'un Etat et des individus qui le
composent.
" Chaque individu qui vit dans un espace concret a, de ce fait, un
certain
nombre de droits et de devoirs. La société est en elle-même
un cadre de codes et de paramètres dans lequel se reconnaissent les
personnes qui y prennent racine.
" Ainsi, il est erroné de penser que les droits individuels sont
contraires au besoin de la collectivité ou aux procédures pour
prendre des positions collectivement.
" Dans ce sens, je me permets de rappeler ce qui a été
confirmé lors de la Conférence mondiale des droits de l'homme qui
s'est tenue à Vienne en juin 1993 : "tous les droits de
l'homme sont universels, indivisibles et interdépendants et sont
reliés entre eux" (déclaration et programme d'action,
paragraphe 5).
" Les tâches menées à terme grâce à un
travail de fond par les membres de cette organisation en sont une excellente
illustration.
" Mais il reste encore beaucoup à faire.
" Mon optimisme d'une Europe unie et différente ne doit pas nous
faire oublier qu'à deux heures d'avion de Strasbourg, il existe des
peuples qui souffrent de la guerre. La tragédie ne doit pas nous
être étrangère et nous devons multiplier nos efforts afin
de conserver notre héritage et pour travailler à un avenir
sûr et paisible.
" Fort heureusement, la Principauté d'Andorre a pu jouir de la paix
et de la stabilité pendant plus de sept cents ans. Lors de la signature
des premiers "Pareatges", la sentence arbitrale, considérée en
quelque sorte comme une pré-constitution, les deux coseigneurs
s'ordonnèrent mutuellement ainsi qu'au peuple la démolition de
toutes les fortifications. Ceci eut lieu au XIIIème siècle
et à présent, si vous visitez l'Andorre, vous ne trouverez aucune
forteresse. Nos monuments les plus prisés sont de simples églises
et chapelles romanes aux portes toujours ouvertes. Ne cherchez ni murailles ni
restes de remparts dont il ne subsiste que quelques pierres. Lundi même,
à l'Assemblée des Nations unies, j'ai exprimé mon
vœu que toutes les grandes, moyennes et petites puissances
surarmées imitent un jour ces admirables ancêtres andorrans,
pionniers du pacifisme le plus authentique : ceux-là qui l'ont
rendu possible en commençant par l'élimination des armes.
" Malheureusement, même dans cette partie de l'Europe qui jouit de
la paix depuis tant d'années, le spectre de la crise du travail, un des
droits de la personne submerge les Gouvernements dans le doute quant au futur,
le maintien du bien-être et son étendue à toutes les
classes sociales, à tous les âges.
" C'est par rapport à ce droit fondamental que nous tendons plus
à l'échec malgré quantité d'efforts louables,
malgré nos formules plus ou moins adéquates et nos bonnes
intentions. Il y a moins de travail et il va falloir mieux le distribuer.
" Et si nous réfléchissons froidement aux problèmes
qui s'accumulent sur le continent africain, bien proche du sud européen,
il nous faut être assez lucide pour accepter la responsabilité
européenne dans le possible développement de ses terres
malmenées, d'abord en raison de la colonisation extérieure, et
ensuite en raison des formes les plus diverses de despotisme intérieur.
" Je me demande si je puis ajouter quelque chose, devant vous tous,
qui
n'ait déjà été dit ou répété
dans cette assemblée. Je ne sais si les paroles ont toutes la force pour
laquelle elles ont été créées.
" Mais, des montagnes d'Andorre qui montrent déjà les
premières neiges anticipées, jusqu'à cette pleine du
centre de notre continent, nous partageons l'idée commune que
Charlemagne a lancé à la manière de son temps : par
la force des armes. Une conception d'une Europe qui s'élargit et
constitue un exemple pour le reste du monde, à la manière
d'aujourd'hui : par le moyen du dialogue, la connaissance des
différences et le désir de paix, de liberté et de
tolérance.
" Ainsi soit-il pour les années à venir. "
M. Jean BRIANE, député (UDF)
, pose sa question en ces
termes :
" La région Midi-Pyrénées étant voisine de
l'Andorre et ayant des relations privilégiées avec elle, je suis
particulièrement heureux de retrouver ici aujourd'hui, au Conseil de
l'Europe, le Président du Gouvernement andorran.
" Je voudrais lui dire combien je suis admiratif de ce que fait
l'Andorre
pour maintenir malgré tout l'identité, la culture et la langue de
ce magnifique pays. Je souhaite que tous les Gouvernements européens
s'inspirent du modèle andorran, car l'Andorre est sans doute, à
ce titre, un modèle pour tous les pays européens. J'aimerais
qu'il me donne la recette pour que nos Gouvernements imitent
l'Andorre. "
M. FORNÉ MOLNÉ
lui répond de la façon
suivante :
" Monsieur Briane, je suis honoré par vos félicitations,
surtout venant d'un voisin de l'Andorre.
" Ainsi que vous vous en doutez, je ne possède pas de recette. Les
peuples ne sont pas ce que voudraient parfois leurs dirigeants. Ils se font
eux-mêmes. Les pays avancent malgré les politiciens, parfois avec
leur aide, surtout celle des Parlementaires.
" L'Andorre s'est construite sur la tolérance et fut de tous temps
terre d'asile, tout d'abord, du fait des malheureuses guerres qui ont
entaché l'histoire de l'Europe. D'où, depuis toujours, cet esprit
d'accueil de l'étranger en difficulté. Elle s'est surtout
traduite au cours de la guerre civile espagnole et de la seconde guerre
mondiale. Peut-être de là, est née la façon
d'être des Andorrans.
" Par ailleurs, l'Andorre était un pays pauvre avant la guerre,
avant qu'elle ne jouisse d'une prospérité touristique. Les
Andorrans ont souvent été contraints de s'expatrier ;
aujourd'hui, l'histoire s'inverse : nous recevons des populations
immigrées. Mais nous devons nous rappeler que les Andorrans partaient
chercher du travail dans le Béarn, en Ariège, dans le
Languedoc-Roussillon et en Catalogne.
" Tout cela est resté présent dans l'esprit de toutes les
familles. Nous avons tous des oncles qui habitent en France ou en
Espagne ; nous avons tous des cousins nés en France, tout comme
moi. Tous les Andorrans, ici présents, ont des parents nés en
Espagne ou en France. Après une génération
d'émigration, il y en a beaucoup qui reviennent. Mais cela explique
notre esprit d'ouverture en dehors de notre pays, c'est la force des
choses !
" Maintenant il est de notre devoir de faire l'inverse, et donc de
recevoir l'immigration dans notre pays où la communauté
portugaise représente actuellement plus de 12 % de la population.
Cette communauté est particulièrement bien intégrée
et c'est tout à son honneur. Les Portugais arrivent en Andorre et en
très peu de temps, ils sont capables de parler catalan. Leur langue est
très semblable à la nôtre, mais ils font l'effort de
s'intégrer très vite comme l'ont fait les Espagnols et les
Français, avant eux.
" C'est sans doute pour cette raison que les Andorrans ont toujours eu
l'esprit ouvert. Le Parlement et le Gouvernement unanimes œuvrent
dans ce
sens. Nous n'avons pas de recette magique. C'est le travail de tous les jours
et surtout l'ouverture vers des forums internationaux comme le vôtre et
comme l'ONU. Cela nous impose une responsabilité plus grande envers les
communautés qui habitent chez nous et qui viennent pour la plupart
d'Etats européens. "
A N N E X E
LISTE DES TEXTES ADOPTES
AU COURS DE LA SESSION DE 1996
Ces textes peuvent être obtenus auprès du
Conseil de l'Europe.
Adresse postale :
Point I
Conseil de l'Europe
F-67075 Strasbourg Cedex
Tél : (33) 03 88 41 20 33 ; Fax : (33) 03 88 41 27 45
E-Mail : information.point @ seddoc.coe.fr
Le Conseil de l'Europe sur Internet :
http://www.coe.fr
PREMIERE PARTIE
(
22-26 janvier
)
Avis n° 192
: sur
les budgets du Conseil
de l'Europe
relatifs aux exercices 1995 et 1996
Avis n° 193
: relatif à la demande
d'adhésion
de la Russie
au Conseil de l'Europe
Directive n° 516
: relative à la création d'une
commission
ad hoc
sur la
Tchétchénie
Recommandation 1280
: relative à la deuxième session
du
Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
de l'Europe (CPLRE)
(30 mai-1
er
juin 1995)
Résolution 1071
: relative à la deuxième session
du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
de l'Europe
(CPLRE) (30 mai-1er juin 1995)
Recommandation 1281
: relative à
l'égalité des
sexes
dans le domaine de
l'éducation
Recommandation 1282
: relative à la demande de statut
d'observateur
auprès du Conseil de l'Europe par les
Etats-Unis
Recommandation 1283
: relative à l'histoire et à
l'apprentissage de l'histoire
en Europe
Recommandation 1284
: relative à la politique de
l'environnement
en Europe (1994-1995)
Résolution 1076
: relative à la politique de
l'environnement
en Europe (1994-1995)
Recommandation 1285
: relative aux droits des
minorités
nationales
Directive n° 513
: relative aux droits des
minorités
nationales
Recommandation 1286
: relative à une
stratégie
européenne pour les enfants
Directive n° 514
: pour la promotion de la
cause des
enfants
Recommandation 1287
: relative aux
réfugiés
, aux
personnes déplacées et à la reconstruction dans certains
pays de
l'Ex-Yougoslavie
Recommandation 1288
: relative aux
demandeurs d'asile albanais du
Kosovo
Résolution 1077
: relative aux
demandeurs d'asile albanais du
Kosovo
Directive n° 515
: relative aux
demandeurs d'asile albanais
du Kosovo
Recommandation 1289
: relative au
bien-être des animaux
et
au
transport du bétail
en Europe
Résolution 1072
: relative à l'importance de
l'industrie lainière
pour les régions rurales en
difficulté
Résolution 1073
:
Règlement de l'Assemblée
-
relative aux
amendements
remplaçant un projet de texte
Résolution 1074
:
Règlement de l'Assemblée
-
relative à l'élection des
vice-présidents de
commission
Résolution 1075
: relative à la
coopération
scientifique
et technologique avec les
pays d'Europe centrale et
orientale
Résolution 1078
: relative à la
situation
économique du Bélarus, de la Russie et de l'Ukraine
Directive n° 512
: relative aux relations entre
l'Assemblée et les
organisations des Nations Unies
spécialisées dans les
domaines alimentaire, agricole et du
développement rural
DEUXIEME PARTIE
(
22-26 avril
)
Avis n° 194
: relatif à la demande de
statut
d'observateur
auprès du Conseil de l'Europe par le
Japon
Avis n° 195
: relatif à la demande
d'adhésion
de la Croatie
au Conseil de l'Europe
Recommandation 1290
: relative au suivi du
Sommet de Copenhague
sur le
développement social
Recommandation 1291
: relative à la
culture yiddish
Recommandation 1292
: relative à la participation des
jeunes
au sport de haut niveau
Recommandation 1293
: relative au
Centre européen de la
jeunesse de Budapest
Directive n° 517
: relative au
Centre européen de la
jeunesse de Budapest
Recommandation 1294
: relative au développement de
l'informatique
au Conseil de l'Europe
Recommandation 1295
: relative à la procédure d'examen des
candidatures à l'élection de juge à la
Cour
européenne des Droits de l'Homme
Résolution 1082
: relative à la procédure d'examen
des candidatures à l'élection de juge à la
Cour
européenne des Droits de l'Homme
Directive n° 519
: relative à la procédure
d'examen de candidatures à l'élection de juge à la
Cour
européenne des Droits de l'Homme
Recommandation 1296
: relative à une
Charte européenne
de l'espace rural
Recommandation 1297
: relative à la mise en oeuvre des
accords
de Dayton pour la
paix en Bosnie-Herzégovine
Directive n° 521
: sur la mise en oeuvre
des accords de
Dayton pour la paix en Bosnie-Herzégovine
Recommandation 1298
: relative au respect par la
Turquie
des
engagements concernant la
réforme constitutionnelle
et
législative (suites à donner à la Recommandation 1266
(1995)
Résolution 1079
: relative à l'élargissement de la
représentation des femmes
à l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe
Résolution 1080
: relative à la
détection des
astéroïdes et des comètes
présentant un danger
potentiel pour l'humanité
Résolution 1081
:
Règlement de l'Assemblée
-
relative à la contestation des
pouvoirs de
délégations
nationales dans le courant d'une session ordinaire
Résolution 1083
: relative aux parlements et à
l'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Résolution 1084
: relative aux
politiques européennes
de transport
Résolution 1085
: relative aux activités du Comité
international de la
Croix-Rouge
(CICR), 1992-1995
Résolution 1086
: relative aux développements dans la
Fédération de Russie en relation avec la situation en
Tchétchénie
Directive n° 520
: relative aux développements dans la
Fédération de Russie en relation avec la situation en
Tchétchénie
Résolution 1087
: relative aux conséquences de l'accident
de
Tchernobyl
Résolution 1088
: relative aux menaces qui pèsent sur le
processus de paix au Proche-Orient
Directive n° 518
: relative à la tenue d'un
débat sur la
Charte sociale européenne
TROISIEME PARTIE
(
24-28 juin
)
Avis n° 196
: relatif à la demande de
statut
d'observateur
auprès du Conseil de l'Europe par le
Canada
Avis n° 197
: sur les
dépenses
relatives
à l'Assemblée pour
l'exercice budgétaire 1997
Recommandation 1299
: relative à la
coopération
culturelle
européenne: les activités de
l'Union
européenne
et les relations avec le Conseil de l'Europe
Recommandation 1300
: relative à la protection
des droits des
minorités
Recommandation 1301
: relative aux
aspects civils des accords de
Dayton et d'Erdut
Recommandation 1302
: relative à
l'abolition de la peine de
mort
en Europe
Résolution 1097
: relative à
l'abolition de la peine de
mort
en Europe
Directive n°
525
: relative à
l'abolition de
la peine de mort
en Europe
Résolution 1089
: relative à la mise en oeuvre des
engagements
contractés par la
Croatie
dans le cadre de la
procédure d'admission au Conseil de l'Europe
Résolution 1090
: relative au problème de la
désertification dans le Bassin méditerranéen
Résolution 1091
: relative aux politiques de
gestion des
pêches
Résolution 1092
: relative à la
discrimination à
l'égard des femmes dans le domaine du sport
et plus
particulièrement aux jeux Olympiques
Résolution 1093
: relative aux activités de l'Association
européenne de libre-échange (
AELE
) (réponse aux
33
e
et 34
e
rapports annuels)
Résolution 1094
: relative aux activités de la
Banque
européenne pour la reconstruction et le développement en 1995
Résolution 1095
: relative aux
élections
législatives
récentes en
Albanie
Directive n° 524
: relative aux
élections
législatives
récentes en
Albanie
Résolution 1096
: relative aux mesures de
démantèlement de l'héritage des
anciens régimes
totalitaires communistes
Directive n° 522
: relative à l'exploitation durable
des
ressources biologiques marines
Directive n° 523
: relative à la situation des
jeunes en Europe
: la jeunesse marginalisée
QUATRIEME PARTIE
(
23-27septembre
)
Avis n° 198
: relatif au projet de convention
pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de
l'être humain à l'égard des applications de la biologie et
de la médecine: convention sur les droits de l'homme et la
biomédecine
Recommandation 1303
: relative à la proposition pour un
second
sommet
des chefs d'Etat et de gouvernement
du Conseil de l'Europe
Recommandation 1304
: relative à l'avenir de la
politique
sociale
Résolution 1098
: relative au
chômage en Europe
:
causes et remèdes
Recommandation 1305
: relative à la situation humanitaire des
personnes déplacées en Géorgie
Recommandation 1306
: relative aux
migrations
des pays en voie de
développement vers les pays européens industrialisés
Résolution 1099
: relative à
l'exploitation sexuelle
des enfants
Directive n° 526
: relative à
l'exploitation
sexuelle des enfants
Résolution 1100
: sur les
activités de l'OCDE
en
1995
Résolution 1101
: relative à
l'Organisation mondiale
du commerce
et à l'application des accords de l'Uruguay Round
(1) M. Jean de Lipkowski est décédé le 20 septembre 1997.