8. Le débat élargi sur les activités de l'OCDE en 1995 - Exposé de M. Donald JOHNSTON, Secrétaire général de l'OCDE - Interventions de MM. Bernard SCHREINER, député (RPR), Claude BIRRAUX, député (UDF), Jean VALLEIX, député (RPR), et Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc.) (Mercredi 25 septembre)
Le débat élargi de cette année sur l'OCDE
concerne les problèmes auxquels se heurtent de nombreux Etats membres de
l'OCDE - notamment le fort taux de chômage et le nouvel ordre du jour du
commerce à la suite de la création de l'Organisation mondiale du
commerce.
Le rapport montre que la reprise économique tient bon dans certains pays
tels que les Etats-Unis, alors qu'elle se ralentit, parfois
considérablement, dans plusieurs pays d'Europe.
La croissance dans la zone de l'OCDE est descendue à 2 % en 1995,
et elle devrait demeurer à ce niveau en 1996. L'inflation s'est
maintenue à 3,3 % en 1995. Elle devrait descendre à
près de 2,5 % en 1996. C'est toutefois le chômage qui
constitue la principale préoccupation politique, surtout en Europe
continentale.
Après l'adhésion de la République tchèque et de la
Hongrie à l'OCDE, le rapport étudie les perspectives
d'élargissement pour l'avenir. Il traite des relations de l'OCDE avec
les économies dynamiques non membres ainsi qu'avec les pays d'Europe
centrale et orientale et les nouveaux Etats indépendants.
M. Donald JOHNSTON, Secrétaire général de l'OCDE
,
intervient en ces termes :
" Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
anciens collègues, je vous remercie des chaleureux souhaits de bienvenue
que vous venez de m'adresser au moment où je prends la parole pour la
première fois devant cette assemblée en qualité de
Secrétaire général de l'OCDE.
" Bien que le thème de votre débat soit intitulé
"Activités de l'OCDE en 1995", nous nous concentrerons sur l'avenir et
non sur le passé. Je m'en réjouis : ayant pris mes
fonctions le 1er juin dernier, ma contribution aurait forcément
été des plus modestes ! Mais avant de vous faire part de ma
conception de l'avenir de l'Organisation et des difficultés
immédiates que l'OCDE et les responsables politiques que vous êtes
doivent affronter, je voudrais vous dire en quoi nous avons des
intérêts communs et, de fait, pourquoi nous devons mettre à
profit nos expériences respectives pour aider les pays membres de l'OCDE
à relever les enjeux socio-économiques à court, moyen et
long termes auxquels nous sommes tous confrontés à l'aube du XXIe
siècle. "
M. Johnston remercie la Présidente d'avoir bien voulu évoquer son
passé de parlementaire et de ministre. Il dit l'honneur ressenti
à servir ses concitoyens en respectant les exigences de la
démocratie.
Les parlementaires sont aussi en première ligne dans ce débat.
Ils doivent présenter à leurs électeurs un message qui
n'est parfois pas conforme à celui qu'ils défendaient au cours de
leur campagne électorale. Ils doivent par exemple promettre la
croissance à long terme au prix de sacrifices immédiats. Alors
qu'ils ont une expertise limitée, ils doivent se familiariser avec tous
les aspects de la politique. En d'autres termes, ils doivent se conformer
à la définition que donnait Keynes du professeur
d'économie : il leur faut combiner les talents du
mathématicien, de l'historien, de l'homme d'Etat et du philosophe
; ils doivent comprendre les symboles tout en s'exprimant simplement,
maîtriser le concret aussi bien que l'abstrait, examiner le
présent à la lumière du passé pour préparer
l'avenir, être à la fois passionnés et
intéressés, incorruptibles comme des artistes et
terre-à-terre comme des hommes politiques. Cette combinaison est
à l'évidence rare et difficile.
L'OCDE pourtant la possède. Certes, elle n'est pas un homme d'Etat, mais
c'est un forum pour les hommes d'Etat. Elle n'est pas un philosophe, mais elle
défend une philosophie. Contrairement aux autres organisations, elle a
une approche mondiale et pluridisciplinaire des problèmes, une vision
à long terme, une vision intégrée. Et c'est en ce sens
qu'elle peut être utile aux parlementaires. Instrument de la recherche
politique, elle doit permettre aux Gouvernements de résoudre les
problèmes qui se posent à eux. Les rencontres avec
l'Assemblée favorisent ainsi une synergie utile.
M. JOHNSTON
déclare encore :
" Avant d'examiner certains de ces enjeux, je voudrais rappeler la
mission
fondamentale de l'OCDE, telle qu'elle est définie dans sa Convention.
Ses membres doivent se consulter et coopérer pour "réaliser la
plus forte expansion possible de leur économie et améliorer le
bien-être économique et social de leurs peuples". C'est ce que
j'appelle le paradigme triangulaire constitué par la croissance
économique, la stabilité sociale et la stabilité
politique, un équilibre harmonieux devant s'instaurer entre ces trois
éléments pour assurer le progrès social. Plus simplement,
l'OCDE a pour rôle d'aider ses membres à maintenir cet
équilibre dans leurs sociétés respectives et à
veiller à l'équilibre du paradigme à l'échelle
mondiale. Etant donné que 1,3 milliard d'individus vit dans les pays en
développement avec moins d'un dollar par jour, le paradigme à
l'échelle de la planète paraît être
sérieusement déséquilibré ! Ce défi
reste le plus important et le plus ardu de tous, mais je voudrais aujourd'hui
me concentrer essentiellement sur la situation des pays de l'OCDE.
" Je pense que nous risquons d'assister à une rupture de
l'équilibre du paradigme, accompagnée d'une réaction de
rejet de l'opinion publique à l'encontre des stratégies
économiques qui ont été adoptées, à
savoir : une politique macro-économique visant à s'attaquer
aux déficits et à assurer la stabilité des prix
grâce à une politique monétaire prudente ; des
réformes structurelles, notamment une réduction du rôle de
l'Etat, la déréglementation et la privatisation ; et une
libéralisation générale des marchés à
l'échelle mondiale. Ces politiques, destinées à
réaliser une croissance économique soutenue, sont
considérées par les sceptiques comme en conflit avec le principe
fondamental essentiel pour l'équilibre du paradigme, à savoir que
toute politique économique conçue pour favoriser la croissance
économique doit comporter des objectifs de politique sociale. Dans la
course effrénée engagée pour corriger les
déséquilibres provoqués dans le passé par
l'intervention gouvernementale excessive prenant la forme de
réglementations, du contrôle par l'Etat d'entreprises
commerciales, de législations du travail restrictives, de
prélèvements obligatoires trop lourds, de marchés
intérieurs protégés et d'autres pratiques qui se sont
conjuguées pour aggraver les déficits budgétaires et
l'endettement public accompagnés d'une progression du chômage et
d'un ralentissement de la croissance, les pouvoirs publics ont adopté
des mesures correctives énergiques conformément aux
recommandations de l'OCDE. Si l'OCDE est convaincue que ces réformes
auront à terme d'importantes retombées économiques
globales positives, cela ne satisfait pas dans l'immédiat un
électorat mécontent comme en témoignent l'agitation
sociale, les grèves et les mauvais indices de popularité ainsi
qu'un manque général de confiance qui se traduit par un
"sentiment de malaise". Il n'est tout simplement pas évident pour les
citoyens ordinaires que ces choix économiques pénibles se
traduiront par des avantages sociaux pour eux-mêmes et leurs familles.
" Que constatons-nous dans les pays membres de l'OCDE aujourd'hui qui
conduise à cette conclusion ? On oppose souvent la situation en
Europe et la situation qui semble s'annoncer sous un jour nettement plus
favorable dans certains autres pays de l'OCDE. Les perspectives à court
terme dans de nombreux pays européens demeurent précaires avec
des perspectives de croissance incertaines et la persistance d'un chômage
élevé. Par contraste, les Etats-Unis connaissent actuellement une
période de prospérité relative : la croissance de la
production et de l'emploi paraît robuste, le chômage se situe
à un bas niveau, il n'y a pas de signe de tensions inflationnistes et le
déficit budgétaire est en voie de réduction. Dans une
perspective à plus long terme, l'économie américaine a
créé de nombreux emplois et évité le chômage
élevé et en progression constante qui caractérise tant de
marchés du travail européens. Le Japon a lui aussi
évité un niveau de chômage élevé, et les
graves tensions sociales que cela n'aurait pas manqué de provoquer dans
la période actuelle de faible croissance de la production,
essentiellement grâce à une rétention par les entreprises
d'une main-d'oeuvre sous-utilisée.
" Bien entendu, il ne faut pas exagérer ces différences.
D'autre part, un grand nombre de débats sur les politiques à
suivre qui ont lieu actuellement en Europe ont leurs équivalents aux
Etats-Unis et au Japon. A cet égard, je me bornerai à mentionner
rapidement quelques exemples. Dans ces deux derniers pays, des
préoccupations se font jour au sujet de la réforme
budgétaire, des problèmes d'environnement et de la question
primordiale qui est celle des moyens d'accélérer le rythme d'une
croissance durable sur le long terme. La répartition des revenus
constitue un motif de préoccupation particulier aux Etats-Unis. Un
aspect très critiqué du marché du travail américain
a trait à la forte augmentation de l'inégalité des
salaires et des revenus ; les revenus de ceux qui se trouvent au bas de
l'échelle ont en fait diminué en termes réels. Il n'a pas
échappé à l'attention des observateurs que
l'évolution du marché du travail a suivi une tendance analogue au
Royaume-Uni, où le chômage recule et où les
inégalités de salaires et de revenus semblent se creuser.
" La question qui doit retenir notre attention aujourd'hui est celle
de
savoir comment régler les problèmes du chômage, de
l'exclusion sociale et des disparités croissantes de salaires à
la satisfaction d'une opinion publique de plus en plus sceptique dans les pays
membres. En d'autres termes, comment l'OCDE peut-elle contribuer à
rétablir l'équilibre du paradigme ? "
L'orateur souligne que l'organisation sociale varie d'un pays à
l'autre : à l'évidence, les Etats-Unis n'obéissent
pas au modèle européen de l'Etat-providence. Cependant, partout,
on en est à une étape critique de la réforme
économique : les Gouvernements pourront-ils résister
à la pression de plus en plus forte des électorats, pression qui
pourrait remettre en cause une libéralisation des échanges, une
mondialisation dont dépend la croissance, notamment dans les pays en
développement ? L'enjeu est considérable. De même, il
va falloir s'attaquer à la disparité des revenus et des salaires
entre travailleurs non qualifiés et travailleurs hautement
qualifiés. Ces inégalités ne font que s'aggraver pour
l'heure. Enfin, le vieillissement de la population dans les pays de l'OCDE ne
pourra manquer d'influer sur le marché du travail et sur les
systèmes de protection sociale.
Dans beaucoup de pays, certaines forces tendent à revenir en
arrière pour renouer avec le protectionnisme des années 30. On
cherche à réduire les déficits pour se conformer au
traité de Maastricht, mais cette consolidation budgétaire a aussi
l'avantage de réduire l'endettement et le poids de la fiscalité
sur l'économie. Elle permettrait ainsi d'accroître les
investissements et la productivité. L'OCDE a présenté des
propositions pour chacun des pays membres : il s'agit de mesures propres
à améliorer les performances économiques et la
distribution des revenus, mais il s'agit de politiques macro-économiques
ou structurelles à long terme et l'électorat n'est pas toujours
patient. Reste que l'Organisation vise ainsi à aider les Etats à
fixer le cap, à travailler au rétablissement de
l'équilibre entre politiques économiques et politiques sociales,
à redistribuer les bénéfices de la croissance de
façon plus égale.
En conclusion, M. Johnston félicite M. Leers pour son rapport
très complet et, en même temps, très lisible et très
clair.
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
, s'exprime sur ce
thème de la façon suivante :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, au nom du
Groupe des démocrates européens, permettez-moi tout d'abord de
féliciter M. Leers pour son excellent rapport et sa synthèse
très lucide des problèmes économiques auxquels nous devons
faire face.
" Je voudrais également saluer le nouveau Secrétaire
général de l'OCDE, M. Donald Johnston, qui rend visite pour la
première fois au Conseil de l'Europe et à cette Assemblée
élargie. Permettez-moi d'exprimer le souhait, au nom de mon groupe, que,
comme ce fut le cas durant le mandat de votre prédécesseur, M.
Jean-Claude Paye, les relations entre cette Assemblée élargie et
vous-même, Monsieur le Secrétaire général, soient
excellentes et qu'elles s'approfondissent encore dans l'avenir.
" Comme M. le rapporteur l'a fort bien souligné dans son discours
introductif, le monde économique actuel est un nouveau monde. Tout est
à repenser : notre approche du travail et du chômage, du
commerce, de l'émergence de nouvelles puissances économiques dans
le monde, qu'elles soient en Asie du Sud-Est, en Amérique latine ou en
Europe centrale et orientale. Nous, les pays de l'OCDE, nous ne devons pas nous
reposer sur nos lauriers et penser que notre richesse passée est garante
de notre richesse future. Nous devons absolument réformer nos
économies presque aussi profondément que le font les pays en
transition.
" La nouvelle civilisation qui se dessine semble malheureusement se
fonder
de plus en plus sur le profit, privilégiant ce qui est superficiel et
plaçant la consommation au premier rang des valeurs.
" Tout comme le Conseil de l'Europe, l'OCDE doit nous permettre de
clarifier la situation nouvelle dans laquelle nous nous trouvons, de
réunir les pays membres autour d'initiatives et de propositions qui
pourront être soumises à la nouvelle Organisation mondiale du
commerce. Je souscris entièrement à l'avis exprimé par M.
le rapporteur dans le paragraphe 58 de son exposé des motifs dans lequel
il " souhaite ardemment voir le monde entier adopter de nouvelles
normes
de travail aptes à protéger les droits fondamentaux et le
bien-être des travailleurs, en particulier les normes que certains pays
de l'OCDE estiment fondamentales, c'est-à-dire liées aux droits
de l'homme ". Que l'on insiste aussi sur les devoirs des travailleurs
envers la société et que ceux-ci soient précisés
!
" En outre, je me rallie aux délégations canadienne,
mexicaine et à d'autres membres de notre Assemblée élargie
qui se sont déclarées opposées avec vigueur à la
loi récemment adoptée aux Etats-Unis, visant à interdire
le commerce d'autres pays de l'OCDE avec certains pays réputés
" intouchables " par les Etats-Unis, tels que Cuba. La
portée
"extra-territoriale" de cette législation constitue une violation des
droits de nos pays à exercer librement le commerce international.
" Cela est contraire aux principes de l'OMC et d'autres organisations
internationales. J'espère que le moratoire déclaré
récemment par le Président Clinton conduira dans les mois
à venir, à l'annulation de cette législation qui va tout
à fait à l'encontre de ce que nous sommes en droit d'attendre de
nos amis américains.
" Nombreux sont les défis auxquels nous avons à faire face.
" Le dialogue entre le Conseil de l'Europe et l'OCDE prend d'ailleurs
une
tonalité nouvelle dès lors que l'Europe entend sauvegarder son
modèle social.
" Nous pensons, en effet, que les droits sociaux sont parties
intégrantes des droits de l'homme et qu'ils ne doivent pas être
sacrifiés sur l'autel du libre-échangisme. Sans nier le
rôle moteur du profit dans le développement économique, ni
son importance pour assurer le progrès social, il convient
néanmoins de rappeler l'importance des enjeux éthiques auxquels
le Conseil de l'Europe est particulièrement attaché. Cela
concerne notamment le secteur des médias où le profit ne doit pas
occulter les risques que provoquent, par exemple, les excès de la
violence sur la jeunesse.
" Je pense que nous devrions mettre à profit la cinquième
conférence ministérielle sur la politique de communication de
masse, qui aura lieu l'an prochain en Grèce, pour faire avancer les
choses sur cet important sujet.
" Je souhaite également que les échanges entre l'OCDE et le
Conseil de l'Europe soient plus approfondis dans le domaine social. Les
domaines couverts par la Charte sociale du Conseil de l'Europe permettent, sans
aucun doute, de renforcer la coopération entre nos deux institutions.
" Il faudrait de même développer la coopération dans
le secteur de l'emploi, qui nécessite aujourd'hui des réflexions
nouvelles. Dans l'élaboration de ses normes, le Conseil de l'Europe ne
peut que bénéficier de l'apport technique et statistique de
l'OCDE.
" D'une manière générale, l'OCDE a tout
intérêt, me semble-t-il, à se référer aux
normes et aux valeurs du Conseil de l'Europe, notamment à l'égard
des pays d'Europe centrale et orientale, candidats à une meilleure
intégration à l'Europe.
" Telles sont les observations qu'au nom du groupe des démocrates
européens et en mon nom personnel, je souhaitais présenter
à l'occasion de ce débat élargi qui souligne le rôle
de l'Assemblée parlementaire en tant qu'interlocuteur des plus grandes
organisations économiques et financières. "
Puis,
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, prend la
parole en ces termes :
" Permettez-moi tout d'abord de remercier et de féliciter notre
rapporteur, je dirais même nos rapporteurs, le rapporteur de la
Commission d'économie et permettez-moi de rajouter le rapport de
M. Newall, de la Commission de la science et de la technologie, pour la
présentation fort instructive de leurs rapports.
" J'aimerais me limiter à quelques remarques concernant la
politique scientifique et la politique énergétique.
" Il est clair que les pays membres de l'OCDE concentrent l'essentiel
des
moyens humains et matériels de la politique de recherche et
développement menée dans le monde. Je comprends que l'OCDE adapte
les indicateurs à l'économie fondée sur le savoir.
" Premièrement, je pense que dans les processus d'innovations
technologiques, l'irruption des technologies nouvelles a bouleversé les
schémas traditionnels :
- ce sont des technologies finalisant des produits qui répondent aux
besoins de la société et des consommateurs ;
- ce sont des technologies résultant de "l'hybridation" -au sens
physique ou botanique du terme- de technologies existantes et connues.
" Leur importance va croissant, comme leur marché et leur influence
sur le développement économique des nations qui ne sont
peut-être pas encore bien mesurés. D'où la
nécessité d'élaborer de nouveaux indicateurs. D'où
la nécessité d'adaptation souple et rapide du système de
formation et d'éducation.
" Je me permets de rappeler pour mémoire l'excellent rapport de
notre collègue Lenzer adopté par notre Assemblée.
" Deuxièmement, les développements technologiques
bouleversant les données de base des sociétés
traditionnelles. L'interface entre la Science/la Politique et les Citoyens doit
être organisée afin que dans les sociétés que nous
voulons démocratiques, le citoyen soit informé des enjeux, des
conséquences des choix afin que la politique définie par les
Etats soit claire, transparente et motivée. Je sais que l'acceptation du
public est un domaine traditionnel du travail de l'OCDE ; il ne doit pas
être relâché, d'autant que de nouveaux membres arrivent
venant des PECO. Pour certains d'entre eux, cette prise en compte de
l'acceptation du public marque une rupture avec les schémas du
passé. D'autre part, les élus politiques ne sauraient être
des idéologues pures et doivent être à l'écoute des
demandes sociales des citoyens et doivent être en mesure de leur
expliquer la politique qu'ils conduisent.
" Troisièmement, l'adhésion de nouveaux pays, membres de
l'ex-bloc de l'Est, marque les progrès remarquables accomplis par ces
pays dans la réussite de la transition économique. Pour eux se
pose le problème de le réorientation de leur potentiel
scientifique et technologique vers cette économie fondée sur le
savoir.
" Des coopérations bi ou multilatérales se sont
développées. Je vous rappelle le rapport de la Commission de la
science et de la technique adopté par notre Assemblée il y a
quelques mois. Dans la droite ligne de ses conclusions, je me demande si l'OCDE
ne pourrait être, ou créer en son sein, cet observatoire de la
coopération scientifique et technique entre les Pays de l'Ouest et les
PECO. Cette notion d'observatoire a été reprise lors de la
Conférence de Varsovie organisée par la Commission des affaires
économiques de notre Assemblée. C'est une idée
communément admise et si vous me permettez cette comparaison triviale,
je cherche en quelque sorte une "mère porteuse".
" Quatrièmement, dans le domaine énergétique,
permettez-moi de citer comme bon exemple d'échange d'expériences
le séminaire organisé en novembre 1994 à Prague sur
l'information des élus et du public sur le nucléaire.
" La culture de sûreté, et la transparence dont elle est
indissociable, sont les ingrédients incontournables d'une culture
démocratique.
" L'action à entreprendre dans le domaine de l'efficacité
énergétique, de la protection de l'environnement demeure
gigantesque vers les PECO.
" Enfin, il semble que l'OCDE abandonne l'idée de la taxe sur le
CO
2
, comme l'a souligné Lord Newall, alors qu'elle en avait
été l'un des promoteurs, comme si l'effet de serre n'était
qu'une idée passée de mode. Récemment, un groupe d'experts
a relancé un avertissement sur les dangers de réchauffement de la
planète.
" La Conférence de Rio n'était-elle qu'une agréable
kermesse ? La météo de l'été 1996
était-elle déjà connue de l'OCDE en 1995 ou bien d'autres
considérations ont-elles conduit l'Organisation à changer de
discours ?
" En conclusion, je dirai que l'adhésion de nouveaux Etats à
l'OCDE démontre les progrès réalisés par des pays
dans la conduite des réformes économiques. Cette adhésion
ouvre un champ de nouvelles coopérations entre les pays membres.
" Enfin, elle démontre que culture économique et culture
démocratique sont ensemble la réponse à la question de
l'avenir des sociétés post-communistes, comme de nos
sociétés occidentales. "
M. Jean VALLEIX, député
(RPR)
, s'exprime
à son tour en ces termes :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, cette
année encore, nous voici au rendez-vous de l'économie et du
développement, que nous souhaitons, plus que jamais, associer à
la promotion des droits de l'homme dans son acception la plus large, prenant en
compte le droit au travail et à la protection sociale. Bravo d'ailleurs
aux rapporteurs, tout spécialement à M. Leers, pour leur
prestation !
" Je tiens à saluer, bien entendu, la présence parmi nous du
nouveau Secrétaire général de l'OCDE,
M. Donald Johnston, pour qui je forme, au nom de la
délégation française, des vœux de plein
succès. Sa tâche certes ne sera guère facile dans une
période de profonde mutation qui remet en cause les fondements du
modèle social européen auquel nous sommes, il est vrai, tous
très attachés.
" C'est précisément l'intérêt de ce
débat, Monsieur le Secrétaire général, que d'ouvrir
un dialogue fructueux entre les parlementaires et l'exécutif de l'OCDE.
A cet égard, comme vous le savez, nous avons engagé des dialogues
avec la BERD, et pourquoi pas demain, avec la Commission économique de
l'Europe.
" Ainsi, notre Assemblée du Conseil de l'Europe est-elle
désormais la base parlementaire des institutions intergouvernementales
comme la vôtre.
" Alors que votre prédécesseur, M. Jean-Claude Paye,
avait eu la charge de gérer la période de la fin de la guerre
froide, vous avez à conduire l'OCDE dans l'ère nouvelle qui
s'amorce, aussi bien à l'Ouest confronté à
d'indispensables adaptations qu'entraîne la globalisation des
échanges, qu'à l'Est où doivent être
consolidés les acquis de la période de transition vers
l'économie de marché.
" Il s'agit, en effet, d'une tâche ardue, car la mondialisation de
l'économie, comme l'évoquait l'orateur qui m'a
précédé, présente de sérieux risques pour la
cohésion sociale dans nos pays respectifs. C'est d'ailleurs un
thème que le Président de la République,
M. Jacques Chirac, évoquait récemment au plan
international, ces derniers mois.
" Nous découvrons aujourd'hui que la croissance et l'emploi ne vont
pas toujours de pair. L'excellent rapport de notre collègue
M. Leers apporte une très utile contribution à notre
réflexion. Je lui sais gré d'avoir souligné
l'inquiétude que suscite la persistance du chômage, notamment dans
notre zone OCDE-Europe qui, à elle seule, représente
malheureusement les deux tiers du chômage total de la zone OCDE.
" Ce qui est en jeu aujourd'hui, mes chers collègues, c'est le
maintien de la cohésion sociale et des solidarités essentielles
face à une accélération des échanges et du
progrès des technologies, que nous devons impérativement
maîtriser, mais comment ?
" L'année dernière, j'avais évoqué le
problème du développement des autoroutes de l'information, lequel
demeure malheureusement, me semble-t-il, presque entier et se complique avec le
développement fulgurant d'Internet.
" Si la France a fait valoir "l'exception culturelle", il
faut bien se
rendre compte, mes chers collègues, que cette exception concerne
l'Europe tout entière face à la diffusion d'un modèle
culturel dominant, s'appuyant sur des modes de consommation adaptés
à la nouvelle dimension du marché mondial.
" La question se pose donc de savoir si, dans le domaine culturel,
nous
voulons transformer la planète simplement en un vaste supermarché
qui privilégierait les consommateurs au détriment des citoyens,
en observant d'ailleurs qu'ils sont parfois l'un et l'autre.
" Je pense pour ma part que l'économie doit, avant tout, avoir une
finalité humaine et sociale. Cela a d'ailleurs été dit et
répété, et nous ne pouvons que nous en réjouir. La
France souhaite que la conférence ministérielle de l'OMC qui se
tiendra à Singapour en décembre prochain, se traduise par des
avancées significatives sur ce plan.
" Mes chers collègues, en ce qui concerne l'aide aux pays d'Europe
centrale et orientale, nous ne pouvons que nous réjouir de l'action
conduite par l'OCDE dans le cadre du programme "Partenaires pour la
transition", lequel a certainement aidé à accompagner ces pays
bénéficiant également d'autres appuis. Les
résultats s'avèrent concluants, mais cette évolution
positive des indices macroéconomiques ne doit pas cacher la
disparité entre les différents pays et les
déséquilibres sociaux importants dans chacun d'entre eux,
liés à une transition souvent trop rapide.
" Pour conclure, je voudrais, bien entendu, évoquer les relations
que nous devons veiller à renforcer entre l'Asie et l'Europe. Le sommet
de Bangkok a été une étape décisive dans le
rapprochement entre l'Europe et le continent asiatique.
" Je veux aussi évoquer la situation de l'Afrique qui -je vous
cite, Monsieur le Secrétaire général- "n'encombre" pas
spécialement nos réflexions. Elle pose pourtant des
problèmes à la fois d'équité et de devoir universel
et pourrait présenter demain, des risques si nous n'y prenions pas garde.
" Cela étant, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler
simplement en conclusion que nos actions économiques et
financières n'ont de mérite qu'à condition qu'elles ne se
départissent jamais de l'obligation fondamentale qui est d'abord la
nôtre, pour chacun de nos concitoyens et nos pays en
général -et ce dans cette conception universaliste de l'homme et
de sa dignité- de ne jamais nous égarer dans nos
réflexions économiques et financières sans
privilégier le sens de l'homme. "
Mme Josette DURRIEU, sénateur
(Soc.)
, fait les
observations suivantes :
"
Monsieur le Président, après avoir remercié
notre rapporteur, je reviendrai, moi aussi, sur les problèmes de l'homme
et du travail.
" On peut produire plus en travaillant moins. Cela n'est pas nouveau,
cela
dure depuis l'Antiquité. Mais pour que le développement soit
durable, le "travail libéré" doit être
réorienté vers la création de nouvelles richesses et vers
de plus fortes valeurs ajoutées.
" Le jeu économique simultané doit être un jeu
à somme positive. Cela suppose au moins trois conditions :
l'innovation, l'éducation, et la mobilité.
" Faute d'innovation, les emplois supprimés ne sont pas
remplacés. A quoi serait due aujourd'hui cette absence
d'innovation ? Deux causes peuvent être retenues : des taux
d'intérêt élevés qui font que la spéculation
l'emporte sur la production et des entrepreneurs aujourd'hui devenus d'abord
des gestionnaires qui ont à se préoccuper davantage des risques
et des coûts que de leur mission naturelle, à savoir entreprendre
et innover.
" L'éducation est à la fois la cause et la
conséquence de l'innovation. Plus une économie est
évoluée, plus elle mobilise l'intelligence et crée des
emplois à haute valeur ajoutée. Mais le pari de
l'éducation n'est gagné que si l'économie fournit les
emplois qualifiés, dégage des surplus et engage de nouveaux
progrès. Or aujourd'hui, partout, dans nos pays, beaucoup de jeunes
hautement qualifiés n'ont pas d'emploi ou se déqualifient pour
obtenir un emploi. Ce n'est pas le travail qui est trop cher, c'est
l'économie qui ne joue plus son rôle.
" La mobilité : pour un développement durable dans
l'avenir, il faudra savoir et pouvoir changer d'emploi, voire de métier.
Mais, et vous avez employé ce matin ce mot essentiel, Monsieur le
Secrétaire général, il faudra que la confiance soit
établie. Il faudra donc que nous arrivions à vaincre les peurs
qui règnent.
" Dans ces conditions, j'ai envie de remettre l'homme au
cœur de
l'économie de marché, de ce système dont il est le pivot
et pour lequel nous devons gérer toutes les finalités.
" Cinquante deux millions de pauvres en Europe,
dix huit millions de sans emplois : la froideur des
chiffres étale largement cette détresse.
" Tous les discours se rejoignent à un certain moment, mais le
vôtre, Monsieur le Secrétaire général, s'est
situé à partir de Keynes, entre le mathématicien et le
philosophe, le passé et l'avenir.
" Vous avez insisté sur un élément essentiel qui est
le long terme. Nous, dans l'immédiat, avons à gérer
l'urgence, c'est-à-dire le court terme. Nous sommes tous d'accord pour
donner la priorité à l'emploi. Mais si je parle de plein emploi,
vous me répondrez immédiatement : non, c'est fini !
Est-ce vraiment fini, même pour le long terme ? Je ne veux pas
l'envisager.
" Aujourd'hui, nous gérons et vous gérez le court terme, et
vous dites : "le climat est hostile à l'emploi", et vous vous
prononcez contre la rigidité, les pièges du chômage, de la
pauvreté, de la fiscalité, le poids de la protection sociale. Par
souci d'efficacité immédiate, vous dites :
"dérégulation", "flexibilité", "réduction de la
protection sociale".
" Là, nos philosophies divergent. On pense à deux
philosophies alternatives, peut-être trois : modèle
rhénan, oui, modèle anglo-saxon, non. Une troisième voie
est à peine évoquée dans le rapport. Je ne sais pas
quelles sont les normes minima que l'on nous proposerait, et je veux le savoir,
en me rappelant que Ford disait : "Ce qui est bon pour moi est bon
pour
l'Amérique". Je n'en suis pas sûre. Au même moment, un
prêtre ouvrier français, disait reprenant Lacordaire : "la
liberté opprime, c'est la loi qui libère".
A la suite du débat élargi où se sont exprimés des
délégués de pays membres de l'OCDE comme le Canada,
l'Australie, le Japon, la Nouvelle Zélande ou le Mexique,
la
résolution n° 1100
contenue dans le rapport 7615
est
adoptée
à l'issue du débat, amendée.
9. L'Organisation mondiale du commerce et l'application des accords de l'Uruguay Round - Intervention de M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC) (Mercredi 25 septembre)
Les auteurs du rapport se félicitent de la
création de l'Organisation mondiale du commerce et de sa mission, qui
consiste à promouvoir " un système d'échanges
commerciaux ouvert, multilatéral et mondial " qui puisse servir de
" véhicule de paix et de prospérité pour toutes les
nations ".
Ils examinent l'incidence que les accords de l'Uruguay Round, signés
sous les auspices du GATT, auront sur le commerce mondial. Par ailleurs, ils
invitent les Etats membres du Conseil de l'Europe à apporter leur
soutien aux travaux de la réunion ministérielle prévue
à Singapour vers la fin de l'année, dont le but est de consolider
les acquis et de faire progresser les négociations dans de nouveaux
domaines tels que les normes en matière de travail, les droits de
l'homme et la protection de l'environnement.
Le rapport souligne les enjeux auxquels l'OMC se trouve confrontée,
notamment l'accession de grands pays tels que la Russie et la Chine, ou encore
le règlement des différents. Ses auteurs lancent un appel pour
que davantage de travaux soient consacrés aux pays moins avancés
qui ont des problèmes d'endettement et de ressources alimentaires.
M. Daniel HOEFFEL, sénateur (UC)
, intervient dans le débat
en ces termes
:
" Monsieur le Président, mes chers collègues, venant
après notre discussion annuelle sur les activités de l'OCDE, le
débat sur l'Organisation mondiale du commerce s'avère
particulièrement opportun.
" Débat opportun, en effet, puisque s'ouvrira à Singapour le
9 décembre prochain la première conférence
ministérielle de l'OMC.
" Et il est très souhaitable que la conférence
ministérielle, qui doit se réunir tous les deux ans, soit
véritablement l'organe de supervision de cet ensemble institutionnel et
surtout qu'elle soit en mesure d'en assurer le contrôle politique. Nous
attendons d'elle également qu'elle fasse évoluer progressivement
les règles du commerce international, dans un esprit de concertation et
de partenariat, afin d'éviter la dramatisation et les tensions
auxquelles avait donné lieu dans le passé chaque cycle de
négociation. Le maintien de la pratique du consensus est, me
semble-t-il, de nature à favoriser les compromis positifs.
" L'extension de l'OMC est bien sûr à l'ordre du jour, en
particulier la Chine et la Russie ont d'ores et déjà
présenté leur candidature. Nous y sommes favorables, à
condition que ces pays s'engagent à respecter effectivement les
règles de l'OMC et renoncent à certaines pratiques en
matière d'accès au marché, de propriété
intellectuelle ou d'intervention de l'Etat dans le commerce.
" Tel qu'il a fonctionné jusqu'à présent, l'accord de
Marrakech a entraîné une libéralisation
maîtrisée des échanges internationaux, sans toutefois
entraîner, et nous devons nous en réjouir, le bouleversement des
échanges que certains redoutaient. Globalement, la structure des
échanges, notamment avec l'Asie du Sud-Est, est demeurée stable.
" Il nous faut aujourd'hui aller plus loin et la Conférence de
Singapour nous en donne l'occasion. Je rappelle que cette conférence
sera la première conférence ministérielle de l'OMC et les
décisions qu'elle prendra auront valeur de précédent.
" Nous espérons que la Conférence de Singapour permettra de
consolider durablement le cadre multilatéral de l'OMC tout en apportant
des réponses nouvelles à des préoccupations qui pour nous
sont fondamentales : je veux parler des normes sociales du commerce
international. Il est intolérable, en effet, que se poursuivent
certaines pratiques, en particulier le travail des enfants dans les pays en
développement et à forte croissance.
" Outre la question des normes sociales, il convient d'engager des
discussions sur l'investissement afin de garantir une bonne protection pour nos
investisseurs dans les pays qui émergent et qui ne seront pas parties
à l'Accord multilatéral sur l'investissement.
" Une autre préoccupation est la multiplication des initiatives en
matière de zones de libre-échange, avec les risques que cela
comporte de créer une fragmentation commerciale.
" Quant aux pays d'Europe centrale et orientale, ils doivent
affronter de
redoutables défis liés aux difficultés de la
période de transition. La Conférence sur les progrès des
réformes économiques en Europe centrale et orientale,
initiée à Budapest en 1991, et qui s'est une nouvelle fois tenue
à Varsovie en mai dernier, a permis un utile débat sur la
situation de ces pays et je me réjouis que nous ayons pu
bénéficier à cette occasion du précieux concours de
la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies.
" S'agissant des réductions tarifaires prévues par l'Accord
de Marrakech, il n'y a guère de raison de les accélérer.
" Enfin, nous souhaitons que la Conférence de Singapour puisse
contribuer à clarifier et à coordonner les indispensables normes
environnementales.
" Nous serons très attentifs aux décisions et aux
orientations qui seront prises à Singapour, et, d'ores et
déjà, nous devons nous préparer à la
réflexion sur le suivi qui devra en être donné. "
La résolution n° 1101 contenue dans le rapport 7618
est
adoptée
à la suite d'un débat là encore
élargi à des délégués Australiens, Canadiens
et Mexicains.
10. Le projet de convention sur les droits de l'homme et la biomédecine - Interventions de MM. Christian DANIEL, député (RPR), rapporteur pour avis de la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille, Jean VALLEIX, député (RPR), Bernard SCHREINER, député (RPR), Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR) - Amendements de MM. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI), Gabriel KASPEREIT, député (RPR), et Michel ALLONCLE, sénateur (RPR) (Jeudi 26 septembre)
L'Assemblée examine, en seconde lecture, le projet de
convention de bioéthique (rebaptisée " Convention sur les
droits de l'homme et la biomédecine ").
La nouvelle rédaction soumise à l'Assemblée respecte la
philosophie des propositions d'amendements formulées
précédemment par l'Assemblée. Selon le rapporteur, une des
préoccupations majeures de l'Assemblée, la question du
" consentement ", et en particulier, la protection des
personnes qui
n'ont pas la capacité de consentir, y trouve une réponse
satisfaisante. Par ailleurs, la nouvelle disposition qui confie à la
Cour européenne des droits de l'homme le soin de l'interprétation
de la Convention constitue une sauvegarde supplémentaire.
De l'avis du rapporteur, ce texte constitue aujourd'hui le meilleur consensus
possible à l'échelle européenne et pourra servir de
modèle pour les législations nationales.
Il estime cependant que l'article 12 (tests génétiques
prédictifs) doit être renforcé pour empêcher la
communication des résultats de ces tests à des fins autres que
médicales.
Le projet d'avis soumis à l'Assemblée propose ainsi au
Comité des ministres d'amender la Convention sur ce point, puis de
l'adopter avant la fin de l'année, sans le renvoyer au Comité
directeur de Bioéthique. Il propose également l'adoption d'un
calendrier pour l'élaboration des protocoles que le Comité des
ministres a chargé le CDBI de préparer (génétique,
transplantation d'organes, recherche médicale et protection de
l'embryon).
L'Assemblée demande que les projets de ces protocoles lui soient soumis
pour avis le moment venu.
Deux autres rapports seront présentés à
l'Assemblée, portant avis sur le nouveau projet de convention :
l'avis présenté par la Commission des questions juridiques et des
droits de l'homme et l'avis présenté par Christian DANIEL,
député (RPR), au nom de la Commission des questions sociales et
de la santé.
Ils proposent d'autres amendements.
Les propositions d'amendement présentées par le rapporteur
concernent la primauté de la dignité et des droits de
l'être humain sur les intérêts de la société
ou de la science (art. 2), l'obligation de toutes les parties contractantes de
se donner les moyens de mettre en oeuvre les dispositions de la Convention
(art. 1), la communication des résultats des tests
génétiques (art. 12), les interventions sur le génome
humain (art. 13), l'interdiction absolue de la création d'embryons
humains aux fins de recherche et de la recherche sur des embryons humains
vivants (art. 18), et la garantie pour l'Assemblée de participer
à la rédaction d'amendements à la convention ou des
protocoles.
L'avis présenté par Christian DANIEL est favorable au projet de
convention qui est tout à fait dans la ligne de la législation
française.
M. Christian DANIEL, député (RPR), rapporteur pour avis de la
Commission des questions sociales, de la santé et de la famille
,
fait les observations suivantes en présentant son rapport
écrit :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, nous sommes
pleinement conscients que dans les vingt dernières années,
les progrès de la médecine ont été prodigieux. En
effet, la vie peut désormais être donnée en dehors du
processus naturel, notamment au travers de la procréation naturelle
assistée ; la vie peut désormais être secourue au
moyen de transplantations de tissus et d'organes ; la vie peut être
modifiée avec les thérapies géniques.
" Ces avancées de la médecine ont déjà conduit
de nombreux Parlements de nos Etats membres à fonder et à
inscrire ces progrès en raison et en droit.
" A son tour et parallèlement, le Conseil de l'Europe s'est
légitimement saisi de ce dossier. Il l'a fait après une longue
réflexion et avec persévérance. Je tiens d'ailleurs
à saluer notre collègue Palacios qui a porté ce
dossier pendant de longues années. Grâce au bon héritage
qu'il a reçu, M. Plattner peut aujourd'hui nous présenter
une convention-cadre qui n'est certes pas un aboutissement, mais qui permettra
au Conseil de l'Europe d'adopter une convention qui pourra être
déclinée dans nos différents Etats membres.
" Je tiens à féliciter M. Plattner, rapporteur de la
Commission de la science et de la technologie pour l'excellent travail qu'il a
effectué depuis ces derniers mois en comparant le nouveau texte de
projet de convention avec l'ancien texte, à la lumière des
propositions d'amendements déjà faites par l'Assemblée
parlementaire, notamment dans son avis du 2 février 1995.
" Le tableau comparatif contenu dans son avis facilite la lecture du
texte
et permet de vérifier que le texte modifié répond en
grande partie aux préoccupations de l'Assemblée.
" Je partage le souci du rapporteur de voir réintroduire -car il
était là précédemment- l'article sur la
communication des résultats des tests prédictifs des maladies
génétiques, ainsi que l'amendement qui a été
proposé et dont nous avons encore discuté, ce matin, en
Commission.
" Je le répète, cette convention-cadre n'est pas un
aboutissement. Elle comporte encore assurément de nombreux points
d'interrogation, dont un point qui est crucial à nos yeux, le point
relatif aux problèmes des embryons. La discussion sur les embryons ne
doit pas se limiter à la recherche. Se pose bien aujourd'hui le
problème du statut de l'embryon.
" A ce sujet, dans des Etats membres de notre Assemblée, des
décisions récentes ou des discussions législatives peuvent
éclairer notre débat. La décision du Gouvernement
britannique d'ordonner la destruction d'embryons a suscité une
polémique et ranimé la discussion en France. La loi
française de 1994 sur la bioéthique n'a pas apporté non
plus de solution.
" S'agissant du statut des embryons, je livrerai aujourd'hui deux
informations au Conseil de l'Europe. En décembre prochain, vous l'avez
dit, Monsieur Plattner, se déroulera à Strasbourg un symposium
placé sous l'autorité du Conseil de l'Europe, dont l'ordre du
jour comportera la nature et le statut de l'embryon, ce qui ouvrira à
nouveau des perspectives pour les années futures.
" Parallèlement, le Comité directeur pour la biotechnique,
dont nous pouvons saluer également le rôle de partenaire, est bien
chargé par le Comité des ministres d'élaborer un protocole
sur la protection de l'embryon et du tissu. En effet, aujourd'hui,
l'article 18 se limite simplement à empêcher la constitution
d'embryons humains aux fins de recherche.
" En conclusion, mes chers collègues, cette convention-cadre sur
les droits de l'homme et la biomédecine est très attendue de nos
concitoyens. De nombreux sondages l'attestent. Elle permettra de renforcer la
confiance des personnes et des familles dans leur médecin et dans les
progrès de la médecine. En votant favorablement cette
convention-cadre, vous manifesterez également votre confiance dans les
progrès de la médecine et des médecins. "
Dans le débat qui suit,
M. Jean VALLEIX, député
(RPR)
, prend la parole en ces termes :
" Je me réjouis, comme nombre d'entre vous, de l'élaboration
par le Conseil de l'Europe d'une convention posant les règles
fondamentales du développement de la biomédecine. Notre
organisation est là tout à fait dans son rôle, nous
l'évoquions hier et avant-hier et je parlais alors de vocation.
" Notre rôle, notre vocation, notre mission consistent à
définir un socle de valeurs permettant à notre idéal
humaniste commun d'inspirer, demain comme hier, les adaptations de la
législation au développement des sciences. Cette
fidélité à notre idéal humaniste est
particulièrement de rigueur quand il s'agit d'encadrer les sciences qui
touchent à la vie humaine.
" Nous sommes tous stupéfaits et souvent émerveillés
par les possibilités que nous offre les progrès de la
médecine moderne, mais nous devons être d'autant plus exigeants
quant aux orientations de ces progrès. Il ne s'agit pas de laisser libre
cours aux tentations futuristes et aventuristes. Il s'agit au contraire de
subordonner les acquis de la médecine moderne au bien de l'homme et, en
particulier, au respect dû aux plus vulnérables, et je pense aux
personnes juridiquement qualifiées d'"incapables". Je pense
également aux embryons dont nous savons désormais obtenir la
conception
in vitro
. Cela vient d'être rappelé à
l'instant.
" Si j'ai tenu, mes chers collègues, à rappeler dans quel
esprit nous devons, me semble-t-il, élaborer une convention pour toute
l'Europe, c'est parce que je me demande si le texte qui nous est soumis par le
Comité des ministres est bien à la hauteur des enjeux. En effet,
je ne partage pas, et je le regrette, ce qui est exprimé dans le
paragraphe 4 du projet d'avis. On nous invite, en effet, à
déclarer que "l'Assemblée considère que le nouveau projet
est un texte cohérent et équilibré".
" Les corrections apportées vont heureusement tout à fait
dans le bon sens. Je me bornerai donc à relever les nouvelles
dispositions relatives à l'expérimentation sur les embryons. Je
constate qu'elles paraissent en retrait par rapport à celles dont nous
avions délibéré en février 1995.
" Notre rapporteur -et je félicite d'ailleurs tous les rapporteurs
pour cette réflexion, certes, difficile mais nécessaire et qui
s'oriente dans le bon sens- qualifie les embryons de
morituri
sur
lesquels la recherche serait permise sans autre restriction que celle d'une
"protection adéquate" laissée à l'appréciation de
chaque loi nationale !
" Encore une fois, je suis au courant de l'évolution des travaux de
la Commission et si je trouve indigne de notre Assemblée d'avaliser une
formule parfaitement vide, sans aucune portée normative dans un domaine
où précisément un encadrement est nécessaire,
j'espère que nous pourrons, en fin de journée, constater que
l'évolution va dans le bon sens.
" Sans doute nous dit-on que les Etats qui veulent aller plus loin
pourront s'engager dans un protocole plus protecteur des embryons. Soit, mais
alors, qu'est-ce qu'une convention censée définir un socle
minimum de règles qui ne serait qu'un alignement pseudo-juridique sur
les faits ?
" C'est pourquoi, mes chers collègues, je ne pourrai pas apporter
mon suffrage à un projet d'avis valant accord avec une convention qui
éluderait une exigence de protection essentielle. Au surplus, je pense
que ce serait un mauvais signal que nous donnerions là aux Etats
européens qui ne se sont pas encore dotés de législation
en la matière, surtout aux Etats extra-européens qui nous
verront, à juste titre, infidèles aux valeurs humanistes qui ont
fait la force de la civilisation européenne. Nous devons donner un
signal, mais un bon signal.
" Au travers des précisions de ce matin, nous allons, en effet,
dans le bon sens, mais je subordonnerai mon vote à la prise en compte de
plusieurs des observations ainsi faites, en particulier de notre
collègue M. Daniel, au nom de la Commission des questions sociales,
de la santé et de la famille, et à l'adoption des amendements
qui, comme ceux de notre collègue M. About, bien entendu, mais
d'autres également, visent notamment à rétablir dans le
texte de la convention l'interdiction de recherche sur les embryons, la
protection des personnes dites incapables, c'est-à-dire des plus faibles.
" Je souhaite, mes chers collègues, que nous puissions voter sur un
texte qui marque un choix responsable et pas simplement une sorte d'abandon
à la situation du moment. Il s'agit, mes chers collègues
-n'est-il pas vrai ?- de notre conception de la dignité de
l'homme. "
M. Bernard SCHREINER, député (RPR)
, intervient
à son tour de la façon suivante :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, on nous appelle
pour la seconde fois à donner un avis sur le projet de convention
relatif à la biomédecine. Je voudrais féliciter nos
rapporteurs pour le travail approfondi auquel ils se sont livrés, sur un
texte particulièrement complexe.
" De même, je pense que nous devrions exprimer au Comité des
ministres notre satisfaction d'être à nouveau consultés,
comme nous l'avions demandé lors de notre première
délibération en février 1995.
" Cependant, le texte qui nous est à nouveau soumis me paraît
encore perfectible, et je souhaiterais pour ma part, qu'il y ait encore un
échange entre le Comité des ministres et notre Assemblée
avant que ne soit arrêté le texte définitif de la
convention.
" Le texte que l'on nous demande d'approuver aujourd'hui n'a-t-il pas
pour
titre : "Convention pour la protection des droits de l'homme et de la
dignité de l'être humain à l'égard des applications
de la biologie et de la médecine" ? Or, sommes-nous bien sûrs
que le texte actuel répond à cet intitulé ambitieux ?
En particulier, assure-t-il la protection des droits de l'homme et la
dignité de l'être humain ?
" Je pense pour ma part, malheureusement, que cette protection est
encore
bien insuffisante dans le projet actuel de convention.
" Je dirai même que le compromis qui nous est soumis, est, sur
certains points, en retrait par rapport au projet qui nous avait
été présenté initialement en
février 1995.
" Le rapporteur nous avertit que ce texte "représente le
degré optimum de consensus européen qui soit possible à
l'heure actuelle". Certains pensent sans doute que mieux vaut ce consensus
minimum que pas de convention du tout. A mon sens, en cette matière qui
met en jeu des positions de principe, ce choix n'est pas acceptable.
" Je prendrai l'exemple de la recherche expérimentale sur les
embryons.
" Le rapporteur, dans son exposé des motifs, nous indique que "ce
sujet a donné lieu, en plusieurs occasions, à un débat
passionné au sein de l'Assemblée" et il nous présente
l'autorisation d'utilisation pour la recherche comme ne devant pas
"susciter
d'objections" ; le rapporteur précise même que "cette
position est
éthiquement correcte
et prend aussi en
considération la situation de fait dans plusieurs pays".
" On nous propose donc rien de moins que d'aligner le droit sur le
fait,
c'est-à-dire de modeler la convention qui devrait fixer des
règles minimales sur l'anarchie qui règne en cette matière
sensible dans certains Etats dépourvus de toute réglementation.
" Je ne peux non plus souscrire au dispositif qui prétend encadrer
"les expériences menées sur les mineurs ou d'autres sujets
incapables".
" Je participe activement, en tant qu'élu, à la gestion
d'établissements hébergeant de telles personnes, notamment des
malades mentaux. Je demande donc que la convention, selon son titre même,
leur assure une protection réellement compatible avec "la dignité
de l'être humain".
" Peut-on accepter, comme le suggère le paragraphe 22 de
l'exposé des motifs, que des expériences soient menées
"sur des mineurs ou des sujets incapables" atteints "de
myopathie infantile ou
de certains troubles mentaux", sous la seule condition de l'autorisation de
leurs représentants légaux et d'un éventuel
bénéfice pour "les progrès dans la lutte contre certaines
maladies" ? Selon la formulation de ce commentaire, il s'agirait d'un
bénéfice scientifique général, sans égard
pour l'intérêt particulier de ces pauvres sujets
d'expérience.
" Aussi, comme nombre de mes collègues, je ne peux approuver le
projet d'avis qui avalise un texte aussi peu protecteur des plus faibles. Je
souhaite vivement que soient adoptés les amendements que nous proposent
MM. Schwimmer, Daniel, About et nos différents collègues,
soucieux, comme moi, de renforcer la protection des personnes et, avant tout,
des plus vulnérables.
" C'est à cette seule condition que je pourrai souscrire à
un avis amendé. "
M. Jean-François LE GRAND, sénateur (RPR)
, intervient
à son tour en ces termes :
" Madame la Présidente, mes chers collègues, Rabelais, qui
était médecin, ne l'oublions pas, et aussi un grand humaniste, a
dit :
"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme"
.
Cette maxime est évidemment d'autant plus vraie aujourd'hui que le
développement des sciences, et de la médecine en particulier,
nous ouvre des perspectives vertigineuses.
" S'il n'est pas question de modeler uniformément les consciences
qui régissent le progrès scientifique, en revanche, il est
essentiel de fixer des règles minimales communes. C'est essentiel pour
éviter un détestable tourisme vers les pays les "moins-disants"
en matière d'éthique.
" Si, par hypothèse, un pays tolérait n'importe quelle
pratique en matière de greffes, d'assistance à la
procréation, voire d'expérimentation sur l'embryon, la tentation
serait forte de voir se diriger ce que je n'ose appeler une clientèle
vers ces offres sans concurrence.
" Si le dumping social est déjà critiquable, que dire d'un
dumping éthique ? Ce serait odieux.
" Aussi, je voudrais insister, mes chers collègues, sur la
responsabilité qui est la nôtre. Nous devons fixer les
règles minimales de la biomédecine à un niveau d'exigence
conforme à l'idéal que partagent nos pays depuis deux
millénaires.
" Il me semble que nous ne saurions nous contenter du projet d'avis
que
notre rapporteur nous propose d'adopter.
" En effet, notre rapporteur lui-même ne nous indique-t-il pas
que :
"une fois adoptée, la Convention servira de
référence universelle et incitera plusieurs Etats à
atteindre et dépasser les normes qui y sont contenues"
. Je ne
pourrai considérer que cette Convention peut constituer une
référence universelle que si notre avis comporte bien les
amendements déposés par notre collègue, M. Schwimmer,
au nom de la Commission des questions juridiques et des Droits de l'Homme,
ainsi que les amendements déposés par nos collègues,
Mme Terborg et M. Haack, nos collègues About, Kaspereit et
Alloncle, et enfin M. Figel et ses co-signataires.
" Mon vote final dépendra donc de l'adoption de ces amendements au
projet d'avis et je souhaite par conséquent que notre Assemblée
soit reconsultée sur le texte finalement arrêté par le
Comité des ministres.
" Sans doute cette procédure itérative paraîtra-t-elle
un peu longue, mais on ne met pas en chantier une convention sur la
bioéthique tous les deux ans et si ce texte doit, en effet, servir de
"référence universelle", il convient d'en peser soigneusement
tous les termes. "
M. Nicolas ABOUT
,
sénateur (Ap. RI)
, prend la parole dans
la discussion des amendements pour s'opposer à une proposition de
prohibition totale de recherche ou d'essai thérapeutique concernant une
personne juridiquement incapable :
" Monsieur le Président, mes chers collègues, c'est en ma
qualité de médecin et de parlementaire que je m'exprime. Cet
amendement me révolte ! C'est l'opposé de la liberté
consentie à une personne dans l'incapacité de donner son
consentement. Il me paraît absolument scandaleux que l'on puisse refuser
une chance à un malade. Il appartient bien entendu à ceux qui en
sont responsables de s'assurer que la chance est réelle. C'est ce que
nous examinerons dans l'amendement suivant.
" Mais comment oserions-nous, nous, politiques, considérer que
quelqu'un qui ne peut exprimer son consentement n'a pas les mêmes droits
que les autres, c'est-à-dire le droit d'améliorer sa santé
et de voir sa situation
-
souvent extrême
-
évoluer ? Il s'agit de gens qui ne peuvent exprimer leur
consentement : peut-être y a-t-il coma ? D'autres personnes que
les handicapés sont concernées. Comment voulez-vous interdire
à ces individus d'avoir accès au meilleur de la recherche,
éventuellement aux meilleures thérapeutiques ?
" Le médecin et le parlementaire que je suis vous demande de
refuser cet amendement ".
Le rapporteur de la Commission ayant déclaré partager l'avis de
M. Nicolas About, la proposition d'interdiction est rejetée par
l'Assemblée.
Puis, l'Assemblée débat de l'amendement, présenté
par MM. Nicolas About et Michel Alloncle, qui vise à préciser que
ces recherches et essais concernant des personnes incapables doivent comporter
un bénéfice réel et direct pour la santé.
M. Nicolas ABOUT
défend l'amendement déposé avec
M. Michel ALLONCLE, sénateur (RPR),
en ces termes :
" Même si je suis favorable à la recherche, je ne suis pas
innocent et le texte de la convention me donne satisfaction parce que je compte
sur la responsabilité de chacun. Mais après discussion avec
l'association UNAPEI, j'ai déposé l'amendement pour que le
bénéfice soit "réel" et "direct" pour la santé. En
tant que médecin j'ai eu à manipuler beaucoup de
médicaments, j'ai eu à pratiquer un certain nombre
d'interventions chirurgicales, et je sais les abus. Je souhaite donc que la
mention de "réel" soit adjointe au mot "bénéfice" afin de
rassurer les familles de ces personnes dans l'impossibilité d'exprimer
leur consentement ".
M. ROSETA
, Président de la Commission, déclare
alors :
" C'est avec beaucoup de satisfaction que la Commission a approuvé
à l'unanimité cette proposition d'amendement de M. About qui
renforce ce qui était dans le projet et le renforce très bien. Je
vous demande d'adopter aussi cet amendement. "
A la suite de ces observations, l'amendement est adopté à
l'unanimité.
M. Nicolas ABOUT
prend à nouveau la parole, cette fois pour
marquer des réserves à l'égard d'un amendement qui part
d'un bon sentiment mais il institue une limitation dangereuse, en prohibant
toute recherche sur l'embryon :
" Bien sûr la constitution d'embryons humains aux fins de recherche
doit être interdite, c'est évident, j'approuve. Par contre, je ne
peux pas approuver, ou alors je nie ma vie de médecin et la vie de
beaucoup de chercheurs que la recherche sur des embryons humains vivants soit
interdite. C'est stupide, si l'embryon lui-même peut en tirer
bénéfice ? Là encore, pourquoi laisser se
développer un embryon dans des conditions déplorables si l'on
peut intervenir et si une recherche ou une vérification peut permettre
d'intervenir à son profit. C'est maintenant très souvent fait sur
le fœtus. Cela sera fait demain sur l'embryon dans l'intérêt
du fœtus, puis de l'enfant
-
parce qu'à ces
stades-là, ça ne veut rien dire puisque tout est continu.
" Je vous demande de refuser cet amendement, non pas pour me donner la
satisfaction de proposer le mien, mais parce que je crois que la
rédaction que nous avons proposée avec M. Kaspereit
correspond à l'esprit de l'amendement que nous discutons répond
peut-être mieux aux exigences de notre temps ".
De fait, l'amendement prohibant de façon générale et
absolue toute recherche sur l'embryon est rejeté par l'Assemblée.
L'Assemblée débat alors de l'amendement déposé
conjointement par
MM. Nicolas ABOUT, sénateur (RI),
et
Gabriel KASPEREIT, député (RPR)
, visant, dans le projet
d'avis à insérer un nouvel alinéa rédigé
comme suit :
" amender le projet de convention en rédigeant ainsi
l'article 18 - recherche sur les embryons in vitro :
-
la recherche sur les embryons in vitro n'est admise que dans
l'intérêt de leur développement. Elle peut toutefois porter
sur le diagnostic des maladies les plus graves ;
-
la constitution d'embryons humains aux fins de recherche est
interdite."
M. Nicolas ABOUT
, pour soutenir cet amendement a fait les observations
suivantes :
" Mon amendement reprend partiellement un amendement de
M. Schwimmer,
puisqu'il indique que "la constitution d'embryons humains aux fins de
recherche
est interdite". Nous sommes entièrement d'accord sur ce point.
" J'ajoute simplement que "la recherche sur les embryons
in vitro
n'est admise que dans l'intérêt de leur
développement", c'est-à-dire pour aboutir à la
maturité, à l'évolution normale de l'embryon vers le
fœtus et vers l'enfant
-
et non pas, bien entendu, vers tout
autre
développement.
" Naturellement, cette recherche doit porter sur le diagnostic des
maladies les plus graves, faute de quoi elle n'aurait aucune raison
d'être. "
Recueillant l'avis favorable de la Commission, l'amendement est adopté
par l'Assemblée.
MM. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) et Michel ALLONCLE,
sénateur (RPR)
, ayant déposé un amendement afin, dans
le projet d'avis, d'ajouter un nouvel alinéa visant à encadrer
les recherches et essais intéressant des mineurs en disposant que :
" L'autorisation prévue aux paragraphes 2 et 3 de
l'article 6 a été donnée spécifiquement et par
écrit, selon la loi et en accord avec l'autorité judiciaire
chargée de la protection de l'enfance. "
M. Nicolas ABOUT
, pour soutenir cet amendement, a formulé les
observations suivantes :
" Il nous est apparu particulièrement dangereux de laisser à
l'autorité la possibilité d'intervenir pour des
prélèvements d'organes sur quelqu'un ne pouvant donner son
consentement, en particulier s'il s'agit d'un membre de la famille.
" C'est pourquoi nous proposons, pour protéger cette personne et ne
pas la soumettre au risque d'un conflit d'intérêts,
c'est-à-dire, par exemple, aux mains d'un parent qui, ayant à
choisir entre un enfant souffrant d'un mal pouvant être soigné par
une transplantation, pourrait être tenté d'autoriser ce
prélèvement sur l'autre enfant. Il faut donc transférer
cette autorité et indiquer que "l'autorisation prévue (...) doit
être donnée, spécifiquement et par écrit, selon la
loi et en accord avec l'autorité judiciaire chargée de la
protection de l'enfance. "
Le Président de la Commission ayant déclaré :
" C'est encore un amendement que nous avons adopté à une
très large majorité et qui enrichit grandement le
texte ! "
L'amendement est adopté à l'unanimité par
l'Assemblée.
Au terme du débat,
l'avis n° 198 contenu dans le rapport 7622
est adopté, amendé
.