II. SYNTHÈSE COMPARATIVE DE DIFFÉRENTES PRÉVISIONS À MOYEN TERME
La projection de l'OFCE, telle qu'elle vient d'être
présentée constitue une extrapolation des tendances à
l'œuvre dans l'économie française, sur la base d'une
prolongation des comportements observés sur le passé. Cela peut
être considéré comme une limite de ce genre d'exercice,
dans la mesure où il pose plus de questions pour le moyen terme qu'il
n'apporte de réponses. Mais ceci obéit également à
ce que votre Rapporteur considère comme la finalité des
projections réalisées à l'aide de modèles. Ceux-ci
offrent en effet un cadre global où les évolutions et les
comportements macroéconomiques sont cohérents entre eux : en
cela, ils constituent à tout le moins un instrument d'analyse utile pour
les choix de politiques économiques.
Les travaux présentés ci-après procèdent d'une
autre logique et recourent à d'autres méthodes. Il s'agit des
prévisions de deux organismes dont le Service des Etudes suit
régulièrement les travaux : le
Bureau d'Informations et
de Prévisions économiques
(BIPE) et le
Centre de
Recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des
entreprises
(REXECODE). Réalisées hors modèle et
" à dire d'expert ", elles sont résumées
ci-après.
Il paraît également utile de donner les conclusions d'une
projection réalisée à l'aide du modèle AMADEUS par
l'
INSEE
. Cet exercice présente en effet deux aspects
originaux :
- il explore les modalités d'un
rattrapage du déficit
d'activité
enregistré par l'économie française
au cours de la période de croissance faible des années 1990
à 1996 ;
- il repose sur diverses hypothèses favorables d'
inflexion des
comportements
observés sur la période récente et en
simule les effets.
A. LA PRÉVISION DE REXECODE
La prévision pour la période 1997-2001,
présentée par l'Institut de conjoncture REXECODE au printemps
dernier, se situe en terme de croissance au bas de la
" fourchette "
des prévisions nationales à moyen terme (cf. tableau
récapitulatif, page 32).
REXECODE confirme certes le diagnostic d'un
redémarrage
à
court terme de l'activité, en France comme dans la plupart des pays
européens. Celui-ci serait toutefois moins fort que dans les autres
prévisions. Dans la mesure en effet où la France - et l'Europe -
ne peut pas compter sur un environnement international beaucoup plus favorable
que celui observé récemment, l'accélération de la
croissance passe par un redressement de la demande intérieure. Si
celui-ci est assuré, il ne serait cependant pas particulièrement
vigoureux. La demande des ménages devrait être bridée par
le haut niveau des taux d'intérêt réels et par les effets
de la réduction des déficits publics, qui devrait s'accentuer
dans l'ensemble de l'Europe. Par ailleurs, les capacités de production
sont loin d'être saturées, ce qui n'est pas propice à une
forte reprise de l'investissement des entreprises.
A
moyen terme
, la France reviendrait sur un sentier de croissance de
2 % par an. Ce diagnostic s'appuie sur une réflexion relative au
régime de croissance
futur de l'ensemble des économies
européennes.
Dans les pays industrialisés, inflation, lutte contre l'inflation et
désinflation se sont succédé depuis une trentaine
d'années : l'inflation a aujourd'hui pratiquement disparu et le
contexte fortement concurrentiel des prochaines années ne conduit pas
à envisager une reprise de l'inflation. Ce contexte serait en Europe de
nature à lever la contrainte de la lutte contre l'inflation et à
permettre ainsi le retour d'une croissance plus forte. C'est ce qui conduit
REXECODE à avancer une prévision de croissance à moyen
terme (2 % par an pour la France et 2,2 % pour l'Union
européenne) jugée "
optimiste
", dans la mesure
où elle suppose une nette amélioration par rapport aux six
dernières années (+ 1,1 % par an pour la France entre
1990 et 1992, + 1,4 % pour l'Union européenne).
Néanmoins, la croissance ne retrouverait pas son rythme
d'évolution tendanciel de la période 1973-1990 (+ 2,3 %
par an pour la France comme pour l'Union européenne), encore moins celui
de la période 1960-1973 (+ 5,4 % par an pour l'Europe).
REXECODE identifie en effet
cinq facteurs
de nature à
brider
la croissance à moyen terme :
- le
vieillissement démographique
: le ralentissement de
l'augmentation de la population entraînerait un fléchissement
tendanciel de la croissance économique ; de plus, en termes de
demande, la population " en âge de premier équipement "
diminuera sensiblement au cours des cinq prochaines années ;
- la nécessité de
rééquilibrer
les
finances publiques
;
- le
niveau des taux d'intérêt réels
à long
terme qui, même s'ils devaient diminuer au cours des prochaines
années, resteraient néanmoins très supérieurs au
taux de croissance ;
- l'
avantage de compétitivité
en faveur de la zone
dollar ;
- l'absence de contrainte sur les capacités de production dans les
entreprises, qui ne concourt pas à une forte reprise de
l'
investissement
; de plus, l'atonie prolongée de
l'investissement aurait pour conséquence un vieillissement des
équipements productifs qui constitue une menace pour la
compétitivité européenne.
Enfin, la prévision de REXECODE décrit une très
légère baisse du taux de chômage, du même ordre que
celle enregistrée dans la projection de l'OFCE : de 12,6 % en
1997 à 12,4 % en 2001. Il s'agit certainement là d'un
résultat surprenant dans la mesure où la croissance n'est que de
2 % par an en moyenne, alors que l'OFCE parvient à un
résultat semblable pour le chômage avec une croissance de
2,5 % par an.
Ceci s'expliquerait par deux hypothèses retenues par REXECODE :
- une prolongation du
ralentissement tendanciel de la
productivité
du travail (1,6 % par an contre 2 % pour
l'OFCE), favorable à l'emploi (le taux de croissance au-delà
duquel l'économie française crée des emplois est ainsi
plus faible) ;
- une augmentation moins rapide de la
population active
disponible
(+ 100.000 par an contre + 154.000 par an selon l'OFCE).