ANNEXE N° 2
CROISSANCE EN EUROPE :
QUELLES MARGES DE MANŒUVRE ?
Trois simulations réalisées par l'Equipe responsable du
modèle MIMOSA (CEPII - OFCE)
Introduction
A la suite de l'étude sur les " Perspectives de l'économie
mondiale à l'horizon 1995 ", présentée le 20 mars 1997 au
Colloque de la Délégation du Sénat pour la Planification
(voir Rapport du Sénat, n° 315, 1996-1997), l'équipe
Mimosa a réalisé, à la demande de la
Délégation, trois ensembles de variantes destinées
à illustrer l'impact sur la croissance et l'emploi en Europe, soit de
certaines options de politique économique, soit de certaines
incertitudes :
1. Des politiques budgétaires moins restrictives en Europe passant par
une baisse des cotisations salariés ;
2. Une hausse plus vive des salaires en France ou en Europe ;
3. Une dépréciation des monnaies européennes
Encadré: La formation des taux d'intérêt et des taux de
change dans MIMOSA
.
Le modèle MIMOSA peut fonctionner selon plusieurs régimes, tant
en ce qui concerne la formation des taux d'intérêt, que celle des
taux de change. En principe, les banques centrales des pays dominants
(Etats-Unis, Japon, Allemagne) élèvent leur taux
d'intérêt court de 0,5 point lorsque le taux de chômage
baisse de 1 point, et de 1,5 point lorsque l'inflation augmente de 1 point
relativement à la simulation de référence. Toutefois,
elles peuvent choisir de ne pas réagir et de maintenir fixe les taux
d'intérêt nominaux (stratégie dite accommodante). Les taux
d'intérêt longs sont indexés sur les taux courts courants.
En régime de SME, la Bundesbank ne tient compte que de la situation de
l'Allemagne ; les taux d'intérêt courts des différents pays
européens s'alignent sur ceux de l'Allemagne ; les taux de change des
pays européens sont stables par rapport au mark. En régime d'UEM,
la Banque Centrale Européenne tient compte de la situation de la moyenne
des pays de l'Euro ; les taux d'intérêt courts des
différents pays européens sont identiques.
Les taux de change sont déterminés par la parité des taux
d'intérêt. Le taux de change se fixe au niveau tel que le
différentiel de taux d'intérêt court entre deux monnaies
est égal à l'anticipation de dépréciation. Les
marchés anticipent une variation du taux de change égale à
une fraction de l'écart entre le taux de change courant et le taux de
change de référence correspondant au taux de change réel
initial : cette fraction est estimée à 1/3 en valeur annuelle.
Par exemple, si une année donnée, l'Europe a 1 point d'inflation
de moins que les Etats-Unis et que son taux d'intérêt augmente de
1 point (le taux américain restant fixe), l'Euro s'apprécie de
4 %, 1 % en raison de l'écart d'inflation, 3 % en raison
de l'écart de taux d'intérêt.
Si les taux d'intérêt nominaux sont maintenus fixes, les taux de
change varient comme les différences de taux d'inflation.
1. Des politiques budgétaires moins restrictives en Europe : une
baisse des cotisations sociales salariés
Une relance par la baisse des cotisations : quels enjeux ?
Nous nous proposons ici d'illustrer l'impact de politiques budgétaires
moins restrictives en Europe. Pour cela, nous avons choisi d'analyser une
baisse simultanée des cotisations sociales salariés. Une telle
mesure, allégeant la charge portant sur les ménages, est
susceptible de stimuler la consommation tout en contribuant à
rééquilibrer le système fiscal en faveur des revenus du
travail. Elle a l'avantage de stimuler directement un grand nombre des secteurs
de l'économie ; son impact expansionniste est plus fort que celui d'une
baisse de l'impôt sur le revenu car elle bénéficie à
plus de ménages et à des ménages moins aisés en
moyenne. Par contre, elle constituerait une rupture par rapport à
l'augmentation tendancielle du taux de cotisation salariés
observée au cours des vingt dernières années, en
particulier en France et en Italie (graphique 1).
Les prévisions les plus récentes amènent à penser
que les déficits publics de l'Allemagne, de la France ou de l'Italie
seraient compris entre 3 et 3,2 % du PIB en 1997 ; celui du Royaume-Uni
étant légèrement inférieur (2,8 %). Aussi, un
tel assouplissement de la politique budgétaire implique de s'affranchir
ex ante de la contrainte définie par les critères de Maastricht
et le pacte de Stabilité. Cet assouplissement devrait être
justifié par le niveau élevé du chômage dans
l'ensemble de l'UE et par le déficit de croissance accumulé par
les pays européens depuis le début des années 90.
Hypothèses de la simulation
La simulation présentée est une baisse des cotisations sociales
salariés d'un montant de 1 point de PIB dans tous les pays de l'UE. La
symétrie du choc étudié est destinée à
faciliter l'interprétation. Une autre possibilité aurait
été de définir une cible pour la politique
budgétaire - par exemple un relèvement du niveau maximal de
déficit public autorisé par le pacte de Stabilité - chaque
pays disposant alors d'une marge de manoeuvre différente pour sa
politique budgétaire.
La modélisation des salaires dans le modèle MIMOSA
36(
*
)
fait porter la négociation
salariale sur la rémunération brute, y compris cotisations
salariés, mais hors cotisations employeurs conformément à
la pratique effective et à ce qu'indiquent la plupart des études
empiriques. Dès lors, la baisse des cotisations employés est
entièrement absorbée par les salariés par une hausse des
salaires nets. Compte tenu de la part des salaires dans le PIB (55 %
environ) la baisse du taux de cotisations sociales envisagée ici conduit
à une augmentation ex ante de 1,7 % du salaire net moyen. Le
salaire brut étant inchangé, la mesure n'affecte pas ex ante le
coût du travail pour l'entreprise, ni le taux de chômage
d'équilibre.
Si l'on considère une relance mise en oeuvre en 1998, le cadre
monétaire est susceptible d'être modifié au cours de la
période d'impact de la mesure, du fait de la mise en place de l'UEM.
Pour simplifier l'analyse, nous avons supposé ici que la politique
monétaire européenne fonctionne pendant toute la période
sur le mode en vigueur dans le SME (voir encadré).Deux simulations ont
été réalisées correspondant à deux
hypothèses sur le comportement des autorités monétaires
suite à la relance budgétaire. Dans la première, la
Bundesbank mène une politique monétaire accommodante : les taux
d'intérêt nominaux restent fixes. Dans ce cas, le taux de change
des monnaies européennes se déprécient comme le
différentiel d'inflation entre l'Allemagne et les Etats-Unis. Dans la
deuxième, la Bundesbank a son comportement usuel : elle augmente son
taux d'intérêt à la suite du choc. Aussi, si les monnaies
européennes se déprécient à moyen terme, elles
s'apprécient à court terme en raison des entrées de
capitaux induites par le niveau des taux d'intérêt.
Résultats
Les résultats des simulations sont présentés dans les
tableaux 1 et 2. Pour les évaluer, il faut tenir compte de la situation
économique telle qu'elle est décrite dans le compte central. Dans
la plupart des pays d'Europe, le taux d'inflation est actuellement
extrêmement bas, de l'ordre de 2% l'an en Allemagne, Belgique et
Pays-Bas, inférieur à 2% en Autriche, Espagne, France et Italie.
Il semble de plus que celui-ci ait atteint un plancher : en raison de l'inertie
nominale des salaires et des prix, on ne peut guère envisager de voir le
taux d'inflation diminuer encore même si le taux de chômage restait
à son niveau élevé. En sens inverse, une baisse du taux de
chômage devrait avoir un effet moins inflationniste que normalement. Les
taux d'intérêt sur le marché monétaire sont de
l'ordre de 3,5%. Là aussi, on peut penser que les Banques centrales
pourraient être plus accommodantes que normalement dans la mesure
où le taux d'inflation est inférieur à leur objectif. Ceci
conduit à renforcer la probabilité du premier scénario
où les Banques centrales n'augmentent pas leur taux
d'intérêt.
La baisse des cotisations salariales constitue un transfert de revenu, de un
point de PIB ex ante, des administrations publiques aux ménages.
L'accroissement du revenu disponible des ménages provoque une hausse
progressive de la consommation et de l'investissement logement qui atteint son
point culminant à 2-3 ans dans la plupart des pays européens.
Ainsi est amorcée la dynamique usuelle du multiplicateur : la croissance
s'accélère en Europe (de 1,2 point par an au cours des trois
premières années dans le scénario " taux
d'intérêt fixes ", de 0,6 point dans le scénario " taux
d'intérêt endogènes "). Le taux de chômage recule
durablement respectivement de 1,5 point et de 0,8 point dans le premier et le
second scénario.
La baisse des cotisations salariés étant entièrement
absorbée par la hausse du salaire net, la mesure n'engendre pas de
baisse des prix. A court terme, le niveau des prix est stable dans l'UE, mais
à 2-3 ans la baisse du chômage provoque des tensions sur les
salaires se traduisant par une hausse de l'inflation : celle-ci atteint 1 point
l'an entre la deuxième et la cinquième année dans le
scénario 1 ; 0,5 point l'an dans le scénario 2. Ces tensions ne
porteraient toutefois pas le taux d'inflation européen au-delà de
3 % à l'horizon 2005, compte tenu de la désinflation
tendancielle sous-jacente dans le compte central
37(
*
)
.
Dans le premier scénario, la dépréciation des monnaies
européennes vis-à-vis du dollar atteint 1 % l'an. Dans le
deuxième scénario, face à la baisse du chômage dans
un premier temps et à l'augmentation de l'inflation dans un second
temps, les banques centrales européennes augmentent les taux
d'intérêt. Cette hausse atteint 1 point au bout de deux ans, et
entraîne une appréciation des monnaies européennes (de
1,3 % à trois ans face au dollar et au yen). La hausse des taux
d'intérêt réels et celle du taux de change, en pesant sur
l'investissement, la consommation et le commerce extérieur, contribuent
à modérer l'impact expansionniste de la mesure.
Le déficit courant de l'UE se creuse de 0,3 point de PIB à trois
ans dans le deuxième scénario ; il reste longtemps stable dans le
premier en raison des gains de compétitivité de court-terme.
Cette dégradation des comptes extérieurs de l'UE n'est cependant
pas une source d'inquiétude : en effet, l'UE bénéficie en
1997 d'un excédent courant atteignant 1,4 % du PIB.
En raison de l'ampleur de l'effet multiplicateur provoqué par une
relance coordonnée en Europe, les rentrées fiscales
s'améliorent fortement. Dans le premier scénario, l'impact ex
post sur le solde public est positif dès la troisième
année et se stabilise à 0,4 point de PIB. Dans le second, le
déficit public se creuse légèrement, en raison d'une
croissance plus faible et de l'accroissement des charges d'intérêt
sur la dette publique. Le déficit des administrations publiques dans
l'UE est plus élevé de 0,8 point de PIB la première
année, et de 0,5 point les années suivantes.
Au total, si les autorités monétaires acceptent de ne pas
réagir, la mesure permet d'améliorer les finances publiques (de
0,5 point de PIB) et de réduire le chômage (de 1,5 point) au prix
d'une hausse de 1 point l'an de l'inflation. Si les autorités
monétaires réagissent, le chômage n'est réduit que
de 0,8 point, le solde public est dégradé (de 0,6 point de PIB),
mais l'inflation n'augmente que de 0,5 point.
2. Une hausse des salaires en France et en Europe
Le niveau des salaires n'est certes pas une variable de politique
économique en France ou en Europe. Les pouvoirs publics ne peuvent fixer
que les salaires des fonctionnaires et parfois les salaires minimums ; or
l'évolution de ceux-ci ne peut socialement ou économiquement
s'éloigner nettement de celle de la moyenne des salaires fixés
par les négociations salariales ou les marchés. Cependant, il est
intéressant d'étudier les conséquences
macroéconomiques d'une hausse des salaires, en Europe ou dans un seul
pays, que celle-ci soit due à des mouvements sociaux ou à des
décisions de politiques économiques qui sont proches
macroéconomiquement d'une hausse des salaires (par exemple, hausse des
cotisations employeurs pour financer des hausses de prestations sociales).
Hausse des salaires en France
On suppose d'abord que le niveau des salaires augmente de 2 % uniquement
en France. La hausse des salaires exerce des effets contradictoires sur les
composantes de la demande interne en France. La hausse des revenus réels
des ménages accroît la consommation ; par contre la hausse des
prix, qu'engendre l'augmentation des coûts salariaux, se traduit par des
effets d'encaisse réelle qui obligent les ménages à
épargner. Au total, les effets revenus sur la consommation dominent les
effets d'encaisse réelle : la consommation augmente. L'investissement
privé subit un tassement du fait de la réduction des marges des
entreprises. L'inflation s'accroît de près de 0,5 point par an (le
niveau des prix est plus élevé de 2,4 % au bout de 5 ans)
avec un maximum de 0,8 point l'année où sont augmentés les
salaires. Les importations augmentent nettement en raison des pertes de
compétitivité et de la hausse de la demande interne, tandis que
les exportations se réduisent. La hausse du PIB est très faible
(0,2 % la première année, pratiquement rien par la suite) ;
les effets sur le chômage sont négligeables.
Evaluer les effets sur les taux d'intérêt et les taux de change de
la France d'une hausse des salaires en France dans le cadre du SME n'est
guère aisé. D'un côté certains pourraient croire que
la hausse des salaires ne permet pas à la France de maintenir fixe la
parité du Franc au sein dans la SME ; la hausse des salaires nuirait
à la crédibilité de la banque centrale , il y aurait des
anticipations de dépréciation qui obligerait la Banque de France
à fortement augmenter les taux d'intérêt. D'un autre point
de vue, la hausse des salaires ne dégradant pas trop les exportations et
les importations de la France, les tensions sur le Franc devraient être
limitées. Dans ce cas, la Banque de France peut maintenir un niveau de
taux d'intérêt proche de celui de la Bundesbank. C'est ce point de
vue que l'on a retenu. Dans ses conditions, le Franc reste stable et la France
connaît des pertes de compétitivité.
Une hausse simultanée des salaires en Europe
Si la hausse des salaires (toujours de 2 %) concerne tous les pays
européens, il faut distinguer le cas où la politique
monétaire est endogène du cas où les taux
d'intérêt nominaux restent fixes.
Dans le cas de taux d'intérêt fixes, le taux de change des
monnaies européennes se déprécie comme l'inflation en
Europe. La hausse des salaires dans toute l'Europe a un effet plus
expansionniste que dans les simulations d'une hausse limitée à la
France : à 3 ans le PIB est plus élevé de 1,1 %. Les
pertes de compétitivité sont annulées par la
dépréciation ; l'effet multiplicateur joue d'autant plus
fortement que l'Europe est une région relativement fermée. Par
contre, le niveau des prix est plus haut de 3,2 % à 5 ans ; ce
qui représente un surcroît d'inflation de 0,6 point par an. La
réduction du chômage est faible : en Europe la baisse du
chômage est au mieux de 0,4 point au bout de 3 ans. L'Italie et le
Royaume-Uni subissent, quant à eux, assez vite une légère
augmentation du chômage du fait de la substitution capital-travail : la
hausse des salaires incite les entreprises à réduire la demande
de travail et à augmenter la demande de capital. La balance courante se
dégrade légèrement de O,1 point. Le solde public
s'améliore en partie du fait de la baisse des taux
d'intérêt réels et du surcroît de croissance.
Si la politique monétaire est endogène, les effets sont fortement
altérés. La Bundesbank augmente les taux d'intérêt
courts de 0,6 à 0,7 point en raison de la baisse du chômage et de
la hausse de l'inflation. Malgré cette hausse des taux
d'intérêt par rapport aux Etats-Unis, les monnaies
européennes se déprécient (de 0,2 % la
première année à 1,7 % la 5è année).
Les marchés anticipent qu'à terme il faudra une
dépréciation pour garantir la compétitivité des
pays européens. Et c'est cet effet qui domine dès la
première année. Aussi les monnaies européennes se
déprécient très faiblement et cette
dépréciation s'accroît. La dépréciation est
toutefois plus faible que dans le scénario précédent.
Au total, la politique monétaire de la Bundesbank se traduit par une
hausse des taux d'intérêt qui vient limiter les effets de hausse
de la demande et la dépréciation des monnaies européennes,
ce qui limite l'inflation mais induit des pertes de
compétitivité. Le surcroît d'inflation n'est que de 0,4
point par an, par contre, la hausse du PIB n'est que de 0,4 % à 3
ans et la réduction du chômage n'est plus que de O,l %.
La hausse des salaires ne permet donc de réduire le chômage que si
la politique monétaire est accommodante, si elle accepte une hausse de
l'inflation et une dépréciation de la monnaie.
3. Une dépréciation des monnaies
européennes
Nous analysons ici les conséquences d'une dépréciation de
10 % des monnaies européennes vis-à-vis des autres monnaies.
Les variations de taux de change peuvent avoir des origines diverses. Elles
peuvent provenir par exemple soit d'une modification de la politique
monétaire, soit d'une modification des anticipations des marchés.
Dans le premier cas, une baisse des taux d'intérêt provoque une
dépréciation du taux de change. L'effet sur l'activité de
la baisse du taux de change est alors renforcé par la réduction
du taux d'intérêt. Mais il est ici difficile de distinguer
l'impact propre de la dépréciation. Dans le second cas, les
effets spécifiques du change sur l'économie sont mieux
isolés, puisqu'au départ seul le taux de change est
modifié. Les autorités monétaires peuvent toutefois
réagir en modifiant les taux d'intérêt. Ces derniers
rétro-agissent alors sur le taux de change. Afin d'appréhender
les mécanismes à l'oeuvre à la suite d'une
dépréciation de l'Euro, nous présentons deux variantes.
Dans la première, purement technique, les taux d'intérêt
nominaux restent inchangés ; les taux de change sont fixes après
la dépréciation. La variante permet donc d'étudier l'effet
pur de la dépréciation. Dans la seconde, les politiques
monétaires sont endogènes. La BCE fixe le taux court sur l'Euro
en fonction de l'évolution de l'inflation et du chômage de l'Union
monétaire ; le taux de change nominal évolue selon les
écarts de prix et de taux d'intérêt. L'hypothèse
technique faite ici est que la Grande-Bretagne reste en dehors de l'Euro (ainsi
que la Grèce, la Suède et le Danemark) ; par contre, la monnaie
de ces pays se déprécie comme l'Euro.
Une variante technique
Considérons tout d'abord le cas où les taux
d'intérêt nominaux restent fixes. La dépréciation de
l'Euro procure aux pays de l'UE des gains de compétitivité
à court terme qui stimulent leurs exportations et pèsent sur
leurs importations. L'augmentation de la demande satisfaite par les producteurs
européens conduit à un ajustement à la hausse des
capacités de production. L'investissement productif progresse fortement
les trois premières années. et le gain pour l'UE en termes de
production atteint un maximum au bout de trois ans (+I,9 %).
Par la suite, la diffusion de la hausse du prix des importations dans les
économies européennes tend à limiter les gains de
compétitivité. Les prix à la consommation sont plus
élevés d'environ 3,8 % au bout de 5 ans, soit une inflation
supérieure de près de 0,8 point par an. La hausse des prix de
l'UE et les baisses de prix aux Etats-Unis et au Japon limitent la
dépréciation du taux de change réel de l'Euro, qui n'est
plus que d'environ 5 % au bout de 5 ans. L'augmentation des exportations
de l'UE, qui atteint 3 % au bout de trois, n'est plus que de 0,9 % au
bout de 5 ans. La relance de l'activité entraîne une hausse des
importations à court terme (1,8 % à 3 ans), mais ensuite
l'effet-prix l'emporte de sorte qu'à 5 ans les importations baissent
légèrement (de 0,3 %). Au bout de 5 ans, le surplus de
production dans l'UE n'est plus que de 0,3 %, et il s'annule au bout de 10
ans.
Le ralentissement des exportations européennes est également
lié à la baisse de la production aux Etats-Unis et au Japon,
où la dépréciation de l'Euro a des effets inverses sur la
compétitivité. L'impact dépressif sur l'économie
américaine apparaît relativement limité à court
terme, si bien qu'au cours des trois premières années la
production mondiale augmente un peu (0,5 % à 3 ans). A plus long
terme, la dépréciation de l'Euro n'a pas d'impact sur le PIB
mondial.
Au total, l'impact d'une dépréciation de 10 % de l'Euro est
maximum au bout de trois ans. A cet horizon, le PIB de l'UE est plus important
de 1,8 %, et le taux de chômage est plus bas d'environ 1 point.
Enfin, le solde courant de l'UE s'améliore durablement de 0,3 point de
PIB, au détriment de ceux des Etats-Unis et du Japon (respectivement
pour 0, 1 et 0,2 point de PIB).
Lorsque les politiques monétaires et les taux de change sont
endogènes
Les banques centrales fixent les taux d'intérêt à court
terme en fonction de l'inflation et du chômage selon la règle
décrite précédemment. Par ailleurs, les marchés
anticipent que le taux de change réel de l'Euro s'est
déprécié de 10 %. L'inflation en Europe qui suit la
dépréciation de l'Euro se traduit donc par de nouvelles
dépréciations de l'Euro. La dépréciation de
10 % du taux de change nominal provoque donc une
dépréciation durable du taux de change réel.
Les autorités monétaires réagissent à l'effet
expansionniste en Europe et récessif aux Etats-Unis et au Japon :
dès la première année, le taux court européen
augmente de 1 point et le taux court américain baisse de 0,4 ; au Japon,
le taux court diminue très progressivement (de 1 point à terme).
L'action des banques centrales réduit sensiblement les effets sur
l'activité à court terme : le PIB européen n'augmente que
de 0,4 % au bout de trois ans.
Mais le taux de change subit deux forces contradictoires. D'une part,
l'évolution des taux d'intérêt tend à limiter la
dépréciation de l'Euro. D'autre part, les agents anticipent que,
compte tenu de la hausse des prix européens, l'Euro devra se
déprécier. Dès la deuxième année, c'est ce
dernier effet qui domine, si bien que l'impact positif sur la production
européenne est plus durable : le PIB de l'UE augmente de 0,6 % au
bout de 5 ans, et de 0,3 % à un horizon de 10 ans. De la même
manière, l'impact récessif chez les principaux partenaires
commerciaux est plus marqué à terme, notamment au Japon où
la forte baisse des prix entraîne l'appréciation continue du taux
de change nominal du yen.
Au total, la prise en compte de la politique monétaire atténue
l'impact d'une dépréciation de l'Euro. A court terme, l'effet
positif sur l'activité européenne est nettement moindre. Par
contre, la dépréciation continue du taux de change nominal de
l'Euro renforce l'impact de moyen terme. L'inflation est
légèrement plus forte en Europe ; l'amélioration du solde
extérieur est plus durable ; enfin, le solde public est moins
amélioré en raison de la hausse des taux d'intérêt.
L'Europe étant une zone relativement fermée, l'impact de son taux
de change sur son niveau d'activité et son inflation est réduite,
ce d'autant plus que la BCE réagit à une hausse de l'inflation.
Là encore, le bas niveau d'inflation et le fort niveau de chômage
en Europe actuellement permettent de penser que l'effet inflationniste sera
réduit et donc que la réaction de la BCE pourrait être
atténuée.