Rapport d'information n° 60 - SURENDETTEMENT Prévenir et Guérir
MM. Jean-Jacques HYEST et Paul LORIDANT, Sénateurs
Commission des lois et Commission des Finances - Rapport d'information n° 60 - 1997/1998
Table des matières
-
I. LE DISPOSITIF LÉGISLATIF DE LUTTE CONTRE LE SURENDETTEMENT ET SON
CONTEXTE
- A. UN DISPOSITIF LÉGISLATIF RÉCENT DE LUTTE CONTRE LE SURENDETTEMENT
- B. UN DISPOSITIF CONFRONTÉ À UN PHÉNOMÈNE DU SURENDETTEMENT COMPLEXE ET ÉVOLUTIF
- C. LE PHÉNOMÈNE DE SURENDETTEMENT S'INSCRIT DANS UNE LOGIQUE ÉCONOMIQUE FAVORISANT LES CRÉDITS AUX PARTICULIERS
- II. UN DISPOSITIF DE TRAITEMENT DU SURENDETTEMENT GLOBALEMENT SATISFAISANT
-
III. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
- A. LES SOLUTIONS À ÉCARTER
-
B. LES AMÉLIORATIONS À APPORTER AU DISPOSITIF EXISTANT
- 1. La nécessité impérative de mettre en place des outils statistiques d'évaluation
- 2. Améliorer l'efficacité du Fichier des Incidents de Crédit aux Particuliers (FICP)
- 3. Intégrer la dimension sociale dans le traitement du surendettement
- 4. Adopter dans les meilleurs délais la proposition de loi renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière
- 5. Compléter le dispositif existant pour aménager une " issue de secours " en faveur des cas les plus désespérés
- C. LE DÉVELOPPEMENT INDISPENSABLE DE LA PRÉVENTION
- LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
- ANNEXE
N° 60
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 29 octobre 1997
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) et de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (2), par le groupe de travail (3) chargé de dresser un bilan de l'application de la législation sur le surendettement des particuliers et des familles ,
Par MM. Jean-Jacques HYEST et Paul LORIDANT,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
(2)
Cette commission est composée de :
MM. Christian
Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du
Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René
Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel Hamel,
Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot,
Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël
Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon
Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut,
Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel
Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann,
Henri Torre, René Trégouët.
(
3
) Ce groupe de travail est composé de :
MM. Jean-Jacques
Hyest et Paul Loridant.
Créances et dettes . - Rapports d'information |
Mesdames, Messieurs,
Au printemps 1997, pour faire suite à une suggestion de M. Paul
Loridant, Sénateur de l'Essonne, la commission des Lois et la commission
des Finances ont décidé, à l'initiative conjointe de leurs
présidents respectifs, M. Jacques Larché, Sénateur de
Seine-et-Marne, et M. Christian Poncelet, Sénateur des Vosges, de
constituer un groupe de travail chargé de dresser un bilan de la loi
n° 89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la
prévention et au règlement des difficultés liées au
surendettement des particuliers et des familles, communément
appelée " loi Neiertz ".
Cette mission a été confiée à M. Jean-Jacques
Hyest, Sénateur de Seine-et-Marne, secrétaire de la commission
des Lois, et à M. Paul Loridant, membre de la commission des Finances,
qui, à partir du mois de juin 1997, ont mis en oeuvre un vaste programme
d'auditions dont le déroulement s'est achevé au mois de septembre
dernier.
Vingt-huit réunions ont ainsi été organisées, qui
ont permis au groupe de travail de recueillir les observations des
représentants de la Banque de France, de plusieurs banques et
établissements de crédit spécialisés,
d'associations de consommateurs, d'organismes tels que l'Association
française des banques (AFB), l'Association des sociétés
financières (ASF), l'Association française des
établissements de crédit et des entreprises d'investissement
(AFECEI), la Fédération française des
sociétés d'assurance (FFSA), le Conseil national du crédit
(CNC) ou encore l'Institut national de la consommation (INC). Ont
également été entendus les représentants
d'Électricité de France (EDF), la Chambre nationale des huissiers
de justice, le Trésorier Payeur Général des
Alpes-Maritimes, des économistes spécialistes du crédit
à la consommation et du crédit immobilier, ainsi que des
représentants des administrations centrales concernées
((
*
)1)
.
Avec le souci de cerner très concrètement les problèmes
auxquels sont confrontés les différents acteurs chargés de
traiter au quotidien les situations de surendettement et d'élargir le
plus possible leur champ d'investigation, les membres du groupe de travail ont
rencontré, sur le terrain, en Seine-et-Marne et dans l'Essonne, des
représentants des services sociaux, des agents de la Banque de France,
les membres d'une commission de surendettement et des magistrats.
Ils ont enfin effectué un déplacement en Alsace pour y
étudier la mise en oeuvre de la faillite civile, système de droit
local spécifique aux trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin
et de la Moselle : ont ainsi été entendus, à Strasbourg et
à Mulhouse, plusieurs magistrats et mandataires-liquidateurs. Les
membres du groupe de travail tiennent en particulier à exprimer leur
reconnaissance à M. Daniel Hoeffel, Sénateur du Bas-Rhin, pour
l'accueil chaleureux qu'il leur a réservé au Conseil
général qu'il préside.
Que l'ensemble des personnes auditionnées soient également
vivement remerciées pour leur active contribution et leurs riches
témoignages qui ont nourri la réflexion des membres du groupe de
travail, permis de dresser un bilan et d'élaborer des propositions dans
de très brefs délais.
Résultat d'une initiative originale et reflet d'une coopération
exemplaire entre la commission des Lois et la commission des Finances, les
travaux qui ont conduit à l'élaboration du présent rapport
se sont en effet déroulés sur une période d'à peine
cinq mois.
Le rythme soutenu auquel s'est astreint le groupe de travail traduit une
volonté déterminée de réagir face à un
phénomène dont la progression paraît préoccupante.
Bien que le dispositif instauré en 1989 et profondément
remanié par la loi du 8 février 1995 relative à
l'organisation des juridictions et à la procédure civile,
pénale et administrative qui a fait de la commission de surendettement
un rouage essentiel, fonctionne, de l'avis unanime des acteurs
concernés, de façon satisfaisante, quelques signaux d'alerte
révèlent les limites du système.
Sans verser dans une attitude alarmiste, les membres du groupe de travail
tiennent à souligner l'urgente nécessité de
procéder à des adaptations de ce dispositif et d'améliorer
la prévention. Si le surendettement peut, statistiquement,
apparaître comme un phénomène marginal quand on met en
regard les 86.800 dépôts de dossiers en 1996 et les quelque
12 millions de ménages ayant contracté un prêt et
assumant les remboursements correspondants sans difficulté
particulière, il conduit en effet trop souvent à des drames
humains plongeant des familles entières dans un profond désarroi,
et parfois même à des situations d'exclusion sociale.
Désireux de procéder à une analyse approfondie du
phénomène avant de déterminer les solutions à
envisager, le groupe de travail a été confronté au
problème du manque d'outils d'évaluation, les données
globales recueillies par la Banque de France restant très
synthétiques et les enquêtes menées sur le sujet
étant ponctuelles et déjà anciennes
puisqu'antérieures à la réforme de 1995. Les
éléments d'information recueillis au cours des nombreuses
auditions ont cependant permis de cerner le phénomène et de
déterminer les failles du dispositif.
Il semble ainsi qu'après une phase de stabilisation entre 1991 et 1994,
le rythme des dépôts de dossiers de surendettement
s'accélère à nouveau depuis 1995. Par ailleurs, le
surendettement apparaît comme un phénomène à la fois
durable, évolutif et complexe, interdisant de dresser un profil type
unique du surendetté. Intimement lié à la crise
économique, l'état de surendettement résulte de plus en
plus souvent, non d'une accumulation inconsidérée de
crédits, bien que le multi-endettement demeure une
réalité, mais d'événements extérieurs,
d'accidents de la vie provoquant une perte brutale de ressources
(chômage, divorce, maladie...).
Or, parmi les dossiers déposés en phase amiable, une proportion
croissante de personnes surendettées ne présente aucune
capacité de remboursement, ce qui conduit les commissions à
multiplier les moratoires, souvent de courte durée, les
créanciers restant réticents à accorder des remises de
dettes.
Le caractère relativement récent de la réforme de la
procédure de traitement du surendettement n'offrant qu'un faible recul
pour en apprécier exactement le fonctionnement et les outils
d'évaluation disponibles restant insuffisants, il est à ce jour
difficile d'estimer précisément le nombre de dossiers revenant de
façon récurrente devant les commissions. Le chiffre de 15% est
cependant avancé par la Banque de France. Ce pourcentage non
négligeable peut laisser présumer un risque d'engorgement des
commissions à moyen terme dont il est impératif de
prévenir la réalisation pour éviter la remise en cause
d'un dispositif dont l'efficacité globale n'est pas contestée.
Le groupe de travail a en effet estimé nécessaire d'organiser le
" sauvetage " du dispositif existant en préconisant un
certain
nombre d'améliorations et l'instauration d'une nouvelle phase dans la
procédure, étape ultime conçue comme une issue de secours
pour les cas les plus désespérés.
Après avoir longuement pesé les avantages et les
inconvénients du système de la faillite civile tel qu'il est mis
en oeuvre en Alsace-Moselle, le groupe de travail a en définitive
rejeté l'idée de son extension à l'ensemble du territoire,
sans toutefois remettre en cause la spécificité du droit local
mais en soulignant la nécessité d'introduire la notion de bonne
foi pour limiter les recours abusifs à cette procédure.
L'adaptation du dispositif curatif est en outre indissociable d'un renforcement
de la prévention du surendettement. Trois axes principaux ont ainsi
été dégagés par le groupe de travail pour
développer la prévention : améliorer l'information des
particuliers, responsabiliser les prêteurs et sécuriser
l'accession à la propriété.
Afin d'atteindre ces objectifs, une série de propositions et
d'orientations ont été définies, qui sont les suivantes :
I - Les propositions ponctuelles :
1. Mettre en place des outils statistiques permettant une analyse quantitative
et qualitative périodique de l'évolution du
phénomène du surendettement ;
2. Mettre à la disposition des commissions de surendettement d'une part,
les instruments permettant d'optimiser la gestion des dossiers et d'harmoniser
les méthodes de travail, d'autre part, les outils d'évaluation de
nature à faciliter l'élaboration des plans amiables et des
mesures recommandées (systèmes experts, méthodes de score
comparables à celles utilisées par les organismes de
crédit) ;
3. Inscrire le débiteur surendetté au FICP dès le
dépôt du dossier au secrétariat de la succursale de la
Banque de France ;
4. Interdire à un débiteur qui a déjà saisi la
commission de surendettement mais qui a refusé le plan proposé de
pouvoir redéposer un dossier, sauf changement significatif de sa
situation ;
5. Prévoir la présence d'un travailleur social siégeant
aux réunions de la commission de surendettement avec voix consultative ;
6. Harmoniser la procédure de traitement du surendettement et la
procédure de saisie immobilière en clarifiant les
compétences respectives du juge de l'exécution et du juge de la
saisie immobilière en matière de suspension des procédures
d'exécution : ouvrir à la commission de surendettement la
faculté de demander la remise de l'adjudication pour causes graves et
dûment justifiées ;
7. Préciser le libellé de l'article L. 331-5 du code de la
consommation afin qu'en cas d'échec de la procédure amiable la
suspension des poursuites soit prolongée dès que le
débiteur demande à la commission de surendettement de faire des
recommandations et non à partir du moment où ces recommandations
sont effectivement prescrites ;
8. Modifier le libellé de l'article L. 331-7 du code de la consommation
afin, en cas de vente forcée ou amiable du logement principal du
débiteur surendetté, de proroger la possibilité offerte
à la commission de surendettement de recommander la réduction du
montant de la fraction des prêts immobiliers restant due après la
vente jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à
compter de l'exercice de leurs droits par les organismes de crédit ;
9. Introduire dans le code de la consommation une disposition prévoyant
que les gérants dont la société a été mise
en liquidation judiciaire (alors que celle-ci n'est pas clôturée)
ne peuvent prétendre au bénéfice de la procédure
sur le surendettement des ménages tant que la première
instruction n'est pas terminée ;
10. Afin d'éviter que la caution ne soit tenue plus
sévèrement que le débiteur principal, introduire dans le
code de la consommation un article disposant que la caution puisse se
prévaloir des mesures consenties par le créancier dans le plan
conventionnel de règlement ;
11. Imposer que les mentions légales obligatoires devant figurer dans
l'offre de crédit à la consommation soient également
inscrites dans les documents publicitaires et dans chaque cas soient bien mises
en évidence.
II - Les orientations préconisées par le groupe de travail
:
1. Enrichir la liste des mentions figurant au FICP pour
généraliser le recensement des impayés au-delà des
seuls incidents de paiement constatés par les organismes de
crédit ;
2. Afin d'éviter un engorgement des commissions de surendettement
risquant de compromettre leur efficacité reconnue par l'ensemble des
acteurs, compléter le dispositif en vigueur en prévoyant une
procédure spécifique applicable aux cas les plus
désespérés ;
3. Développer une coopération plus étroite entre les
secrétariats des commissions de surendettement et l'ensemble des acteurs
sociaux dans la phase d'instruction des dossiers de surendettement ;
4. Instaurer un mécanisme contractuel de suivi de la mise en oeuvre des
plans confié à un conseiller en économie sociale et
familiale ;
5. Développer des campagnes de sensibilisation sur le coût des
crédits à la consommation associant les services sociaux et les
associations de consommateurs et lancer des campagnes nationales d'information
sur les droits des consommateurs et les réglementations en vigueur
concernant le crédit ;
6. Encourager une réflexion au sein de la profession bancaire sur
l'adoption de règles déontologiques applicables à l'octroi
du crédit ;
7. Étendre la loi n °85-98 du 25 janvier 1985 sur le
redressement et la liquidation judiciaire des entreprises aux professions
libérales.
III - Les mesures tendant à sécuriser l'accession à la
propriété
1. Encourager la souscription, par les emprunteurs accédants, de la
garantie perte d'emploi en recourant à la technique de la pollicitation,
qui consiste à diffuser simultanément plusieurs garanties se
rapportant au même objet (ex: proposer systématiquement la
garantie perte d'emploi en même temps que les garanties
décès-invalidité qui ont déjà un taux de
diffusion élevée) ;
2. Supprimer la distorsion entre le neuf et l'ancien en étendant le
prêt zéro aux achats de logements anciens, en réduisant les
taux des droits de mutation à titre onéreux et en ne tenant plus
compte du caractère neuf ou non du logement dans l'octroi des aides
personnelles ;
3. Mettre en place un système de sécurisation du prêt
à taux zéro, financé par l'État, et qui pourrait
s'appuyer sur les entreprises d'assurance et les organismes d'HLM ;
4. Engager une réflexion sur le remboursement anticipé des
emprunts immobiliers, de façon à ne pas pénaliser les
ménages contraints par les difficultés de la vie à
effectuer un remboursement anticipé ;
5. Renforcer la couverture du territoire national par les ADIL en créant
les 58 agences manquantes ( une agence par département).
I. LE DISPOSITIF LÉGISLATIF DE LUTTE CONTRE LE SURENDETTEMENT ET SON CONTEXTE
Le fort développement du crédit à la
consommation et du crédit immobilier ainsi que le succès de
nouvelles formes de crédit telles que le crédit renouvelable ont
conduit dans un premier temps les pouvoirs publics à concevoir des
dispositifs juridiques destinés à protéger les emprunteurs
: la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l'information et
à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines
opérations de crédit, puis la loi n° 79-596 du 13 juillet
1979 relative à l'information et à la protection des emprunteurs
dans le domaine immobilier.
Ces textes, mettant l'accent sur l'information de l'emprunteur confronté
aux offres alléchantes des organismes de crédit proposant des
produits de plus en plus sophistiqués, avaient une vocation
essentiellement préventive.
Alors qu'en 1984, 1985 et 1988 trois nouvelles lois
1(
*
)
étaient adoptées pour organiser le
règlement amiable et le traitement collectif des difficultés des
entreprises, les particuliers restèrent en dehors de leur champ
d'application. Cependant, l'apparition de cas de surendettement de plus en plus
nombreux devait aboutir en 1989 à la mise en place d'un dispositif
tendant à remédier à ces situations dramatiques dans
lesquelles se trouvaient plongées des familles incapables de faire face
à leurs engagements financiers. Malgré des résultats
encourageants, ce dispositif novateur mis en place a connu une acclimatation
difficile et s'est heurté in fine aux lenteurs des procédures
judiciaires.
A. UN DISPOSITIF LÉGISLATIF RÉCENT DE LUTTE CONTRE LE SURENDETTEMENT
Face au développement d'un phénomène
considéré comme concernant à l'époque,
c'est-à-dire à la fin des années 1980, quelque
200.000 ménages, le secrétaire d'État à la
consommation, Mme Véronique Neiertz, prenait l'initiative d'une
réforme novatrice tendant à concilier urgence sociale et
impératifs économiques.
La seule possibilité offerte au débiteur surendetté
était jusqu'alors de solliciter du juge d'instance des délais de
paiement, insusceptibles d'excéder deux ans, ainsi que le sursis
à l'exécution des poursuites éventuellement
engagées à son encontre (articles 1244-1 et 1244-2 du code civil).
1. La loi du 31 décembre 1989 : une réforme novatrice aux effets cependant limités
Après deux mois d'examen parlementaire à la fin
de l'année 1989, le projet de loi a définitivement
été adopté le 18 décembre, à
l'unanimité.
Complétée par le décret n° 90-175 du 21
février 1990, la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 est
entrée en vigueur le 1er mars 1990. Ses dispositions ont
été intégrées, à droit constant, dans le
code de la consommation sous les articles L. 331-1 à L. 333-8 par une
loi du 26 juillet 1993.
La réforme avait pour double objectif d'améliorer la
prévention et d'instaurer un mécanisme curatif permettant
d'appréhender globalement la situation du débiteur et de
définir des solutions dans un cadre multilatéral par une
démarche de conciliation entre les parties.
Mme Véronique Neiertz, secrétaire d'État à la
consommation, déclarait à cet égard, lors de l'examen du
projet de loi
2(
*
)
: "
il faut
organiser
la prévention, garder toutes ses chances à la conciliation,
créer en France une procédure collective qui permette aux juges
d'alléger l'ensemble des dettes, de quelque nature qu'elles soient et,
enfin, répondre absolument à une situation d'urgence
".
Le caractère à la fois inadapté, onéreux et
infamant de la faillite civile et les risques de déresponsabilisation
des débiteurs et de surcharge des tribunaux ayant été
soulignés, le principe de l'extension de cette procédure, en
vigueur dans les trois départements d'Alsace-Moselle, à
l'ensemble du territoire a été écarté.
a) La création d'un fichier recensant les incidents de paiement
La loi du 31 décembre 1989, dite " loi Neiertz " a en premier lieu prévu la création d'un Fichier national des incidents de remboursement de crédit aux particuliers (FICP) , géré par la Banque de France et permettant aux organismes de crédit, par une simple consultation, d'individualiser à titre préventif les emprunteurs éprouvant des difficultés financières.
b) Une procédure collective réservée aux particuliers
Afin d'éviter que le débiteur défaillant
n'ait à assigner séparément chacun de ses
créanciers sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil pour
obtenir du juge d'instance autant de moratoires, la loi de 1989 rompait avec
cette démarche bilatérale pour instaurer un dispositif original
offrant
une vue d'ensemble de la situation du débiteur
et des
possibilités de traitement global.
·
L'économie du dispositif
: elle reposait sur un
mécanisme à deux degrés, avec le souci de
privilégier la voie de
la conciliation
.
Était ainsi créée une
commission
, en principe
départementale
, constituée de cinq membres et
présidée par le préfet ou son représentant, dont le
secrétariat était assuré par la Banque de France.
Investie d'un rôle de conciliation, cette commission administrative
devait tenter de parvenir, dans un délai bref, initialement fixé
à deux mois, à une solution négociée,
c'est-à-dire à un
plan amiable
de règlement du
passif accepté par le débiteur et ses créanciers. La
commission avait la possibilité de demander au juge de suspendre les
poursuites individuelles engagées par les créanciers.
En cas d'échec de cette
phase conventionnelle
négociée
, le juge pouvait être saisi par le
débiteur ou les créanciers d'une demande de
redressement
judiciaire civil
. Le plan établi à l'issue de cette
procédure était imposé aux intéressés, le
juge ayant la faculté d'opérer des réductions de taux
d'intérêt, d'imposer des reports ou des
rééchelonnements de paiement des dettes sur une durée
toutefois limitée (cinq ans ou la moitié de la durée
restant à courir des emprunts en cours), ou encore de décider
d'imputer les paiements en priorité sur le capital. Il n'avait cependant
pas la possibilité d'imposer des remises de dettes, sauf dans le cas
où le prix résultant de la vente du logement principal ne
permettait pas d'apurer la créance du bénéficiaire d'une
sûreté sur l'immeuble considéré.
L'objectif poursuivi par ce dispositif à double détente
étant à la fois de
privilégier les solutions
amiables
et d'éviter un afflux de dossiers vers les juridictions, la
logique sous-jacente voulait que les créanciers, informés de la
situation d'endettement global de leur débiteur,
préféreraient les solutions négociées dans un cadre
multilatéral aux plans d'apurement imposés par le juge.
Cette procédure collective avait vocation à appréhender
très largement le phénomène du surendettement, cette
notion étant définie de façon extensive comme
l'impossibilité manifeste, pour une personne physique de bonne foi,
de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles
ou à échoir
. Elle était susceptible de
bénéficier à un particulier comme à un
ménage d'époux ou de concubins, les dettes prises en compte
correspondant à celles résultant des emprunts contractés,
mais également les dettes locatives, les dettes fiscales, les dettes
d'électricité, etc.
Son champ d'application géographique était cependant
délimité. En effet, la loi imposait comme condition la
domiciliation du débiteur sur le territoire national ou, pour les
débiteurs français domiciliés hors de France, l'existence
de dettes contractées auprès de créanciers établis
en France. Elle s'appliquait donc à des particuliers demeurant dans les
trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, où
le régime de droit local de la faillite civile résultant de la
loi du 1er juin 1924 demeurait simultanément en vigueur.
·
Après une phase d'acclimatation relativement difficile
,
la procédure novatrice instaurée en 1989 a produit des
résultats globalement positifs tout en révélant certaines
limites qui ont conduit à la réforme de 1995.
La loi de 1989 s'est heurtée, au début de sa mise en oeuvre,
à certaines difficultés d'ordre à la fois psychologique et
pratique.
Les créanciers, en particulier les établissements de
crédit, se sont montrés peu coopératifs, contestant
fréquemment la recevabilité des dossiers, mettant en cause la
bonne foi des débiteurs et s'opposant aux propositions de
règlement amiable des commissions. Ainsi, en 1990, le bilan
d'activité des commissions de surendettement établi par la Banque
de France révèle que la proportion de dossiers ayant abouti
à l'adoption d'un plan conventionnel par rapport à ceux ayant
débouché sur un constat de non accord s'est élevée
à 45 %. Ce ratio a cependant connu une progression rapide les
années suivantes (58 % en 1991, 62 % en 1992) pour atteindre 63 % en
1993 et 1994, témoignant d'une meilleure acceptation de la
procédure par les créanciers, acquise grâce aux actions de
concertation menées au sein du comité consultatif du Conseil
national du crédit et des groupes de travail constitués à
l'initiative de la Banque de France et de la profession bancaire.
La procédure a par ailleurs connu une période de
" rodage ", néanmoins relativement brève,
nécessaire à l'organisation des travaux des secrétariats
des commissions et a souffert de la lourdeur de certaines formalités
imposées par les décrets d'application, telles que la
multiplication des envois de lettres recommandées avec demande d'avis de
réception.
L'entrée en vigueur du dispositif a en outre créé un effet
d'appel provoquant d'emblée un engorgement des commissions, avec un
nombre de dossiers déposés en 1990 excédant d'environ
20.000 celui enregistré au cours de chacune des quatre années
suivantes.
Malgré les difficultés caractérisant cette phase
d'adaptation, somme toute relativement courte, et un nombre cumulé de
dossiers déposés ayant franchi dès 1992 le seuil des
200.000 annoncé en 1989,
le dispositif s'est
révélé efficace
: le taux de conclusion de plans
amiables par rapport aux constats d'échec s'est
régulièrement accru et, en dépit d'un rythme soutenu de
dépôts, le stock des dossiers restant à traiter en phase
amiable en fin d'année est passé de plus de 44.000 en 1990
à moins de 18.000 en 1994, ce qui témoigne d'importants gains de
productivité dans le travail accompli par les commissions.
·
Toutefois,
ce bilan globalement positif doit être
nuancé
.
Avec la nette dégradation de la conjoncture économique à
partir de la fin de l'année 1992, les procédures
instaurées en 1989 ont été confrontées à un
changement de nature du surendettement
liée à la
fragilisation de la structure financière des ménages : les
situations de surendettement ont dès lors davantage
résulté d'une contraction brutale des ressources perçues
que d'une consommation excessive de crédits. Les dossiers
" à dominante sociale ", caractérisés par une
incapacité à faire face aux dépenses de la vie courante,
se sont multipliés.
Les limites du dispositif
sont en outre apparues :
- le plafonnement, à partir de 1993, du taux de réussite de la
phase amiable aboutissant à l'adoption consensuelle d'un plan
d'apurement ;
- le refus quasiment systématique des créanciers d'accepter des
abandons de créances, ceux-ci préférant consentir des
moratoires dans les cas où la solvabilité du débiteur est
presque inexistante, voire négative ;
- le non-respect du délai de deux mois imparti aux commissions pour
traiter les dossiers ;
- l'absence d'organisation d'un suivi de l'exécution des plans et le
constat de difficultés éprouvées par un certain nombre de
débiteurs pour honorer leurs engagements ;
- des délais souvent excessifs pour l'établissement des plans de
redressement judiciaire civil, recouvrant des disparités
considérables d'un département à l'autre. Cette
dernière observation fut formulée, dès 1991, par M. Roger
Léron, député de la Drôme, chargé par le
Gouvernement de procéder à une évaluation de l'application
de la loi du 31 décembre 1989
3(
*
)
.
L'allongement des délais correspondant à la phase judiciaire,
dû en partie à la nécessité pour le juge de
réitérer l'instruction des dossiers ayant
généralement évolué depuis leur examen par la
commission, ainsi que le rythme soutenu des flux annuels de dépôts
de dossiers ont abouti à un engorgement des tribunaux, justification
essentielle de la réforme de 1995.
2. La réforme du 8 février 1995 : les commissions de surendettement au coeur du dispositif
La loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, entrée en vigueur le 1er août 1995, tend à améliorer l'efficacité du dispositif instauré par la loi Neiertz, qu'elle remodèle de façon substantielle, sans toutefois modifier son champ d'application.
a) Un champ d'application inchangé
Demeure susceptible de bénéficier de la
procédure de traitement du surendettement, tout débiteur de bonne
foi, personne physique, dont la situation est caractérisée par
l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses
dettes non professionnelles exigibles ou à échoir.
Conformément à l'esprit de la loi, la jurisprudence a
interprété largement la notion de surendettement en
appréciant la situation financière du débiteur au regard
de l'ensemble de ses ressources et de ses charges
4(
*
)
ainsi que de ses biens
5(
*
)
. L'appréciation de l'existence d'une situation
de surendettement relève de l'appréciation souveraine des juges
de fond.
Le régime rénové résultant de la réforme de
1995 continue en outre à être applicable dans les trois
départements d'Alsace-Moselle, concomitamment avec la procédure
spécifique de droit local dénommée couramment
" faillite civile ".
LA FAILLITE CIVILE
Le système de droit local dit de " la faillite
civile " est fondé sur les articles 22 à 24 de la loi
du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises
dans les départements du
Haut-Rhin,
du
Bas-Rhin
et de la
Moselle
: il permet d'appliquer aux débiteurs qui ne sont ni
commerçants, ni artisans, ni agriculteurs et qui se trouvent en
état d'insolvabilité notoire les procédures collectives de
redressement et de liquidation judiciaires des entreprises résultant de
la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 modifiée en 1994 (article 234 de
la loi du 25 janvier 1985).
Le bénéfice de cette procédure est ouvert aux
débiteurs domiciliés dans l'un des trois départements
précités lorsque leur
insolvabilité notoire
est
constatée, c'est-à-dire lorsque des circonstances
extérieures (poursuites individuelles, procédures civiles
d'exécution) révèlent cette insolvabilité et que la
situation patrimoniale est durablement compromise.
Aucune condition de bonne
foi n'est requise
.
Les débiteurs concernés
sont :
- les particuliers, salariés ou anciens salariés,
- les personnes privées d'emploi,
- les membres des professions libérales,
- les anciens commerçants ou artisans qui ne peuvent plus
bénéficier de la procédure commerciale,
- les dirigeants d'une personne morale en redressement judiciaire
condamnés à supporter son passif.
La procédure
est ouverte par le
tribunal de grande instance
(TGI)
, généralement sur déclaration du débiteur
ou sur assignation d'un créancier.
Le régime applicable est le
régime simplifié
(absence de désignation d'un administrateur judiciaire,
période d'observation limitée à quatre mois, renouvelable
une fois).
Le jugement d'ouverture a pour effet :
- la
suspension des poursuites individuelles et des procédures
civiles d'exécution
,
- l'obligation, pour les créanciers, de déclarer leurs
créances à un mandataire,
- l'interdiction, pour le débiteur, de payer les dettes
antérieures. Celui-ci reste cependant tenu des dettes courantes.
L'issue de la procédure
est :
- soit le
redressement
judiciaire, si un plan d'apurement peut
être établi,
- soit la
liquidation
judiciaire.
En cas de redressement judiciaire, le tribunal décide, au terme de la
période d'observation, d'un plan de continuation d'une durée
maximale de dix ans organisant l'apurement du passif. Si le débiteur ne
parvient pas à honorer les engagements inscrits dans le plan, celui-ci
est résolu et la liquidation judiciaire prononcée. A l'issue de
la procédure de liquidation, le tribunal prononce la clôture, le
plus souvent pour insuffisance d'actif. Les créanciers ne recouvrent pas
leur droit de poursuite individuelle sauf pour les créances
alimentaires, en cas de fraude fiscale ou de condamnation pénale pour
des faits étrangers à l'activité professionnelle du
débiteur, et au profit de la caution.
Le jugement de redressement ou de liquidation judiciaires fait l'objet d'une
mention portée au Livre foncier à la diligence du mandataire de
justice ainsi que de publications légales.
b) Une procédure en trois phases
Sans modifier le champ d'application de la procédure de
traitement du surendettement ni les critères de recevabilité de
la demande,
la loi du 8 février 1995 a fait de la commission de
surendettement la cheville ouvrière du dispositif
. La commission
devient un point de passage obligé alors que depuis 1989 l'alternative
s'offrait au débiteur de saisir soit la commission, soit le juge.
La dualité des procédures de règlement amiable et de
règlement judiciaire civil a été abandonnée au
profit d'une procédure en trois étapes.
·
La phase amiable
étant
maintenue
, l'innovation
principale consiste à confier aux commissions, en cas de
désaccord constaté, la mission d'élaborer un plan de
réaménagement des dettes auquel le juge de l'exécution est
chargé de conférer force exécutoire.
· Cette deuxième phase, permettant à la commission de
formuler des
recommandations
après avoir recueilli les
observations des partis, est ouverte à la demande du débiteur.
Les mesures susceptibles d'être recommandées sont celles que le
juge pouvait imposer dans le cadre de l'ancienne procédure de
redressement judiciaire civil : report ou rééchelonnement des
dettes, imputation prioritaire des paiements sur le capital, réduction
des taux d'intérêt, diminution du solde restant dû d'un
prêt immobilier contracté pour l'acquisition du logement principal
après la vente de l'immeuble concerné (art. L. 331-7 du code de
la consommation) .... Le déroulement de la procédure ne peut plus
être bloqué, comme sous l'empire du droit antérieur, par
des contentieux relatifs au montant des créances car l'article L. 331-4
du code de la consommation réserve à la commission la
faculté de saisir le juge d'une demande de vérification de la
réalité des créances litigieuses ou douteuses. En outre,
la commission peut demander au juge de prononcer la suspension des
procédures d'exécution, acquise pour la durée de la
procédure devant la commission, dans la limite d'un an.
·
Les mesures recommandées peuvent être
contestées dans les quinze jours de la notification. A défaut, le
juge leur confère force exécutoire
après en avoir
vérifié la régularité, c'est-à-dire
s'être assuré que la procédure a été
respectée et que les recommandations correspondent bien aux mesures
pouvant être prescrites par la commission. L'ordonnance ainsi rendue est
insusceptible d'appel.
En cas de contestation, ce système offre l'avantage de faire
bénéficier le juge de l'expertise technique de la commission
alors que, précédemment, il se trouvait fréquemment
contraint de reprendre à son point de départ l'instruction des
dossiers, la situation du débiteur ayant généralement
évolué depuis son examen par la commission.
Le juge dispose, à ce stade de la procédure, de larges pouvoirs.
Il peut prescrire toute mesure d'instruction et obtenir communication de tout
renseignement lui permettant d'apprécier la situation du
débiteur. Il peut vérifier, même d'office, la
validité et le montant des titres de créances, alors qu'à
l'étape précédente, il ne peut le faire qu'à la
demande de la commission, celle-ci n'exerçant qu'un contrôle de
cohérence financière des dossiers transmis sur la base des
déclarations d'endettement faites par le débiteur. Il peut enfin
ordonner par provision l'exécution d'une ou plusieurs recommandations
émanant de la commission. Par le jugement statuant sur la contestation,
le juge de l'exécution peut retenir tout ou partie des mesures
recommandées par la commission, les compléter et prévoir
des mesures nouvelles dans les limites fixées par l'article L. 331-7 du
code de la consommation. Il apprécie souverainement les mesures propres
à assurer le redressement de la situation du débiteur. Ce
jugement, en vertu de l'article 31 du décret du 9 mai 1995, est
susceptible d'appel.
Les mesures rendues exécutoires ou résultant du jugement statuant
sur la contestation sont opposables aux créanciers parties à la
procédure qui ne peuvent dès lors pas exercer de mesures
d'exécution contre les biens du débiteur pendant la durée
du plan.
c) Un dispositif original dans le concert international
Le dispositif français de traitement du surendettement des ménages se distingue nettement des systèmes étrangers . Son originalité réside dans le fait que cette procédure concerne exclusivement les particuliers, personnes physiques, pour leurs dettes non professionnelles, qu'elle est pour l'essentiel extra-judiciaire et se déroule sous l'égide de la Banque de France.
LES MÉCANISMES DE TRAITEMENT DU SURENDETTEMENT
AUX ÉTATS-UNIS ET EN ALLEMAGNE
Les mécanismes juridiques en vigueur à
l'étranger s'apparentent à la faillite civile et peuvent
être classés en deux catégories obéissant à
des logiques différentes : alors que dans les pays d'origine latine
l'accent est mis sur l'aspect répressif afin de sanctionner le
débiteur qui n'honore pas ses engagements, l'objectif poursuivi dans les
pays d'origine anglo-saxonne est de protéger des partenaires
économiques du débiteur et de parvenir au
désintéressement des créanciers.
1. Le modèle américain :
La loi fédérale américaine
tend à éviter
les inconvénients de la liquidation et décharge le
débiteur de bonne foi du poids de dettes accablantes. La
déclaration de faillite est faite par le débiteur lui-même
ou demandée par les créanciers dès lors que la
créance excède un certain seuil. Trois procédures peuvent
être mises en uvre : la réorganisation, l'ajustement des
dettes d'un individu possédant un revenu régulier ou la
liquidation.
La réorganisation permet à une entreprise ou à un
particulier de se placer sous la " protection " du juge en
prenant
des mesures de réaménagement de ses dettes. Le plan correspondant
doit être accepté par les différentes catégories de
créanciers à une double majorité qualifiée (les
deux tiers du montant des créances et plus de la moitié des
créanciers). Il doit être ratifié par la commission des
faillites et, dès lors, oblige le débiteur. Sauf exception
prévue par le plan, ce dernier est alors déchargé de son
passif.
La procédure d'ajustement des dettes d'un débiteur
possédant un revenu régulier permet à un particulier
d'affecter, sous la protection du juge, une partie de ses revenus au paiement
de tout ou partie de ses dettes pendant une période d'une durée
maximale de cinq ans. Le débiteur établit un plan par lequel il
s'engage à fournir à un expert, dénommé
" trustee ", désigné par le tribunal, la part de ses
revenus futurs nécessaire à l'exécution du plan. Le
tribunal homologue le plan si le débiteur est de bonne foi. Après
achèvement des paiements prévus, ce dernier
bénéficie de la décharge de toutes ses dettes à
l'exception des prêts hypothécaires de longue durée, des
créances alimentaires et de la plupart des créances fiscales.
A défaut de pouvoir utiliser ces deux procédures, la faillite
individuelle est prononcée : ses actifs sont liquidés et ses
dettes effacées.
2. Le modèle allemand :
En ce qui concerne
l'Allemagne
, le droit actuellement en vigueur
prévoit trois procédures différentes pour régler
les cas d'insolvabilité : la procédure de faillite
entraînant la liquidation du patrimoine du débiteur ; la
procédure du concordat tendant à permettre l'assainissement de la
situation financière du débiteur de bonne foi ; un
régime dit de " l'exécution forcée
générale " applicable uniquement dans les cinq nouveaux
Länder.
Une nouvelle loi du 18 octobre 1994, dont l'entrée en vigueur est
fixée au 1
er
janvier 1999, doit cependant se substituer
à ce triple régime. Cette procédure d'insolvabilité
n'est ouverte que si l'échec d'une tentative d'accord amiable
extrajudiciaire est établi. Si tel est le cas, le débiteur
fournit au tribunal un état de son patrimoine et un projet de plan
d'apurement de ses dettes qui est soumis aux créanciers. Si ceux-ci
l'approuvent, le plan vaut transaction judiciaire. En cas de rejet du plan, une
procédure simplifiée de liquidation est engagée. Dans
l'hypothèse où cela ne suffit pas à
" éponger " le passif, le débiteur de bonne foi, sous
réserve d'accepter des saisies sur salaire pendant sept années au
profit des créanciers, peut demander au tribunal d'être
définitivement libéré de ses dettes au terme de cette
période probatoire.
Cette procédure nouvelle, approuvée à l'unanimité
par le Bundestag, est relativement comparable à celle en vigueur aux
États-Unis.
Ce système a pour corollaires l'existence d'un fichier positif et une
obligation de déclaration de domiciliation.
B. UN DISPOSITIF CONFRONTÉ À UN PHÉNOMÈNE DU SURENDETTEMENT COMPLEXE ET ÉVOLUTIF
Avant de présenter les différentes formes du
surendettement et les évolutions du phénomène, le groupe
de travail tient à souligner
le manque d'éléments
chiffrés et qualitatifs permettant d'apprécier ce
phénomène
.
Il n'existe en effet aucune publication régulière de statistiques
sur le profil des surendettés ou encore sur les causes du
surendettement. Par ailleurs, si l'Observatoire de l'endettement des
ménages entreprend périodiquement l'analyse de l'endettement des
particuliers, l'exercice n'a pas vocation à permettre une meilleure
appréhension de la population des surendettés. En
définitive, le groupe de travail a dû se contenter d'un nombre
réduit d'informations, en outre souvent anciennes et partielles, pour
dresser son constat.
Il s'agit tout d'abord de l'enquête menée par le Centre de
Recherche sur l'Épargne (CREP). C'est l'unique étude sur le
surendettement effectuée au niveau national depuis le vote de la loi
n °89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la
prévention et au règlement des difficultés liées au
surendettement des particuliers et des familles. Réalisée sur une
période limitée, d'octobre 1994 à janvier 1995,
à partir d'un échantillon réduit de 790 dossiers,
elle mériterait d'être renouvelée pour intégrer les
évolutions récentes.
Le groupe de travail s'est également appuyé sur des analyses
moins exhaustives mais plus récentes, comme les statistiques fournies
à la Banque de France par certaines commissions de surendettement ou
encore le rapport " Travail social et surendettement "
publié
en septembre 1996 par l'Observatoire national de l'action sociale
décentralisée (ODAS), concernant trois départements
français : les Alpes-Maritimes, la Savoie et les Yvelines.
En assimilant le nombre de surendettés au nombre de dossiers
déposés chaque année devant les commissions de
surendettement, on obtient les chiffres suivants :
Dépôts annuels de dossiers de surendettement en phase amiable |
||||||
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
90.174 |
68.075 |
68.830 |
68.863 |
68.608 |
70.112 |
86.806 |
Source : Banque de France |
1. Une grande diversité de situations
Le surendettement affecte une population assez hétérogène, ce qui rend la tentative d'en dresser un profil type malaisée.
a) Les caractéristiques des surendettés
De façon générale, les surendettés
constituent une population :
-
plutôt jeune
, avec une très forte
sur-représentation des 35 à 44 ans (40 % du total,
alors qu'ils ne sont que 21 % dans la population française) et, en
sens inverse, une très forte sous-représentation des
retraités. Un vieillissement relatif apparaît toutefois entre 1990
et 1993. Ainsi, la proportion des 25-34 ans est passée de 33 %
dans le rapport Léron à 19 % dans l'étude du CREP.
Selon les informations recueillies par l'ODAS, cette tendance semble perdurer
et s'expliquerait par la progression de la précarisation de la
société, qui pousserait un plus grand nombre de personnes
âgées à s'endetter pour secourir leurs descendants.
-
accordant une grande place aux employés et ouvriers
(60 % contre 33 % parmi les ménages résidents) et une
place très faible aux indépendants ;
-
où les chômeurs occuperaient également une place
importante
(18 % des ménages surendettés en moyenne) ;
-
constituée dans 77 % des cas par des ménages
mariés, vivant maritalement ou en instance de divorce et qui doit
assumer dans 76 % des cas au moins une personne à charge
. Il
convient toutefois de remarquer que si la proportion de personnes
mariées est supérieure à la moyenne nationale, c'est
également le cas pour les personnes divorcées ou
séparées. L'enquête récente de l'ODAS
révèle ainsi que l'aggravation du phénomène de
surendettement s'accompagne d'une
augmentation du nombre de personnes
isolées en situation de surendettement
. Ainsi, en Savoie, les
couples qui représentaient entre 1990 et 1993 60 % des
ménages surendettés n'en représentent plus que 52 %
en 1995. De même, le Trésorier Payeur Général de
Nice a indiqué au groupe de travail que le "surendetté" type
tendait de plus en plus à appartenir à une cellule rendue
monoparentale par un divorce, avec deux ou trois enfants à charge ;
-
avec une proportion certes élevée de locataires
(49 % contre 41 % dans la population totale)
mais aussi une
proportion sur-représentée d'accédants à la
propriété
, c'est-à-dire remboursant le prêt de
leur logement principal (38 % des surrendettés alors que ces
ménages ne constituent que 20 % de la population d'ensemble).
Toutefois, et comme le souligne le rapport de l'ODAS, ce constat doit
être nuancé selon les régions. En effet, le coût des
logements est plus élevé dans les grandes métropoles
urbaines que dans les autres zones d'habitat. Ainsi, dans le département
de la Savoie, l'existence de dettes immobilières ne concerne qu'un tiers
des surendettés, alors que selon l'étude du CREP, dans
près d'un dossier sur deux, on trouve des dettes relatives au
crédit immobilier ;
-
avec des revenus de sources très diverses,
caractérisés par une forte proportion de revenus sociaux
(82 % des ménages sont bénéficiaires de prestations
sociales), qui se traduisent par des
revenus par unité de
consommation
6(
*
)
relativement
modestes, sans être pour autant très inférieurs à la
moyenne observée dans l'ensemble de la population
. Avec, en moyenne,
un revenu par unité de consommation de 4.300 francs, les
surendettés se situent entre les deuxième et troisième
déciles tels qu'ils apparaissent dans les revenus fiscaux par
unité de consommation de 1990.
En définitive et face à la diversité des situations,
il
semble difficile de parler d'un profil du surendetté
.
L'analyse des capacités de remboursement brutes mensuelles
7(
*
)
confirme ce constat.
Il apparaît ainsi que 1 % des ménages ont une capacité
nulle ou négative, un tiers d'entre eux ont une capacité de
remboursement inférieure au montant de leurs mensualités de
crédits, mais 26 % ont une capacité brute de remboursement
de plus de 10.000 francs.
Le groupe de travail tient toutefois à souligner que les informations
présentées par le CREP sont à utiliser avec prudence. En
effet, elles comparent la situation des surendettés à celle de la
population française. Il eût été plus pertinent
d'analyser les caractéristiques des surendettés par rapport
à l'ensemble des personnes endettées.
b) La part des différents crédits dans le phénomène du surendettement
Dans l'échantillon utilisé par le CREP
pour son étude sur le profil des surendettés couvrant
l'année précédant la réforme de 1995,
seulement
3 % des surendettés le sont pour des raisons indépendantes
du recours au crédit
(arriérés de charges diverses,
d'impôts, de cotisations sociales...), 30 % le sont uniquement au
titre des crédits souscrits et les deux tiers ont un passif qui provient
des deux origines.
Parmi les 97 % de surendettés dont le passif comporte des
crédits, deux pôles apparaissent nettement :
-
un peu plus de la moitié des personnes concernées le
sont majoritairement ou uniquement au titre des divers crédits à
la consommation ;
-
l'autre moitié a contracté un ou plusieurs prêts
immobiliers pour l'acquisition de la résidence principale, prêts
le plus souvent complétés par divers crédits à la
consommation.
En moyenne, le passif total en situation initiale (crédits à
rembourser et arriérés de charges) s'élève à
plus de 270.000 francs et la charge mensuelle moyenne concernant les seuls
remboursements de prêts dépasse 6.000 francs. Or, si l'on
calcule la capacité nette moyenne de remboursement des ménages,
on parvient à un montant inférieur à 3.000 francs.
En définitive et à ce niveau de l'analyse, il apparaît que :
-
les situations de surendettement résultent pratiquement toutes
du multi-endettement
, qu'il s'agisse de la multiplication des
crédits à la consommation ou de la coexistence d'un prêt
immobilier et de crédits à la consommation;
- si le surendettement est lié dans la majorité des cas
à l'endettement des ménages, ce dernier est réparti
inégalement entre crédit immobilier et crédits à la
consommation.
Au total, le crédit à la consommation concerne
87 % des plans et le crédit immobilier 50 %, soit une
prépondérance du surendettement lié à la
consommation
. En outre, il est à noter que l'immobilier seul est
rarement une cause de surendettement (5 % des dossiers) alors que le
crédit à la consommation en est responsable dans 42% des cas.
L'excès de crédit apparaît donc comme
l'élément principal du surendettement, puisque seuls 3 % des
plans ne contiennent aucune dette de crédit.
Toutefois, le groupe de
travail s'est demandé si c'est l'endettement en lui-même qui est
à l'origine des difficultés des ménages ou si ce sont
plutôt les circonstances ayant conduit les ménages à
s'endetter qui en sont la cause
. En effet, le rapport de 1997 de
l'Observatoire de l'endettement des ménages révèle que les
ménages endettés ne constituent pas une population
homogène, trois sous-populations pouvant se distinguer en leur
sein :
- la sous-population des ménages qui ne recourent qu'aux
crédits immobiliers et qui ne semblent pas rencontrer de
difficultés majeures avec leur endettement, celui-ci constituant une
stratégie volontaire d'anticipation ;
- la sous-population des ménages qui accompagnent leur endettement
immobilier d'un recours aux crédits de trésorerie, souvent
parce-que leur situation financière s'est dégradée ;
- la sous-population des ménages qui ne font appel qu'à des
crédits de trésorerie, qui se subdivise en fait en trois
sous-ensembles :
· des propriétaires âgés qui,
finançant un projet patrimonial, ne rencontrent aucun problème
notoire (19,6 % des ménages n'ayant recours qu'à des
crédits de trésorerie) ;
· des jeunes ménages, souvent en milieu urbain, issus de
catégories aisées ou intermédiaires, qui occupent le parc
locatif privé. Leur endettement s'inscrit dans un style de vie choisi ;
· des ménages pour qui les charges de remboursement sont
très élevées. Ce sont en majorité des locataires du
secteur HLM, de milieu modeste, avec un nombre d'enfants à charge plus
élevé que la moyenne. Ils gèrent difficilement leur
endettement fréquemment associé à de la consommation
courante, qui s'accompagne souvent d'un découvert bancaire pour essayer
d'atténuer les difficultés de trésorerie.
A l'examen des résultats qui précèdent, il ne semble
donc pas que le recours à l'endettement se trouve exclusivement à
l'origine des difficultés rencontrées ou ressenties par les
ménages, même si le poids des charges nouvelles qu'il
entraîne est de nature à aggraver leur situation
financière.
En effet, les ménages confrontés à un problème de
surendettement semblent être des personnes déjà
fragilisées par leur situation économique. La survenance
d'événements extérieurs (chômage, divorce,
dégradation de la situation financière, nécessité
de changer de véhicule...) les pousse à s'endetter davantage et
à aggraver ainsi leurs difficultés, alors même que ce
recours au découvert bancaire et aux crédits de trésorerie
constituait une tentative pour desserrer une contrainte de budget devenue
insupportable.
LE RÔLE ET LA PLACE DES CRÉDITS DE TRÉSORERIE (( * )1)
Lorsque les ménages souscrivent des crédits de
trésorerie, c'est en priorité pour financer l'acquisition d'un
véhicule de transport
(50,9 % des ménages
endettés au titre des crédits de trésorerie)
ou d'un
bien d'équipement du logement
(36,1 %).
Mais les ménages font aussi appel à des crédits de
trésorerie pour faire face à leurs dépenses courantes ou
à une facture exceptionnelle. Ils sont 31,4 % dans ce cas et
l'examen des situations particulières associées est
intéressant :
- lorsque les ménages rencontrent des difficultés sociales,
familiales ou professionnelles les contraignant à s'endetter pour
"boucler leurs fins de mois" et lorsqu'ils déclarent ne pouvoir y
arriver qu'avec des dettes, ils "surconsomment" les crédits de
trésorerie. Ils cherchent alors à desserrer la contrainte de
budget qui pèse sur eux et financent leurs dépenses de
consommation courante par recours à l'emprunt. Ils font alors, moins que
les autres, usage de crédits de trésorerie pour acquérir
un bien d'équipement du logement ou un véhicule de transport (on
peut d'ailleurs vérifier que lorsque les ménages sont contraints
à s'endetter pour cela, leur situation est encore plus tendue) ;
- en revanche, lorsque les ménages estiment que leurs ressources
courantes sont insuffisamment élevées pour qu'ils se
considèrent "à l'aise" ou lorsqu'ils n'ont pas été
contraints à l'endettement pour desserrer la contrainte de budget (la
charge de la dette est alors très supportable), ils s'endettent à
court terme pour financer un projet ou un rêve : ils s'équipent et
ils voyagent.
Le recours à l'endettement de trésorerie et au découvert
bancaire constitue donc un puissant révélateur des conditions
économiques et financières dans lesquelles le ménage doit
gérer sa contrainte de budget.
2. Du surendettement actif" au "surendettement passif"
Le groupe de travail a également constaté un changement dans la nature du phénomène du surendettement.
a) Le changement de nature du surendettement
Depuis le vote de la loi Neiertz, le profil des
surendettés a nettement évolué. Certes, il serait inexact
de prétendre que l'on est passé d'un surendettement actif,
caractérisé par une accumulation exagérée de
crédits eu égard aux revenus, à un surendettement passif,
déclenché par l'apparition d'un événement
extérieur qui affecte gravement la capacité de remboursement des
ménages. La réalité est plus contrastée et
mêle les deux composantes. Il ne faut ainsi pas oublier que, parmi les
dossiers déposés auprès des commissions de surendettement,
seuls 6,8 % présentent un endettement bancaire compris entre
0 % et 20 % des dettes totales (même si dans certaines zones
géographiques où les problèmes sociaux se posent avec une
particulière acuité, ce pourcentage peut atteindre 11 %,
voire 15 %).
En outre, l'étude du CREP révèle que les causes
déclarées du surendettement ne sont pas clairement
identifiées pour environ 55 % des dossiers et évalue la part
des surendettés passifs à 48 %, contre 42 % de
surendettés actifs.
Toutefois, il semble que les baisses de ressources consécutives aux
aléas affectant la situation personnelle des débiteurs, notamment
la perte d'emploi, pèsent d'un poids significatif dans les causes de
surendettement.
Ainsi, une enquête typologique réalisée par la Banque de
France dans le courant de l'année 1993 faisait ressortir que le
pourcentage de dossiers de surendettement lié à la perte d'emploi
atteignait 40 %, alors que selon une enquête
précédente, réalisée en 1991, ce pourcentage
était seulement de 27 % de l'ensemble des dossiers examinés.
D'autres études confirment cette évolution.
Ainsi, l'ODAS, dans son rapport, souligne que dans le département de la
Savoie, la structure des causes du surendettement reste quasiment stable
jusqu'en 1992 pour se modifier brusquement en 1993 : le chômage
accroît son impact et représente alors plus de 40 % des
causes. L'excès d'endettement à ressources inchangées ne
représente plus qu'un quart des dossiers, puis un sur six en 1995.
Les statistiques fournies par certaines commissions de surendettement sur les
causes de surendettement laissent également penser que le
déséquilibre budgétaire familial résulte de plus en
plus souvent d'un choc économique qui ne permet plus d'honorer les
engagements financiers contractés dans le passé.
Commission de l'Indre |
|||
Causes du surendettement |
Année 1994 |
Année 1995 |
Année 1996 |
Chômage |
46,11% |
42,85% |
48,70% |
Divorce/séparation |
17,78% |
18,98% |
25,32% |
Surendettement lié à la consommation |
24,40% |
19,71% |
14,28% |
Accession à la propriété |
25,55% |
21,17% |
20,45% |
Accident de la vie |
15,55% |
13,14% |
17,21% |
Perte ou faiblesse des ressources |
10,55% |
10,00% |
7,50% |
Diverses (caution, mauvaise gestion, logement onéreux...) |
11,67% |
16,25% |
17,06% |
Commission de Pontoise |
|||
Causes du surendettement |
Année 1994 |
Année 1995 |
Année 1996 |
Chômage |
38,00% |
35,00% |
42,00% |
Maladie |
17,00% |
24,00% |
11,00% |
Séparation ou décès |
21,00% |
20,00% |
20,00% |
Suppression ou diminution des prestations sociales |
1,00% |
11,00% |
4,00% |
Causes indéterminées |
22,00% |
11,00% |
23,00% |
Total |
100% |
100% |
100% |
b) L'évolution des causes du surendettement
Le changement de nature du surendettement est strictement
lié à l'évolution de ses causes.
L'affirmation de ce phénomène à partir du milieu de la
décennie quatre-vingt résulte de la combinaison de plusieurs
facteurs :
- la faible croissance du pouvoir d'achat des ménages dans un contexte de désinflation
La croissance du pouvoir d'achat du revenu disponible des
ménages a fortement fléchi en 1979 et 1980, puis a connu un
nouveau coup d'arrêt à partir de 1983 après deux
années de reprise à la faveur d'une politique de relance. Dans ce
contexte, les ménages ont été conduits à emprunter
pour maintenir leur consommation. Ce phénomène a
été alimenté par les anticipations de ces derniers,
fondées sur une longue période d'inflation, à un moment
où les politiques monétaires menées dans la plupart des
pays industrialisés débouchaient sur une désinflation
durable. La conjonction de ces deux facteurs - ralentissement conjoncturel de
la croissance du pouvoir d'achat et mauvaise anticipation de l'inflation - a
conduit les ménages à supporter des taux d'effort (remboursement
d'emprunt/revenu) plus élevé qu'auparavant, sur une plus longue
période.
-
le volontarisme des pouvoirs publics en matière d'accession
à la propriété
Trois causes liées directement au système public de financement
de l'accession à la propriété expliquent les
difficultés financières des accédants à la
propriété : les prêts d'accession à la
propriété à intérêt progressif ; la fiction
d'une aide publique considérée comme un apport personnel ; le
tropisme pour le logement neuf.
Les prêts d'accession à la propriété à
intérêts progressifs
sont la cause la plus immédiate et
la plus visible. De 1977 à 1991, les prêts d'accession à la
propriété étaient assortis d'un mécanisme de
progressivité des remboursements. Ils étaient en effet
conçus pour solvabiliser des ménages dont les revenus nominaux
augmentaient rapidement. Or, sitôt mis en place, ces prêts ont
créé un effet de ciseaux entre des charges d'intérêt
croissantes et des revenus que la désinflation avait rendu stagnants. En
effet, dès 1982, les taux d'intérêt réels des
prêts d'accession à la propriété sont devenus
positifs, l'écart avec le taux d'inflation ne cessant de croître
par la suite. A partir de 1987 sont apparus des prêts d'accession
à la propriété à annuités constantes, mais
ils conservaient un taux d'intérêt progressif.
Les accédants sinistrés en plus grand nombre sont ceux qui
avaient obtenu un prêt d'accession à la propriété
entre 1980 et 1985. C'est aussi dans cette période que furent
accordés le plus grand nombre de prêts. Mais plutôt que de
baisser le taux d'intérêt des nouveaux prêts, les
gouvernements successifs ont préféré en réduire le
nombre. Bien que leur nocivité fût établie dès le
milieu des années 80, les intérêts progressifs n'ont
été supprimés qu'en 1991.
Les prêts d'accession à la
propriété à intérêts progressifs
Taux d'intérêt |
Taux d'inflation |
nombre de prêts d'accession à la propriété délivrés |
|
1981 |
jusqu'au 30/06: 9,30 sur 9 ans
puis
12,80
|
13,9 |
171.273 |
1982 |
10, 80 sur 4 ans puis 12,90 sur 3 ans puis 14, 70 |
9,7 |
170.679 |
1983 |
jusqu'au 31/07 : 9,95 sur 5 ans
puis
12,55 sur 2 ans puis 13,70
|
9,3 |
144.447 |
1984 |
9,25 sur 5 ans puis 9,90 sur 2
ans
puis 12,45
|
6,7 |
152.698 |
1985 |
à partir du 1er/02 : 9,10 pendant 5 ans puis 9,65 sur 2 ans puis 12,15 |
4,7 |
117.146 |
1986 |
9,00 sur 6 ans, puis 9,35 sur 1
an,
puis 11,65
|
2,1 |
109.713 |
1987 |
prêts d'accession à la
propriété
à annuités progressives : idem
|
3,1 |
80.000 |
1988 |
idem |
3,1 |
70.711 |
1989 |
idem |
3,6 |
51.156 |
1990 |
idem |
3,4 |
38.117 |
1991 |
suppression du prêts
d'accession à la
propriété à annuités progressives à partir
du 1er/02
|
3,1 |
39.426 |
En second lieu, les pouvoirs publics entretiennent depuis
toujours
la fiction de systèmes de financement public de l'accession
à la propriété constituant pour leur
bénéficiaire un apport personnel
.
L'apport personnel est normalement constitué des fonds propres que
l'accédant peut injecter dans son opération. Le taux de l'apport
personnel est directement proportionnel à la probabilité de
réussite de cette opération : plus il est
élevé, plus il est probable que l'accédant pourra faire
face jusqu'au bout à ses échéances et acquérir
ainsi son logement définitivement.
Or, pour favoriser l'accession à la propriété, les
gouvernements successifs ont fait considérer aux établissements
de crédit que les aides publiques étaient constitutives d'apport
personnel, y compris s'agissant de prêts. Pourtant, seul l'effort
d'épargne préalable ou, le cas échéant, le produit
de la vente d'un autre bien, constitue un apport personnel réel : il
démontre la capacité du ménage à faire face
à des échéances futures et garantit au créancier
que la valeur du bien acquis est supérieure au montant emprunté.
L'aide personnalisée au logement est la seule aide qui puisse se
rapprocher d'un apport personnel, car elle est acquise à son
bénéficiaire comme une subvention. Mais, d'une part, il ne s'agit
pas d'une épargne préalable (elle sera versée au cours de
la période de remboursement des prêts) et, d'autre part, elle ne
provient pas d'un effort réalisé par le ménage
accédant. De fait, les accédants bénéficiaires de
l'aide personnalisée au logement se révèlent parmi les
plus fragiles.
En revanche,
les prêts, fussent-ils aidés par la
collectivité, restent dans tous les cas constitutifs d'un
endettement
.
C'est donc au prix d'une fiction étrange qu'ils
peuvent être présentés comme le contraire de ce qu'ils
sont
. Ainsi jusqu'en 1990, la réglementation des prêts
d'accession à la propriété prévoyait que l'apport
personnel permettant d'en bénéficier pouvait être
constitué de prêts du "1% logement", de prêts
d'épargne-logement ou d'autres prêts sociaux. Ce n'est qu'à
compter du 16 février 1990 qu'un décret a rendu obligatoire un
apport personnel réel de 10%. Or, environ la moitié des
ménages accédants en prêts d'accession à la
propriété avaient un apport réel inférieur à
5%.
Malheureusement, cette fiction dangereuse a toujours cours aujourd'hui. On
pouvait ainsi lire dans la publicité commerciale d'un magazine
d'annonces de ventes de logements neufs publié par le journal "Le
Monde"
daté du 30 septembre 1997 :
"A quoi sert l'apport personnel ?"
"Un apport personnel est indispensable pour envisager
un achat
immobilier dans de bonnes conditions. Si cette somme est insuffisante, certains
prêts peuvent entrer dans sa composition. Explications."
Suit un paragraphe expliquant que les établissements de crédit
exigent un minimum d'apport personnel, mais que certains prêts peuvent
permettre de "le boucler".
"Les prêts constitutifs d'apport personnel :
. le prêt à taux zéro,
. l'épargne-logement,
. le 1 % logement,
. les prêts des caisses de retraites,
. les prêts des collectivités locales,
. le crédit-relais."
Ni le quotidien support de la publicité, ni le magazine annonceur ne
sont en cause dans ce type de présentation.
L'ambiguïté est en effet entretenue par les pouvoirs publics sur la
nature des aides à l'accession à la propriété. Or,
si en période d'inflation forte, les crédits à taux
réduits pouvaient paraître incorporer une fraction d'apport
personnel, ce n'est plus le cas avec une dérive des prix quasiment nulle.
Enfin, la cause la plus profonde de surendettement des accédants
à la propriété réside dans le
tropisme excessif
de notre politique d'accession sociale vers le logement neuf.
Une opération d'accession à la propriété devrait
être, en principe, auto-sécurisée : la valeur du bien
acheté garantit l'emprunt consenti sous forme d'hypothèque. Mais
cette garantie ne fonctionne réellement pour le débiteur que si
deux conditions sont réunies : le maintien de la valeur de son bien ; la
possibilité de le vendre rapidement. Il doit pouvoir facilement se
retrouver dans la situation qui précédait l'opération s'il
est amené à céder son logement.
Les aides publiques les plus fortes (prêts bonifiés, aides
personnelles, réductions d'impôt, exonération de la taxe
foncière sur les propriétés bâties) sont
accordées aux acquéreurs de logements nouvellement construits, ou
en construction, tandis que les logements anciens sont pénalisés
par des entraves, telles que les droits de mutation à titre
onéreux. Cela entraîne deux phénomènes : une demande
orientée vers le neuf rendant plus difficiles les ventes de logements
anciens, et surtout des prix artificiellement relevés.
Or tout logement neuf devient ancien dès qu'un ménage est
entré dans les lieux. Instantanément, il perd une partie de sa
valeur, car il est grevé de frais à la revente et les acheteurs
potentiels, soit bénéficient d'aides très
inférieures, soit ne bénéficient d'aucune aide : c'est
le phénomène de la
décote.
Aucune synthèse nationale ne permet de quantifier une décote
moyenne. L'ADIL du Doubs a cependant constaté en 1991 une décote
de 8 % sur un échantillon de logements revendus cinq ans au plus
après leur construction. Pour les maisons individuelles, les
décotes variaient de 12 % à 33 %.
La décote est un facteur de surendettement d'autant plus important
qu'elle a tendance à frapper des résidences acquises par des
ménages modestes. La raison en est simple : les plus puissants leviers
de solvabilisation de l'accession à la propriété en faveur
des logements neufs (prêt à taux zéro, aides
personnalisées au logement, aides des collectivités locales)
concernent les ménages les plus modestes. Le type de biens acquis
grâce à ces aides - en général de petites maisons en
grande banlieue - n'intéresse que cette clientèle, par nature peu
solvable lorsqu'elle ne dispose pas d'aide. Le ménage contraint de
céder son logement doit souvent le brader. Au pire, le logement est
cédé à la barre du tribunal pour la moitié de son
prix d'achat, parfois moins.
Ainsi,
pour peu que le ménage accédant ait disposé d'un
apport personnel réduit, il se retrouve potentiellement
surendetté dès qu'il acquiert un logement neuf
. S'il se
maintient dans les lieux, il n'y a pas de difficulté. Mais s'il doit
quitter son logement pour cause de divorce, chômage, mobilité
professionnelle ou changement dans la vie familiale, alors le surendettement
virtuel devient réel.
Les effets pernicieux de nos outils publics d'accession à la
propriété, forgés pour les nécessités de la
reconstruction, ont été masqués pendant longtemps
après l'achèvement de celle-ci : par l'inflation dans les
années soixante et soixante-dix, puis par la bulle spéculative
des années quatre-vingt. Leur nocivité se manifeste aujourd'hui.
Elle nécessite des réformes rapides. A défaut, la
tentation sera grande de remettre en cause notre système d'aide publique
à l'accession, qui a pourtant fait la preuve de son efficacité en
permettant à un très grand nombre de Français d'atteindre
l'un des buts les plus importants de leur vie.
- la levée de l'encadrement de crédit
De 1972 à 1987, la croissance des encours de crédits a
été limitée de façon autoritaire, dans le cadre
d'une politique visant à contenir l'augmentation de la masse
monétaire dont l'objectif final était la lutte contre
l'inflation. La suppression de l'encadrement du crédit a donc ouvert une
période d'apprentissage de la concurrence pour les établissements
de crédit. Les effets ont été déstabilisateurs pour
les ménages comme pour le système bancaire. Chez les premiers, la
levée de l'encadrement du crédit a entraîné un
accroissement sensible et brutal de la pression commerciale en faveur de
l'endettement et, a fortiori, une montée du surendettement. Chez les
banques, elle a déclenché une guerre des parts de marché,
aboutissant à une très forte progression des risques.
- l'apparition de nouveaux instruments
L'évolution du surendettement a aussi traduit un changement de la
mentalité des Français qui, se libérant avec retard de
certains préjugés contre le crédit à la
consommation, ont dû apprendre à maîtriser la gestion de cet
instrument relativement nouveau pour eux. Cette évolution culturelle a
favorisé l'acclimatation de nouveaux instruments de crédit
à la consommation, qui, elle-même, a encouragé
l'évolution des mentalités. Les prêts personnels se sont
développés, tandis que les crédits renouvelables ont
trouvé un vecteur puissant dans les cartes magnétiques.
Taux de croissance annuel de distribution des crédits aux ménages |
||||
1980 |
1985 |
1986 |
1987 |
|
Evolution de la distribution des crédits aux particuliers en % |
6 % |
21 % |
39 % |
33 % |
Cependant, aujourd'hui, ces facteurs ne permettent plus
à eux seuls d'expliquer la persistance du phénomène du
surendettement.
En effet, les ménages intègrent
désormais parfaitement le faible niveau de l'inflation dans leur projet
d'endettement. En outre, depuis dix ans, près du quart des
ménages ayant emprunté pour l'achat de l'habitation principale
ont renégocié ou réaménagé leurs prêts
au fur et à mesure de la baisse des taux, pour un total de
260 milliards de francs. En outre, si la tendance à long terme est
à l'accroissement des encours de crédits aux particuliers, depuis
1990, leur évolution s'est stabilisée en volume.
Comment alors expliquer que, depuis septembre 1995 et après une
longue période de stabilité, le nombre de dossiers de
surendettement déposés dans les commissions
s'accroît ? Le rapport de l'ODAS fait état, de
l'été 95 à l'été 96, d'une
augmentation de 25 %. Pour le second semestre 1995, la hausse
s'explique en partie par le changement de législation (certains dossiers
qui allaient directement en contentieux chez le juge passent dorénavant
au préalable par la commission). En revanche, l'accroissement en 1996
semble d'une tout autre nature.
D'une part, le surendettement est étroitement lié au contexte
économique et social de la France, qui se caractérise par une
plus grande précarité de l'emploi et un éclatement de la
cellule familiale.
Ainsi, le dépôt en forte hausse des
dossiers dits "à dominante sociale", c'est-à-dire dans lesquels
le surendettement résulte davantage d'une insuffisance structurelle de
ressources pour faire face aux dépenses de la vie courante que d'un
excès d'endettement bancaire, est très souvent le fait de
chômeurs ou de personnes divorcées (ou en état de divorce).
Le développement du surendettement par les jeux d'argent obéit
également à cette logique : incapables de desserrer leurs
contraintes budgétaires, sans perspective d'amélioration rapide
de leur situation économique, certains ménages se laissent tenter
par le jeu, ultime espoir de voir leurs problèmes résolus en un
seul instant.
D'autre part, les commissions de surendettement sont "victimes de leur
succès".
La médiatisation de la procédure à
travers les campagnes d'information ainsi que l'action des travailleurs sociaux
et des organismes de crédit qui, désormais familiarisés
avec la procédure, orientent leurs clients en difficulté vers les
commissions ont contribué à l'augmentation du nombre des dossiers
déposés.
Le groupe de travail a également constaté avec
inquiétude le développement du surendettement "par ricochet"
,
c'est-à-dire un surendettement qui affecte les particuliers de
manière indirecte, à travers les engagements qu'ils ont
contractés. Cette forme de surendettement concerne essentiellement les
cautions et les copropriétés.
Le cautionnement
revêt des formes très diverses. Il peut
être réclamé pour l'obtention d'un prêt (c'est
pratiquement systématique pour le financement d'une création
d'entreprise) mais également pour la location d'un logement. La caution
peut être endossée soit par un membre de la famille ou un proche,
soit par la personne même qui contracte le prêt si son patrimoine
est jugé suffisant. Ainsi, beaucoup de dirigeants d'entreprises
familiales ou de professions libérales se portent caution de leur
entreprise. Si la caution intervient généralement au moment de la
conclusion du contrat (de location, de prêt...), elle peut
également être exigée dans une phase ultérieure.
Ainsi, vos rapporteurs ont-ils été informés de la pratique
de certains établissements spécialisés dans la
distribution de crédits automobile qui subordonnent le maintien du
prêt, après l'apparition d'un incident de paiement, à
l'existence d'une caution.
Or, le cautionnement peut avoir des conséquences imprévisibles et
désastreuses en faisant endosser à un particulier des dettes dont
le montant dépasse largement ses capacités de remboursement. En
outre, le facteur temps contribue pour une part non négligeable au
surendettement des cautions. Dans le cas d'une location de logement, par
exemple, si la caution n'est actionnée qu'après une accumulation
considérable d'arriérés de loyers, la personne
s'étant portée caution ne pourra pas y faire face et se trouvera
de facto en situation de surendettement. Le cautionnement aboutit à une
situation identique lorsque les garanties acceptées par la banque ou
l'établissement de crédit sont sans commune mesure avec le
prêt accordé. Or, les rapporteurs ont été
informés qu'il s'agissait d'une pratique courante pour l'octroi de
crédits aux entreprises et aux professions libérales, alors
même qu'elle est illégale.
Les copropriétés sont également menacées par le
développement du surendettement "par ricochet".
En effet,
l'insolvabilité d'un, voire plusieurs propriétaires, peut
gravement déséquilibrer le budget de la
copropriété. Une telle situation se produit souvent après
le vote de travaux coûteux ou encore en cas d'accumulation importante
d'arriérés de charges. En attendant la vente des logements des
propriétaires insolvables, une contribution financière non
négligeable peut être exigée des autres
copropriétaires, qui, si elle dépasse largement leur
capacité financière, risque de les plonger dans une situation de
surendettement. Ce phénomène semble se développer depuis
quelques années.
C. LE PHÉNOMÈNE DE SURENDETTEMENT S'INSCRIT DANS UNE LOGIQUE ÉCONOMIQUE FAVORISANT LES CRÉDITS AUX PARTICULIERS
Si les ménages français sont peu endettés par rapport à leurs homologues anglo-saxons, depuis le milieu des années quatre-vingt les crédits aux particuliers se développent fortement.
1. Un faible taux d'endettement des ménages
Traditionnellement, la France se caractérise par un faible recours des ménages à l'endettement. On retrouve ici une manifestation du clivage culturel entre pays historiquement ouverts au crédit, au premier rang desquels les pays anglo-saxons, et pays historiquement fermés, parmi lesquels la France et l'Italie.
Comparaison internationales
sur le recours des
ménages à l'endettement
et le développement du
surendettement
(endettement/revenu disponible)
Royaume-Uni
|
97,9 %
|
Source
: Service des économies
étrangères
statistique pour l'année 1995
(sauf Pays-Bas, 1994, France, 1996 et Belgique, 1993)
De même, l'encours total des diverses formes de crédits à
la consommation des ménages s'avère modeste, en France, par
rapport à certains pays industrialisés.
En outre, l'analyse descriptive de la situation des
ménages endettés révèle une diversité des
itinéraires et des profils d'endettement. 63,9 % des ménages
endettés détiennent au moins un crédit immobilier et
41,8 % des ménages endettés le sont au titre de l'immobilier
seulement. 36,1 % des ménages ne le sont qu'à raison de
crédits de trésorerie, alors que 22,1 % des ménages
endettés détiennent au moins un crédit immobilier et des
crédits de trésorerie. Le rapport 1997 de l'Observatoire de
l'endettement des ménages fait état de quatre grands
modèles d'endettement :
-
le modèle de l'endettement immobilier "projet"
que
suivent
les couples mariés avec ou sans enfant(s), aux revenus
élevés et ceux des accédants qui ont préparé
leur opération (notamment par une épargne-logement
préalable) ;
-
le modèle de l'endettement à la consommation "mode de
vie"
que choisissent les jeunes couples sans enfant ou les
célibataires, locataires en milieu urbain ;
-
le modèle de l'endettement immobilier "tendu"
qui
s'impose
aux ménages à faibles ressources ayant parfois de nombreux
enfants et ne disposant pas d'une capacité suffisante d'épargne
préalable ou aux accédants qui vont devoir supporter des charges
de remboursement élevées ;
-
le modèle de l'endettement à la consommation "fin de
mois"
des locataires qui, en raison de l'insuffisance de leurs
revenus, de
la taille de leur famille, du niveau de leur loyer..., vont ainsi pallier
temporairement leurs difficultés de trésorerie. On retrouve
également dans cette catégorie des jeunes célibataires qui
vivent à la limite de leurs capacités financières.
Par ailleurs, l'endettement des ménages a fortement
évolué depuis vingt ans.
La seconde moitié des
années quatre-vingt avait connu un développement rapide de
l'endettement des ménages. La transformation du système de
financement de l'économie y a largement contribué, ainsi
d'ailleurs que la conjonction de la phase ascendante des cycles réels et
de celui de l'immobilier. Au point haut de l'endettement des particuliers, en
1989-1990, l'encours total des crédits immobiliers et de
trésorerie détenus par les ménages représentait
alors 42,9 % de leur revenu disponible.
La première moitié des années quatre-vingt-dix a en
revanche enregistré un mouvement de désendettement relativement
rapide. Ainsi, entre 1990 et 1995, l'encours total des crédits
détenus par les ménages s'est contracté de 4,1 points
de revenu disponible. Le recul de l'encours des crédits à court
terme a été plus rapide que celui des crédits immobiliers,
par nature plus inertes. Dans le même temps, la part des ménages
endettés a baissé de 3 points, passant de 52,8 %
à 49,8 %.
L'endettement des ménages (hors endettement professionnel) |
||||
Endettement en cours en fin d'année en % du revenu disponible |
Ensemble des crédits à l'habitat |
Crédits de trésorerie aux particuliers |
Ensemble de l'endettement |
Proportion des ménages endettés |
1989 |
34,0 |
8,9 |
42,9 |
52,8 |
1990 |
34,0 |
8,9 |
42,9 |
51,9 |
1991 |
33,6 |
8,2 |
41,8 |
51,6 |
1992 |
32,9 |
7,8 |
40,7 |
50,9 |
1993 |
32,4 |
7,7 |
40,1 |
50,3 |
1994 |
32,1 |
7,7 |
39,8 |
50,0 |
1995 |
31,0 |
7,8 |
38,8 |
49,1 |
1996 (provisoire) |
30,8 |
8,0 |
38,8 |
49,8 |
Toutefois, l'enquête réalisée en novembre 1996 par l'Observatoire de l'endettement des ménages semble indiquer que la tendance au désendettement est parvenue à son terme : globalement, le taux de détention ne fléchit plus que très modérément en comparaison de ce qui était observé jusqu'alors ; la diffusion des crédits immobiliers et du multi-endettement s'est même redressée, les ménages faisant plus largement appel au découvert bancaire.
2. Le fort développement des crédits aux particuliers
Les constatations précédentes ne doivent
toutefois pas faire oublier l'extraordinaire développement du
crédit aux particuliers
. Ainsi, l'encours des crédits de
trésorerie aux particuliers est passé de 12 milliards de
francs en décembre 1970 à 409 milliards de francs en
décembre 1995.
Cette évolution résulte de la combinaison de plusieurs facteurs.
a) L'encouragement de l'accession à la propriété
Les pouvoirs publics ont fortement encouragé
l'accession des ménages à la propriété.
En 1963, 59 % des Français marquaient leur préférence
pour le statut de propriétaire, 80 % en 1984. Cette
préférence se portait majoritairement sur les petites maisons
familiales de quatre à cinq pièces. Ce marché se
révèle très réactif à toute opération
favorisant l'accession : toute injection massive de prêts aidés le
relance automatiquement.
Sans aide de l'État, l'accession à la propriété est
en effet impossible pour la grande majorité des ménages. Selon
l'ANIL (Agence nationale pour l'information sur le logement), un ménage
sur cinq souhaitant accéder à la propriété
perçoit moins de 7.500 francs mensuels (ménages de deux
personnes) ou moins de 10.000 francs (couples avec deux enfants).
La politique du logement a donc constamment cherché à combler
cette inadéquation structurelle, et probablement durable, entre le
niveau des revenus et la capacité d'accès à des logements
offrant un confort normal. C'est un des principaux facteurs du fort
développement des crédits à l'habitat.
Ceux-ci ont fortement crû de 1977 à 1991, l'encours passant de 499
à 2.149 milliards de francs courants. Par la suite, la crise
immobilière a interrompu cette poussée, l'encours n'atteignant
que 2.270 milliards de francs en 1996. Entre 70% et 75% de cet encours
concernent les ménages, le reste correspondant essentiellement à
la dette des bailleurs sociaux et des promoteurs.
C'est la loi n° 77-1 du 3 janvier 1977 portant
réforme de l'aide au logement, dite "réforme Barre", qui a fait
de l'accession à la propriété une priorité de la
politique du logement. Elle a créé le Conseil national de
l'accession à la propriété (CNAP), devenu, depuis 1983, le
Conseil national de l'habitat (CNH).
Cette loi a créé
le prêt d'accession à la
propriété
pour l'acquisition de logements neufs, prêt
bénéficiant d'une bonification d'intérêt et
accordé sous conditions de ressources. Elle est également
à l'origine du
prêt conventionné
, accordé
sans conditions de ressources, mais sous plafond de prix. Non bonifié,
ce prêt est assorti d'un plafonnement de taux d'intérêt sans
aide de l'État. La loi du 3 janvier 1977 a également
créé
l'aide personnalisée au logement,
destinée à solvabiliser l'occupation de leur logement par les
ménages, qu'ils soient locataires ou accédants à la
propriété. Le prêt d'accession à la
propriété et le prêt conventionné donnaient droit
(c'est toujours le cas pour le prêt conventionné) à l'aide
personnalisée au logement. Toutefois, l'aide personnalisée au
logement a essentiellement bénéficié aux locataires et ne
sert plus que marginalement à l'accession.
Évolution du nombre de bénéficiaires de
l'aide personnalisée au logement
(milliers de ménages)
au 31 décembre |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
Accession |
918 |
852 |
773 |
740 |
708 |
680 |
Location |
1.462 |
1.655 |
1.784 |
1.888 |
2.020 |
2.115 |
Source : direction de l'habitat et de la construction
Les auteurs de la réforme de 1977 pensaient fonder,
à terme, le financement du logement sur les aides personnelles (dont
fait partie l'aide personnalisée au logement) et abandonner les aides
à la pierre, en particulier les prêts bonifiés (dont fait
partie le prêt d'accession à la propriété). Mais,
bien que l'on ait assisté à une réduction des aides
à la pierre et à une forte augmentation des aides à la
personne, la substitution des unes aux autres ne s'est jamais produite : l'aide
personnalisée au logement ne solvabilise pas suffisamment les postulants
à l'accession à la propriété et le haut niveau des
taux d'intérêt au long des années 80 a rendu
nécessaire le maintien d'un système de bonification.
Ce système s'est révélé efficace : la
proportion de propriétaires de leur résidence principale est
passée de 46,7 % en 1975 à 54,4 % en 1990. Toutefois, le
haut niveau des prix et des taux d'intérêts réels à
la fin des années quatre-vingt a entraîné un tassement
durable du mouvement, le taux de propriétaires plafonnant à
environ 54 % depuis 1988, celui des accédants à la
propriété ayant reculé de 26,1 % en 1988 à
23,5 % en 1992, puis à 21 % en 1995.
Évolution du taux de propriétaires de leur résidence principale (%)
1954 |
1968 |
1982 |
1988 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
|
Propriétaires |
35,5 |
43,3 |
50,6 |
53,6 |
54,2 |
54,1 |
53,8 |
54,0 |
53,9 |
53,7 |
dont accédants |
26,1 |
24,8 |
23,8 |
23,5 |
22,3 |
21,6 |
21,0 |
Source: INSEE et compte du logement
En 1993 est apparu un nouveau type de prêt
conventionné plus particulièrement destiné au logement
ancien :
le prêt d'accession sociale.
Grâce à
une garantie partielle de l'État, le taux d'intérêt du
prêt d'accession sociale est plafonné à un niveau
inférieur de 0,6 point à celui du prêt
conventionné.
l En octobre 1995, le prêt d'accession à la
propriété a été remplacé par le
prêt à taux zéro
, conçu selon le même
principe : une bonification d'intérêt. Deux éléments
substantiels le différencient néanmoins du prêt d'accession
à la propriété :
- La bonification permet de rendre le taux d'intérêt nul, alors
que celui du prêt d'accession à la propriété
n'était que de quelques points inférieurs à ceux du
marché. Le montant unitaire du prêt à taux zéro est
donc beaucoup plus faible et il est conçu pour être un prêt
complémentaire alors que le prêt d'accession à la
propriété était un prêt principal, sinon unique .
- Le prêt à taux zéro est accordé sur une beaucoup
plus grande échelle que le prêt d'accession à la
propriété (144.000 en 1996, contre 35.000 prêts d'accession
à la propriété annuels environ depuis le début des
années quatre-vingt-dix) grâce à des plafonds de ressources
plus élevés et à l'absence de contingentement
budgétaire.
Prêt largement diffusé, le prêt à taux zéro a
marqué un retour de la politique d'accession à la
propriété vers le logement neuf, relançant très
fortement les ventes de petites maisons neuves situées à la
périphérie des villes.
Répartition du montant des crédits
distribués aux ménages
entre crédits
réglementés et crédits libres
(millions de francs)
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Crédits réglementés* |
92.138 |
102.426 |
93.111 |
110.152 |
Crédits libres |
92.726 |
145.792 |
119.681 |
170.125 |
b) Le développement des crédits à la consommation
· Les organismes de crédit ont multiplié les initiatives pour développer leurs parts de marché dans le secteur des crédits aux particuliers. En effet, l'endettement relativement faible des ménages français au regard des comparaisons internationales rend ce marché très attractif car susceptible d'une forte expansion. En outre, les banques ont été confrontées à la désintermédiation bancaire : elles ont perdu une partie de leur clientèle traditionnelle, à savoir les entreprises, qui ont préféré faire appel au marché pour se financer et se sont alors tournées vers les ménages.
LES CRÉDITS À LA CONSOMMATION
Les crédits à la consommation se
répartissent en deux catégories : d'une part, les crédits
affectés, qui sont destinés de manière contractuelle au
financement de l'achat d'un bien ou d'une prestation de service
déterminée ; d'autre part, les crédits non
affectés, qui permettent aux consommateurs d'acheter ce que bon leur
semble, sans engagement à l'égard du prêteur.
A. LES CRÉDITS AFFECTÉS
1. La vente à tempérament (VAT)
Elle a pour but de faciliter l'achat d'un bien (le plus souvent, un
véhicule ou un bien d'équipement ménager) par le
fractionnement de ses paiements. En dehors de la forme habituelle (et la plus
répandue) du crédit amortissable à mensualités
constantes, il existe une grande diversité de formules en matière
de vente à tempérament, comme le crédit gratuit, le
différé de paiement avec agios forfaitisés, le paiement
fractionné avec acquittement du coût du crédit au
comptant... L'encours total de la vente à tempérament se montait
à
93,3 milliards de francs en décembre 1995
,
soit 22,8 % de l'encours total des crédits de trésorerie aux
particuliers.
2. La Location avec Option d'Achat (LOA)
Elle est utilisée principalement pour l'acquisition de véhicules
par les particuliers. En décembre 1995, l'encours total de la
Location avec Option d'Achat se montait à
12,3 milliards de
francs
pour l'ensemble des établissements de crédit, soit
3 % de l'encours total des crédits de trésorerie aux
particuliers. Cet instrument de financement est extrêmement sensible aux
évolutions de son environnement fiscal. Il a connu un grand
succès de 1970 à 1989 à la faveur d'une fiscalité
avantageuse en matière de TVA. La suppression de ce régime
favorable en 1990 a conduit à une désaffectation des
consommateurs à l'égard de la Location avec Option d'Achat.
B. LES CRÉDITS NON AFFECTÉS
1. Le découvert en compte
Le titulaire d'un compte bancaire est autorisé, en vertu d'un contrat
signé à l'ouverture de son compte, à emprunter une somme
plafonnée pour une durée limitée lorsque le solde de son
compte est nul. Le plafond de l'avance est fixé en fonction des revenus
de l'intéressé. Cet emprunt peut être renouvelé
à volonté, mais il se caractérise par un taux relativement
élevé. En décembre 1995, l'encours d'avances en compte
débiteur atteignait
26,9 milliards de francs
, soit
6,6 % de l'encours total des crédits de trésorerie aux
particuliers.
2. Le crédit renouvelable ou crédit permanent
Il s'agit d'une ligne de crédit utilisable à tout moment, souvent
associée à une carte, dont le plafond se reconstitue au
gré des remboursements. Ce type de crédit s'avère d'une
utilisation très souple puisqu'il décharge le consommateur de
toutes les formalités qui, dans le cas d'une succession de
crédits classiques, doivent être répétées. Le
succès du crédit renouvelable est incontestable : en
décembre 1995, l'encours des crédits renouvelables
s'élevait à
99,5 milliards de francs
, (24,3 % de
l'encours de trésorerie aux particuliers) et est amené à
encore progresser.
3. Le prêt personnel
C'est le type de crédit qui offre le plus de liberté d'emploi aux
particuliers. Il est essentiellement distribué par les banques,
même si les établissements spécialisés commencent
à s'y intéresser pour fidéliser leur clientèle.
L'encours des prêts personnels s'élevait à
162,1 milliards de francs
en décembre 1995, soit
39,6 % de l'encours total des crédits de trésorerie aux
particuliers.
Afin de répondre au mieux aux besoins de leur clientèle,
les
établissements ont largement diversifié leur gamme
de crédits
. Ainsi, les crédits les plus anciens
appelés crédits affectés (car destinés au
financement d'un bien ou d'une prestation de service déterminé)
ont vu leur part dans la production totale de crédits à la
consommation diminuer : elle est passée de 46 % de l'encours total
moyen des crédits de trésorerie en décembre 1981
à 28,5 % en décembre 1995.
En revanche,
les crédits non affectés ont enregistré
une percée spectaculaire depuis le début des
années 80
, appréciés par les particuliers pour
leur facilité d'utilisation.
Trois types de crédits non affectés sont bien implantés
sur le marché des crédits à la consommation : le
découvert en compte, le prêt personnel et le crédit
renouvelable, ce dernier faisant l'objet d'une croissance
particulièrement rapide puisque sa part dans l'encours total des
crédits de trésorerie aux particuliers, insignifiante au
début des années quatre-vingt, s'élève à
24,3 % fin 95.
Par ailleurs, devant le succès rencontré par le crédit
renouvelable et ses supports (cartes privatives associées à un
crédit renouvelable, cartes de paiement à crédit...), les
établissements se livrent une forte concurrence axée sur le
développement de
programmes de fidélisation
. En effet,
comme le fait remarquer M. Hubert Balaguy dans son ouvrage sur les
crédits à la consommation, la différenciation des produits
repose de moins en moins sur le crédit proprement dit, dont la technique
tend à être maîtrisée par la plupart des acteurs.
C'est pourquoi chaque émetteur s'efforce de faire
bénéficier les porteurs de sa carte d'avantages de toutes natures
: réductions diverses, cadeaux...
En outre, ces dernières années, les établissements de
crédits ont poursuivi la diversification de leurs produits en
créant, notamment, des produits mixtes
, qui associent, par exemple,
crédit automobile et contrats d'assurance et d'entretien, ou carte de
crédit et contrats d'assurance et d'assistance juridique. Ils proposent
également aux particuliers, en matière automobile, la location
longue durée. Ce mode de financement constitue un substitut prometteur
au crédit. En effet, la location présente divers avantages pour
le consommateur comme la suppression des contraintes d'entretien, de
réparation et de relation avec la compagnie d'assurances... Le
constructeur a aussi intérêt au développement de la
location, dans la mesure où elle constitue un instrument de
fidélisation et d'accélération du renouvellement des
véhicules. Toutefois, l'essor de la location longue durée aux
particuliers bute, aujourd'hui, sur une fiscalité pénalisante
pour les loueurs en matière de taxe professionnelle.
·
Le très fort développement des crédits
à la consommation s'est accompagné d'une gestion du risque de
plus en plus performante.
Ainsi, la sélection du client fait appel à un ensemble de
systèmes experts qui analysent la demande sous plusieurs aspects : la
vraisemblance et la cohérence des réponses apportées au
questionnaire sont contrôlées et, en cas de
nécessité, des vérifications complémentaires sont
effectuées. Selon les établissements spécialisés,
une analyse budgétaire est effectuée, qui fixe les ratios
d'endettement à ne pas dépasser. Enfin, un score est
établi pour toute demande de crédit. Il s'agit d'une technique
statistique qui calcule la probabilité de remboursement du crédit
par l'emprunteur à partir de variables diverses comme l'âge, la
situation familiale, la profession, le statut d'occupation du logement,
l'ancienneté dans l'emploi... Les paramètres retenus et leur
pondération sont différents selon les produits, les
réseaux de commercialisation, voire l'antériorité du
client.
D'une manière générale, le groupe de travail a
constaté à travers les entretiens avec les différents
établissements spécialisés une amélioration notable
de la gestion du risque, alors même que le secteur des crédits de
trésorerie aux particuliers connaît un développement
commercial important.
Toutefois, les résultats sont très
inégaux selon les établissements concernés, et
les
écarts peuvent varier du simple au double : exprimée en taux sur
encours géré, la charge du risque enregistrée dans les
comptes d'exploitation va ainsi de moins de 0,90 % à plus de
2 %. Si ces ratios, du point de vue des établissements
prêteurs, peuvent paraître faibles et révélateurs
d'une bonne maîtrise du risque, les écarts enregistrés
montrent qu'ils sont plus ou moins vertueux en fonction de leur
stratégie commerciale de développement. Il ne faut en outre pas
oublier que ces taux de risque, si faibles soient-ils, correspondent à
des situations individuelles souvent dramatiques susceptibles d'avoir un
coût social important.
·
Par ailleurs, vos rapporteurs tiennent à souligner les
effets pervers de la concurrence exacerbée sur les taux entre les
établissements de crédit pour le développement de
l'assurance perte d'emploi.
Depuis le début des années quatre-vingt, lors de la contraction
d'un prêt immobilier, les établissements de crédit
proposent à leurs clients, outre l'assurance
décès-invalidité quasiment obligatoire, une assurance
perte d'emploi facultative. Entre-temps, le chômage a malheureusement
changé de dimension, tant en fréquence qu'en durée. Cette
montée du niveau du risque assuré, assortie d'une forte
anti-sélection (liée à l'asymétrie entre les
informations auxquelles peuvent accéder l'assureur et l'assuré) a
abouti à un important déséquilibre financier. Or, le
chômage est devenu la première source de difficultés des
emprunteurs. Il est donc urgent de trouver une solution qui permette à
l'assurance perte d'emploi de remplir pleinement sa fonction.
L'une des orientations retenues par la commission consultative de l'assurance
consiste dans l'amélioration de la mutualisation du risque. Mais
l'application de cette proposition se heurte à la concurrence sur les
taux que se livrent les établissements de crédit. Il faut
convenir que la diminution des taux d'intérêt (et en
conséquence des taux de crédit) est défavorable à
l'assurance perte d'emploi : en effet, l'incidence actuarielle de la prime (un
peu plus d'un demi point de taux d'intérêt sur un prêt type)
est d'autant plus visible que le taux nominal est bas. Toutefois, les
établissements de crédit sont également responsables du
faible dynamisme de la diffusion de l'assurance perte d'emploi. Au moment
où ils cherchent à boucler la transaction avec leurs clients, le
prêteur ou le vendeur est évidemment peu enclin à
évoquer l'éventualité du chômage et le surcoût
de la garantie correspondante. En effet, même si la garantie perte
d'emploi n'est généralement pas incluse dans le Taux effectif
global (TEG), il n'existe pas de règle d'harmonisation précise
à ce sujet. Lorsque le client fait jouer la concurrence entre banques,
il va retenir celle qui lui offrira le taux nominal le plus bas, sans
nécessairement vérifier si le taux proposé inclut
l'assurance perte d'emploi.
II. UN DISPOSITIF DE TRAITEMENT DU SURENDETTEMENT GLOBALEMENT SATISFAISANT
Le dispositif de traitement du surendettement instauré
en 1989 et modifié en 1995, après une période
d'acclimatation relativement brève, recueille aujourd'hui
l'adhésion de l'ensemble des acteurs. Le système a fait ses
preuves.
Toutefois, des dysfonctionnements et des lacunes subsistent. En outre, il
convient de veiller à ce que les évolutions observées
caractérisant le phénomène du surendettement ne
compromettent pas, à terme, l'efficacité du dispositif.
A. UN DISPOSITIF SALUÉ PAR L'ENSEMBLE DES ACTEURS
Les mécanismes de traitement du surendettement,
instaurant une coopération tout à fait atypique entre une
autorité administrative, la commission de surendettement, et le juge,
ont acquis la confiance des différents acteurs, en particulier celle des
organismes de crédit, initialement très réticents, et se
sont révélés globalement efficaces.
La réforme de 1995 n'a pas atténué l'esprit de
conciliation, gage de succès des procédures, et a inscrit dans la
loi l'importance du rôle joué par les commissions,
désormais placées au coeur du dispositif.
Le pragmatisme consensuel mis en oeuvre a enfin permis de relever le
défi d'un accroissement du nombre des dépôts de dossiers
sans commune mesure avec les prévisions initiales.
1. Des résultats tout à fait remarquables
Les commissions de surendettement ont dû faire face
à une augmentation des demandes qui avait été très
largement sous-estimée.
Depuis l'entrée en vigueur du dispositif en 1990, elles ont ainsi
été saisies, en données cumulées, fin avril 1997,
de
557.761 dossiers
qui, dans plus de 90 % des cas, ont
été déclarés recevables.
Relativement stable sur la période 1993-1995 (70.000 en moyenne), le
nombre de dépôts annuels est passé à 87.000 en 1996.
Ce dernier chiffre tient compte des dossiers transmis par les juridictions en
application de la réforme de 1995 supprimant la procédure de
redressement judiciaire civil, soit environ 10.000 dossiers, tout en
révélant une nette accélération du rythme des
dépôts. En effet, en 1996, le nombre de dossiers
déposés a augmenté de 24 % par rapport à
l'année précédente, faisant de l'année 1996 celle
où le nombre des dépôts a été le plus
important. Selon la Banque de France, la tendance pour 1997 serait un
accroissement encore supérieur.
Alors que le taux de signature des plans conventionnels semblait avoir atteint
un plafond en 1993 et 1994 (63 %), ce taux a connu une progression
régulière depuis l'entrée en vigueur de la réforme
: 66 % en 1995, 69 % en 1996, 74 % au premier semestre 1997. Ces chiffres
semblent donner raison au législateur de 1995 qui avait estimé
que la refonte de la procédure inciterait les créanciers à
se montrer plus conciliants en phase amiable pour éviter la phase des
recommandations.
L'efficacité du dispositif doit se mesurer à l'aune non
seulement du taux de succès de la phase amiable, mais aussi et surtout
en fonction du taux de réussite dans la mise en oeuvre des plans
conventionnels
. Or, en l'absence de système de suivi de
l'exécution des plans, aucune étude statistique d'ensemble ne
permet de procéder à une telle évaluation. La mesure de la
viabilité des plans a seulement fait l'objet d'une étude
ponctuelle, à partir d'un échantillon représentatif,
réalisée par le CREP (Centre de Recherche sur l'Épargne)
en mai 1995 à la demande du comité consultatif du Conseil
national du crédit : le taux d'échec correspondant à la
proportion de plans frappés de caducité du fait du non respect
par le débiteur des engagements souscrits était de l'ordre de 10
%. Les statistiques tirées du FICP révèlent en outre qu'au
31 mars 1997, seulement 13,2 % des plans ont fait l'objet d'un incident
caractérisé postérieurement à leur signature.
Le dispositif révisé en 1995 a par ailleurs permis une importante
amélioration des délais de traitement des situations de
surendettement
. Alors qu'au moment de la réforme, le
Ministère de la Justice estimait que pour un quart des dossiers en
instance soumis à la procédure du redressement judiciaire civil,
le délai de traitement atteignait quinze mois, ce même
délai devant la commission de surendettement serait aujourd'hui de
l'ordre de 160 jours calendaires, soit un peu plus de cinq mois. Ce
chiffre correspond cependant à une moyenne et ne reflète pas les
écarts substantiels entre les commissions qui, pour certaines, doivent
faire face à des stocks importants.
2. La commission de surendettement, cheville ouvrière du consensus
La qualité du travail effectué par les
commissions de surendettement et les services des succursales de la Banque de
France chargés d'assurer le secrétariat et l'instruction des
dossiers est unanimement reconnue.
La quasi-totalité des 211 succursales participent aux travaux des
commissions qui sont au nombre de 117 sur le territoire métropolitain.
Les succursales qui ne sont pas le siège d'une commission assurent en
effet l'accueil des débiteurs et une pré-instruction du dossier.
En 1996, cette activité a mobilisé quelque
925 personnes
(en équivalent agent temps plein) dans l'ensemble du réseau de la
Banque de France. Cette dernière pratique une politique constante de
renforcement des moyens humains mis à la disposition des commissions de
surendettement : en sus des 925 agents précités, elle a
constitué une brigade d'intérimaires dont le nombre
s'élève aujourd'hui à 68 (effectif de 23 en 1991).
Le temps moyen consacré au traitement d'un dossier est estimé en
phase amiable à 1,9 jour/agent et en phase de recommandation à
1,7 jour/agent. Si ces derniers chiffres présentent un
intérêt informatif certain, il serait certainement dangereux d'en
faire des indicateurs de productivité. En effet, la nature de la mission
des commissions est très spécifique ; il s'agit de
résoudre des problèmes humains essentiellement par le biais de la
négociation, ce qui fait de cette mission une activité
difficilement standardisable en raison de la disparité des situations
individuelles. L'approche exclusivement productiviste est donc à
proscrire, les commissions et leurs secrétariats devant concilier des
impératifs parfois contradictoires : traiter rapidement un nombre
important de dossiers pour éviter la dégradation des situations
financières des débiteurs, privilégier la
négociation afin d'élaborer des plans viables ...
Pour assumer cette tâche délicate qui constitue une
activité prioritaire de service public, les agents affectés aux
secrétariats des commissions bénéficient d'une
formation spécifique
constituée d'un stage de base
(connaissance des textes applicables, des différentes formes de
crédit, des mesures utilisables pour l'établissement des plans,
des règles d'inscription au FICP...), d'un stage de perfectionnement
(approfondissement des connaissances techniques et juridiques,
entraînement à la négociation téléphonique
avec les créanciers) et de deux stages d'expertise leur permettant
d'acquérir les moyens de traiter les dossiers les plus complexes
(contrats de crédit, garanties).
B. UN DISPOSITIF NON EXEMPT DE TOUTE CRITIQUE
En dépit des efforts accomplis et des résultats obtenus, le dispositif de traitement du surendettement connaît certains dysfonctionnements ainsi que des lacunes auxquels il paraît urgent de remédier.
1. Des disparités de fonctionnement : l'inégalité des situations
Bien que le dispositif fonctionne de façon globalement satisfaisante, des problèmes subsistent, liés pour l'essentiel à son caractère décentralisé. Ils concernent d'une part la démarche adoptée par les commissions de surendettement et, d'autre part, l'interprétation par le juge de l'exécution des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi.
a) Les méthodes des commissions de surendettement
En dépit d'un effort d'harmonisation des
méthodes, l'attitude observée par les différentes
commissions révèle parfois des divergences d'appréciation.
En outre, l'arsenal des instruments mis à leur disposition par la loi
pour l'élaboration des plans reste sous-utilisé.
Les commissions de surendettement doivent tout d'abord arbitrer entre la
nécessité de traiter les dossiers dans des délais
raisonnables, de veiller à faire face à l'afflux des demandes et
de mener à bien la concertation pour aboutir à
l'établissement de plans viables. La voie est donc étroite et,
pour éviter de verser dans les travers d'une logique purement
productiviste, il convient de mesurer l'efficacité du système en
fonction non seulement du taux de conclusion de plans amiables mais
également en fonction du taux de réussite de ces plans dans leur
mise en oeuvre.
En ce qui concerne le contenu des plans, les organisations
représentatives des consommateurs ont souligné que l'une des
difficultés essentielles résidait dans la définition de ce
qui est couramment appelé "
le reste à
vivre
", c'est-à-dire ce qui, au-delà des remboursements
prévus, permet au débiteur d'assumer les charges de la vie
courante.
Deux approches différentes ont été retenues par les
secrétariats, combinant chacune le système des frais réels
et celui du forfait : dans un cas, le forfait couvre les dépenses
d'alimentation, d'entretien et diverses charges courantes
(électricité, téléphone, assurances ...), dans
l'autre, il ne couvre que les deux premières catégories de
dépenses. Des différences appréciables ont en outre
été observées dans les montants accordés,
même si la dispersion autour de la moyenne demeure assez faible.
La démarche consistant à fixer au niveau national un objectif
unique serait cependant inappropriée. Si une convergence doit être
assurée afin d'assurer un traitement plus équitable des
débiteurs, le cadre régional paraît plus pertinent. En tout
état de cause, la démarche doit conserver toute sa souplesse pour
adapter précisément l'évaluation à chaque situation
individuelle. Cette dernière préoccupation est d'ailleurs prise
en compte dans la circulaire du ministère de l'économie et des
finances du 28 septembre 1995 qui réserve aux commissions de
surendettement le soin d'"
apprécier librement le montant des
revenus devant être laissés à la disposition des
surendettés en fonction du niveau du coût de la vie dans
l'environnement géographique du demandeur et de sa situation personnelle
et familiale
".
Concernant, de façon générale,
les méthodes de
travail
des commissions de surendettement,
un effort d'harmonisation
est mis en oeuvre. La Direction du réseau de la Banque de France, en
collaboration avec la Direction des services juridiques, joue un rôle de
coordination par la diffusion de notes d'information destinées à
guider l'action des secrétariats et par les aides ponctuelles fournies
pour résoudre certaines difficultés. Par ailleurs, un groupe de
liaison entre le réseau et les succursales a été
créé en 1995. Cette instance de réflexion constitue un
relais chargé de fédérer les questions pratiques et
juridiques qui se posent aux secrétariats pour en extraire des solutions
susceptibles d'être généralisées. Enfin, un logiciel
dénommé " SUREN ", destiné à harmoniser
les procédés de traitement des dossiers, devrait prochainement
être mis à la disposition des secrétariats des commissions.
En dehors des disparités de fonctionnement encore perceptibles,
il
est reproché aux commissions de ne pas utiliser de façon optimale
la panoplie des instruments mis à leur disposition pour
l'élaboration des plans
.
Ainsi, selon l'Institut national de la consommation, seulement 10 % des
dossiers bénéficient d'une remise de dettes, d'ailleurs souvent
modeste, le montant moyen de cette remise s'élevant à 7.500 F. La
réduction du taux d'intérêt moyen entre la situation
initiale et le dispositif du plan est de quatre points environ, passant de 13 %
à 9 %
8(
*
)
.
L'aménagement figurant le plus fréquemment dans les plans est
l'allongement de la durée du crédit à la consommation
(67 % des cas) alors que celle de la durée du crédit
immobilier est plus rare (23 % des cas), ce qui s'explique en partie par le
fait que cette durée est déjà considérable. De
même, les réductions de taux de crédits à la
consommation sont plus fréquentes (23 %) que celles des taux de
crédit immobilier (16 %).
Les ventes de biens sont assez rares : environ 5 % de ventes d'immeubles et 4 %
de ventes de véhicules
9(
*
)
. Les
commissions veillent en effet à préserver la conservation du
logement principal ainsi que celle du véhicule, en particulier lorsqu'il
est utilisé par la personne surendettée pour se rendre sur son
lieu de travail.
Enfin, selon une estimation récente de la Banque de France,
la
pratique des moratoires a tendance à se développer
: la
proportion de plans comportant des reports de dettes est environ d'un quart en
phase amiable et de plus de la moitié en phase de recommandation. Ces
moratoires sont généralement de courte durée du fait de la
réticence des créanciers à accepter un allongement de
cette durée : 60 % ont ainsi une durée inférieure ou
égale à un an.
b) L'attitude du juge
La question de
la vérification de la
réalité et du montant des créances
demeure
conflictuelle.
Les organisations représentatives des consommateurs reprochent
volontiers aux commissions de surendettement de ne pas procéder à
un examen de la régularité juridique des créances et de se
contenter des déclarations des parties. Pourtant, leur rôle n'est
pas d'effectuer un travail d'expertise en la matière mais d'exercer un
contrôle de cohérence afin de dresser un état de
l'endettement du débiteur.
La vérification de la régularité des créances
constitue une prérogative naturelle du juge. Cependant, la loi n'ouvre
cette faculté au juge que dans deux cas : en phase amiable, seule la
commission peut le saisir d'une demande de vérification lorsqu'elle se
trouve confrontée à une difficulté
(art. L. 331-4) . Lorsque les mesures recommandées font
l'objet d'une procédure de contestation, le juge peut, même
d'office, procéder à la vérification.
En encadrant strictement le champ de la vérification, l'intention du
législateur était de faire en sorte que la saisine du juge en la
matière reste exceptionnelle afin, d'une part, de décourager les
manoeuvres dilatoires ralentissant le travail des commissions et, d'autre part,
d'éviter que les tribunaux ne soient victimes d'un nouvel engorgement.
Or, il apparaît que les magistrats exercent leur contrôle selon des
modalités variables lorsqu'il s'agit de conférer force
exécutoire aux mesures recommandées. Certains subordonnent ainsi
leur accord à un examen systématique des titres de
créances, ce qui retarde parfois substantiellement l'entrée en
vigueur des mesures recommandées. Le Ministère de la Justice a
déjà, à plusieurs reprises, tenté de faire
prévaloir auprès des juridictions une interprétation plus
conforme à l'esprit comme à la lettre de la loi. Cependant, toute
démarche en ce sens trouve sa limite dans l'indépendance des
magistrats du siège.
2. Les carences du dispositif
En dehors des dysfonctionnements qui pourraient être sérieusement atténués par une modification du comportement des différents acteurs, qu'il s'agisse des membres des commissions de surendettement ou du juge de l'exécution, le dispositif souffre de certaines insuffisances qui nuisent à son efficacité. En outre, certains problèmes relatifs à son insertion dans l'ordonnancement juridique subsistent.
a) L'absence d'outils d'évaluation et de suivi de mise en uvre des plans
Les plans de redressement élaborés par les
commissions sont d'une durée relativement longue : la durée
moyenne d'un plan est proche de dix ans, plus courte cependant pour les plans
judiciaires (90 mois) que pour les plans amiables (123 mois)
10(
*
)
.
Bien que la loi dispose, en ce qui concerne la phase amiable, que
"
le
plan prévoit les modalités de son exécution
"
(art. L. 331-6 du code de la consommation), sans mention comparable pour les
mesures recommandées auxquelles le juge donne force exécutoire,
le bénéficiaire du plan est généralement
livré à lui-même pendant la durée de mise en uvre du
plan.
Or, sur plusieurs années, les risques de rupture de l'équilibre
financier ainsi établi sont d'autant plus importants que le taux
d'effort requis du débiteur est élevé.
Le rapport Léron de 1991 soulignait déjà cette
difficulté
11(
*
)
: " (...)
le suivi du plan consisterait, pendant toute la durée de celui-ci,
à surveiller attentivement les conditions de son exécution afin
de détecter les premiers signes de difficultés, et, dans cette
éventualité, à rechercher avec le débiteur et ses
créanciers les ajustements ponctuels nécessaires pour
résoudre ces difficultés
".
Ce rapport précise : "
Il faut reconnaître que cette
question, actuellement non réglée, du suivi des plans,
hypothèque les chances de succès du dispositif légal. Des
solutions techniques sont parfois utilisées, notamment la domiciliation
sur un compte bancaire unique dit " compte-pivot " ou
" compte-bis " des sommes nécessaires à
l'exécution du plan, à charge pour l'établissement teneur
de compte d'effectuer, selon la périodicité convenue au plan, les
règlements au profit des divers créanciers. Cependant, outre que
cette solution est malaisée à mettre en uvre, -notamment en
raison de la réticence de la profession bancaire à gérer
de tels comptes dont le fonctionnement est naturellement coûteux- elle ne
permet pas de résoudre entièrement le problème. Certes, la
technique du compte-pivot permet de détecter plus vite les
difficultés, mais la prévention et le règlement d'un
certain nombre de problèmes paraissent relever plus fondamentalement
d'un accompagnement social qui n'est pas prévu par la loi et qui n'a
généralement pas été mis en place dans la pratique
faute de structure disponible pour le prendre en charge
".
Le débiteur rencontrant des difficultés en cours
d'exécution du plan ne dispose pas d'interlocuteur
privilégié auquel s'adresser.
Cette situation est souvent aggravée par l'existence d'un
"
déficit de coopération avec les services
sociaux
". Le rapport de l'ODAS
12(
*
)
dresse ce constat en regrettant un tel cloisonnement et relève que, si
"
le rôle de prescription du travail social est bien
réel
" (selon une étude du CREP, en 1994, 27 % des
personnes concernées avaient déposé leur dossier en
commission de surendettement à l'instigation d'une assistante sociale),
"
cette démarche des assistantes sociales ne traduit pas pour
autant leur conviction de l'efficacité du dispositif. En effet, les
professionnels du social ont généralement des avis très
nuancés sur le caractère réaliste
des plans et leur
niveau de mobilisation à l'égard du dispositif est très
inégal
".
Hormis ce problème de l'absence de suivi de mise en uvre des plans,
il convient de souligner le déficit d'évaluation dont souffre le
dispositif de traitement du surendettement
.
Comme l'indique clairement le rapport de l'ODAS
13(
*
)
"
l'analyse du dispositif de traitement
du
surendettement n'est pas aisée. En effet, chaque dispositif
départemental effectue sa propre collecte d'information sans qu'une
recherche de cohérence ait été organisée sur le
plan national. On peut obtenir sur le plan national le nombre global de
dossiers, mais seuls quelques dispositifs locaux pourront fournir une
évaluation plus qualitative de l'évolution des
caractéristiques des demandeurs
".
L'Institut national de la consommation observe également que
"
les statistiques publiées par la Banque de France ne
permettent pas d'apprécier la réforme car elles cumulent les
chiffres antérieurs au nouveau dispositif
".
C'est d'une voix unanime que les différentes personnes
auditionnées par le groupe de travail ont regretté cette carence.
La Banque de France elle-même reconnaît qu'une meilleure
maîtrise des procédures suppose incontestablement une
visibilité correcte sur les mesures préconisées par les
commissions et les résultats obtenus ainsi que sur l'état
d'avancement des dossiers.
Rappelant qu'il existe un outil statistique national permettant de suivre les
principales composantes du surendettement, elle a admis qu'il n'était
pas en mesure de rendre compte des aspects qualitatifs du
phénomène. Elle a indiqué qu'un projet en cours
d'élaboration dénommé SASTA devrait permettre
d'accroître l'efficacité de l'outil informatique existant, son
couplage avec le logiciel SUREN destiné à la gestion des travaux
des secrétariats devant aboutir à une simplification de la saisie
des données statistiques ainsi que du mécanisme des inscriptions
au FICP.
b) Une insertion déficiente du dispositif dans l'ordonnancement juridique
Deux problèmes
concernant l'insertion du
dispositif de traitement du surendettement dans l'ordonnancement juridique
demeurent en suspens : le champ d'application dudit dispositif d'une part,
la coordination de la procédure avec celle de la saisie
immobilière d'autre part.
· Si la notion de dettes susceptibles de faire l'objet d'une
procédure de surendettement est largement entendue, l'article L. 333-3
du code de la consommation exclut expressément
les dettes à
caractère professionnel
.
Outre les difficultés liées à la définition de la
notion de dette professionnelle, une telle exclusion laisse hors du champ des
procédures collectives les professions libérales, dès lors
que par ailleurs la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au
redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ne leur est
pas applicable. Il convient en outre de souligner que cette lacune de
l'ordonnancement juridique crée une disparité de situations entre
les membres des professions libérales établis dans les trois
départements de l'Alsace et de la Moselle, susceptibles de
bénéficier de la faillite civile, et ceux qui sont établis
dans les autres départements français.
Afin de pallier, dans la mesure du possible, cette insuffisance de la
législation, la jurisprudence procède à une analyse fine
de la situation de surendettement : ainsi, le débiteur affichant
des dettes professionnelles peut néanmoins être éligible
à la procédure de redressement s'il se trouve en état de
surendettement au regard de ses autres dettes, non professionnelles. Dans une
telle hypothèse, le principe de réalité prévaut
lorsqu'il s'agit d'élaborer le plan de redressement : les dettes
professionnelles devront être prises en considération
14(
*
)
.
Cependant, qualifier la nature d'une dette peut parfois se
révéler délicate. Une dette peut en effet être
contractée à la fois pour les besoins professionnels et pour ceux
de la vie privée : ainsi peut-il en aller d'un crédit
souscrit pour l'acquisition de la résidence principale dont une partie
sera réservée à l'usage familial et une autre sera
utilisée pour l'exercice de l'activité professionnelle ; un
autre exemple est celui du crédit contracté pour l'achat d'un
véhicule. Il semble que la tendance majoritaire des juridictions saisies
d'un recours en contestation contre une décision d'irrecevabilité
soit de prendre en considération ce type de dettes, de nature hybride,
pour caractériser l'état de surendettement.
Une autre faiblesse relative à la définition du champ
d'application de la loi a en outre été signalée au groupe
de travail : le bénéficiaire de la procédure de traitement
du surendettement peut en effet être soit un individu, soit un
ménage ou une famille. Or, lorsqu'un couple a contracté
solidairement un prêt et que l'époux ou l'épouse refuse le
plan amiable, la procédure ne peut aboutir. Cette situation
apparaît assez fréquemment lorsque l'état de surendettement
résulte d'une séparation.
· La mise en oeuvre du dispositif de traitement du surendettement des
particuliers a mis en lumière un autre problème de
coordination avec les dispositions de droit commun applicables en
matière de saisie immobilière
et relatives à la
suspension des procédures d'exécution : l'articulation des
compétences respectives du juge de l'exécution et du juge de la
saisie immobilière n'est pas satisfaisante.
En effet, l'article L. 331-5 du code de la consommation offre à la
commission de surendettement la faculté de saisir le juge de
l'exécution aux fins de suspension des procédures
d'exécution diligentées contre le débiteur. En cas
d'échec de la phase de conciliation et de passage à la phase de
recommandation, la durée de la suspension, précédemment
acquise pour la durée de la procédure devant la commission sans
toutefois pouvoir excéder un an, est prolongée jusqu'à ce
que le juge confère force exécutoire aux mesures
recommandées et, en cas de contestation de ces mesures, jusqu'au
jugement statuant sur cette contestation.
Ces dispositions ne peuvent que rarement être mises en oeuvre en
matière de saisie immobilière : la Cour de cassation, dans un
avis du 15 juin 1995, a rappelé que le juge de l'exécution
n'était pas compétent en matière d'exécution
forcée sur les immeubles et ne pouvait accorder un délai de
grâce que dans les cas prévus par la loi. Or, les articles 702 et
703 du code de procédure civile (ancien), qui déterminent les
conditions de mise aux enchères des immeubles saisis et les
modalités de remise d'une adjudication dont la date a été
fixée, excluent tout autre mode de sursis, dérogeant ainsi au
régime fixé par les articles 1244-1 et 1244-2 du code civil. La
Cour de cassation a en conséquence estimé "
d'une part,
que le juge de l'exécution ne peut être valablement saisi d'une
demande de délai et de suspension de la procédure
d'exécution qu'avant la publication du commandement à fin de
saisie immobilière, toute demande incidente à la saisie
immobilière formée postérieurement à cette
publication ressortissant exclusivement du juge de la saisie ; d'autre part,
qu'aucun sursis ne peut être accordé sur le fondement du droit
commun après la fixation de la date d'adjudication qui résulte de
la délivrance de la sommation de prendre communication du cahier des
charges, quand bien même le juge de l'exécution aurait
été saisi antérieurement à la publication du
commandement
".
Ainsi le sursis à exécution des poursuites prononcé par le
juge de l'exécution, à la demande de la commission de
surendettement sera-t-il considéré comme dépourvu d'effets
par le juge de la saisie immobilière s'il est prononcé
après publication du commandement. Or, cette publication devant
intervenir dans un délai fixé au maximum à quatre vingt
dix jours (art. 674 du code de procédure civile ancien) suivant la
délivrance du commandement de payer valant procès-verbal de
saisie, il est rare qu'un débiteur soit suffisamment informé pour
réagir en temps utile. Il paraît donc urgent de remédier
à cette situation de nature à mettre en péril les
procédures de traitement du surendettement en mettant en
cohérence les dispositions applicables en matière de saisie
immobilière.
C. LES LIMITES DU DISPOSITIF
Non seulement le dispositif législatif actuel n'est pas exempt de toute critique, mais il semble atteindre ses limites. En effet, les commissions de surendettement sont de plus en plus confrontées à des dossiers dans lesquels la capacité de remboursement des surendettés est très faible, voire nulle. Devant ces cas inextricables, les commissions n'ont pas d'autre alternative que de proposer un moratoire. Or, la multiplication des retours de dossiers risque à moyen terme de provoquer l'asphyxie des commissions de surendettement.
1. Des analyses préoccupantes sur l'évolution de la capacité de remboursement des ménages
Une nouvelle fois, vos rapporteurs regrettent de ne pouvoir
fonder leurs constatations sur des statistiques précises au niveau
national. Toutefois, les personnes interrogées sur ce sujet lors des
auditions ont été unanimes pour souligner la tendance à la
diminution de la capacité de financement des ménages.
Par ailleurs, dans son rapport, L'ODAS relève que dans les
départements ayant effectué une analyse statistique de la
capacité de remboursement, les pronostics de réussite du plan
s'avèrent bien plus fragiles que ceux dégagés dans
l'étude du CREP effectuée il y a trois ans. Ainsi, dans le
département de la Loire, la capacité de remboursement par
ménage, telle que définie au plan local, serait en 1995
négative dans 32 % des cas, et inférieure à
500 francs dans 41 % des cas. Seuls 27 % des cas auraient une
capacité de remboursement supérieure à 500 francs.
Les chiffres de la Banque de France confirment cette tendance. Ainsi,
auprès de la commission du surendettement du Maine et Loire, la part des
dossiers dans lesquels la capacité de remboursement est inexistante est
passée de 9 % en 1992 à 24 % en 1996.
En outre, l'aggravation de la crise sociale augmente le nombre de situations
inextricables auxquelles sont confrontées les commissions. Ainsi,
CETELEM, qui représente les professionnels du crédit dans
22 commissions départementales, estime à près de
40 % le nombre de dossiers concernant des particuliers sans ressources.
Par ailleurs, depuis l'enquête menée par le CREP, le nombre de
dossiers laissant apparaître un endettement non bancaire (Trésor
Public, EDF, France Télécom, loyers...) supérieur à
80 % de l'ensemble des dettes déclarées par les particuliers
lors du dépôt de leurs dossiers aurait doublé, passant de
3 % à 6,8 %.
LE DEVENIR DES PLANS
L'étude réalisée par le CREP en 1994 portait sur le caractère réaliste des mesures contenues dans des plans signés en 1992 et 1993. Selon cette étude, dans trois plans sur cinq, les surendettés pouvaient faire face sans difficulté majeure aux dispositions retenues. En revanche, 30 % des plans faisaient ressortir une "morsure" de moins de 10 % du revenu vital. 16 % des surendettés se retrouvaient dans des situations extrêmement difficiles, donnant lieu souvent à des incidents suffisamment graves pour conduire à un passage en contentieux.
L'enquête du CREP sur le devenir des dossiers
après la signature des plans doit toutefois être utilisée
avec précaution, car elle a été établie à
partir d'un nombre très limité de dossiers (204). Elle laisse
apparaître que plus de la moitié des enquêtés
(54 %) estiment ne pouvoir tenir le plan qu'avec des difficultés,
contre 33 % qui déclarent ne pas avoir de difficulté
à le respecter. Les incidents relevés chez les créanciers
(échantillon de 495 dossiers) traduisent les difficultés
déclarées par les surendettés : si, avant le plan, plus de
70 % des débiteurs avaient eu des incidents de paiement, ils sont
encore près d'un tiers à en avoir après le plan.
Toutefois, pour ceux qui en ont, ces incidents sont nettement moins nombreux
que dans la période antérieure au plan.
En outre, il faut évidemment qualifier la gravité des incidents
intervenus. Pour un quart d'entre eux, il s'agit d'un seul incident. Pour un
tiers, il s'agit de deux à quatre incidents, concentrés dans les
tranches de 2.000 à moins de 7.000 francs. Seuls 10 % des
surendettés auraient des incidents conduisant à un passage au
contentieux dans la phase postérieure au plan. Il semble donc que
même si les surendettés rencontrent des difficultés dans
l'exécution du plan, peu le remettent en cause, que ce soit par des
incidents de paiement graves ou par des demandes de révision de plans.
En effet, celles-ci s'élèvent, en données cumulées
depuis 1989, à seulement 22.315.
2. Les conséquences de la dégradation de la situation financière des débiteurs
La plus grande fragilité financière des
ménages multiplie les risques d'incidents pendant l'application du plan
et, par conséquent,
le retour des dossiers en commission de
surendettement pour un nouvel examen
. En effet, incapables de surmonter les
difficultés qu'ils rencontrent pour respecter les modalités des
plans conventionnels (impossibilité de vendre leurs biens immobiliers,
alors que c'est une condition nécessaire au
désintéressement des créanciers, diminution des ressources
depuis la mise en place du plan...), les débiteurs sont contraints de
revenir devant la commission pour demander une modification du plan
15(
*
)
.
Le retour des dossiers devant les commissions de surendettement est encore plus
systématique en cas de situation inextricable liée à
l'absence totale de ressources de la part du débiteur.
En effet, face à ce genre de situation, les commissions de
surendettement sont mal armées. Certes, la loi prévoit la
possibilité de remises de dettes en phase amiable, mais cette mesure se
heurte à la réticence des débiteurs. En phase de
recommandation, les outils à la disposition des commissions de
surendettement sont encore plus limités.
Pourtant, la loi les oblige à proposer une solution puisque
l'absence
de ressources ou de capacité de remboursement du débiteur
(c'est-à-dire l'impossibilité d'élaborer un plan
organisant et assurant le redressement du particulier)
n'est pas un motif
d'irrecevabilité
16(
*
).
Les
circulaires du ministère de l'Économie et des Finances des
22 février 1993 et 28 septembre 1995 rappellent ainsi que
les plans doivent être adaptés à chaque cas concret,
étant précisé que la commission n'est limitée par
aucune règle dans le choix de ses modalités. Or, en l'absence de
capacité de remboursement, le plan le mieux adapté est,
concrètement, le report des échéances, dans l'espoir d'une
amélioration de la situation financière du débiteur. C'est
d'ailleurs ce que les pouvoirs publics recommandent puisqu'ils engagent les
commissions à s'abstenir de rejeter ces dossiers et les incitent
à solliciter des créanciers un abandon de leurs créances
(solution qui est très généralement refusée) ou,
à tout le moins, à encourager la signature de moratoires, de
surcroît reconductibles si la situation du débiteur ne s'est pas
améliorée à l'expiration de ce gel des créances.
La pratique des moratoires tend donc à se
généraliser.
Statistiquement et en données
cumulées, le pourcentage des plans comportant des reports de dettes est
de 28 % en phase amiable et de 57,9 % en phase de recommandation.
Parmi ces moratoires, 58 % sont d'une durée inférieure ou
égale à un an. En effet, ces
moratoires de courte
durée
recueillent la préférence des créanciers
car ils leur permettent de ne pas perdre le contact avec les débiteurs.
Or, cette pratique entraîne de graves effets pervers.
En effet, la
multiplication des moratoires affaiblit un peu plus la pertinence toute
relative du taux de réussite défini par la Banque de France, qui
correspond en fait au taux de conclusion des plans conventionnels.
Les
statistiques fournies par la banque centrale font état d'une
amélioration continue du taux de réussite, qui passe de 45 %
en 1990 à 69 % en 1996.
Évolution du taux de réussite entre 1990 et
1996
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Taux de réussite |
45 % |
58 % |
62 % |
63 % |
63 % |
66 % |
69 % |
Source: Banque de France
Toutefois, on peut s'interroger sur la réalité du taux de
réussite lorsque l'augmentation de ce dernier s'accompagne d'une
conclusion croissante de moratoires. La réussite apparaît alors
plutôt comme une solution de repli face à une situation pour
laquelle les commissions de surendettement n'ont pas les moyens suffisants pour
apporter une réponse définitive.
En outre, les cas d'amélioration de la situation du débiteur sont
malheureusement rares.
En conséquence, lorsque la période
fixée par le moratoire est écoulée, le dossier est
généralement déposé de nouveau auprès des
commissions de surendettement, qui n'ont guère d'autre solution que de
proposer un nouveau moratoire.
Or, la généralisation de cette
pratique contribue à augmenter le nombre de dossiers soumis à
réexamen.
Il n'existe pas de statistiques à l'échelon national sur la
progression du nombre des retours de dossiers, mais il semble que celui-ci
augmente régulièrement et fortement.
Dans la commission de surendettement des Alpes-Maritimes, par exemple, les
chiffres sont les suivants :
1995 : 169 dossiers redéposés, soit 13,9 % des
dossiers déposés ;
1996 : 241 dossiers redéposés, soit 17,3 % des dossiers
déposés ;
1997 : 128 dossiers redéposés, soit 18 % des dossiers
déposés (sur cinq mois).
Par ailleurs, il apparaît que ces réexamens soient pour une grande
partie responsables de l'augmentation globale du nombre de dossiers
déposés. Ainsi,
les redépôts consécutifs
à un moratoire sont estimés à environ 15 % des
dossiers en 1996
, chiffre à rapprocher de la progression de plus de
20 % du nombre de dossiers déposés entre 1995 et 1996.
Or, la multiplication des réexamens constitue un risque
sérieux d'engorgement pour les commissions qui, outre l'examen des
nouveaux dossiers, ont à se pencher de nouveau sur des situations
qu'elles ont déjà étudiées.
A long terme,
c'est l'efficacité de
l'ensemble du dispositif de traitement du
surendettement qui risque d'être remis en cause par l'accroissement
incontrôlé des retours de dossiers.
III. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
Après avoir dressé un bilan de la mise en oeuvre de la loi Neiertz de 1989 modifiée en 1995 tenant compte des nombreux témoignages recueillis à l'occasion des auditions et des déplacements effectués, le groupe de travail considère comme globalement satisfaisant le dispositif en vigueur. Sa remise en cause ne paraît donc pas devoir être envisagée, ce qui conduit à écarter certaines réformes de fond. En revanche, des améliorations ponctuelles, dont certaines s'avèrent urgentes, pourraient permettre d'améliorer l'efficacité du dispositif. Au-delà de ces correctifs, le groupe de travail s'est également attaché à définir un certain nombre d'orientations tendant, d'une part, à assurer la pérennité du dispositif en prévoyant son adaptation aux évolutions du phénomène du surendettement, et, d'autre part, à renforcer la prévention.
A. LES SOLUTIONS À ÉCARTER
Deux réformes, dont l'éventualité est périodiquement évoquée, paraissent constituer de " fausses bonnes solutions ". Il s'agit, en matière de prévention du surendettement, de la création d'un fichier positif de l'endettement, et sous l'angle curatif, de l'extension à l'ensemble des départements français du système dit de " la faillite civile ", en vigueur en Alsace-Moselle.
1. La création d'un fichier positif de l'endettement
L'instauration d'un fichier positif a déjà fait
l'objet de nombreux débats et soulève des interrogations
récurrentes.
En 1991, le rapport Léron se déclarait favorable à
l'institution d'un tel fichier
17(
*
)
qui
"
aurait le mérite de renforcer considérablement la
prévention du surendettement en améliorant la visibilité
des prêteurs avant même la survenance d'impayés
et
qui
constituerait la seule mesure véritablement efficace pour
lutter contre l'apparition de phénomènes de surendettement
provoqués par l'accumulation de dettes auprès de
différents établissements de crédit
".
Ce rapport signalait cependant un certain nombre d'inconvénients
attachés à ce type d'initiative tels que "
le risque de
dérive vers un fichier d'interdits de crédit pouvant conduire
à des discriminations, voire à des formes d'exclusion
sociale
" en écartant les classes les plus
défavorisées de l'accès au crédit bancaire, le
"
coût collectif d'une telle réalisation
" ou
encore "
le risque de distorsion concurrentielle entre les
sphères bancaire et financière
", les banques
gestionnaires des comptes domiciliataires pouvant "
aisément
connaître l'état d'endettement de leurs clients et les
démarcher pour leur proposer des crédits de substitution
".
Or, de telles pratiques ne font qu'aggraver les risques de surendettement du
consommateur car il arrive fréquemment qu'un rachat d'encours
débouche sur une élévation substantielle du plafond global
de crédit accordé à l'emprunteur, celui-ci revenant
auprès de l'établissement d'origine pour réutiliser son
ouverture de crédit initiale.
Le rapport précité indiquait également que "
les
pays étrangers qui disposent de tels fichiers connaissent des taux
d'impayés identiques à ceux de notre pays
".
La quasi-unanimité des personnes entendues par le groupe de travail,
contrairement à ce qu'indiquait en 1991 le rapport Léron, se sont
déclarées hostiles à la création d'un fichier
positif, seuls un ou deux organismes représentant les consommateurs
approuvant une telle initiative. L'accumulation des inconvénients et des
risques prévisibles semble en effet condamner le fichier positif.
Un avis rendu le 20 mai 1992 par le comité consultatif
auprès du Conseil national du crédit a ainsi jugé
dangereuse pour les libertés individuelles et le respect de la vie
privée
l'institution d'un fichier recensant l'ensemble des encours
de crédit aux particuliers. Un tel fichier risquerait d'être
détourné de sa finalité en étant utilisé, en
pratique, davantage comme
outil de prospection commerciale
que comme
instrument de maîtrise des risques.
Susceptible d'aboutir à la consécration d'une norme
d'endettement
évinçant du marché du crédit
certaines catégories de consommateurs, un fichier positif comporte
également des risques de discriminations injustifiées : un
accédant à la propriété serait automatiquement
fiché alors que le locataire ayant des arriérés de loyers
ne le serait pas ; de même, figurerait au fichier l'usager d'un
compte permanent et pas celui d'un découvert bancaire non
formalisé... Ainsi, l'efficacité d'un fichier qui
ne serait
pas exhaustif
car n'incluant pas les dettes de la vie courante
(impayés d'impôts, de loyers...) serait d'une efficacité
très relative.
La taille d'un tel fichier -on évalue à douze ou
quinze millions le nombre d'emprunteurs qui devraient y figurer alors que
1.200.000 sont actuellement recensés au FICP, dont 980.000 au titre
d'accidents caractérisés (Banque de France, mai 1997)-
impliquerait une
gestion à la fois complexe et onéreuse
.
Or, la Banque de France souligne que "
les plans de charge actuels
de
la communauté bancaire, du fait du passage à l'euro et de
l'adaptation corrélative des systèmes informatiques, ne
permettent pas d'envisager à moyen terme la mobilisation autour d'un
projet très lourd dont l'intérêt final apparaît
incertain
". Elle estime, en outre, que
"
l'opportunité
de faire évoluer le FICP vers un fichier positif ne pourrait s'envisager
que dans le cadre d'une harmonisation européenne facilitant les
échanges d'informations sur une base d'homogénéisation des
données recensées et de réciprocité
".
Enfin, dans un contexte nouveau où le phénomène du
surendettement tend à changer de nature car résultant de plus en
plus souvent d'une perte brutale de revenus consécutive à un
" accident de la vie " (chômage, divorce...), le dispositif
actuel s'avère suffisant pour gérer au mieux des situations de
crise que l'existence d'un fichier positif ne permettrait pas de
prévenir.
2. La faillite civile : le risque d'exclusion juridique et économique
Comme pour le fichier positif, la quasi-unanimité des
personnes auditionnées par le groupe de travail se sont
déclarées défavorables à l'extension à
l'ensemble des départements français du régime dit de la
faillite civile en vigueur en Alsace-Moselle.
Tout en reconnaissant que "
le dispositif curatif institué par
la loi du 31 décembre 1989 avait fait preuve d'une indéniable
efficacité
", le rapport Léron de 1991 observait qu'il
n'avait "
pas permis de trouver de solutions à un certain nombre
de situations parmi les plus difficiles
", notamment celles
caractérisées par une absence totale et définitive de
capacité de remboursement, les créanciers refusant de
façon quasi systématique d'accepter des abandons totaux ou
même partiels de créances
18(
*
)
.
Aussi les partisans de la faillite civile, essentiellement certaines
organisations représentatives des consommateurs, font-ils valoir que
cette procédure permet l'apurement définitif de la situation du
débiteur puisque son dossier est clôturé pour insuffisance
d'actif et que les créanciers perdent leur droit de poursuite
individuelle. Ils mettent en avant les avantages offerts par cette
procédure tels que la suspension immédiate des poursuites
individuelles ainsi que le cours des intérêts légaux ou
conventionnels, l'étendue des pouvoirs conférés au juge ou
encore l'existence d'un dispositif judiciaire de suivi de mise en uvre du plan
par un mandataire de justice.
Examinée de façon approfondie en 1989,
l'éventualité de l'instauration d'une procédure de
faillite civile applicable à l'ensemble des départements est
régulièrement évoquée.
Les informations et avis recueillis à l'occasion des auditions et
d'un déplacement en Alsace ont cependant conduit le groupe de travail
à rejeter cette solution qui paraît présenter plus
d'inconvénients que d'avantages.
Une telle innovation constituerait tout d'abord un retour en arrière par
rapport à l'objectif affiché de la réforme de 1995 tendant
à alléger la charge pesant sur les juridictions. Il
apparaît en effet que l'entrée en vigueur de la loi du 31
décembre 1989 dans les trois départements d'Alsace-Moselle,
dispositif qui cohabite avec le système de la faillite civile, a
suscité un regain d'intérêt pour cette dernière
procédure. Selon une étude réalisée en mai 1997 par
la Chambre de consommation d'Alsace, le nombre de procédures de faillite
engagées par des particuliers surendettés,
" quasi-confidentiel jusqu'en 1989 ", s'élève
aujourd'hui à environ 1.500 par an.
La procédure dite de " faillite civile " présente en
outre de nombreux écueils.
Tout d'abord, la perspective d'un effacement total et définitif des
dettes induit
un risque de déresponsabilisation des emprunteurs
.
Comme le souligne à juste titre le rapport Léron
19(
*
)
, une "
telle solution porte atteinte au
principe de la force obligatoire des contrats et contribue à
accréditer dans le public l'idée qu'il est possible, sinon
légitime, de se dérober à ses engagements
".
L'évolution des mentalités
, qui s'explique au moins
partiellement par l'émergence d'un sentiment collectif selon lequel il
existerait " un droit au crédit " d'une part, et par les
effets de la crise économique qui accroît les risques de
" surendettement passif " d'autre part, se traduit par
une
atténuation du caractère infamant
de la faillite et favorise
cette déresponsabilisation en réduisant considérablement
le frein psychologique qui limitait jusque-là les
velléités de recours à une telle procédure. Il
s'agit non d'un risque potentiel mais bien d'un risque
avéré : l'accroissement du nombre des procédures dans
les trois départements de l'Alsace-Moselle en fournit la preuve. Ainsi,
à Strasbourg, le nombre de dépôts de dossiers de faillite
est passé de 88 en 1990 à 608 en 1996, à Colmar, de 46
à 225 entre 1990 et 1994 et à Mulhouse de 68 en 1992 à 186
en 1996. En outre, la cohabitation de la faillite civile et du dispositif de
traitement du surendettement instauré en 1989 conduirait
vraisemblablement à une remise en cause de ce dernier : il
apparaît en effet que, dans le ressort du tribunal de grande instance de
Colmar, 70 % des demandeurs ont immédiatement fait appel à
la procédure de faillite civile. Cela
reviendrait, en contradiction
avec l'objectif poursuivi par la réforme de 1995, à faire de
nouveau peser cette lourde tâche sur les juridictions
, ce qui
paraît inenvisageable.
D'autres inconvénients de la faillite civile sont d'une part
le
risque de fraude
qui, s'il ne doit pas être surestimé, reste
réel, et d'autre part le coût de
la procédure. La
faillite civile constitue en effet une aubaine pour certains débiteurs
qui y trouvent le moyen d'organiser leur insolvabilité et vont ainsi
parfois jusqu'à se prévaloir d'une domiciliation fictive en
Alsace-Moselle pour pouvoir en bénéficier.
La procédure reste cependant onéreuse pour les
débiteurs de bonne foi et, loin de permettre un " nouveau
départ ", peut conduire à l'exclusion.
Les frais de
procédure sont élevés, souvent sans rapport avec les
dettes concernées et restent ainsi le plus souvent à la charge de
l'État : ces frais concernent en particulier les publications
dans un journal d'annonces légales et au BODACC (2.400 F environ) ainsi
que la procédure devant le juge-commissaire (procès-verbal
d'inventaire, parution au BODACC de l'état de créances et de
l'état de collation). La rémunération du liquidateur
judiciaire est quant à elle fixée au minimum à 15.000 F
HT, soit 18.090 F TTC : elle n'est souvent pas recouvrée dans sa
totalité, la majorité des débiteurs mis en liquidation ne
disposant d'aucun actif susceptible d'être réalisé.
Par ailleurs, la faillite civile
risquerait d'accélérer
l'exclusion de débiteurs surendettés des circuits
économiques
. Lorsqu'un patrimoine existe encore, même s'il
s'agit du logement principal, sa liquidation est automatique. Si la
procédure est clôturée pour insuffisance d'actif, le
débiteur est libéré de son passif, mais tout recours au
crédit bancaire lui est dès lors interdit. Il ne pourra plus
disposer que d'un compte bancaire, sans chéquier ni carte de paiement,
ce qui ne simplifie pas les actes de la vie courante. En outre, l'inscription
obligatoire du jugement de liquidation au bulletin n° 2 du casier
judiciaire pendant une durée de cinq ans n'est pas de nature à
faciliter une recherche d'emploi. De surcroît, l'extension de la faillite
civile conduirait à créer un fichier des faillis.
Enfin, la procédure de faillite civile applicable en Alsace-Moselle vaut
à la fois pour les entreprises et les particuliers ; or, si une
entreprise mise en liquidation meurt et sort du circuit économique, ce
n'est pas le cas du particulier surendetté et de sa famille qui doivent
continuer à faire face aux dépenses de la vie courante.
Plusieurs propositions de lois déposées tant à
l'Assemblée nationale qu'au Sénat
20(
*
)
soulignent, dans leur exposé des motifs,
le
caractère inadapté d'une procédure collective ayant
essentiellement vocation à régler le sort d'entreprises
commerciales ou artisanales
. Ces propositions reprennent les suggestions de
la commission d'harmonisation du droit privé alsacien-mosellan tendant
à "
encadrer plus strictement la pratique actuelle de la
faillite civile afin d'éviter les abus constatés
",
"
faciliter la recherche d'un accord amiable entre le débiteur
et ses créanciers
" et "
rétablir le droit de
poursuite individuel des créanciers dans les cas où la mauvaise
foi du débiteur est établi
".
La notion de bonne
foi
fait en effet défaut dans la procédure de faillite civile
dont le critère d'ouverture est l'état d'insolvabilité
notoire du débiteur. Cette lacune a conduit certains juges à
réintroduire cette notion pour apprécier la
recevabilité des requêtes
et limiter les abus :
les
pratiques juridictionnelles
à cet égard sont cependant
variables
. Si le tribunal de grande instance de Saverne déclare
recevables la quasi-totalité des demandes (132 décisions
d'admission pour 134 requêtes en 1996), celui de Mulhouse est plus
restrictif (126 décisions d'admission pour 186 requêtes, soit
environ 68 % des demandes).
TGI Strasbourg |
TGI Mulhouse |
TGI Colmar |
TGI Saverne |
Tous tribunaux |
||||||||||||
|
Nbre de décisions
d'admis-
|
|
Nbre de décisions d'admis-sion |
|
Nbre de décisions d'admis-sion |
|
Nbre de décisions
d'admis-
|
|
Nbre de décisions d'admis-sion |
|||||||
1992 |
227 |
107 |
68 |
181 |
176 |
35 |
35 |
511 |
||||||||
1993 |
308 |
267 |
100 |
141 |
138 |
32 |
31 |
581 |
||||||||
1994 |
550 |
470 |
160 |
225 |
167 |
102 |
100 |
1037 |
||||||||
1995 |
586 |
672 |
169 |
107 |
197 |
174 |
98 |
97 |
1050 |
1050 |
||||||
1996 |
608 |
553
|
186 |
126
|
157 |
133
|
134 |
132
|
1085 |
944
|
||||||
Totaux |
2279 |
2069 |
683 |
901 |
788 |
401 |
395 |
4264 |
Observations : le nombre d'ouvertures de dossiers au
cours d'une année peut englober des dossiers présentés
l'année précédente
Une telle disparité de situations est contraire à
l'équité ; ainsi paraît-il nécessaire d'y
remédier en introduisant le critère discriminant de la bonne foi
parmi les éléments d'appréciation de la
recevabilité des demandes.
B. LES AMÉLIORATIONS À APPORTER AU DISPOSITIF EXISTANT
Toutefois, cette énumération des fausses bonnes solutions ne doit pas laisser croire que le dispositif actuel n'est susceptible d'aucune amélioration. Au contraire, le groupe de travail a répertorié cinq pistes de réflexions pour rendre le système de traitement du surendettement plus performant : développer des outils statistiques d'évaluation ; renforcer l'efficacité du fichier des incidents de crédits aux particuliers (FICP) ; intégrer la dimension sociale dans le traitement du surendettement ; harmoniser cette procédure avec la procédure de saisie immobilière ; adapter le système actuel pour lui permettre de faire face aux situations inextricables.
1. La nécessité impérative de mettre en place des outils statistiques d'évaluation
Le groupe de travail a déjà eu l'occasion de
souligner à maintes reprises le manque d'éléments
statistiques en quantité et en qualité suffisantes. Cette lacune
a d'ailleurs constitué le principal frein à la mission du groupe
de travail.
D'une part, elle l'a gêné dans ses investigations
:
comment, en effet, analyser de manière approfondie le
phénomène du surendettement lorsqu'il n'existe aucune statistique
mise à jour régulièrement sur le profil des
surendettés, sur les causes du surendettement, ou encore sur les
relations entre l'endettement et le surendettement ? De même, comment
dresser un bilan du dispositif actuel sans informations précises sur la
nature des plans conclus et leur évolution, sur la fréquence
d'utilisation des outils mis à la disposition des commissions de
surendettement en phase amiable comme en phase de recommandation, sur le nombre
de plans ayant abouti à une solution définitive, sur les
décisions d'irrecevabilité...?
D'autre part, et c'est encore plus dommageable, ce manque d'informations a
gêné le groupe de travail dans l'élaboration de ses
conclusions.
Persuadés que trop de lois tuent la loi et conscients
que la loi Neiertz a déjà été profondément
réformée en 1995, vos rapporteurs ont adopté comme
principe d'action de ne proposer des modifications législatives que
lorsqu'elles s'avèrent indispensables pour rendre le système
actuel plus performant et que les résultats escomptés ne peuvent
être obtenus par d'autres moyens. Or, cette tâche est rendue
difficile par l'absence d'outils statistiques. Certes, grâce d'une part
aux nombreuses auditions des représentants de l'ensemble des acteurs
concernés par le phénomène du surendettement et, d'autre
part, aux multiples déplacements sur le terrain, vos rapporteurs ont
rassemblé des informations et des impressions très utiles. Pour
autant, pouvaient-ils proposer des réformes à partir d'un
faisceau d'indices, surtout lorsque ces dernières sont audacieuses et
risquent donc d'être contestées ? Confronté à
cette question délicate, le groupe de travail a répondu par
l'affirmative, estimant qu'il était de la responsabilité des
parlementaires de faire des propositions même en l'absence de tous les
éléments d'information nécessaires, dans la limite des
constats qui ont pu être dressés.
Toutefois, il est impératif de remédier à cette situation.
Dans cette perspective, deux sortes de mesure sont à prendre rapidement.
D'une part, il faut mettre en place les outils statistiques
nécessaires à la bonne appréhension du
phénomène du surendettement.
21(
*
)
D'autre part, il faut doter les commissions de surendettement d'un
dispositif d'évaluation performant
non seulement en
développant les études comparatives (sur les méthodes de
fonctionnement, sur la composition des plans...), mais également en
utilisant le "scoring" dans l'élaboration des plans
22(
*
)
. Jusqu'à présent, seuls les
établissements de crédit se servent de cette technique pour
apprécier la capacité de remboursement des emprunteurs. Pourtant,
cet outil statistique pourrait être adapté au travail des
commissions de surendettement. Le groupe de travail est conscient que la
construction d'un tel outil demandera beaucoup d'énergie, puisqu'il
faudra étudier les corrélations entre certaines variables
socio-économiques caractérisant les surendettés ayant
déposé un dossier et leur impossibilité de respecter le
plan proposé. En outre, se pose la question de son financement, qui
devrait être assumé, de même que la production de
statistiques, par l'État puisque le traitement du surendettement,
même s'il est assuré par la Banque de France, constitue une
mission de service public. Toutefois, à moyen terme, le "scoring"
permettrait d'augmenter le taux de réussite réel des plans
conventionnels en les adaptant mieux aux profils des ménages
concernés.
2. Améliorer l'efficacité du Fichier des Incidents de Crédit aux Particuliers (FICP)
Le groupe de travail s'est prononcé contre la
création d'un fichier positif. Toutefois, il lui paraît
nécessaire d'améliorer le dispositif actuel du fichier central
des incidents de paiement pour répondre à deux objectifs.
Il s'agit tout d'abord de décourager toute tentative de fraude ou d'abus
de la part des débiteurs. En effet, les entretiens menés avec des
responsables de la Banque de France ont laissé entendre que la part des
surendettés qui essaient de profiter du système instauré
par la loi Neiertz tend à augmenter.
Il s'agit de débiteurs qui saisissent la commission de surendettement
uniquement pour gagner du temps, sans la moindre intention de signer un plan
conventionnel ou de fournir les efforts financiers nécessaires à
la réussite de ce dernier.
En effet, la commission peut demander au
juge la suspension des voies d'exécution. Dans ce genre de situation,
les débiteurs considèrent la procédure collective comme un
droit acquis et refusent fréquemment de faire preuve de bonne
volonté. La constitution de leur dossier demande souvent beaucoup plus
de temps, le personnel de la Banque de France ayant à les relancer sans
arrêt et à vérifier très attentivement leurs
déclarations. Or, " cette perte de temps " n'est guère
récompensée puisque, dans la majorité des cas, une fois le
plan conventionnel élaboré, les débiteurs soit refusent de
le signer, soit ne donnent plus signe de vie, obligeant les commissions de
surendettement à clore le dossier.
Or, ce détournement de la procédure est facilité par
l'inscription tardive du débiteur au FICP, qui intervient après
l'adoption du plan conventionnel.
Au moment de la discussion de la loi,
cette date avait été retenue car les intervenants avaient
estimé que les ménages menacés de surendettement
étaient certainement confrontés à des incidents de
paiement avant même le dépôt de leur dossier et qu'ils
étaient, en conséquence, déjà inscrits au FICP. La
réalité est tout autre et vos rapporteurs ont pu constater que
certains ménages surendettés, qui ont contracté de
nombreux prêts, parfois dans le même établissement, ne sont
toujours pas inscrits au FICP.
C'est pourquoi le groupe de travail propose d'inscrire les débiteurs
au FICP dès le dépôt du dossier devant la commission de
surendettement.
Les avantages de cette mesure sont nombreux :
- elle dissuaderait les débiteurs mal intentionnés
d'encombrer les commissions en les interdisant de crédit dès le
dépôt de leurs dossiers ;
- elle renforcerait la logique de bonne foi supposée des
débiteurs. En effet, le dépôt d'un dossier de
surendettement constitue une démarche volontaire de la part du
particulier. Elle signifie que celui-ci se sent en situation de surendettement
et cherche à sortir de cette situation difficile en sollicitant l'aide
des commissions. La procédure étant d'ores et déjà
condamnée à l'échec si le débiteur aggrave son
insolvabilité, l'interdire de crédit apparaît donc comme
une mesure légitime.
Le groupe de travail souhaite également
renforcer l'efficacité
du FICP
.
En centralisant tous les incidents de paiement et en mettant ces informations
à la disposition de l'ensemble du système bancaire, le FICP
constitue indéniablement un progrès dans la maîtrise du
surendettement. Tous les établissements de crédit entendus par le
groupe de travail ont d'ailleurs affirmé consulter le FICP avant la
délivrance de crédits. Toutefois, le groupe de travail estime
que, dans une logique de généralisation du recensement des
incidents significatifs, il serait utile d'enrichir le fichier FICP de
données complémentaires telles que :
- les saisines des commissions départementales de surendettement ;
- les impayés d'impôts constatés par le Trésor
(impôt sur le revenu, taxe d'habitation...) ;
- les impayés constatés par EDF ou France
Télécommunications ;
- les impayés constatés par les compagnies d'assurances
relativement aux primes mises en recouvrement.
Le groupe de travail est convaincu qu'ainsi enrichi, le fichier actuel
gagnerait en efficacité. Toutefois, ils ne cachent pas qu'un tel
élargissement soulève deux problèmes, l'un éthique
et l'autre financier.
Afin que ce nouveau fichier ne porte pas atteinte aux libertés
individuelles, il reviendra aux pouvoirs publics, sous le contrôle de la
Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL), de définir
précisément la nature des informations ainsi recueillies et mises
à disposition.
Par ailleurs, il faudra fixer les modalités de sa consultation et,
notamment, déterminer la liste des organismes habilités à
accéder au FICP. Jusqu'à présent, la
confidentialité des informations était garantie par le secret
bancaire, puisque seuls les établissements de crédit
étaient autorisés à consulter le fichier (qu'ils
étaient également les seuls à alimenter). En cas
d'élargissement des sources d'informations du FICP, se posera
inévitablement la question de l'accès à ce dernier par les
organismes extérieurs à la profession bancaire et, en cas de
réponse positive, des mesures à prendre pour s'assurer que les
renseignements communiqués resteront confidentiels.
Le recensement d'informations complémentaires dans le FICP
soulève également la question délicate de son
financement.
Le coût du fichier actuel, soit 16,5 millions de
francs par an, est réparti par la Banque de France entre les
établissements de crédits en fonction de leur part dans les
encours de crédits. En contrepartie, ces derniers ont le monopole de son
utilisation. Toutefois, si d'autres organismes étaient autorisés
à le consulter, il semblerait logique que ces derniers participent
à son financement.
En outre, vos rapporteurs tiennent à rappeler que l'efficacité
du FICP dans la prévention du surendettement dépend aussi de la
manière dont il est utilisé par les établissements de
crédit. Or, les pratiques varient beaucoup d'un établissement
à l'autre.
Ainsi, les établissements les plus soucieux de la
maîtrise du risque consultent systématiquement le FICP pour toute
demande de crédit, alors que d'autres ne s'y réfèrent pas
lorsque le client est connu ou a déjà
bénéficié d'un crédit. En outre, le FICP ne
constitue pour les établissements de crédit qu'une aide à
la décision et certains ont reconnu accorder des crédits alors
même que le demandeur est inscrit au FICP.
LE FICHIER DES INCIDENTS DE CRÉDIT AUX
PARTICULIERS
Le FICP a pour objectif de renseigner les
établissements de crédit sur le risque lié à
l'octroi de crédits aux particuliers. A l'inverse de certains fichiers
européens, le FICP ne recense pas les encours de crédits au nom
des personnes physiques. C'est un fichier négatif qui centralise les
difficultés de remboursement des crédits aux particuliers. Le
FICP est géré par la Banque de France et recense :
- les incidents de paiement caractérisés (pour une durée
de 5 ans pour les incidents postérieurs au 1er juin 1996,
pour 3 ans pour les incidents antérieurs à cette date);
- les mesures conventionnelles ou judiciaires de traitement des situations de
surendettement : recommandations émises par la commission auxquelles le
juge a conféré force exécutoire et mesures prises par le
juge à la suite d'une contestation (conservation pendant le plan ou la
mesure judiciaire, sans que la durée de conservation puisse
excéder 5 ans).
Pour les crédits à échéances
échelonnées, un incident de paiement caractérisé
est constitué par des défauts de paiement qui atteignent :
- pour un crédit remboursable mensuellement, un montant
équivalent au triple de la dernière échéance due ;
- dans les autres cas, un montant équivalent à une
échéance demeurée impayée pendant plus de
90 jours.
Pour les crédits sans échéance échelonnée,
l'incident caractérisé sera constitué par le défaut
de paiement des sommes exigibles plus de 90 jours après la date de
mise en demeure de payer du débiteur, dès lors que la somme
exigible est au moins de 3.000 francs.
Pour tous les types de crédit, l'incident caractérisé sera
constitué si, après défaut de paiement,
l'établissement de crédit engage une procédure judiciaire
ou prononce la déchéance du terme après mise en demeure du
débiteur restée sans effet.
L'inscription effectuée au nom du débiteur est
immédiatement effacée s'il y a paiement intégral des
sommes dues.
3. Intégrer la dimension sociale dans le traitement du surendettement
Les secrétariats des commissions de surendettement sont
bien préparés à l'examen des aspects financiers des
dossiers, mais ce ne sont pas des juristes spécialisés et ils
sont mal informés sur l'accès à l'aide sociale ou son
rétablissement, ou encore sur le repérage des aides
financières possibles. Or, l'augmentation du nombre de dossiers à
forte connotation sociale rend indispensable une meilleure prise en compte de
cette dimension dans le traitement du surendettement.
Vos rapporteurs estiment que celle-ci doit intervenir à trois niveaux :
d'abord lors de l'instruction des dossiers, lors de la
délibération de la commission, enfin, pour le suivi de la mise en
oeuvre du plan.
La dimension sociale doit être prise en compte dès
l'instruction des dossiers.
Certes, il ne s'agit pas de tomber dans
l'excès inverse et vos rapporteurs regrettent l'attitude de certains
travailleurs sociaux qui se déchargent sur les commissions en incitant
des ménages qui n'ont que des retards de charges (loyer, impôt,
téléphone, EDF...) et pas de dette bancaire à
déposer un dossier de surendettement. Certes, la saisine de la
commission est alors perçue comme un moyen permettant à des
familles en détresse de "souffler" ; le secrétariat de la
commission devient dans ces occasions un lieu d'écoute sociale. Ce
dernier se voit cependant dans l'impossibilité d'établir un plan
de redressement faute d'obtenir la remise des créances, alors qu'une
demande d'aides effectuée par les travailleurs sociaux permettrait de
résoudre ce problème.
Toutefois, en raison de l'évolution du profil des surendettés, un
nombre croissant de dossiers ne peuvent être traités d'une
manière purement financière. C'est pourquoi le groupe de travail
est très favorable au développement d'une plus grande
collaboration entre les commissions et l'ensemble des acteurs sociaux.
En outre, l'existence d'un soutien personnalisé pendant la phase
d'instruction éviterait l'aggravation des situations des
surendettés et augmenterait les chances de réussite des plans
proposés par les commissions.
Le groupe de travail a remarqué
que plus le surendettement (voire le risque de surendettement) était
constaté et traité précocement, plus la réussite
des plans était assurée, à condition bien sûr
qu'aucun événement extérieur ne remette en cause la bonne
exécution de ce dernier (chômage, divorce...). Or, entre le moment
où le surendetté retire le dossier de surendettement et le moment
où le plan conventionnel est adopté, il s'écoule plusieurs
mois pendant lesquels la situation des débiteurs ne fait qu'empirer,
rendant l'application du plan plus périlleuse. Il semble donc
indispensable qu'avant même le dépôt du dossier, le
surendetté soit guidé vers un professionnel du secteur social qui
examine avec lui sa situation et prenne toutes les mesures existantes pour
empêcher ce dernier de s'enfoncer un peu plus dans le surendettement.
Le groupe de travail a d'ailleurs constaté que le passage
préalable devant un travailleur social peut avoir des
conséquences non négligeables. Ainsi, lors de leur entretien avec
le chef du bureau du logement de la Seine-et-Marne, vos rapporteurs ont appris
que dans ce département, le Fonds de Solidarité pour le Logement
avait conclu des conventions avec les bailleurs afin de permettre le maintien
dans les lieux du débiteur. Inversement, si le dossier est d'abord
déposé devant la commission de surendettement, celle-ci n'aura
pas les moyens d'imposer le renouvellement du bail. Or, seul un travailleur
social qui connaît les deux procédures pourra guider le
débiteur vers l'organisme à solliciter en priorité...
Par ailleurs, une collaboration plus systématique entre les travailleurs
et les commissions de surendettement permettrait la conclusion de plans plus
réalistes, qui tiendraient davantage compte de la capacité
réelle de remboursement des familles.
Or, cette plus grande rigueur
dans l'élaboration des plans aurait l'avantage de diminuer le nombre des
dossiers à réexaminer parce qu'ils ne laissent pas aux
débiteurs de sommes suffisantes pour subvenir à leurs besoins
courants et à ceux de leur foyer.
La présence d'un travailleur social disposant d'une voix consultative
dans la phase de délibération obéirait également
à cette volonté de vérifier que les sacrifices
demandés aux débiteurs ne sont pas exagérés. En
outre, lors de l'examen des cas les plus difficiles, leur avis sur la situation
des surendettés pourrait être déterminant pour persuader
les créanciers d'accepter la réduction des taux
d'intérêt, l'établissement d'un moratoire sur une longue
période ou encore la réduction du capital restant dû, voire
sa remise.
Enfin, le groupe de travail est convaincu de la nécessité
d'instaurer un suivi de la mise en oeuvre des plans et de le confier à
un travailleur social
23(
*
)
. En effet,
l'effort demandé dans une majorité de cas est long (la
durée des plans varie de cinq à dix ans) et douloureux. Ainsi, 30
% des surendettés continuent à avoir des incidents de paiement et
plus de la moitié estiment ne pouvoir tenir le plan qu'avec
difficulté. Or, une fois le plan établi, ces personnes n'ont plus
d'interlocuteur avec qui parler de leurs problèmes et essayer de les
résoudre. Certains se tournent alors vers la Banque de France pour
demander conseil ou solliciter son intervention auprès d'un
créancier irrité. Devant le désarroi des
intéressés, le personnel de la Banque de France cède
souvent à ces requêtes, mais la généralisation de ce
phénomène menacerait le bon fonctionnement du secrétariat
des commissions de surendettement. En outre la Banque de France n'est pas un
organisme à vocation sociale.
Les modalités du suivi social doivent varier selon l'ampleur des
difficultés des débiteurs. Réduit à un simple
entretien avec les ménages dont la situation financière laisse
penser que l'application du plan ne posera pas de problème, le suivi
social peut devenir un soutien personnalisé en faveur des personnes
nécessitant une aide pour organiser la gestion budgétaire des
ressources laissées à leur disposition. A cet égard, vos
rapporteurs soutiennent la proposition de l'ODAS qui vise à
instituer
une contractualisation du suivi dans les clauses annexes du plan
,
conformément d'ailleurs à l'article 331-6 du code de la
consommation qui dispose que "
le plan prévoit les
modalités de son exécution
".
Cette technique du contrat, très utilisée par les travailleurs
sociaux pour le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) ou le Revenu
Minimum d'Insertion (RMI), permet de responsabiliser et de mobiliser les
personnes en difficulté.
4. Adopter dans les meilleurs délais la proposition de loi renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière
Dès lors que la procédure applicable en
matière de saisie immobilière suit ses propres règles,
sans prendre en compte l'ouverture, le cas échéant, d'une
procédure devant la commission de surendettement, tout règlement
collectif risque d'être empêché. Aussi paraît-il aussi
urgent que nécessaire de clarifier les compétences respectives du
juge de l'exécution et du juge de la saisie immobilière en
matière de suspension des procédures d'exécution.
La proposition de loi renforçant la protection des personnes
surendettées en cas de saisie immobilière
24(
*
)
,
actuellement en instance au Sénat,
définit des solutions qui, sans préjudice de la refonte
d'ensemble du régime de la saisie immobilière annoncée,
permettraient de remédier à cette situation.
Son article 3 modifie l'article 703 du code de procédure civile (ancien)
pour ouvrir à la commission de surendettement la faculté de
demander la remise de l'adjudication pour causes graves et dûment
justifiées. En l'état actuel du droit, cette demande ne peut
émaner que du poursuivant, de l'un des créanciers inscrits ou de
la partie saisie. Par souci de coordination et afin de lever toute
ambiguïté, l'article 4 de la proposition de loi tend à
compléter l'article L. 331-5 du code de la consommation pour mentionner
cette possibilité nouvelle.
Ce même article 4 prévoit par ailleurs que, postérieurement
à la publication d'un commandement aux fins de saisie
immobilière, le juge de la saisie immobilière est seul
compétent pour prononcer la suspension de cette procédure.
Afin d'éviter tout risque de discontinuité dans l'effet de la
suspension, une précision est en outre introduite à l'article L.
331-5 précité : en cas d'échec de la procédure
amiable, la suspension des poursuites est prolongée dès que le
débiteur demande à la commission de surendettement de faire des
recommandations et non à partir du moment où ces recommandations
sont effectivement prescrites.
Seraient ainsi clarifiées les compétences respectives du juge de
l'exécution et du juge de la saisie immobilière ainsi que la
procédure en matière de suspension des procédures
d'exécution afin que le débiteur soit assuré de leur
suspension effective.
Enfin, l'article 5 de la proposition de loi propose de modifier l'article L
331-7 du code de la consommation pour permettre plus fréquemment
à la personne surendettée de bénéficier d'une
mesure recommandée tendant, en cas de vente forcée ou amiable de
son logement principal, à réduire le montant de la fraction des
prêts immobiliers restant due après la vente ; cette
disposition du code de la consommation limite en effet la possibilité
d'invoquer le bénéfice d'une telle mesure au délai d'un an
consécutif à la vente. Il suffit ainsi aux établissements
prêteurs de ne faire valoir leurs droits qu'une fois ce délai
écoulé pour échapper au dispositif. Aussi, l'article 5
propose-t-il de proroger la possibilité de prescrire la mesure de
réduction de la dette jusqu'à l'expiration d'un délai de
deux mois à compter de l'exercice de leurs droits par les organismes de
crédits, c'est-à-dire de la sommation de payer le montant de la
fraction des prêts immobiliers restant due.
Compte-tenu des conséquences susceptibles de résulter des
incohérences constatées affectant le droit en vigueur relatif au
traitement des situations de surendettement, il paraîtrait opportun
d'adopter dans les meilleurs délais la proposition de loi
susvisée dont l'examen par le Parlement est quasiment achevé.
5. Compléter le dispositif existant pour aménager une " issue de secours " en faveur des cas les plus désespérés
Selon les indications fournies par la Banque de France,
les
dépôts successifs de dossiers concernant un même
débiteur ont tendance à se multiplier
: la proportion des
dossiers correspondant à un dépôt renouvelé
s'élèverait ainsi à 15 %, ce phénomène
étant imputable à la fois à une fragilité accrue
des plans élaborés, 35 % des dossiers déposés ne
présentant aucune capacité de remboursement, et à un
recours croissant à la pratique des moratoires.
Le pourcentage des plans comportant des moratoires est évalué
à environ un quart en phase amiable et à la moitié en
phase de recommandation. Les moratoires de courte durée recueillant la
préférence des créanciers (60 % sont d'une durée
inférieure ou égale à un an), cela a pour
conséquence mécanique d'entraîner un réexamen
périodique des dossiers par les commissions de surendettement. En
l'absence de véritables mesures de réaménagement de la
dette, ces moratoires ne constituent souvent qu'un simple répit, sans
apporter de solution, car il est rare que des changements favorables
interviennent pendant ce délai dans la situation du débiteur.
Or, l'évolution constatée, si elle devait se perpétuer ou,
pire, s'accentuer, ferait courir au dispositif de traitement du surendettement
un
risque d'asphyxie
de nature à compromettre son
efficacité globale, pourtant reconnue de tous. Il convient donc de
remédier rapidement à cette situation pour éviter que le
phénomène d'engorgement, à l'origine de la réforme
de 1995 concernant les juridictions, n'affecte à son tour le
fonctionnement des commissions.
Cela nécessite d'imaginer une issue définitive pour les
situations les plus désespérées. Cette
étape
ultime
devrait cependant être réservée aux cas
inextricables pour éviter les travers de la faillite civile qui
encourage la déresponsabilisation des emprunteurs. Elle ne doit pas
remettre en cause le caractère fondamentalement consensuel de la
procédure actuelle : il convient donc de souligner son caractère
résiduel.
Les conditions qui devraient être réunies pour accéder
à cette ultime étape de la procédure devraient fournir les
garanties de nature à éviter toute dérive
.
Afin qu'un même dossier ne fasse pas l'objet de dépôts
successifs résultant du seul effet mécanique de l'expiration de
moratoires de trop courte durée, une procédure de traitement des
cas les plus désespérés pourrait être
imaginée. Elle serait initiée soit, dès l'origine à
l'occasion de l'examen de la première demande en phase amiable, par la
commission de surendettement, soit, au terme du déroulement de la
procédure actuelle à l'occasion de la contestation devant le juge
des mesures recommandées, par l'une des parties.
Dans ce dernier cas, et afin d'éviter les manoeuvres dilatoires du
débiteur, une condition de recevabilité serait que
l'impossibilité de parvenir à un plan amiable n'ait pas
été la conséquence de son refus et que l'échec d'un
tel plan ne soit pas imputable à des agissements de celui-ci ayant
aggravé son endettement par la souscription de nouveaux emprunts ou par
des actes de disposition de son patrimoine.
Cette phase ultime se déroulerait sous le contrôle du juge qui,
appréciant la gravité de la situation, prescrirait un moratoire
global d'une durée qui pourrait être fixée à trois
ans. Une telle décision s'accompagnerait d'un fichage au FICP du
débiteur bénéficiaire pendant toute la durée de ce
moratoire avec obligation pour lui de répondre à un rendez-vous
annuel avec le secrétariat de la succursale de la Banque de France pour
faire le point sur sa situation.
En cas de fait nouveau consistant en une amélioration de la
solvabilité du débiteur rendant envisageable l'élaboration
d'un plan de redressement, la procédure ordinaire serait reprise au
point où elle avait été suspendue (phase amiable ou phase
de recommandation). Tout acte de dissimulation ou provoquant une aggravation
volontaire de la situation financière du débiteur emporterait
à son encontre déchéance du bénéfice de ce
dispositif.
A défaut de fait nouveau constitutif d'un retour à meilleure
fortune, le juge, au terme des trois années de moratoire, ouvrirait une
nouvelle période dont la durée pourrait être fixée
à sept ans pendant laquelle le débiteur continuerait à
faire l'objet d'un fichage au FICP et serait contraint, en fonction de
l'importance de ses revenus, à verser une somme forfaitaire,
fixée par le juge, destinée à dédommager
partiellement ses créanciers. A l'issue de cette nouvelle période
et en l'absence d'amélioration significative de la situation du
débiteur, le juge déciderait de l'effacement définitif de
ses dettes et de la liquidation de son patrimoine résiduel.
Les conditions et les conséquences d'une telle procédure
permettrait d'éviter les abus en offrant une solution ultime pour les
cas de surendettement les plus graves et les plus
désespérés, sans remettre en cause la
caractéristique fondamentale du dispositif actuellement en vigueur qui
donne la primauté à la conciliation.
C. LE DÉVELOPPEMENT INDISPENSABLE DE LA PRÉVENTION
" Mieux vaut prévenir que guérir " :
ce vieil adage s'applique parfaitement au phénomène de
surendettement.
En effet, même si le volet curatif de la loi n °89-1010 du
31 décembre 1989 relative à la prévention et au
règlement des difficultés liées au surendettement des
particuliers et des familles a permis de sortir un grand nombre de
débiteurs de situations gravement compromises, il est loin de constituer
une panacée. D'une part, il a conduit au développement d'une
procédure lourde et coûteuse. Rien qu'à la Banque de
France, 925 employés (en équivalent temps plein, soit
15 % de l'effectif total) sont chargés de l'instruction des
dossiers de surendettement. Le coût global du traitement des dossiers
s'est élevé à 380 millions de francs en 1996 et
pourrait atteindre 400 millions de francs en 1997, selon les estimations de la
Banque de France. D'autre part, cette procédure ne permet pas de trouver
de solution pour les cas les plus désespérés. C'est
pourquoi le groupe de travail estime indispensable de développer des
mesures pour prévenir le surendettement.
La loi Neiertz a complété par toute une série de
dispositions le système juridique déjà existant de
protection du consommateur : elle a limité la validité de l'offre
de crédit permanent à un an renouvelable ; elle a renforcé
le formalisme du contrat de cautionnement afin d'appeler l'attention des
personnes se portant caution sur la gravité de cet engagement ; elle a
imposé à l'établissement prêteur l'obligation
d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal
dès le premier incident caractérisé et a interdit aux
établissements de crédit de se prévaloir de cautionnements
manifestement disproportionnés, eu égard au patrimoine et aux
revenus de la caution ; elle a interdit les publicités en faveur du
" crédit gratuit " en dehors des lieux de vente ; elle a
réglementé de manière précise le contenu des
documents publicitaires remis à l'emprunteur dans les opérations
de crédit immobilier ; elle a interdit de rémunérer un
vendeur, salarié ou non d'un établissement de crédit, en
fonction du taux de crédit qu'il a fait contracter à l'acheteur ;
enfin, elle a réformé la définition du prêt usuraire.
Or, il semble que ces mesures n'aient pas eu l'impact espéré.
Deux raisons peuvent être invoquées.
D'une part, et le groupe de travail le déplore, il semble que la loi
ne soit pas toujours respectée
. Ainsi, au cours des entretiens, vos
rapporteurs ont été avertis que loin d'être prévenue
dès le premier incident de paiement, la caution est souvent
contactée par l'établissement de crédit une fois seulement
les impayés de remboursement de crédit accumulés, au
risque de la plonger à son tour dans le surendettement. De même,
le cautionnement manifestement disproportionné est
régulièrement pratiqué pour l'octroi de prêts
à des dirigeants d'entreprises ou des professions libérales.
D'autre part, ces mesures, bien que nécessaires, sont insuffisantes car
elles n'insistent pas assez sur la sensibilisation des ménages ainsi que
la responsabilisation des prêteurs et ne prévoient aucun
dispositif pour sécuriser l'accession à la
propriété des ménages modestes. Or, cette dernière
mesure apparaît indispensable pour éviter que les particuliers qui
s'endettent fortement pour devenir propriétaires ne basculent dans le
surendettement en cas d'événement imprévu.
1. L'amélioration de l'information des particuliers
Les débats parlementaires ayant
précédé le vote du projet de loi relatif à la
prévention et au règlement des difficultés liées au
surendettement des particuliers et des familles avaient insisté sur la
responsabilité de deux facteurs dans le développement du
surendettement :
-
l'ignorance des consommateurs en matière financière et
juridique
: divers sondages et enquêtes effectués
auprès des usagers du crédit démontraient que ceux-ci ne
mesuraient pas, voire ne connaissaient pas du tout l'étendue de leurs
engagements ;
-
le comportement agressif de certains établissements de
crédit
, relayé par celui des vendeurs prescripteurs de
crédit : le crédit à la consommation, notamment, est
parfois vendu par des distributeurs préoccupés davantage par le
développement des ventes que par une distribution optimale du
crédit.
Or, ce double constat reste plus que jamais d'actualité. C'est pourquoi
il apparaît indispensable de poursuivre l'amélioration de
l'information des particuliers.
La France dispose d'un des systèmes de protection des consommateurs les
plus complets au monde. La loi Neiertz a encore amélioré ce
dispositif par diverses mesures visant à protéger les
consentements des emprunteurs et des cautions. Pourtant, certains usagers
continuent d'accepter des crédits qu'ils refuseraient s'ils
étaient correctement informés. En réalité, deux
raisons expliquent ce paradoxe.
D'une part, même si le prêteur remet au client un contrat que
celui-ci doit signer et qui contient toutes les informations sur le
crédit contracté, ce document est la plupart du temps
négligé au profit des informations reçues au cours de
l'entretien entre le client et le vendeur. Cette constatation vaut
particulièrement lors de l'octroi d'un crédit à la
consommation. En outre, le contexte de la délivrance du crédit
n'incite pas le client à prendre son temps et à lire avec
attention le contrat. Ce dernier est fortement influencé, voire
pressé par le vendeur qui lui garantit qu'il s'agit d'une bonne affaire
et qui joue sur la volonté du client de quitter le magasin avec le bien
convoité.
D'autre part, le trop grand formalisme des contrats conduit à une
situation très regrettable : au lieu d'apporter au consommateur le
maximum d'informations sur le crédit désiré, il rend la
lecture attentive du contrat rebutante à cause de sa longueur et de sa
complexité.
L'amélioration de l'information du consommateur par un nouveau
renforcement des clauses contenues dans le contrat conduirait à des
résultats opposés à l'objectif recherché. Pour
qu'elle soit efficace, il faut qu'elle prenne en compte la précipitation
qui caractérise la plupart des octrois de crédits et la
complexité des contrats actuels. C'est pourquoi
le groupe de travail
est favorable à ce que les mentions obligatoires devant figurer dans
l'offre de crédit en vertu des dispositions du code de la consommation
soient bien mises en évidence
, comme c'est le cas par exemple pour
des mentions devant apparaître sur certains produits tels que les
boissons contenant de l'alcool ou les paquets de cigarettes, destinées
à attirer l'attention du consommateur sur leur nocivité pour la
santé. Ces mentions obligatoires sont en effet souvent noyées
dans un flot d'informations de nature commerciale. Il conviendrait d'ailleurs
qu'elles soient également clairement inscrites dans les documents
publicitaires.
De plus, les consommateurs ne se rendent souvent pas compte du coût
réel des crédits qu'ils contractent (les taux
d'intérêt varient entre 10 et 15 % pour les crédits
renouvelables) et ne retiennent que l'avantage de pouvoir rembourser de petites
sommes chaque mois.
Il semble donc indispensable de mener
régulièrement des campagnes de sensibilisation sur le coût
des crédits à la consommation
. Elles pourraient être
organisées par les associations de consommateurs en collaboration avec
les services sociaux des mairies et des conseils généraux.
D'une manière générale, ces initiatives locales doivent
être relayées par des campagnes nationales d'information sur les
droits des consommateurs et les réglementations en vigueur concernant le
crédit.
2. La responsabilisation des prêteurs
Au cours de leurs auditions, vos rapporteurs ont
constaté, de la part de certains établissements de crédit,
non seulement un laxisme parfois inquiétant, mais également des
irrégularités à la loi.
Le laxisme concerne trois domaines : les accords de prêts, la
publicité sur les offres de crédit et la formation des vendeurs
jouant le rôle de prescripteur.
A de nombreuses reprises, le groupe de travail a pu constater la multitude de
prêts contenus dans certains dossiers déposés auprès
des commissions de surendettement. Il s'est demandé à chaque fois
si les derniers prêteurs n'avaient pas manifestement fait preuve d'une
trop grande légèreté dans l'octroi des crédits,
attitude méritant d'être sanctionnée. Or, lorsque cette
question est évoquée devant ces établissements, ils se
retranchent toujours derrière le caractère déclaratif des
informations fournies par les demandeurs de crédit pour nier leur
responsabilité. Dans le même temps, ils sont hostiles à la
création d'un fichier positif, qui permettrait de connaître avec
précision l'état d'endettement de chaque client.
En outre, le groupe de travail a remarqué que certains
établissements de crédit avaient autorisé des clients
à accumuler plusieurs crédits, contribuant ainsi à les
enfoncer dans le surendettement. L'article 12 de la loi Neiertz
prévoit bien que les prêteurs peuvent être traités
différemment suivant les précautions dont ils ont entouré
l'octroi du crédit. Mais l'expérience montre que la preuve que le
prêteur avait une connaissance exacte de la situation de l'emprunteur et
qu'il a néanmoins pris un risque inconsidéré
méritant sanction est très difficile à établir.
Le groupe de travail s'alarme également de certaines publicités
concernant le crédit à la consommation qui donnent l'impression
qu'il est possible d'emprunter de l'argent sans jamais avoir à le
rembourser. Ce constat vaut particulièrement pour les crédits
permanents, puisque l'emprunteur reconstitue peu à peu sa réserve
de crédit avant même d'avoir remboursé intégralement
le crédit précédent. L'emprunteur perd ainsi tout
repère et le principe de la réalité du remboursement est
relégué au second plan. A cet égard, vos rapporteurs
regrettent que les mentions obligatoires dans toute publicité sur les
crédits manquent très souvent de clarté, soit parce que
leur formulation prête à confusion, soit parce que la police
d'écriture choisie les rend pratiquement illisibles. Il souhaite donc
que ces publicités de nature à induire en erreur le consommateur
soient plus souvent sanctionnées.
En outre, le groupe de travail a constaté une grande disparité
dans l'attitude des établissements de crédit vis-à-vis des
vendeurs. La plupart des crédits à la consommation se
caractérisent par le fait que ceux qui les proposent, à savoir
les vendeurs, ne sont pas ceux qui les financent (les établissements de
crédit). Or, si certains établissements de crédit veillent
à la formation continue des vendeurs, les responsabilisent et
contrôlent leurs actions par des inspections surprise, d'autres se
désintéressent totalement des conditions dans lesquelles le
contrat est signé, alors même que leur crédibilité
est en jeu.
Plus grave encore, le groupe de travail a été informé de
certaines irrégularités commises par les établissements de
crédit, qui concernent les cautions et l'inscription au FICP. La loi
Neiertz dispose dans son article 19 que "
toute personne
physique
qui s'est portée caution à l'occasion d'une opération de
crédit relevant de la présente loi doit être
informée par l'établissement prêteur de la
défaillance du débiteur principal dès le premier incident
de paiement caractérisé susceptible d'inscription au
fichier
" (FICP). En outre, "
un établissement de
crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu
par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa
conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci
est appelée, ne permette de faire face à son
obligation
. " Or, ces dispositions ne sont pas toujours
respectées.
Par ailleurs, le groupe de travail a appris que certaines banques, au lieu
d'inscrire leurs clients au FICP, leur donnaient un nouveau crédit en
comptant sur l'amélioration de leur situation dans les mois qui suivent.
Une telle pratique va à l'encontre des dispositions légales
régissant le FICP.
De plus, certains établissements de crédit subordonnent le
remboursement par anticipation à un préavis de trois mois. Le
groupe de travail rappelle que la loi accorde à l'emprunteur le droit de
rembourser son prêt par anticipation à tout moment. Ce
remboursement est entièrement gratuit pour les crédits à
la consommation et payant, dans la limite d'une indemnité d'un montant
maximal de 3 % du capital restant dû, pour les crédits immobiliers.
Le groupe de travail est conscient qu'un renforcement de la législation
ne permettrait pas de lutter efficacement contre ce laxisme et ces violations
de la loi. En revanche, si les sanctions prévues étaient
appliquées systématiquement, voire renforcées, les
établissements de crédit seraient plus soucieux du respect des
lois : la loi Neiertz dispose ainsi que "
si la caution n'est pas
informée par l'établissement prêteur de la
défaillance du débiteur principal dès le premier incident
de paiement caractérisé, la caution ne saurait être tenue
du paiement des pénalités ou intérêts de retard
échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle
elle en a été informée
. "
Le groupe de travail tient cependant à attirer l'attention des
établissements de crédit sur les effets dommageables de ces
pratiques en terme d'image de marque. Il plaide donc pour une réflexion
au sein de la profession bancaire sur l'adoption de règles
déontologiques applicables à l'octroi du crédit. A cet
égard, il a été informé de l'élaboration par
l'Association des sociétés financières (ASF) d'un label
" qualité-crédit ". Le caractère très
récent de cette initiative n'a pas permis au groupe de travail
d'analyser de manière approfondie le référentiel
conçu par l'ASF. Il tiens cependant à saluer cette
démarche constructive, tout en espérant que le perfectionnement
de ce label conduira à prendre également en compte la
publicité sur les offres de crédit.
3. Sécuriser l'accession à la propriété
Une prévention efficace du surendettement des accédants à la propriété peut passer par deux types de mesures : supprimer les distorsions artificielles entre le logement neuf et le logement ancien ; sécuriser le débiteur accédant à la propriété.
a) L'option fondamentale : supprimer la distorsion entre le neuf et l'ancien
Nos outils publics d'accession à la
propriété comportent d'autant plus de risques de surendettement
qu'ils orientent davantage les familles modestes vers le logement neuf
. Il
s'agit d'un processus immédiat d'appauvrissement : un logement neuf
devient ancien à peine acquis, et par ce fait même, perd une
grande partie de sa valeur.
Deux objectifs complémentaires doivent être poursuivis :
- faire en sorte que la valeur du logement soit maintenue, ou du moins
qu'elle ne soit pas artificiellement réduite ;
- faciliter la fluidité du marché des logements devenus
anciens.
Pour cela, il est nécessaire de ne pas orienter systématiquement
la demande vers le logement neuf, de ne pas y concentrer les aides publiques,
qui gonflent artificiellement les prix de l'accession sociale, et de ne pas
entraver le marché du logement ancien.
Trois mesures principales peuvent être prises à cette fin.
La première consiste à étendre le prêt à
taux zéro aux achats de logements anciens.
Une quotité de
travaux peut être envisagée, mais il faut qu'elle soit
réduite pour devenir significativement plus faible que les actuels
35 % du coût de l'opération. Cette mesure permettrait aux
acquéreurs de logements neufs en prêt à taux zéro de
revendre leurs logements à des ménages de même condition
sociale bénéficiant des mêmes avantages. Cela
réduirait cet important facteur de surendettement qu'est la
décote. Bien entendu, le coût budgétaire d'une telle
extension nécessiterait de revoir les paramètres du prêt
à taux zéro pour en réduire la subvention globale. Une
réduction de la durée des différés d'amortissement
les plus longs (actuellement 17 ans), un léger abaissement des
plafonds de ressources sont envisageables, l'essentiel étant de ne pas
réduire la portée des prêts à taux zéro comme
celles des prêts d'accession à la propriété de la
dernière génération. Un aménagement de son mode de
financement (par exemple par la réorientation progressive des
crédits de la prime d'épargne logement)
25(
*
)
peut également être envisagé.
Une telle mesure paraît d'autant plus urgente que la réduction
d'impôt pour intérêts d'emprunt relative à
l'acquisition d'une résidence principale ancienne, qui avait
été prorogée jusqu'à la fin de l'année 1997,
ne sera pas reconduite. Il n'existera plus, à compter de 1998,
d'incitation à acquérir des logements anciens, ce qui
accroîtra mécaniquement l'écart de prix avec les logements
neufs, toutes choses égales par ailleurs, et appauvrira les
acquéreurs de logements neufs déjà installés.
La deuxième mesure serait de réduire les taux des droits de
mutation à titre onéreux.
Ceux-ci, grevant lourdement les
cessions de logements anciens, même très récents,
occasionnent soit une baisse de leur prix, soit un allongement des
délais de revente, en général un mixage des deux
phénomènes. Bien entendu, un relèvement de ces droits sur
les logements neufs (aujourd'hui très faibles) aboutirait au même
résultat relatif, mais cette piste, néfaste pour l'ensemble de
l'économie du logement, doit être abandonnée.
Actuellement, les départements ont la possibilité de
décider un abattement des bases de droits de mutation à titre
onéreux, mais ils ne l'utilisent que rarement
26(
*
)
. La seule solution raisonnable est d'engager un
processus de réduction très prudent et progressif, comme celui
qui a permis de plafonner, à partir de 1996, les droits de mutation
à titre onéreux départementaux à 5 %. Ce
processus nécessite peut-être la réintégration de
cette recette dans le budget de l'Etat. Il faut profiter de la reprise du
marché pour l'engager.
La troisième mesure consisterait à ne plus tenir compte du
caractère neuf ou non du logement dans l'octroi des aides personnelles,
au profit de critères plus neutres tels que les ressources, la
taille du logement, ou la taille de la famille. Actuellement, l'aide
personnalisée au logement-accession est supérieure de 24 %
lorsqu'un ménage acquiert un logement neuf.
De timides et incomplètes tentatives de rééquilibrage
ont eu lieu par le passé. Elles sont insuffisantes, mais elles prouvent
qu'il est possible de s'engager dans cette voie, à condition de le faire
avec la prudence nécessaire
. Ainsi, les droits de mutation à
titre onéreux départementaux ont vu leur taux-plafond
réduit de 10 % en 1990 à 5 % à compter du
1er juin 1996. En 1993 a été créé le
prêt d'accession sociale, qui pouvait être considéré
comme un concurrent du prêt d'accession à la
propriété dans le logement ancien. L'expérience a
cessé en 1995 avec l'apparition du prêt à taux zéro,
dont le prêt d'accession sociale est devenu un prêt
complémentaire, le prêt à taux zéro n'ayant pas
lui-même d'équivalent pour le logement ancien. En 1996, le
prêt à taux zéro a été étendu pour une
année aux acquisitions avec quotité de travaux réduite
à 20 % du coût total (contre 35 % normalement). Pour des
raisons budgétaires, l'expérience a cessé fin 1996,
malgré un indéniable succès. C'est aussi pour des raisons
budgétaires que la réduction, compensée par l'État,
de 35 % des droits de mutation à titre onéreux
régionaux et départementaux votée en août 1995 a
dû s'achever en janvier 1997.
Si ces ouvrages ne sont pas remis rapidement sur le métier, il faut
s'attendre à une vague de sinistres touchant des acquéreurs en
prêt à taux zéro contraints à la vente, dont les
biens seront décotés et invendables.
Certains facteurs de
décote restent en effet imparables : l'usure, le coût des travaux
futurs, la perte progressive de la garantie décennale. Il est
impératif que la politique d'aide au logement n'aggrave pas la situation.
b) Mettre en place un système public de garantie du débiteur
Jusqu'à présent, les systèmes publics
d'assurance-crédit ne fonctionnent qu'au profit du créancier.
C'est le cas notamment du prêt d'accession sociale, garanti par le Fonds
de garantie à l'accession sociale (FGAS), financé par
l'État.
Il n'est proposé aux débiteurs en
difficulté que des systèmes curatifs.
La réforme de l'accession sociale à la propriété
mise en place par l'ancien ministre du logement, Monsieur Pierre-André
Périssol, comprenait initialement un volet de sécurisation, que
celui-ci considérait comme l'indispensable complément de
l'instauration du prêt à taux zéro. Il envisageait de faire
financer ce projet par la participation des employeurs à l'effort de
construction, mais le recours massif à cette dernière pour
financer le prêt à taux zéro lui-même
(1 milliard de francs en 1995 et 1996, 7 milliards de francs en 1997
et 1998) l'a empêché de mener ce projet à son terme.
Or, l'absence de ce deuxième pilier prive l'accession sociale d'un filet
de sécurité absolument indispensable, des ménages
extrêmement modestes ayant commencé à accéder
à la propriété à partir de fin 1995, avec des
durées de remboursement très longues (jusqu'à
21 ans). Comment penser qu'aucune difficulté ne touchera ces
ménages, accédant aujourd'hui à la propriété
par dizaines de milliers ?
Il est donc urgent de mettre en place un système de
sécurisation, financé par l'État, et qui pourrait
s'appuyer sur les entreprises d'assurance et les organismes d'HLM.
Plusieurs pistes peuvent être explorées.
Il s'agit tout d'abord de la
mise en place d'une assurance contre les
difficultés de paiement occasionnées par le chômage
. Le
précédent gouvernement envisageait deux séquences de
garantie qui auraient pu concerner les prêts à taux zéro
associés à des prêts d'accession sociale :
- réduction d'un tiers de la mensualité à partir du
dixième mois de chômage ;
- relogement prioritaire dans le parc HLM comme locataire après le
vingt-sixième mois de chômage.
Les réflexions sur ce sujet devraient être reprises. Elles
pourraient être étendues aux autres causes exogènes de
difficultés : décès, mobilité professionnelle,
problèmes familiaux.
On peut imaginer d'autres dispositifs. L'assurance-chômage
proposée par les compagnies d'assurance représente environ un
demi point de taux d'intérêt, et s'adresse surtout à ceux
qui courent faiblement ce risque. Il serait envisageable de
créer un
crédit d'impôt sur le revenu
(dont
bénéficieraient les ménages non imposables, à la
différence d'une réduction d'impôt)
correspondant au
coût de cette assurance
, la rendant accessible aux ménages
fragiles.
Certains établissements de crédit (le Crédit immobilier de
France et le Crédit foncier) offrent à leur client une
garantie de rachat
, assortie de conditions. On peut imaginer une prise
en charge partielle du coût de ce type de garantie par l'État.
La réintégration dans le parc HLM des
copropriétés dégradées et en situation
financière difficile doit également être envisagée,
leurs occupants devenant locataires.
Bien entendu, une telle solution ne
pourrait que s'accompagner d'importantes contreparties pour les organismes.
Enfin, il paraît nécessaire de
reprendre la réflexion
sur le remboursement anticipé des emprunts immobiliers, de façon
à ne pas pénaliser les ménages contraints par les
difficultés de la vie d'effectuer un tel remboursement.
Ces
derniers, conduits à rembourser du fait du chômage, d'un
décès, d'une mobilité professionnelle, devraient
être exemptés de toute indemnité.
* *
*
LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
* *
*
I - Les propositions ponctuelles :
1. Mettre en place des outils statistiques permettant une analyse quantitative
et qualitative périodique de l'évolution du
phénomène du surendettement ;
2. Mettre à la disposition des commissions de surendettement d'une part,
les instruments permettant d'optimiser la gestion des dossiers et d'harmoniser
les méthodes de travail, d'autre part, les outils d'évaluation de
nature à faciliter l'élaboration des plans amiables et des
mesures recommandées (systèmes experts, méthodes de score
comparables à celles utilisées par les organismes de
crédit) ;
3. Inscrire le débiteur surendetté au FICP dès le
dépôt du dossier au secrétariat de la succursale de la
Banque de France ;
4. Interdire à un débiteur qui a déjà saisi la
commission de surendettement mais qui a refusé le plan proposé de
pouvoir redéposer un dossier, sauf changement significatif de sa
situation ;
5. Prévoir la présence d'un travailleur social siégeant
aux réunions de la commission de surendettement avec voix consultative ;
6. Harmoniser la procédure de traitement du surendettement et la
procédure de saisie immobilière en clarifiant les
compétences respectives du juge de l'exécution et du juge de la
saisie immobilière en matière de suspension des procédures
d'exécution : ouvrir à la commission de surendettement la
faculté de demander la remise de l'adjudication pour causes graves et
dûment justifiées ;
7. Préciser le libellé de l'article L. 331-5 du code de la
consommation afin qu'en cas d'échec de la procédure amiable la
suspension des poursuites soit prolongée dès que le
débiteur demande à la commission de surendettement de faire des
recommandations et non à partir du moment où ces recommandations
sont effectivement prescrites ;
8. Modifier le libellé de l'article L. 331-7 du code de la consommation
afin, en cas de vente forcée ou amiable du logement principal du
débiteur surendetté, de proroger la possibilité offerte
à la commission de surendettement de recommander la réduction du
montant de la fraction des prêts immobiliers restant due après la
vente jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à
compter de l'exercice de leurs droits par les organismes de crédit ;
9. Introduire dans le code de la consommation une disposition prévoyant
que les gérants dont la société a été mise
en liquidation judiciaire (alors que celle-ci n'est pas clôturée)
ne peuvent prétendre au bénéfice de la procédure
sur le surendettement des ménages tant que la première
instruction n'est pas terminée ;
10. Afin d'éviter que la caution ne soit tenue plus
sévèrement que le débiteur principal, introduire dans le
code de la consommation un article disposant que la caution puisse se
prévaloir des mesures consenties par le créancier dans le plan
conventionnel de règlement ;
11. Imposer que les mentions légales obligatoires devant figurer dans
l'offre de crédit à la consommation soient également
inscrites dans les documents publicitaires et dans chaque cas soient bien mises
en évidence.
II - Les orientations préconisées par le groupe de travail
:
1. Enrichir la liste des mentions figurant au FICP pour
généraliser le recensement des impayés au-delà des
seuls incidents de paiement constatés par les organismes de
crédit ;
2. Afin d'éviter un engorgement des commissions de surendettement
risquant de compromettre leur efficacité reconnue par l'ensemble des
acteurs, compléter le dispositif en vigueur en prévoyant une
procédure spécifique applicable aux cas les plus
désespérés ;
3. Développer une coopération plus étroite entre les
secrétariats des commissions de surendettement et l'ensemble des acteurs
sociaux dans la phase d'instruction des dossiers de surendettement ;
4. Instaurer un mécanisme contractuel de suivi de la mise en oeuvre des
plans confié à un conseiller en économie sociale et
familiale ;
5. Développer des campagnes de sensibilisation sur le coût des
crédits à la consommation associant les services sociaux et les
associations de consommateurs et lancer des campagnes nationales d'information
sur les droits des consommateurs et les réglementations en vigueur
concernant le crédit ;
6. Encourager une réflexion au sein de la profession bancaire sur
l'adoption de règles déontologiques applicables à l'octroi
du crédit ;
7. Étendre la loi n °85-98 du 25 janvier 1985 sur le
redressement et la liquidation judiciaire des entreprises aux professions
libérales.
III - Les mesures tendant à sécuriser l'accession à la
propriété
1. Encourager la souscription, par les emprunteurs accédants, de la
garantie perte d'emploi en recourant à la technique de la pollicitation,
qui consiste à diffuser simultanément plusieurs garanties se
rapportant au même objet (ex: proposer systématiquement la
garantie perte d'emploi en même temps que les garanties
décès-invalidité qui ont déjà un taux de
diffusion élevée) ;
2. Supprimer la distorsion entre le neuf et l'ancien en étendant le
prêt zéro aux achats de logements anciens, en réduisant les
taux des droits de mutation à titre onéreux et en ne tenant plus
compte du caractère neuf ou non du logement dans l'octroi des aides
personnelles ;
3. Mettre en place un système de sécurisation du prêt
à taux zéro, financé par l'État, et qui pourrait
s'appuyer sur les entreprises d'assurance et les organismes d'HLM ;
4. Engager une réflexion sur le remboursement anticipé des
emprunts immobiliers, de façon à ne pas pénaliser les
ménages contraints par les difficultés de la vie à
effectuer un remboursement anticipé ;
5. Renforcer la couverture du territoire national par les ADIL en créant
les 58 agences manquantes ( une agence par département).
ANNEXE
LISTE DES AUDITIONS
1) Les auditions organisées au Sénat :
· Association française des banques (AFB)
· Association française des établissements de crédit
et entreprises d'investissement (AFECEI)
· Association des sociétés financières (ASF)
· M. Hubert Balaguy, auteur du Que sais-je ? sur le crédit à
la consommation en France
· Banque de France
· Cetelem
· Chambre nationale des huissiers de justice
· Cofinoga
· Compagnie bancaire
· Conseil national du crédit (CNC)
· Confédération syndicale du cadre de vie (CSCV)
· Crédit agricole
· Crédit immobilier de France
· Crédit mutuel
· DIAC
· Électricité de France (EDF)
· Fédération française des sociétés
d'assurance (FFSA)
· Finaref
· Institut national de la consommation (INC)
· Ministère de l'économie et des finances
· Ministère de la justice
· M. Michel Mouillart, économiste, professeur à
l'Université Paris X
· Observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS)
· Société S2P
· SOVAC
· Trésorier payeur général des Alpes-Maritimes
· Union fédérale des consommateurs - Que choisir ?
· M. Jean-Luc Vallens, président de l'Institut du droit local
d'Alsace-Moselle
2) Les déplacements :
· Centre communal d'action sociale (CCAS) des Ulis
· Fonds de solidarité pour le logement (FSL) de Seine-et-Marne
· Tribunal de grande instance de Melun
· Commission de surendettement d'Evry
· En Alsace : mandataires-liquidateurs et magistrats des tribunaux de
grande instance de Strasbourg et de Mulhouse
· Tribunal de grande instance d'Evry
(1) La liste des auditions figure en annexe du rapport.
1
Loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative
à la prévention et au règlement amiable des
difficultés des entreprises.
Loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la
liquidation judiciaires des entreprises.
Loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation
de l'exploitation agricole à son environnement économique et
social.
2
JO Débats AN - 1ère séance du 7
décembre 1989 - p. 6108.
3
Rapport sur l'application de la loi n° 89-1010 du 31
décembre 1989 relative à la prévention et au
règlement des difficultés liées au surendettement des
particuliers et des familles, p. 37 et 60.
4
Cass. 1re civ. 13 janvier 1993
5
Cass. 1re civ. 27 octobre 1992
6
Une unité de consommation correspond en
statistique à ce qui revient à un des individus composant un
foyer après pondération : 1 pour le chef de famille; 0,7 pour le
deuxième adulte et pour les enfants de plus de 15 ans et 0,5 pour
les moins de 15 ans.
7
La capacité de remboursement brute mensuelle est obtenue en
déduisant des ressources mensuelles totales du ménage les charges
courantes fixes. Ne sont donc pas exclues les dépenses mensuelles
destinées à la survie du ménage (frais de nourriture,
entretien, vêtements, éducation des enfants...), appelées
couramment "reste à vivre".
(1) Crédits de trésorerie et comportement d'endettement des ménages : de l'observation statistique à une interprétation socio-économique, par Loïc Chapeaux et Michel Mouillart.
8
Conseil National du Crédit - Rapport -
exercice 1995 - p. 329
9
Conseil national du crédit - rapport - exercice 1995 - p.
329 ; les notes bleues de Bercy n° 113 - 16/30 juin 1997.
10
Les notes bleues de Bercy - n° 113 - 16/30 juin 1997. p. 4
(Étude du Comité consultatif du Conseil national du crédit
couvrant la période octobre 1994 - janvier 1995).
11
Rapport présenté par M. Roger Léron, op.
cit., p. 62.
12
Les cahiers de l'ODAS - Travail social et
surendettement - janvier 1997 - p. 22.
13
Les cahiers de l'ODAS - op. cit. - p. 13.
14
Cass., 1
ère
civ., 31 mars 1992, Bull. Civ. I
n° 111, p. 75.
15
La multiplication des réexamens est
liée, dans la majorité des cas, soit à la fragilité
financière des ménages, soit à l'absence totale de
ressources. Toutefois, vos rapporteurs ont dû constater que
les
réexamens de dossiers étaient également motivés par
le désir, chez certains débiteurs mal intentionnés, de
profiter du système
. Ce phénomène reste minoritaire,
mais vos rapporteurs ont été alertés par la Banque de
France qu'il prenait de l'ampleur. C'est le cas des ménages qui, bien
qu'ayant signé le plan, refusent de fournir les efforts financiers
nécessaires à sa réussite, accumulent donc les incidents
de paiement puis ressaisissent les commissions. Il n'est d'ailleurs pas rare
que ces ménages aient constitué une épargne durant
l'application (ou plutôt, la non application) du premier plan.
16
Sous l'empire de l'ancien redressement judiciaire civil, il
s'agissait d'ailleurs de la position adoptée par la Cour de Cassation.
Ainsi, dans la décision de la première chambre civile du
17 mai 1993, il est précisé que, le juge
"n'étant pas tenu d'assurer le redressement dans un quelconque
délai", il peut prononcer le report de toutes ou d'une partie des dettes
"pour permettre au débiteur de faire face à ses obligations avec
ses ressources"; "le juge peut toujours reporter ce paiement à la date
d'expiration des délais prévus par l'article 12".
17
Rapport établi par M. Roger
Léron, op. cit., p. 103.
18
Rapport établi par M. Roger Léron, op.cit., p. 75.
19
Rapport établi par M. Roger Léron, op. cit., p. 77.
20
proposition de loi - Sénat n° 233 (94-95)
proposition de loi - Assemblée nationale n° 2037 (94-95)
proposition de loi - Assemblée nationale n° 2100 (94-95)
proposition de loi - Sénat n° 230 (95-96)
21
Cette demande rejoint la proposition de l'ODAS
de normaliser les formulaires remplis par les surendettés. Cette
normalisation, qui faciliterait le traitement informatique des dossiers,
pourrait porter sur les données relatives à la situation
familiale et professionnelle des divers adultes de la famille et sur leur
situation au regard du logement, mais aussi sur les causes du surendettement.
22
A ce sujet, la proposition de l'ODAS de créer un fichier
de suivi des plans a également comme objectif de mieux adapter ces
derniers à chaque type de situation : ce fichier serait constitué
à partir des données ayant servi à l'établissement
des plans en ce qui concerne la capacité de remboursement, le suivi
antérieur ou non par un travailleur social, et l'intervention
préalable, ou simultanée, d'autres dispositifs (FSL, commission
interinstitutionnelle des aides financières...). A partir de ces
données, les situations comportant des risques d'échec de plan
(capacité de remboursement trop faible ou nulle, fragilité
à la suite d'une rupture, chômage, séparation, deuil...)
pourraient être définies. Pour ce type de situation, l'ODAS
préconise d'organiser un retour d'informations sur le déroulement
du plan, en prévoyant que le bénéficiaire du plan
remplisse tous les mois une fiche sur les difficultés
rencontrées. L'ensemble des informations ainsi recueillies permettraient
de tenir à jour un registre sur l'évaluation de la pertinence des
plans.
23
A ce propos, le groupe de travail ne suit pas le
député Roger Léron qui, dans son rapport sur l'application
de la loi n °89-1010 du 31 décembre 1989 relative
à la prévention et au règlement des difficultés
liées au surendettement des particuliers et des familles, se
prononçait contre l'institution à l'échelle nationale d'un
dispositif de suivi. Pour justifier sa position, il faisait remarquer qu'un tel
système n'apparaissait "ni possible, aucune institution ou
organisation, publique ou privée, ne disposant actuellement des moyens
nécessaires pour le prendre en charge, ni souhaitable. D'une part, les
coûts qui résulteraient d'une telle solution applicable pendant
toute la durée des plans (qui peuvent prévoir
l'échelonnement des remboursements sur de très nombreuses
années) seraient disproportionnés au regard de l'objectif
poursuivi, d'autre part, un tel système conduirait à une mise
sous tutelle de fait de l'ensemble de la population concerné". Vos
rapporteurs sont conscients du problème du coût d'un tel
dispositif mais estiment qu'il pourrait être surmonté à
condition que le suivi instauré, contrairement à celui
envisagé par le député, soit un suivi personnalisé,
dont l'intensité variera en fonction des besoins de chaque
débiteur. En outre, il ne s'agit pas de mettre les surendettés
sous tutelle. Certes, les plans prévoient souvent des règlements
à échéances multiples, au profit de créanciers
souvent nombreux, ce qui peut apparaître comme une situation complexe
à gérer. Mais ces difficultés techniques peuvent
être résolues par des instruments de paiement classiques comme un
prélèvement automatique sur le compte bancaire ordinaire du
débiteur. Vos rapporteurs défendent le principe du suivi de
l'exécution des plans car ils le considèrent comme un
accompagnement social, prévu dans le plan et accepté par le
débiteur, afin d'aider ce dernier à gérer son budget et
à s'acquitter ponctuellement de ses échéances.
24
Assemblée nationale - Rapport n° 2704
(1996-1997) - Adoption le 18 avril 1996.
Sénat - Rapport n° 114 (1996-1997) - Adoption le 12 décembre
1996.
Assemblée nationale - Rapport n° 3330 (1996-1997) - Adoption le 12
mars 1997.
Sénat - Rapport n° 325 (1996-1997).
25
Ceux-ci s'élèvent à
8,1 milliards de francs pour 1998. La prime d'épargne-logement est
toujours distribuée à la clôture d'un plan, même si
cette clôture ne donne lieu à aucun investissement dans le
logement.
26
Au 1er juin 1997, six départements appliquent un
abattement, le Calvados, la Creuse, l'Isère, la Manche, la Marne et la
Saône-et-Loire.