2. L'inadaptation des systèmes de frais terminaux
Ce vocable de " frais terminaux " mérite
une
explication. Il recouvre le fait que, dans les relations postales entre deux
pays, la poste expéditrice fait payer le service à ses clients et
rémunère les prestations de la poste de distribution sur la base
d'un dispositif adopté par l'Union Postale Universelle, sous le vocable
de frais terminaux. La poste de destination est obligée de distribuer le
courrier sans être rémunérée sur la base de ses
coûts.
Les taux de rémunération sont des taux forfaitaires,
établis sur une base mondiale, à la majorité des voix de
cette organisation qui réunit 190 pays, sans tenir compte des
coûts de distribution. Sous réserve de quelques
aménagements difficilement applicables, le système de base repose
sur un prix de 27,40 francs par kilo (3,427 droits de tirage spéciaux
(DTS)).
Ainsi donc, pour une lettre de 10 g , la poste d'arrivée
ne reçoit, selon le dispositif UPU, que 0,27 franc alors qu'en
France, par exemple, le tarif de la lettre est de 3 francs.
Avec le système dit de la Conférence Européenne des Postes
et Télécommunications (CEPT), auquel participent la plupart des
postes de l'Union européenne, figé aux niveaux atteints en 1992,
et qui fait l'objet d'une plainte instruite par la Commission, les frais
terminaux sont de 1,30 franc pour une lettre de 10 g.
Ce système de frais terminaux a engendré des effets pervers,
très graves pour les postes d'arrivée, avec le
développement à une très vaste échelle et selon des
techniques de plus en plus sophistiquées du phénomène du
repostage.
3. Le développement de la pratique du repostage
Le repostage organisé s'est développé
à partir de 1986, année de la libéralisation du courrier
international sortant aux USA, à l'initiative de la compagnie
aérienne KLM et de l'opérateur postal KPN, tous deux
néerlandais.
On distingue trois formes de repostage, le repostage ABA, ABB et ABC
99(
*
)
, l'élément commun
étant généralement la distribution finale par
l'administration postale du pays de destination.
La technique a d'abord consisté à injecter du courrier d'un pays
A pour un pays C via un pays intermédiaire B, l'expéditeur du
pays A pouvant obtenir des tarifs plus bas via B, ceux-ci étant
fondés sur les frais terminaux et non sur les coûts de la poste
d'arrivée (repostage ABC).
Cette activité étant rémunératrice, les acteurs du
repostage se sont attaqués au courrier national transformé en
courrier international par la délocalisation de son dépôt
ou de sa fabrication dans d'autres pays (repostage ABB et ABA).
Ce phénomène de repostage a pris de l'ampleur avec la
complicité d'un certain nombre de postes
, car elles seules se voient
appliquer le système des frais terminaux. Elles peuvent donc proposer
à de gros clients une tarification fondée sur le faible niveau de
ces derniers et sur ... une forme très particulière de
loyauté à l'égard de leurs consoeurs.
Les opérateurs postaux des Pays-Bas puis du Royaume-Uni sont les
précurseurs de ces pratiques.
A l'heure actuelle,
la principale bénéficiaire est la poste
des Pays-Bas
: la société KPN.
Celle-ci réalise un chiffre d'affaires sur les activités de
repostage supérieur à 1 milliard de dollars, sous
différentes étiquettes :
- PTT Post BV ;
- Interpost, filiale de repostage détenue à 75 % par
PTT Post BV et 25 % par KLM ;
- Mailfast, filiale de repostage lui appartenant pratiquement en
totalité avec le rachat de TNT ;
- différentes filiales en Europe de l'Est, Asie, Caraïbes ;
- " blanchiment " du courrier par utilisation des droits de
trafic
des pays en développement.
Le rapport International Post Corporation (IPC) estime que 25 % des
activités de repostage européen transiteraient par sa filiale PTT
Post.
Au Royaume-Uni,
Royal Mail International
est également un
opérateur très actif sur le marché du détournement
de trafic. En effet, Royal Mail aurait, d'après International Post
Corporation, récemment inauguré des bureaux à Manhattan,
animés par une équipe de vendeurs proposant des services de
repostage auprès des sociétés d'export américaines.
Outre les opérateurs de ces deux pays, les principales autres postes
bénéficiaires sont les suivantes :
- en Europe de l'Ouest : les postes belge, danoise et suisse ;
- en Méditerranée : Malte et Gibraltar servent de pavillon
de complaisance ;
- en Europe de l'Est : Russie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne ;
- en Asie : Singapour, Hong Kong, Malaisie et Emirats Arabes ;
- en Afrique : Maroc, Zimbabwe ;
- en Amérique : Antilles néerlandaises, République
dominicaine.
Les autres bénéficiaires sont les sociétés de
courrier express (DHL, TNT, Jet Services...), les compagnies aériennes,
les routeurs et consolidateurs, les gros expéditeurs de courrier.
N'étant, en effet, pas parties prenantes aux accords postaux
internationaux en ce domaine, ces entreprises profitent du repostage par le
biais des accords commerciaux qu'elles nouent avec les postes pirates.