A. DYNAMISER LE RÉSEAU DE LA POSTE...
1. Le moratoire ou " Mermoz enchaîné "
a) Le moratoire : conservatoire ou étouffoir ?
En mai 1993,
lorsqu'au grand soulagement d'une immense
majorité de maires ruraux,
la décision de suspendre toute
fermeture de points postaux dans les campagnes a été prise, votre
rapporteur
-à l'instar de beaucoup d'autres-
s'en est
félicité.
Défenseur résolu du territoire, il
avait estimé que cette mesure conservatoire était à
même de garantir le maintien dans les zones rurales fragiles
d'instruments pouvant servir de vecteur privilégié à leur
revitalisation. Il jugeait en effet, à l'époque, qu'un tel gel
évitait de compromettre l'avenir, notamment en donnant aux
réflexions politiques engagées pour assurer la renaissance des
territoires en déshérence la possibilité d'aboutir sans
précipitation à la grande loi d'orientation pour le territoire
qu'il appelait de ses voeux.
Lucide quant aux bouleversements qu'entraînaient les évolutions
concurrentielles du marché postal, il jugeait néanmoins -au vu
des éléments d'informations dont il disposait à
l'époque- que les obligations ainsi imposées à La Poste
n'étaient pas excessives au regard de ce que la Nation se trouve en
droit d'exiger d'une grande entreprise publique. Et, il est vrai
qu'en 1993, les évaluations habituellement disponibles sur le
coût de la présence territoriale de La Poste n'atteignaient pas
-il s'en faut de beaucoup- le degré de précision qu'elles ont
acquis depuis.
Aujourd'hui, l'accélération des mutations de l'environnement
technique
159(
*
)
et
juridique
160(
*
)
des
activités postales, la constatation qu'à l'étranger non
seulement aménagement postal du territoire ne rimait pas
nécessairement avec enracinement immobilier mais qu'en plus, les
réseaux physiques des postes étaient en voie de contraction et de
profonde transformation, et surtout la révélation de ce que le
moratoire représentait en termes de déficit de
compétitivité pour La Poste, ont profondément
ébranlé ces certitudes initiales.
Votre rapporteur est désormais persuadé que
le moratoire
,
unanimement demandé par les élus ruraux au début des
années 1990 et largement approuvé par les élus
nationaux en 1993, est un boulet pour La Poste.
Songeons que sur la base de l'évaluation de l'Inspection
générale des Finances
le moratoire aura coûté
près de 20 milliards de francs -2.000 milliards de centimes !-
de mai 1993 jusqu'à la fin de 1997, soit près de douze fois
le budget de l'aménagement du territoire pour 1997.
Est-il raisonnable d'imposer une telle charge à une entreprise qui a
connu le déficit au cours des cinq derniers exercices et qui va devoir,
au cours des cinq prochaines années, consentir un effort d'adaptation
sans beaucoup d'équivalent, sur un si bref laps de temps, parmi ceux
qu'elle a déjà su réussir au cours de sa longue
histoire ?
En lutherie,
l'étouffoir
est un mécanisme que l'on
applique sur un instrument pour arrêter les vibrations des cordes. La
chape asphyxiante du moratoire ne risquerait-elle pas à terme, si elle
restait étendue sur le réseau des points de contact postaux,
d'étouffer le bruit des moteurs des camions jaunes dans nos campagnes et
peut-être ailleurs ?