b) La solution économique : rapprocher frais terminaux et coûts de distribution
Le seul remède à la menace que fait peser le
repostage sur La Poste française est d'obtenir une
rémunération des prestations rendues à leur juste prix et,
pour ce faire, de fixer de toute urgence les frais terminaux sur la base des
coûts de la poste de distribution. Le repostage ne présenterait
ainsi plus d'intérêt pour ses auteurs.
Le Conseil des ministres européens s'est, certes,
préoccupé du problème et la
proposition de
directive
postale élaborée par la Commission pose, dans son
article 13, les principes suivants :
- fixation des frais terminaux sur la base des coûts de traitement
et de distribution du courrier entrant de manière transparente et non
discriminatoire ;
- prise en compte de la qualité du service rendu pour la fixation
des niveaux de rémunération.
Cependant, pour arriver au respect de ces principes, le seul effort consenti
par l'Union européenne pour résoudre le problème du
repostage en vertu de cet article apparaît très mince : une simple
incitation des Etats membres à "
encourager leurs prestataires
de service universel à faire en sorte que leurs accords sur les frais
terminaux
" respectent ces principes, ces accords pouvant
comporter
des dispositions transitoires destinées à éviter les
perturbations indues sur les marchés des services postaux ou des
répercussions défavorables pour les opérateurs
économiques, sous réserve d'un accord entre les opérateurs
d'origine et de destination.
Peut-on se contenter de se réjouir d'une telle déclaration
d'intention ? Celle-ci risque fort de rester un voeu pieux, sachant que
les Etats dont les postes profitent de ce piratage ne seront pas -c'est le
moins que l'on puisse dire- incités à les " policer ".
Les frais terminaux constituant l'élément-clé pour assurer
et garantir la fourniture du service universel transfrontalier,
on aurait pu
pourtant imaginer que la Commission européenne propose un
véritable cadre de référence.
En effet, l'exercice auquel se livrent les postes pour arriver à un
accord acceptable par tous est extrêmement difficile, car comment faire
en sorte que des postes réalisant des profits importants grâce
à leurs pratiques de " brigands " renoncent aux avantages
qu'elles leur procurent ?
En dépit des difficultés, un accord a cependant été
signé, en 1995, par toutes les postes européennes, à
l'exception de la poste espagnole
(accord Reims 1
:
" Remuneration of Exchanges of International Mail
System ").
Cet
accord prévoit, à l'issue d'une période transitoire de six
ans, prenant fin par conséquent en 2001, de rémunérer le
courrier standard sur la base de 80 % des tarifs intérieurs, cette
rémunération étant subordonnée à l'atteinte
d'objectifs de qualité de service.
Pendant la période transitoire, la rémunération
établie sur la base des taux de la Conférence européenne
des postes et télécommunications (CEPT), fixés à
1,30 franc pour une lettre de 10 grammes. Ce taux peut être
majoré chaque année en fonction des résultats de
qualité de service réalisés.
Cet accord, notifié
à la Commission européenne, est toujours en cours
d'instruction
.
Dans l'attente d'une solution qui tarde à venir, la poste de
destination devrait pouvoir
appliquer l'article 25 de la Convention de
l'Union Postale Universelle (UPU)
, ratifiée par tous les Etats
membres de l'Union européenne
136(
*
)
, qui prévoit de facturer la
poste de repostage sur la base des tarifs intérieurs, en soumettant aux
mêmes dispositions le courrier délocalisé physiquement ou
électroniquement.
L'accord Reims 1 est soumis à une clause dissolutoire en cas de non
signature par la poste espagnole et ne permettrait une couverture des
coûts qu'à la fin d'une période transitoire très
longue. En contrepartie, il autoriserait l'application de l'article 25
précité pendant la période transitoire.
Cependant, les services de la direction générale chargée
de la concurrence (DG IV) de la Commission européenne, auxquels l'accord
a été notifié, considèrent qu'il n'entre pas dans
leurs compétences de prendre position sur la validité de
l'article 25 au regard du droit communautaire. Il faut souligner qu'ils
restent, en revanche, silencieux sur les dispositifs de protection des
marchés domestiques à mettre en oeuvre tant que les frais
terminaux ne couvriront pas les coûts.
Rappelons que cette incertitude persistante ne profite qu'à certains
opérateurs -comme celui des Pays-Bas- au détriment des autres
postes et de leurs clients nationaux, dans la mesure où les pertes
subies à l'importation sont répercutées sur les autres
utilisateurs, c'est-à-dire sur le marché domestique.
En tout état de cause,
il s'est avéré
nécessaire
d'aller au-delà de l'accord Reims 1
, dans
la mesure où ce dernier suit une logique qui pourrait mettre en danger
économique le réseau postal des opérateurs en charge du
service universel, ceci sous l'influence combinée de plusieurs
facteurs :
- les coûts réels, évalués à 80 %
du tarif domestique, ne s'appliqueront qu'en 2001, à l'issue d'une
longue période transitoire ;
- au cours de cette dernière, l'accroissement des frais terminaux
est strictement subordonné à la réalisation globale des
objectifs de qualité de service fixés.
En combinant le maintien d'un différentiel fort entre frais terminaux et
tarifs domestiques et l'amélioration de la qualité de service, ce
mécanisme risque d'encourager une délocalisation accrue du
courrier domestique à l'étranger, qui ne serait pas liée
qu'aux écarts de productivité entre postes.
Face à cette menace, les mesures de protection contre les risques de
délocalisation sont actuellement inopérants. Tout en
reconnaissant la nécessité d'une telle protection, l'accord Reims
1 ne fait, on l'a dit, que renvoyer la possibilité d'application de
l'article 25 de l'UPU aux autorités compétentes de l'Union
européenne.
L'ensemble de ces facteurs ont conduit plusieurs postes -dont celles de France
et d'Allemagne- à rejeter le dispositif prévu pour la
période transitoire. En outre, ce dispositif est devenu caduc, l'Espagne
n'ayant pas signé l'accord dans les délais prévus.
C'est pourquoi, les postes européennes tentent, à l'heure
actuelle, de procéder au réaménagement du dispositif de
Reims 1 régissant la période transitoire, ceci sous le
qualificatif de
" Reims 2 ".
Votre Commission et votre groupe d'études sur l'avenir de la Poste et
des Télécommunications se félicitent de l'état
d'avancement des négociations de ce nouvel accord qui, reposant sur des
fondements économiques, tendrait à rapprocher les frais terminaux
des coûts de distribution de la poste de destination. Ces frais
représenteraient 55 % des coûts de distribution en 1998,
65 % en 1999, 70 % en 2000 et 80 % en 2001.
D'après les informations qui lui ont été fournies,
onze postes européennes auraient signé cet accord ;
certaines autres s'y seraient engagées. Peut-on dire, sur le mode
euphémistique, qu'un doute fait cependant plus que planer sur
l'adhésion de la poste néerlandaise ?