N° 6
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 1er octobre 1997
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la politique de la mémoire menée par le ministère des anciens combattants et victimes de guerre ,
Par M. Jacques BAUDOT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard,
Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini,
René Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel
Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot,
Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël
Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon
Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut,
Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel
Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann,
Henri Torre, René Trégouët.
Anciens combattants et victimes de guerre. - Rapports d'information. |
INTRODUCTION
A l'initiative de son Président, M. Christian Poncelet,
la commission des Finances a demandé à votre rapporteur, en sa
qualité de rapporteur spécial des crédits du
ministère des anciens combattants
1(
*
)
, d'effectuer un contrôle, sur
pièces et sur place, de l'utilisation des crédits affectés
à la Délégation à la Mémoire et à
l'Information Historique (D.M.I.H).
En effet, depuis plusieurs années, le Parlement est
systématiquement sollicité, lors de l'examen du budget, pour
voter des crédits exceptionnels non reconductibles à la D.M.I.H.
Ce contrôle devait donc permettre de vérifier si cette
administration disposait des crédits nécessaires pour accomplir
ses missions. Dans cette perspective, votre rapporteur a été
conduit à évaluer la politique de la mémoire menée
par le ministère, c'est-à-dire à en apprécier le
coût, à travers une étude quantitative, mais
également le sens et les objectifs.
La mémoire collective constitue en effet un ciment puissant pour chaque
société puisqu'elle véhicule son histoire et transmet ses
valeurs d'une génération à l'autre. Il s'agit donc d'un
patrimoine qu'il faut savoir à la fois protéger, entretenir et
partager, surtout avec les jeunes.
Pourtant, l'analyse de la politique de la mémoire menée par la
D.M.I.H conduit à un bilan mitigé : si le ministère
des anciens combattants semble en mesure, notamment grâce au
dévouement de ses fonctionnaires, d'entretenir correctement les
nécropoles nationales et les lieux de mémoire, les actions de
célébration et de promotion de la mémoire pêchent
par un manque de vision globale et à long terme.
Or, la prise de conscience de cette dérive constitue un enjeu essentiel
pour la légitimité et, en conséquent, la survie de ce
ministère. En effet, la mortalité naturelle qui affecte les
anciens combattants et la diminution du nombre des conflits font perdre de
l'importance aux fonctions traditionnelles, comme le versement des pensions
d'invalidité et des retraites des combattants. En revanche, la
défense de la mémoire apparaît d'autant plus
nécessaire que les dates des conflits reculent, que les survivants se
font rares et que le souvenir s'efface.
En définitive, c'est à une véritable réflexion sur
les missions et le rôle du ministère des anciens combattants
qu'invitent les conclusions de ce rapport.
Votre rapporteur souhaite remercier l'ensemble des intervenants qu'il a eu
l'occasion de rencontrer au cours de ses nombreuses visites et de ses
différents entretiens. Il tient particulièrement à saluer
la précieuse collaboration et la grande disponibilité de
l'ensemble du personnel de la Délégation à la
Mémoire et à l'Information Historique, et notamment de l'ancien
délégué à la mémoire,
M. Roger JOUET, de son adjoint M. Claude AURIOL, et du chef
du département du Patrimoine, M. Bernard KOELSCH.
I. DES MISSIONS TRÈS VARIÉES QUI S'AVÈRENT ESSENTIELLES POUR LA SAUVEGARDE ET L'ENTRETIEN DE LA MÉMOIRE COLLECTIVE
A. DES MISSIONS TRÈS VARIÉES
Le décret n° 92-231 du 12 mars 1992 relatif
à l'organisation de l'administration centrale du secrétariat
d'État aux anciens combattants et victimes de guerre définit les
missions de la Délégation à la Mémoire et à
l'Information Historique. Il dispose que cette dernière
"
participe à la définition et à la mise en uvre
de la politique de l'État dans le domaine de la mémoire des
guerres et des conflits contemporains par la mise en valeur des lieux de
mémoire, l'élaboration du programme commémoratif,
l'organisation d'actions pédagogiques, le soutien à la recherche
historique et à la défense de la mémoire.
"
Les activités de la Délégation à la Mémoire
et à l'Information Historique sont donc très variées. La
division de la D.M.I.H en quatre départements et deux bureaux
témoigne d'ailleurs de cette diversité.
Quatre grandes fonctions lui incombent, qui sont précisées par
l'arrêté du 19 juin 1992 fixant l'organisation en
départements et services de la Délégation à la
Mémoire et à l'Information Historique.
1. L'entretien du patrimoine
L'ensemble du patrimoine est géré par le
département du patrimoine qui conçoit et met en uvre l'ensemble
des activités liées au patrimoine des guerres et des conflits
contemporains.
D'une part, il coordonne l'ensemble des travaux de construction et de
rénovation des nécropoles nationales en France et à
l'étranger ainsi que la sauvegarde des hauts lieux ; il gère
les relations avec les services des tombes étrangères ; en
France, il travaille avec les collectivités locales et les associations
tandis qu'à l'étranger, il est en contact avec les ambassades et
les consulats français ; il étudie tous les dossiers
concernant la création et l'entretien des monuments, stèles,
plaques et musées.
D'autre part, il développe les relations avec les ressortissants
à travers les recherches concernant les " Morts pour la
France ", l'attribution du droit de pèlerinage et l'attribution de
la mention " Mort en déportation ".
Enfin, le département du patrimoine est chargé de la mise en
valeur du patrimoine à travers la réalisation de
dépliants, de panneaux d'information, de plaquettes ou de tout autre
document d'information.
2. L'organisation des cérémonies
C'est le département des cérémonies qui
organise les manifestations à caractère national et les
cérémonies légales ou exceptionnelles. Il s'agit, pour les
commémorations traditionnelles, du 11 novembre, du 8 mai, de la
journée nationale de Commémoration des persécutions et des
crimes racistes, antisémites commis sous l'autorité de fait dite
" gouvernement de l'État français "
(célébré symboliquement le jour de la rafle du
Vélodrome d'Hiver) le 16 juillet, de la journée du Souvenir de la
Déportation le 30 avril et de la fête du Patriotisme le
deuxième dimanche de mai.
Les célébrations d'anniversaire sont plus rares mais mobilisent
des sommes très élevées. La dernière grande
commémoration a eu lieu en 1994/1995, pour fêter le
cinquantième anniversaire des Débarquements et de la
Libération de la France. Une mission avait alors été
créée (sous la forme juridique d'un Groupement
d'Intérêt Public), qui avait été dotée de
150 millions de francs.
3. L'information historique
C'est le département de l'information historique qui
est chargé de cette mission.
D'une part, il met en uvre et soutient les initiatives
pédagogiques : il subventionne les projets d'actions
éducatives et les voyages scolaires ayant trait à la
mémoire des guerres et des conflits (il existe d'ailleurs des
conventions de partenariat avec la Ligue française de l'enseignement et
de l'éducation permanente et l'Association des professeurs d'histoire et
de géographie), il participe à l'organisation du concours
national de la Résistance et subventionne les concours sportifs du 8 mai.
D'autre part, il gère les activités d'information historique
mises en uvre au niveau local par les services
déconcentrés : ainsi, il suit les activités de la
commission départementale pour l'information historique et pour la paix,
qui est présidée par le préfet ; il gère les
subventions liées aux projets d'information historique des associations
et des collectivités locales (réalisations d'expositions, de
films, de livres, de plaquettes, de documentaires sur les thèmes des
guerres et conflits contemporains) ; il suit les vétérans de
1914-1918 ; il est chargé des relations avec les
représentants de la mémoire dans les villes de plus de 10.000
habitants...
Il existe également la cellule communication, directement
rattachée au délégué de la D.M.I.H, qui s'occupe de
la revue mensuelle "Les Chemins de la Mémoire", des dossiers de presse
et des publications spécifiques.
4. La défense de la mémoire
La mémoire doit être non seulement entretenue,
mais également défendue. En effet, elle est menacée
à la fois par l'oubli et par la falsification. C'est pourquoi a
été créé le département Mémoire et
Vigilance, qui est chargé de deux missions complémentaires,
visant à défendre la mémoire de la guerre et des conflits
contemporains.
D'une part, il participe à la collecte des témoignages d'anciens
combattants et subventionne l'organisation de colloques et de journées
de témoignages.
D'autre part, il contribue à l'élaboration des lois relatives
à la défense de la mémoire, des guerres et conflits
contemporains et veille à ce que la mémoire ne soit pas remis en
cause.