2001 Perspectives Macroéconomiques
Bernard Barbier
Délégation du Sénat pour la Planification - Rapport 80 - 1996 / 1997
Table des matières
- PRÉSENTATION
-
CHAPITRE I
PERSPECTIVES MACROÉCONOMIQUES À MOYEN TERME- I. UNE PROJECTION DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE À L'HORIZON 2001 (réalisée par l'OFCE)
- II. SYNTHÈSE COMPARATIVE DE DIFFÉRENTES PRÉVISIONS À MOYEN TERME
- III. QUELQUES THÈMES DE RÉFLEXION SUR LE MOYEN TERME
-
CHAPITRE II
PERSPECTIVES SECTORIELLES- I. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DE LA DEMANDE (1996-2001)
- II. PERSPECTIVES DE LA PRODUCTION FRANÇAISE (1996-2001)
-
II. UNE SOURCE D'INQUIÉTUDE POUR LA CROISSANCE À MOYEN TERME : LES
FAIBLESSES DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE EN MATIÈRE D'INNOVATION
- 1. La France a accentué ses efforts de recherche et développement
- 2. Cependant, la recherche serait économiquement moins rentable en France et plus généralement en Europe qu'aux Etats-Unis ou au Japon.
- 3. Une particularité française : la faiblesse de l'innovation
- 4. Les conséquences macroéconomiques de l'insuffisance de l'innovation
-
ANNEXES
- I. CONCEPTION GÉNÉRALE DE L'EXERCICE
- II. PRINCIPALES HYPOTHÈSES DE LA PROJECTION
- III. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS MACROÉCONOMIQUES
- IV. TENDANCES DES FINANCES PUBLIQUES
PRÉSENTATION
Depuis sa création en 1982, la Délégation
pour la Planification soumet au Sénat des éléments de
réflexion sur les perspectives économiques à moyen terme.
Cette activité s'inscrit dans la mission que lui a assignée la
loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification,
qui est d'"
informer (le Sénat) sur l'élaboration et
l'exécution des plans
" (article 2). En présentant
le résultat des travaux de projection réalisés à
l'aide de modèles macroéconomiques, votre
Délégation permet non seulement l'analyse et la discussion des
travaux de prospective économique menés au sein de
l'exécutif, plus particulièrement dans le cadre des travaux de
planification, mais entend aussi faire en sorte que le Sénat puisse
profiter des moyens modernes d'analyse économique et de prévision.
L'abandon du XIe Plan et l'absence depuis lors de Plan national ont cependant
suscité un scrupule de procédure et conduit votre
Délégation à solliciter, au mois de novembre 1993,
l'accord du Président et du Bureau du Sénat pour poursuivre sa
mission d'information.
Celle-ci vous soumet donc, comme les années précédentes,
quelques éléments de réflexion sur les perspectives
économiques à moyen terme. Cet exercice permet de faire la
synthèse de différents travaux de
projection
et de
simulation
suivis par la Division des Etudes macroéconomiques du
Sénat, sous l'égide de la Délégation.
Ceux qui sont présentés dans le
premier chapitre
et
l'
annexe
à ce rapport ont été
réalisés à l'aide du modèle MOSAÏQUE de
l'Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE). Ils
concernent une projection de l'économie française à
l'horizon 2001.
Ils sont confrontés aux prévisions à moyen terme de trois
autres organismes : le Bureau d'Informations et de Prévisions
Economiques (BIPE), l'Institut National de la Statistique et des Etudes
Economiques (INSEE) et le Centre de Recherches pour l'Expansion de l'Economie
et le Développement des Entreprises (REXECODE).
Le
deuxième chapitre
évoque quelques implications
sectorielles de ces évolutions macroéconomiques.
En présentant ces travaux, votre Délégation n'ambitionne
pas d'apporter des réponses aux questions que l'on peut se poser sur
l'évolution de l'économie française à l'horizon de
la fin de ce siècle. Elle est plutôt d'illustrer, au moyen de
projections réalisées à la demande du Sénat et de
travaux de même nature menés par d'autres instituts, les
problèmes et les choix de politique économique qui se
présentent aujourd'hui, et de contribuer ainsi à enrichir notre
vision du futur.
CHAPITRE I
PERSPECTIVES MACROÉCONOMIQUES À
MOYEN TERME
I. UNE PROJECTION DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE À L'HORIZON 2001 (réalisée par l'OFCE)
L'Observatoire Français des Conjonctures Economiques
(OFCE) a réalisé, à la demande du Service des Etudes du
Sénat, une
projection
de l'économie française
à l'horizon
2001
à l'aide de son modèle
macroéconomique MOSAÏQUE. Les résultats
détaillés en sont présentés dans l'
annexe
à ce rapport (établie par la Division des Etudes
macro-économiques du Service des Etudes).
Cet exercice est de nature essentiellement
macroéconomique
, mais
il a été demandé aux experts de l'OFCE d'en tirer le
maximum d'indications sur l'évolution des
finances publiques
. En
effet, il s'agit là, évidemment, d'un enjeu central de politique
économique à court comme à moyen terme.
Votre Délégation rappelle une nouvelle fois qu'en
présentant les principales conclusions de ces travaux, elle n'a d'autre
souci que de mettre à la disposition du Sénat une illustration -
grâce à l'éclairage que peut donner une projection à
cinq ans - des choix et des questions de politique économique, et de
baliser ainsi les cheminements possibles de l'économie française
à l'horizon 2001.
A. LES ÉVOLUTIONS MACROÉCONOMIQUES
Il parait nécessaire de présenter les
résultats macroéconomiques de la projection en distinguant
deux sous-périodes
:
- les trois premières années (1996-1998), pour lesquelles les
résultats obtenus à l'aide du modèle, en fonction d'une
part des dernières informations conjoncturelles et, d'autre part, du
diagnostic que portent les experts de l'OFCE sur l'évolution de
l'environnement international, peuvent être interprétés
comme une
prévision
;
- les trois dernières années (1999-2001) qui, compte tenu d'un
horizon aussi éloigné, ne décrivent certainement pas le
scénario le plus
probable
mais plutôt un prolongement
des
tendances lourdes
à l'oeuvre dans l'économie
française.
1. Les évolutions à court terme (1996-1998)
Il faut d'emblée souligner que les résultats de
la projection pour les années 1996 et 1997 sont
peu
différents
des prévisions à court terme du
Gouvernement et de la plupart des instituts indépendants. Ils confirment
en effet le diagnostic de
reprise modérée
de la croissance
de l'économie française (+ 2,3 % en 1997 pour le
PIB
marchand
après 1,1 % en 1996).
Ils confirment également l'analyse menée par la plupart des
prévisionnistes sur les
déterminants
de cette
reprise :
- elle serait soutenue par l'amélioration de l'
environnement
international
, en particulier européen ;
- au niveau de la demande interne, le redémarrage de l'activité
serait tiré par les
dépenses des entreprises
. En effet, le
fort déstockage auquel les entreprises ont procédé depuis
l'automne 1995 jusqu'au milieu de 1996 semble s'être interrompu. La
contribution des
stocks
à la croissance de 1997 serait ainsi,
comme à chaque épisode de
retournement conjoncturel
,
très importante : fortement négative en 1996
(- 0,9 point de croissance), elle redeviendrait fortement positive en
1997 et représenterait 0,6 point de croissance. Par ailleurs,
l'investissement des entreprises, pratiquement " plat " en
1996
(+ 0,1 %), progresserait sensiblement en 1997 (+ 2,4 %).
La projection vient ainsi donner encore plus de force au
" consensus " qui règne actuellement parmi les experts sur
les
prévisions de croissance à court terme. Il ne faudrait pas en
déduire qu'elle confirme ainsi la probabilité de
réalisation de ces prévisions, puisque l'expérience montre
que c'est lorsque le consensus est le plus fort qu'il est
généralement pris en défaut... L'intérêt de
la projection réside plutôt dans l'indication qu'elle livre sur la
nature
de la reprise : s'agit-il d'une reprise solide, durable et
destinée à s'amplifier ?
La réponse à cette question, qui résulte de
l'interprétation des résultats de l'année 1998 (ceux-ci
permettent en effet d'observer comment les évolutions engagées en
1997 se prolongent), est finalement assez décevante.
Certes la demande étrangère continue à
s'accélérer, l'investissement des entreprises s'amplifie
(+ 3,5 % en 1998 après 2,4 % en 1997), ou encore
l'investissement en logement des ménages se redresse (+ 6,4 %
en 1998 après 1,7 % en 1997) en raison de la baisse des taux
d'intérêt, mais la composante la plus importante de la demande
interne, c'est-à-dire la
consommation des ménages
(soit
60 % du PIB environ), progresse de manière
insuffisante
(+ 1,6 %) pour pouvoir contribuer à
l'accélération de la croissance.
Ce faible dynamisme de la consommation s'explique essentiellement par celui du
pouvoir d'achat du
revenu
des ménages. Les évolutions
salariales sont effet contraintes dans la projection par le niveau
élevé du
chômage
, lequel pèse sur les
revendications salariales.
Par ailleurs, il n'a pas été possible de simuler en projection
une nouvelle baisse du taux d'épargne (après la baisse de
2 points en 1996), de nature à soutenir la consommation. Le taux
d'épargne semble en effet avoir désormais rejoint son niveau
" normal ", c'est-à-dire celui qui résulte de ses
déterminants économiques habituels que sont le revenu et
l'inflation.
Au total, l'économie française croîtrait en 1998 de
2,5 % (pour le
PIB marchand).
La croissance française serait ainsi assez nettement inférieure
à celle de ses principaux partenaires (soit 3 % selon les
hypothèses internationales associées à la projection). Ce
" différentiel de croissance " ne peut pourtant s'expliquer
en
projection ni par une dégradation de la compétitivité de
l'économie française (celle-ci s'améliore au contraire) ni
par des problèmes spécifiques de politique
économique : les économies européennes connaissent en
effet globalement des politiques monétaires peu différentes et
des
contraintes budgétaires comparables
.
Les experts de l'OFCE ont ainsi été amenés à
considérer que cette différence de croissance avec nos
partenaires pouvait trouver sa source dans l'effet simulé par le
modèle de l'impact positif d'une
baisse des taux
d'intérêt
1(
*
)
. Selon le
modèle MOSAÏQUE en effet, comme selon la plupart des modèles
macroéconomiques français, les effets positifs sur
l'activité d'une baisse des taux d'intérêt sont
limités
, alors que dans la plupart des modèles
étrangers, ces effets sont beaucoup plus sensibles, ce qui ne signifie
certainement pas que dans la réalité ces effets seraient
réduits en France et significatifs à l'étranger.
C'est pourquoi l'OFCE a élaboré un second scénario qui
simule des effets d'une baisse des taux d'intérêt comparables
à ceux que décrivent les modèles étrangers. Cela se
traduit par une augmentation plus forte de l'investissement des entreprises
(via une hausse de leur profitabilité) et de la consommation des
ménages (via une baisse du taux d'épargne).
Dans ce second scénario, la croissance de l'économie
française en 1998 se rapprocherait ainsi de celle de ses
partenaires : + 2,9 % pour le
PIB
marchand
.
2. Les tendances à moyen terme (1999-2001)
Les résultats obtenus pour les trois dernières
années (1999-2001) de la projection obéissent aux
caractéristiques suivantes :
· Après le " cycle d'investissement " des années
1997 et 1998 qui stimule la croissance globale, celle-ci ralentirait en fin de
période. Elle serait en moyenne annuelle
inférieure à
2 % par an
(1,8 % par an en moyenne).
La croissance française serait ainsi
inférieure à celle
de ses partenaires
, y compris dans le scénario de stimulation de
l'activité par la baisse des taux d'intérêt.
· Le modèle met ainsi en évidence un
problème
macroéconomique
spécifique
à
la
France, puisque celle-ci ne parvient pas sur le moyen terme à
égaler la performance de croissance de ses partenaires. Ainsi que la
projection l'a déjà fait apparaître pour l'année
1998, ce problème réside dans la
faiblesse
du
revenu
et de la
consommation
des ménages. Le salaire par
tête progresserait en moyenne de 0,7 % par an seulement de 1999
à 2001, contribuant ainsi à la faible progression du pouvoir
d'achat du revenu des ménages (1,5 % par an en moyenne). La
consommation
des ménages est ainsi la composante la
moins
dynamique
de la demande interne (1,7 % par an en moyenne) et progresse
plus lentement que le PIB tout au long de la période de projection.
· La
désinflation
de l'économie française se
confirmerait en raison de la faible progression des salaires. Les prix du PIB
progresseraient ainsi de 1,2 % par an en moyenne à moyen terme
(1,4 % pour les prix de la consommation). Il en résulterait une
amélioration de la compétitivité des produits
français. L'
excédent
des échanges extérieurs
s'élèverait ainsi à 229 milliards de francs en 2001
et la
capacité de financement
de la Nation représenterait
1,8 % du PIB (dans le scénario où le différentiel de
croissance négatif avec nos partenaires est le plus accusé).
3. L'emploi et le chômage
La croissance est
insuffisante
en projection pour
faire
reculer le chômage.
- Au contraire, l'augmentation du nombre de chômeurs se poursuivrait :
279.000 chômeurs supplémentaires sur les trois années de
1996 à 1998
(soit 90.000 chômeurs supplémentaires
par an environ) dans le scénario le plus favorable. Les créations
d'emplois (208.000 en trois ans) sont en effet insuffisantes pour absorber la
croissance des ressources en main-d'oeuvre (140.000 actifs potentiels
supplémentaires chaque année).
- Sur les trois dernières années de la projection, la progression
du
chômage
serait beaucoup plus faible
2(
*
)
. Ce résultat peut paraître
surprenant
dans la mesure où la croissance est inférieure
à celle de la période 1997-1998, qui est pourtant marquée
par une aggravation du chômage. Ceci correspond cependant à un
" cycle de productivité " habituel : les entreprises
n'adaptent pas immédiatement leurs effectifs à la reprise de
1997-1998, de telle sorte que la productivité apparente du travail
augmente plus rapidement sur ces deux années que sa tendance
d'évolution. Par la suite, les effectifs augmentent beaucoup plus
fortement, d'autant plus fortement dans la projection que celle-ci retient une
hypothèse très basse d'évolution tendancielle de la
productivité apparente du travail
(1,3 % par an).
B. LES TENDANCES DES FINANCES PUBLIQUES
Le modèle MOSAÏQUE de l'OFCE, utilisé pour
réaliser cette projection, ne permet qu'une approche globale des
finances publiques. Il a néanmoins été demandé aux
experts de l'OFCE d'en tirer, " hors modèle ", le maximum
d'indications sur l'évolution détaillée des finances
publiques, présentée dans l'annexe à ce rapport.
Votre rapporteur s'attachera ci-dessous à en souligner celles qui lui
paraissent les plus significatives.
1. Les finances sociales
a) L'évolution des prestations sociales
Les hypothèses retenues par l'OFCE en matière
d'évolution des prestations sociales sont les suivantes :
· L'augmentation en volume des
prestations-vieillesse
serait de
2 % en 1997
, puis de
1,7 % par an
en moyenne de 1998
à 2001, contre 2,7 % par an en moyenne de 1990 à 1995. Cette
inflexion par rapport aux tendances antérieures obéit à
deux raisons principales :
- l'arrivée à la retraite des classes creuses des années
30 ;
- l'effet des mesures prévues dans la loi du 22 juillet 1993
sur la sauvegarde de la protection sociale : allongement de la
durée de cotisation, modification du salaire de référence
et indexation des pensions sur les prix.
· L'ensemble
prestations familiales et dépenses pour le Revenu
minimum d'insertion
connaîtrait également un ralentissement
par rapport aux années précédentes :
+
1,6 %
en volume en
1997
et
+ 1,3 % par an
en moyenne de 1998 à 2001 contre 4,5 % par an de 1990 à 1995.
Ce ralentissement autorise cependant le maintien du pouvoir d'achat des
prestations par enfant de moins de vingt ans.
· Les
prestations-chômage
connaîtraient
également un ralentissement. Elles ne croîtraient en volume que de
1,4 %
en
1997
,
1,6 %
en
1998
et
0,9 %
par an
de 1999 à 2001 (contre 4,3 % par an
de 1990 à 1995). Certes, le nombre de chômeurs augmente en
projection, mais la
diminution de l'indemnité moyenne
, qui
pourrait résulter de la précarisation du marché du travail
et de la structure de l'assurance-chômage - laquelle ne prend pas en
charge les titulaires d'emplois précaires -, se traduirait par le
ralentissement global des prestations versées par
l'assurance-chômage.
· Au total, l'ensemble des prestations sociales hors prestations-maladie,
augmenterait moins vite que le PIB
(1,7 % par an en volume de 1997
à 2001).
· Pour les
prestations-maladie
, la projection retient
l'hypothèse d'un
freinage
marqué de leur progression
en
1997
, mais par la suite de leur
retour
vers leur
rythme de
croissance de longue période
, ce qui correspond à la
volonté de privilégier le caractère
tendanciel
de
l'exercice.
Comme l'avait montré l'étude réalisée
l'année dernière par l'OFCE à la demande du
Sénat
3(
*
)
, l'évolution des
dépenses de santé sur longue période obéit à
trois caractéristiques :
- même si elles progressent plus vite que le PIB, leur croissance moyenne
sur la période 1980-1995 est marquée par un
ralentissement
; la projection prolonge ce ralentissement
tendanciel ;
- l'expérience des plans de maîtrise des dépenses de
santé engagés dans le passé montre que, si leur effet
immédiat sur le
niveau
de la dépense reste acquis
durablement, ils ne modifient pas la tendance " lourde " du
taux de
croissance ;
- la croissance
globale
des dépenses de santé serait plus
stable et régulière que celle de ces
composantes
(hôpital public et secteur privé). Ainsi la limitation des
dépenses hospitalières depuis le milieu des années 1980
s'est-elle accompagnée d'une forte croissance des dépenses du
secteur privé : le contrôle des dépenses
hospitalières n'aurait donc en projection qu'un impact limité sur
la dépense totale.
Dans ces conditions, l'évolution du volume des dépenses de
l'assurance-maladie
ralentirait
nettement en 1996 et 1997
(respectivement + 1,6 % et + 1,4 %) par rapport à la
tendance antérieure (+ 2,9 % de 1990 à 1995), sous
l'effet des
réformes
en cours. Par la suite (1998 à 2001),
leur taux de croissance en volume s'établirait à
2,7 %
par an
en moyenne.
b) L'équilibre à moyen terme des régimes sociaux
· L'ensemble des prestations sociales hors
prestations-maladie évoluerait moins vite que le PIB, ce qui permettrait
à l'horizon 2001 d'
équilibrer
les régimes
sans
recettes
supplémentaires.
· Compte tenu des hypothèses décrites ci-dessus, les
dépenses de santé en valeur progresseraient en moyenne de
3,9 % l'an, contre 2,9 % pour les cotisations assises sur les
salaires. Le déficit de la branche maladie, qui
s'élèverait à 40 milliards de francs en 1997,
s'aggraverait ainsi tendanciellement par la suite. Une augmentation de la
Contribution Sociale Généralisée de 1 point en 1998
permettrait de combler en grande partie l'écart entre l'évolution
des dépenses et celles des recettes, et
ramènerait
le
déficit à un niveau compris entre
10 et 20 milliards de
francs
au cours de la période.
Dans ces conditions, et pour l'ensemble des régimes sociaux, le rapport
entre cotisations (y compris la CSG) et les prestations sociales passerait de
88,3 % en 1995 à 91,2 % en 2001, le
déficit
global
des régimes sociaux passant de
60 à
20 milliards de francs.
· Les experts de l'OFCE auraient certes pu retenir dans la projection
une hypothèse qui aurait privilégié une poursuite telle du
freinage des dépenses de santé - dans le prolongement de ce qui
est affiché dans le projet de loi de financement de la
Sécurité sociale pour 1997 - qu'il n'aurait pas été
nécessaire de simuler une augmentation des prélèvements
pour rééquilibrer l'assurance-maladie.
Mais, outre qu'une telle approche aurait nui au caractère illustratif de
l'exercice, elle est de plus sans incidence sur les évolutions
macroéconomiques : selon le modèle utilisé en effet,
une hypothèse d'augmentation concomitante des prestations et des
prélèvements est équivalente, à solde des finances
sociales inchangé, à une hypothèse de moindres prestations
et de moindres prélèvements : dans les deux hypothèses, le
revenu des ménages est identique.
ENCADRÉ n° 1
QUELLE ASSIETTE POUR LES
COTISATIONS
SOCIALES PATRONALES ?
Rétrospectivement, le fait d'avoir assis les
cotisations employeurs sur les salaires peut être considéré
comme rationnel du point de vue économique pour la période
1945-1965 : à cette époque, le facteur travail étant
relativement rare, il était assez logique de le " surtaxer "
pour favoriser les entreprises qui l'économisaient en substituant, par
l'investissement, le capital au travail.
Le contexte actuel (surabondance du facteur travail) est évidemment
très différent. La rationalité économique
suggère qu'à tout le moins le système fiscal devrait
être
neutre.
Si,
à prélèvement global inchangé
, on
incluait la totalité de la
valeur ajoutée
(et pas
seulement sa composante salaires) dans l'assiette des cotisations sociales
employeurs, deux types d'effets seraient à attendre :
·
un transfert de charge des entreprises où la part des
salaires dans la valeur ajoutée est supérieure à la
moyenne vers les entreprises où cette part est inférieure
à la moyenne (on peut parler ici d'impact microéconomique ou
sectoriel) ;
· un
allégement
du coût relatif du
travail
par
rapport au capital (on peut parler ici d'impact macroéconomique). Selon
des enchaînements que l'économétrie a du mal à
saisir en France, cette modification du coût relatif des facteurs tend
à augmenter le
contenu en emplois
de la croissance. Mais il faut
rappeler :
- que ce processus est long (il faut compter plus de cinq ans pour que
l'essentiel des effets soit enregistré) ;
- que son incidence sur le niveau du chômage est de second ordre par
rapport à l'effet que peut avoir, par exemple, une
élévation de 1 point du taux de croissance du PIB.
On a supposé ci-dessus que l'extension de l'assiette des cotisations
sociales à l'ensemble de la valeur ajoutée se faisait à
niveau de prélèvement inchangé au moment où elle
était décidée. Mais, cela fait, le produit des cotisations
(à taux constant) n'évoluerait plus de la même
manière au fil du temps :
- quand les
salaires
augmentent
plus vite que la valeur
ajoutée
des entreprises (ce qui fut le cas, grosso modo, jusqu'au
début des années quatre-vingt), le produit des cotisations
assises sur la valeur ajoutée augmente spontanément moins vite
que le produit des cotisations assises sur les seuls salaires ;
- le contraire se produit évidemment lorsque les salaires augmentent
moins vite que la valeur ajoutée (autrement dit, lorsque le partage
salaires-profit se modifie en faveur des entreprises) ; il est clair que,
dans la première moitié des années 90, le produit des
cotisations des employeurs aurait été accru si elles avaient
été assises sur la totalité de la valeur ajoutée et
non sur les seuls salaires.
En définitive, il semble que, comparée à l'assiette
actuelle, l'assiette valeur ajoutée serait économiquement plus
neutre
du point de vue de la
substitution capital/travail
et
qu'elle tendrait à
amortir la déformation du partage
de la
valeur ajoutée entre les salaires et les profits induite, soit par la
dynamique salariale lorsque la situation du marché du travail est
favorable aux salariés, soit par l'austérité salariale
lorsque le niveau du chômage inhibe leurs revendications.
2. Le besoin de financement des administrations publiques et la dette publique
· Les hypothèses de dépenses des autres
catégories d'agents publics (Etat et collectivités locales) ont
été élaborées sous la
contrainte
générale de
redressement
des finances publiques.
Conformément au projet de loi de finances, les dépenses de l'Etat
en 1997 seraient stables en francs courants. Par la suite, elles
évolueraient
comme les prix
. Concernant la masse salariale, ceci
suppose une diminution des effectifs de l'Etat de 5.000 par an et une
limitation de l'augmentation du pouvoir d'achat de l'indice brut des
traitements de la fonction publique à 0,5 % par an. Les
consommations intermédiaires de l'Etat (qui comprennent les
dépenses militaires d'équipement) baisseraient en volume de
1,8 % en 1997, seraient pratiquement stables en 1998 (+ 0,8 %),
puis baisseraient de 1999 à 2001 (- 0,6 % par an en moyenne). Les
dépenses d'investissement de l'Etat en volume baisseraient fortement en
1997 (- 5 %) puis seraient stabilisées jusqu'en 2001.
Au total, les
dépenses
en volume de l'
ensemble des
administrations publiques
qui ont augmenté de 2,9 % par an de
1990 à 1995 connaîtraient une nette
inflexion
: elles
ne progresseraient que de 1,3 % en 1997, 1,4 % en 1998 et 1,6 %
par an de 1999 à 2001.
· L'évolution du
besoin de financement
des administrations
publiques, compte tenu des hypothèses de dépenses qui viennent
d'être décrites, est tributaire des évolutions
macroéconomiques
:
- sur la base d'une croissance moyenne de 2 % par an de 1997 à 2001
(qui correspond au scénario " spontané " obtenu
à l'aide du modèle MOSAÏQUE), le besoin de financement de
l'ensemble des administrations publiques passerait de 4 % en 1996,
à 3,1 % en 1997
4(
*
)
et 1998, et
2,8 % en 2001 ;
- sur la base d'une croissance moyenne de 2,25 % par an de 1997 à
2001 (qui correspond au second scénario élaboré par l'OFCE
et qui simule une amplification des effets positifs d'une baisse des taux
d'intérêt), le besoin de financement des administrations passerait
de 3,1 % en 1997 à 3 % en 1998 et 2,4 % en 2001.
Il faut rappeler que l'évolution du besoin de financement ainsi
décrite intègre l'augmentation de 1 point de la CSG en 1998,
nécessaire en projection au rééquilibrage de
l'assurance-maladie.
Le
solde primaire
(c'est-à-dire le solde hors charges
d'intérêts) de l'
ensemble des administrations
publiques
redeviendrait positif en 1998. Ceci se traduirait par un ralentissement
marqué de l'évolution du
ratio dette publique/PIB
mais ne
serait toutefois pas suffisant pour permettre sa stabilisation. Celui-ci, qui
s'établit à 56 % en 1996, croîtrait de 1 point
par an en moyenne sur la période de projection.
ENCADRÉ n° 2
QUEL IMPACT
MACROÉCONOMIQUE DE LA RÉDUCTION
EN CINQ ANS DE L'IMPÔT
SUR LE REVENU ?
(Variantes réalisées à
l'aide du modèle MOSAÏQUE de l'OFCE)
Le Gouvernement a mis en oeuvre une réforme de
l'impôt sur le revenu qui devrait se traduire par sa réduction en
cinq ans à hauteur de 75 milliards de francs, soit
25 %
environ de son
produit
actuel.
L'
incidence macroéconomique
de cette réforme, telle
qu'elle est évaluée à l'aide du modèle
MOSAÏQUE, est décrite ci-dessous, ainsi qu'une variante de
substitution d'un allégement de la TVA à la mesure
d'allégement de l'impôt sur le revenu.
1. Incidence macroéconomique de l'allégement sur cinq ans de
l'impôt sur le revenu
·
La croissance et l'emploi :
L'allégement de l'impôt sur le revenu entraîne une
augmentation du niveau du PIB de 0,4 % en 1998 et 0,9 % en 2001.
L'impact positif de la mesure peut ainsi être évalué
à
0,2 point
de croissance
par an
à partir de
1997.
L'augmentation de l'
emploi
total sur la période 1997-2001 qui en
résulte est évaluée à
77.000
(ce qui
correspond à une diminution de 49.000 du nombre de chômeurs).
·
Les finances publiques :
Le coût total de la mesure d'allégement représente
0,8 % du PIB en 2001. Toutefois, compte tenu de son incidence positive sur
l'activité et les rentrées fiscales, le
solde public
ex post
n'est dégradé que de 0,3 % du PIB en 1997 et
0,5 % en 2001
. Sans cette mesure, le solde public en 2001, tel
qu'on peut le déduire des scénarios réalisés par
l'OFCE, serait de 2,3 % (au lieu de 2,8 %) du PIB dans le
scénario de croissance le plus faible et de 1,9 % (au lieu de
2,4 %) dans le scénario le plus optimiste.
2. Substitution d'une diminution de la TVA à l'allégement de
l'impôt sur le revenu
L'effet sur l'activité serait
positif
: le niveau du PIB en 2001
serait supérieur de 0,3 % (et l'emploi de 12.000) par rapport
à un scénario avec allégement de l'IR. Cela porterait
à 1,2 % l'augmentation du niveau du PIB en 2001, à 90.000
l'augmentation de l'emploi et à 60.000 la diminution du chômage,
par rapport à un scénario
sans
aucun
allégement
de fiscalité.
Les canaux par lesquels transitent les effets positifs sur l'activité
d'une baisse de la TVA sont les suivants :
- la baisse des prix, donc l'augmentation de la compétitivité et
des exportations
- la baisse du taux d'épargne (en raison de la désinflation),
donc le surcroît de consommation ;
- enfin, l'augmentation de l'investissement des entreprises, comme
conséquence des deux facteurs précédents.
La mesure est enfin légèrement plus favorable pour le solde
public (0,1 % du PIB en 2001) que la mesure d'allégement de
l'impôt sur le revenu, en raison de son impact un peu plus favorable sur
l'activité.
C. PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE CES TRAVAUX
1°) En projection, la croissance française
à moyen terme se situe autour de 2 % par an (2,25 % par an dans le
scénario le plus optimiste).
Ce résultat est somme toute
décevant
dans la mesure
où, en 2001, le PIB français n'aurait pas retrouvé son
niveau tendanciel
5(
*
)
. Les effets de la
récession de 1993 sur l'activité seraient ainsi
durables
.
De même, l'économie française croîtrait à un
rythme inférieur à son potentiel, de telle sorte que le nombre de
chômeurs
continuerait à augmenter (de l'ordre de 40.000
à 50.000 par an d'ici 2001).
Ces évolutions ne semblent pourtant
pas imputables
à
l'orientation
rigoureuse
des
finances publiques
. On constate en
effet que l'essentiel du redressement des finances publiques est
opéré en
début de période
, alors que la
croissance est la moins dynamique en
fin de période
.
La morosité des scénarios décrits en projection
obéit à une autre logique : le niveau du chômage
pèse sur les revendications salariales et freine l'évolution des
salaires, du revenu et de la consommation des ménages.
Votre Rapporteur écrivait déjà, il y a dix-huit mois, en
présentant les résultats de travaux de projections
macroéconomiques
6(
*
)
qu'on pouvait
déduire de "
l'accumulation d'excédents des échanges
extérieurs et (d') une hausse du pouvoir d'achat du salaire moyen
inférieure aux gains de productivité... qu'une progression des
salaires un peu plus rapide qu'il ne résulte du fonctionnement
spontané du modèle serait « supportable» par
l'économie française : la consommation des ménages, qui
constitue dans la projection l'élément le plus atone de la
demande, s'en trouverait renforcée d'autant
".
Cette conclusion, et les problèmes de politique économique qui la
suscitent, paraît aujourd'hui devoir être moins prudemment
affirmée : ainsi faudrait-il écrire qu'une progression plus
rapide des salaires serait non seulement "
supportable par
l'économie française
", mais surtout
"
souhaitable
".
2°) Ceci conduit votre Délégation à remarquer que
depuis qu'elle présente des projections macroéconomiques - cette
année est la treizième... -, les problèmes de
politique économique propres à la France ont totalement
changé de nature. Schématiquement, jusqu'au milieu des
années 1980, l'économie française se caractérisait
par ses tendances inflationnistes, des pertes de compétitivité,
un déficit des échanges extérieurs et une
dégradation des comptes des entreprises. Ces évolutions avaient
un facteur commun : la
déformation du partage de la valeur
ajoutée en faveur des salaires
. Il en est résulté une
hausse du chômage.
Depuis le milieu des années 1980, et surtout depuis le début des
années 1990, l'économie française est
désinflationniste, sa compétitivité s'améliore
(indépendamment des évolutions de change), elle accumule des
excédents extérieurs et la situation financière des
entreprises s'est considérablement redressée. Hormis sur la
période 1986-1990, cela ne s'est toutefois pas traduit par une
stimulation de la croissance et une stabilisation du chômage. On a ainsi
l'impression - c'est en tout cas le message principal que l'on retire des
travaux de projection de ces dernières années - que la
consommation des ménages et la demande interne progressent de
manière insuffisante pour soutenir l'activité. On peut en trouver
l'origine dans la déformation du partage de la valeur ajoutée
au détriment des salaires
et dans la faiblesse des
évolutions salariales.
Les simulations réalisées à l'aide de modèles
macroéconomiques montrent ainsi qu'à une
dégradation
des conditions de l'
offre
aurait
succédé celle de la
demande
, avec la progression du
chômage
à la fois comme cause et conséquence de
cette mutation.
3°) Dans les scénarios élaborés par l'OFCE, la
croissance à moyen terme de l'économie française est
sensiblement inférieure à celle de ses partenaires, telle qu'elle
résulte des hypothèses d'environnement international de la
projection. Or, on n'a
jamais observé
sur le passé
d'
écart durable
de croissance entre la France et ses principaux
partenaires, de sorte que ce différentiel de croissance à
l'horizon 2001 paraît
peu probable
. Il convient dès lors de
se demander comment pourraient se rejoindre les taux de croissance de la France
et de ses partenaires :
- " par le bas ", ce qui voudrait dire que le scénario le
plus
pessimiste pour la France, caractérisé par la faiblesse de la
demande interne, s'étendrait à l'ensemble de ses
partenaires ? On pourrait le craindre lorsqu'on observe le
caractère
non-coopératif
des politiques menées en
Europe : chaque pays mène isolément des politiques
d'" ajustement " tout en espérant de ses partenaires qu'ils
contribueront à soutenir sa propre croissance ;
- ou " par le haut ", la croissance française rejoignant
celle
de ses partenaires selon un scénario de reprise
cyclique forte
du
type de celle de 1986-1990 ? Comme en 1986 où la baisse des prix du
pétrole a stimulé la croissance, ceci supposerait toutefois un
" choc " positif : il pourrait résulter d'une forte baisse
des
taux d'intérêt à la suite de l'unification
monétaire.Ceci exigerait, au niveau européen, une forte
coordination
des politiques économiques.
4°) On constate en projection que, malgré des hypothèses
très
rigoureuses
sur l'évolution des dépenses
publiques (dont l'évolution s'infléchit très nettement par
rapport aux tendances antérieures), la réduction du
besoin de
financement
des administrations est somme toute assez
lente
. Ceci
illustre ainsi cette évidence - que votre Rapporteur n'hésite
cependant jamais à rappeler - selon laquelle la maîtrise des
comptes et de l'endettement publics passe certes par celle des dépenses,
mais peut rester
vaine
si la
croissance
est
faible
.
5°) Dans le prolongement de cette idée, la projection apporte un
éclairage de nature macroéconomique sur la
problématique
du financement de l'
assurance-maladie
.
Dans un contexte de croissance ralentie, et surtout de faible dynamisme des
salaires, l'évolution des
recettes
tout d'abord ne paraît
pas
favorable
en projection au rééquilibrage des comptes
de l'assurance-maladie.
Par ailleurs, l'évolution des
dépenses
de santé,
selon l'analyse de l'OFCE, même si elle n'a pas le caractère
" explosif " qu'on lui prête généralement (sur
longue période, elle est marquée par une nette
décélération
), obéit cependant à une
certaine
inertie
. Il paraît dès lors difficile d'imaginer
sur le moyen terme un ralentissement encore plus marqué de la croissance
des dépenses de santé que celui que décrit sa tendance
" lourde ". Celles-ci continueraient donc à croître plus
vite que le PIB, ce qui rendrait nécessaire une augmentation des
prélèvements
sur les ménages pour parvenir à
un
équilibre
des comptes.
II. SYNTHÈSE COMPARATIVE DE DIFFÉRENTES PRÉVISIONS À MOYEN TERME
La projection, telle qu'elle vient d'être
présentée ci-dessus, pose plus de
questions
pour le moyen
terme qu'elle n'apporte de réponses. Mais ceci obéit à ce
que votre Rapporteur considère comme la " vocation " des
projections réalisées à l'aide de modèles. Ceux-ci
offrent en effet un cadre global parfaitement cohérent, fondé sur
l'observation des comportements passés : en cela, ils constituent plus
un outil " pédagogique " qui permet d'illustrer les
questions
et les choix de politique économique, qu'un instrument de
prévision.
C'est pourquoi, afin d'apporter quelques éléments de
réponse aux questions qui viennent d'être posées, il
paraît nécessaire de présenter des prévisions hors
modèle et " à dire d'expert ". Celles-ci n'ont pas le
même souci de cohérence globale, mais tentent d'intégrer un
diagnostic sur les modifications éventuelles des comportements des
agents économiques ou de la politique économique. Les
prévisions de deux organismes dont le Service des Etudes du Sénat
suit régulièrement les travaux, le
Bureau d'Informations et de
Prévisions Economiques
(BIPE) et le
Centre de Recherches pour
l'Expansion et le Développement de l'Economie
(REXECODE), seront
ainsi présentées ci-après. On peut déjà
souligner la forte
convergence
de ces scénarios - à
quelques nuances près - avec ceux de l'OFCE (cf. tableau ci-après
page 25).
Il a enfin semblé intéressant de donner les principales
conclusions d'une projection réalisée à l'aide du
modèle AMADEUS par l'
INSEE
. Cet exercice présente en effet
une double
originalité
: d'une part, c'est certainement le
scénario le plus
optimiste
parmi ceux actuellement
élaborés par les prévisionnistes ; d'autre part, en
multipliant les hypothèses sur les modifications des comportements des
agents économiques - et en en simulant les effets -, les experts de
l'INSEE apportent des réponses à quelques questions aujourd'hui
posées sur le moyen terme.
A. LA PRÉVISION DE REXECODE
L'institut de conjoncture REXECODE a présenté au
mois de juin dernier une prévision à moyen terme (1996-2000) dont
les résultats paraissent
très proches
de ceux de la
projection de l'OFCE.
Ils confirment le diagnostic d'un redémarrage à
court
terme
de l'activité, en France comme dans la plupart des pays
européens. Cette reprise serait tirée par l'arrêt du
processus de déstockage dans les entreprises et par
l'accélération de l'investissement. La croissance du PIB marchand
serait ainsi de 2,3 % en 1997 et de 2,7 % en 1998.
Par la suite, la France reviendrait sur un sentier de
croissance
ralentie
, voisin de
2 % l'an
en 1999 et 2000. Le cycle
d'investissement productif initié en 1994 atteindrait sa maturité
à l'horizon 1998. La croissance du stock de capital à cette date
serait suffisante pour répondre à la demande adressée aux
entreprises sans tension sur l'appareil productif. L'investissement des
entreprises cesserait à partir de là de jouer le rôle
moteur d'entraînement de la croissance.
La
consommation
des ménages devrait rester terne jusqu'à
l'horizon 2000 et ne ferait qu'accompagner la croissance. Elle serait
insuffisante pour assurer le relais de l'investissement, déclinant
à partir de 1998. Le taux d'épargne des ménages, dont
l'ajustement récent a joué un rôle d'amortisseur, ne
poursuivrait pas de mouvement important de baisse sur le moyen terme. Le niveau
du chômage contribuerait au maintien du climat d'incertitude et d'une
épargne de précaution, alors que les incitations à
constituer un capital en vue de la retraite se feront de plus en plus
pressantes.
Le taux de
chômage
diminuerait légèrement (de
0,4 point entre 1996 et 2000), alors que dans la projection de l'OFCE,
avec une croissance équivalente, il augmente. Cette divergence peut
s'expliquer par une hypothèse plus basse d'évolution des
ressources en main-d'oeuvre (de l'ordre de 100.000 actifs potentiels
supplémentaires chaque année) que celle retenue par l'OFCE
(140.000 actifs potentiels supplémentaires chaque année).
L'augmentation de l'emploi (de 0,6 % par an en moyenne) serait ainsi
suffisante pour absorber les arrivées sur le marché du travail.
REXECODE confirme par ailleurs le diagnostic d'un ralentissement de la
productivité du travail et d'un enrichissement durable du contenu en
emplois de la croissance.
Enfin, la France dégagerait des
excédents
confortables de
sa
balance courante
(1,3 % du PIB en moyenne), issus d'un lent
mouvement de réduction des déficits publics, associé au
maintien d'une capacité de financement importante des entreprises et
d'une stabilisation de l'épargne financière des ménages.
Un des intérêts de l'étude menée par REXECODE est de
proposer une réflexion sur le régime futur de
croissance
longue
et d'avancer la thèse selon laquelle un nouveau changement du
rythme de la croissance de longue période serait amorcé, un
premier changement étant déjà intervenu après le
premier choc pétrolier.
En effet, si l'on compare la tendance de la croissance des quinze
dernières années (1973-1989) à celle des six
dernières années (moyenne des taux de croissance de 1989 à
1995), on constate que la tendance actuelle mesurée sur le
" dernier cycle " est sensiblement au-dessous de la
tendance longue
aussi bien pour les Etats-Unis, le Japon que l'Europe
7(
*
)
. REXECODE en déduit que la croissance
tendancielle des économies développées se serait affaiblie.
On peut dégager trois
facteurs
qui pourraient expliquer ce
ralentissement - que REXECODE considère comme
"
structurel
" - du rythme de croissance de longue
période :
- le
ralentissement de la productivité
: la
productivité globale des facteurs qui progressait avant 1973 à un
taux annuel moyen de croissance proche de 3 %, serait revenue depuis autour de
1 % par an sans réaccélération, à l'exception
peut-être des Etats-Unis. REXECODE met ainsi en avant ce que les
économistes nomment le " paradoxe de la
productivité "
8(
*
)
, mais qui serait
peut-être plus apparent que réel lorsqu'on constate le
plafonnement de l'effort de recherche dans les économies avancées
;
- le
vieillissement démographique
: le ralentissement de
l'évolution de la population active expliquerait dans les pays
développés une bonne partie du fléchissement tendanciel de
la croissance (ce facteur est toutefois moins prononcé pour la France
que pour les autres grands pays industrialisés) ;
- les
taux d'intérêt réels à long terme
, qui
même s'ils diminuaient au cours des prochaines années resteraient
néanmoins largement
supérieurs au taux de croissance
.
B. LA PRÉVISION DU BIPE
La prévision à moyen terme (1996-2001)
présentée par le BIPE au mois de septembre dernier apparaît
plus
optimiste
que celle de REXECODE ou que la projection de l'OFCE. Le
taux de croissance annuel moyen sur la période 1996-2001
s'élèverait ainsi à 2,3 % (pour le PIB marchand).
Le BIPE pronostique une reprise en 1997 (avec une croissance de 2,5 %). Ce
regain d'activité s'amplifierait en 1998 (avec une croissance du PIB
marchand de 2,7 %) et même - ce qui fait l'originalité de la
prévision du BIPE par rapport à celles présentées
ci-dessus - en 1998 (avec une croissance du PIB marchand de 3,2 %).
Ceci s'explique tout d'abord par un cycle de l'investissement plus
marqué et plus long que dans les autres prévisions. Par ailleurs,
la
consommation
des ménages est ici plus dynamique en fin de
période (2 % par an de 1999 à 2001) en raison de la
baisse du taux d'épargne
.
Celle-ci résulterait de la réduction du
déficit
public
, puisque le BIPE avance l'idée qu'il existerait un lien entre
le niveau du déficit public et celui de l'épargne.
L'
emploi
augmenterait d'environ 0,7 % par an d'ici 2001, soit
près d'un million de créations d'emplois. Le taux de
chômage
baisserait jusqu'à 10,5 % en 2001, soit un
recul de 1,6 point comparable à la baisse enregistrée entre
1987 et 1990. Il faut néanmoins souligner que ce résultat est
obtenu à partir d'une hypothèse de stabilité des taux
d'activité qui, selon le BIPE lui-même, "
soulève
des difficultés
". Elle suppose en effet que, contrairement
à ce qui a toujours été observé par le
passé, les emplois créés n'exerceraient pas un "effet
d'appel " sur la population en âge de travailler et n'inciteraient
pas des inactifs à profiter d'une opportunité pour entrer sur le
marché du travail.
C. UNE PROJECTION RÉALISÉE PAR L'INSEE
L'INSEE a réalisé au mois de juin dernier une
projection à moyen terme (1996-2001) de l'économie
française qui propose un scénario tout à fait
atypique
par rapport à ceux décrits
précédemment
9(
*
)
.
Les deux premières années (1996-1997) correspondaient aux
prévisions officielles du Gouvernement du printemps dernier qui ont
été revues à la baisse depuis lors (de 2,8 % pour la
croissance en 1997 à 2,3 %). On ne présente donc ici que la
projection pour la période de moyen terme (1998-2001).
Celle-ci décrit une accélération de la croissance en 1998
et 1999 (3,7 % puis 3,5 %) pour le PIB marchand, qui
précéderait un léger ralentissement les deux années
suivantes (3,2 % puis 3,1 %). Sur la période de moyen terme,
la croissance annuelle moyenne serait donc élevée (3,3 %
pour le PIB marchand et 2,8 % pour le PIB total), ce qui permettrait de
résorber
les marges de croissance aujourd'hui
inutilisées
, et au PIB de retrouver son niveau potentiel. Ainsi
s'ouvrirait un nouveau
cycle
et une période de forte croissance
du type de celle de 1986-1990.
Dans ces conditions, les créations d'emplois seraient vigoureuses
(2 % dans le secteur marchand non agricole et 1 % dans l'ensemble de
l'économie compte tenu de la baisse des effectifs de la fonction
publique) et le
chômage baisserait
régulièrement (de
près d'un demi-point par an). L'inflation serait contenue à un
niveau bas et, malgré une croissance supérieure à celle de
ses partenaires, l'économie française dégagerait des
excédents commerciaux importants.
Le caractère optimiste de ce scénario de moyen terme peut
surpendre dans la mesure où il est construit à partir
d'hypothèses de politique budgétaire très restrictives.
Leur incidence sur la croissance est cependant largement compensée par
la juxtaposition d'un certain nombre d'hypothèses favorables sur
l'évolution du comportement des agents privés. Celles-ci peuvent
être résumées comme suit :
- les
salaires
évolueraient plus rapidement que ce
qu'impliquerait la prolongation tendancielle des comportements passés.
Le partage de la valeur ajoutée qui depuis 1983 s'était
déformé au détriment des salaires, serait ainsi
stabilisé ;
- le taux d'
épargne
des ménages baisserait de
2 points entre 1996 et 2001 ;
- le ralentissement de la
productivité du travail
observé
depuis 1994 se prolongerait sur la période de projection ;
- l'amélioration de l'environnement monétaire et financier
(baisse des taux d'intérêt, stabilisation des taux de change)
entraînerait un surcroît d'
investissement
;
- les
taux d'activité
(rapport des actifs - occupés et
chômeurs - à la population en âge de travailler) seraient
stables sur la période de projection, malgré la progression de
l'emploi.
L'accumulation d'hypothèses favorables oblige à ne pas
considérer ce scénario comme le plus probable, mais comme une
illustration
du
seul scénario
qui permette une
réduction concomitante
des déficits publics et du
chômage.
Ainsi, au-delà de ses résultats chiffrés, il permet de
montrer qu'une reprise durable de la croissance passe par un regain de la
consommation
des ménages, impulsée par une politique
salariale
accommodante dans le secteur privé et une baisse de
l'épargne des ménages.
*
* *
Les principaux résultats des scénarios de moyen terme qui viennent d'être présentés sont décrits dans le tableau récapitulatif ci-dessous.
Tableau récapitulatif des principaux scénarios
macroéconomiques de moyen terme
|
INSEE
|
REXECODE*
|
BIPE**
|
OFCE***
|
||||
|
1996-1998 |
1999-2001 |
1996-1998 |
1999-2000 |
1996-1998 |
1999-2001 |
1996-1998 |
1999-2001 |
VOLUMES (Évolution en %)
PIB Partie marchande du PIB Importations Exportations Consommation des ménages Investissement des entreprises Investissement logement |
2,4
|
2,7
|
2,0
|
2,0
|
2,1
|
2,4
|
2,0
|
1,9
|
|
|
|
|
|
|
|
1996-2001 |
|
PRIX (Évolution en %)
PIB Prix à la consommation |
1,5
|
1,7
|
2,0 |
2,0 |
1,8 |
2,1 |
1,2
|
|
|
|
|
|
|
1996-2001 |
|
|
|
COMPTES DES MÉNAGES EN POUVOIR D'ACHAT
Revenu disponible brut (Evolution, en %) Taux d'épargne moyen (Niveau, en %) |
1,4
|
2,2
|
|
|
1,9
|
1,0
|
1,5
|
|
|
|
|
|
|
1996-2001 |
|
|
|
EMPLOI SALARIÉ (Évolution
en %)
EMPLOI TOTAL (Évolution en %) |
1,0
|
2,0 |
|
|
0,9
|
|
|
* Centre de Recherches pour l'Expansion de l'Economie et le
Développement des Entreprises.
** Bureau d'Informations et de Prévisions Economiques.
*** Observatoire Français des Conjonctures Economiques.
III. QUELQUES THÈMES DE RÉFLEXION SUR LE MOYEN TERME
A. L'ÉVOLUTION DES SALAIRES
Selon la plupart des modèles macroéconomiques,
l'évolution du pouvoir d'achat des
salaires
dépend de la
variation du
chômage
: une augmentation du chômage
entraîne ainsi une moindre progression du pouvoir d'achat des salaires
(et une baisse du chômage, une progression plus forte des salaires).
Cette relation (dite " de Phillips "), particulièrement
" robuste " du point de vue de l'économétrie, et qui
traduit le fait que le niveau du chômage inhibe les revendications des
salariés (ou qu'au contraire une détente sur le marché du
travail les stimule), joue un rôle de premier plan dans les
modèles macroéconomiques. Ainsi s'explique l'
atonie de la
demande interne
, et finalement celle de la croissance, que mettent en
évidence les projections.
Il serait donc intéressant de simuler les effets à moyen terme
que pourrait avoir une politique salariale accommodante, de nature à
desserrer la contrainte que fait peser le chômage (non sans s'être
interrogé sur les
moyens
d'une "
politique salariale
accommodante
" dans un domaine où les mécanismes de
marché paraissent déterminants
10(
*
)
).
La réponse apportée par le modèle MOSAÏQUE comme par
la plupart des modèles est, à cet égard, assez
paradoxale
: alors que dans les projections de
référence, la croissance est freinée par le faible
dynamisme des salaires, une
variante
de hausse plus rapide des salaires
n'aurait pas d'incidence positive sur l'activité ; au terme d'un
certain délai (2 à 3 ans), elle aurait même des effets
récessifs
.
Ceux-ci s'expliquent par le fait que, d'après le modèle, une
augmentation des salaires a spontanément un effet
inflationniste
à très court terme. Dès lors, la réaction de la
consommation à l'accroissement des revenus salariaux des ménages
est limitée par la hausse des taux d'épargne, consécutive
au surcroît d'inflation. Par ailleurs, la hausse des prix dégrade
la
compétitivité
et ralentit les exportations. Enfin,
l'investissement des entreprises est également freiné par
l'augmentation plus rapide des salaires, en raison de la dégradation de
leur taux de marge.
Comment dès lors expliquer que nombre d'économistes, et souvent
de modélisateurs eux-mêmes, soient enclins à
considérer qu'une progression un peu plus rapide des salaires -
c'est-à-dire égale à celle de la
productivité du
travail
, ce qui permet la
stabilisation du partage
salaires/profits
- serait favorable à la croissance ? Deux réponses peuvent
être avancées :
- tout d'abord, les modèles n'ont jamais observé historiquement
de période d'inflation aussi faible que celle constatée
actuellement, ni de situation financière des entreprises
macroéconomiquement aussi " confortable ". Peut-être
surestiment-ils ainsi les effets inflationnistes que pourrait avoir, dans les
circonstances actuelles, un surcroît d'augmentation des salaires. Si
les
prix
ne suivaient pas
aussi rapidement
l'augmentation des
salaires
que ne l'indiquent les modèles, ses
effets positifs
sur l'activité seraient dès lors
accrus
;
- par ailleurs, les effets récessifs - selon les modèles - d'une
augmentation plus rapide des salaires transitent notamment par les pertes de
compétitivité qui en résultent. Ceci illustre le
phénomène d'interdépendance des économies
européennes et explique un aspect de la " prime aux politiques
nationales
restrictives
" dans le cadre européen - deux
thèmes sur lesquels votre Délégation a souvent
insisté - : si un pays veut relancer sa croissance
économique, une part importante des effets
favorables
de sa
politique ne va pas apparaître chez lui, mais chez ses
voisins
; par contre, il en supportera
intégralement
les effets
défavorables
. (Ainsi pourraient s'expliquer
rétrospectivement les difficultés rencontrées par
l'Allemagne, à la suite des augmentations de salaires de 1995).
Dès lors, chaque pays européen a
individuellement
intérêt à ce que les salaires évoluent chez lui
à la fois
moins vite
que chez ses
voisins
, et moins vite
que la productivité du travail, afin de " gagner " en
compétitivité et en croissance.
Mais,
collectivement c'est une illusion
: si tous les pays
pratiquent une politique salariale restrictive (et ont des comportements plus
compétitifs que coopératifs), ils en supportent bien tous le
coût.
Alors que si l'augmentation des salaires était un peu plus rapide dans
tous
les pays européens, tous bénéficieraient d'un
surcroît d'activité
11(
*
)
:
dans cette hypothèse en effet, la question des
pertes de
compétitivité au niveau intra-européen
ne se pose plus
et, compte tenu du faible degré d'ouverture de l'ensemble
européen, les conséquences de pertes de
compétitivité par rapport au reste du monde sont marginales.
L'espace européen connaît aujourd'hui une situation de sous-emploi
et d'
excédent courant
: une augmentation un peu plus rapide
des salaires dans tous les pays européens pourrait ainsi rapprocher de
l'optimum économique. Comment y parvenir est cependant une question qui
déborde du champ de la réflexion économique.
B. L'IMPACT DES POLITIQUES BUDGÉTAIRES RESTRICTIVES
Si l'orientation actuelle de la politique budgétaire,
en France comme dans la plupart des pays européens, est restrictive,
l'évaluation de son impact sur l'activité et l'emploi divise les
économistes. Un récent séminaire
12(
*
)
, consacré
à l'étude
d'expériences étrangères d'" ajustement "
budgétaire a permis d'apporter quelques éclaircissements à
ce débat :
· Il était traditionnellement admis que les politiques
budgétaires restrictives contractent la demande globale, donc la
croissance.
Les modèles macroéconomiques
suggèrent
ainsi qu'une politique de réduction de 1 % du PIB du déficit
public " structurel "
13(
*
)
aurait en
France pour " effet " de court terme (2 - 3 ans) une
réduction
du niveau du PIB de 1 % environ par rapport à sa tendance ; il en
résulterait de moindres recettes fiscales et, de ce fait, une diminution
du déficit effectivement constatée
ex post
moins
importante qu'escompté (d'environ 0,5 % du PIB).
· Cependant,
plusieurs arguments théoriques
, fondés
sur les
rôles des anticipations
et
des taux
d'intérêt
, soutiennent l'idée selon laquelle l'impact
effectif d'un ajustement budgétaire sur la demande pourrait être
moindre que ne le suggère l'estimation précédente. En
particulier, si les ménages sont convaincus qu'une hausse de
prélèvements fiscaux est inéluctable à moyen terme
(pour stabiliser la dette publique), ils auront tendance à se constituer
une épargne supplémentaire en vue de ces impôts futurs.
Inversement, l'annonce d'un ajustement budgétaire peut les rassurer pour
l'avenir et les inciter à consommer une part de leur épargne
supplémentaire, ce surcroît de demande privée compensant
alors en partie la restriction de la demande publique.
· L'étude des expériences d'ajustement budgétaire
menées au cours des trente dernières années dans les pays
de l'OCDE montre que les politiques budgétaires
très
restrictives
ont eu en moyenne un impact sur l'activité
plus
faible que prévu
(proportionnellement plus faible que les politiques
budgétaires " modérément " restrictives) et se
sont même dans certains cas (dont les plus connus sont ceux de l'Irlande
entre 1986 et 1989 et du Danemark entre 1983 et 1986) accompagnées d'une
hausse de la consommation des ménages et d'une
accélération de la croissance.
·
Les facteurs explicatifs de ces épisodes d'ajustements
budgétaires
" brutaux " sans ralentissement de
l'activité
demeurent controversés. Sont le plus souvent
avancés : d'une part les particularités des pays (petite taille,
degré d'ouverture élevé, marchés financiers
très développés, situation budgétaire
extrêmement dégradée et
endettement
" critique ")
; d'autre part les caractéristiques de
l'ajustement entrepris (baisse de la consommation publique et non de
l'investissement ; réduction des dépenses budgétaires
plutôt que prélèvements supplémentaires ; annonce
d'un calendrier crédible ; politique monétaire
parallèlement très expansionniste).
· Les
enseignements que les experts tirent de ces
expériences
pour l'ajustement budgétaire en cours
en
France
sont affectés par un certain nombre d'hésitations
qu'on peut résumer ainsi :
- En premier lieu, selon les critères retenus par les
économistes, la France n'a pas connu au cours des décennies
précédentes, ni ne connaît aujourd'hui de politique
d'ajustement budgétaire " brutal ", comme le montre le
caractère
progressif
de la réduction du déficit
budgétaire (5 % en 1995, 4 % en 1996, 3 % en 1997, ...).
- En second lieu, la France ne bénéficierait guère des
particularités des pays ayant connu un ajustement budgétaire sans
ralentissement de la croissance. En particulier, elle est un grand pays dont
l'endettement public n'est pas " critique ".
De ces réflexions d'experts, votre Rapporteur déduira quelques
remarques élémentaires :
- il paraît téméraire d'affirmer que pour un pays de la
taille de la France des mesures tendant à réduire le
déficit budgétaire ont un effet de relance de l'activité.
Il paraît certes indispensable de mener à bien le redressement des
finances publiques dans notre pays, mais en déduire que cela contribuera
à stimuler la croissance ne contribue pas à la clarté du
débat économique ;
- il est tout aussi téméraire d'affirmer que le
taux
d'épargne
des ménages
baissera
avec la
réduction des déficits publics - donc que "
la
consommation privée prendra bien le relais de la consommation
publique
"
14(
*
)
-, en s'appuyant
sur le
fait que dans le passé l'augmentation du taux d'épargne des
ménages et des déficits publics en France a été
concomitante : on peut tout aussi bien affirmer en effet que l'augmentation du
taux d'épargne et du
chômage
- et
par
conséquent
des déficits publics - a été
concomitante ;
- il faut rappeler que l'interaction entre croissance économique et
solde budgétaire est
asymétrique
: le rythme de la
croissance économique a beaucoup plus d'incidence
" spontanée " sur le solde budgétaire que n'en a une
modification " délibérée " du solde
budgétaire sur la croissance économique.
En d'autres termes, ce n'est pas parce que la croissance économique
améliore le solde budgétaire qu'on peut penser soutenir la
croissance en cherchant à réduire le déficit ; en
revanche, si la croissance repart, les responsables de la politique
économique n'auront pas trop de souci à se faire pour
l'évolution du solde budgétaire.
C. PRODUCTIVITÉ ET EMPLOI
La plupart des prévisions et diagnostics à moyen
terme soulignent la poursuite du ralentissement tendanciel de la
productivité du travail
.
Ce phénomène mérite quelques clarifications. Il
soulève en effet deux questions :
- Quelle est la réalité de cette évolution et quelles en
sont les causes ?
- Quelles sont ses conséquences macroéconomiques ?
La réponse à la première question nécessite un
rappel historique :
· Le taux de croissance moyen sur la période 1963-1973
(5,1 % par an en France) et celui de la productivité du travail
(4,4 % par an) ont été divisés par deux environ
après le premier choc pétrolier (sur la période
1973-1990). Cette évolution,
commune
à la plupart des pays
développés, suscite généralement deux types
d'explication :
- le ralentissement du
progrès technique
, explicable
alternativement ou cumulativement par l'achèvement du
rattrapage
technologique de l'économie américaine par les autres pays
industrialisés, par les délais nécessaires à la
" mise au point " des nouvelles technologies de
l'information, et par
le
plafonnement de l'effort de recherche-développement
dans les
pays les plus avancés ;
- le
ralentissement de la demande
, qui réduit les perspectives de
débouchés et l'investissement, lequel est un
élément déterminant de la productivité :
l'accumulation du capital permet à la fois d'incorporer du
progrès technique dans le processus de production et de substituer du
capital au travail (donc d'augmenter la productivité).
· Les statistiques récentes font apparaître en France un
nouveau ralentissement de la productivité du travail
depuis 1990.
La productivité par tête n'a en effet progressé que de
1,5 % par an entre 1990 et 1995, contre 2,3 % entre 1974 et 1989.
Seule la Belgique aurait connu une évolution de même ampleur. Dans
le même temps, la productivité américaine s'est
redressée : l'écart avec la France, de près de 2 % en
moyenne entre 1974 et 1989, est tombé en dessous de 0,4 % sur la
période récente.
Ce ralentissement de la productivité est intervenu dans le secteur
tertiaire, et plus particulièrement dans les branches (commerce et
services aux entreprises) qui connaissaient précédemment une
évolution particulièrement forte par rapport à nos
partenaires (et qui expliqueraient une certaine spécificité
française de faible contenu en emplois de la production de services).
· Deux raisons pourraient expliquer ce nouveau ralentissement de la
productivité du travail :
- Nombre de calculs économétriques, mesurant les effets d'une
baisse du
coût du travail non qualifié
par un
allégement des cotisations sociales employeurs, mettent en
évidence un lien significatif entre coût du travail et emploi pour
certains segments du marché du travail, situés dans les services.
Or le coût du travail non qualifié a été notablement
allégé
depuis 1993, que ce soit par le biais de mesures
générales (exonération de cotisations à la branche
famille et ristourne dégressive, exonérations pour le travail
à temps partiel ou le premier emploi, etc.) ou de mesures
spécifiques (contrat initiative-emploi, " exo-jeunes ",
etc...). Celles-ci ont coûté à l'Etat en 1996, près
de 85 milliards de francs (soit une augmentation de 35 milliards
entre 1992 et 1995). Cet allégement du coût du travail pourrait
être à l'origine de l'enrichissement du contenu en emplois de la
croissance : c'est l'hypothèse privilégiée notamment par
l'INSEE
15(
*
)
.
- Si l'on prend correctement en compte l'évolution de la
durée
du travail
, et notamment l'impact du développement du
temps
partiel
, l'évolution de l'emploi depuis trois ans n'apparaît
pas en rupture par rapport aux tendances antérieures : le ralentissement
de la croissance de la productivité apparente du travail s'expliquerait
par la baisse de la durée du travail, particulièrement importante
en 1993 (cf. tableau ci-dessous). C'est l'explication notamment avancée
par le Ministère du Travail.
DURÉE DU TRAVAIL, PRODUCTIVITÉ ET EMPLOI
(Evolutions annuelles moyennes en %)
|
Durée du travail |
Productivité horaire |
Productivité par tête |
PIBmna(1) |
Emploi |
Emploi salarié |
1990
|
- 0,1
|
1,0
|
0,9
|
2,7
|
1,8
|
2,1
|
1990-1995 |
- 0,4 |
1,9 |
1,5 |
1,2 |
- 0,5 |
- 0,1 |
(1) Produit intérieur brut du secteur marchand non
agricole.
· Les projections et prévisions à moyen terme, dont votre
Rapporteur a présenté ci-dessus les résultats, retiennent
toutes l'hypothèse d'une poursuite du ralentissement de
l'évolution de la productivité apparente du travail.
CHAPITRE II
PERSPECTIVES SECTORIELLES
I. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DE LA DEMANDE (1996-2001)
A. LA DEMANDE PUBLIQUE
Il résulte des perspectives économiques de moyen
terme présentées au chapitre I, que la croissance se
caractériserait sur la période 1996-2001 par la diminution de la
part non-marchande du PIB
sous l'effet de la compression des
dépenses publiques. Celle-ci pèserait sur l'activité de la
plupart des secteurs directement dépendants de ressources publiques (par
exemple la santé), ou tributaires de commandes ou subventions publiques
(en particulier l'armement et le secteur bâtiment travaux publics).
Feraient cependant exception les
services publics locaux
, pour lesquels
la demande demeurerait dynamique (en particulier les services de collecte et
traitement des déchets, ainsi que ceux de production et de distribution
d'eau).
B. LA DEMANDE DES MÉNAGES
1. La
consommation
La contrainte budgétaire des ménages
La progression du revenu disponible des ménages serait ralentie sur la
période 1996-2001 (1,2 % par an dans la projection de l'OFCE
détaillée au chapitre I par exemple), ce qui explique qu'en
dépit de la stabilisation du taux d'épargne des ménages
à un niveau (de l'ordre de 12 %), inférieur à celui
atteint en moyenne durant les années 1991-1995 (13,7 %), la
croissance de la
consommation
serait moins rapide que celle du PIB
(respectivement 1,8 % par an et 1,9 % par an dans la projection
de l'OFCE).
Compte tenu de l'accroissement annuel du nombre des ménages (environ
0,9 % par an), sous les effets conjugués de la croissance de la
population et de la diminution de la taille moyenne des ménages, la
croissance du revenu disponible brut moyen par ménage serait ainsi selon
l'OFCE limitée à 0,3 % par an et celle de la consommation
moyenne par ménage serait inférieure à 1 % l'an.
Cette
contrainte budgétaire
pourrait renforcer les tendances
actuelles de la consommation, caractérisées selon les
enquêtes du Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des
Conditions de Vie (CREDOC), par une propension croissante à
privilégier l'offre à bas prix (en particulier les promotions),
le développement du " plaisir " à faire des affaires,
une réduction de la valeur distinctive attachée aux marques et
une préférence pour les biens les plus rustiques ou les plus
simples d'usage.
La contrainte de solvabilité des ménages pourrait notamment
limiter le renouvellement du parc
automobile
, les consommateurs
arbitrant de plus en plus en faveur des services de location de voitures, dont
le coût relatif diminue.
La contrainte budgétaire des ménages pourrait également
freiner le développement de
l'informatique multimédia
.
Votre Rapporteur rappelle qu'en 1995, moins d'un pour cent des ménages
français étaient équipés d'un modem (appareil qui
permet de connecter un ordinateur sur le réseau
téléphonique, donc sur le réseau Internet), contre
23 % aux Etats-Unis, ce qui s'expliquerait en partie par le choix des
constructeurs d'offrir des systèmes de plus en plus performants à
des coûts qui demeurent élevés, plutôt que de baisser
leurs prix. Ceci peut susciter des inquiétudes pour le
développement de la capacité française à
maîtriser les technologies du savoir.
Plus généralement, les arbitrages de consommation des
ménages seraient défavorables au
textile-habillement
et
à certains biens d'équipement du foyer comme l'ameublement et
l'électroménager grand public.
En revanche, les enquêtes du CREDOC montrent qu'une majorité des
ménages consacreraient prioritairement un accroissement de leurs revenus
à une augmentation de leurs dépenses de
loisirs
et de
communication
. Selon les experts du Bureau d'Informations et de
Prévisions Economiques (BIPE), l'activité du transport
aérien, des services de télécommunications
(téléphonie mobile notamment) et de services
récréatifs comme les parcs de loisirs, l'édition ou les
jeux de hasard, serait ainsi particulièrement dynamique.
De même, la demande de biens liés à
l'information
tels que les micro-ordinateurs grand public, les télécopieurs,
les téléphones mobiles, les téléviseurs au format
16/9ème, puis numériques, serait soutenue. Cependant, la
progression des ventes exprimées en volume devrait être en grande
partie compensée par les baisses de
prix
.
L'ÉVOLUTION DE LA
STRUCTURE DE LA CONSOMMATION
|
|||
|
1980 |
1998 |
2001 |
Produits alimentaires boissons tabac |
21,4 |
18,2 |
16,6 |
Articles d'habillement y.c. chaussures |
7,3 |
5,4 |
4,5 |
Logement chauffage et éclairage |
17,5 |
21,8 |
23,2 |
Meubles Mat. Ménager Art. de mén. entretien |
9,5 |
7,3 |
7,1 |
Services médicaux et de santé |
7,7 |
10,4 |
10,7 |
Transports et communications |
16,6 |
16,2 |
16,9 |
Loisirs spectacles enseignement culture |
7,3 |
7,5 |
7,3 |
Autres biens et services |
12,7 |
13,2 |
13,7 |
Consommation nationale (y.c. non marchand)
|
100,0 |
100,0 |
100,0 |
Source : BIPE. |
2. Le logement
Les perspectives de moyen terme de la demande de
logements
demeurent
controversées. Dans la projection de l'OFCE, l'investissement logement
des ménages s'accroît de
3,6 %
par an en raison de la
détente des
taux d'intérêt
. La baisse des taux
d'intérêt et le succès du prêt à taux
zéro facilitent en effet l'emprunt logement et favorisent la
réallocation d'une partie de l'épargne disponible vers
l'immobilier. Une étude réalisée en janvier 1996 par M.
Michel MOUILLARD, professeur à l'Université Paris X,
concluait ainsi que la diminution d'un point des taux d'intérêt
acquéreur augmenterait la demande annuelle de logements neufs de
11 500 unités.
Effet sur la
demande de
logements
|
||||
|
Marché du neuf |
Marché de l'ancien |
Ensemble | |
Un point de pouvoir d'achat (au bout de 3 ans) |
|
|
+ 18,0 |
|
Un point de taux d'intérêt en moins pour l'acquéreur |
+ 11,5 |
+ 2,0 |
+ 13,5 | |
Un point de taux de chômage en moins |
+ 1,5 |
+ 4,0 |
+ 5,5 | |
Un point de prix des logements en moins
|
+ 3,5 |
+ 11,5 |
+ 15,0 | |
Source : modèle DESPINA . |
En revanche, selon d'autres experts, divers facteurs
concourraient sinon à prolonger la diminution du taux de
détention d'un logement (de 61,1 % en 1992 à 59,6 % en
1996 selon l'INSEE), du moins à contraindre la demande de logements
individuels : la défiance envers la pierre (placement
considéré comme à la fois peu liquide -en raison de droits
de mutation élevés- et sujet à d'amples fluctuations), le
ralentissement du flux de nouveaux ménages, la fragilisation des
structures familiales, le niveau du chômage, et plus
généralement les difficultés rencontrées par les
jeunes ménages confrontés à des revenus plus incertains.
Ainsi, selon les estimations du BIPE, la croissance de l'investissement
logement des ménages serait limitée à
2,2 %
en
moyenne sur la période 1996-2001 et favoriserait surtout les
dépenses de
rénovation
de l'habitat au détriment de
la
construction
.
C. LA DEMANDE DES ENTREPRISES
1. Les biens intermédiaires
En raison de la reconstitution des stocks et d'un d'effet de rattrapage
après le ralentissement de l'activité dans les industries de
biens intermédiaires en 1995, la demande de biens intermédiaires
comme l'emballage, le verre, les produits plastiques et la papeterie, serait
relativement soutenue sur la période 1996-2001. Du fait de la
mondialisation des marchés, ces secteurs seraient toutefois de plus en
plus sujets à des
cycles conjoncturels
de grande ampleur.
2. L'investissement des entreprises
La hausse de l'investissement productif bénéficierait surtout
aux services aux entreprises
L'accélération de la croissance et de l'investissement (+3,6% par
an en moyenne sur la période 1997-2001 dans la projection de l'OFCE)
bénéficierait aux secteurs des biens d'investissements, notamment
aux secteurs de l'équipement électrique et de
l'électronique industrielle.
Cependant, les experts du BIPE soulignent qu'en dépit du recul de
près d'un tiers de l'investissement industriel entre 1990 et 1993, le
taux d'utilisation des capacités de production demeure proche de sa
moyenne historique, la durée de vie des équipements industriels
aurait augmenté (les investissements effectués par les
entreprises lors des années 1986-1990 ne seraient donc pas
entièrement à renouveler), enfin les
comportements
des
entreprises en matières
d'investissement auraient changé
:
au renouvellement périodique de l'intégralité de leur
outil de production, elles préféreraient désormais une
modernisation diffuse
.
Ces évolutions auraient deux conséquences premières. En
premier lieu, le
cycle de l'investissement
serait notablement
lissé, c'est-à-dire que les phases de croissance ou de
décroissance de l'investissement seraient désormais plus
progressives : la reprise de l'investissement à partir de 1997 pourrait
dès lors être moins dynamique qu'escompté. En second lieu,
la reprise profiterait surtout aux investissements
" immatériels ", donc aux secteurs des
services aux
entreprises
(services de maintenance, services informatiques et
logistiques, activités d'ingénierie, publicité, conseil
aux entreprises, etc.), qui continueraient d'être très fortement
créateurs
d'emplois
.
Perspectives
d'activité
|
|||
|
Production(en milliards de francs) |
Taux de croissance annuel en francs constants sur la période (en %) |
|
|
en 1995 |
1992-1995 |
1996-2001 |
Location de véhicules automobiles |
19,6 |
2,3 |
5,7 |
Travail temporaire |
62,8 |
- 2,0 |
4,9 |
Cabinets de conseil |
63,1 |
2,6 |
4,8 |
Ingénierie, études et contrôles techniques |
107,4 |
1,7 |
3,7 |
Activités comptables |
51,3 |
1,1 |
3,5 |
Maintenance industrielle (sous traitance) |
40 |
- 3,0 |
3,1 |
Activités de nettoyage |
36,7 |
1,4 |
2,7 |
Total des services marchands aux entreprises |
|
|
|
Pour mémoire PIB total, selon le BIPE
|
7675 |
1,2 |
2,2 |
Source : INSEE/Prévisions BIPE . |
La frontière entre l'industrie et les services
serait de plus en plus floue
Plusieurs phénomènes concourraient ainsi à estomper la
frontière entre services et industrie : l'accroissement de la part des
services dans l'investissement industriel
(l'" industrialisation "
des services), l'exter-nalisation d'activités de plus en plus proches de
la production (maintenance et conception notamment), le fait que les
activités de service sont de plus en plus capitalistiques, enfin le
développement de la technologie de l'information (qui permettrait
désormais selon l'OCDE
16(
*
)
de
" stocker " des services sous la forme de logiciels).
Il en résulterait qu'après une période de
développement continu caractérisé selon le BIPE par une
"
relative insensibilité aux aléas de la
conjoncture
", les services aux entreprises pourraient connaître
une activité de plus en plus
cyclique
. L'évolution de
l'emploi
dans les services pourrait alors se rapprocher de celle dans
l'industrie.
II. PERSPECTIVES DE LA PRODUCTION FRANÇAISE (1996-2001)
A. SYNTHÈSE
Sur la base d'une projection de l'économie
française à moyen terme légèrement plus optimiste
que celle réalisée par l'OFCE, puisque la croissance s'y
établit en moyenne annuelle à
2,25 % par an
entre
1996 et 2001 (contre 1,9 % pour le scénario 2 de l'OFCE),
le BIPE a présenté en septembre 1996 les perspectives
sectorielles décrites dans le
tableau
ci-après.
Selon le BIPE, l'activité serait ainsi particulièrement dynamique
pour les secteurs liés au traitement des déchets ou à la
distribution d'eau, pour l'informatique, les services d'assurance, le transport
aérien et la plupart des services récréatifs,
l'électronique, les télécommunications, la pharmacie, la
chimie, les services aux entreprises, ainsi que pour la production de
machines-outils et de biens d'équipement industriel.
L'activité progresserait à un rythme proche de celui du PIB dans
la santé, le commerce, le tourisme, le cinéma et l'automobile.
En revanche, la croissance de production serait positive, mais relativement
faible, dans la sidérurgie, le BTP, les industries agro-alimentaires,
l'ameublement, l'aérospatiale, l'énergie et surtout le textile.
Évolution de la production par secteur |
|||||
Taux de
croissance
annuel moyen en volume
|
|||||
- Collecte des déchets (c.a.)*** | 9,0 | - Industrie des non ferreux | 2,1 | ||
- Informatique (y-c. services)* | 6,5 | - Hôtellerie (nuitées) | 2,1 | ||
- Production et distribution d'eau*** | 6,0 | - Communication | 2,0 | ||
- Assurance-vie capitalisation*** | 5,8 | dont vidéo* | 13,5 | ||
- Assainissement-épuration*** | 5,5 | dont télévision*** | 6,6 | ||
- Assurance dommages*** | 5,3 | dont édition* | 3,3 | ||
- Parcs de loisirs (entrées) | 5,0 | dont cinéma** | 1,9 | ||
- Machines-outils | 4,7 | dont presse* | 1,2 | ||
- Pharmacie | 4,5 | - Mécanique de précision | 1,8 | ||
- Parachimie | 4,5 | - Automobile | 1,8 | ||
dont parfums et cosmétiques* | 5,5 | dont utilitaires de moins de 5 t** | 3,9 | ||
- Équipement industriel | 3,8 | dont pièces détachées et équipements* | 3,6 | ||
- Services aux entreprises | 3,7 | dont véhicules particuliers** | 2,2 | ||
- Soins ambulatoires*** | 3,7 | dont pneumatiques* | -1,7 | ||
- Électronique professionnelle | 3,7 | dont utilitaires de plus de 5 t** | -2,4 | ||
dont semi-conducteurs*** | 9,8 | - Sidérurgie | 1,2 | ||
dont matériels informatiques*** | 4,5 | - Bâtiment génie civil | 1,1 | ||
dont équipements de télécoms*** | 2,4 | dont bâtiments industriels* | 4,3 | ||
- Services bancaires*** | 3,5 | dont assainissement* | 3,8 | ||
- Papier, carton | 3,5 | dont entretien du logement* | 1,1 | ||
- Chimie organique | 3,5 | dont routes* | 1,0 | ||
- Caoutchouc-plastiques | 3,3 | dont bâtiment de bureau* | -0,3 | ||
- Soins hospitaliers*** | 3,3 | dont logements individuels* | -1,0 | ||
- Électroménager/électronique grand public | 3,3 | dont logements collectifs* | -2,1 | ||
dont téléviseurs*** | 4,3 | dont bâtiments d'enseignement* | -8,5 | ||
dont audio*** | 3,1 | - Industries agro-alimentaires | 1,1 | ||
dont gros électroménager* | 2,7 | dont produits laitiers frais** | 3,5 | ||
dont petit électroménager* | 1,3 | dont boissons non alcoolisées** | 2,9 | ||
- Industrie du verre | 3,2 | dont boissons alcoolisées** | 0,7 | ||
- Construction électrique professionnelle | 3,0 | - Bois et ameublement | 1,0 | ||
- Télécommunications (y-c. services)* | 2,6 | - Chimie minérale | 1,0 | ||
- Transports (tonnes ou passagers/km) | 2,6 | - Aérospatiale | 1,0 | ||
dont transport aérien passagers** | 4,5 | dont moteurs* | -1,6 | ||
dont transport ferroviaire passager** | 0,2 | - Énergie | 1,0 | ||
dont fret routier** | 2,5 | dont électricité** | 1,4 | ||
dont fret ferroviaire** | 0,5 | - Agriculture | 0,7 | ||
- Commerce* | 2,3 | dont céréales** | 1,2 | ||
dont commerce de détail* | 2,1 | dont vins** | 0,4 | ||
dont commerce de gros non alimentaire* | 2,7 | - Textile-habillement | 0,5 | ||
- Fonderie, transformation des métaux | 2,2 | - Matériaux de construction | 0,4 | ||
|
|
- Cuir-chaussures | -3,0 | ||
PIB | 2,2 |
|
|
||
*
** *** |
En valeur.
En unités physiques. En francs courants. |
A. PERSPECTIVES D'ACTIVITÉ POUR QUELQUES GRANDS SECTEURS
1. Le secteur bâtiment-travaux publics
Perspectives du
BTP
|
|||
|
Production
|
Taux de croissance annuel moyen (en %) |
|
|
en 1995 |
1992-1995 |
1996-2001 |
- Logement neuf individuel |
75 |
- 2,0 |
-0,9 |
- Logement neuf collectif |
69 |
-1,4 |
-2,1 |
- Construction non résidentielle |
103 |
-8,0 |
1,7 |
- Entretien amélioration |
275 |
0,8 |
1,9 |
dont logement |
167 |
0,5 |
1,1 |
Total bâtiment |
521 |
-1,9 |
1,0 |
Génie Civil |
138 |
-3,7 |
1,6 |
dont infrastructures de transports |
84 |
-3,2 |
+1,9 |
dont réseaux électriques et télécom. |
19 |
-3,9 |
-0,1 |
dont assainissement |
9 |
-2,4 |
+3,8 |
Total BTP
|
660 |
-2,3 |
1,1 |
Source : BIPE |
|
|
|
Selon les experts du BIPE, l'accroissement de
l'investissement
logement des ménages (+ 2,2 % par an d'ici 2001) entraînerait
une diminution des stocks de logements invendus, mais ne permettrait qu'une
faible reprise des mises en chantier
de logements (300 000 en
moyenne sur la période 1997-1999 contre 286 000 en 1995), suivie
d'un déclin progressif à partir de l'an 2000 en raison du
ralentissement de la croissance du nombre de ménages.
Les perspectives d'activité de la
construction non
résidentielle
sont très contrastées : la construction
de bâtiments industriels, qui s'était fortement contractée
entre 1991 et 1995, connaîtrait une croissance soutenue
(+ 3,3 % par an en moyenne annuelle -un rythme toutefois
inférieur à celui des investissements des entreprises), mais les
constructions des collectivités locales devraient ralentir et celles de
l'État stagneraient, en raison notamment du ralentissement de la
construction de bâtiments d'enseignement (achèvement du plan
université 2000).
En revanche les activités
d'entretien
et
d'amélioration
bénéficieraient d'une croissance
modérée, et représenteraient ainsi une
part
croissante
de l'activité bâtiment (56 % en 2001).
Enfin, les activités de génie civil seraient dynamiques sous les
effets conjugués de la reprise des travaux d'infrastructure de
transports et surtout du développement des investissements des
collectivités locales en matière
d'adduction d'eau et
d'assainissement
.
Au total, la croissance du secteur BTP (1,1 % par an) serait nettement
inférieure à celle du PIB. Votre Délégation
souligne que, compte tenu des gains de productivité, le BTP
(1,5 millions de personnes) pourrait ainsi
perdre 60 000 emplois à l'horizon 2001
.
Source : BIPE
2. L'automobile
Au-delà des aléas de court terme qui
affecteraient la demande en raison de la suppression de la prime qualité
automobile, la demande serait soumise à moyen terme à deux effets
contradictoires :
- d'une part, la nécessité de remplacer les véhicules
acquis à la fin des années 1980, nécessité
avivée par la hausse des exigences du contrôle technique ;
- d'autre part, la mise en place de normes techniques plus
sévères pour les véhicules neufs comme pour les
véhicules en circulation (contrôle technique notamment), qui
serait un obstacle à la réduction des coûts d'achat et
d'entretien des petites voitures, donc à la solvabilisation de la
demande et qui pourrait dès lors inciter les consommateurs au
déséquipement.
Au total, le secteur de l'automobile connaîtrait sur la période
1996-2001 une croissance de la demande de l'ordre de 2,5 % par an selon
ERECO
17(
*
)
. Cependant, en raison d'une perte de
compétitivité de l'industrie automobile française, au
profit notamment des industriels japonais implantés au Royaume-Uni, la
croissance
moyenne de la
production française
serait
limitée à
2,1 %
par an en volume.
Par ailleurs, les
équipementiers
automobiles, qui
réalisent déjà près de 60 % de la valeur
ajoutée du secteur, devraient connaître une intense
concentration
de nature à faire apparaître une vingtaine de
grands équipementiers-chefs de file avant la fin du siècle. Il
est d'ailleurs permis de se demander si, à l'instar des producteurs de
logiciels et de micro-processeurs dans le secteur informatique, les
équipementiers automobiles ne prendront pas à terme le
contrôle du secteur aux dépens des "assembleurs". Votre Rapporteur
souligne que le contrôle des grands équipementiers
français, qui pourraient être relativement
sous-capitalisés, serait dès lors un enjeu industriel majeur
selon de nombreux experts.
3. Textile-Habillement
Textile |
||||||||||||
|
|
1994 |
Taux de
croissance
annuel moyen
|
|||||||||
|
|
milliards d'ECU 1 |
1988-1990 |
1991-1994 |
1995-2001 2 |
|||||||
France |
Production
|
12,9
|
1,0
|
1,1
|
- 1,5
|
|||||||
Italie |
Production
|
26,2
|
1,5
|
1,9
|
0,5
|
|||||||
UE 12 |
Production
|
73,2
|
1,6
|
-0,5
|
0,0
|
|||||||
1 1 ECU = 6,58
F en
1994.
|
||||||||||||
Source : European Economic Research and Advisory Consortium (ERECO), juin 1996 |
||||||||||||
Habillement |
||||||||||||
|
|
1994 |
Taux de croissance annuel moyen en volume sur la période |
|||||||||
|
|
milliards d'ECU 1 |
1988-1990 |
1991-1994 |
1995-2001 2 |
|||||||
France |
Production
|
13,3
|
- 0,2
|
- 2,3
|
- 3,0
|
|||||||
Italie |
Production
|
24,0
|
3,6
|
1,0
|
0,0
|
|||||||
UE 12 |
Production
|
76,2
|
1,7
|
- 0,7
|
- 2,5
|
|||||||
1 1 ECU = 6,58
F en
1994
|
||||||||||||
Source : ERECO. |
La filière textile-habillement combinerait trois
handicaps
:
- une demande très sensible aux évolutions du
revenu
familial
(dont la croissance serait très modérée sur
la période 1996-2001) ;
- la poursuite de la contraction du marché intérieur, en raison
d'une tendance, quasi générale en Europe, à la
déconsommation
de biens issus du secteur textile-habillement (la
part du textile-habillement dans la consommation des ménages s'est ainsi
réduite de 8 % en 1970 à 6,4 % en 1985 et 5,1 % en
1994) ;
- enfin pour l'habillement, la forte
concurrence
de pays à bas
salaires entraînerait une pression à la baisse sur les prix
(- 1 % par an sur la période 1996-2001 selon le BIPE).
En revanche, la filière pourrait être globalement
bénéficiaire du démantèlement progressif de
l'accord multifibres (AMF), programmé par étapes d'ici 2005. En
effet, l'ouverture des marchés européens ne ferait que s'inscrire
dans la continuité d'un régime dans lequel les quotas
étaient sans cesse révisés à la hausse, tandis que
l'ouverture des marchés du sud-est asiatique, qui en sera
désormais la contrepartie, pourrait permettre des stratégies de
conquête par les exportateurs européens des
débouchés que représentent des classes moyennes asiatiques
en plein essor. Selon ERECO, l'excédent commercial de l'Union
européenne dans le textile pourrait ainsi doubler d'ici 2001. Il
semblerait malheureusement que
l'industrie française
ait pris un
certain
retard
sur ces nouveaux marchés par rapport à ses
concurrents européens, en dépit de l'atout que
représentent les capacités de promotion et de projection du luxe
et du haut de gamme français
18(
*
)
.
Par ailleurs, dans la mesure où la majorité des échanges
de textile et d'habillement s'opèrent dans un cadre européen, la
filière française pourrait bénéficier à
moyen terme du renforcement de
l'intégration monétaire et
réglementaire
européennes. Celui-ci est en effet de nature
à réduire les avantages concurrentiels de l'Italie (notamment en
permettant la stabilisation de la lire à des parités plus
favorables aux exportateurs français).
Cependant , le
succès de l'Italie
, premier producteur
européen et le seul à maintenir sa production d'ici 2001 selon
ERECO, ne proviendrait pas de moindres coûts unitaires de main-d'oeuvre
(cf. tableau infra), mais de
stratégies dynamiques
de la part des
fabricants italiens : investissements dans le design et l'image,
différenciation des produits, intégration verticale avec la vente
au détail qui permet une meilleure anticipation des besoins,
organisation flexible en réseaux de PME travaillant en partenariat et
recourant à la sous-traitance étrangère, temps de
réponse rapides, positionnement sur les segments supérieurs du
marché, qui sont les plus dynamiques à mesure que les
baby-boomers alimentent la génération des 35-54 ans (la
classe d'âge qui dépense le plus pour s'habiller).
Comparaison du
coût de travail dans l'industrie
textile en 1994
|
|||
Allemagne de l'Ouest
|
175
|
Taïwan
|
50
|
Source : Werner International, cité par ERECO . |
L'industrie italienne préfigurerait ainsi
l'évolution du secteur, avec une
spécialisation
croissante
de l'Europe sur des
niches
en développement rapide
(vêtements imperméables par exemple), sur les segments
supérieurs du marché et sur les phases de la production
comportant le plus de valeur ajoutée.
L'avis adopté à la quasi-unanimité le 27 mars 1996
par le Conseil économique et social soulignait ainsi que la
filière textile-habillement française était
confrontée à une double nécessité :
- d'une part,
réorienter
progressivement la filière vers
les processus de production pour lesquels nous disposons
d'avantages
comparatifs
(innovation, technologie, salariés hautement
qualifiés), ce qui suppose de favoriser l'investissement
immatériel et la "
requalification des
salariés
" ;
- d'autre part, favoriser l'émergence de
filières
intégrées
, organisées autour de la
distribution
, afin d'anticiper ou de réagir très
rapidement à l'évolution des besoins et des goûts des
consommateurs.
Ce processus impliquerait la poursuite de gains de productivité rapides
(la productivité du travail s'est déjà accrue de 30 %
entre 1988 et 1994 dans le secteur textile, contre seulement 12 % pour
l'ensemble du secteur manufacturier) et une
nouvelle contraction de
l'emploi
.
4. Produits pharmaceutiques
Produits pharmaceutiques |
|||
|
|
Taux de croissance annuel moyen sur la période en francs courants, en % |
|
|
1995
|
1992-1995 |
1996-2001 |
- Production |
101 |
6,1 |
4,5 |
- Importations |
18 |
17,0 |
9,5 |
- Exportations |
28 |
11,5 |
9,0 |
Source : BIPE |
Selon le BIPE, la croissance du secteur des produits
pharmaceutiques devrait se ralentir, en particulier sur les années
1996-1998, en raison des politiques de
maîtrise des dépenses de
santé
. Elle demeurerait toutefois relativement soutenue.
Ce secteur serait caractérisé par le développement
progressif des
médicaments génériques
, par le
rééquilibrage du marché mondial vers les pays en
développement rapide (actuellement 80 % des médicaments sont
consommés aux États-Unis, au Japon ou en Europe), et par
l'intense
restructuration
mondiale que rend nécessaire
l'augmentation exponentielle des coûts de développement de
nouveaux médicaments.
Selon le BIPE,
l'industrie française
traverserait plutôt
bien cette vague de restructuration en raison
d'atouts
spécifiques
: taille du marché (le quatrième au
monde), qualité de la recherche, rentabilité croissante et
développement d'une politique contractuelle entre laboratoires et
pouvoirs publics susceptible d'attirer ou de maintenir des investissements.
Ainsi
l'emploi
dans ce secteur pourrait continuer à
progresser
en France, alors qu'il se contracterait en Europe.
Par ailleurs, les conventions signées entre la profession et
l'État pourraient permettre une convergence des
prix
français vers les prix européens. Rappelons que les prix des
médicaments les moins récents avaient été
fixés à des niveaux relativement faibles, ce qui entraînait
deux conséquences préjudiciables : d'une part les laboratoires
étaient incités à augmenter les quantités vendues ;
d'autre part, les nouveaux médicaments, qui obtenaient des prix plus
élevés, bénéficiaient de capacités de
promotion très supérieures, ce qui brouillait la concurrence au
détriment des anciens médicaments. Il en résultait que le
marché français était caractérisé par
l'importance des quantités vendues et la prééminence
abusive dans certains domaines de médicaments nouveaux et beaucoup plus
onéreux, configuration qui nuisait à la maîtrise des
dépenses de santé.
5. Tourisme, hôtellerie
À moyen terme, la consommation des services
touristiques et paratouristiques (662 milliards de francs en 1994, soit 9
% du PIB) croîtrait à un
rythme proche
de celui du PIB
(environ 2 % l'an). Ce secteur connaîtrait cependant de profondes
mutations
:
- d'un côté, la solvabilisation croissante des nouveaux
retraités et le développement de la fragmentation des
congés, notamment sous l'effet des processus de
réduction-annualisation du temps de travail, favoriseraient les
entreprises positionnées sur certaines
niches
(éco-tourisme, tourisme culturel, parcs de loisirs...) ;
- de l'autre, la baisse du prix relatif du transport aérien,
l'émergence de classes moyennes dans les nouveaux pays
industrialisés et les pays d'Europe centrale et orientale, et le
développement d'une offre de qualité dans de nombreux pays en
développement, entraîneraient une
mondialisation
croissante
des flux touristiques et favoriseraient des arbitrages systématiques
coût-qualité de la part des consommateurs.
Dès lors, votre Rapporteur peut déplorer avec le Conseil
économique et social
19(
*
)
l'insuffisance
relative de la dotation de l'État à la
promotion
touristique
française à l'étranger.
Par ailleurs, que la mondialisation impliquera un effort de
formation
du
personnel (notamment à l'accueil de touristes étrangers) et
surtout un effort
d'organisation
de l'offre
(labels,
réseaux de partenariat, intégration des billetteries et des
serveurs). En effet, selon le Conseil économique et social, celle-ci
demeurerait trop atomisée en France, en particulier en ce qui concerne
le tourisme de campagne.
Enfin, la résorption durable des déséquilibres
monétaires internationaux serait un enjeu majeur pour les régions
méridionales, dont une partie des flux touristiques pourrait être
détournée vers des pays limitrophes au taux de change plus
favorable (Italie, Espagne) et, à la faveur de la baisse des coûts
du transport aérien, vers les pays " ensoleillés " de
la zone dollar, où la qualité de l'offre s'est d'ores et
déjà accrue.
II. UNE SOURCE D'INQUIÉTUDE POUR LA CROISSANCE À MOYEN TERME : LES FAIBLESSES DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE EN MATIÈRE D'INNOVATION
1. La France a accentué ses efforts de recherche et développement
La part des
dépenses de recherche et
développement
dans le PIB s'est rapidement accrue en France au cours
des quinze dernières années (de 1,9 % du PIB en 1981
à 2,5 % en 1995) et atteint désormais des niveaux
comparables à ceux des grands pays industrialisés :
derrière la Suède (2,9 %), le Japon (2,8 %), les
Etats-Unis (2,7 %), à égalité avec l'Allemagne
(2,5 %), mais devant le Royaume-Uni (2,1 %) ou l'Italie (1,4 %).
Au total, la part de la France dans les dépenses de R&D mondiale a
même augmenté de 6,4 % en 1982 à 6,9 % en 1991.
Par ailleurs, l'ensemble des indicateurs attestent de la performance de la
recherche fondamentale
française : la part de la France dans les
publications scientifiques mondiales se serait ainsi accrue de 4,3 % en
1982 à 4,9 % en 1992 et le ratio nombre de publications
scientifiques/budget public de recherche serait plus élevé en
France qu'aux Etats-Unis et au Japon.
2. Cependant, la recherche serait économiquement moins rentable en France et plus généralement en Europe qu'aux Etats-Unis ou au Japon.
En dépit de l'accroissement relatif de nos efforts de
R&D, la part de la France dans les
brevets
déposés en
Europe aurait diminué de 8,6 % en 1992 à 8,3 % en 1993,
et celle dans les brevets déposés aux Etats-Unis de 3,9 %
à 3,3 % entre ces mêmes dates.
Certes, il ne s'agirait pas là d'une particularité
française. En effet, selon les travaux de la Commission
européenne, la part de
l'Union européenne
dans les
dépôts de brevets en Europe aussi bien qu'aux Etats-Unis serait en
diminution depuis 1988, l'Union européenne serait en déclin dans
les secteurs à haute intensité technologique ou en forte
croissance, enfin le ratio brevets déposés/dépenses de
R&D serait moitié moindre en Europe qu'aux Etats-Unis ou au Japon.
PART DES BREVETS DÉPOSÉS E N EUROPE
DANS LES SECTEURS ÉLECTRONIQUES-ÉLECTRICITÉ
|
1987 |
1993 |
Union Européenne
Etats-Unis Japon Reste du monde |
41,4
|
34,2
|
Source : Commission européenne, Livre vert sur
l'innovation, Luxembourg 1995.
Selon le Livre vert sur l'innovation, publié en 1995 par la Commission
européenne, les
facteurs
explicatifs de cette moindre
rentabilité économique de la recherche en Europe seraient
notamment:
- la
dispersion
des efforts de R&D européens (des
équipes concurrentes travaillent simultanément sur les
mêmes sujets dans différents pays européens, ce qui
engendre des déséconomies d'échelle) ;
- le
cloisonnement
des formations et la faible mobilité des
étudiants et des chercheurs ;
- un environnement
fiscal
peu favorable à l'investissement
immatériel ;
- un
environnement juridique
et réglementaire défavorable.
Il semble toutefois que la
spécialisation
de la recherche
française au sein même de l'Union européenne soit en partie
inadaptée : d'une part la recherche française serait
spécialisée dans les grands programmes de recherche sur
fonds
publics
(aérospatial et nucléaire notamment) - ce qui est un
désavantage en période d'ajustement des dépenses publiques
- ; d'autre part la recherche française se serait de plus en plus
spécialisée dans les
disciplines fondamentales
au
détriment des disciplines appliquées.
3. Une particularité française : la faiblesse de l'innovation
L'innovation
, que l'on pourrait définir avec
l'Institut REXECODE comme la concrétisation d'une découverte,
c'est-à-dire "
une idée nouvelle qui a pris corps dans le
système productif
", se distingue de la recherche. La plupart
des innovations n'ont en effet rien d'exceptionnel : remplacement d'un
composant, réorganisation de l'entreprise en vue d'améliorer la
qualité globale, nouvelle forme de distribution, etc.
Cependant, sous les effets du développement de l'économie de
l'information et de l'unification des technologies (en raison notamment de la
mondialisation des standards et des composants, ainsi que de la miniaturisation
des pièces, qui peuvent ainsi s'employer dans un nombre croissant
d'applications), le
progrès technique
prend de moins en moins la
forme d'un saut technologique, et relève de plus en plus de la
maîtrise et de l'incorporation de technologies et de processus existants,
c'est-à-dire d'innovations. L'innovation devient ainsi un enjeu majeur
pour la
compétitivité
des économies.
Or, comme le souligne le rapport
Industrie 1996
de REXECODE, les
indicateurs disponibles indiqueraient, au-delà des problèmes de
mesure, un
manque
d'innovation
dans l'économie
française, en particulier dans les PME. Par exemple le pourcentage
d'entreprises déclarant avoir innové lors des trois années
précédant l'enquête serait moindre en France qu'en
Allemagne ou au Royaume-Uni :
POURCENTAGE D'ENTREPRISES INNOVANTES (EN %)
|
20 à 49 salariés |
50 à 100 salariés |
plus de 100 salariés |
France
Allemagne Japon |
35
|
55
|
85
|
Source : Enquêtes européennes et Product
Development Survey, cité par REXECODE
De même, la part du chiffre d'affaires des entreprises françaises
portant sur des produits inchangés aurait été en 1992 de
40 % en Allemagne, mais de 70 % en France.
Selon REXECODE, de nombreux
facteurs
pourraient expliquer la faiblesse
de l'innovation en France :
- le ralentissement de la croissance ;
- les difficultés de
financement
du capital développement
des PME en raison du niveau des taux d'intérêt, des
difficultés du secteur bancaire, et de l'insuffisance des financements
publics destinés à l'innovation (ANVAR notamment) au regard de
80 milliards de francs de financement de la recherche ;
- le manque de
coopération
inter et intra-organisations et plus
particulièrement l'insuffisance de liens entre grands groupes et PME ;
- "
le manque de mise en situation créative des
étudiants
" (Pierre Gilles de Gennes) et le manque de
synergies
entre laboratoires publics et universités d'un
côté, PME de l'autre ;
- la
concentration
trop importante de la recherche : selon l'INSEE,
" les
40 principaux groupes industriels français ainsi que les
groupes étrangers identifiés dans la recherche exécutent
près des trois quarts de la R&D française et reçoivent
les neuf dixièmes des financements publics
"
20(
*
)
;
- l'insuffisance de la part de la recherche effectuée par les
entreprises
(63 % de la recherche française totale en 1993,
contre près de 70 % en Allemagne et aux Etats-Unis, et 75 % au
Japon), ce qui se traduirait par un plus grand éloignement de la R&D
française au marché.
4. Les conséquences macroéconomiques de l'insuffisance de l'innovation
Les analyses de l'ANVAR et de REXECODE établissent le
lien entre innovation et performance des entreprises (notamment à
l'exportation) ainsi qu'entre
croissance économique
et innovation.
Dès lors, il y a lieu de craindre qu'une insuffisance d'innovation
n'aboutisse, à moyen terme, à fragiliser les positions acquises
par l'industrie française, à freiner la croissance et à
ralentir les créations
d'emplois
dans les secteurs
d'activité les plus dynamiques.
ANNEXES
UNE PROJECTION DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE (1996-2001)
Cette note, établie par la Division des Etudes macroéconomiques du Service des Etudes du Sénat, présente les résultats d'une projection réalisée par l'Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE) à l'aide du modèle MOSAÏQUE.
I. CONCEPTION GÉNÉRALE DE L'EXERCICE
· Cette projection de l'économie
française à l'horizon de cinq ans - 2001 en est le terme - a
été réalisée à l'aide du
modèle
MOSAÏQUE de l'Observatoire Français des Conjonctures
Economiques. Elle est de nature essentiellement macroéconomique. Les
experts de l'OFCE se sont attachés toutefois à en tirer le
maximum d'indications sur l'évolution des finances publiques
(principalement au cours des années 1996, 1997 et 1998).
Si les résultats affichés pour les trois premières
années peuvent être considérés comme une
prévision
, les trois dernières années (1999 à
2001) ne décrivent certainement pas le scénario le plus
probable
, mais plutôt une extrapolation des tendances en cours. Il
s'agit ainsi d'
illustrer
, par une projection à cinq ans -et par
là, de mieux mettre en lumière- les questions et les choix devant
lesquels se trouvent aujourd'hui les responsables de la politique
économique.
· Dans le but de mettre à la disposition des Sénateurs une
telle " illustration ", la projection a
délibérément un caractère
tendanciel
que
l'on retrouve tant dans les évolutions macroéconomiques que dans
celles des finances publiques.
Concernant les
évolutions macroéconomiques
tout d'abord,
les auteurs de la projection ont choisi de prolonger autant que possible les
comportements des agents économiques tels qu'ils ont été
observés sur le passé et tels que les décrit le
modèle.
La seule hypothèse qui marque une rupture par rapport aux tendances de
longue période est celle d'une baisse de la productivité
apparente du travail, consécutive au développement du travail
à temps partiel et à la baisse de la durée moyenne du
travail qui lui est liée.
Il n'est pas surprenant dès lors que les évolutions
macroéconomiques décrivent un prolongement -ou même une
aggravation- des tendances lourdes à l'oeuvre dans l'économie
française.
Concernant les
finances publiques
par ailleurs, la projection tient
compte de la nécessité de leur redressement, afin de
maîtriser l'évolution de la dette publique et de satisfaire aux
critères fixés pour l'entrée dans la monnaie unique.
Néanmoins, après 1997, la projection retient l'hypothèse
d'un retour des dépenses dont le freinage paraît le plus difficile
à obtenir (c'est-à-dire principalement les dépenses de
santé), vers leur rythme de
croissance de longue période
,
hypothèse qui reflète le caractère tendanciel de
l'exercice.
· Ce choix conduit à simuler une
augmentation de 1 point
de la Contribution Sociale Généralisée (
C.S.G.
) en
1998, afin de réduire une grande partie des déficits
spontanés
des comptes sociaux (imputables essentiellement
à l'assurance-maladie). Il faut cependant souligner que ce parti pris
est sans incidence sur les évolutions macroéconomiques par
rapport à une hypothèse qui aurait privilégié une
poursuite du freinage des dépenses de santé - dans le
prolongement de ce qui est affiché dans le projet de loi de financement
de la Sécurité sociale pour 1997 - telle qu'il ne serait pas
nécessaire de simuler une augmentation des prélèvements.
Selon le modèle utilisé en effet, une hypothèse
d'augmentation concomitante des prestations et des prélèvements
est équivalente, à solde public inchangé, à une
hypothèse de moindres prestations et de moindres
prélèvements, puisque dans les deux hypothèses le revenu
des ménages est identique.
· Il faut enfin souligner que les évolutions
macroéconomiques décrites dans cette note sont
présentées sous la forme de
deux scénarios
alternatifs
.
Le
scénario 1
résulte du fonctionnement
spontané
du modèle. Il se caractérise par la
faiblesse de la croissance économique (2 % par an en moyenne sur la
période 1997 à 2001), et par le fait que la croissance
française reste
durablement inférieure
à celle de
ses partenaires. Cet écart n'est justifié en projection ni par
une dégradation de la compétitivité de l'économie
française, ni par des problèmes spécifiques de politique
économique (les économies européennes sont globalement
soumises à des contraintes budgétaires
comparables
). Ce
scénario découle de la poursuite de la désinflation
compétitive en France et du prolongement du ralentissement des gains de
pouvoir d'achat des salaires, qui pèse sur la demande interne.
Implicitement, les hypothèses d'environnement international supposent
que ces tendances jouent moins fortement chez nos principaux partenaires, y
compris européens, ce qui leur permet de croître plus rapidement.
Une telle situation serait nouvelle car on n'a jamais observé dans le
passé, un écart de croissance durable entre la France et les
autres pays d'Europe. Ce résultat est entaché d'incertitude : il
peut aussi bien résulter d'une sous-estimation des capacités de
croissance interne de la France que d'une surestimation de celle de nos
partenaires. Si la seconde hypothèse était
vérifiée, les perspectives de croissance en Europe et en France
seraient encore plus défavorables. Mais il est également possible
que l'on sous-estime la capacté de croissance française par une
mauvaise prise en compte des effets à moyen terme de la baisse
récente des taux d'intérêt.
C'est pourquoi l'OFCE a élaboré un second scénario
(intitulé
scénario 2
) dans lequel la croissance
française se rapproche de celle de nos partenaires européens du
fait d'un
effet positif accru
(par rapport au fonctionnement
spontané du modèle) de la
baisse des taux
d'intérêt
sur l'activité. Dans le modèle
MOSAÏQUE en effet, comme dans la plupart des modèles
macroéconomiques français, fondés sur l'observation du
passé, les
effets positifs
sur l'activité d'une baisse des
taux d'intérêt sont
limités
, alors que dans la
plupart des modèles étrangers ces effets sont beaucoup plus
sensibles, ce qui ne signifie certainement pas que dans la
réalité ces effets seraient réduits en France et
significatifs à l'étranger... C'est pourquoi le
scénario 2
simule des effets d'une baisse des taux
d'intérêt comparables à ceux que décrivent les
modèles étrangers. Cela se traduit par une augmentation des
investissements des entreprises (via une hausse de leur profitabilité)
et de la consommation des ménages (via une baisse du taux
d'épargne).
La présentation des deux scénarios,
convergents
sur le
court terme
(1996 et 1997), mais
divergents
à partir de
1998 obéit ainsi au souci, évoqué plus haut,
d'" illustration " du moyen terme. Elle permet en effet de
baliser
les cheminements possibles de l'économie française à
l'horizon 2001.
II. PRINCIPALES HYPOTHÈSES DE LA PROJECTION
A. L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL
La projection retient l'hypothèse d'une reprise
modérée de l'activité chez nos partenaires de l'OCDE.
Pondérée par la structure des exportations françaises, la
croissance de nos principaux partenaires serait de 1,6 % en 1996
(après 2,3 % en 1995), de 2,3 % en 1997, de 3 % en 1998,
puis de 2,3 % en moyenne de 1999 à 2001.
· Le
redémarrage
de l'activité en Europe serait
soutenu dans un premier temps par la demande des
entreprises,
relayée par la suite par celle des ménages. La croissance de nos
partenaires de l'Union européenne (pondérée par la
structure de nos exportations) serait ainsi de 1,4 % en 1996, 2,3 %
en 1997 et 3 % en 1998. Par la suite, les économies
européennes retrouveraient leur sentier de croissance
tendancielle
, aux environs de 2,3 % par an en moyenne de 1999
à 2001.
La croissance allemande serait de 1,2 % en 1996, puis 2,3 % en 1997,
ce qui suppose une évolution conjoncturelle en phase avec celle de
l'économie française.
· L' " atterrissage en douceur " de l'économie
américaine se confirmerait avec une croissance de 2,6 % en 1997
(après 2,4 % en 1996), et par la suite des taux de croissance
proches de ceux des pays européens.
Au Japon, la croissance ralentirait en 1997 (1,6 % après 3,3 %
en 1996) et évoluerait par la suite à un rythme proche de celui
des Etats-Unis et de l'Europe.
Parmi les pays émergents, ceux d'Asie resteraient les plus dynamiques.
Ils seraient suivis des pays d'Amérique latine et d'Europe de l'Est,
alors que l'Afrique noire demeurerait une zone de faible croissance.
· Au total, la
demande mondiale
de produits manufacturés
adressée à la France s'accélérerait en 1997
(6,4 % après 5,1 % en 1996) et surtout en 1998 (8,1 %),
puis ralentirait progressivement jusqu'en 2001 (6,6 % en moyenne entre
1999 et 2001).
· Dans l'ensemble, on peut qualifier de
raisonnablement
optimistes
les hypothèses d'environnement international qui viennent
d'être décrites. Elles sont
peu différentes
de
celles que retiennent les grandes organisations internationales ou le
Gouvernement dans les hypothèses économiques associées au
projet de loi de finances pour 1997. Elles traduisent le retour progressif des
économies européennes vers leur sentier de croissance
tendancielle, une fois réalisés les redressements des finances
publiques en cours dans la plupart des pays européens.
Les effets restrictifs de ces ajustements budgétaires seraient ainsi
sensibles surtout en 1996 et dans une moindre mesure en 1997
21(
*
)
. Il faut toutefois noter que les
effets
négatifs
en Europe de la
récession
de 1993 (que l'on
peut mesurer par l'écart entre le niveau effectif du PIB et le niveau
qu'il aurait atteint s'il avait suivi sa trajectoire d'évolution
tendancielle) ne seraient
pas complètement effacés
à l'horizon de la projection.
Le scénario ainsi décrit peut être considéré
comme une moyenne entre deux scénarios opposés :
- celui d'une forte reprise cyclique, favorisée par une baisse plus
importante des taux d'intérêt, et qui permettrait d'effacer
complètement les effets négatifs de la récession de 1993 ;
- un scénario plus pessimiste, dans lequel la reprise de la demande
privée ne serait pas suffisamment soutenue, ce qui freinerait
l'évolution des
recettes fiscales
et conduirait à de
nouvelles restrictions budgétaires pour réaliser le redressement
des finances publiques.
PRINCIPALES HYPOTHÈSES D'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
EVOLUTION DU PIB EN %
- Union Européenne (1) - dont Allemagne - OCDE (1) - dont Etats-Unis - Demande mondiale adressée à la France (2) |
1,4
|
2,3
|
3,0
|
2,3
|
(1) Croissance des pays membres pondérée par la structure des exportations françaises.
(2) En produits manufacturés.
B. LES FINANCES PUBLIQUES
L'évolution des finances publiques est
détaillée dans la
quatrième partie
(page 75).
Il faut toutefois souligner que les hypothèses retenues obéissent
à une contrainte globale de ralentissement marqué des
dépenses de l'ensemble des administrations publiques : celles-ci ne
progressent que de 1,4 % par an en moyenne de 1996 à 2001, contre
2,9 % de 1990 à 1995.
Pour l'Etat, les hypothèses relatives aux dépenses en 1997
correspondent aux dispositions du projet de loi de finances pour 1997 (soit une
stabilisation des dépenses en
francs courants
). Par la suite,
l'hypothèse retenue est celle d'une stabilisation en
francs
constants
. Les hypothèses en matière de recettes tiennent
compte des mesures contenues dans le projet de loi de finances pour 1997 ainsi
que du programme quinquennal d'allégement de l'impôt sur le revenu
annoncé par le Gouvernement.
Pour les prestations versées par les organismes de
Sécurité sociale, l'hypothèse retenue est celle d'un
ralentissement général par rapport à la tendance
passée (1,6 % par an en moyenne de 1996 à 2001 contre
2,9 % de 1990 à 1995).
Toutefois, les prestations-maladie, dont la maîtrise paraît la plus
difficile, connaîtraient certes un fort ralentissement en 1997, mais
retrouveraient les années suivantes leur taux de progression de longue
période (lequel tend cependant à se modérer
progressivement, selon le dagnostic des experts de l'OFCE).
Il en résulterait un déficit tendanciel de l'assurance-maladie,
qui conduit à simuler en projection une augmentation de 1 point de
la CSG, courant 1998.
C. LES TAUX D'INTÉRÊT
La projection retient l'hypothèse d'une
poursuite de
la baisse
des taux d'intérêt. Les taux à court terme
passeraient ainsi de 3,8 % en 1996 à 3,6 % en 1997 avant de se
stabiliser à 3,3 % à partir de 1998. Les taux à long
terme diminueraient également : de 6,6 % en 1996 à 6 %
en 1997 puis 5,3 % de 1998 à 2001.
Les taux
réels
à court terme (c'est-à-dire
après déduction du taux d'inflation) deviendraient ainsi
inférieurs
au taux de croissance de l'économie, mais les
taux réels
à long terme
lui demeureraient
durablement
supérieurs
.
D. LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL
L'économie française se caractérise
depuis 1990 par un net
ralentissement
de l'évolution tendancielle
de la
productivité apparente du travail
(mesurée par le
rapport de la valeur ajoutée aux effectifs). Alors que les gains de
productivité annuels entre 1974 et 1989 étaient de 2,3 % en
moyenne, ceux-ci n'étaient plus que de 1,5 % par an en moyenne
entre 1990 et 1995. Cette évolution (qui signifie un enrichissement du
contenu en emplois de la croissance), qui résulte de la baisse
tendancielle du taux de croissance de la productivité horaire, serait
renforcée par la
réduction de la durée moyenne du
travail
depuis 1990 (- 0,4 % par an), consécutive au fort
développement du travail à temps partiel. Depuis 1992, la part
des actifs travaillant à temps partiel s'est ainsi accrue d'environ un
point par an et près des deux tiers des créations nettes
d'emplois entre mars 1994 et mars 1995 correspondent à des emplois
à temps partiel.
L'OFCE retient l'hypothèse que le travail à temps partiel
continuerait à se développer au cours des prochaines
années. Le recours au travail à temps partiel reste en effet
encore relativement limité en France comparativement à ses
partenaires : le taux de travail à temps partiel y atteint 15,6 %,
contre 18,9 % aux Etats-Unis, 23,8 % au Royaume-Uni ou 35 % aux
Pays-Bas. En outre, la loi quinquennale du 20 décembre 1993 permet de
cumuler les exonérations de charges sociales prévues pour les
travailleurs embauchés à temps partiel avec les mesures
générales d'exonération en faveur des bas salaires, ce qui
rend le dispositif particulièrement attractif.
L'hypothèse d'une poursuite du développement du travail à
temps partiel se traduit par une baisse globale de la durée du travail
de 0,3 % par an. En conséquence, le ralentissement de la
productivité par tête se poursuivrait : elle ne progresse que de
1,3 % par an
en moyenne en projection.
Cette hypothèse sur l'évolution du marché du travail a des
conséquences
favorables
sur les évolutions
macroéconomiques : en enrichissant le contenu en emplois de la
croissance, elle influence
directement
et positivement le niveau de
l'
emploi
;
par ailleurs, dans un modèle où
l'évolution des salaires est essentiellement une fonction inverse du
niveau
du chômage, cette hypothèse apporte indirectement un
soutien à l'évolution des salaires et de la demande interne.
III. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS MACROÉCONOMIQUES
Comme on l'a annoncé dans la première partie de
la note, la projection est présentée sous la forme de
deux scénarios alternatifs :
- le scénario 1
résulte du fonctionnement
"spontané " du modèle, ce qui signifie notamment que dans ce
scénario les effets de la
baisse des taux d'intérêt
-
dont la projection fait l'hypothèse- sont
limités ;
- le scénario 2
simule des effets
plus sensibles
de la
baisse des taux d'intérêt à la fois sur l'investissement
des entreprises (via une hausse de leur profitabilité) et sur la
consommation des ménages (via une baisse du taux d'épargne),
à l'instar de ce qu'on l'observe chez la plupart de nos
partenaires ; ce scénario de stimulation de l'activité par
la baisse des taux d'intérêt permet ainsi à la croissance
de l'économie française de se rapprocher, à partir de
1998, de celle de ses partenaires.
A. LES MÉNAGES
Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques du compte des ménages dans la projection.
PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'ÉVOLUTION
DU COMPTE DES MÉNAGES
|
SCÉNARIO 1 |
SCÉNARIO 2 |
||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
EVOLUTION EN POUVOIR D'ACHAT
(en %)
- Masse salariale - Prestations sociales - Revenu disponible brut |
|
|
|
|
|
|
|
|
CONSOMMATION DES MÉNAGES
(en % et en volume
TAUX D'ÉPARGNE DES MÉNAGES (en points) |
2,6
|
1,2
|
1,6
|
1,6
|
2,6
|
1,2
|
1,9
|
1,7
|
Le
pouvoir d'achat du salaire par tête
(secteur
privé) progresserait très
faiblement :
0,1 % par
an, moyenne entre 1996 et 2001. Son évolution serait même
négative en 1997 : - 0,2 %, avant de se redresser
légèrement par la suite. Deux facteurs sont à l'origine,
en projection, de cette évolution :
- le
niveau du chômage
qui pèse sur les revendications
salariales et
freine
l'évolution du salaire
horaire
22(
*
)
;
- l'hypothèse d'une poursuite du développement du travail
à temps partiel qui se traduit par une baisse de la
durée
globale du
travail
; le salaire moyen
par tête
progresse ainsi encore plus lentement que le salaire horaire.
Compte tenu de l'augmentation de l'emploi, la masse salariale progresse plus
vite que le salaire par tête et contribue à l'augmentation du
revenu disponible brut (cf.
tableau
ci-après). Malgré leur
ralentissement, dont la projection retient l'hypothèse, les prestations
sociales contribuent de manière significative à la croissance du
revenu des ménages (pour un demi point par an en moyenne), alors qu'en
sens inverse, l'
augmentation des prélèvements,
inscrite
dans la projection pour équilibrer les comptes sociaux, freine son
augmentation.
CONTRIBUTIONS A
LA
CROISSANCE DU POUVOIR D'ACHAT DU REVENU
DES MÉNAGES
|
|||||
MOYENNES ANNUELLES EN POINT DE POURCENTAGE |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001 * |
|
Revenu disponible brut
|
- 0,1
|
1,5
|
1,4
|
1,4
|
|
* Contribution moyenne sur la période. |
L'évolution de la
consommation des ménages
dépend, outre la progression du revenu disponible brut qui vient
d'être décrite, de celle du
taux d'épargne
.
Le
scénario 1
retient pour 1997 l'hypothèse d'une
stabilisation du taux d'épargne à son niveau atteint en 1996
(soit 12,1 %), puis par la suite celle d'une très
légère remontée. On n'a pas prolongé en projection
la forte tendance à la baisse (plus de deux points) du taux
d'épargne intervenue entre 1995 et 1996, dans la mesure où
celui-ci a ainsi rejoint un niveau conforme aux estimations données par
le modèle
23(
*
)
.
Par
conséquent, en projection, la consommation des ménages
évolue dans ce
scénario 1
sensiblement comme le
revenu des ménages : 1,2 % en 1997, puis 1,6 % par an en
moyenne par la suite.
Dans le
scénario 2,
les auteurs de la projection ont retenu
l'hypothèse que la baisse des taux d'intérêt pourrait,
à l'instar de ce que l'on constate chez la plupart de nos partenaires
(et en particulier en Allemagne), diminuer l'attrait des placements financiers
et encourager l'endettement, ce qui se traduirait par une nouvelle baisse du
taux d'épargne (de 0,2 point entre 1997 et 1998) et un
surcroît de consommation ; celle-ci serait ainsi
légèrement plus dynamique que dans le
scénario 1
(1,8 % par an en moyenne à partir de 1998
contre 1,6 % dans le scénario 1).
B. LES ENTREPRISES
Les principales caractéristiques du compte des entreprises et l'évolution de l' investissement sont décrites dans le tableau ci-dessous.
PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'ÉVOLUTION
DU COMPTE DES ENTREPRISES
|
SCÉNARIO 1 |
SCÉNARIO 2 |
||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
RATIOS DU COMPTE DES ENTREPRISES
(niveaux
en points)
- Taux de marge 1 - Taux d'investissement 2 - Taux d'autofinancement 3 |
|
|
|
|
|
|
|
|
INVESTISSEMENT
(évolution
en volume et en %)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
* Niveaux en 2001 et taux d'accroissement annuel moyen en volume pour l'investissement sur les années 1999, 2000 et 2001.
1 Taux de marge : Excédent brut d'exploitation / Valeur
ajoutée.
2 Taux d'investissement : Investissement / Valeur ajoutée.
3 Taux d'autofinancement : Epargne brute / Investissement.
Comme pour les ménages, deux scénarios
d'évolution de l'investissement des entreprises ont été
simulés :
- dans le
scénario 1
, l'investissement se redresse en 1997
(+ 2,4 % après + 0,1 % en 1996) et en 1998
(+ 3,5 %) avant de se tasser par la suite (2,0 % en moyenne sur les
années 1999 à 2001). Si l'on observe donc un " cycle
d'investissement ", caractéristique d'une période de
reprise, il est cependant à la fois de faible ampleur et de courte
durée. Malgré la stabilisation de la situation financière
des entreprises à un bon niveau, l'investissement paraît ainsi
contraint
,
en projection, par la
faiblesse
de la
consommation
, qui
réduit
les perspectives de
débouchés ;
- dans le
scénario 2,
on retient l'hypothèse que
l'augmentation de la
profitabilité
des investissements
consécutive à la baisse des taux d'intérêt aurait
une incidence
positive
sur l'évolution de l'investissement.
L'évolution plus favorable dans ce scénario de la consommation
des ménages contribuerait également au dynamisme de
l'investissement. Ainsi, le cycle d'investissement observé en projection
est plus
marqué :
l'investissement se redresse en 1997
(3,2 %), s'accélère en 1998 (7,5 %), avant de ralentir
en fin de période (2,4 %).
Il faut observer que le taux d'autofinancement -qui traduit la capacité
des entreprises à investir sans recours à l'emprunt- reste dans
ce scénario supérieur à 100 %, ce qui, autrement dit,
signifie que la situation financière actuelle des entreprises leur
permettrait de financer sans difficulté une forte reprise de
l'investissement.
C. LES ÉCHANGES EXTÉRIEURS
Dans une projection macroéconomique, l'évolution
des échanges extérieurs est essentiellement
déterminée par deux variables :
- la
compétitivité-prix
tout d'abord : celle-ci
évolue
favorablement
dans les deux scénarios, en
raison de la modération des évolutions salariales. Ainsi les
mécanismes de " désinflation compétitive ",
seulement interrompus entre 1992 et 1995 par les mouvements de change
intra-européens (dépréciation de la lire, de la livre et
de la peseta), prolongeraient-ils leurs effets en projection (compte tenu de
l'hypothèse d'une
stabilisation des taux de change
intra-européens à leur niveau actuel).
- le
différentiel de croissance
entre la France et ses
partenaires : si celui-ci est négatif (c'est-à-dire si la
France croît moins vite que ses partenaires), la demande
étrangère en produits français évoluera plus vite
que la demande française en produits étrangers
(indépendamment des mouvements de compétitivité).
Dans le
scénario 1,
la croissance française est plus
faible que la croissance des économies partenaires ; en
conséquence, et compte tenu en outre des gains de
compétitivité-prix, les exportations progressent plus vite que
les importations. Il en résulte une
contribution positive
des
échanges extérieurs à la croissance (cf.
tableau
ci-dessous). Celle-ci représente 0,4 point de croissance en 1997,
0,3 point en 1998 et 0,2 point en moyenne sur les années 1999
à 2001. Dans ce scénario, l'excédent des échanges
extérieurs s'accroît et la
capacité de financement de la
Nation
passe de 1,2 point du PIB en 1996 à 1,8 point en
2001.
Dans le
scénario 2
, la croissance est sensiblement plus
élevée à partir de 1998 et le différentiel de
croissance avec nos partenaires se réduit. En 1998, les importations
progressent ainsi plus rapidement que les exportations : par la suite
importations et exportations progressent au même rythme. La contribution
des échanges extérieurs à la croissance est ainsi
négative en 1998 (- 0,2 point), nulle par la suite.
PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'ÉVOLUTION
DES ÉCHANGES EXTÉRIEURS
|
SCÉNARIO 1 |
SCÉNARIO 2 |
||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
POURCENTAGE ANNUEL D'ACCROISSEMENT EN
VOLUME
- Demande étrangère de produits manufacturés - Exportations totales - Importations totales |
|
|
|
|
|
|
|
|
CONTRIBUTION DES ÉCHANGES EXTÉRIEURS
À LA
CROISSANCE
(en points de PIB marchand) |
|
|
|
|
|
|
|
|
TAUX DE COUVERTURE EN VALEUR
(pourcentage
moyen sur la période
pour l'ensemble des biens et services)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
SOLDE DES BIENS ET SERVICES
(en
milliards
de francs)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
CAPACITÉ DE FINANCEMENT DE LA
NATION
(en % du PIB)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
* Taux de croissance annuel moyen pour les années 1999, 2000 et 2001 ou niveaux en 2001.
D. LA CROISSANCE
L'évolution du PIB et de ses principales composantes est décrite dans le tableau ci-dessous :
ÉVOLUTION DU PIB ET DE SES PRINCIPALES COMPOSANTES
1996-2001
|
SCÉNARIO 1 |
SCÉNARIO 2 |
||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
POURCENTAGE ANNUEL DE VARIATION
(en volume)
- PIB total - PIB marchand - Importations - Consommation des ménages - Investissement des entreprises - Investissement logement des ménages - Exportations - Variations des stocks ( contribution à la croissance en points de PIB) |
|
|
|
|
|
|
|
|
Dans le
scénario 1,
le profil de la
croissance de l'économie française peut être
décomposé en trois phases :
- après le ralentissement de 1996, l'activité se redresse en
1997 : le
PIB marchand
augmente de 2,3 % et le
PIB total
de
2,2 % (la différence s'explique par l'hypothèse retenue en
projection d'un fort ralentissement des dépenses publiques, qui se
traduit par une progression du PIB non marchand inférieure à
celle du PIB marchand). Ce taux de croissance est ainsi
peu différent
de celui retenu par le gouvernement dans ses
hypothèses
associées au projet de loi de finances pour 1997
et de celui des
instituts de conjoncture indépendants. Deux facteurs expliquent le
redémarrage de l'activité : l'amélioration de
l'environnement international et le redressement de la demande
étrangère adressée à la France, d'une part, des
comportements de dépenses des entreprises plus dynamiques, avec
l'arrêt du déstockage et une reprise de l'investissement, d'autre
part. La consommation des ménages, dont le dynamisme en 1996
(+ 2,6 %) avait contribué au soutien de la croissance,
constituerait l'élément le plus atone de l'activité
(+ 1,2 %).
- en 1998, ces évolutions, et en particulier celle de l'investissement,
s'accentueraient, et la croissance s'accélérerait
légèrement : 2,5 % pour le
PIB marchand
et
2,2 % pour le
PIB total
. L'économie française
retrouverait ainsi son rythme de croissance de longue période.
- à partir de 1999 cependant, la croissance s'essouffle pour se
stabiliser autour de 1,8 % par an en moyenne. La consommation des
ménages progresse de manière insuffisante (1,6 % par an en
moyenne) pour prendre le relais de l'investissement des entreprises.
Le
scénario 2
repose sur l'hypothèse que la baisse des
taux d'intérêt aurait des effets plus importants sur les
comportements de dépenses des agents privés que ce que n'indique
spontanément le modèle. Le profil de la croissance ainsi obtenue
est plus
dynamique
que dans le
scénario 1.
Celle du
PIB
marchand
serait ainsi de 2,4 % en 1997, puis 2,9 % en 1998
(contre 2,5 % dans le
scénario 1),
avant de se tasser en fin
de période (2 % par an en moyenne).
Certes, la consommation progresse là aussi moins vite que le PIB, mais
la croissance est soutenue par l'investissement des entreprises et par
l'investissement en logement des ménages, deux variables dopées
par la baisse des taux d'intérêt.
Au total, la croissance de l'économie française se rapproche de
celle de ses partenaires, notamment en 1998.
Le
tableau
ci-dessous décrit l'évolution des
contributions
à la croissance du PIB dans les deux
scénarios.
CONTRIBUTIONS À LA CROISSANCE DU PIB (chiffres arrondis)
|
SCÉNARIO 1 |
SCÉNARIO 2 |
||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
MOYENNES ANNUELLES (en points de
pourcentage du PIB)
- Consommation des ménages - Investissement logement des ménages - Investissement des entreprises - Dépenses des administrations - Variation des stocks Total de la demande intérieure Solde extérieur PIB marchand |
|
|
|
|
|
|
|
|
E. EMPLOI ET CHÔMAGE
La projection retient l'hypothèse que le ralentissement
de la productivité apparente du travail constaté sur la
période 1990-1995 se prolongerait en projection, en raison de la
poursuite du mouvement de réduction de la durée moyenne du
travail (comme on l'a indiqué plus haut dans le paragraphe
consacré aux hypothèses retenues dans la projection).
Au-delà des ajustements cycliques du début de période, la
productivité apparente du travail progresserait tendanciellement de
1,3 % par an
(soit 1,6 % dans l'industrie
manufacturière et 0,9 % dans les services).
Compte tenu d'une croissance de l'activité plus rapide que celle de la
productivité, la projection décrit une progression de
l'emploi
total :
0,4 % par an en moyenne dans le
scénario 1,
soit
520.000 créations nettes d'emplois entre 1996 et 2001 et de
0,5 % par an dans le
scénario 2
, soit 610.000
créations nettes d'emplois en six ans.
Sur la base des hypothèses actuelles quant à l'évolution
à moyen terme des ressources en main-d'oeuvre (140.000 actifs potentiels
supplémentaires chaque année), les créations d'emplois
sont cependant insuffisantes en projection pour stabiliser le
nombre de
chômeurs.
Celui-ci augmente de 350.000 dans le
scénario 1
(soit en moyenne 50.000 chômeurs supplémentaires chaque
année) et de 300.000 dans le
scénario 2.
EMPLOI ET CHÔMAGE
|
SCÉNARIO 1 |
SCÉNARIO 2 |
||||||
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
EVOLUTION MOYENNE (en milliers)
- Emploi total - Population active totale - Nombre de chômeurs |
|
+ 60
|
+ 84
|
+ 122
|
+ 64
|
+ 61
|
+ 103
|
+ 144
|
F. LES PRIX
Les deux scénarios confirment la tendance à la
désinflation. Le salaire par tête progresse en effet moins vite
que la productivité, ce qui permet aux entreprises de préserver
leurs marges sans augmenter leurs prix.
Le
prix du PIB marchand
progresse ainsi de 1,1 % par an en moyenne
de 1996 à 2001 dans le
scénario 1
(et de 1,2 % dans
le
scénario 2
).
Compte tenu d'une augmentation plus rapide des prix des importations due
notamment à l'augmentation des prix du pétrole, les
prix de la
consommation
progressent légèrement plus vite que le prix du
PIB : + 1,5 % par an en moyenne.
G. PRINCIPALES CONCLUSIONS
Les grandes tendances de l'économie française,
telles qu'elles viennent d'être illustrées par les deux
scénarios présentés ci-dessus, peuvent se résumer
de la manière suivante :
Même dans le scénario le plus favorable, la croissance à
moyen terme de l'économie française est inférieure
à celle de ses principaux partenaires. Ceci ne doit pas être
considéré comme une évolution
probable
mais
plutôt comme une
indication
fournie par le modèle sur une
tendance lourde : le
manque
de
dynamisme de la
demande interne
freine la croissance, de telle sorte que l'économie française
a des difficultés à suivre le rythme de ses partenaires. Or,
cette atonie de la demande interne ne peut être imputée à
l'orientation rigoureuse de la
politique budgétaire
: en effet
celle-ci n'aurait un impact restrictif qu'en début de période,
alors que c'est en
fin de période
(1999 à 2001) que
l'
essoufflement
de la croissance française est le plus manifeste.
Les raisons de l'atonie de la demande interne doivent être
trouvées du côté du
revenu des ménages
qui,
en raison de la faiblesse des évolutions
salariales,
ne peut
contribuer au soutien de la
consommation.
Celle-ci progresse ainsi en
projection à un rythme moyen inférieur à 2 % par an,
soit moins vite que le PIB. Ceci explique qu'après un cycle assez bref,
l'
investissement
des entreprises ralentisse en fin de période en
raison des perspectives médiocres de débouchés.
L'économie française croîtrait ainsi durablement à
un rythme inférieur à son
potentiel,
de telle sorte que le
nombre de chômeurs
continuerait à
augmenter
(de
40.000 à 50.000 par an environ d'ici 2001).
Des
excédents extérieurs
continueraient à
s'accumuler. En effet, la compétitivité-prix des produits
français s'améliore et, de plus, la demande intérieure
française progresse moins vite que celle de ses partenaires. Ainsi la
projection met-elle en évidence la poursuite d'un scénario de
" désinflation compétitive ", effectivement à
l'œuvre depuis le milieu des années 1980, et seulement interrompu
sur la période 1992-1995 par les mouvements de change
intra-européens.
Enfin, il a été souligné qu'en projection le pouvoir
d'achat du salaire par tête progressait moins vite que la
productivité.
On pourrait en déduire que le
pouvoir d'achat
de la
masse
salariale
(soit le pouvoir d'achat du salaire par tête que
multiplient les effectifs occupés) augmente moins vite que le
PIB en
volume
(soit la productivité que multiplient les effectifs),
prolongeant ainsi la tendance, observée au cours de la dernière
décennie, à la
déformation
du partage de la valeur
ajoutée au
détriment
des salaires. Toutefois, ceci ne
s'observe pas en projection : la masse salariale en
valeur
progresse
comme le
PIB en valeur
, ce qui se reflète dans la
stabilité du taux de marge des entreprises. Ceci s'explique par le fait
que les prix à la consommation (déflateur utilisé pour
obtenir le pouvoir d'achat de la masse salariale) progressent sensiblement plus
vite que les prix du PIB (déflateur utilisé pour obtenir le PIB
en volume).
Au-delà de cette complexité technique, il convient de retenir que
le faible dynamisme des salaires - qui servent d'assiette aux cotisations
sociales -
ne facilite pas
en projection le
rééquilibrage
des comptes sociaux.
IV. TENDANCES DES FINANCES PUBLIQUES
Un modèle macroéconomique tel que le
modèle MOSAÏQUE ne donne qu'une vision globale des finances
publiques : évolution de l'ensemble des dépenses des
administrations publiques, évolution des grandes catégories de
recettes et, enfin, évolution du besoin de financement de l'ensemble des
administrations publiques.
Toutefois, les experts de l'OFCE se sont attachés à en tirer un
maximum d'indications, notamment sur les questions suivantes :
- Comment la contrainte générale de redressement des finances
publiques peut-elle s'appliquer aux diverses institutions publiques (Etat,
Sécurité sociale et collectivités locales en
particulier) ? Les experts sont ainsi conduits à avancer leurs
propres hypothèses
sur l'évolution
à moyen
terme
des dépenses de l'Etat, ainsi que sur celles des prestations
sociales ;
- Quelle est l'
incidence
des évolutions
macroéconomiques
sur les
finances publiques
? Quelles
sont en particulier les conditions d'un
équilibre des finances
sociales
?
- Quelle est l'évolution du
besoin de financement
des
administrations publiques et celle de la
dette publique
qui en
résulte ?
A. L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
La projection repose sur l'hypothèse d'un ralentissement général des dépenses des administrations publiques. Celui-ci apparaît dans le tableau ci-dessous.
ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L'ENSEMBLE
DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
(déflatées par le prix du PIB total)
|
1990-1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001 |
ENSEMBLE DES DÉPENSES
en francs 1980 |
|
|
|
|
|
dont :
- Masse salariale - Consommations intermédiaires - Investissements - Prestations sociales |
2,8
|
1,1
|
1,5
|
1,9
|
2,0
|
Les dépenses de l'ensemble des administrations
publiques augmenteraient de 1,3 % en francs constants en 1997. Sur la
période de projection (1996-2001), la progression des dépenses
serait limitée à 1,4 % par an en francs constants, à
comparer à l'augmentation de 2,9 % constatée sur la
période 1990-1995.
Les hypothèses par grandes
catégories
de dépenses
sont détaillées ci-après.
1. La masse salariale
En ce qui concerne les
effectifs
des administrations
publiques, la projection retient l'hypothèse d'une
baisse de
5.000
par an des effectifs de l'
Etat
(civils et militaires pris
globalement). Les effectifs des
collectivités locales
, hors
Contrats Emplois Solidarité (CES) augmenteraient de 5.000 par an (contre
13.000 par an en moyenne de 1990 à 1995). Les effectifs des organismes
de Sécurité sociale enfin seraient stables (au lieu d'une
augmentation de 4.000 par an entre 1990 et 1995).
Au total, le niveau de l'emploi public, hors CES, serait donc stable à
moyen terme.
Le pouvoir d'achat de l'
indice
brut des traitements de la fonction
publique progresserait de 0,5 % en 1997 (après une baisse de 0,3 %
en 1996), de 0,7 % en 1998 et de 0,5 % par an en moyenne sur les
années 1999 et 2001. Au total, sur la période 1996-2001, sa
progression serait de 0,4 % par an en moyenne. Enfin, le salaire moyen
dans la fonction publique serait affecté d'une dérive
tendancielle, correspondant au
" glissement-vieillesse-technicité ", de 1 % par an.
Au total, la masse salariale publique augmenterait de 1,5 % en francs
constants en 1997 et, en moyenne, de
1,8 % par an
de 1996 à
2001 (contre 2,8 % par an de 1990 à 1995).
2. Les consommations intermédiaires
Pour l'ensemble des administrations publiques la croissance
en
volume des
consommations intermédiaires
(qui comprennent les
dépenses militaires en capital) serait ramenée de 1,7 % par
an en moyenne entre 1990 et 1995 à 1,1 % de 1996 à 2001 (cf.
tableau
ci-après).
Pour les collectivités locales, le ralentissement serait important (de
5,1 % à 2,2 %).
Les dépenses de la Sécurité sociale (dans les
définitions de la comptabilité nationale, il s'agit
essentiellement des dépenses hospitalières hors dépenses
de personnel et d'investissement) continueraient de croître à un
rythme supérieur à celui du PIB.
Pour l'Etat, cette catégorie de dépense serait stable
(après avoir diminué de 1,7 % en 1997). Une réduction
plus importante des dépenses militaires permettrait
éventuellement des économies supplémentaires, mais il ne
semble pas que la programmation envisagée aujourd'hui autorise une
hypothèse d'inflexion à la baisse des dépenses de l'Etat
plus marquée que celle retenue en projection.
Le
graphique
ci-après permet de visualiser l'évolution
relative des consommations intermédiaires des trois agents publics. On
constate que la tendance au transfert de la dépense de l'Etat vers les
collectivités locales se poursuivrait et qu'en 2001 le volume des
consommations intermédiaires
des collectivités locales
rejoindrait celui de l'Etat.
TAUX DE CROISSANCE ANNUEL MOYEN DES CONSOMMATIONS
INTERMÉDIAIRES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
(Aux prix de 1980)
|
1990-1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001 |
- Administrations centrales
- Collectivités locales - Sécurité sociale - Ensemble des administrations publiques |
- 1,2
|
- 2,3
|
- 1,8
|
0,8
|
- 0,6
|
CONSOMMATIONS INTERMÉDIAIRES DES
ADMINISTRATIONS
EN VOLUME
3. Les investissements publics
En matière d'investissements publics (qui au sens de la comptabilité nationale ne comprennent pas les dépenses militaires d'équipement), l'hypothèse retenue est celle d'un ralentissement de leur progression (cf. tableau et graphique ci-dessous). Au total celle-ci atteindrait seulement 0,5 % par an en moyenne, soit un taux de croissance quatre fois moins rapide que celui du PIB. Pour les collectivités locales, le taux de croissance observé de 1990 à 1995 se maintiendrait. Pour l'Etat, les dépenses d'investissements en volume, après une forte baisse en 1997 (- 5 %), seraient stabilisées jusqu'en 2001. Enfin, les investissements des administrations de sécurité sociale (qui, dans les définitions de la comptabilité nationale, incluent les investissements hospitaliers) augmenteraient moins vite que le PIB en volume, soit un freinage marqué par rapport à la période 1990-1996.
TAUX DE CROISSANCE ANNUEL MOYEN DES INVESTISSEMENTS DES
ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
(Aux prix de 1980)
|
1990 1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 2001 |
- Administrations centrales
- Collectivités locales - Sécurité sociale (1) - Ensemble des administrations publiques |
- 0,7
|
1,0
|
- 5,0
|
0,0
|
0,0
|
INVESTISSEMENTS DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
4. Les prestations sociales
a) Les prestations-maladie
Compte tenu du caractère
tendanciel
de la
projection, l'hypothèse retenue en matière d'évolution des
dépenses de santé est celle d'une
prolongation de la tendance
passée
(le projet de loi de financement de la Sécurité
sociale retient l'hypothèse selon laquelle les mesures de maîtrise
de la dépense déjà décidées ou en
préparation, se traduiraient dès 1997 par un freinage
marqué de l'évolution des prestations-maladie -soit 1,7 % en
francs courants-).
Comme l'avait montré l'étude réalisée
l'année dernière par l'OFCE à la demande du
Sénat
24(
*
)
, l'évolution des
dépenses de santé sur longue période obéit aux
trois caractéristiques suivantes :
- même si elles progressent plus vite que le PIB, leur croissance moyenne
sur la période 1980-1995 est cependant marquée par un
ralentissement
(cf.
graphique
ci-dessous) ; la projection
prolonge ce ralentissement tendanciel ;
TAUX DE CROISSANCE DES DÉPENSES DE SOINS EN VOLUME
- l'expérience des plans de maîtrise des
dépenses de santé engagés dans le passé montre que,
si leur effet immédiat sur le
niveau
de la dépense reste
acquis durablement, ils ne
modifient pas la tendance
" lourde " du
taux de croissance
; la projection
retient ainsi
l'hypothèse que la réforme en cours se traduirait effectivement
par un freinage de la dépense de santé en 1996 et 1997 (avec des
taux de croissance en volume respectivement de 1,9 % et 1,6 % pour
les dépenses de soins), mais que celle-ci retrouverait par la suite son
taux de croissance tendanciel (autour de 3 % par an en volume de 1998
à 2001 pour les dépenses de soins) ;
- la croissance
globale
des dépenses de santé serait plus
stable et régulière que celle de ses
composantes
(hôpital public et secteur privé). On observe en effet que la
limitation des dépenses hospitalières consécutive à
la mise en place du budget global dans la seconde moitié des
années 1980 s'est accompagnée d'une forte croissance des
dépenses du secteur privé. Les auteurs de la projection
considèrent qu'il en irait de même aujourd'hui, et qu'une
réduction plus forte des dépenses hospitalières serait
compensée par une augmentation plus rapide des dépenses
privées. Ainsi pour 1997, la faible augmentation des dépenses
hospitalières (1,7 %) n'aurait qu'un impact limité sur la
dépense totale. A partir de 1998, la part de l'hôpital public dans
le total de la dépense serait stabilisée. Le taux de croissance
en volume des dépenses hospitalières, sur la période
1998-2001, s'établirait ainsi à 3 % par an en moyenne.
Au total, compte tenu d'une hypothèse de stabilisation des taux de prise
en charge des remboursements de soins et de la poursuite du ralentissement des
autres catégories de dépenses (pensions d'invalidité,
maternité et indemnités journalières), les prestations de
santé augmenteraient en volume de 1,4 % en 1997, puis de 2,7 %
par an en moyenne de 1998 à 2001 (cf. tableau ci-dessous).
ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L'ASSURANCE MALADIE
(y compris hôpital public)
|
1990-1995* |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
POURCENTAGE ANNUEL D'ACCROISSEMENT
EN VOLUME |
|
|
|
|
|
- Dépenses de soins
- Pensions d'invalidité - Maternité - Indemnités journalières maladie |
3,2
|
1,9
|
1,6
|
3,1
|
3,0
|
Ensemble
|
2,9 |
1,6 |
1,4 |
2,7 |
2,7 |
b) Les prestations-vieillesse
La pression démographique sur les régimes de
retraite connaîtrait un répit avec l'arrivée à
l'âge de la retraite des classes nombreuses de l'après-guerre,
avant la forte croissance du nombre de retraités qui devrait intervenir
à partir de 2005.
Par ailleurs, la progression du montant unitaire des retraites resterait
faible, en raison des nouvelles modalités d'indexation (sur les prix) et
de la montée en charge progressive de la réforme du régime
général (allongement de la période de cotisation
nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein et modification
du calcul du salaire de référence
25(
*
)
).
Les mesures d'équilibre décidées par les régimes
complémentaires (baisse du rendement) contribueraient également
à la maîtrise des dépenses de ces régimes.
Au total, l'augmentation en volume des
prestations vieillesse serait de 2 %
en 1997
, puis de
1,7 % par an
en moyenne
de 1998 à
2001
(contre 2,7 % par an en moyenne de 1990 à 1995).
c) Les prestations familiales et les dépenses en faveur du Revenu Minimum d'Insertion
Après les ajustements des années 1996 et 1997
(réduction de l'allocation de rentrée scolaire), le pouvoir
d'achat des prestations par enfant de moins de vingt ans serait maintenu ce
qui, compte tenu du ralentissement démographique, entraînerait une
faible augmentation de la masse des allocations familiales.
Pour l'allocation-logement, la croissance serait plus rapide, sans
dépasser toutefois celle du PIB.
L'augmentation des dépenses au titre du Revenu Minimum
d'Insertion
26(
*
)
se prolongerait sur un rythme
rapide, du fait du niveau élevé du chômage et du fait que
l'assurance-chômage ne prend plus en charge les titulaires d'emplois
précaires. Par rapport aux périodes antérieures, on
observerait toutefois un ralentissement de la croissance des dépenses
allouées au RMI.
L'ensemble
prestations familiales et dépenses pour le RMI
croîtrait ainsi en volume de
1,6 % en 1997
, puis de
1,3 % par an
en moyenne de 1998 à 2001 (après
4,5 % de 1990 à 1995).
d) Les prestations-chômage
L'évolution des prestations-chômage serait
influencée par deux facteurs contradictoires :
- l'augmentation en projection du nombre de chômeurs ;
- la diminution de l'indemnité moyenne, qui résulterait de la
précarisation du marché du travail et du fait que
l'assurance-chômage ne prend pas en charge les titulaires d'emplois
précaires.
Au total, les
prestations chômage
progresseraient de
1,4 %
en volume en
1997
, de
1,6 % en 1998
et de
0,9 % par an
en moyenne de
1999 à 2001
.
Comme l'indique le
tableau
récapitulatif ci-dessous, les
prestations sociales, hors prestations-maladie, augmenteraient
moins
vite
que le PIB, alors que les prestations-maladie progresseraient
plus
vite
(hormis en 1997).
ÉVOLUTION DES PRESTATIONS SOCIALES
|
1990-1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001 |
POURCENTAGE ANNUEL D'ACCROISSEMENT
EN VOLUME |
|
|
|
|
|
-
Famille, logement et RMI
- Retraites - Chômage Ensemble hors maladie - Maladie |
4,5
|
2,3
|
1,6
|
1,3
|
1,3
|
B. LES RECETTES
La projection des recettes publiques est
réalisée à législation constante, compte tenu
toutefois des mesures annoncées par le Gouvernement ou actuellement
discutées au Parlement :
En premier lieu, il a été tenu compte du projet de loi de
finances pour 1997 dont les principales mesures fiscales sont les suivantes :
· première étape du programme d'allégement de
l'impôt sur le revenu (soit 25 milliards de francs) ;
· abaissement du taux de l'impôt sur les sociétés
pour les PME qui renforcent leurs fonds propres (soit un allégement de
2 milliards de francs) ;
· augmentation de 2 % de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers ;
· augmentation des droits de consommation sur les tabacs et les alcools
(pour un montant total de 5,5 milliards de francs) ;
En second lieu, conformément au projet de loi de financement de la
Sécurité sociale pour 1997, l'élargissement de l'assiette
de la Contribution sociale généralisée (aux revenus
financiers, aux gains sur les jeux et aux indemnités maladie et
maternité, ce qui majore son produit de 7,3 milliards de francs) et
le remplacement de 1,3 point de cotisations-salariés par 1 point de
CSG, ont été pris en compte.
Enfin, une application intégrale du programme d'allégement de
l'impôt sur le revenu annoncé par le Gouvernement jusqu'en 2001
(soit, au total, 75 milliards de francs, ce qui représente
actuellement 25 % du produit de cet impôt) a été
simulée.
Les évolutions les plus marquantes en projection des principales
catégories de recettes publiques sont les suivantes :
· la part dans le PIB de l'
impôt sur le revenu
(hors CSG et
remboursement de la dette sociale) diminue en raison des allégements
décidés : de 3,9 % en 1996 à 3,4 % en 1998
et 3,1 % en 2001 ;
· la part de la
TVA
dans le PIB reste
stable
jusqu'en 1998
à 7,3 %, avant d'augmenter légèrement en fin de
période (7,4 % en 2001).
· Sous l'hypothèse d'une progression de 2 % par an du taux
de la
taxe intérieure sur les produits pétroliers
,
son rendement mesuré en pourcentage du PIB serait stabilisé
à 1,9 %. L'augmentation plus forte de la fiscalité portant
sur le gazole contribue en effet à améliorer le rendement de
cette taxe, alors que, sur les dernières années, il avait
tendance à diminuer avec la diésélisation du parc
automobile.
· L'hypothèse retenue pour les cotisations sociales est celle
d'une légère hausse au titre des retraites
complémentaires. En ce qui concerne les cotisations salariés, le
ripage prévu sur la CSG entraîne un allégement du poids de
ces cotisations dans le PIB qui passe de 5,9 % en 1995 à 3,9 %
en 2001.
· Enfin, compte tenu de l'hypothèse retenue d'un
rééquilibrage de l'assurance-maladie par une hausse de
1 point de la CSG en 1998 (s'ajoutant au remplacement, en 1997, de
1,3 point de cotisation maladie des salariés par 1 point de
CSG), ce prélèvement (y compris la C.R.D.S.
27(
*
)
) voit
sa part dans le PIB augmenter
significativement : de 1,3 point en 1995, il passe à
2,1 points en 1997, 2,9 points en 1998 et 4,7 points en 2001.
Ces évolutions sont retracées dans le
tableau
ci-dessous.
ÉVOLUTION DES RECETTES DES ADMINISTRATIONS
En points de PIB
|
1995 |
1997 |
1998 |
2001 |
TVA Autres impôts indirects dont TIPP Impôt sur le revenu des ménages CSG et CRDS Impôt sur les sociétés Autres impôts sur le revenu et le patrimoine Cotisations employeurs Cotisations salariés Cotisations non-salariés |
|
|
|
|
Sources : Comptes nationaux, Prévision OFCE-Modèle MOSAÏQUE.
C. LE BESOIN DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
L'évolution du
besoin de financement
des
administrations publiques dépend étroitement, non seulement des
hypothèses retenues en matière de dépenses, mais aussi des
évolutions macroéconomiques.
On constate ainsi que, dans le
scénario 1
- où la
croissance est la plus modérée -, ce besoin de financement passe
de 4 % du PIB en 1996 à 3,1 % en 1997
et 1998 et
2,8 % en 2001. Dans le
scénario 2
, où, à
partir de 1998, la croissance est plus dynamique, le besoin de financement
passe de 3,1 % du PIB en 1997, à 3 % en 1998 et 2,4 % en
2001.
ÉVOLUTION DE LA CAPACITÉ DE FINANCEMENT
DES
ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999-2001* |
(en % du PIB) - Scénario 1 Présentation traditionnelle Après prise en compte de la soulte FRANCE-TELECOM (0,45 %) et des coupons courus (0,1 %) - Scénario 2 Présentation traditionnelle Après prise en compte de la soulte FRANCE-TELECOM (0,45 %) et des coupons courus (0,1 %) |
|
|
|
|
* Niveau en 2001.
Rappelons que ces résultats sont obtenus sous l'hypothèse d'une
augmentation de 1 point de la CSG en 1998, afin de
rééquilibrer les comptes de l'assurance-maladie. En effet, et
pour autant qu'il soit possible de passer d'une nomenclature au sens de la
Comptabilité nationale - utilisée dans le modèle- à
une nomenclature au sens des comptes de la Sécurité sociale, les
tendances spontanées des comptes sociaux seraient les suivantes :
- l'ensemble des prestations sociales hors prestations-maladie,
évoluerait moins vite que le PIB, ce qui permettrait d'équilibrer
les régimes sans recettes supplémentaires ;
- compte tenu de l'hypothèse selon laquelle les mesures en cours visant
à maîtriser l'évolution des dépenses de
santé, se traduiraient par un ralentissement en 1997, mais
n'empêcheraient pas par la suite de retrouver la tendance de longue
période (cf. supra), les dépenses de santé en valeur
progresseraient en moyenne de 3,9 % par an, contre 2,9 % pour les
cotisations assises sur les salaires. Le déficit de la branche maladie,
qui s'élèverait à 40 milliards de francs environ en
1997, s'aggraverait ainsi tendanciellement par la suite. Aussi une augmentation
de la CSG de 1 point en 1998 permettrait-elle de combler en grande partie
l'écart entre l'évolution des dépenses et celle des
recettes, et ramenerait le déficit à un niveau compris entre 10
et 20 milliards de francs au cours de la période (cf.
graphique
ci-dessous).
ÉVOLUTION DES DÉPENSES, DES RECETTES ET DU
DÉFICIT
DE LA BRANCHE-MALADIE
Dans ces conditions et pour l'ensemble des régimes sociaux, le rapport entre cotisations (y compris la CSG) et les prestations sociales passerait de 88,3 % en 1995 à 91,2 % en 2001, le déficit global des régimes d'assurance-sociale passant de 60 à 20 milliards de francs .
D. LES CHARGES D'INTÉRÊTS ET L'ENDETTEMENT
Dans le
scénario 1
, la
charge nette
d'intérêts
des administrations publiques mesurée en
pourcentage du PIB
diminue : de 3,5 % en 1995 à 3,1 % en
1997, 3,0 % en 1998 et 2,9 % en 2001, en raison de la forte baisse
des taux d'intérêt constatée depuis 1995 et
prolongée en projection.
On note par ailleurs que le
solde primaire
(c'est-à-dire le solde
hors charges d'intérêts) redevient positif à partir de
1998. Cette évolution n'est toutefois
pas suffisante
pour
permettre une
stabilisation du ratio dette publique/PIB
. Celui-ci, qui
s'établit à 56 % en 1996 croîtrait de 1 point par
an en moyenne sur la période de projection. Ainsi la réduction du
besoin de financement des administrations publiques à moins de 3 %
du PIB ne permet-elle pas de stabiliser le ratio dette publique/PIB en dessous
de 60 %.
Ce dernier résultat n'est pas surprenant, car la
croissance en
valeur
du PIB dans la projection ne serait que de
3,5 %
par an
en moyenne, alors que le choix des deux critères budgétaires dans
le Traité de Maastricht visait la
stabilisation à long
terme
de l'endettement des administrations publiques, mais sur la base
d'une croissance en valeur du PIB de
5 % par an.
Le Sénat sur internet : http://www.senat.fr
minitel : 3615 - code senatel
L'Espace Librairie du Sénat : tél. (1) 42 34 21 21
1
La projection retient
l'hypothèse que la baisse des taux d'intérêt engagée
en 1996 se prolongerait en 1997 et 1998. Les taux à court terme
baisseraient ainsi de 1,5 point par rapport à leur niveau actuel et
les taux à long terme de 1,3 point.
2
Dans le scénario le plus favorable (2 % de croissance
par an en moyenne de 1999 à 2001), le nombre de chômeurs augmente
de 8.000 par an et dans le scénario le moins favorable (1,8 % de
croissance par an en moyenne), il progresse de 22.000 par an environ.
3
Voir Rapport de M. Bernard BARBIER au nom de la
Délégation pour la Planification, SÉNAT n° 65 -
1995-1996.
4
Après prise en compte dans les recettes publiques de la
soulte FRANCE-TELECOM et des coupons courus sur les obligations émises
par l'Etat.
5
C'est-à-dire le niveau obtenu en prolongeant le taux de
croissance de longue période de l'économie française.
6
Voir Rapport SÉNAT n° 293, 1994-1995, page 14.
7
Pour l'Europe, le taux de croissance moyen depuis 1989 a
été de 1,6 % contre 2,3 % de 1973 à 1989 ; aux
Etats-Unis, il est passé de 2,8 % (1973-1989) à 1,8 %
(1989-1995) et au Japon de 3,7 % (1973-1989) à 1,8 %
(1989-1995).
8
Souvent présenté de manière imagée en
disant que "
l'on voit les ordinateurs partout sauf dans les
statistiques nationales de productivité
".
9
Cette projection de l'économie française et des
finances publiques est présentée dans une note de la Division des
Etudes macroéconomiques du Service des Etudes du Sénat, à
l'usage de Mesdames et Messieurs les Sénateurs (n° C 96-23 du 28
juin 1996).
10
Voir Rapport de M. Bernard BARBIER au nom de la
Délégation pour la Planification, SÉNAT n° 84,
1987-1988 (pages 10 à 12).
11
C'est ce que montre une variante d'augmentation des plus rapides
des salaires dans tous les pays européens, réalisée
à l'aide d'un modèle
multinational
tel que le
modèle MIMOSA, commun au CEPII et à l'OFCE.
12
Organisé le 13 septembre 1996 par le C.E.P.I.I. (Centre
d'Etudes Prospectives et d'Informations Internationales) et le D.E.L.T.A.
(Département et Laboratoire d'Economie Théorique Appliquée
rattaché à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales et
à l'Ecole Normale Supérieure), ce séminaire scientifique a
réuni un grand nombre de spécialistes français et
étrangers.
13
C'est-à-dire la partie du déficit qui ne
résulte pas des effets mécaniques de la conjoncture sur les
recettes (plus ou moins grandes rentrées fiscales) et sur les
dépenses (en particulier les prestations chômage).
14
Comme le fait le BIPE dans la présentation de
ses prévisions à moyen terme.
15
Cf. L'économie française en 1995 (Rapport sur les
Comptes de la Nation de l'année 1995).
16
" L'importance croissante des
services ",
l'Observateur de l'OCDE
n° 200, juin 1996.
17
European Economic Research and Advisory Consortium.
18 Cf. Le rapport de M. Roger BURNEL pour le Conseil économique et social en date du 9 novembre 1995.
19 Avis du 26 juin 1996.
20
INSEE première n° 373, avril 1995.
21
Une simulation réalisée à l'aide du
modèle multinational MIMOSA, commun à l'OFCE et au CEPII, montre
que l'impact restrictif des politiques budgétaires rigoureuses
menées de manière concomitante en Europe représenterait
1,2 point de croissance pour l'ensemble de l'Europe en 1996 et
0,8 point en 1997. On déduit de cette simulation que (sans ces
ajustements budgétaires) la croissance européenne aurait
été de 2,4 % en 1995, puis 2,6 % en 1996 et 3,1 %
en 1997, soit une évolution plus conforme aux reprises cycliques
observées par le passé à la suite d'un épisode
récessif.
22
On observe cette relation inverse entre salaires et niveau du
chômage -ou "courbe de Phillips"- dans tous les modèles
macroéconomiques.
23
Il faut en effet rappeler que depuis 1993 le taux
d'épargne se caractérisait par un niveau anormalement
élevé au regard des relations économétriques
habituelles.
24
Voir Rapport de M. Bernard BARBIER au nom de la
Délégation pour la Planification - SÉNAT n° 65,
1995-1996.
25
Ces mesures sont contenues dans la loi du
22 juillet 1993 sur la sauvegarde de la protection sociale.
26
Ces dépenses sont considérées en
Comptabilité nationale comme des prestations sociales. Il s'agit
toutefois de prestations sociales versées par l'Etat et non par les
organismes de Sécurité sociale.
27
C.R.D.S. : Contribution au remboursement de la dette sociale.