La mise en place de l'Euro
Xavier de Villepin
Délégation du Sénat pour l'Union européenne - Rapport 74 - 1996 / 1997
Table des matières
- I. INTRODUCTION
- II. LES ASPECTS JURIDIQUES
- III. LES ASPECTS ECONOMIQUES
- IV. LES TRAVAUX DE LA DELEGATION
I. INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat a été saisi, en application de l'article 88-4 de
la Constitution, de deux propositions d'acte communautaire, E 719 et
E 720, concernant la mise en place de l'euro.
Ces deux textes ont été transmis à l'Assemblée
nationale et au Sénat le 23 octobre. Ils pourraient faire l'objet
d'un accord politique lors du Conseil européen de Dublin des 13 et
14 décembre prochains.
Afin que le Sénat puisse, le cas échéant, se prononcer en
temps utile sur ces textes, j'ai à titre personnel déposé
une proposition de résolution à leur sujet, ce qui a pour effet
de permettre d'engager la procédure d'examen par le Sénat.
Il m'est apparu en outre souhaitable, dans l'optique de l'organisation d'un
débat, que tous les sénateurs puissent disposer, dans un seul
document, d'éléments d'information concernant les propositions
E 719 et 720.
Telle est la raison d'être du présent rapport que la
délégation pour l'Union européenne m'a chargé de
présenter, et qui fait suite aux deux précédents rapports
que j'ai présentés en son nom sur la préparation de la
monnaie unique :
- le rapport n° 172 du 13 décembre 1990 sur
"
l'union économique et monétaire "
- le rapport n° 228 du 19 janvier 1995 sur "
la marche
vers la monnaie unique ".
Le présent rapport se borne donc à rassembler des données
juridiques et économiques utiles pour porter une appréciation sur
les textes E 719 et E 720.
Il ne prend pas position sur ces
derniers.
Par ailleurs, j'ai souhaité y faire figurer des informations concernant
le nouveau mécanisme de change (" SME bis ") prévu par
une communication de la Commission européenne du 16 octobre
dernier. Bien que n'ayant pas été soumis aux Assemblées
-car il s'agit d'une communication sans valeur normative par elle-même-
ce texte est en effet intimement lié aux propositions E 719 et
E 720 avec lesquelles il forme un ensemble cohérent.
Le présent rapport rappelle également les principales
données concernant le respect des critères de convergence pour la
participation à la monnaie unique. Compte tenu de l'importance prise par
ces critères dans le débat public, il m'est en effet apparu utile
d'apporter des éléments d'information à leur sujet.
Enfin, il convient de souligner que les propositions E 719 et E 720
concernent uniquement
les modalités d'entrée en vigueur de la
monnaie unique européenne
: il ne s'agit pas de rouvrir sur le
principe même de celle-ci un débat qui a déjà
été tranché par la ratification du traité sur
l'Union européenne.
II. LES ASPECTS JURIDIQUES
A. LE PACTE DE STABILITÉ (PROPOSITION D'ACTE COMMUNAUTAIRE E 719)
Afin que les Etats participant à la monnaie unique
évitent durablement les déficits excessifs, la proposition E 719
prévoit deux catégories de mesures :
- des mesures de
prévention
(renforcement de la surveillance
budgétaire),
- un régime de
sanctions
destiné à dissuader les
Etats membres d'accepter des déficits excessifs.
1. La prévention
La proposition de
" règlement relatif au
renforcement de la surveillance et de la coordination des situations
budgétaires "
prévoit l'obligation, pour tout Etat
membre participant à la monnaie unique, de présenter un
programme de stabilité
indiquant ses objectifs budgétaires
à moyen terme. Les programmes de stabilité doivent être
actualisés chaque année. Ils doivent avoir pour but d'assurer une
situation des finances publiques proche de l'équilibre ou en
excédent. Ils sont rendus publics.
Lorsqu'il examine un programme de stabilité, le Conseil peut le juger
insuffisant et doit alors en principe adresser à l'Etat membre
concerné une recommandation l'invitant à adapter ce programme.
Par ailleurs, le Conseil surveille la mise en oeuvre des programmes de
stabilité. S'il constate une divergence par rapport aux objectifs
retenus, il doit en principe adresser une recommandation à l'Etat membre
concerné, l'invitant à prendre des
" mesures d'ajustement
budgétaire ".
Si cette recommandation ne s'avère pas
suffisamment efficace, le Conseil doit en principe adresser une nouvelle
recommandation à l'Etat membre en cause, l'invitant à prendre des
" mesures correctrices spécifiques "
et peut la
rendre
publique.
Il est à noter que les décisions dans ce domaine sont, en
règle générale, prises par le Conseil statuant à la
majorité qualifiée sur
recommandation
de la Commission
européenne. (Rappelons que, dans ce cas, le Conseil peut modifier
à la majorité qualifiée le texte présenté
par la Commission, alors que, lorsqu'il agit sur
proposition
de
celle-ci, il doit être unanime pour adopter une modification). Seule la
décision éventuelle de rendre publique une recommandation
adressée à un Etat membre est prise sur proposition de la
Commission européenne.
La proposition de
" règlement relatif au renforcement de la
surveillance et de la coordination des situations budgétaires "
qui vient d'être brièvement présentée sera
examinée par le Conseil conformément à la procédure
visée à l'article 189 C du Traité. Dans le cadre de cette
procédure, le Conseil décide à la majorité
qualifiée sur proposition de la Commission européenne ; le
Parlement européen est consulté selon la procédure dite
" de coopération ".
Les textes de référence dans le Traité sur l'Union
européenne sont les suivants :
Article 103, § 5
Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 189C, peut arrêter les modalités de la procédure de surveillance multilatérale visée aux paragraphes 3 et 4 du présent article.
Article 103, § 3 et 4
Afin d'assurer une coordination plus étroite des
politiques économiques et une convergence soutenue des performances
économiques des États membres, le Conseil, sur la base de
rapports présentés par la Commission, surveille
l'évolution économique dans chacun des États membres et
dans la Communauté, ainsi que la conformité des politiques
économiques avec les grandes orientations visées au paragraphe 2,
et procède régulièrement à une évaluation
d'ensemble.
Pour les besoins de cette surveillance multilatérale, les États
membres transmettent à la Commission des informations sur les mesures
importantes qu'ils ont prises dans le domaine de leur politique
économique et toute autre information qu'ils jugent nécessaire.
Lorsqu'il est constaté, dans le cadre de la procédure
visée au paragraphe 3, que les politiques économiques d'un
État membre ne sont pas conformes aux grandes orientations visées
au paragraphe 2 ou qu'elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de
l'Union économique et monétaire, le Conseil, statuant à la
majorité qualifiée sur recommandation de la Commission, peut
adresser les recommandations nécessaires à l'État membre
concerné. Le Conseil, statuant à la majorité
qualifiée sur proposition de la Commission, peut décider de
rendre publiques ses recommandations.
Article 103, § 2
Le Conseil, statuant à la majorité
qualifiée sur recommandation de la Commission, élabore un projet
pour les grandes orientations des politiques économiques des
États membres et de la Communauté et en fait rapport au Conseil
européen.
Le Conseil européen, sur la base du rapport du Conseil, débat
d'une conclusion sur les grandes orientations des politiques économiques
des États membres et de la Communauté.
Sur la base de cette conclusion, le Conseil, statuant à la
majorité qualifiée, adopte une recommandation fixant ces grandes
orientations. Le Conseil informe le Parlement de sa recommandation.
2. Les sanctions
La proposition de
"règlement visant à
accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure
concernant les déficits excessifs "
tend à
compléter et préciser les dispositions de l'article 104 C du
traité sur l'Union européenne et du protocole n° 5
annexé à ce même traité. Elle concerne les sanctions
applicables aux Etats participant à l'euro qui ne respecteront pas le
critère de limitation du déficit des finances publiques. Elle
fixe un délai maximum de dix mois, après constatation par le
Conseil de l'existence d'un déficit excessif, pour que l'Etat en cause
engage le rétablissement de ses comptes publics. A défaut, le
Conseil - statuant, sur recommandation de la Commission, à la
majorité pondérée
(1(
*
))
des
deux tiers des Etats participant à l'euro, la voix de l'Etat
concerné n'étant pas prise en compte - doit normalement infliger
des sanctions à cet Etat.
Toutefois, aux termes de l'article 104 C, paragraphe 2 du Traité, un
Etat membre n'est pas considéré comme étant en situation
de déficit excessif si le dépassement de la valeur de
référence est
" exceptionnel et temporaire "
et
reste
" proche "
de cette valeur de référence.
A cet égard, la proposition de règlement précise que :
" Le dépassement de la valeur de référence
fixée pour le déficit public est considéré comme
exceptionnel et temporaire au sens de l'article 104 C, paragraphe 2,
s'il résulte d'un événement inhabituel échappant au
contrôle de l'Etat membre concerné et ayant une incidence
considérable sur la situation financière de ses administrations
publiques, ou s'il résulte d'une grave récession, en particulier
lorsque la croissance annuelle réelle est significativement
négative. En outre, si l'événement inhabituel ou la grave
récession a pris fin ou s'il est prévu qu'il prenne fin dans
l'année civile suivant celle où le déficit dépasse
la valeur de référence, les prévisions budgétaires
fournies par la Commission devraient indiquer que le déficit restera
au-dessous de ladite valeur de référence au cours de cette
même année suivante. "
Les sanctions possibles en cas de déficit excessif sont celles
prévues à l'article 104 C, paragraphe 11 du Traité :
Article 104 C, paragraphe 11
Aussi longtemps qu'un État membre ne se conforme pas
à une décision prise en vertu du paragraphe 9, le Conseil peut
décider d'appliquer ou, le cas échéant, d'intensifier une
ou plusieurs des mesures suivantes :
- exiger de l'État membre concerné qu'il publie des informations
supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant
d'émettre des obligations et des titres ;
- inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa
politique de prêts à l'égard de l'Etat membre
concerné ;
- exiger que l'Etat membre concerné fasse, auprès de la
Communauté, un dépôt ne portant pas intérêt,
d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le
déficit excessif ait été corrigé ;
- imposer des amendes d'un montant approprié.
Le président du Conseil informe le Parlement européen des
décisions prises.
La proposition de
" règlement visant à
accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure
concernant les déficits excessifs "
précise que, en tout
état de cause, lorsque le Conseil décide d'infliger des sanctions
à un Etat participant à l'euro, il exige en principe que l'Etat
concerné effectue un dépôt non porteur
d'intérêts.
Le montant de ce dépôt est égal à 0,2 % du PIB si la
sanction porte sur le non-respect du critère concernant le rapport entre
la dette publique et le PIB (la dette publique ne doit pas excéder 60 %
du PIB).
Si la sanction porte sur le non-respect du critère concernant le rapport
entre le déficit public et le PIB (ce rapport ne devant pas
excéder 3 %), le montant du dépôt est égal à
0,2 % du PIB à quoi s'ajoute un élément variable
constitué par une fraction du PIB égale au dixième de la
différence entre le déficit excessif constaté et le
déficit maximum autorisé (par exemple, si le déficit est
de 4 % du PIB, l'élément variable est égal à 1/10
(4 % - 3 %) = 0,1 % du PIB). Le montant total annuel du dépôt
non rémunéré imposé à un Etat est, en tout
état de cause, plafonné à 0,5 % de son PIB.
Si le déficit excessif n'a pas été corrigé au cours
des deux années suivantes, le dépôt obligatoire est en
principe converti en amende. Les intérêts sur les
dépôts obligatoires ainsi que le produit des amendes font partie
des ressources du budget communautaire.
Les textes de référence dans le Traité sur l'Union
européenne sont les suivants :
Article 104 C
1. Les États membres évitent les déficits
publics excessifs.
2. La Commission surveille l'évolution de la situation budgétaire
et du montant de la dette publique dans les États membres en vue de
déceler les erreurs manifestes. Elle examine notamment si la discipline
budgétaire a été respectée, et ce sur la base des
deux critères ci-après:
a) si le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le
produit intérieur brut dépasse une valeur de
référence, à moins :
- que le rapport n'ait diminué de manière substantielle et
constante et atteint un niveau proche de la valeur de référence,
- ou que le dépassement de la valeur de référence ne soit
qu'exceptionnel et temporaire et que ledit rapport ne reste proche de la valeur
de référence ;
b) si le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut
dépasse une valeur de référence, à moins que ce
rapport ne diminue suffisamment et ne s'approche de la valeur de
référence à un rythme satisfaisant.
Les valeurs de référence sont précisées dans le
protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, qui
est annexé au présent traité.
3. Si un État membre ne satisfait pas aux exigences de ces
critères ou de l'un d'eux, la Commission élabore un rapport. Le
rapport de la Commission examine également si le déficit public
excède les dépenses publiques d'investissement et tient compte de
tous les autres facteurs pertinents, y compris la position économique et
budgétaire à moyen terme de l'État membre.
La Commission peut également élaborer un rapport si, en
dépit du respect des exigences découlant des critères,
elle estime qu'il y a un risque de déficit excessif dans un État
membre.
4. Le comité prévu à l'article 109 C rend un avis sur le
rapport de la Commission.
5. Si la Commission estime qu'il y a un défïcit excessif dans un
État membre ou qu'un tel défîcit risque de se produire,
elle adresse un avis au Conseil.
6. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur
recommandation de la Commission, et compte tenu des observations
éventuelles de l'État membre concerné, décide,
après une évaluation globale, s'il y ou non un déficit
excessif.
7. Lorsque le Conseil, conformément au paragraphe 6, décide qu'il
y a un déficit excessif, il adresse des recommandations à
l'État membre concerné afin que celui-ci mette un terme à
cette situation dans un délai donné. Sous réserve des
dispositions du paragraphe 8, ces recommandations ne sont pas rendues publiques.
8. Lorsque le Conseil constate qu'aucune action suivie, d'effets n'a
été prise en réponse à ses recommandations dans le
délai prescrit, il peut rendre publiques ses recommandations.
9. Si un État membre persiste à ne pas donner suite aux
recommandations du Conseil, celui-ci peut décider de mettre
l'État membre concerné en demeure de prendre, dans un
délai déterminé, des mesures visant à la
réduction du déficit jugée nécessaire par le
Conseil pour remédier à la situation.
En pareil cas, le Conseil peut demander à l'État membre
concerné de présenter des rapports selon un calendrier
précis, afin de pouvoir examiner les efforts d'ajustement consentis par
cet État membre.
10. Les droits de recours prévus aux articles 169 et 170 ne peuvent
être exercés dans le cadre des paragraphes 1 à 9 du
présent article.
11. Aussi longtemps qu'un État membre ne se conforme pas à une
décision prise en vertu du paragraphe 9, le Conseil peut décider
d'appliquer ou, le cas échéant, d'intensifier une ou plusieurs
des mesures suivantes :
- exiger de l'État membre concerné qu'il publie des informations
supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant
d'émettre des obligations et des titres;
- inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa
politique de prêts à l'égard de l'État membre
concerné;
- exiger que l'État membre concerné fasse, auprès de la
Comrnunauté, un dépôt ne portant pas intérêt,
d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le
déficit excessif ait été corrigé;
- imposer des amendes d'un montant approprié.
Le président du Conseil informe le Parlement européen des
décisions prises.
12. Le Conseil abroge toutes ou certaines de ses décisions visées
aux paragraphes 6 à 9 et 11 dans la mesure où, de l'avis du
Conseil, le déficit excessif dans l'État membre concerné a
été corrigé. Si le Conseil a précédemment
rendu publiques ses recommandations, il déclare publiquement, dès
l'abrogation de la décision visée au paragraphe 8, qu'il n'y a
plus de déficit excessif dans cet État membre.
13. Lorsque le Conseil prend ses décisions visees aux paragraphes 7
à 9, Il et 12, le Conseil statue sur recommandation de la Commission
à une majorité des deux tiers des voix de ses membres,
pondérées conformément à l'article 148, paragraphe
2, les voix du représentant de l'État membre concerné
étant exclues.
14. Des dispositions complémentaires relatives à la mise en
oeuvre de la procédure décrite au présent article figurent
dans le protocole sur la procédure applicable en cas de
défîcit excessif, annexé au présent traité.
(2(
*
))
.
Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la
Commission et après consultation du Parlement européen et de la
BCE, arrête les dispositions appropriées qui remplaceront ledit
protocole.
Sous réserve des autres dispositions du présent paragraphe, le
Conseil, statuant à la majorité qualifîée sur
proposition de la Commission et après consultation du Parlement
européen, fixe, avant le l
er
janvier 1994, les
modalités et les définitions en vue de l'application'des
dispositions dudit protocole.
Article 109 K
1. (...) Si le Conseil a confirmé, sur la base de
l'article 109 J, paragraphe 4, quels sont les Etats membres qui remplissent les
conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique, les Etats
membres qui ne remplissent pas ces conditions font l'objet d'une
dérogation telle que définie au paragraphe 3 du présent
article. Ces Etats membres sont ci-après dénommés "Etats
membres faisant l'objet d'une dérogation" (...).
2. Une dérogation au sens du paragraphe 1 implique que les articles
ci-après ne s'appliquent pas à l'État membre
concerné: article 104 C, paragraphes 9 et 11, article 105, paragraphes
1, 2, 3 et 5, articles 105 A, 108 A et 109 et article 109 A, paragraphe 2,
point b). L'exclusion de cet État membre et de sa banque centrale
nationale des droits et obligations dans le cadre du SEBC est prévue au
chapitre IX des statuts du SEBC.
3. A l'article 105, paragraphes 1, 2 et 3, aux articles 105 A, 108 A et 109 et
à l'article 109 A, paragraphe 2, point b), on entend par "Etats
membres"
les États membres ne faisant pas l'objet d'une dérogation.
4. Les droits de vote des États membres faisant l'objet d'une
dérogation sont suspendus pour les décisions du Conseil
visées aux articles du présent traité mentionnés au
paragraphe 3. Dans ce cas, par dérogation à l'article 148 et
à l'article 189 A, paragraphe 1, on entend par majorité
qualifiée les deux tiers des voix des représentants des
États membres ne faisant pas l'objet d'une dérogation,
pondérées conformément à l'article 148, paragraphe
2, et l'unanimité de ces États membres est requise pour tout acte
requérant l'unanimité (...).
Protocole n° 5 sur la procédure concernant
les déficits excessifs (Extrait)
Article premier
" Les valeurs de référence visées
à l'article 104 C, paragraphe 2, du traité sont les
suivantes :
- 3 % pour le rapport entre le déficit public prévu ou
effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché ;
- 60 % pour le rapport entre la dette publique et le produit
intérieur brut aux prix du marché.
Article 2
" A l'article 104 C du traité et dans le
présent protocole, on entend par :
- public : ce qui est relatif au gouvernement général,
c'est-à-dire les administrations centrales, les autorités
régionales ou locales et les fonds de sécurité sociale,
à l'exclusion des opérations commerciales, telles que
définies dans le système européen de comptes
économiques intégrés ;
- déficit : le besoin net de financement, tel que défini
dans le système européen de comptes économiques
intégrés ;
- investissement : la formation brute de capital fixe, telle que
définie dans le système européen de comptes
économiques intégrés ;
- dette : le total des dettes brutes, à leur valeur nominale, en cours
à la fin de l'année et consolidées à
l'intérieur des secteurs du gouvernement général tel qu'il
est défini au premier tiret. "
3. Les dispositions constitutionnelles françaises concernant l'Union économique et monétaire
Après la signature du traité sur l'Union
européenne et avant que ne s'engage le processus de ratification, le
président de la République a saisi le Conseil constitutionnel, le
11 mars 1992, de la question de savoir si l'autorisation de ratifier ce
traité devait être précédée d'une
révision de la Constitution.
Au sujet de l'Union économique et monétaire, la décision
du Conseil constitutionnel a été la suivante :
Décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1992
" Considérant qu'il résulte des
dispositions applicables à compter du début de la
troisième phase de l'Union économique et monétaire que la
réalisation d'un semblable objectif se traduira par la mise en oeuvre
d'une politique monétaire et d'une politique de change uniques suivant
des modalités telles qu'un Etat membre se trouvera privé de
compétences propres dans un domaine où sont en cause les
conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;
" Considérant que, dans leur état, les dispositions de la
Constitution font obstacle à ce que la France s'intègre à
l'Union économique et monétaire instituée par le
traité ;
" Considérant que, pour ces motifs, sont contraires à la
Constitution :
" - l'article B du traité sur l'Union européenne en tant
qu'il prévoit l'établissement d'une union économique et
monétaire comportant à terme une monnaie unique ;
" - l'article G du traité précité, en tant qu'il
a pour objet d'insérer dans le traité instituant la
Communauté européenne l'article 3 a, paragraphe 2,
l'article 105, paragraphe 2, l'article 105 A, l'article 107,
l'article 109, l'article 109 G, alinéa 2, l'article
109 L, paragraphe 4 ;
" - les autres dispositions des chapitres II, III et IV du titre VI
ajouté au traité instituant la Communauté
européenne ainsi que celles des protocoles n°s 3 et 10, dans
la mesure où elles sont indissociables des articles
précités ; (...) "
La révision constitutionnelle adoptée par le Parlement, le
25 juin 1992, à la suite de cette décision a eu notamment
pour effet d'introduire dans la Constitution un nouvel article 88-2 ainsi
rédigé :
Article 88-2 de la Constitution
" Sous réserve de réciprocité et
selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union
européenne signé le 7 février 1992, la France consent
aux transferts de compétences nécessaires à
l'établissement de l'union économique et monétaire
européenne ainsi qu'à la détermination des règles
relatives au franchissement des frontières extérieures des
États membres de la Communauté européenne ".
Après cette révision, le Conseil Constitutionnel a
été saisi le 14 août 1992, par plus de
60 sénateurs pour qu'il se prononce sur la conformité du
traité à la Constitution ainsi révisée.
Dans sa décision de conformité, rendue le 2 septembre 1992,
le Conseil Constitutionnel a précisé, au sujet de l'Union
économique et monétaire :
Décision du Conseil Constitutionnel du 2 septembre 1992
" Considérant que le Conseil constitutionnel a,
par sa décision du 9 avril 1992, inféré des
stipulations applicables à compter du début de la
troisième phase de l'union économique et monétaire que la
réalisation de cette union se traduira par la mise en oeuvre d'une
politique monétaire et de change uniques suivant des modalités
telles qu'un Etat membre se trouvera privé de compétences propres
dans un domaine où sont en cause les conditions essentielles d'exercice
de la souveraineté nationale qu'il a jugé en conséquence
que, dans leur état, les dispositions de la Constitution faisaient
obstacle à ce que la France s'intègre à l'union
économique et monétaire instituée par le
traité ;
" Considérant qu'il ressort de l'article 88-2 ajouté
à la Constitution par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 que
" sous réserve de réciprocité, et selon les
modalités prévues par le traité sur l'Union
européenne signé le 7 février 1992, la France consent
aux transferts de compétences nécessaires à
l'établissement de l'union économique et monétaire
européenne " ;
" Considérant que, dans les limites précédemment
indiquées, le pouvoir constituant est souverain : qu'il lui est loisible
d'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur
constitutionnelle dans la forme qu'il estime appropriée ;
" Considérant que les dispositions précitées de
l'article 88-2 ont pour effet de lever les obstacles d'ordre constitutionnel
à l'intégration de la France au sein de l'union économique
et monétaire instituée par le traité ; (...) "
B. LE STATUT DE L'EURO (PROPOSITION D'ACTE COMMUNAUTAIRE E 720)
1. Le contenu de la proposition
La proposition E 720 tend à définir le
cadre juridique pour l'utilisation de l'euro. Elle contient deux textes :
- une proposition de règlement "
fixant certaines dispositions
relatives à l'introduction de l'euro
" ;
- une proposition de règlement "
concernant l'introduction de
l'euro
".
Le premier de ces deux textes est fondé sur l'article 235 du
Traité. La Commission estime en effet nécessaire, dans un souci
de sécurité juridique, de fixer d'ores et déjà
certaines règles relatives à l'euro. Or l'article 109L,
paragraphe 4 du Traité, qui serait la base juridique
appropriée pour ces règles, ne pourra être utilisé,
compte tenu de la rédaction retenue par le Traité,
qu'après que le Conseil aura décidé quels Etats
participeront à la monnaie unique (décision qui ne sera prise
qu'en mars 1998). Ayant jugé qu'il n'était pas possible
d'attendre jusqu'à cette date, la Commission a donc
présenté un texte fondé sur l'article 235 du
Traité.
La proposition de règlement "
fixant certaines dispositions
relatives à l'introduction de l'euro
" tend :
- à assurer la continuité des instruments juridiques, en
particulier des contrats, entre les anciennes monnaies nationales et l'euro
ainsi qu'entre l'écu et l'euro ;
- à confirmer que le nom de la monnaie unique sera
l'" euro ", divisé en cent subdivisions appelées
" cents " ;
- à préciser que les taux de conversion de l'euro comprendront
six chiffres significatifs ;
- à définir les règles concernant les montants arrondis.
Le deuxième texte, fondé sur l'article 109 L
paragraphe 4 du Traité, ne pourra être adopté
qu'après la décision sur la liste des Etats participants à
la monnaie unique ; il est destiné à entrer en vigueur au
1
er
janvier 1999.
Les objectifs sont les suivants :
- confirmer la dénomination " euro ", et le calendrier pour
le passage à la monnaie unique ;
- fixer les modalités de substitution des monnaies nationales par
l'euro, avec effet au 1
er
janvier 1999 ;
- établir, pour la période durant laquelle les billets et
pièces libellés en euros ne seront pas encore en circulation, une
équivalence juridiquement contraignante entre l'euro et les
unités monétaires nationales ;
- garantir que les agents économiques privés auront la
faculté d'utiliser l'euro au cours de la période transitoire,
mais qu'ils n'y seront pas contraints ;
- définir des règles concernant la circulation et la protection
des billets et pièces.
2. La question du nom de la monnaie unique
Le Conseil européen, lors de sa réunion des 15 et 16 décembre 1995 à Madrid, a pris la décision suivante :
Décision du Conseil européen de Madrid
" Le nom de la nouvelle monnaie est un
élément important de la préparation du passage à la
monnaie unique, car il détermine en partie l'acceptabilité par le
public de l'Union économique et monétaire. Le Conseil
européen estime que le nom de la monnaie doit être le même
dans toutes les langues officielles de l'Union européenne en tenant
compte de l'existence des différents alphabets . il doit être
simple et symboliser l'Europe.
" Le Conseil européen décide, par conséquent,
qu'à partir du début de la troisième phase, le nom de la
monnaie européenne sera " euro ". Il s'agit d'un nom
complet.
non d'un préfixe qui précéderait les noms des monnaies
nationales.
" Le nom spécifique " euro " sera utilisé au lieu
du terme générique " écu " employé dans
le traité pour désigner l'unité monétaire
européenne.
" Les gouvernements des quinze Etats membres sont convenus d'un commun
accord que la présente décision constitue l'interprétation
agréée et définitive des dispositions du
traité ".
La proposition E 720 tend à incorporer cette décision du
Conseil européen dans le droit communautaire. Elle s'appuie pour cela
sur l'article 235 du Traité, qui est ainsi
rédigé :
Article 235
" Si une action de la Communauté apparaît
nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché
commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent
traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet,
le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la
Commission et après consultation du Parlement européen, prend les
dispositions appropriées. "
Dans un avis rendu le 28 mars 1996, la Cour de justice des Communautés
européennes a apporté des précisions sur la portée
de cet article :
Avis de la Cour de Justice
" L'article 235 vise à suppléer l'absence
de pouvoirs d'action conférés expressément ou de
façon implicite aux institutions communautaires par des dispositions
spécifiques du Traité, dans la mesure où de tels pouvoirs
apparaissent néanmoins nécessaires pour que la Communauté
puisse exercer ses fonctions en vue d'atteindre l'un des objets fixés
par le Traité.
" Faisant partie intégrante d'un ordre institutionnel basé
sur le principe des compétences d'attribution, cette disposition ne
saurait constituer un fondement pour élargir le domaine des
compétences de la Communauté au delà du cadre
général résultant de l'ensemble des dispositions du
Traité, et en particulier de celles qui définissent les missions
et les actions de la Communauté. Elle ne saurait en tout cas servir de
fondement à l'adoption de dispositions qui aboutiraient en substance,
dans leurs conséquences, à une modification du Traité
échappant à la procédure que celui-ci prévoit
à cet effet. "
C. LES CRITERES DE CONVERGENCE
1. La nature des critères
Les critères de convergence, souvent appelés
" critères de Maastricht ", définissent les conditions
à remplir par tout Etat membre pour participer à la monnaie
unique. Définis à l'article 109 J du traité et
précisés par le protocole n° 6 annexé à
celui-ci, ils sont les suivants :
- un déficit budgétaire ne dépassant pas 3 % du
produit intérieur brut ;
- une dette publique n'excédant pas 60 % du revenu national ;
- une monnaie respectant pendant 2 ans au moins les marges normales de
fluctuation prévues par le SME ;
- des taux d'intérêt à long terme ne dépassant pas
plus de 2 % de celui des trois meilleurs résultats en
matière de stabilité des prix ;
- un taux d'inflation ne dépassant pas de plus de 1,5 % celui des
trois meilleurs résultats en matière de stabilité des prix.
2. Le contrôle du Bundestag et du Bundesrat
Dans l'arrêt qu'elle a rendu le 12 octobre 1993 au sujet de l'approbation du traité sur l'Union européenne, la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne rappelle que le Bundestag a accompagné son approbation du Traité d'une résolution relative à l'Union économique et monétaire.
Résolution du Bundestag
" Le Bundestag reconnaît que le traité sur
l'Union européenne jette les bases d'une future monnaie
européenne stable, notamment en garantissant l'indépendance de la
Banque centrale européenne et en prévoyant l'adoption, d'un
commun accord, de critères de stabilité pour les Etats membres
participants.
" A cet égard, il faudra, au moment du passage à la
troisième phase de l'Union économique et monétaire,
interpréter ces critères de stabilité de manière
stricte et rigoureuse. La décision permettant le passage à la
troisième phase ne peut être prise qu'à partir du moment
où cette stabilité est démontrée et où il
est prouvé que les données fondamentales de l'économie
suivent des évolutions parallèles et que la solidité du
budget et des finances des Etats membres participants est durable. Cette
décision ne saurait s'inspirer de considérations
d'opportunité, mais elle doit tenir compte des réalités
économiques. La nature des critères retenus est telle qu'ils ne
sauraient être considérés comme remplis dès lors
qu'il y est satisfait d'un point de vue purement statistique. Au contraire,
c'est aussi le déroulement même du processus de convergence qui
doit permettre d'acquérir la conviction qu'ils
sont durablement
remplis. La future monnaie européenne doit être, et rester, aussi
stable que le mark allemand.
" Le Bundestag s'opposera à toute tentative qui viserait à
diluer les critères de stabilité sur lesquels il y a eu accord
à Maastricht. Il veillera à ce que le passage à la
troisième phase se fasse dans le respect rigoureux de ces
critères.
" Le passage à la troisième phase exige également que
le Bundestag donne son appréciation. De ce fait, pour savoir dans quel
sens il devra se prononcer lorsque le Conseil sera amené à
prendre les décisions prévues à l'article 109 J
paragraphes 3 et 4 du traité UE, le gouvernement fédéral a
besoin de l'approbation du Bundestag, exprimée sous la forme d'un vote.
La matière à laquelle s'applique ce vote du Bundestag est la
même que celle sur laquelle se prononce le Conseil des ministres de
l'Economie et des Finances et sur lesquelles statue le Conseil réuni au
niveau des Chefs d'Etat ou de gouvernement.
" Le Bundestag invite le gouvernement fédéral à
déclarer qu'il respectera ce vote du Bundestag.
" Il invite le gouvernement fédéral à faire savoir
qu'il agira en ce sens aux autres parties contractantes ainsi qu'à la
Commission des Communautés européennes et au Parlement
européen. "
La Cour constitutionnelle allemande rappelle également que le Bundesrat
a, à son tour, adopté une résolution de même nature.
Elle observe enfin que le gouvernement fédéral allemand, par le
biais d'une lettre du 2 avril 1993 de M. Theo Waigel, ministre
fédéral des Finances, à Mme Hellwig,
présidente de la commission des Affaires européennes du
Bundestag, s'est engagé à s'assurer de l'appui du Parlement
allemand lors de l'entrée en vigueur de la troisième phase de
l'Union économique et monétaire.
Lettre de M. Theo Waigel au Bundestag
..." Devant l'assemblée plénière du
Bundestag, j'ai bien précisé, dès le
2 décembre 1992, que le gouvernement fédéral, avant
de faire ce pas important qui l'engage dans la voie de l'Union
monétaire, " s'assurerait de l'appui des organes
législatifs ". Je me suis référé à cet
égard au vote d'approbation dont font état les résolutions
concordantes du Bundestag et du Bundesrat.
" Je me suis également déclaré prêt à
communiquer à nos partenaires de la Communauté, en
coopération avec le ministre fédéral des Affaires
étrangères, la procédure que nous avons choisi de suivre
entre le Parlement et le gouvernement fédéral.
" Cette communication devait être faite dès que le
gouvernement fédéral aura déposé l'instrument de
ratification, ce qui, dans notre pays, clôt la procédure de
ratification. ... " (3(
*
)).
La Cour constitutionnelle allemande en tire, dans son jugement, la conclusion
que
" la loi d'approbation relative au traité sur l'Union
satisfait aux exigences liées à un aval parlementaire ".
Elle apporte à cet égard les précisions suivantes :
" La demande du Bundestag, qui souhaite se réserver le droit de
se prononcer sur le passage à la troisième phase de l'Union
économique et monétaire, afin de s'opposer à une dilution
des critères de stabilité, peut s'appuyer en particulier sur
l'article 6 du protocole sur les critères de convergence. Cet article
réserve déjà au Conseil statuant à
l'unanimité le droit de préciser de manière
détaillée les critères de convergence prévus par le
traité en s'écartant des définitions données dans
le protocole. Cela signifie d'une part que les critères
énoncés à l'article 109 j, paragraphe 1 du traité
CE ne sont pas à la discrétion du Conseil, d'autant que, s'il en
était autrement, l'idée fondamentale d'une union monétaire
fondée sur la stabilité (6ème considérant du
traité sur l'Union ; article 3 A paragraphes 2 et 3, article 105
paragraphe 1 du traité CE) ne pourrait pas être
réalisée. Il ressort d'autre part de l'article 6 du protocole sur
les critères de convergence que l'évaluation sur la base de
laquelle le Conseil fera ses recommandations conformément à
l'article 109 J, paragraphe 2 du traité CE, et déterminera si
chaque Etat membre remplit les critères de convergence pour l'adoption
d'une monnaie unique, ne peut contourner ces critères par le biais d'une
décision de la majorité des membres. En effet, l'exigence d'un
vote majoritaire signifie uniquement que, dans le cadre des marges
résiduelles d'appréciation, d'évaluation et de conjecture,
les divergences d'opinion peuvent être tranchées par un vote
majoritaire. Il en va de même lorsque le Conseil, réuni au niveau
des chefs d'Etat ou de gouvernement, est appelé à statuer
à la majorité sur la base de ces recommandations,
conformément à l'article 109 J paragraphes 3 et 4 du
traité CE. Sans préjudice de la marge d'appréciation,
d'évaluation et de conjecture dont dispose le Conseil, le texte du
traité ne lui permet pas de s'affranchir de la base de décision
constituée par les recommandations visées à l'article 109
J paragraphe 2 du traité CE, ni par conséquent des
critères de convergence énoncés à l'article 109 J
paragraphe 1 du traité CE et précisés dans le protocole
sur les critères de convergence. Il y a donc des garanties suffisantes
pour que les critères de convergence ne puissent pas être
" dilués " sans le consentement de l'Allemagne et par
conséquent sans une participation déterminante du Bundestag.
" En outre, le Protocole sur le passage à la troisième phase
de l'Union économique et monétaire reconnaît que
l'entrée irrévocable dans la troisième phase dépend
de " travaux préparatoires " des Etats membres
concernés. Chaque Etat membre organise ces travaux préparatoires
conformément à ses règles constitutionnelles propres et
ils peuvent être soumis à une décision parlementaire (...).
Le Bundestag peut ainsi faire intervenir sa volonté de ne laisser la
future Union monétaire démarrer que si des critères
stricts de stabilité sont remplis, tout au moins dans le cadre de
l'article 23 paragraphe 3 de la Loi fondamentale et de la résolution du
2 décembre 1992 en vue d'une union économique et
monétaire en tant que communauté assurant la stabilité,
à appliquer dans le sens de la loyauté aux institutions, ainsi
que de la lettre du 2 avril 1993 du ministre fédéral des Finances.
" En fin de compte, en ratifiant le traité sur l'Union, la
République fédérale d'Allemagne n'accepte pas un
automatisme menant vers l'Union monétaire, automatisme qui une fois
enclenché ne pourrait plus être dirigé et
échapperait à tout contrôle : le traité ouvre la
voie à une intégration progressive de l'ordre juridique
européen, dont chaque étape supplémentaire dépend
soit de conditions actuellement prévisibles pour le Parlement, soit
d'une nouvelle approbation du gouvernement fédéral pour laquelle
le Parlement aura son mot à dire.
" L'évolution de l'Union monétaire obéira à
des règles prévisibles aussi après l'entrée dans la
troisième phase et elle sera ainsi soumise à l'aval du Parlement.
Le traité sur l'Union prévoit pour l'Union monétaire des
règles qui font d'elle une communauté tenue d'assurer durablement
la stabilité et en particulier la stabilité du pouvoir d'achat.
Il est certes impossible de prévoir si la stabilité de
l'écu comme monnaie peut être vraiment assurée de
manière durable sur la base des mesures prévues dans le
traité. La crainte d'un échec des efforts en matière de
stabilité qui pourrait amener les Etats membres à de nouvelles
concessions sur le plan de la politique financière est toutefois
étayée par trop peu d'éléments pour que l'on puisse
en conclure au défaut de précision juridique du traité. Le
traité contient des consignes à long terme qui font de l'objectif
de stabilité le critère de l'Union monétaire, qui
s'efforcent d'assurer par des mesures institutionnelles la réalisation
de cet objectif et qui en fin de compte - en dernier recours - ne font pas non
plus obstacle, en cas d'échec, à la dissolution du lien
communautaire. Selon l'article 105, paragraphe 1, du traité CE,
l'objectif du SEBC est de maintenir la stabilité des prix. Dans
l'accomplissement de ses missions, le SEBC jouit de l'indépendance que
lui confère l'article 107 du traité CE. La volonté des
Etats membres d'établir une Union économique et monétaire
comportant une monnaie stable résulte déjà du
sixième considérant du préambule du traité sur
l'Union. L'article 2 du traité CE déclare notamment que la
Communauté européenne a pour mission de parvenir à une
croissance non inflationniste et à un haut degré de convergence
des performances économiques. L'article 3, paragraphe 2 du
traité CE assigne comme objectif principal à l'instauration et
à la conduite de la politique monétaire et de la politique de
changes uniques prévue dans le traité, la stabilité des
prix. Par ailleurs, le traité CE comporte des dispositions
prévoyant que les Etats membres soutiennent et encouragent par leur
politique économique la stabilité de la monnaie
européenne. L'article 3 A, paragraphe 3 du traité CE fixe
également pour principes directeurs à l'action des Etats membres
des prix stables, des finances publiques et des conditions monétaires
saines et une balance des paiements stable (cf également l'article 102
A, deuxième phrase du traité CE). La politique économique
des Etats membres est déclarée question d'intérêt
commun, dont les grandes orientations sont coordonnées et
supervisées par une recommandation du Conseil (article 103). L'article
104 du traité CE interdit également aux banques centrales
nationales, aux organismes publics ou autres entreprises publiques des Etats
membres d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit ou
d'acquérir directement auprès d'eux des instruments de leur
dette. Aucun accès privilégié des organismes publics ou
des entreprises publiques des Etats membres aux institutions financières
ne doit être établi, si ce n'est à des fins de
contrôle (article 104 A du traité CE).
" L'article 104 B exclut que la Communauté ou un autre Etat membre
réponde des engagements des organismes publics ou des entreprises
publiques d'un Etat membre et les prenne en charge, de sorte qu'un Etat membre
ne pourra pas simplement se décharger sur d'autres des
conséquences d'une politique financière
inconsidérée. Enfin, l'article 104 C, en liaison avec le
Protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs,
impose aux Etats membres d'éviter les déficits publics excessifs
et les soumet à la surveillance de la Commission. Le Conseil, statuant
sur recommandation de la Commission, peut constater l'existence d'un
déficit excessif dans un Etat membre et intervenir pour qu'il soit
réduit.
" Cette conception qui consiste à assigner à l'Union
monétaire une fonction de maintien de la stabilité est le
fondement et l'objet de la loi allemande portant approbation du traité.
Si l'Union monétaire ne parvenait pas à assurer d'une
manière constante le développement de la stabilité
existant lors de l'entrée dans la troisième phase,
conformément à la mission de stabilisation convenue, elle
cesserait d'agir selon la conception inscrite dans le traité ".
III. LES ASPECTS ECONOMIQUES
A. LE PACTE DE STABILITE
Le mardi 29 octobre 1996, sous la présidence de
M. Jacques Genton, la délégation a entendu M. Jean-Paul
Fitoussi, président de l'Observatoire français des conjonctures
économiques (OFCE).
La première question à laquelle a répondu
M. Jean-Paul Fitoussi portait sur l'éventuel effet récessif
que pourrait avoir le pacte de stabilité budgétaire s'il
s'accompagnait d'une politique restrictive de la Banque centrale
européenne.
M. Jean-Paul Fitoussi
a estimé que l'on était
confronté à une incertitude quant au comportement des
autorités monétaires et quant au comportement des
autorités politiques, dans la mesure où l'on ne sait pas encore
quel sera le contrepoids politique à la Banque centrale
européenne. De manière générale, une politique
monétaire restrictive entrave la réduction du déficit
budgétaire, car elle en accroît le coût en termes d'emplois
et d'activités, tandis qu'une politique monétaire expansionniste
facilite la réduction de l'endettement des Etats. Si la politique
monétaire européenne était trop restrictive, les efforts
pour respecter le pacte de stabilité pourraient être d'autant plus
déstabilisateurs pour l'activité et l'emploi que les Etats
arriveront, lors de l'adoption de la monnaie unique, à la limite des
critères. La question fondamentale, a poursuivi M. Jean-Paul Fitoussi,
est de savoir comment un Gouvernement peut agir pour régler les
problèmes quotidiens des populations dont il a la charge lorsqu'il n'a
plus la maîtrise ni de la politique monétaire, ni de la politique
budgétaire ; une bonne politique structurelle ne peut en effet
compenser les effets d'une mauvaise politique macro-économique.
La seconde question concernait les éléments qui devraient
être pris en compte pour influer sur la parité de l'Euro.
Un pays, a expliqué
M. Jean-Paul Fitoussi
, est dans une situation
de compétitivité satisfaisante si trois conditions sont
simultanément réunies : il doit avoir un taux d'inflation voisin
de celui de ses partenaires ; il ne doit pas avoir de
déséquilibre extérieur important dès lors que le
taux d'intérêt est supérieur à son taux de
croissance ; il doit avoir une situation d'emploi et de croissance similaire
à celle des autres pays. Si les deux premières conditions sont
remplies pour la France et pour l'Europe, en revanche l'Europe - et la France
en particulier - souffrent depuis la fin des années 80 d'un
chômage de masse qui prouve que les conditions d'une bonne
compétitivité économique ne sont pas réunies.
L'explication tient à une surévaluation des monnaies
européennes, notamment du mark, de l'ordre de 20 % par rapport au
dollar. On peut craindre une surévaluation identique de l'Euro. Cette
situation est particulièrement défavorable lorsque l'inflation
est faible ou inexistante, comme c'est le cas actuellement. On inflige alors
aux entreprises une perte de compétitivité qui ne peut être
compensée que par la baisse de la masse salariale (licenciements et
modération salariale).
M. Jean-Paul-Fitoussi
a estimé que, pour la future parité
de l'Euro, il était essentiel de prendre en compte ces quatre variables
(différence des taux de chômage, différence des taux de
croissance, différence des taux d'inflation et différence des
déficits extérieurs) qui constituent autant
d'éléments objectifs déterminant les parités
d'équilibre ; il a souligné que cette analyse était
cohérente avec les différentes théories
économiques, qu'elles soient libérales ou interventionnistes.
La troisième question était relative à l'évolution
du cours des devises européennes à l'approche de la
troisième phase de l'Union monétaire.
M. Jean Paul Fitoussi
a indiqué que les périodes de
transition sont souvent des périodes de grande instabilité pour
les marchés financiers du fait des opportunités de
spéculation qui se présentent dans ces circonstances.
" Peut-on faire l'Euro autrement que par surprise ? " s'est
alors
interrogé M. Jean-Paul Fitoussi, car, à ses yeux, le
délai contenu dans le traité n'est pas fondé en logique
économique et il pourrait refléter, aux yeux des marchés,
l'indétermination des Etats membres qui s'acheminent vers l'UEM
" comme à contrecoeur ". On sait qu'une spéculation
peut se nourrir d'éléments très divers, comme la chute
d'une institution financière, une croissance plus vive dans un pays que
dans un autre, la faiblesse du dollar. Ce sont là autant de
phénomènes qui rendent plus risquée la période de
transition.
La quatrième question visait les moyens dont pourraient disposer les
Etats de la zone Euro pour réagir d'un point de vue
macro-économique en cas de choc asymétrique.
M. Jean-Paul Fitoussi
a estimé que, dès lors qu'ils ne
disposeraient ni de la politique monétaire, ni de la politique de
change, ni de la politique budgétaire globale, les Etats
confrontés à un choc asymétrique n'auraient que des marges
de manoeuvre extrêmement limitées, sinon nulles. Tout au plus les
pays participant à la monnaie unique pourraient-ils alors
apprécier si ce choc asymétrique constitue une
" circonstance exceptionnelle " permettant d'accorder une
marge de
manoeuvre plus grande aux pays concernés.
D'après la théorie économique, il y a plusieurs moyens de
réagir à un choc asymétrique dans une zone
monétaire unique. Le premier consiste à compenser partiellement
le choc par l'accroissement du déficit budgétaire. Le second
à faire jouer la solidarité budgétaire entre les pays
européens, ce qui impliquerait l'existence d'un budget
fédéral important. Le troisième à utiliser la
flexibilité des prix et des salaires ; celle-ci ne jouant qu'à
moyen terme, cela impliquerait que le pays concerné soit soumis à
une croissance relative du chômage par rapport à ses voisins
pendant une période qui pourrait durer au moins une décennie. M.
Jean-Paul Fitoussi a conclu qu'il ne semblait pas rationnel d'imaginer que l'on
puisse lier les Gouvernements par un pacte budgétaire en cas de choc
asymétrique et qu'il faudrait alors choisir, soit de nouer davantage les
solidarités européennes, soit de laisser une marge de manoeuvre
budgétaire aux Gouvernements européens.
M. Alain Richard
a alors demandé quelle pourrait être la
réaction de la Banque de réserve fédérale
américaine pour le cas où les autorités monétaires
européennes, convaincues par l'argumentation développée
par l'orateur, chercheraient à faire baisser de quelque 15 % ou
20 % la valeur relative de l'Euro par rapport au dollar.
M. Jean-Paul Fitoussi
a répondu que l'Europe ne pouvait que
gagner en pareil cas. En effet, c'est par la baisse des taux
d'intérêt que l'on peut faire baisser la valeur d'une monnaie.
Même si la baisse des taux d'intérêt en Europe incitait les
Etats-Unis à baisser leurs propres taux d'intérêt, cette
baisse se poursuivrait en Europe, ce qui ne pourrait qu'avoir des effets
positifs, même s'il ne s'ensuivait pas de modification dans la
parité de l'Euro avec le dollar. Il a ajouté que l'Euro
permettrait à l'Europe d'avoir une stratégie de change et qu'il
était lui-même favorable à la création de l'Euro
dans le mesure où l'on utiliserait cette possibilité de
stratégie de change.
M. Alain Richard
a demandé à M. Jean-Paul Fitoussi s'il
estimait que la plongée du déficit budgétaire
français, qui est passé de 2 % à 6 % du produit
intérieur brut en 1993-1994, avait aidé la France en termes de
croissance.
M. Jean-Paul Fitoussi
a répondu que, pour l'ensemble des
économistes, c'était la politique monétaire qui avait
engendré le déficit public en France. La politique
monétaire suivie par notre pays, consistant à appliquer la
même politique monétaire restrictive que l'Allemagne qui devait
alors répondre au choc que constituait l'unification, l'a conduit
à connaître le taux d'intérêt réel court qui
fut à la fois le plus élevé de son histoire (à
l'exception de quatre ans pendant les années trente) et le plus
élevé du monde, et cela alors même que la France ne
connaissait aucun problème d'inflation. Cet accroissement
considérable des taux d'intérêt réels
français, à contrecourant de la conjoncture, a provoqué un
effondrement des taux d'investissement et une baisse de la croissance. Il en
est résulté un effondrement des recettes publiques et, par
là même, une augmentation du déficit budgétaire. Il
eût été préférable, a ajouté M.
Jean-Paul Fitoussi, de réévaluer le mark, ce qui n'aurait mis en
danger ni la construction européenne, ni le système
monétaire européen.
M. Yves Guéna
a souligné la complexité du
problème que pose le niveau de parité entre l'Euro et le dollar ;
d'une part, on souhaite que l'Euro soit une monnaie forte ; mais, d'autre part,
on sait qu'il serait bon que le dollar soit réévalué par
rapport à l'Euro. La question est d'autant plus inquiétante que,
si la Réserve fédérale a son Gouvernement derrière
elle, on ne sait pas quelle autorité politique pourra être aux
côtés de la Banque centrale européenne. Enfin, M. Yves
Guéna a déclaré que, pour lui, un Gouvernement qui ne
maîtriserait ni la politique monétaire, ni la politique
budgétaire, ne serait plus un Gouvernement.
M. Xavier de Villepin
s'est étonné du pessimisme des
propos de M. Jean-Paul Fitoussi et a estimé que les
phénomènes nouveaux, qui ne manqueront pas de suivre la mise en
place de la monnaie unique, auront sans nul doute des effets positifs pour
l'Europe.
M. Paul Loridant
a renouvelé son interrogation quant à la
possibilité de réguler un système monétaire
centralisé en Europe sans cohérence du pouvoir politique.
M. Jean-Paul Fitoussi
a précisé que ses critiques
portaient sur la notion même de pacte de stabilité et non sur la
monnaie unique ; il a ajouté que l'Europe avait jusqu'à
présent payé des primes de risque excessives parce qu'il y avait
des taux de change intraeuropéens et que l'adoption de la monnaie unique
devrait permettre d'éliminer cette contrainte ; il a estimé en
conséquence que le pire était derrière nous. Quant au
pacte de stabilité, ce sera une contrainte ou non selon le taux de
croissance. Enfin, a-t-il conclu, le vrai problème tient à
l'absence de répondant politique réel à la Banque centrale
européenne.
B. LE " SME BIS "
Même si une incertitude subsiste sur la liste exacte des pays qui participeront, au 1 er janvier 1999, à la monnaie unique européenne -cette liste sera arrêtée au printemps 1998- il est clair que tous les Etats membres de la Communauté n'y participeront pas. Dès lors, se pose le problème des relations monétaires qui existeront entre les Etats participant à la monnaie unique et ceux conservant, au moins provisoirement, leur monnaie nationale.
1. Les orientations retenues
La réunion informelle du Conseil Ecofin, les 20 et 21
septembre 1996 à Dublin, a permis d'arrêter dans ce but les
grandes lignes d'un dispositif tendant à renforcer la convergence entre
pays participants et non-participants, et à prévoir un nouveau
mécanisme de change reliant l'euro et les monnaies nationales
subsistantes. Ces travaux servent de base à la communication de la
Commission européenne du 16 octobre 1996
" Procédures de convergence renforcées et nouveau
mécanisme de change dans la troisième phase de l'Union
économique et monétaire "
.
Pour le nouveau mécanisme de change
(" SME bis "),
les
caractéristiques retenues sont les suivantes :
- l'euro sera le point d'ancrage du système, qui sera composé de
relations bilatérales entre l'euro et les monnaies des Etats non
participants ;
- les marges de fluctuation seront " larges ", c'est-à-dire
que la marge de 15 % en plus ou en moins qui est actuellement en vigueur
sera très vraisemblablement transposée ; cependant, des
marges de fluctuations plus étroites pourront être introduites en
fonction des progrès de la convergence ;
- l'intervention aux limites permises de la fluctuation sera automatique, mais
pourra être suspendue si l'objectif premier de stabilité des prix
s'en trouve compromis ;
- des réalignements seront possibles.
Pour les
procédures de convergence renforcées
, le
document de la Commission européenne prévoit les mesures
suivantes :
- la présentation au Conseil de programmes de convergence devrait
devenir une obligation officielle pour les Etats membres non participants (au
même titre que la présentation de programmes de stabilité
par les Etats participants) ; ces programmes fixeraient des objectifs en
termes de taux d'inflation, de déficit budgétaire et de ratio
d'endettement, et contiendraient un calendrier des ajustements à
effectuer pour atteindre ces objectifs ;
- les programmes de convergence pourraient être approuvés par le
Conseil sur recommandation de la Commission, afin de définir un
engagement mutuel : "
celui des Etats non participants
d'avancer
rapidement vers les conditions nécessaires à l'adoption de
l'euro, et celui de l'Union européenne de soutenir ces Etats dans leurs
efforts
". Les objectifs budgétaires figurant dans ces
programmes serviraient de base aux recommandations à formuler dans le
cadre de la procédure de contrôle des déficits excessifs,
ainsi qu'à l'évaluation de l'application de ces recommandations.
Il est à noter que
la participation au " SME bis "
sera
volontaire
,
résultant d'un accord entre banques
centrales. La Grande-Bretagne, qui s'est réservée le droit de ne
pas participer à la monnaie unique, a indiqué à plusieurs
reprises qu'elle n'entendait pas participer, en tout état de cause, au
nouveau mécanisme de change.
2. L'impact des récentes dévaluations
Le " SME bis ", dont la communication de
la
Commission européenne décrit les grands traits, a certes pour but
de favoriser l'adoption ultérieure de l'euro par les Etats non
participants ; mais il est également destiné à
éviter, aussi longtemps que certains Etats membres conserveront leur
monnaie nationale, des dévaluations de grande ampleur comme celles qui
ont suivi la crise du système monétaire européen en 1992.
On peut observer que des analyses différentes existent quant à
l'impact de ces dévaluations.
a) L'analyse de la Commission européenne
La Commission européenne a présenté au
Conseil européen de Madrid (15-16 décembre 1995) une
communication sur "
l'impact des fluctuations monétaires sur le
marché intérieur
", qui considère que les
conséquences macroéconomiques de ces fluctuactions ont
été très limitées, leur impact étant
plutôt régional et sectoriel.
Cette communication a été analysée par notre
collègue Bernard Barbier, dans un rapport adopté par la
délégation du Sénat pour la planification (Rapport n°
65 Sénat, 1995-1996) qui en donne le résumé suivant :
L'impact des fluctuations monétaires sur le
marché intérieur
(Résumé de la Communication de la Commission au Conseil
Européen)
La communication de la Commission au Conseil Européen
sur l'impact des fluctuations monétaires en Europe depuis 1992 met en
évidence plusieurs phénomènes :
- un ralentissement de la croissance, de l'ordre de 0,25 à 0,5 % du
PIB, imputable à l'incertitude et à l'attentisme que les
turbulences monétaires ont suscités chez les agents
économiques ;
- un effet variable sur la compétitivité-coût : parmi les
pays dont la monnaie s'est dépréciée, certains ont connu
une amélioration de leur compétitivité-coût (c'est
le cas de l'Italie -l'amélioration est de l'ordre de 24 % par
rapport à la moyenne européenne entre 1987 et 1995-de l'Irlande,
de la Suède), d'autres une dégradation (l'Espagne), d'autres une
stabilité (le Royaume-Uni). Parmi les pays dont la monnaie s'est
appréciée, l'Allemagne connaît une dégradation
sensible de sa compétitivité-coût (- 20 % par
rapport à la moyenne européenne entre 1987 et I995) et la France
une relativité stabilité ;
- un effet secondaire sur les soldes commerciaux : la Commission
considère que l'évolution des soldes commerciaux semble moins
influencée par les fluctuations monétaires que par des facteurs
structurels ou par la différence du rythme de croissance entre les pays
membres ;
- un effet important sur les comportements de marge : si les
dévaluations ont eu des effets macroéconomiques limités,
ceci est imputable selon la Commission aux comportements de marge des
exportateurs : dans les pays dont la monnaie s'est
dépréciée, ceux-ci ont mis à profit la
dévaluation pour augmenter leurs marges bénéficiaires et
donc, leur prix en monnaie nationale ; un phénomène inverse s'est
produit dans les pays dont la monnaie s'est appréciée
(contraction des marges) ;
- un impact plus sensible aux niveaux sectoriel et régional : certains
secteurs semblent néanmoins touchés par l'impact des fluctuations
monétaires : dans l'automobile ou l'habillement, les pays à
monnaie stable connaissent une érosion des marges et une diminution des
exportations en volume. Certaines régions frontalières
connaissent également des difficultés.
Sur la base de ce constat, la Commission invite les Etats membres à
s'attaquer aux causes des fluctuations monétaires plutôt
qu'à leurs effets.
Elle considère ainsi que les perturbations monétaires ont
globalement un impact négatif sur l'économie européenne en
raison de l'incertitude qu'elles génèrent sur les
opérateurs économiques, laquelle freine les investissements et
ralentit la croissance. Ainsi la réponse à ces difficultés
se trouve-t-elle dans un renforcement de la convergence des économies
européennes, préalable à la mise en oeuvre de la monnaie
unique, "
complément indispensable
" du Marché unique.
Dans ces conditions, vouloir corriger les effets des fluctuations
monétaires pour les secteurs et les régions les plus
touchés "
risquerait d'aggraver les problèmes
". La
Commission recommande donc de ne pas modifier les règles et les
mécanismes communautaires en vigueur en matière d'interventions
régionales.
b) L'analyse de M. Christian de Boissieu
Le rapport adopté par la délégation de
l'Assemblée nationale pour l'Union européenne en décembre
1995 au sujet des problèmes monétaires européens, dû
à notre collègue député Maurice Ligot
(4(
*
))
, fait
état de l'analyse sensiblement
différente de M. Christian de Boissieu, professeur de sciences
économiques à l'Université de Paris I :
" M. Christian de Boissieu (...) a déclaré à votre
rapporteur qu'il reconnaît l'ampleur des dévaluations
compétitives européennes, totalement sous-estimées par la
Commission européenne. Il reconnaît également la
sous-évaluation du dollar, dont le cours devrait, à ses yeux, se
situer aux alentours de 6,50 francs pour un dollar. Certes, les
dépréciations de la lire, de la livre et de la peseta, de
septembre 1992 à fin 1993, n'ont fait que corriger le mauvais
fonctionnement du SME depuis 1987. Mais, depuis le début 1994, ces
monnaies sont allées au delà du simple rattrapage et on peut
réellement parler de dévaluations compétitives. (...)
Seuls les comportements de compression de marge pratiqués par les
entreprises ont permis de maintenir les parts de marchés
françaises. Mais une telle situation n'est tenable que de façon
limitée dans le temps (un, deux ou trois ans au maximum), et les
problèmes ne feront que s'aggraver, si aucune solution n'est
trouvée. C'est pourquoi M. Christian de Boissieu ne partage pas le
point de vue de la Commission sur l'innocuité des dévaluations
(...).
" Pour M. Christian de Boissieu, la monnaie unique est nécessaire,
car elle permet d'optimiser le marché unique et de
rééquilibrer à terme, les forces monétaires
internationales. Mais la monnaie unique ne constitue pas une réponse
appropriée aux problèmes des dévaluations
compétitives. Dans le meilleur des cas, six ou huit pays participeront
à cette monnaie unique en 1999. (...) Pour M. Christian de Boissieu, il
faut interpréter les critères de convergence de façon
pragmatique, sans pour autant accepter de laxisme. (...). Il considère,
pour sa part, que, dans tous les cas, ni l'Italie, ni la Grande-Bretagne et ni
l'Espagne ne participeront à la monnaie unique dès 1999. De plus,
les marchés monétaires exerceront une pression à la baisse
sur leurs devises, qui se déprécieront encore plus. Loin de
régler le problème des dévaluation compétitives, la
monnaie unique les accentuera !
" Quelle est, par ailleurs, la solution envisageable pour les
relations
entre les pays participant à la monnaie unique et les autres ?
M. Christian de Boissieu constate, à cet égard,
l'impossibilité et l'inutilité de l'instauration de montants
compensatoires monétaires, demandés par certains industriels.
Pour lui, la solution préconisée par la Commission
européenne, à savoir la continuation de la surveillance
multilatérale, ne permet pas de résoudre les problèmes
urgents des entreprises. Il faut donc, selon M. Christian de Boissieu,
organiser les relations entre pays du noyau dur monétaire (premier
cercle) et pays de la périphérie (deuxième cercle). Pour
lui, il y a peu de chances que l'on retrouve, au niveau international, une zone
de stabilité monétaire dans les dix ans à venir: il faudra
donc s'accommoder de changes flottants. M. Christian de Boissieu se
prononce pour l'instauration d'un nouveau système monétaire
européen à bandes intermédiaires, de l'ordre de 7 ou
8 %. Les pays qui ne participeront pas à la monnaie unique devront
ainsi s'ancrer autour de la monnaie unique, et ainsi bénéficier
de sa crédibilité. "
L'analyse de M. Christian de Boissieu conduit donc à souligner plus que
ne l'a fait la Commission européenne, les dangers des
" dévaluations compétitives ".
Il convient toutefois de remarquer que la communication de la Commission
européenne du 16 octobre 1996 répond au moins en partie aux
préoccupations exprimées par M. Christian de Boissieu :
- elle prévoit d'organiser les relations entre le " premier
cercle " et le " deuxième cercle " par un nouveau
mécanisme de change ;
- si la marge de fluctuation envisagée reste importante ( 15 %),
il est prévu de pouvoir la réduire en fonction des progrès
de la convergence.
Par ailleurs, on peut souligner que les monnaies européennes
affectées en 1992 par des dévaluations de grande ampleur ont eu
tendance à s'apprécier dans les derniers mois, ce qui a quelque
peu atténué les distorsions de concurrence que celles-ci avaient
entraînées.
3. Sanctionner les dévaluations compétitives ?
Dans le contexte du débat sur le renforcement de la
convergence, la France a fait remarquer que le système actuel des aides
communautaires donne une " prime " aux Etats dont les
monnaies se
déprécient, puisque ces aides, fixées en écus,
augmentent en monnaie nationale en cas de dévaluation.
La France a ainsi proposé que tout paiement communautaire à un
Etat ayant pratiqué une " dévaluation
compétitive " soit recalculé afin de faire disparaître
l'avantage résultant de l'aspect compétitif de la
dévaluation. La part de la dévaluation qui dépasserait le
différentiel d'inflation serait le taux applicable à cette
correction.
La France a également proposé que soit étendue aux fonds
structurels une forme de conditionnalité, analogue à celle
applicable au fonds de cohésion. Le bénéfice de ces fonds
pourrait être suspendu lorsqu'un Etat membre serait en situation de
déficit excessif et se refuserait à corriger celle-ci.
Toutefois, la Commission européenne a repoussé ces propositions.
Elle a résumé les motifs de son refus dans le document
suivant :
Renforcement de la convergence durant la troisième phase de l'UEM
A l'initiative du ministre Arthuis, plusieurs suggestions
visant au "
renforcement de la convergence et à la lutte contre
les fluctuations monétaires
" ont été
évoquées lors du Conseil ECOFIN informel qui a eu lieu à
Vérone les 12 et 13 avril 1996. Elles s'inscrivent dans le cadre du
passage à la troisième phase de l'Union économique et
monétaire et de la relation entre, d'une part, les États membres
participants (pays " in ") et, d'autre part, les États
membres
qui ne participent pas encore et les États membres disposant d'une
option de sortie (pays " pré-in ").
En particulier, M. Arthuis a proposé d'abord de trouver "
une
solution afin que ces fonds (fonds structurels) ne conduisent pas à des
versements plus importants, une fois convertis en monnaie nationale, aux pays
dont la monnaie s'est dépréciée. On pourrait par exemple
concevoir, pour ces pays, la reprogrammation des versements sur la base de
l'évolution du taux de change réel.
"
M. Arthuis a ensuite suggéré d'introduire un "
lien entre
le versement des fonds structurels et la politique macroéconomique
suivie dans nos pays. A la veille de la réalisation de l'Union
économique et monétaire, le devoir de solidarité et le
budget de l'Union doivent tenir compte des efforts accomplis en matière
de convergence. Dans ces conditions, on pourrait s'inspirer de ce qui a
déjà été instauré pour le versement des
aides du fonds de cohésion, qui peut être suspendu en cas de
non-respect des recommandations individuelles adressées à chaque
État membre en situation de déficit public excessif
".
La Commission a accepté d'étudier ces idées, comme les
autres suggestions faites lors du même Conseil informel (...). Une
convergence renforcée est un élément essentiel de la
relation entre pays " in " et pays
" pré-in ". En
outre, l'article 109M du Traité précise que la disposition selon
laquelle " chaque État membre traite sa politique de change comme
un problème d'intérêt commun " s'applique aux
États membres faisant l'objet d'une dérogation durant la
troisième phase.
La réalisation d'une croissance durable et harmonieuse dans un
marché intérieur qui fonctionne bien implique que les
États membres respectent l'objectif de la convergence économique.
Un cadre politique privilégiant la discipline budgétaire pourrait
contribuer à prévenir les perturbations économiques
liées aux variations de taux de change entre l'euro et les monnaies des
pavs " pré-in ". Cela étant, les propositions visant
à moduler les versements des fonds structurels doivent être
considérées en tenant compte des contraintes suivantes :
à il serait impossible de modifier les règlements
régissant les fonds structurels avant la fin de 1999, ou de revoir le
fonctionnement du budget communautaire avant la troisième phase de
l'UEM. Une modification des règlements actuels des fonds structurels ne
requerrait pas seulement l'unanimité, mais serait aussi contraire au
principe de la confiance légitime pour l'ensemble des programmes en
cours ;
à après la conclusion de la CIG, la Commission présentera
une communication sur le futur cadrage financier pour la période
postérieure à 1999. Afin de ne pas en compromettre la
cohérence d'ensemble, aucun de ses éléments constitutifs
ne sera en tout état de cause examiné avant cette date ;
à l'utilisation de l'écu dans les fonds structurels fait partie
de l'acquis communautaire. Dans la perspective du passage à l'euro, il
serait totalement inopportun d'intensifier, par le biais de mécanismes
complexes, l'utilisation des monnaies nationales dans le budget communautaire.
En outre, dans la mesure où. les États membres non-participants
ont l'intention de rejoindre les autres dès que possible, la mise en
place de ces mécanismes réclamerait un effort
disproportionné eu égard à leur caractère
temporaire ;
à l'introduction de l'euro comme monnaie unique réduira le
risque de change qui pèse actuellement sur le budget communautaire. Il
ne serait donc pas judicieux d'introduire de nouveaux mécanismes, tels
que la modulation des versements en fonction des fluctuations des taux de
change nominaux, qui entraîneraient un risque de change accru pour le
budget communautaire ;
à enfin il convient de rappeler qu'aucun nouveau critère
d'entrée dans la troisième phase de l'UEM ne doit être
établi.
Le présent document de travail fait état de considérations
techniques additionnelles dans ses deux chapitres ci-après, dont les
principales conclusions sont les suivantes :
à la proposition consistant à lier les versements des fonds
structurels à l'évolution des taux de change réels ne
permettrait pas d'atteindre les objectifs visés. Le fait de sanctionner
les dépréciations réelles, sans tenir compte de leurs
causes, risquerait de pénaliser des pays qui ont stabilisé leur
économie. Une dépréciation nominale ne résulte pas
systématiquement ou exclusivement d'un manque de rigueur de la politique
économique. En tout état de cause, il faudrait opérer des
choix techniques arbitraires concernant la mesure de l'évolution des
taux de change et les différentes possibilités de mise en oeuvre,
qui pourraient influer considérablement sur les résultats. Enfin,
il conviendrait de décider quel traitement réserver aux pays dont
la monnaie s'est appréciée, et dans quelles proportions
réduire les versements à ceux qui ont connu une
dépréciation ;
à l'objectif de cohésion économique et sociale poursuivi
par les fonds structurels est un objectif plus large que celui de la
convergence nominale. En ce qui concerne la proposition visant à
instaurer une conditionnalité macroéconomique pour les fonds
structurels, le mécanisme existant de conditionnalité du fonds de
cohésion ne rendrait pas compte de leur finalité à moyen
et long terme. En outre, vu l'ampleur des fonds structurels, une suspension des
versements pourrait avoir des effets disproportionnés dans les
États membres, notamment si elle n'était pas liée à
l'ampleur du déficit, avec le risque sérieux de compromettre le
processus de rattrapage. Par ailleurs. d'importants problèmes techniques
se poseraient, le principe de programmation impliquant une certaine
continuité dans le soutien communautaire. Enfin, les principaux
bénéficiaires des fonds structurels sont des régions et
des groupes sociaux (les chômeurs, par exemple) qui ne doivent pas
être pénalisés.
C. LE RESPECT DES CRITERES DE CONVERGENCE
1. La situation actuelle
L'état actuel du respect des critères de
convergence par les Etats membres est indiqué dans le tableau
ci-après :
LE RESPECT DES CRITERES DE CONVERGENCE : LA SITUATION ACTUELLE (Octobre 1996) |
||||||||
|
Inflation |
Taux d'intérêt |
Situation des finances publiques |
Taux de change |
||||
|
Indice provisoire des prix à la consommation |
Taux d'intérêt à long terme |
Existence d'un déficit excessif |
Déficit/PIB |
Dette/PIB |
|
||
|
Sept. 95/Août 96 |
Sept. 95/Août 96 |
|
1995 |
1995 |
Progression 1994/1995 |
Progression 1993/1995 |
Participation au mécanisme de change du SME |
Allemagne |
1,3 |
6,4 |
oui |
3,5 |
58,1 |
7,7 |
9,9 |
oui |
Autriche |
1,7 |
6,6 |
oui |
6,2 |
69,4 |
4,4 |
6,6 |
oui |
Belgique |
1,8 |
6,8 |
oui |
4,5 |
133,7 |
- 2,3 |
- 4,2 |
oui |
Danemark |
2,2 |
7,5 |
non |
1,4 |
71,9 |
- 4,1 |
- 8,2 |
oui |
Espagne |
3,9 |
9,7 |
oui |
6,6 |
65,7 |
2,6 |
5,2 |
oui |
Finlande |
0,8 |
7,5 |
oui |
5,6 |
59,4 |
- 0,1 |
2,1 |
oui |
France |
2,2 |
6,7 |
oui |
5 |
52,4 |
4 |
7 |
oui |
Grèce |
8,4 |
16,3 |
oui |
9,2 |
11,5 |
1,3 |
- 0,1 |
non |
Irlande |
2,1 |
7,6 |
non |
2,4 |
85,5 |
- 5,6 |
- 12 |
oui |
Italie |
4,9 |
10,5 |
oui |
7,1 |
124,8 |
- 0,8 |
5,4 |
non |
Luxembourg |
1,4 |
7 |
non |
- 0,3 |
5,9 |
0 |
0 |
oui |
Pays-Bas |
1,2 |
6,3 |
oui |
3,4 |
79 |
1,4 |
- 2,1 |
oui |
Portugal |
3,1 |
9,7 |
oui |
5,4 |
71,6 |
1,6 |
4,4 |
oui |
Royaume-Uni |
3,1 |
8 |
oui |
6 |
54,1 |
3,8 |
5,6 |
non |
Suède |
1,7 |
8,7 |
oui |
6 |
54,1 |
3,8 |
5,6 |
non |
Union européenne |
2,7 |
8 |
|
5 |
71,2 |
3 |
5 |
|
Critère |
2,7 (1,1 + 1,5) % |
8,7 (6,7 + 2) % |
|
3 % |
60 % |
|
|
|
Source : Commission européenne |
2. Les prévisions pour la fin de 1997
Le 7 novembre 1996, la Commission européenne a rendu
public un document indiquant ses prévisions sur le respect des trois
principaux critères (déficit public, dette publique, inflation)
à la fin de 1997.
Ces prévisions sont retracées dans le tableau suivant :
LE RESPECT DES CRITÈRES DE CONVERGENCE :
PRÉVISIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR LA FIN DE
L'ANNÉE 1997
|
DÉFICIT PUBLIC |
DETTE PUBLIQUE |
INFLATION |
MAXIMUM AUTORISÉ |
3% du PIB |
60% du PIB (1) |
+ 3,1% |
FRANCE |
3,0% |
58,1% |
1,4% |
PAYS-BAS |
2,5% |
76,8% |
2,0% |
LUXEMBOURG |
0,5% |
8,8% |
2,1% |
DANEMARK |
0,3% |
67,8% |
2,4% |
IRLANDE |
0,9% |
70,0% |
2,2% |
ALLEMAGNE |
2,9% |
61,9% |
1,7% |
ESPAGNE |
3,0% |
67,1% |
2,9% |
PORTUGAL |
2,9% |
69,0% |
3,0% |
BELGIQUE |
2,9% |
127,0% |
2,1% |
AUTRICHE |
3,0% |
72,2% |
1,9% |
SUÈDE |
2,9% |
77,6% |
2,3% |
FINLANDE |
2,2% |
61,5% |
1,5% |
ROYAUME-UNI |
3,0% |
57,0% |
2,4% |
ITALIE |
3,3% |
122,3% |
2,9% |
GRÈCE |
6,5% |
109,3% |
6,9% |
Source : Commission européenne (1) ou en baisse
significative
BILAN |
|
RÉPONDRONT AUX 3
PRINCIPAUX
CRITÈRES :
|
|
RÉPONDRONT À 2 DES PRINCIPAUX CRITÈRES : |
|
FINLANDE |
DANEMARK |
SUÈDE |
ALLEMAGNE |
BELGIQUE |
AUTRICHE |
PAYS-BAS |
ESPAGNE |
IRLANDE |
PORTUGAL |
RÉPONDRA
À 1 DES PRINCIPAUX
CRITÈRES :
|
|
NE
RÉPONDRA À AUCUN DES PRINCIPAUX
CRITÈRES :
|
IV. LES TRAVAUX DE LA DELEGATION
1. Séance du mardi 29 octobre 1996
La délégation du Sénat pour l'Union
européenne a tenu une première réunion au sujet des
propositions d'actes communautaires E 719 et E 720.
M. Jacques Genton
a souligné que la réunion de la
délégation portait en réalité sur sept textes
communautaires : trois communications de la Commission, trois propositions de
règlement qui devraient être adoptées prochainement par le
Conseil ainsi qu'une dernière proposition de règlement, qui ne
pourra être adoptée formellement par le Conseil qu'en 1998, mais
devrait néanmoins faire prochainement l'objet d'un accord politique. Ces
textes visent tous à permettre la mise en place de la monnaie unique.
Six d'entre eux sont regroupés en deux documents déposés
sur le Bureau du Sénat, en application de l'article 88-4, sous les
numéros E 719 et E 720. Ces deux documents ont été
enregistrés le 23 octobre 1996. D'après la circulaire du Premier
ministre de juillet 1994, la délégation et le Sénat ont
donc jusqu'au 22 novembre 1996 pour faire savoir au Gouvernement s'ils
souhaitent s'exprimer à leur sujet.
M. Jacques Genton a ajouté que M. de Villepin, qui est depuis longtemps
le spécialiste de la délégation du Sénat sur les
questions monétaires, avait en conséquence souhaité que,
sans tarder, la délégation soit le plus complètement
possible informée sur le contenu de ces textes et sur leurs implications.
M. Xavier de Villepin
a alors commenté un tableau mentionnant,
pour chacun des Etats membres, sa situation au regard du respect des
critères de convergence établis par le Traité de
Maastricht. Il a souligné que la France poursuivait son objectif
d'abaissement du déficit budgétaire selon le calendrier qu'elle
s'est fixé, à savoir 5 % du produit intérieur brut (PIB)
en 1995, 4 % en 1996 et 3 % en 1997.
Les propositions en cours d'examen résultent de l'accord intervenu au
cours du Conseil européen de Madrid de décembre 1995 et du
Conseil des ministres de l'économie et des finances qui s'est
déroulé les 20 et 21 septembre 1996 à Dublin. Elles
portent sur :
- le statut juridique de l'Euro ;
- le pacte de stabilité budgétaire auquel devront souscrire les
pays de l'Union européenne qui adopteront une monnaie unique au
1
er
janvier 1999 ;
- le fonctionnement du nouveau système monétaire européen
(SME-bis).
Le pacte de stabilité budgétaire fait l'objet de deux
propositions. La première est un règlement du Conseil relatif au
renforcement de la surveillance et de la coordination des situations
budgétaires ; il est fondé sur l'article 103, paragraphe 5,
du Traité. La seconde est un règlement du Conseil relatif
à l'accélération et à la clarification du
déroulement de la procédure des déficits excessifs ;
il est fondé sur l'article 104 C, paragraphe 14, du Traité.
Le premier règlement définit ce qu'est un " programme de
stabilité ". Il comprend comme objectif l'excédent ou
l'équilibre des finances publiques des Etats membres, les variations
conjoncturelles annuelles du déficit budgétaire ne pouvant
excéder 3 % du PIB. Le second règlement porte sur les sanctions
applicables aux Etats qui ne respectent pas le critère
d'équilibre des finances publiques. Il fixe un délai de dix mois
à chaque pays pour le rétablissement de ses comptes publics,
faute de quoi le Conseil pourra, à la majorité
pondérée des deux tiers des Etats participant à l'Euro -
la voix de l'Etat concerné n'étant pas prise en compte -,
infliger des sanctions à ce pays. La sanction comprendra un montant fixe
égal à 0,2 % du PIB plus un cinquième de
l'écart entre le déficit réel et la valeur de
référence maximale de 3 % fixée par le traité. La
sanction sera néanmoins plafonnée à 0,5 % du PIB.
L'ensemble des quinze Etats membres de l'Union européenne participent
aux négociations et à l'adoption, avant la fin de 1996, du pacte
de stabilité budgétaire. Toutefois les dispositions du
traité précisées par ces deux règlements ne
s'appliqueront qu'aux Etats participant à la monnaie unique :
- à compter du 1
er
juillet 1998 pour les procédures de
surveillance renforcées des déficits publics ;
- à compter du 1
er
janvier 1999 pour l'application des
sanctions de la procédure des déficits excessifs.
M. Xavier de Villepin
a indiqué que le cadre juridique de
l'utilisation de l'Euro s'appuyait sur deux propositions de règlements
du Conseil. La première proposition de règlement, qui est
relative à l'introduction de l'Euro, porte sur la confirmation du nom de
l'Euro à la place du terme générique
d'" écu " employé dans le traité, sur la date
d'introduction des billets et pièces libellées en Euro
(1
er
janvier 2002 au plus tard), sur la continuité des
contrats libellés en écus ou en monnaies nationales et sur
l'équivalence entre l'Ecu panier et l'Euro au taux de un pour un.
Ce règlement, qui est basé sur l'article 109 L du traité,
ne pourra s'appliquer qu'à compter de 1998, lorsque la liste des pays
participant à la monnaie unique sera connue. Or il semble
nécessaire, dès maintenant, d'établir la
sécurité juridique pour les opérateurs du marché.
C'est pourquoi un second règlement, qui fixe certaines dispositions
relatives à l'introduction de l'Euro, est proposé sur la base de
l'article 235 du traité. Il a le même objet que le premier. Le
rapporteur a souligné que le recours à l'article 235 du
traité pourrait présenter un risque juridique dans la mesure
où la Cour de justice des Communautés, dans son avis 2/94 du 28
mars 1996, avait marqué les limites de l'utilisation de cet article en
déclarant qu'il ne peut ouvrir la voie à une modification du
Traité.
M. Xavier de Villepin
a encore indiqué que la mise en place d'un
nouveau SME, demandée notamment par la France - d'abord au Conseil
européen de Madrid de décembre 1995, puis au Conseil des
ministres de l'économie et des finances de Vérone des 12 et 13
avril 1995 - était possible sur la base de l'article 103 § 5 du
traité. A l'heure actuelle, la Commission n'a présenté
qu'une communication, non assortie de propositions de législation
formelle. Cette communication n'a pas été transmise au Parlement
français dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution au motif
qu'elle n'est pas accompagnée de propositions législatives
formelles.
Le nouveau mécanisme de change incitera les Etats membres qui n'auront
pas adopté la monnaie unique à des efforts de convergence et de
discipline ; en ce sens, il devrait régir :
- les relations bilatérales entre l'Euro et les monnaies des Etats
membres non participants, l'Euro étant le point d'ancrage du SME bis ;
- la fixation des taux pivots et des marges de fluctuations dans le cadre d'une
procédure commune associant le Conseil, les gouverneurs de la Banque
centrale européenne et des banques centrales des Etats membres non
participants, ainsi que la Commission.
Les marges de fluctuations seraient larges et l'intervention aux marges serait
automatique, sauf mise en péril de la stabilité des prix. Le
rapporteur a souligné la réticence de la Grande-Bretagne sur ce
dernier point. Il a encore indiqué que l'accord de la Grande-Bretagne
était nécessaire pour l'adoption du règlement sur
l'introduction de l'Euro avant la troisième phase de l'UEM ainsi que
pour celle du règlement sur le pacte de stabilité, puisque ces
textes doivent être pris à l'unanimité des Quinze.
M. Xavier de Villepin
a expliqué que ces textes devraient faire
l'objet d'un accord politique lors du Conseil européen des Chefs d'Etat
et de Gouvernement qui se réunira à Dublin les 13 et 14
décembre prochain. Pour préparer les travaux du Conseil
européen, le Conseil des ministres de l'économie et des finances
examinera le 11 novembre prochain la communication de la Commission sur le
nouveau système de change. Le Conseil des ministres des finances
examinera le 2 décembre les propositions de règlement sur le
statut de l'Euro et sur le pacte de stabilité financière,
étant entendu qu'un des deux règlements concernant l'Euro (celui
basé sur l'article 109 L § 4) ne pourra être formellement
adopté par les Etats qu'à partir du moment où sera connue,
en 1998, la liste des Etats faisant partie de la monnaie unique.
Compte tenu de ce calendrier, M. Xavier de Villepin a conclu que la
délégation et le Sénat ne pouvaient intervenir
efficacement qu'avant la réunion du Conseil européen et du
Conseil des ministres des finances, c'est-à-dire avant le 2
décembre 1996. Devant l'importance de ces textes, il lui a semblé
nécessaire d'ouvrir un débat, d'abord en
délégation, puis ultérieurement en séance publique,
après avoir entendu le ministre de l'économie et des finances le
14 novembre 1996.
M. Christian de La Malène
s'est étonné du recours
à des propositions de règlement du Conseil pour la mise en place
d'un pacte de stabilité budgétaire en Europe. Il s'est
demandé si un engagement d'une telle importance en matière de
finances publiques - qui n'est pas sans implications constitutionnelles pour la
France - pouvait résulter d'un acte communautaire ou s'il
nécessitait un traité international. Il a rappelé que les
parlements nationaux s'étaient constitués dans le passé
pour consentir l'impôt et a souhaité que l'on examine si la
Constitution française permettait de limiter ainsi le pouvoir
budgétaire du Parlement.
M. Paul Loridant
, exprimant son accord avec les propos de
M. Christian de La Malène, a craint que l'entrée
dans l'Union monétaire ne ressemble à l'entrée dans la vie
monacale et que les Etats ne soient enserrés par des règles de
plus en plus contraignantes. Notant que le nouveau mécanisme de change
résultait d'une initiative de la Commission et du Conseil et qu'il
n'était pas prévu par le Traité, il a estimé que le
Parlement devait en être saisi. Le pouvoir exécutif s'est
démuni du pouvoir monétaire en le remettant aux Banques
centrales ; il est en train de s'amputer du pouvoir budgétaire ; il
est temps, a poursuivi M. Paul Loridant, que l'on consulte les
Français soit par la voix de leurs représentants au Parlement,
soit par celle du référendum.
M. Gérard Delfau
a déclaré que les questions
formulées par M. Christian de La Malène lui paraissaient
d'une grande importance. Tout en réservant en l'état ses
conclusions, il a craint que le Gouvernement ne se soit imprudemment
avancé et a estimé que le Parlement ne pouvait être
dessaisi. Aussi la délégation du Sénat pour l'Union
européenne doit-elle se saisir de ces propositions et provoquer un
débat en séance publique, sanctionné par un vote. D'ici
là, il convient de s'informer le plus complètement possible. Il
s'est dit choqué de la prise de position récente d'un ministre
allemand mettant en cause les déclarations d'un député
français, ancien Premier ministre, M. Laurent Fabius. Le
débat qui se noue actuellement et qui inquiète certains, a-t-il
conclu, est essentiel et ne saurait être étouffé.
M. Jacques Genton
, président, a souligné que la mise en
place d'un nouveau système monétaire européen avait
été demandée par les Français, et répondait
à une préoccupation exprimée par des groupes
parlementaires du Sénat et des membres de la délégation.
M. Xavier de Villepin
a répondu aux différents
intervenants. De son point de vue, les propositions d'actes proposées
par la Commission européenne s'inscrivent parfaitement dans le cadre
juridique du Traité de Maastricht : elles ne constituent pas une
surprise et s'inspirent directement de l'esprit du traité. Le nouveau
mécanisme de change européen est indispensable pour éviter
de nouvelles dévaluations compétitives comme celles qu'on a
connues en 1992. Le pacte de stabilité est également souhaitable
pour une meilleure efficacité des finances publiques des Etats. Il
convient néanmoins d'examiner les éventuelles difficultés
juridiques qui pourraient se poser et suivre les développements de ces
questions dans les autres Etats membres de l'Union européenne.
Au cours de la même séance
, la délégation a
entendu successivement, au sujet de la mise en place de l'euro (cadre
juridique, pacte de stabilité, nouveau mécanisme de
change) :
- M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'Observatoire
Français de conjonctures économiques (OFCE). Un compte tendu de
cette audition figure
supra
., p. 23-26 ;
- M. Hervé Hannoun, sous-gouverneur de la Banque de France, qui a
souhaité que son audition ne fasse pas l'objet d'un compte rendu.
2. Séance du mercredi 6 novembre 1996
La délégation a procédé à
un échange de vues sur les propositions d'actes communautaires
E 719 et E 720 relatives à la mise en place de l'euro (cadre
juridique, pacte de stabilité, nouveau mécanisme de change).
M. Xavier de Villepin
a tout d'abord rappelé le calendrier
d'examen des propositions d'actes communautaires qui ont été
transmises au Sénat le 23 octobre 1996 dans le cadre de l'article
88 alinéa 4 de la Constitution.
Ces propositions devraient faire l'objet d'un accord politique lors du Conseil
européen des Chefs d'Etat et de Gouvernement qui se réunira
à Dublin les 13 et 14 décembre prochain. Le Conseil des ministres
de l'économie et des finances examinera le 11 novembre 1996 la
communication de la Commission sur le nouveau système de change. Le
Conseil des ministres des finances examinera le 2 décembre les
propositions de règlement sur le statut de l'euro et sur le pacte de
stabilité financière, étant entendu qu'un des deux
règlements concernant l'euro (celui basé sur l'article 109 L
§4) ne pourra être formellement adopté par le Conseil
qu'à partir du moment où seront connus, en 1998, le nom des Etats
faisant partie de la monnaie unique.
M. Xavier de Villepin
a ensuite souligné que, à l'occasion
de la présentation de ces textes devant la délégation le
29 octobre 1996, il avait constaté que l'ensemble des intervenants
estimaient qu'il ne serait pas compréhensible que le Sénat ne se
prononce pas dans le cadre des dispositions de l'article 88 alinéa 4 de
la Constitution, en raison même de l'importance de la question
abordée et des différentes appréciations qui sont apparues
au cours de cette réunion.
Précisant qu'il rejoignait ainsi la position que M. Alain Lamassoure
avait défendue plusieurs fois devant le Sénat lorsqu'il
était ministre des affaires européennes,
M. Xavier de
Villepin
a indiqué qu'il souhaitait que le Sénat ait un
débat en séance publique sur ce sujet. Pour qu'un tel
débat puisse avoir lieu, a-t-il ajouté, il faut que la
procédure prévue s'engage rapidement. Il a alors fait savoir
qu'il avait préparé, à titre personnel, une proposition de
résolution destinée à être transmise, pour examen,
à la commission des finances. Des amendements pourront y être
apportés. Un débat pourra alors s'engager en séance
publique si la Conférence des présidents décide
l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de la proposition de
résolution.
M. Xavier de Villepin
a ensuite jugé souhaitable que les
sénateurs disposent des informations nécessaires pour que chacun
puisse se forger sa propre opinion. A cette fin, il a proposé de
préparer, au nom de la délégation, un rapport
d'information qui ne se prononcerait pas sur les textes communautaires qui sont
soumis pour examen par le Parlement, mais se bornerait à rassembler -
aussi objectivement que possible - les éléments d'information
permettant d'éclairer ces textes difficiles.
M. Robert Badinter
a tenu à attirer l'attention du rapporteur sur
un problème juridique, à ses yeux, important et méconnu,
à savoir celui de la dénomination de la monnaie unique sous le
vocable de " euro ". Il a rappelé que le traité sur
l'Union européenne, signé à Maastricht avait fixé,
le nom de cette monnaie : l'écu. Elle est distincte de la question de la
définition de la monnaie. Cette dénomination est contenue dans
plusieurs articles du traité. Par exemple l'article 109 F point 3
précise que, en vue de préparer la troisième phase,
l'Institut monétaire européen (IME) " supervise la
préparation technique des billets de banque libellés en
écus ". Il a insisté sur le fait que, à partir du
moment où le traité précise qu'il s'agit de billets
" libellés en écus ", le traité de Maastricht a
manifestement choisi l'écu comme nom de la monnaie unique. Il a encore
ajouté que le fait que l'article 109 G indique que " la composition
en monnaies du panier de l'écu reste inchangé ", signifie
que la valeur de la monnaie unique correspond à la pondération
actuelle de l'écu. Il s'est demandé si le changement de
dénomination, invoqué pour des motifs culturels en Allemagne, ne
risquerait pas d'avoir des conséquences juridiques importantes à
l'égard des dispositions du Traité. Il s'est en particulier
demandé si, à l'occasion du changement de nom
décidé de manière politique par le Conseil européen
de Madrid, les négociateurs avaient pensé aux effets de ce
changement de nom sur l'équilibre juridique contenu dans le
traité et si le droit dérivé, qui est maintenant
proposé, était compatible avec le droit originel des
traités.
Insistant sur son adhésion au principe de la monnaie unique,
M. Robert Badinter
a cependant expliqué que l'écu est
un nom qui est maintenant parfaitement connu des marchés internationaux
de capitaux. De son point de vue, ce nom, qui a été fixé
par le traité, ne peut être changé par le Conseil des
ministres qui n'a pas la compétence suffisante. Seul un autre
traité pourrait permettre ce changement de dénomination. Il
conviendrait donc de profiter de l'actuelle conférence
intergouvernementale pour procéder à ce changement de nom. Ce
problème essentiel est très précisément posé
par l'article 2 de la proposition de règlement du Conseil concernant
l'introduction de l'euro, qui stipule que " la monnaie des Etats
membres
participants est l'euro ".
M. Christian de La Malène
, exprimant son accord avec les propos
tenus par M. Robert Badinter, a déclaré que, si le Conseil
voulait changer le nom de la monnaie unique, il devait alors procéder
dans le cadre d'un traité international soumis à ratification. Il
s'est en outre étonné à nouveau du recours à des
propositions de règlement du Conseil pour la mise en place à la
fois d'un pacte de stabilité budgétaire en Europe et pour la
définition du statut juridique de l'euro. Il s'est encore
interrogé sur l'éventuelle compatibilité de ces textes, en
particulier dans leur dispositif budgétaire et fiscal, avec la
Constitution.
M. Denis Badré
a évoqué la question des sanctions
prévues par le pacte de stabilité budgétaire. Il s'est
demandé s'il était possible d'imaginer que les sanctions
financières qui pourront être infligées aux Etats seuls
participants à l'euro, soit versé au budget communautaire, qui,
lui, bénéficie aux Quinze Etats, y compris à ceux des
Etats qui ne seront pas soumis à la discipline budgétaire de la
zone euro. Le précédent ainsi constitué lui a
semblé dangereux pour la poursuite de la construction européenne
dans la mesure où on pénaliserait financièrement les Etats
qui veulent aller plus vite et plus loin dans des coopérations
renforcées au profit d'autres Etats qui ne participeraient pas à
ces coopérations.
M. Xavier de Villepin
, tout en confirmant l'analyse de M. Denis
Badré, a indiqué que les pays qui seront en dehors de l'euro ne
pourraient être seulement des observateurs critiques car l'objectif du
dispositif proposé est de créer une cohésion d'ensemble
dans les Quinze pays européens.
A la demande de M. Jacques Genton,
M. Robert Badinter
a accepté
d'étudier de manière plus approfondie la question posée
par le changement de nom de la monnaie unique en vue de la prochaine
réunion de la délégation.
M. Jacques Genton
a alors indiqué qu'il résultait de
l'échange de vues :
- d'une part que le rapporteur allait déposer à titre personnel
une proposition de résolution afin que la procédure de l'article
88-4 puisse s'engager sans tarder, proposition de résolution qui
intégrerait notamment les questions soulevées par MM. Robert
Badinter et Denis Badré ;
- d'autre part que la délégation publierait un rapport
d'information rassemblant les éléments d'information objectifs
disponibles sur ce sujet.
Enfin, la délégation a chargé son président de
demander l'inscription en séance publique de la proposition de
résolution déposée par M. Xavier de Villepin sur les
propositions d'actes communautaires E 719 et E 720.
3. Séance du mardi 12 novembre 1996
La délégation a examiné le projet de
rapport d'information de
M. Xavier de Villepin
sur
la mise en
place de l'euro
.
Après avoir précisé les thèmes abordés par
le rapport, M. Xavier de Villepin a indiqué que celui-ci
était destiné à donner à tous les sénateurs
les principaux éléments d'information au sujet des propositions
d'actes communautaires E 719 et E 720, et qu'il ne prenait pas
position au sujet de ces deux textes.
Le rapporteur a ensuite indiqué que la controverse au sujet du pacte de
stabilité se poursuivait au sein du Conseil, notamment sur les
"
circonstances exceptionnelles "
permettant à un
Etat
membre de ne pas encourir de sanctions financières alors qu'il ne
respecte pas les dispositions du pacte. L'Allemagne souhaite en effet que la
notion de "
grave récession "
soit définie
précisément comme un recul du produit intérieur brut d'au
moins 2 % pendant quatre trimestres de suite ou en moyenne annuelle.
Concluant son propos, il a souhaité que les propositions E 719 et
E 720 soient examinées en temps utile par le Sénat dans le
cadre de la procédure de l'article 88-4 de la Constitution. Il a
rappelé qu'il avait dans ce but déposé, à titre
personnel, une proposition de résolution dont la commission des Finances
avait été saisie.
Ainsi qu'il avait été convenu précédemment
, M.
Robert Badinter
a alors apporté certaines informations
supplémentaires concernant la dénomination de la monnaie unique.
Il semble, a-t-il indiqué, que l'on se trouve à cet égard
dans une situation juridique sans précédent. Le terme
" ECU " ou " Écu " a été retenu
à l'origine car il renvoyait à la fois à un sigle
britannique (
European currency unit
) et au nom d'une ancienne monnaie
française, datant de Saint Louis. Dans la version française du
traité, il est fait référence à
l'" Écu ", qui apparaît dans de nombreux articles, et
notamment à l'article 3 A ("
la fixation
irrévocable des taux de change conduisant à l'instauration d'une
monnaie unique, l'Écu...
") et à l'article 109 L,
paragraphe 4 ("
le taux irrévocablement fixé auquel
l'Écu remplace ces monnaies, et l'Écu sera une monnaie à
part entière
"). Dans cette optique, le mot
" Écu " ne renvoie pas seulement à un instrument de
compte, à une définition de la monnaie (au sens où le
franc germinal se définissait par un certain poids d'or) : il
apparaît aussi comme étant le nom de la monnaie elle-même
(comme l'était alors le " franc"). Dans la version allemande du
traité, c'est le mot " ECU " (en majuscules) qui est
utilisé, et le gouvernement allemand estime qu'il renvoie seulement
à une définition, sans être également le nom de la
monnaie unique. La version anglaise, comme la version italienne, retiennent le
même graphisme ; la version espagnole, qui retient le pluriel du mot
" écus " (en minuscules), semble par là plus proche de
la version française. On se trouve donc en présence de graphismes
différents, alors que toutes les versions du traité font
également foi. On notera toutefois que l'utilisation d'un sigle, dans
l'ensemble des versions linguistiques du traité, est toujours
précédé d'une référence à ce que le
signe recouvre (
système européen de banques centrales,
ci-après dénommé " SEBC "
ou
Banque
centrale européenne centrale, ci-après dénommée
" BCE "
ou encore
Institut monétaire européen,
ci-après dénommé " IME
") alors que
l'expression ECU, même lorsqu'elle figure en majuscules, ne fait l'objet
d'aucune explication. De plus, les versions étrangères semblent
mentionner le terme ECU comme s'il s'agissait de la dénomination de la
monnaie unique (ainsi, par exemple, dans la version anglaise, "
a
single currency, the Ecu...
").
M. Robert Badinter a ensuite rappelé que le Conseil européen de
Madrid, en décembre 1995, avait tranché en faveur de la
thèse allemande, et décidé que le mot
" écu ", dans le traité, devrait être
considéré comme un " terme générique "
renvoyant à une définition et ne constituant pas une
dénomination. Cependant, a-t-il poursuivi, une décision du
Conseil européen ne peut modifier un traité dûment
ratifié. Si l'on admet que la dénomination
" écu " résulte du traité, celui-ci doit
être révisé pour que le nom de la monnaie unique soit
l'" euro " : la proposition de règlement incluse dans
la
proposition d'acte communautaire E 720 ne peut être un instrument
juridique adéquat.
M. Robert Badinter a ensuite indiqué qu'il avait procédé
à des consultations juridiques sur le sujet. Il semble, a-t-il
poursuivi, que l'argument le plus fort pour considérer que le
traité retient le mot " Écu " comme nom de la monnaie
unique figure dans le libellé de l'article 109 L,
paragraphe 4 : "
Le jour de l'entrée en vigueur de la
troisième phase, le Conseil (...) arrête les taux de conversion
auxquels leurs monnaies sont irrévocablement fixées et le taux
irrévocablement fixé auquel l'Écu remplace ces monnaies,
et l'Écu sera une monnaie à part entière
". Ce
texte indique très précisément que
l'" Écu ", dès l'entrée en vigueur de la
troisième phase de l'UEM, sera "
une monnaie à part
entière
". Or, que signifie le passage à la
troisième phase, sinon la disparition de l'Écu comme instrument
de compte, puisque, après cette date, il ne fait plus
référence à un panier de monnaies ? Le mot
"Écu " s'appliquant à la monnaie unique dans la
troisième phase de l'UEM ne semble donc pas pouvoir jouer d'autre
fonction que celle du nom de la monnaie unique.
M. Robert Badinter a alors exprimé la crainte que cette incertitude ne
puisse être utilisée par des adversaires de la monnaie unique, en
servant de fondement à un recours devant la Cour de justice des
Communautés européennes, soit directement, soit par la voie d'une
question préjudicielle. Mettant en avant un souci de
sécurité juridique, il a donc souhaité que la
Conférence intergouvernementale consacre l'appellation
" euro ", tout en indiquant que, à titre personnel, il
aurait
préféré que l'on gardât l'appellation
" écu ".
M. Christian de La Malène
s'est étonné que les
Etats membres aient ratifié des traités qui ne sont pas
exactement identiques, et non un même traité. Il s'est
demandé si la Cour de Justice se reconnaîtrait compétente
pour un tel litige.
M. Robert Badinter
a précisé que seul le graphisme
distinguait les différentes versions. Mais, a-t-il poursuivi, la
proposition E 720 tranche, quant à elle, d'une manière
uniforme et devrait s'appliquer à tous les Etats membres : on peut
dès lors se demander comment elle pourrait être compatible avec
toutes les versions du traité.
M. Jacques Habert
a estimé que la proposition E 720
n'apportait pas de garanties suffisantes de sécurité juridique et
qu'il était donc souhaitable que le problème soit
réglé par la Conférence intergouvernementale.
M. Jacques Genton
a confirmé que le Conseil européen, tout
en étant l'instance européenne la plus élevée, ne
disposait pas du pouvoir de modifier les traités.
M. Pierre Fauchon
, tout en exprimant une certaine nostalgie pour le mot
" Écu ", a souligné que la construction
européenne était une action politique de portée
historique. En l'occurrence, a-t-il poursuivi, l'essentiel est la
volonté politique de se doter d'une monnaie unique, la question de
l'appellation étant secondaire. Il n'est pas porté atteinte
à la volonté des signataires puisque la modification de la
dénomination s'est faite avec l'accord de tous. Au demeurant, un recours
est impossible puisque, au Conseil européen de Madrid, un accord unanime
s'est dégagé entre les Etats. Si un recours avait
été possible, a-t-il ajouté, il aurait de toute
manière suffi d'appliquer le principe "
pas de nullité
sans grief
" ou bien de considérer la décision du
Conseil européen comme un "
acte de gouvernement
"
insusceptible de recours. Concluant son propos, il a estimé que la
controverse sur le pacte de stabilité était plus grave et plus
inquiétante que celle sur le nom de la monnaie unique.
M. Robert Badinter
a précisé qu'il ne s'agissait pas d'une
question de nullité accessoire, mais d'une question de
compétence : or la Cour de Justice est particulièrement
attentive aux questions de compétences. Peut-on modifier le
traité -à supposer que l'introduction du nom " euro "
en soit bien une modification- sur la base de son article 235, alors que
la Cour de Justice a récemment affirmé, dans un avis rendu en
1996, que cet article ne pouvait être employé dans ce but ?
Il a ajouté que, de toute manière, la question du changement de
nom de la monnaie ne pouvait être considérée comme mineure.
M. Yves Guéna
s'est déclaré d'accord avec
M. Pierre Fauchon pour ne pas accorder une grande importance au nom de la
future monnaie unique, mais a estimé que le problème ne pouvait
être réglé de manière définitive que par la
Conférence intergouvernementale, l'article 235 du traité ne
pouvant constituer une base suffisante. Que le traité sur l'Union
européenne ait été adopté par
référendum, a-t-il souligné, n'empêche pas de le
modifier par la voie parlementaire.
M. Denis Badré
, tout en convenant que l'élément
politique devait primer, a souligné que cette primauté devait
s'exercer dans des conditions juridiques incontestables. Il convient, a-t-il
poursuivi, de suivre une procédure rigoureuse pour la mise en place de
la monnaie unique, en veillant dans un souci de sécurité
juridique à faire disparaître, autant que possible, tous les
éléments de flou et d'incertitude qui pourraient subsister. Il
est souhaitable de préciser comment la décision du Conseil sur la
liste des Etats participants s'articulera avec le contrôle du Parlement
allemand. Il est également nécessaire de bien préciser la
répartition des compétences entre les formations
plénières du Conseil et celles composées seulement des
Etats participant à la monnaie unique.
M. Jacques Genton
a estimé que les débats de la commission
des Finances, puis de la séance publique, pourraient permettre de
dissiper les zones d'ombre.
M. Christian de La Malène
a souhaité que la
délégation soit associée à l'examen des textes et
que celui-ci comporte une procédure écrite permettant d'obtenir
du Gouvernement des réponses écrites. Il s'est par ailleurs
interrogé sur le rôle du Parlement européen dans la
procédure d'adoption de ces textes.
M. Xavier de Villepin
a souligné que la commission des Finances
pourrait s'appuyer sur les travaux de la délégation et a
estimé que l'essentiel était de permettre l'expression du
Parlement sur ces propositions importantes et, sur certains points,
controversées.
M. Christian de La Malène
a estimé que l'article 88-4 de
la Constitution avait précisément été introduit
dans ce but.
Puis la délégation a décidé, à
l'unanimité, d'autoriser la publication du rapport d'information assorti
du compte rendu de ses travaux.
(1) La pondération des voix est celle
utilisée pour tous les votes à la majorité
qualifiée. Elle est précisée à l'article 148,
paragraphe 2 du Traité.
(2) Voir le texte de ce protocole à la page suivante.
(3) Cette communication a été faite officiellement dans le
courant du mois d'octobre 1993.
(4) Rapport n° 2440, Assemblée nationale, dixième
législature.