HARMONISER LES CONDITIONS D'EXERCICE DU METIER BANCAIRE
Le groupe de travail considère qu'une allocation
optimale des ressources dans le système bancaire et de crédit en
France nécessite une homogénéisation des conditions
d'exercice du métier. Cette position, fondée sur un raisonnement
recherchant l'optimum économique, est corroborée en droit par
l'avis du Conseil de la Concurrence annexé au présent rapport.
Elle n'implique pas l'abolition des différentes sensibilités et
cultures d'entreprise existant au sein du monde financier.
Cette harmonisation doit se faire en prenant les précautions
nécessaires pour ouvrir enfin
l'ère des banalisations
réussies
.
GENERALISER LA DISTRIBUTION DES LIVRETS DÉFISCALISÉS
La quasi totalité des livrets d'épargne réglementée est aujourd'hui distribuée universellement.
L'oligopole maintenu pour deux d'entre eux n'a plus
aujourd'hui de véritable justification. Sa suppression doit
s'accompagner de précautions et d'une réflexion sur le rôle
de ses actuels détenteurs.
Le livret A et le livret bleu sont aujourd'hui des produits quasiment jumeaux:
mêmes conditions d'ouverture, même plafond, même taux
d'intérêt, même fonctionnement pour l'épargnant,
même (absence de) fiscalité. Seule l'affectation des ressources
diffère encore, mais très provisoirement: en mars 1991, la
décision a été prise d'affecter intégralement le
livret bleu au financement du logement social
92(
*
)
, par tranches cumulées de 10 %
par an jusqu'en l'an 2.000. Le livret bleu est actuellement à
mi-parcours de ce processus.
Sous cette réserve de calendrier, la problématique des deux
livrets est la même.
Distorsion de concurrence véritable,
l'oligopole de distribution de ces deux livrets peut être supprimé
en levant les obstacles qui justifient encore son maintien.
Le groupe de travail a ainsi retenu une méthode comportant
quatre
principes
:
· la banalisation doit être directe et
complète ;
· elle doit se faire à échéance fixée, de
façon à permettre aux acteurs de s'y préparer ;
· elle doit se réaliser en tenant compte des objectifs sociaux des
livrets défiscalisés ;
· elle doit s'accompagner d'une affectation solide au financement du
logement social.
Une généralisation de la distribution directe et complète
Une des voies alternatives à la banalisation des
derniers livrets faisant l'objet d'un monopole réside dans la
création de produits qui leur sont partiellement substituables, et
distribués par l'ensemble des réseaux bancaires
. Cette
technique est apparemment la plus commode à mettre en oeuvre, et elle a
été utilisée avec un certain succès quant aux
produits ainsi créés (le Codevi, le livret d'épargne
populaire, le livret jeune)
93(
*
)
,
qui connaissent aujourd'hui des encours importants.
Cependant, les expériences passées montrent que ce type de
mesure, s'il a l'avantage stratégique du compromis, présente des
imperfections qui lui font manquer l'objectif recherché
.
Ainsi, la création du Codevi n'a pas répondu à la
requête des établissements qui ne distribuent pas le livret A. Son
plafond est inférieur, le nombre de livrets par famille plus
réduit. Les augmentations successives du plafond n'ont pas permis
à ses distributeurs de concurrencer le livret A. Ils n'auraient pu
s'approcher de cet objectif que si sa distribution avait été
limitée aux établissements exclus du livret A et du livret bleu,
ce qui n'a pas été le cas.
De plus, contrairement au livret A, il n'a pas montré une grande
capacité à remplir sa mission d'intérêt
général, à savoir le financement des PME
94(
*
)
. Son taux de centralisation
auprès de la Caisse des dépôts et consignations n'a
cessé de baisser pour les banques commerciales, le Crédit
agricole et le Crédit mutuel. A tel point qu'aujourd'hui son exemple est
brandi comme un repoussoir à une distribution universelle du livret A,
par crainte que ce dernier ne soit conduit à suivre les mêmes
errements.
La création en 1982, puis l'extension du livret d'épargne
populaire, et la création du livret jeune en 1996 ont
révélé des défauts différents, mais tout
aussi significatifs.
L'apparition de ces livrets a d'abord constitué un frein à la
baisse des taux d'intérêt à court terme, une fraction
importante (178,4 milliards de francs au 31 août 1996) de
l'épargne à vue étant désormais placée
à un taux sensiblement supérieur à celui du livret A. Il
n'est d'ailleurs pas possible de financer des activités
d'intérêt général tel que le logement social par une
ressource aussi onéreuse compte tenu du coût de la collecte
95(
*
)
. Surtout, le fait que ces
livrets soient banalisés n'affecte que marginalement les conditions de
la concurrence :
l'essentiel des transferts s'opère entre le livret A
et le livret bleu d'une part, et le livret jeune et le LEP d'autre part au sein
des réseaux distributeurs des premiers, et non entre les
différents réseaux
96(
*
)
. Taux
d'intérêt plus
élevés, financement du logement social remis en cause et
conditions de concurrence à peine modifiées : tel est le maigre
bilan de ces livrets
97(
*
)
.
Pour les mêmes raisons, le groupe de travail a repoussé des
solutions dérivées de celles-ci, telles que l'augmentation du
plafond du Codevi
. En effet, ou bien le Codevi reste différent du
livret A, et il ne remplira pas les missions que celui-ci serait amené
à abandonner; ou bien il en devient le clone, et il s'agirait d'une
banalisation hypocrite, refusant de dire son nom, et à laquelle les
réseaux distributeurs du livret A pourraient ne pas pouvoir faire face.
Le groupe de travail privilégie donc une voie plus directe : la
distribution universelle des livrets défiscalisés.
Toutefois,
rien ne s'oppose à ce que les noms de ces livrets diffèrent en
fonction des réseaux distributeurs. On peut concevoir que "
livret
A
" et "
livret bleu
" restent des appellations
réservées. En effet, ces appellations sont commerciales, le droit
ne connaissant d'une part que le "premier livret des caisses
d'épargne",
d'autre part, que les "comptes spéciaux sur livret" du Crédit
mutuel. L'important est la possibilité pour tous de distribuer un
produit identique, seule de nature à supprimer l'anomalie
concurrentielle. Mais avec des précautions.