L'analyse juridique du Conseil de la concurrence
Si, pour le Conseil de la concurrence, le monopole de distribution des livrets A et bleu ne peut être qualifié d'abus de position dominante, en revanche, il constitue une restriction de concurrence injustifiée par des considérations d'intérêt général.
Le monopole ne constitue pas un abus de position dominante
Pour le Conseil, même si aucun autre produit
d'épargne n'offre autant d'avantages que le livret A, certains produits
lui sont substituables (CODEVI, livrets jeunes, LEP... ). Si bien qu'il ne
constitue pas un marché financier spécifique, mais un segment
d'un marché plus vaste qui est celui des livrets d'épargne
administrée.
Sur ce marché, les caisses d'épargne, avec 38 % de parts de
marchés, ne détiennent pas une position dominante. D'une part,
parce le deuxième opérateur - La Poste - détient aussi une
part importante (24 %). D'autre part, parce les autres établissements
qui ne distribuent pas le livret A sont en progression, alors que la collecte
du livret A a tendance à diminuer.
A supposer même que les caisses d'épargne détiennent une
position dominante sur le marché des livrets d'épargne
administrée, des pratiques abusives sont difficilement envisageables,
puisque les conditions d'ouverture, de rémunération et de
plafonnement des livrets sont fixés par les pouvoirs publics.
En revanche, le Conseil n'exclut pas que les résultats éventuels
dégagés par la gestion du livret A soient utilisés pour
subventionner les ventes de produits sur d'autres marchés. Mais s'il est
vrai que le livret A constitue un produit d'appel plaçant les
établissements qui le distribuent en situation
privilégiée, d'autres produits ou services qui sont
distribués librement peuvent aussi comporter de tels effets.
Il suit de ce qui précède que le monopole des caisses
d'épargne ne constitue pas un abus de position dominante.
Le monopole constitue une restriction de concurrence injustifiée
Partant du postulat que ce monopole constitue une restriction
de
concurrence, le Conseil s'interroge sur le point de savoir si celle-ci est
justifiée ou non.
Il rappelle que le droit communautaire n'interdit pas l'octroi par un
État membre de droits exclusifs à des entreprises, publiques ou
non, chargées de la gestion de services d'intérêt
économique général, alors même que l'attribution de
tels droits entraîne des restrictions à la concurrence. Mais pour
que l'octroi de tels droits soit compatible avec le droit communautaire, encore
faut-il que soient réunis deux éléments. Il faut en effet :
D'une part,
une mission d'intérêt général
assignée par un
acte de puissance publique
;
D'autre part, que la
restriction
de concurrence soit
indispensable
à
l'accomplissement
de la mission.
Or, la distribution des livrets A et bleus est susceptible de répondre
à deux missions d'intérêt général : le
développement de l'épargne populaire, le financement du logement
social.