II. MOTIVER LES ACTEURS PARA-PUBLICS
France Télécom est au premier rang des acteurs
de la société de l'information. Son degré d'implication
fait l'objet de débats, souvent de critiques, dont la mission
d'information du Sénat a reçu de nombreux échos. Le
contexte désormais concurrentiel de son activité interdit de lui
confier dans l'équipement de la France en réseau à hauts
débits, le rôle qu'il a joué dans la réalisation du
plan câble, sauf à inscrire dans le service universel le droit
à l'accès haut débit gratuit pour certaines
catégories d'usagers (écoles, hôpitaux,
municipalités, fondations reconnues d'utilité publique).
Par ailleurs, France Télécom reste l'opérateur dominant en
France. Cet opérateur est à même de passer les commandes
qui permettront la production en série des équipements et
l'abaissement des coûts, comme l'a rappelé M. Gérard
Théry lors de son audition devant la mission d'information (cf. en
annexe le compte rendu des auditions de la mission).
Sans assumer le rôle central dont la perte de son monopole et le choix de
privilégier son désendettement rendent l'exercice difficile,
France Télécom manifeste le souhait d'être l'un des acteurs
essentiels de l'entrée dans la société de l'information.
La modification des structures de l'entreprise, avec la création de
branches spécialisées par types de clientèles et d'une
division multimédia, répond à cet objectif.
Par ailleurs, quatre axes stratégiques ont été
définis en matière de multimédia. Le tableau suivant
présente l'analyse de France Télécom sur
l'évolution de ces marchés et les actions lancées dans le
cadre de ces axes stratégiques.
LA STRATÉGIE DE FRANCE TÉLÉCOM EN MATIÈRE DE MULTIMÉDIA
-
· Premier axe : Internet
Le marché de l'accès à Internet va se développer considérablement en France et sera dans la longue durée, un élément central de l'activité du groupe France Télécom. Le trafic Internet en France augmente de 15 % par mois. C'est incontestablement un point d'inflexion stratégique : Wanadoo, le service d'accès à Internet de France Télécom a aujourd'hui 45 000 abonnés et en gagne 1 500 par semaine.
Pour ce domaine France Télécom a trois objectifs :
1. Insérer Wanadoo dans une gamme complète de services de communication avancée . Celle-ci part du Minitel et comprend Wanadoo sur le réseau téléphonique commuté, sur Numéris, via le satellite et sur le câble. Enfin un accès à haut débit en ADSL, technique utilisant le réseau téléphonique commuté pour débits supérieurs à 4 Mbis/s est d'ores et déjà offert.
Il n'y a donc pas d'un côté le Minitel et de l'autre l'Internet, mais un continuum de services. La croissance actuelle du Minitel n'est pas due à France Télécom qui bloquerait le développement du " net ", mais à un couple prix-simplicité qui convient au client.
2. Démocratiser au maximum l'Internet
Quatre mesures vont y contribuer :
1) l'ouverture d'un service de messagerie Internet pour les 6,3 millions de détenteurs de Minitel (3615 Minitelnet) depuis le printemps dernier. Pour 45 centimes la minute et sans abonnement, il est ainsi possible d'avoir une adresse E-mail. 20.000 messageries personnelles ont déjà été ouvertes et ce nombre augmente de 1 000 par semaine.
2) la baisse des tarifs Wanadoo.
3) le lancement d'un Minitel-Internet : le travail est en cours avec plusieurs industriels pour disposer d'un terminal simplifié permettant d'accéder à la fois aux services Minitel et Internet dans des conditions de confort et de simplicité proches de celles du Minitel.
4) le renforcement de l'offre aux établissements d'enseignement : la préparation des jeunes à leur futur environnement est en effet un enjeu considérable.
La première étape a été l'offre d'accès à Internet via Wanadoo sur Numéris, à des conditions préférentielles, faite aux lycées et collèges. Elle permet de soutenir le développement des usages pédagogiques des services en ligne.
Une seconde étape sera le lancement, sur les sites exploités par France Télécom d'un accès à Internet sur le câble. Il est souhaitable que ces initiatives fassent l'objet de partenariat associant, aux niveaux régional et départemental, les acteurs concernés : collectivités locales, ministère de l'Education nationale, France Télécom, industriels.
Pour les entreprises, France Télécom, avec ses alliés Deutsche Telekom et Sprint, dans le cadre de leur alliance Global One, offre la faculté d'étendre leur Intranet sur les cinq continents, avec plus de 2 500 points d'accès. Adaptée aux besoins de chaque entreprise, c'est une solution complète, cohérente et modulaire qui leur permet de bénéficier sur leur réseau interne, en toute sécurité, et à moindre coût, de la facilité d'utilisation des technologies standards d'Internet.
3. Etre présent dans les contenus et transactions en ligne
Les transactions commerciales seront facilitées ; pour cela, une offre de services aux commerçants permettant la vente de biens, services et informations sur Internet sera développée en partenariat avec le secteur bancaire. La sécurisation des achats et des paiements sera assurée via les circuits bancaires traditionnels. En matière de contenus, des programmes diffusés en ligne tant éducatifs que culturels sont en cours d'élaboration.
Par ailleurs, France Télécom veut être un partenaire majeur dans le développement des villes numériques proposant des services de proximité (annuaires locaux, cartographie, informations locales) en commençant par les villes hôtes de la coupe du monde de football dont elle est un des sponsors officiels.
· Deuxième axe : Minitel et Audiotel
Le marché de la télématique traditionnelle va rester prospère pendant encore quelque temps, du fait, d'une part, de l'importance du parc installé, et d'autre part, des incontestables qualités ergonomiques du support Minitel. Ainsi, il est au moins aussi rapide de consulter son courrier électronique sur Minitelnet que sur un PC. Le Minitel représente un chiffre d'affaires de 6,3 milliards de francs. Cet atout va être valorisé pour organiser la montée en gamme. L'économie du Kiosque, permettant aux fournisseurs de service d'être rémunérés sur les investissements éditoriaux, a en effet fait ses preuves. Le savoir-faire acquis sera étendu à Internet.
· Troisième axe : la télévision
Le marché de la télévision payante va se développer. France Télécom Câble connaît la croissance de pénétration la plus élevée du marché du câble en France. Avec 420 000 clients, c'est maintenant le premier câblo-opérateur français. Le bouquet satellitaire numérique TPS, dont France Télécom est un des actionnaires, a très bien démarré (150 000 abonnés).
France Télécom va développer sa présence dans ce secteur de trois manières :
- premièrement, en accompagnant TPS dans son développement, en France et à l'étranger.
- deuxièmement, en développant également les activités dans le domaine du câble. Ainsi depuis juin 1997, France Télécom propose une offre complète de chaînes numériques sur l'ensemble des réseaux 0G. Les nouvelles chaînes de TPS sont donc disponibles sur ces réseaux. Cet investissement permettra notamment au câble de soutenir la concurrence du satellite.
De plus, d'ici la fin de l'année prochaine, un accès Internet haut débit sera lancé sur les réseaux câblés 0G. Un accès haut-débit sera proposé aux établissements d'enseignement des zones câblées gérées par France Télécom dans les mois qui viennent.
Les réseaux 1G de Rennes et Lille seront renouvelés en technologie HFC (Hybrid Fiber Coax), numérisés et équipés de l'accès Internet haut débit large. A Narbonne, des discussions sont en cours avec la mairie pour la mise en place d'un réseau multimédia HFC donnant accès à la télévision numérique et à Internet d'ici fin 1998.
Enfin, France Télécom est candidat au rachat de l'exploitation commerciale des réseaux aujourd'hui gérés par la Compagnie générale de Vidéocommunication, que la Générale des Eaux a mis en vente.
- troisièmement, le développement des chaînes thématiques et des programmes. France Télécom participe au capital de la Chaîne Histoire qui vient d'être lancée. Cette chaîne sera diffusée en numérique sur TPS et sur les réseaux câblés de France Télécom Câble, en attendant d'en bâtir une déclinaison interactive diffusée sur Internet. Des investissements ont aussi été réalisés dans la chaîne Météo, dans la chaîne de petites annonces CTV, dans le bouquet de radios numériques Multiradio. Un développement dans les dessins animés, au travers d'une participation dans France Animation, l'une des 5 premières sociétés françaises dans le dessin animé a également été initié.
· Quatrième axe : anticiper sur les nouveaux réseaux large bande
Après les deux générations de réseaux haut débit (le câble, le satellite), d'autres technologies vont suivre, dans un mouvement de dilatation constante des débits distribués. Dans le même temps, la puissance de calcul des PC va continuer d'augmenter à un rythme rapide. Réseau haut débit et terminaux puissants : les conditions d'une transformation des réseaux en structures de distribution d'images, de données et de voix, seront de plus en plus réunies. Dans ce cadre, France Télécom poursuit deux grands objectifs :
- premier objectif : maîtriser les ressources d'intermédiation logicielles sur ces réseaux large bande. Le logiciel de contrôle d'accès, Viaccess développé par France Télécom, est utilisé aujourd'hui dans la télévision payante par TPS, ABSat, France Télécom Câble, Lyonnaise communications. De nombreux acteurs étrangers de la télévision payante, en Europe et en Asie, ont également signé avec France-Télécom.
- deuxième objectif : être les pionniers de la mise en oeuvre des nouvelles technologies large bande en France. Trois exemples en témoignent :
. l'ADSL qui permet d'offrir un service d'accès à l'Internet à un débit de 4 à 8 Mbit/s (lancement en juin 1997 d'un service pré-commercial d'ADSL à Noizy-le-Grand) ;
. le MMDS numérique : lancement d'un site pilote en août 1997 à Felletin ;
. les centres de recherche de France Télécom travaillent sur les technologies large bande utilisant le transport radio, dont on sait qu'elles sont extrêmement prometteuses.
· En conclusion, France Télécom veut :
1. Démocratiser les services de transmission de données et d'image.
2. Vendre des produits simples et utiles pour le grand public, en mettant l'accent sur les services, l'assistance, les guides, les contenus de proximité. Il s'agit de s'adresser, non pas aux initiés, mais à l'ensemble des clients du téléphone qui veulent être accompagnés, dans leur langue, dans le monde très complexe des services de communication sur écran.
3. Satisfaire les besoins du client dans une logique de gamme, avec de très faibles tarifs d'entrée de gamme.
4. Préparer l'étape suivante du développement des réseaux large bande en France, en mettant en oeuvre une stratégie industrielle et globale dans le secteur.
Trois remarques peuvent être faites sur ce programme :
· France Télécom ne mise manifestement pas sur le développement de réseaux à hauts débits. Le quatrième axe stratégique : " anticiper sur les nouveaux réseaux large bande " comporte en matière de développement des capacités des réseaux filaires le seul objectif d'expérimenter l'ADSL (asymetric digital subscible line), technique de transmission des images numérisées sur des câbles téléphoniques en cuivre par ajout de deux boîtiers, l'un au central, l'autre chez l'abonné. Le président de France Télécom exprimant ainsi la position de l'entreprise à l'égard de l'évolution des réseaux, devant des représentants des collectivités locales réunis le 24 juin au Salon Multimédia-ville 97 : " Le plus facile, le plus classique aussi, c'est de se lancer dans la construction d'infrastructures. Entre le désir de vos services techniques d'être utiles, celui des fabriquants d'équipements de vendre leurs produits et celui des concessionnaires que vous finiriez bien par choisir pour gérer ces infrastructures il y a beaucoup de sirènes pour vous attirer dans ce qui peut se révéler un piège.
Car bien souvent ce sera un piège. En effet, cette infrastructure existe déjà, c'est celle de France Télécom. Elle est accessible à chacun, à des coûts qui sont en chute libre et ne sont jamais égalables par de nouveaux équipements, puisque la loi nous fait obligation de les fournir à tous à très bas prix et que la concurrence y veillera.
Tout indique, partout dans le monde des télécoms, que demain, à la différence d'hier, la valeur n'est plus dans le réseau, mais dans les services qu'on est capable d'y accrocher . "
Il est possible d'avoir une vue plus nuancée de la problématique des réseaux, comme on le verra ci-dessous.
· France Télécom va tenter de marier le Minitel avec Internet et d'étendre à Internet le système " Kiosque " qui permet la rémunération par l'usager du fournisseur de service et de l'exploitant du réseau. Cette démarche, qui s'inscrit dans la forte tendance à l'utilisation commerciale d'Internet, est incontestablement intéressante. En outre, l'élaboration d'un " Webphone " permettant d'associer dans un même terminal le téléphone, le Minitel et l'accès à Internet, pourrait contribuer au succès de la " culture Internet " dans le grand public, comme il est indiqué dans la première p artie du présent rapport.
· Aucune initiative n'est mentionnée pour faciliter l'accès à Internet par les réseaux câblés de France Télécom gérés par des opérateurs privés. L'extension de ce mode d'accès substituant une tarification forfaitaire à la tarification à la durée qu'implique l'accès à Internet par le réseau téléphonique est indispensable au développement des usages d'Internet en France. Un contentieux portant sur les redevances demandées aux câblo-opérateurs en contrepartie de la possibilité de proposer cette fonction à leur clientèle vient d'être réglé par l'autorité de régulation des télécommunications. On ne peut que regretter le faible esprit de coopération que traduit l'évolution de ce dossier.