B. LA SITUATION ÉCONOMIQUE NÉO-ZÉLANDAISE
1. Une décennie de réformes économiques profondes
a) Un "laboratoire" du libéralisme économique
Longtemps considérée comme l'un des pays les
plus protectionnistes du monde, la Nouvelle-Zélande s'est engagée
à partir de 1984, sous l'impulsion initiale du ministre travailliste des
finances de l'époque M. Roger Douglas, dans
une spectaculaire
transformation de ses structures économiques
et est en quelque sorte
devenue, en l'espace d'une dizaine d'années, une sorte de
"laboratoire" du libéralisme économique
.
Jusqu'au début des années 1980
, l'économie
néo-zélandaise se caractérisait en effet par son
caractère peu ouvert sur l'extérieur et par un haut degré
d'interventionnisme économique. L'entrée de la Grande-Bretagne
dans la Communauté européenne et l'abandon simultané du
système de la "préférence impériale", le haut
niveau du système de protection sociale néo-zélandais et
les deux chocs pétroliers avaient souligné
l'inadaptation des
structures économiques néo-zélandaises
à la
compétition économique internationale. Cette politique
interventionniste s'était traduite, en raison d'une productivité
des facteurs très insuffisante, par des performances économiques
modestes, le revenu par habitant ne progressant que de 1,4 % par an entre 1950
et 1985 -contre 2,9 % pour l'ensemble des pays de l'OCDE.
C'est dans ce contexte que la victoire travailliste aux élections s'est
paradoxalement traduite, à partir de 1984, par une modification
complète de la politique économique néo-zélandaise
au profit d'une
approche résolument libérale
: les
principaux secteurs de l'économie -à commencer par
l'
agriculture
- ont été libéralisés, les
protections commerciales réduites, le secteur public diminué et
son efficacité améliorée. L'économie nationale a
cependant mis un certain temps à tirer les dividendes des
réformes. La progression du PIB est restée inférieure
à la moyenne de l'OCDE dans les années 1985-1990, tandis que le
chômage progressait et que l'inflation s'accélérait.
Le retour au pouvoir du parti national -dirigé par M. Bolger- fin 1990
s'est cependant traduit par une relance du processus de
déréglementation.
La nouvelle majorité a
modifié radicalement la législation du travail- mettant notamment
fin à la pratique du syndicat obligatoire -ce qui aboutit, malgré
le coût social d'une telle politique, à une forte augmentation de
la productivité du travail et à une reprise de la croissance en
1991, en dépit d'un environnement international défavorable, puis
à une diminution du taux de chômage qui avait atteint 11,5 % en
1991.
La Nouvelle-Zélande est ainsi devenue aujourd'hui le pays où les
subventions agricoles
sont
les plus faibles
. Rares sont les
secteurs qui n'ont pas été touchés par le mouvement de
libéralisation. Les principales
privatisations
ont
été effectuées entre 1987 et 1992 et il ne subsiste plus
aujourd'hui qu'une quinzaine d'entreprises publiques. L'
administration
a
de son côté vigoureusement
réduit ses effectifs
. La
vague des grandes réformes de structures est donc aujourd'hui
achevée.
L'économie néo-zélandaise repose encore largement sur
l'
exploitation de ses ressources naturelles
. Le pays reste d'abord
producteur et transformateur de produits de base ; en dépit de
l'évolution de l'agriculture néo-zélandaise -notamment la
diminution de l'importance relative de l'élevage ovin-, l'agriculture
reste très importante pour l'économie nationale. Cette
prépondérance se retrouve dans les exportations de la
Nouvelle-Zélande dont la viande, les produits laitiers, le poisson, la
laine et les fruits et légumes représentent la moitié.
L'économie néo-zélandaise demeure ainsi
particulièrement sensible à tout choc extérieur -compte
tenu de sa dépendance par rapport à ses
exportations
agricoles
. Elle dépend aussi de sa
capacité à
attirer des capitaux étrangers
, nécessaires à son
développement.
b) Une économie ouverte, fortement liée à la région Asie-Pacifique
Après cette thérapie libérale de choc,
l'économie néo-zélandaise constitue sans doute aujourd'hui
l'un des marchés les plus ouverts, les plus transparents et les plus
déréglementés du monde.
Bien que la taille modeste et l'éloignement géographique de ce
marché puissent représenter un handicap, la
Nouvelle-Zélande s'efforce de surmonter ces inconvénients en
s'intégrant pleinement à l'économie internationale.
La Nouvelle-Zélande est d'abord
étroitement liée
à l'Australie
, en particulier par l'
accord C.E.R.
("closer
economic relations agreement") qui prévoit entre les deux pays, qui
représentent un marché de plus de 20 millions de personnes,
la liberté de circulation des biens, des capitaux et des services.
Mais la Nouvelle-Zélande est aussi de plus en plus
fortement
intégrée dans la région Asie-Pacifique.
40 % des
exportations néo-zélandaises sont ainsi destinées aux
marchés asiatiques et la Nouvelle-Zélande enregistre un important
excédent commercial avec le Japon. Ces relations commerciales trouvent
en outre leur prolongement à travers des relations humaines et
culturelles et l'on relève ainsi que nombre de dirigeants asiatiques ont
été formés en Nouvelle-Zélande et que
l'enseignement du japonais se développe dans les écoles
néo-zélandaises.
La Nouvelle-Zélande, qui peut faire valoir des coûts de production
très compétitifs, cherche ainsi à accueillir des
investissements étrangers en mettant en valeur sa situation
privilégiée pour opérer, au-delà de la
Nouvelle-Zélande, dans l'ensemble de la région Asie-Pacifique.
2. Les fruits de la réforme : une économie dynamique
a) Des indicateurs économiques très satisfaisants
La Nouvelle-Zélande a ainsi obtenu au cours des
dernières années, et singulièrement depuis 1993,
d'excellents résultats économiques
: croissance
très significative, baisse du chômage, amélioration de la
profitabilité des entreprises et redressement des finances publiques.
- L'économie néo-zélandaise connaît sa
cinquième année consécutive de
croissance
, qui
s'est élevée à
4 % en moyenne depuis 1993
. En 1996,
un léger recul de la croissance a toutefois été
enregistré (2,6 % en rythme annuel en juin 1996) conformément au
scénario de l'"atterrissage en douceur" après l'envolée
des années précédentes. Les causes principales en ont
été un
ralentissement
de la demande intérieure et
une politique monétaire restrictive. Mais les dernières
prévisions et les mesures fiscales décidées par le
gouvernement en 1996 laissent envisager une reprise de la croissance pour
1997-1998, confirmant ainsi les tendances positives enregistrées au
cours des dernières années.
- Le taux de
chômage
, qui avait atteint un maximum de 11,5 % en
1991, a été depuis fortement réduit et se maintient
aujourd'hui
aux alentours de 6 %
, ce qui constitue sans doute un seuil
en-dessous duquel il est difficile de descendre et représente d'ores et
déjà l'un des taux les plus faibles parmi tous les pays de
l'OCDE. Ce résultat est d'autant plus remarquable que la
population
active
totale s'est
accrue
dans le même temps -de 1991
à 1996- de 234 000 personnes, soit une augmentation de plus de 16
%. Cette tendance se poursuit (+ 3,9 % l'an dernier) et devrait se confirmer,
quoiqu'à un rythme plus ralenti, dans les prochaines années.
-
L'inflation
a été, de son côté, jusqu'ici
maîtrisée. L'"inflation sous-jacente", calculée par la
Banque centrale néo-zélandaise en excluant l'incidence de
l'évolution des taux d'intérêt sur le service de la dette
et celle de la fiscalité, est demeurée sous la
barre des 2
%
- fixée par le gouvernement -pendant la plus grande partie de la
période 1991-1996. Cet objectif a été
légèrement dépassé
en 1995 et 1996 sous
l'effet de pressions inflationnistes qui ont conduit au maintien de taux
d'intérêt élevés et à l'appréciation
du dollar néo-zélandais. La fixation à 3 % par le nouveau
gouvernement du plafond d'inflation sous-jacente devrait permettre de respecter
l'objectif fixé en 1997.
-
Les finances publiques
néo-zélandaises ont
été parallèlement rétablies et ont affiché
des
excédents budgétaires
au cours des trois derniers
exercices (avec notamment 3,4 milliards de dollars néo-zélandais
d'excédent en 1995-1996). L'accroissement des recettes fiscales et la
rigueur de la politique budgétaire doivent permettre de
pérenniser cette situation favorable dans les années à
venir.
Ces excédents n'ont cependant permis de résoudre que de
manière très partielle
le problème de la dette
néo-zélandaise.
L'endettement extérieur
du pays
reste élevé
et s'élevait à 74,7 milliards de
dollars néo-zélandais au 30 juin 1996 (soit une hausse de 7,6 %
en un an). Si
la dette publique a été fortement
réduite
(de 52 % du PIB en 1991-1992 à 33,4 % en 1995-1996),
la difficulté pour le secteur privé à financer localement
les importants investissements entraînés par l'expansion explique
cette détérioration.
Le nouveau gouvernement a affiché sa volonté de réduire
encore l'endettement public à moins de 30 % du PIB et de maintenir des
excédents budgétaires en dépit de l'accroissement
prévu des dépenses sociales.
- Enfin, la
balance commerciale
de la Nouvelle-Zélande s'est
détériorée et est devenue
déficitaire
depuis
la mi-1995. La responsabilité en incombe à la fois au niveau
élevé du dollar néo-zélandais et à
l'expansion économique qui génère un courant accru
d'importations, ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous :
Statistiques annuelles du comerce extérieur
Année |
Exportations
|
Importations
|
Balance commerciale (FOB/CIF) |
1990 |
15049 |
15688 |
-639 |
1991 |
15892 |
15490 |
+402 |
1992 |
17510 |
15185 |
+2325 |
1993 |
18899 |
17260 |
+1639 |
1994 |
19867 |
18329 |
+1538 |
1995 |
20842 |
21151 |
-309 |
1996 |
20868 |
21350 |
-482 |
Cette détérioration de la balance commerciale entraîne également un creusement du déficit de la balance des paiements courants qui a dépassé 4 % du PIB en 1996 et pourrait, selon les prévisions, atteindre 5 % en 1997-1999, ce déficit étant imputable au secteur privé (rapatriement des profits réalisés par les sociétés étrangères en Nouvelle-Zélande).
b) Une réforme économique exemplaire dont les grandes lignes doivent être maintenues par la nouvelle coalition
Le processus de réformes
conduit depuis 1984 en
Nouvelle-Zélande a
ainsi
radicalement transformé le
paysage économique national
. Si l'ère des grandes
réformes est aujourd'hui terminée, le caractère
exceptionnel et
la cohérence de ce mouvement global
de
libéralisation et de déréglementation méritent
d'être soulignés. Ainsi, à titre d'exemples :
- 40 % des revenus des
agriculteurs
néo-zélandais
provenait en 1984 de subventions gouvernementales ; un an plus tard, la
quasi-totalité de ces subventions avaient disparu avec les
difficultés qui en résultèrent ; mais, dix ans
après, l'agriculture néo-zélandaise se porte bien et est
devenue beaucoup plus saine ;
- la Nouvelle-Zélande est aussi le premier pays à avoir
totalement aligné son
administration et
sa
comptabilité
publique
sur celle du secteur privé : les administrations y agissent
désormais comme des sociétés de services, les responsables
administratifs ont des contrats de cinq ans au maximum mais disposent d'une
très grande autorité dans la gestion, et le système
comptable a été, de ce fait, poussant la logique jusqu'à
son terme, totalement aligné sur les normes privées.
L'expérience néo-zélandaise est ainsi à bien des
égards exemplaire et mérite, selon votre
délégation, d'être mieux connue et analysée
même si la taille modeste et les spécificités de
l'économie néo-zélandaise en limitent naturellement le
caractère transposable sous d'autres latitudes. Ce processus de
réformes a d'ores et déjà suscité
beaucoup
d'intérêt au niveau international
où son
efficacité
pour
permettre à la Nouvelle-Zélande de
relever les défis de la mondialisation
a été
largement reconnue. Pendant quatre années consécutives, jusqu'en
1995, la Nouvelle-Zélande a ainsi été classée au
premier rang des pays de l'OCDE dans le "World competitiveness
report" pour ce
qui est de l'action des pouvoirs publics et de la compétitivité
à long terme.
L'exemplarité de la réforme néo-zélandaise
dépendra aussi de sa poursuite et de la
pérennité des
résultats
enregistrés au cours des dernières
années. A cet égard, l'accord de gouvernement conclu en
décembre 1996 entre le parti national et "New Zealand First" maintient
les grands axes de la politique économique néo-zélandaise
tout en prévoyant des infléchissements révélateurs :
- le "Reserve bank act" demeure mais le taux d'inflation sous-jacente
toléré est, on l'a déjà signalé,
porté à 3 %,
- l'"employment contract act", qui a considérablement affaibli les
syndicats et rétabli les négociations directes entre employeur et
employé, doit être amendé.
La Nouvelle-Zélande, enfin, n'est pas à l'abri d'un choc
extérieur dans la mesure où elle est fortement dépendante
de ses exportations de denrées agricoles et de sa capacité
à attirer les capitaux étrangers. Cependant, l'importance
croissante de son commerce avec les pays asiatiques, la sous-exploitation de
ses ressources naturelles et la compétitivité de son secteur
productif devraient lui permettre de faire fructifier les résultats de
la réforme, politiquement très courageuse, conduite à
partir de 1984.
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