4. Un secteur parapublic insuffisamment contrôlé
Le capital des sociétés d'économie mixte
présentes sur le territoire calédonien atteint
13,15 milliards de francs CFP (723 millions de francs
français), dont 6,76 milliards (372 millions de francs
français et 51,4 % du total) sont détenus par les
collectivités publiques.
Une fois défalquée la participation de 3 milliards de
francs CFP propriété du Territoire dans le capital de la Banque
calédonienne d'Investissement (BCI), le reliquat est ainsi
réparti :
- Territoire : 1,7 milliard de francs CFP (SIC, AIRCALIN
16(
*
)
, AIRCAL
17(
*
)
, ENERCAL...).
- Provinces : 1,6 milliard de francs CFP, dont 700 millions pour la
province Sud (Golf de Tina, Promosud...), 545 millions pour la province
Nord (SOFINOR, AIRCAL²...) et 326,4 millions pour la province des
îles Loyauté (SODIL, AIRCAL²...).
- Communes : 466 millions de francs CFP, essentiellement
détenus par les communes de la province Sud (Golf de Tina, Sodemo...).
Les difficultés de la SODIL (société de
développement et d'investissement de la Province des Iles
Loyauté), actionnaire majoritaire d'une société mise en
liquidation (la société maritime des îles
Loyauté ; cf. plus haut), démontrent que les
responsabilités d'actionnaires des collectivités publiques de
Nouvelle-Calédonie ne sont pas uniquement théoriques.
Or, la législation relative aux sociétés
d'économie mixte créées en Nouvelle-Calédonie est,
d'une part, frappée d'
une très grande complexité
qui rend sa portée incertaine. Elle est d'autre part
caractérisée par
un certain laxisme
en ce qui touche les
contrôles pouvant être exercés sur les SEM dont le capital
est détenu par des collectivités publiques autres que les
communes et leurs établissements publics.
Dans une note qu'il a fait parvenir à votre rapporteur, le
trésorier-payeur général du territoire fait ainsi observer
qu'eu égard à cette absence de contrôles, il est dans
l'incapacité de lui donner le chiffre d'affaires des différentes
SEM calédoniennes.
Les SEM, en Nouvelle-Calédonie comme en métropole, sont des
sociétés commerciales, revêtant la forme de
sociétés anonymes régies par la loi n° 66-537 du
24 juillet 1966, sous réserve de dispositions dérogatoires.
Il existe également en Nouvelle-Calédonie quelques
sociétés d'économie mixte particulières qui ont
été constituées en application de la loi
n° 46-860 du 30 avril 1946 tendant à
l'établissement, au financement et à l'exécution de plans
d'équipement et de développement des territoires relevant du
ministère de la France d'Outre-mer.
Pour les autres SEM, deux statuts types ont été
successivement instaurés.
- La loi n° 86-844 du 17 juillet 1986, en son
article 44 deuxième alinéa, donnait compétence au
Congrès du territoire pour fixer les statuts types de SEM
constituées par les collectivités territoriales.
L'assemblée délibérante concernée a effectivement
exercé cette compétence le 16 octobre 1986 en adoptant la
délibération n° 71
"fixant les statuts types des
sociétés d'économie mixte constituées en
application de l'article 44 de la loi n° 86-844 du
17 juillet 1986"
.
Par la suite, la loi n° 88-82 du 22 janvier 1988 a cependant
abrogé
l'article 44 de la loi du 17 juillet 1986
précitée. Son article 139, maintenu en vigueur par le statut
du 9 novembre 1988 dispose simplement :
"Les collectivités
territoriales et leurs établissements publics peuvent créer des
sociétés d'économie mixte qui les associent à une
ou plusieurs personnes privées et, éventuellement, à
d'autres personnes publiques pour la mise en oeuvre d'opérations
concourant à leur développement économique. Les statuts
types de ces sociétés pourront déroger aux dispositions du
droit commercial"
.
- Parallèlement, la loi n° 90-1247 du 29 décembre
1990 portant suppression de la tutelle administrative et financière sur
les communes de Nouvelle-Calédonie a créé un régime
particulier pour les communes et leurs établissements publics.
Tout d'abord, l'article 4 de cette loi de décentralisation a rendu
applicable aux communes de Nouvelle-Calédonie
l'article L. 381-1 du code des communes de métropole, relatif
à l'acquisition d'actions et d'obligations de sociétés
(Article L. 2253-2 du code général des
collectivités territoriales).
Ensuite, l'article 5 a rendu applicable en Nouvelle-Calédonie les
dispositions de la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relatives aux SEM
locales
"...en tant qu'elles concernent les communes et les
établissements publics communaux et intercommunaux
".
En Nouvelle-Calédonie, pour les SEM créées par les
collectivités territoriales et leurs établissements publics, il
existe donc en droit deux textes traitant du statut de telles
sociétés :
- la délibération générale n° 71/CT du
10 octobre 1986, prise par une autorité qui sans doute n'est plus
compétente en la matière, mais qui n'a été ni
remplacée ni abrogée expressément ;
- la loi n° 83-597 du 7 juillet 1987, concernant seulement les
communes.
Pour les SEM communales (totalement ou partiellement), sans doute les
dispositions de la loi n° 83-597 doivent-elles être retenues.
Par contre, pour les SEM sans participation communale la question du maintien
de l'applicabilité de la délibération n° 71 peut
être soulevée.
Les deux textes en cause sont semblables, mais ils diffèrent notamment
sur
les règles de participation au capital.
La
délibération n° 71 (article 6) prévoit que
"
les collectivités territoriales et leurs établissements
publics détiennent au minimum 50 % et au maximum 80 % des
actions...
", alors que la loi n° 83-597 (article 1-2°
et article 2) retient les mêmes seuils mais en considérant
seulement les collectivités et leurs groupements, sans incorporer les
établissements publics.
Mais c'est surtout dans le domaine du contrôle de légalité
que les deux régimes diffèrent.
La délibération 71 citée plus haut prévoit
ainsi la transmission au Haut-commissaire de la République des comptes
de résultats et bilans accompagnés des annexes et rapports des
commissaires aux comptes (article 32).
Contrairement à la loi de
1983, elle ne prévoit cependant pas d'obligation de transmission des
délibérations.
Dans le même ordre d'idée, pour les
délibérations dont il a connaissance, le Haut-Commissaire a la
possibilité de saisir la Chambre des comptes de toute
délibération
"de nature à augmenter gravement la charge
financière des communes ou de leurs groupements"
. Curieusement, il
n'est pas fait mention des provinces et ni du Territoire, alors que le texte
parallèle relatif à la Polynésie française parle de
collectivités territoriales.
En dépit d'avancées certaines, la loi n° 96-609 du 5
juillet 1996 portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer n'a
pas permis de régler la question de la transmission systématique
des délibérations des SEM au contrôle de
légalité.
Son article 25 contient néanmoins deux dispositifs
intéressants :
- L'enrichissement de l'article L. 262-3 du code des juridictions
financières afin de permettre au Haut-commissaire ainsi qu'à
l'exécutif de la collectivité territoriale ou de
l'établissement public concerné de saisir la chambre territoriale
et de lui demander de vérifier la gestion des établissements,
sociétés (notamment sociétés d'économie
mixte), groupements et organismes à participation publique ou recevant
des aides publiques.
Auparavant, ce droit de saisine n'existait pas ; seul le premier
président de la Cour des comptes pouvait confier le soin d'assurer ce
type de vérification à la chambre territoriale des comptes.
- L'extension à la Nouvelle-Calédonie de l'article 8 de la
loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relative aux
sociétés d'économie mixte locales qui assure la
représentation des collectivités actionnaires au conseil
d'administration de la SEM et surtout contraint celle-ci à
requérir l'autorisation des collectivités locales actionnaires
avant de prendre une participation dans une autre société
commerciale.