3. Un déséquilibre inter-communautaire et social persistant
Il n'existe pas de données récentes sur la
répartition des revenus, la composition de la population active, le
niveau de monétarisation de la société
calédonienne, toutes informations qui permettraient de mesurer la
réalité des avancées effectuées en direction de
l'un des principaux objectifs des accords de Matignon : l'atténuation du
déséquilibre intercommunautaire et social qui affecte au premier
chef la population mélanésienne.
Il serait utile que le Territoire, qui dispose d'un Institut territorial de la
statistique et des études économiques (ITSEE), se dote
d'instruments lui permettant d'affiner cette connaissance de sa population.
Commentant les résultats de la dernière enquête
budget-consommation des ménages, réalisée en 1991,
l'Institut d'émission d'outre-mer notait : "
Les agriculteurs et
assimilés étant à plus de 88 % d'origine
mélanésienne, la société calédonienne tend
ainsi à créer un monde rural quasiment mono-ethnique disposant de
faibles revenus, tandis que les principaux groupes économiques locaux,
dont les sièges sociaux sont à Nouméa, sont
contrôlés par des résidents d'origine européenne.
Ainsi se superpose à un problème social une distinction ethnique,
qui sans être exacerbée est d'autant plus présente que la
plupart des Mélanésiens continuent à vivre en dehors de
l'agglomération nouméenne ou des centres urbains secondaires. Ils
privilégient en effet le cadre traditionnel de la vie en milieu tribal
ce qui peut renforcer leur marginalisation économique.
"
La situation a-t-elle évolué en cinq ans ?
Le taux de scolarisation s'est incontestablement accru comme on l'a vu plus
haut. Dans le même temps toutefois, l'attraction exercée par
Nouméa et sa périphérie sur la population d'origine kanak
s'est traduite par un développement inquiétant des
phénomènes de squatts...
Un autre indice, plus quantifiable, peut également laisser supposer que
le déséquilibre intercommunautaire et social qui touche la
société calédonienne se réduit sans doute, mais
assez lentement.
L'opération "400 cadres"
issue des
accords
de Matignon, devait contribuer à favoriser l'émergence d'une
élite mélanésienne destinée à s'impliquer
activement dans la vie, notamment économique du territoire.
Le résultat apparaît pour l'instant mitigé.
Un bilan des promotions de 1989 à 1995 fait état de 285
stagiaires, dont 73 femmes et 212 hommes. Ce bilan, fourni par le
ministère de l'Outre-mer à votre rapporteur, met l'accent sur les
difficultés apparues.
Le vivier
du Programme s'est appauvri peu à peu, et le public
pour lequel il avait été conçu a en grande partie disparu.
Les candidats sont plus jeunes, moins militants que leurs aînés,
mais surtout leur niveau à l'entrée dans le Programme ne leur
permet souvent pas d'ambitionner des études longues et scientifiques
débouchant sur les emplois de responsabilités identifiables sur
le territoire.
L'augmentation au cours de ces dernières années de structures de
formation post-baccalauréat à Nouméa contribue à
accentuer ce phénomène.
Ensuite,
les objectifs quantitatifs ne seront pas totalement atteints en
1998
:
- l'objectif des "400 Cadres" formés ne sera pas atteint ;
- 20 à 25 % d'entre eux échouent aux examens et concours
visés ;
- et 5 % environ éprouvent de réelles difficultés
à trouver un emploi, quelques autres devant se contenter temporairement
d'un poste de travail ne correspondant pas vraiment au diplôme obtenu ou
à la formation suivie ;
- de toute façon, certains stagiaires des promotions 1997 et 1998 ne
termineront leur formation qu'en 2000, 2001, voire plus ;
Le rééquilibrage par la formation reste donc à
effectuer
:
- le Programme ne vise sur dix ans à former que 10 % des besoins en
cadres du territoire ;
- les cadres d'origine mélanésienne sont encore insuffisamment
nombreux, notamment
trop peu
exercent effectivement
des
responsabilités dans les entreprises privées
;
- certains secteurs économiques comme les professions libérales,
l'industrie ou la création d'entreprise ont attiré peu de
candidats.
La répartition des 151 stagiaires ayant achevé avec succès
leur formation en métropole est en effet la suivante:
Services d'Etat, territoriaux ou provinciaux: 68
Etablissements publics et assimilés: 35
Entreprises privées et assimilées: 34
En métropole, pour une première étape professionnelle:
5
Situation professionnelle non définitivement établie: 9
Le programme "400 cadres" a ainsi vocation à être poursuivi
au-delà de 1998, sans doute modifié dans certains de ses
critères, et surtout élargi et mis au service d'autres publics en
formation.