C. AUDITION DE M. CHARLES PERINETTI, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL ET DE MME DANIÈLE HANNAIRE, RESPONSABLE DES AFFAIRES TECHNIQUES DU SYNDICAT NATIONAL DE L'INDUSTRIE DES TECHNOLOGIES MÉDICALES (SNITEM)
M. Charles PERINETTI - Je suis le délégué
général du SNITEM et Danièle Hannaire est la responsable
des affaires techniques et est membre de la Commission de
matério-vigilance.
Le SNITEM a été créé le 1er janvier 1987, il est
relativement neuf pour identifier, ce que l'on appelle à travers les
directives européennes, les dispositifs médicaux. C'était
un monde non identifié jusqu'alors, une foule de segments
d'activités diverses allant des matériels consommables -sutures,
sondes, seringues etc.- jusqu'aux scanners et équipements lourds.
C'est tout cet ensemble de produits et matériels qui ne sont pas des
produits pharmaceutiques, même s'il peut y avoir au niveau des seringues
préremplies des zones d'interface, c'est tout ce matériel qui
n'était pas identifié que nous avons isolé pour lui donner
une unité qui s'ordonne autour du système hospitalier public et
privé. Il est régi de plus en plus par une série de
données financières, budgétaires, administratives et
autres qui en font un secteur d'activités bien à part.
Il est clair que ce monde était relativement peu connu. Un moment
important, pour ce secteur d'activité, a été celui de la
publication des directives européennes. Pourquoi était-ce
important ? Car elles ont posé le principe de l'identification des
dispositifs médicaux.
Cependant, lorsque l'on parle des dispositifs médicaux, il faut savoir
qu'ils englobent, de par les directives européennes, un monde
très complexe que l'on ne peut pas unifier du seul regard et sur lequel
on ne peut pas projeter les mêmes types de préoccupations.
C'est pourquoi il y a plusieurs classes dans ces directives. Les deux
directives qui nous concernent au premier chef offrent ceci de particulier,
qu'elles introduisent des principes, d'une part de mise sur le marché,
d'autre part de sécurité, qui n'existaient pas il y a quelques
années.
Il faut songer que de 1985 à 1988, on pouvait mettre des
prothèses de hanches sur le marché sans homologation et sans
autre garantie que la bonne volonté des expérimentateurs de
mettre des matériels de qualité sur le marché. Or, depuis
nous avons largement participé à un processus d'homologation de
ces produits de prothèse de hanches.
Nous sommes entrés dans des phases qui n'existaient pas. La directive
européenne oblige ainsi les entreprises à effectuer des essais
cliniques.
Un élément tout à fait important qu'il faut retenir de ce
secteur d'activité, c'est qu'il est composé dans certains de ses
pôles de très grandes sociétés multinationales.
C'est vrai pour les produits consommables. C'est vrai également dans le
domaine de l'imagerie des équipements lourds. Mais, à
côté, une foule de très petites sociétés qui
emploient existe souvent entre 50 et 150 personnes. Elles n'ont, ni les
séries, ni les volumes de la pharmacie. Il ne faut jamais oublier cela
quand on fait des comparaisons dans ces segments d'activité : on ne
travaille pas du tout à la même échelle. Appliquer et
décalquer purement et simplement les méthodes de la pharmacie
à des segments d'activité du médical, c'est prendre un
marteau-pilon pour tuer une toute petite noisette.
Le SNITEM regroupe 180 sociétés, 25 milliards de chiffre
d'affaires en France, dont 20 à 25 % à l'exportation,
moyenne qui ne veut strictement rien dire car vous avez deux ou
trois catégories de sociétés : celles qui exportent
50 % de leur activité, certaines qui n'exportent rien et certaines
petites sociétés locales qui ont un taux d'exportation
très limité. Donc le chiffre de 20 à 25 % est purement
indicatif.
Caractéristique de ce secteur : c'est vrai que les capitaux
étrangers en France se sont largement implantés,
développés. Pour la France qui représente 4,5 à 5 %
du marché mondial dans ce segment d'activité, cette importance
des capitaux étrangers tient au délai de mise sur le
marché. Pour une société
" franco-française " qui développe des produits sur son
marché de référence, ce délai est beaucoup trop
long, et même devient réellement illisible car il existe toute une
série de procédures qui sont très mal coordonnées.
Le gros problème pour les sociétés aujourd'hui est de
connaître le temps du développement, le temps de la mise sur le
marché. Lorsque l'on est une PME ou PMI, on ne peut pas ne pas savoir si
on en a pour 2, 3 ou 4 ans. Alors que si on est un gros groupe multinational,
on répartit le risque à travers les marchés mondiaux de la
compagnie.
Ce gros problème explique le fait qu'il est difficile de partir du sol
français pour développer de nouveaux segments d'activité,
sauf à repenser la manière dont on coordonne l'ensemble des
données du problème, car il y a des données tarifaires.
M. Claude HURIET, rapporteur - Concernant la sécurité, c'est vous
madame qui allez en parler. Sur le point que vous évoquez, en
conclusion, cela n'entre pas dans le champ de notre réflexion du jour
mais personnellement, je suis sûr que d'autres membres de la Commission
des affaires sociales et son président seraient d'accord pour que l'on
se voie pour parler du devenir de nos entreprises. Pour nous, cet
élément n'est pas mineur.
M. Charles PERINETTI - Nous vous en remercions et nous reprendrons rapidement
contact avec vous.
Mme Danièle HANNAIRE - Comme l'a dit M. Perinetti, la grande
nouveauté du marquage CE est qu'il couvre l'ensemble du dispositif.
C'est une priorité sécuritaire qui s'applique à la
fonction : on veut être sûr que le matériel mis sur le
marché n'induit pas d'effets indirects inacceptables face au
bénéfice que le patient va en attendre et en même temps,
que le produit offre toutes les garanties pour répondre à sa
fonction attendue.
Ce marquage CE est basé sur des études techniques puisqu'un des
avantages de ce type de produit, c'est que l'on peut simuler en laboratoire un
certain nombre de comportements en termes dynamiques, mécaniques, de
matériaux. On va pouvoir, pour tout ce qui est implantable, regarder
l'aspect toxicologique et la biocompatibilité, soit dans des
laboratoires, soit avec des essais sur animaux. Dans certains cas, on
vérifiera sur l'homme, en particulier pour les matériaux
innovants auquel cas le patient sera protégé puisque ces
investigations seront faites dans le cadre de la loi qui porte votre nom,
Monsieur le sénateur. C'est une garantie pour le patient.
Sur l'ensemble du matériel il faut regarder deux aspects, l'aspect
équipement et l'aspect implant. L'aspect équipement sera
examiné à travers le comportement technique. L'aspect implant,
outre le comportement technique, nécessitera des investigations
cliniques et des études plus poussées. C'est peut-être
là qu'il y aura quelques progrès à faire ou qu'il faudra
engager une réflexion.
M. Claude HURIET, rapporteur - Pourriez-vous définir ce qu'est le
marquage CE.
Mme Danièle HANNAIRE - Le marquage CE est basé, comme toutes les
directives " nouvelle approche ", sur les exigences
essentielles. Un
industriel qui met un produit sur le marché doit prouver que celui-ci
répond aux exigences essentielles de la directive qui sont des exigences
de sécurité et de fonctionnalité.
Ce marquage est basé sur des essais techniques, ou un dossier technique,
des essais cliniques, ou un dossier clinique, obligatoire pour tout ce qui est
implantable et tout ce qui appartient à une classe à hauts
risques, tout ce qui comporte un médicament ou qui est en contact avec
le système nerveux central, ou le système cardio-vasculaire, car
ce sont des points vitaux. La procédure est complétée par
l'organisation d'un système d'assurance qualité de l'entreprise :
elle doit faire la preuve qu'elle est organisée de telle manière
qu'elle peut fabriquer toujours conformément aux données de base
qu'elle s'est données, avec une traçabilité des produits
qui va jusque chez le client, en l'occurrence l'hôpital.
La limite du système est qu'une fois que le produit arrive à
l'hôpital, l'industriel est incapable d'avoir une
traçabilité pour retrouver le patient dans le cadre de l'implant.
Mme Marie-Madeleine DIEULANGARD - La biocompatibilité, ce n'est pas vous
qui pouvez la vérifier.
Mme Danièle HANNAIRE - L'industriel va faire des essais en laboratoire
sur tout ce qui et toxico, biocompatibilité, il y aura ensuite une
vérification
in vivo
d'abord chez l'animal pour l'implant et
ensuite, dans un cadre très particulier, sur certains patients, dans le
cadre d'expérimentations cliniques très organisées.
Mme Annick BOCANDE - Qui vous finance ?
Mme Danièle HANNAIRE - C'est l'industriel qui fait la démarche et
c'est financé par les frais de développement d'une entreprise.
Mme Annick BOCANDE - Faut-il comprendre qu'effectivement, tout produit mis sur
le marché dans la gamme très large que vous avez
évoquée, doit avoir ce marquage CE ? C'est contradictoire
avec ce que l'on a entendu lors d'une précédente audition
où nous avions d'ailleurs entendu des informations qui nous avaient
effrayés. Ce que l'on entend aujourd'hui est plutôt rassurant.
M. Charles PERINETTI - Tous les dispositifs médicaux doivent, pour
être mis sur le marché, avoir le marquage CE. Il y a trois classes
: une classe dans laquelle les gens doivent se contenter de faire de l'auto
certification pour des matériels qui ne sont pas trop dangereux pour le
corps humain ; puis vous avez la classe 2 et la classe 3.
Mme Danièle HANNAIRE - La classe 2 A est un peu plus
sévère, c'est l'imagerie ; en 2 B les dispositifs comportent un
risque plus important, je pense aux implants. Et la classe 3, sont
rassemblés les produits qui présentent le plus de risques, ceux
dont un dysfonctionnement ou un mauvais fonctionnement ou un
inconvénient agit directement sur les fonctions vitales du corps humain,
c'est tout ce qui est en contact avec le système nerveux central, le
système cardio-vasculaire autour du coeur et tout ce qui comporte un
médicament.
Dans les classes 2 B et 3 il y a une investigation clinique. Dans tous les cas
de figure, l'industriel, dans son dossier de conception, doit inclure une
analyse des risques. Il doit regarder tous les dysfonctionnements ou les
inconvénients de son produit qui peuvent arriver avec l'utilisation de
son produit, et regarder quel est le bénéfice du patient. A
chaque étape, il vérifie si le risque est acceptable ou non au
regard du bénéfice, si oui il passe à l'étape
supérieure, sinon il prend des directives.
M. Charles PERINETTI - J'ajoute que des matériels qui, hier, en France,
échappaient totalement à l'homologation, sont couverts
aujourd'hui par le champ de la directive.
Mme Danièle HANNAIRE - Mais ce marquage CE ne sera obligatoire qu'au 14
juin 1998.
M. Charles PERINETTI - Nous sommes dans une période transitoire, mais,
pour plusieurs raisons -y compris des problèmes tarifaires- les gens
sont pratiquement obligés de passer au marquage CE et d'anticiper.
M. LE RAPPORTEUR - Quel est votre interlocuteur pour le contrôle,
l'inspection et quelle autorité vous accorde l'homologation ?
Mme Danièle HANNAIRE - L'homologation française est
accordée par le Ministre de la santé à travers la division
technologie médicale de la direction des hôpitaux. La
décision est prise sur avis favorable à la Commission nationale
d'homologation. Mais ce n'est valable qu'en France et pour à peu
près 80 matériels, c'est donc un panel très limité.
En France, l'autorité habilitée à accorder le marquage CE
est aussi le GMED qui est l'organisme notifié par le ministère de
la santé.
M. Charles PERINETTI - Le GMED est un GIE à quatre têtes
composé notamment du Ministère de la santé et du
Ministère de l'industrie.
Cela pose des problèmes car les PME qui doivent obtenir le marquage CE
peuvent le faire partout en Europe où il existe des organismes
notifiés par le gouvernement ; en France, un seul organisme a
été notifié, le GMED. D'autres pays en ont
désigné plusieurs.
Mme Annick BOCANDE - Et au niveau des normes d'un pays à l'autre ?
M. Charles PERINETTI - Les directives CEE sont communes à tout le monde.
C'est stabilisé, c'est traduit en droit national et le guide
général du marquage CE a été approuvé par
tous les Etats.
La question qui peut poser problème aux uns et aux autres est de savoir
si les pratiques des différents organismes notifiés seront
exactement les mêmes. Il peut y avoir des distorsions, car ils sont issus
de traditions différentes. C'est pourquoi est organisée au niveau
de la Commission une réunion des différents organismes
notifiés pour essayer de voir s'il n'y a pas des comportements
divergents.
M. Claude HURIET, rapporteur - Je connais les grandes lignes de cette
procédure administrative, mais concernant les missions de contrôle
et d'inspection, j'ai le sentiment que la direction des hôpitaux n'avait
pas vocation à les prendre en charge et qu'elle n'a pas les moyens
nécessaires. Le GMED est une réponse mais, quand on voit la
nécessité d'avoir une inspection et un contrôle d'un bout
à l'autre de la chaîne de fabrication pour les dispositifs qui
sont dans vos attributions, comment cela se passe-t-il ? Est-ce la
direction des hôpitaux, est-ce quelqu'un d'autre, et est-ce que votre
satisfaction sur les procédures actuelles concerne aussi les
biomatériaux ?
On a été alerté ; il peut y avoir des dispositifs bien
fabriqués avec des matières premières qui ne sont pas
adaptées et qui entraîneront des incidents ou des accidents.
M. Charles PERINETTI - Il y a aussi un élément important c'est la
mise en place récente de la Commission de matério-vigilance, dont
la première réunion a eu lieu hier. Pour vous répondre, le
problème que vous posez va relever de structures ; nous parlions de la
direction des hôpitaux qui s'est mise un peu en retrait avec la
création du GMED, mais nous avons aussi l'intervention de la Direction
générale de la santé dans un certain nombre de domaines.
Un élément de la réflexion va être la
matério-vigilance qui vient de se mettre en place.
Mme Danièle HANNAIRE - Dont la vigilance a pour objectif d'analyser les
quasi incidents ou incidents et de faire en sorte qu'ils ne se reproduisent
pas. En analysant les incidents sur le terrain, cela permettra d'étayer
un dossier d'épidémiologie sur certains produits pour les faire
évoluer. C'est un des bouclages...
M. Claude HURIET, rapporteur - ...et en amont ?
Mme Danièle HANNAIRE - Si vous parlez d'inspection de l'organisation du
système de l'entreprise pour fabriquer conformément, cela est vu
par l'organisme notifié et c'est audité tous les ans : c'est le
GMED.
M. Charles PERINETTI - Lorsque l'entreprise est ISO 9001, cela inclut tout le
processus de fabrication, y compris la conception. La manière dont elle
acquiert sa matière première par rapport au type
d'activité qui est la sienne est auditée et entre dans le cadre
du descriptif de l'entreprise.
Mme Marie-Madeleine DIEULANGARD - Mais sur la nature même du
matériau, la matière dont on s'approvisionne, à quel
moment est-ce homologué ?
Mme Danièle HANNAIRE - Le choix du matériau est de la
responsabilité du concepteur. Quand vous consommez un produit, c'est
à la fois la forme, les caractéristiques, mais aussi le
matériau puisque c'est lui qui va définir le reste. C'est
là que se place l'analyse de risques qui est étayée sur un
certain nombre de dossiers -en l'occurrence pour les implants toxicologiques,
la biocompatibilité- puisque l'on va regarder comment les
échantillons du matériau se comportent dans ces différents
domaines. Une fois qu'il est façonné, fabriqué, c'est
toute la phase clinique -qu'elle soit animale et humaine sous contrôle-
qui va permettre de vérifier qu'y compris
in vivo
, dans sa phase
finale, il a le même comportement et n'entraîne pas, à la
connaissance actuelle des incidents.
M. Charles PERINETTI - Un autre aspect du sujet est de savoir comment l'Agence
Nationale d'Accréditation et d'Evaluation va se comporter. Est-ce que ce
sera, en dehors des hôpitaux, une agence d'évaluation des
matériels et techniques ? On ne le sait pas encore, nous sommes dans un
puzzle où se mettent en place différents éléments
qui n'ont pas encore totalement établi comment ils joueront.