II. LES QUESTIONS ECONOMIQUES ET FINANCIERES

A. TRAVAUX CONCERNANT LA MISE EN PLACE DE L'EURO

La délégation ayant souhaité présenter cet aspect de ses travaux avant le Conseil européen de Dublin des 13 et 14 décembre 1996, un rapport distinct a été publié le 10 décembre 1996.

Le rapport de M. Jacques GENTON :

" Euro et pacte de stabilité : travaux de la délégation"

a été publié sous le n° 129 (1996-1997)

B. EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION DE M. NICOLAS ABOUT SUR L'AVENIR DU TRANSPORT FERROVIAIRE EN EUROPE

Le mercredi 6 novembre 1996, la délégation a examiné le rapport d'information de M. Nicolas About sur la réforme du système ferroviaire britannique et le Livre blanc de la Commission européenne : " une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires ".

M. Nicolas About rappelle qu'il a présenté, en avril 1996, un premier rapport sur les initiatives communautaires dans le domaine du transport ferroviaire et que la délégation s'est alors prononcée contre une ouverture plus large à la concurrence de ce secteur, la directive communautaire de 1991 n'ayant pas été appliquée et n'ayant fait l'objet d'aucun bilan. Il indique que, depuis l'adoption de ce précédent rapport, il a conduit une mission en Grande-Bretagne afin d'examiner les conditions de fonctionnement du système ferroviaire, qui a récemment fait l'objet d'une importante réforme. Il présente alors les principaux traits du système ferroviaire britannique. En vertu d'une loi adoptée en novembre 1993, l'entreprise intégrée British Railways a été scindée en un grand nombre de sociétés :

- une entreprise baptisée Railtrack, possédant et gérant les infrastructures ;

- trois compagnies, appelées Rolling Stock companies, possédant le matériel roulant et le mettant à la disposition des sociétés d'exploitation ;

- vingt-six compagnies régionales exploitant les services de transport de passagers ;

- enfin des compagnies de fret et des sociétés de maintenance.

Le rapporteur souligne que l'infrastructure ferroviaire a ainsi été totalement séparée de l'exploitation des services. Pour l'exploitation des services de transport de voyageurs, le réseau a été scindé en vingt-six zones régionales destinées à être concédées à des entreprises volontaires après appel d'offres. Il s'agit donc d'un mécanisme de délégation de service public comme il en existe beaucoup en France. L'appel d'offres s'effectue sur la base d'un cahier des charges ; l'entreprise prête à assurer les obligations de ce cahier des charges en demandant la subvention publique la plus faible obtient la franchise. Les entreprises retenues ont des obligations en ce qui concerne les services offerts, le nombre de trains ; elles sont également soumises à un encadrement en matière tarifaire destiné à protéger les usagers.

M. Nicolas About précise que ce système est très encadré. Il existe un régulateur du rail, chargé notamment d'établir les péages payés par les exploitants pour accéder à l'infrastructure et de définir les règles de concurrence en matière ferroviaire. En revanche, l'attribution des franchises après appel d'offres est effectuée par une autre autorité, le directeur de franchises. Afin d'encourager les exploitants à maintenir une qualité de service satisfaisante, la loi a prévu un mécanisme permettant au directeur des franchises d'infliger des pénalités ou d'accorder des subventions complémentaires aux exploitants en fonction de la manière dont évolue le service qu'ils rendent. La concurrence reste pour l'heure limitée, dans la mesure où les entreprises ayant obtenu une franchise pour gérer un réseau ont seules accès à ce réseau. La concurrence ne se fait donc qu'au moment des appels d'offres. Cette situation pourrait évoluer dans l'avenir, mais les autorités britanniques font preuve d'une certaine prudence à ce sujet.

Le rapporteur estime alors que ce système présente des aspects incontestablement positifs :

- la séparation de l'exploitation et des infrastructures permet une véritable transparence dans la gestion des transports ferroviaires ;

- le service public fait désormais l'objet de contrats précis entre la puissance publique et les entreprises qui souhaitent exploiter des réseaux de chemins de fer ; cette évolution doit permettre d'améliorer l'efficacité des entreprises et de diminuer les coûts des services rendus.

M. Nicolas About souligne que certaines interrogations subsistent, qui impliqueraient un réexamen du système après quelques années de fonctionnement :

- l'éclatement de British Railways en une multitude d'entités ne s'imposait probablement pas et l'on assistera vraisemblablement à une certaine reconcentration ;

- il existe encore quelques problèmes de coordination et d'organisation, notamment en ce qui concerne la tarification, qui est devenue plus complexe, du fait de la présence de nombreux acteurs sur le marché ;

- le coût de la réforme pour l'Etat n'est pas encore clairement établi ; il conviendra de vérifier que la décroissance des subventions s'opère dans les délais prévus sans que l'équilibre financier des exploitants soit menacé.

Le rapporteur souligne le courage de la réforme britannique et estime que les autres pays européens, et notamment la France, doivent connaître ce système, non pour l'imiter, mais parce que la comparaison objective doit précéder la décision.

M. Nicolas About présente ensuite le Livre blanc de la Commission européenne : " Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires ". Il indique que ce document non normatif contient de multiples propositions destinées à permettre au rail de retrouver un rôle important en Europe dans les prochaines années.

Le rapporteur précise que la Commission européenne insiste en premier lieu sur la nécessité de clarifier les rapports entre les Etats et les entreprises ferroviaires, plaidant pour un assainissement financier des entreprises et une gestion de ces dernières sur une base commerciale. La Commission européenne indique en particulier qu'elle examinera dorénavant la conformité au droit communautaire des aides d'Etat accordées aux chemins de fer. Les aides d'Etat pourraient n'être autorisées que si elles s'accompagnent d'un programme de restructuration destiné à améliorer la situation de l'entreprise.

M. Nicolas About fait valoir que la Commission européenne souhaite une ouverture plus large à la concurrence du secteur du transport ferroviaire. Il rappelle que la délégation s'est opposée à cette proposition en avril 1996 et qu'aucun élément nouveau ne permet d'être favorable à une telle évolution dans l'immédiat. Il approuve en revanche l'idée de contractualisation du service public inscrite dans le Livre blanc, en observant que le service public devait devenir un ensemble d'obligations clairement définies dans un contrat entre une collectivité publique et l'entreprise chargée d'assurer le service.

Puis le rapporteur explique que, dans l'attente d'une ouverture plus large à la concurrence, la Commission européenne propose la création de " corridors ferroviaires " pour le transport de marchandises ; il s'agit de choisir certains itinéraires particulièrement prometteurs pour le transport de fret et de permettre un libre accès sur ces itinéraires afin de renforcer le transport de marchandises par chemins de fer.

Enfin, le rapporteur indique que le Livre blanc contient également des propositions pour faciliter l'intégration des systèmes nationaux ainsi que des propositions modestes sur les aspects sociaux de l'évolution des chemins de fer. Il souligne que l'évolution du transport ferroviaire doit prendre en compte les aspects sociaux et notamment les questions relatives à l'aménagement du temps de travail, afin d'éviter que la mise en oeuvre éventuelle d'une plus grande concurrence ne conduise à une dégradation des conditions de travail.

Concluant son propos, M. Nicolas About insiste sur l'importance du Livre blanc de la Commission européenne. Il souhaite que la France n'ignore pas systématiquement les propositions communautaires et les expériences menées par les autres pays européens. Soulignant que le système français avait des vertus, mais aussi des défauts, il estime que ce système devait être amélioré et qu'il est souhaitable de le réformer dans de bonnes conditions, sans attendre qu'une directive communautaire y contraigne la France ou que la situation du transport ferroviaire français soit dégradée de manière irréversible. Il ajoute que l'heure du courage et de la vérité était arrivée pour les chemins de fer européens.

M. Philippe François s'interroge sur la manière dont les syndicats de la SNCF pourraient percevoir ce rapport d'information.

M. Nicolas About indique que ce rapport ne préconise en aucun cas l'imitation par la France du système ferroviaire britannique, mais fournit des éléments d'information sur ce système et sur le Livre blanc de la Commission européenne. Il souligne qu'il est important que tous les acteurs du transport ferroviaire français, et notamment les syndicats, soient informés des évolutions qui interviennent chez nos principaux partenaires européens. Il observe que la France doit être prête si une plus grande ouverture à la concurrence intervenait dans quelques années.

M. Xavier de Villepin déclare avoir été frappé par l'état de vétusté du réseau ferroviaire britannique. Il fait valoir que la SNCF connait une situation financière très dégradée, mais que les chemins de fer en France sont de très bonne qualité.

M. Nicolas About se déclare en accord avec ces propos et estime que la vétusté du réseau ferroviaire britannique avait joué un rôle important dans la décision d'entreprendre une réforme radicale du système. Il souligne que la privatisation de Railtrack a suscité des inquiétudes, dans la mesure où l'on se demandait qui voudrait acheter un réseau aussi délabré. Le Gouvernement britannique a donc pris des mesures qui ont permis la privatisation de l'entreprise et lui ont donné une capacité à investir dans la réhabilitation du réseau. De même, les exploitants de services de transport de voyageurs ont pris des engagements importants en matière d'investissements. Dans le domaine du fret, une même entreprise américaine a pris le contrôle des trois sociétés de fret lourd créées dans le cadre de la réforme et a immédiatement annoncé l'achat de deux cents locomotives neuves.

Le rapporteur souligne que l'Allemagne a également entrepris une réforme très importante de son système, l'Etat ayant consenti un effort exceptionnel pour reprendre la dette de la Deutsche Bahn et prendre en charge les surcoûts liés au statut des personnels.

M. Christian de La Malène s'interroge sur le contenu et l'étendue du service public en Grande-Bretagne. Il observe qu'il n'existe pas de critères concrets pour définir le service public et fait valoir qu'il ne sert à rien d'avoir des cahiers des charges précis si ceux-ci ne contiennent que des prescriptions minimales en matière de service public. Il souligne que l'on a parfois l'impression que la SNCF a une conception étriquée du service public et souhaite savoir ce qu'il en est en Grande-Bretagne.

M. Nicolas About indique que les cahiers des charges imposent aux exploitants de services de transport de voyageurs de maintenir au moins le niveau de service assuré par l'ancienne entreprise British Railways et que, naturellement, les exploitants sont invités à entreprendre davantage de manière à conquérir une nouvelle clientèle. Il fait valoir que les cahiers des charges contenaient également des prescriptions en matière tarifaire limitant fortement la possibilité d'augmenter les tarifs des services.

Après les intervention de MM. Paul Masson, Christian de La Malène, Denis Badré, Yves Guéna, Philippe François, Jacques Genton, président, James Bordas et Robert Badinter , le rapporteur propose, compte tenu du report de l'examen par le Sénat du projet de loi portant création de l'établissement public " Réseau ferré national ", d'apporter des modifications à sa conclusion. La délégation décide alors de réexaminer la conclusion du rapport d'information au cours de sa prochaine réunion.

Le mardi 12 novembre 1996, la délégation a terminé l'examen du rapport d'information de M. Nicolas About sur la réforme du système ferroviaire britannique et le Livre blanc de la Commission européenne : " une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires ".

M. Nicolas About , rapporteur, présente une nouvelle conclusion soulignant l'impotance de certaines propositions inscrites dans le " Livre Blanc " de la Commission européenne, mais regrettant que la directive adoptée en 1991 n'ait donné lieu à aucun bilan. Puis la délégation approuve la conclusion modifiée et adopte le rapport d'information.

Le rapport de M. Nicolas About :

" Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires "

a été publié sous le n° 76 (1996-1997)

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