CONCLUSION
Dans l'hypothèse où le bouclage des territoires
se maintiendrait avec une même rigueur, et où le processus de paix
connaîtrait encore de nouveaux retards, la double impasse
économique et politique pourrait conduire la population palestinienne
à la désespérance.
Cette situation ferait le jeu de tous les extrémismes et conduirait
à une reprise des violences. Il n'est pas difficile d'imaginer alors le
cycle néfaste qui pourrait se former : répression - fermeture
renforcée - redoublement des tensions. Les ressorts du processus de paix
ne seraient-ils pas dès lors définitivement brisés ?
La signature d'un accord sur Hébron en janvier 1997 vient de soulever un
nouvel espoir pour le processus de paix. La logique ouverte par les accords
d'Oslo, l'accord sur Hébron en témoigne, a pu surmonter le poids
des parti-pris idéologiques. Cependant, il ne faut pas se le dissimuler,
les questions extrêmement difficiles demeurent à négocier.
Dans quel état d'esprit les deux partenaires aborderont-ils les
échéances à venir ?
Le rôle majeur de l'opinion publique
Les responsables israéliens peuvent-ils renouer avec le grand dessein
qui conduisit aux accords d'Oslo ? Sans doute la
"révolution des
mentalités"
appelée de leurs voeux par Itzhak Rabin et Shimon
Pérès demeure inachevée. Fallait-il, comme l'a
indiqué M. Elie Barnavi devant votre délégation, forcer le
destin au moment d'Oslo et signer dans le même souffle un accord
permanent ? D'après lui, le choix d'un processus par étapes
donnait prise aux manoeuvres des adversaires de la paix. L'incertitude sur les
concessions nécessaires au terme de la période intérimaire
a entretenu les inquiétudes.
Mais l'opinion continue d'évoluer. Les risques actuels lui font mieux
percevoir les mérites de la paix, et au premier chef, sans doute, la
reconnaissance du fait israélien dans la région, garantie de la
sécurité aux frontières. En Israël même, la
poursuite du processus de paix demeure le meilleur gage d'une quiétude
que la fermeture des territoires ne peut procurer que dans le court terme :
l'opinion s'en convainc progressivement.
M. Netanyahou apparaît attentif aux aspirations des Israéliens. Il
s'est montré pragmatique et n'a pas craint d'affronter
l'hostilité de certains de ses alliés au gouvernement pour leur
imposer un accord sur Hébron. Il ne faut jamais l'oublier, c'est un
Premier ministre du Likoud, M. Begin, qui a signé les premiers accords
de paix avec l'Egypte.
Restaurer la confiance
Quels peuvent être aujourd'hui les moyens de relancer le processus de
paix ? Sans doute importe-t-il en premier lieu de promouvoir réellement
la coopération économique entre les deux parties, chantier encore
en jachère malgré la place que lui accordait la
déclaration de principes de 1993. Si les oppositions se cristallisent
aujourd'hui sur les questions d'ordre politique, qu'il faudra certes bien
aborder dans la perspective du statut permanent, le détour par
l'économie peut favoriser un déblocage des discussions.
La difficulté de la négociation, dès l'origine, s'est
trouvée résumée dans la formule "la paix contre les
territoires" : Israël doit consentir des sacrifices en termes de pouvoirs
et de territoires contre la paix. La dissymétrie des positions entre
Israël et ses voisins arabes, comme entre Israéliens et
Palestiniens peut expliquer bien des hésitations et nourrir bien des
soupçons.
Pour permettre à Israël d'avancer, il convient de lui donner tous
les gages qui fondent sa confiance et répondent à son souci
légitime de sécurité. Les Palestiniens s'étaient
engagés dans cette voie, notamment en montrant une grande fermeté
dans la lutte contre le Hamas au moment des attentats perpétrés
contre Israël au début de l'année 1996. Pour que la
confiance puisse se restaurer, les deux parties doivent accepter de renouer les
fils du dialogue . La signature de l'accord sur Hébron, si elle n'a pas
suffi à restaurer encore un climat de confiance, constitue toutefois une
promesse qui engage les deux partenaires.
Une présence française inscrite dans un souci
d'équilibre
Quelle place notre pays peut-il occuper dans le processus en cours ? Les
interlocuteurs israéliens de votre délégation ont
regretté, à des degrés divers, les orientations
adoptées par le Président de la République au cours de sa
visite dans la région en octobre dernier. A l'inverse, les
personnalités palestiniennes se sont félicitées des
positions prises par M. Jacques Chirac. M. Yasser Arafat a toutefois
observé, pour s'en étonner, que notre pays, et l'Europe en
général, hésitait à faire pression sur Israël,
notamment à travers des moyens économiques.
Si la France aspire à jouer un rôle de médiation dans cette
région, conforme à sa vocation de puissance européenne et
méditerranéenne et aux intérêts de sa diplomatie,
elle doit développer des relations équilibrées avec les
deux parties
.
Nos échanges comme notre coopération avec Israël demeurent
encore trop limités, alors même que nous nous devons de renforcer
notre crédibilité auprès d'Israël quand nous plaidons
pour le processus de paix.
S'agissant des territoires palestiniens, l'appui accordé au renforcement
d'institutions démocratiques apparaît inséparable de l'aide
économique destinée à forger les bases d'un futur Etat.
Tout mérite d'être fait par ailleurs pour favoriser l'autonomie
économique des territoires : développement des infrastructures
(port et aéroport de Gaza) et des échanges directs entre les
territoires et le reste du monde. Votre délégation se
félicite à cet égard de la signature d'un accord
intérimaire entre l'Union européenne et l'OLP.
La France ne peut être absente d'une scène où se joue la
stabilité d'une région avec laquelle elle a tissé de
longue date des liens historiques et humains d'une rare intensité, et
qu'un proche avenir promet en outre à une intégration plus forte
encore avec les économies européennes.
Pour préserver ou restaurer son influence, notre pays doit s'attacher
à se faire entendre des différentes parties en présence.
Il y a là pour notre diplomatie un défi qui mérite
d'être relevé.