II. LE PACTE NATIONAL DE 1943 : UN ACCORD NON ÉCRIT ENTRE MARONITES ET SUNNITES

Cet accord non rendu public, qui est décrit traditionnellement comme la charte constitutive du Liban, a été signé entre Bechara-el-Khouri, maronite, chef du Destour qui devient Président de la République et Riad-el-Solh, sunnite, qui devient Premier ministre.

A. LA NATION LIBANAISE COMME RÉSULTANTE D'UN COMPROMIS COMMUNAUTAIRE

Cet accord reconnaissait tout d'abord l'indépendance de la Nation libanaise à l'égard de tous les Etats d'Occident ... et d'Orient. Il consacrait ensuite l'appartenance au monde arabe du Liban qui devait coopérer avec les Etats arabes frères " jusqu'aux plus extrêmes limites ". Ainsi, le Liban adhère le 7 avril 1945 à la Ligue arabe et s'oppose avec l'ensemble des pays de la région à la naissance d'Israël en 1948. Cet accord repose sur un échange en bonne et due forme : les Sunnites concèdent l'indépendance du Liban en contrepartie de la reconnaissance par les maronites de l'arabité du Pays du Cèdre.

La Nation repose ainsi sur un " foedus ", un " pacte ", comme si elle se limitait à l'expression d'un compromis communautaire, d'un modus vivendi, d'un " mode de vie collective " 10( * ) .

Comme le souligne le Père Basile Basile 11( * ) , " la particularité fondamentale du Liban qui est la raison d'être de la Nation libanaise est la " convivialité " concordante entre ses quinze communautés appartenant aux trois grandes religions monothéistes de l'humanité : le Christianisme, l'Islam et le Judaïsme ".

B. LA RÉPARTITION CONFESSIONNELLE DES FONCTIONS PUBLIQUES DANS LA PREMIÈRE RÉPUBLIQUE

Pour formaliser l'équilibre confessionnel de l'entité libanaise, le Pacte a débouché sur une répartition des plus hautes fonctions de l'Etat :

- aux maronites, la Présidence de la République, clef de voûte de la Constitution promulguée en 1926, et le commandement de l'Armée ;

- aux sunnites, la Présidence du Conseil des Ministres ;

- aux chiites, la Présidence du Parlement ;

- aux grecs orthodoxes, la vice-présidence du Parlement.

L'attribution de la Présidence de la République aux chrétiens marquait l'hégémonie des maronites. La prépondérance des chrétiens s'exprimait de même au sein de la Chambre des Députés : 66 députés sont chrétiens contre 33 musulmans.

La répartition des fonctions au sein du Gouvernement et de l'administration s'est faite selon le principe de la parité et sur la base de l'article 95 de la Constitution, abrogé par les accords de Taëf.

" A titre transitoire et conformément aux dispositions de l'article premier de la Charte du Mandat, et dans une intention de justice et de concorde, les communautés seront équitablement représentées dans les emplois publics, et dans la composition du ministère sans que cela puisse cependant nuire au bien de l'Etat ".

Ainsi, le confessionnalisme a pénétré tous les rouages de l'Etat, mais aussi l'appareil judiciaire, les collectivités locales, le secteur bancaire ... C'est l'ensemble de la société libanaise qui se plie à la logique du partage confessionnel des postes et des mérites.

Dès les premiers jours de son indépendance, le Liban se présente comme une " fédération " de communautés confessionnelles .

Certes, au regard des critères du droit constitutionnel classique, le Liban est un Etat unitaire.

En raison de la reconnaissance de jure des communautés confessionnelles, le Liban est en fait un Etat composé, bigarré, qui ne devait pas tarder à montrer ses faiblesses face aux répercussions du conflit israélo-arabe.

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