B. transports et télécommunications
INTERVENTION DE M. FRANÇOIS FILLON,
MINISTRE
DÉLÉGUÉ À LA POSTE,
AUX
TÉLÉCOMMUNICATIONS ET À L'ESPACE
M. François Fillon, ministre
délégué à la poste, aux
télécommunications et à l'espace
.- La loi du 4
février a prévu que le Gouvernement rendrait en 1996 un
schéma des télécommunications.
Je crois que le législateur et son inspirateur ont été
visionnaires -mais est-il nécessaire de rappeler que l'inspirateur de la
loi est visionnaire ?- s'agissant des télécommunications. Ils ont
en effet compris que, si le XX ème siècle avait
été celui la société industrielle, le XXI
ème serait celui de la société de l'information.
Les nouvelles technologies, grâce au numérique et aux
progrès de l'informatique, vont en effet être des instruments
déterminants pour l'éducation, pour le développement
économique, ainsi que pour l'intégration culturelle et sociale.
Cette prévision que plusieurs font depuis quelques années est
aujourd'hui confirmée par de très nombreux indicateurs, que ce
soient les créations d'emplois dans l'industrie et les services en
matière de télécommunications, que ce soit l'attention que
portent désormais les marchés financiers aux
sociétés qui maîtrisent ces nouvelles technologies, que ce
soient les batailles de titans auxquelles se livrent les géants de la
communication pour maîtriser les marchés de demain en
matière de services en ligne ou encore les efforts des grands pays
industrialisés -et en particulier de leurs leaders politiques- pour
gagner cette nouvelle bataille. Je pense à l'élection
présidentielle américaine où ce sujet avait
été au coeur du débat, ou encore à la nouvelle
structure gouvernementale allemande...
Les études préliminaires de ce schéma sont très
avancées, mais je me réjouis qu'elles ne soient pas
complètement achevées, puisqu'elles vont devoir intégrer
deux éléments nouveaux, l'ouverture à la concurrence et la
politique que conduit le Gouvernement dans le domaine des inforoutes.
L'ouverture à la concurrence va être l'élément
déterminant du calibrage de cette politique de l'Etat en matière
de télécommunications. Cette ouverture est programmée pour
le 1er janvier 1998, dans le cadre de l'Union européenne. C'est
l'aboutissement d'un processus de décisions qui a commencé en
1984, et qui a reçu depuis l'adhésion -souvent enthousiaste- de
tous les gouvernements français successifs les uns après les
autres.
Comment le Gouvernement prépare-t-il cette ouverture à la
concurrence ? Tout d'abord, il proposera au Parlement dans quelques semaines
une nouvelle loi en matière de réglementation des
télécommunications. Il favorisera également la
modernisation et l'évolution de France Télécom.
La nouvelle loi va être l'élément déterminant du
paysage des télécommunications pour les quinze ou vingt
années à venir. La France a choisi dans ce domaine une voie
originale. Elle est d'ailleurs la seule à l'avoir choisie. Il s'agit
d'une voie médiane entre une ouverture à la concurrence totale et
une volonté de défendre le service public.
Le projet de loi de réglementation, qui sera présenté au
Conseil des ministres dans une semaine, prévoit en effet un service
public garanti par l'Etat, dont la définition est donnée pour la
première fois dans un texte législatif. Le service universel de
la téléphonie vocale tel que vous le connaissez fonctionnera
selon les principes du service public "à la française"
-c'est-à-dire l'universalité, l'égalité,
l'adaptabilité et la continuité. La péréquation
tarifaire reprendra le principe actuel de la péréquation
géographique : le coût des télécommunications sera
le même où que l'on soit sur le territoire. La définition
du service public intégrera dans le service universel de la
téléphonie vocale les obligations qui y sont liées, comme
les appels d'urgence, les cabines téléphoniques, les annuaires,
etc.
Enfin, l'ensemble sera confié à l'opérateur historique
France Télécom, car il est dit clair que ce service universel
doit être offert sur l'ensemble du territoire national et qu'aujourd'hui
-et pour longtemps encore- seule France Télécom est capable
d'offrir ce service sur l'ensemble du territoire.
Ce service public sera financé par une redevance d'interconnexion et par
un fonds de service universel. Redevance et fonds seront acquittés par
tous les opérateurs qui rentreront sur le marché et qui auront
besoin de s'interconnecter au réseau de l'opérateur historique.
Ce service universel est défini de manière évolutive : il
est prévu que tous les cinq ans, on puisse y rajouter des
éléments que permettront les progrès de la technologie.
Le service public ne comprend pas seulement le service universel de la
téléphonie vocale. Ce sont aussi souvent des obligations de
service public qui s'ajoutent au service universel : liaisons louées,
services avancés de téléphonie vocale ou encore liaisons
numériques, qui sont des obligations que France Télécom
devra respecter, en particulier celle de mettre à la disposition de tous
les Français, sur l'ensemble du territoire, ces services qui viennent
compléter la définition du service public.
Les préoccupations d'aménagement du territoire sont
présentes dans le projet de lois qui vous sera soumis, d'abord à
travers la péréquation géographique, qui est une notion
que la France est un des seuls pays européens à avoir
conservée, et à travers le cahier des charges de nouveau
opérateurs. En effet, ceux-ci devront obtenir une licence qui sera
délivrée par l'Etat. Les cahiers des charges comporteront un
certain nombre d'éléments en matière d'aménagement
du territoire, des obligations en termes de zones de couverture des services,
en termes de calendrier de déploiement, ou encore dans le domaine du
respect des règles d'urbanisme. Enfin, une redevance de passage, qui
n'existe pas aujourd'hui pour France Télécom, mais qui existe
pour les autres opérateurs de réseaux, sera introduite dans la
loi.
Ma conviction est que, plus que la loi, c'est la concurrence qui
connaîtra les effets bénéfiques les plus importants, tant
pour le consommateur que pour l'aménagement du territoire.
Partout, la libéralisation s'est traduite par une augmentation de
l'offre de services, par des tarifs plus bas, y compris pour les services de
base, et en particulier pour la téléphonie vocale locale. Elle
s'est traduite également par une meilleure réponse aux besoins
des entreprises et globalement par des créations d'emplois dans le
secteur télécommunications.
Il suffit de prendre l'exemple du téléphone mobile en France :
tant que la concurrence n'existait pas dans ce secteur, le service était
inexistant ; il est apparu à partir du jour où la concurrence a
été introduite.
Si nous voulons demain développer le télé-travail sur
l'ensemble du territoire, les services en lignes -Internet ou ceux de demain-
la condition sine qua non est que le coût des communications soit
beaucoup plus bas qu'aujourd'hui. Sans baisse du coût des communications,
il n'y aura jamais de développement de ces services, qui sont des
instruments d'aménagement du territoire.
Dans ce contexte, le Gouvernement n'oublie pas de d'accompagner
l'évolution de l'opérateur historique France
téléphone. Cette évolution devra se faire progressivement,
dans le sens d'une modification de la structure juridique de l'entreprise vers
une structure de société. Il n'y a pas un autre opérateur
de téléphone en Europe qui n'ait pas aujourd'hui une structure de
société ou qui ne soit pas en train de s'en doter !
Par ailleurs, l'article 20 de la loi sur l'aménagement du territoire
prévoit qu'en 2015, la France devra être couverte en
réseaux à haut débit. Grâce à l'ouverture la
concurrence, nous allons aller plus vite. Nous avons donc décidé,
pour hâter le mouvement, d'engager une grande campagne
d'expérimentation, pour tester les technologies et les services.
250 expérimentations ont été labelisées par
l'Etat. 270 millions de francs y ont été affectés en 1996
contre 50 millions en 1995.
Nous avons par ailleurs, depuis le 15 mars, accès sur tout le territoire
français au service d'Internet pour le prix d'une communication locale.
Dans quelques instants, je rejoindrai l'Assemblée nationale pour la
seconde lecture -et j'espère la dernière- de la loi permettant
les expérimentations en matière d'autoroutes de l'information,
notamment dans le domaine des télécommunications sur les
réseaux câblés, qui nécessitent une modification
législative.
Nous venons de mettre en place un fonds d'aide à l'édition des
services en lignes, notamment destinés à aider les
éditeurs de logiciel et de CD Rom. Enfin, j'annoncerai au Conseil des
ministres de demain un certain nombre de mesures supplémentaires dans le
domaine de l'éducation, de la stimulation du marché des
ordinateurs et dans le domaine du commerce électronique, avec
l'allégement radical de la législation française en
matière de cryptage, qui était jusqu'à aujourd'hui un vrai
handicap pour le développement de ce secteur.
Enfin, la France a décidé de prendre une grande initiative qui
sera proposé à nos partenaires européens dans quelques
jours, à l'occasion d'une réunion informelle à Bologne,
afin que l'Europe prenne les devants pour organiser une conférence
internationale dans le domaine du droit de la communication, pour tenter de
résoudre de manière internationale les problèmes de
contrôle des contenus sur les réseaux en lignes et de droit
à la propriété intellectuelle.
On ne doit pas avoir peur de ces nouvelles technologies, mais au contraire
saisir les opportunités et tout faire pour mettre ces nouvelles
technologies au service de nos valeurs. L'égalité entre tous les
Français est une de nos valeurs : c'est même une valeur fondatrice
de la République !
(Applaudissements).
M. François-Michel Gonnot, président
.- Merci de
nous avoir mieux permis de mesurer les formidables enjeux industriels et en
termes d'aménagement que représente la
déréglementation en matière de
télécommunications. Un seul regret : vous n'avez pas parlé
de la Poste...
M. François Fillon
.- ... Un mot sur la Poste : le
Gouvernement tient les engagements pris par son prédécesseur
s'agissant du gel de toutes les restructurations internes et des suppressions
de bureaux ou de diminution d'effectifs dans les petits bureaux. Nous
maintiendrons cette politique aussi longtemps que l'Union européenne
nous le permettra, et c'est pourquoi le Gouvernement français se bat
à Bruxelles, afin que la libéralisation du secteur postal ne soit
pas inscrite à l'ordre du jour. Autant, dans le domaine des
télécommunications, cette libéralisation est synonyme
d'améliorations de services pour le consommateur, autant, compte tenu de
notre densité de population, elle n'est pas synonyme
d'amélioration de services pour la Poste.
Dans le prochain contrat de plan, nous prévoyons de maintenir
l'obligation pour la Poste de conserver l'ensemble de son réseau tel
qu'il existe aujourd'hui. En 1997 ou 1998, il faudra toutefois se poser la
question du financement du maintien de ce réseau. Ma conviction est que
nous n'échapperons pas à une intervention publique si nous
voulons que la Poste puisse continuer à développer des services
modernes et n'accuse pas des déficits excessifs.
M. François-Michel Gonnot, président
.- Je me tourne
maintenant vers Bernard Pons. Monsieur le Ministre, vous êtes sans doute
celui à qui la loi d'orientation a donné le plus d'obligations,
notamment en matière de réflexions et de programmations à
long terme...