AVOCATS

Maître Marie-France PONELLE - responsable de l'antenne des mineurs à Paris

Maître Marie-Elisabeth BRETON - Avocat à Arras

Me Marie-France PONELLE .- Je suis Marie-France Ponelle, avocat à Paris, responsable de l'antenne des mineurs.

Je suis très heureuse d'être aujourd'hui parmi vous, car je crois qu'il est très important, puisque nous avons tous la même passion, de nous occuper des problèmes des enfants, de prendre des mesures pour prévenir cette délinquance dont nous sommes unanimes à constater qu'elle est plus précoce, plus inquiétante, plus violente.

Aujourd'hui nous allons confronter, nous tous qui sommes sur le terrain avec les enfants, nos idées, et voir s'il est possible de trouver des solutions à ce problème très inquiétant.

J'ai beaucoup apprécié, Monsieur le Rapporteur, d'entendre dire que la délinquance juvénile serait abordée dans tous ses modules.

Puisque nous connaissons tous ses causes, aujourd'hui j'aurais aimé que nous puissions, avant de parler de répression -ce qui n'est pas du tout l'esprit de l'ordonnance de 1945, cette dame de 51 ans qui met l'accent sur l'éducatif-, recenser les causes de la délinquance juvénile et que nous essayions de trouver des solutions quand elle est là, dramatique, précoce, violente.

Nous devons nous attaquer à elle quand les enfants sont très jeunes, qu'ils ont toutes les conditions pour devenir délinquants : l'échec scolaire, les difficultés psychologiques et physiques.

Donc j'aurais aimé -et j'espère que d'autres réunions suivront où nous pourrons débattre de ce sujet- que nous fassions ce qu'il faut pour éviter que la délinquance arrive.

Aujourd'hui nous sommes là pour parler de ce projet de loi, voir en quoi il peut améliorer la situation, essayer de résoudre certains problèmes. Je voudrais vous faire part de mes inquiétudes et de mes espoirs.

Je commence par les premières car comme il faut toujours penser qu'un enfant est porteur d'espérance, j'aimerais terminer sur ce que je trouve positif dans la réforme.

D'abord mes inquiétudes, et elles sont importantes.

J'ai bien remarqué que nous étions tous conscients de la nécessité de préserver la priorité de l'éducatif sur la répression.

Cet esprit de l'ordonnance de 1945 doit impérativement être préservé. Or, je ne vois pas très bien comment le préserver lorsque je lis dans ce projet de loi, ce qui m'inquiète, le rôle accru, exorbitant du Parquet, ou inversement, parfois complètement inexistant, ce qui peut aussi entraîner des conséquences tout à fait regrettables à mon sens.

J'ai bien noté qu'on voulait laisser le juge des enfants être le pivot de la procédure. Mais en même temps, avec ce rôle accru du Parquet, ce juge des enfants va toujours être complètement bloqué.

En effet, à tout moment de la procédure, dès qu'un enfant sera chez le juge, le Parquet pourra, en vertu de l'article 8-2, ordonner la comparution dans un délai rapproché et donner des directives au juge des enfants qui, lorsqu'il avait auparavant un dossier, pouvait prendre le temps de privilégier l'éducatif sur le répressif et d'organiser un programme éducatif.

Inversement, il pourrait y avoir des cas où le Parquet ne serait pas assez présent : ce serait dans le cas d'une convocation par OPJ. C'est une inquiétude parce que les dossiers arriveraient chez le juge sans ce contrôle du Parquet- et nous, avocats, garants de la procédure, nous serions confrontés à des dossiers comportant beaucoup de nullités.

Les avocats auront des dossiers avec des nullités qu'ils seront obligés de soulever, car c'est leur devoir. Les dossiers partiront à la chambre d'accusation. Le projet de loi a pour objectif une plus grande rapidité, à savoir donner une réponse plus rapide aux faits délictueux pour que l'enfant ait vite un rappel à la loi. Mais s'il y a des nullités cela risque de retarder et de compliquer la situation.

J'en reviens au rôle exorbitant du Parquet. Alors que le juge des enfants, qui connaît parfaitement l'enfant, qui l'a suivi dans d'autres dossiers d'assistance éducative ou au pénal, aidera l'enfant à montrer de quoi il est capable ou à préparer une médiation-réparation, le Parquet pourra dire brusquement « qu'il faut absolument accélérer la procédure et le faire comparaître au minimum au bout d'un mois, au maximum trois mois. »

Si le juge des enfants n'est pas d'accord, ce dossier sera traité par un conseiller spécialisé de la cour d'appel, qui tranchera entre deux magistrats de terrain, un procureur qui voudra accélérer, et un juge des enfants habitué au problème des enfants, sachant qu'il faut du temps, de la patience, ne pas en rester aux faits, mais au devenir de l'enfant.

Or le conseiller ne connaîtra pas l'enfant. Celui-ci ne sera pas présent, l'avocat ne pourra faire que des observations écrites.

L'enfant ne pourra pas s'expliquer, l'avocat ne sera pas là non plus. Ce dernier expliquera simplement par écrit ce qu'il pense de l'orientation ou de la mesure décidée par le juge des enfants.

Je pense que cela est très grave. Ce conseiller prend une décision uniquement axée sur les faits commis, sans prendre en compte la personnalité de l'enfant.

Je pense qu'il est extrêmement grave qu'un magistrat qui ne connait pas l'enfant tranche entre les réquisitions du Parquet lui demandant d'agir plus vite et le désir du juge des enfants de prendre son temps pour envisager le devenir de l'enfant.

Sa personnalité est en effet en formation. Pendant un laps de temps des enfants sont installés dans la délinquance. Mais ce n'est souvent que provisoire.

Depuis vingt ans je m'en occupe, et c'est merveilleux, car brusquement un enfant, du fait d'une influence, d'un contact, d'une réussite, d'une confiance, de la rencontre avec un éducateur ou d'un succès scolaire, alors qu'il semble installé dans une délinquance inquiétante, se sort de cette mauvaise période.

Quand on disait que la justice était lente, cela avait des aspects négatifs, car bien sûr il était regrettable qu'un enfant puisse penser qu'il était impuni et qu'il n'y ait pas rapidement un rappel à la loi.

Mais si dans certains cas, la justice était peut-être lente, elle permettait d'avoir du recul. Quand je plaidais pour des enfants bien longtemps après les faits commis, ils travaillaient, ils essayaient de se racheter, et cette période était complètement terminée.

Il est très fréquent que des enfants changent totalement de comportement et se sortent d'une mauvaise période, alors que cela est beaucoup plus rare de la part des adultes.

Donc pour moi ce contrôle exorbitant du Parquet est très grave. Si le juge et le procureur sont bien fixés sur leur position, le conseiller tranchera sans connaître l'enfant. Cela me semble tout à fait choquant et perturbant.

À Paris le problème ne se pose pas des relations entre le Parquet et le juge du siège. Je crois qu'il y aura une très bonne coordination pour essayer de synchroniser tous les efforts, afin d'aider un enfant à se réinsérer.

Mais on ne sait jamais si les positions dans tous les tribunaux de France et de Navarre seront aussi bien synchronisées, et mettre en conflit un juge du siège et un siège du Parquet peut être tout à fait regrettable. Cette accélération d'une procédure pour un enfant me semble contraire à l'esprit de l'ordonnance de 1945.

Mes inquiétudes peuvent, je crois, être partagées par les personnes qui s'occupent des enfants et surtout les défendent.

Au contraire, et c'est là mon espoir, la notion de césure est très positive. Tout de suite après les faits, il est intéressant de dire à un enfant, qu'il soit primaire ou récidiviste : « voilà ce que vous venez de faire, c'est grave parce que vous avez déjà commis des délits, vous êtes connu, il vous faut des repères, des structures, vous ne pouvez pas faire n'importe quoi ».

Ce rappel formel d'un magistrat à l'enfant, qui lui dira « vous serez bientôt majeur, faites attention », lui expliquant avec son avocat l'acte qu'il a commis, les enjeux, les conséquences, lui disant « vous êtes coupable » est indispensable.

La césure existe entre dire à un enfant « vous êtes coupable » et laisser le temps, -jusqu'à six mois, ce qui me semble parfait car il faut respecter un délai-, au juge pour organiser, s'il l'estime utile, une médiation réparation, pour prendre des contacts avec la victime.

Celle-ci peut avoir le temps de réunir les documents pour établir le préjudice qu'elle a subi ou se rapprocher de l'enfant et des parents, pour essayer d'être indemnisée.

Le juge peut mettre sur pied des mesures d'investigation pour savoir si l'enfant est en danger, s'il faut l'aider en envisageant une psychothérapie, une intervention en milieu scolaire.

Dans ce projet c'est vraiment une solution qui me séduit complètement, ce rappel à la loi, et le temps suffisant avant de prononcer une sanction.

Il ne faut jamais oublier que le mal-faire d'un enfant c'est son mal être. Il faut essayer de le soigner dans l'intérêt de la société, de lui-même, de la victime.

Si on veut faire un bon travail sur un enfant, il ne faut jamais être limité dans le temps, il faut avoir la patience qu'ont les juges des enfants qui étudient, qui voient les efforts accomplis.

Au point de vue éducatif, il est excellent de dire à un enfant « vous êtes coupable, mais quand on rendra la décision on verra ce que vous avez fait d'ici là pour nous rassurer sur votre avenir ». C'est lui faire confiance, c'est le remettre sur pied.

Il ne faut pas le juger rapidement, dans un délai rapproché, aller devant un conseiller de la cour très vite. Je pense que ce n'est pas l'esprit de l'ordonnance de 1945.

Tandis que cette césure juste après les faits, pour ne pas que l'enfant les oublie et se croie bénéficiaire d'une impunité, me semble tout à fait adéquate, et respecter l'ordonnance de 1945.

Pourquoi n'existerait-t-elle qu'en audience de cabinet ? Car là il ne peut pas y avoir de sanction pénale. Pourquoi pas également devant le tribunal pour enfants ? Il faut que la césure puisse exister là aussi, c'est là qu'elle sera le plus utile.

On ne peut pas considérer que c'est respecter l'ordonnance de 1945 que de faire cette césure uniquement en audience de cabinet, où le juge des enfants ne pourra que relaxer, qu'admonester, etc. Ce n'est pas logique, cette césure doit exister aussi devant le tribunal pour enfants.

On dira « vous pouvez toujours demander l'ajournement de la peine », mais il ne peut pas forcément s'appliquer au cas soumis : il faut que l'enfant soit en train de se réinsérer, ce qui n'est pas toujours le cas, quand il est coupable ; il faut que la victime soit en voie d'être indemnisée ou que son préjudice soit réparé, ce qui n'est généralement pas le cas non plus ; il faut également que le mineur soit présent. L'ajournement de peine peut aller jusqu'à un an ce n'est pas ce qu'il faut, puisque le désir de ce projet de loi est d'avoir des délais et de ne pas dépasser six mois.

Les conditions de l'ajournement ne sont absolument pas les mêmes que celles de la césure.

J'insiste vraiment sur ce point, parce que c'est l'espoir de ce projet de loi Il répond sur ce point à toutes les attentes d'une modification ou d'un perfectionnement de l'ordonnance de 1945, c'est-à-dire plus de rapidité, un rappel à la loi plus rapide, tout ce que l'enfant pouvait attendre du juge, lui montrant de quoi il était capable.

Il est absolument impossible que cela ne se passe qu'en audience de cabinet. Si cette césure pouvait exister devant le tribunal pour enfants, elle permettrait à l'enfant de subir parfois un choc salutaire.

J'ai été confrontée à l'incarcération des mineurs, et je vois l'état de déstabilisation qui en découle. Cette incarcération ne résout jamais rien.

Tandis que si l'enfant vient au tribunal, si on lui explique qu'il est reconnu coupable, mais qu'il doit montrer de quoi il est capable avec toutes les mesures mises en place pour l'aider, quand il reviendra et répondra de ce qu'il aura fait pendant le délai imparti, alors là on est dans l'éducatif on permet à la société d'avoir des enfants qui se prennent en main, qui se responsabilisent au lieu d'être assistés.

Juger rapidement un enfant, ce n'est de l'intérêt de personne. Si nous voulons oeuvrer pour une société meilleure, nous devons permettre à nos enfants de devenir meilleurs, et non pas constater uniquement que la délinquance est violente, précoce, inquiétante.

Il faut donner aux enfants les moyens avec plus d'éducateurs, pour leur permettre, dans les situations catastrophiques qui sont généralement les leurs lorsqu'ils se présentent au tribunal, de revenir en ayant exploité les chances qu'on leur a données.

M. le Président.- Je vous remercie. Je donne la parole maintenant à Me Breton.

Me Marie-Elisabeth BRETON .- Je suis Me Breton, avocat au Barreau d'Arras, je suis présidente de la Commission des Droits des Enfants au Conseil Général du Pas-de-Calais, et vice-présidente de l'Association d'Aide aux Victimes.

Mon confrère a évoqué avec beaucoup de passion le problème de l'avocat face aux droits des mineurs.

Je vais recentrer mon propos, plutôt compléter le sien, sur la question qui nous est posée aujourd'hui : est-ce que l'ordonnance de 1945 est une vieille dame -pas tout à fait, elle n'a que 51 ans- et est-elle complètement désuète ? Faut-il finalement, à travers des textes qui évoluent très rapidement, et ceux proposés dans le projet, la remettre en cause ou totalement la supprimer ?

À mon avis, elle a tout dit, elle comprend tout, il suffit de l'appliquer, je ne comprends pas aujourd'hui le projet proposé.

Cette ordonnance est comme un jouet en plastique un peu mou. Au fil des années on est arrivé à le former, le déformer pour l'adapter aux différentes évolutions de la société, parce qu'il portait en son sein deux points essentiels selon moi : la protection de l'enfant, et l'institution importante du tribunal et du juge pour enfants.

Aujourd'hui on dit « il se pose des problèmes ». Ils ne sont pas nouveaux, la délinquance juvénile a toujours existé.

Nos institutions sont incapables de répondre actuellement aux besoins de la jeunesse. Alors constatons la carence de la société avant de dire à l'institution judiciaire qu'elle doit assurer toute la prise en charge.

Les enfants réagissent avec violence aujourd'hui, ce qui témoigne de la carence de la société et des institutions.

Il y a une carence éducative des parents, un abandon de l'autorité parentale, et une carence au niveau des institutions parce qu'elles sont totalement inadaptées.

Il faut poser le problème ainsi avant de parler de réforme.

La proposition faite correspond à une réaction sécuritaire, conjoncturelle.

On aboutit à une accélération des décisions de justice, mais le juge n'ayant pas le temps de les motiver, les dossiers se trouveront bloqués au niveau des cours d'appel.

Aujourd'hui on veut faire du « sécuritaire » pour rassurer la population. Il est vrai que la délinquance fait peur, mais est-ce que l'accélération de la procédure va conduire à un résultat utile ? Selon moi, non.

L'accélération de la procédure existe déjà dans l'ordonnance de 1945. Le juge des enfants a toutes les possibilités pour, dans certains cas, donner des réponses rapides : mise en examen avec un panel de décisions pour protéger la société et commencer à rééduquer l'enfant et le faire réfléchir, possibilité au sein du cabinet de prendre immédiatement une décision.

Il faut distinguer délinquance gravissime et petite délinquance. Il faut reconnaître que dans la majorité des cas le juge des enfants rencontre des jeunes qui ont fait une petite faute, influencés par des copains.

On va entendre ces enfants-là une fois dans le cabinet et on ne les reverra plus. Il faut savoir que la majorité des décisions du juge interviendront très rapidement. S'il y a une enquête préliminaire suffisante sur la personnalité de l'enfant, la décision pourra être prise très rapidement.

Dans le texte qui nous est proposé, la décision en cabinet ressemble à ce qui se passe déjà pour certains dossiers très simples.

Le problème est qu'à partir du moment où l'on donne un pouvoir supplémentaire au Parquet, il y aura une dualité entre le Parquet et le juge des enfants. Cela me paraît très grave.

Ce que je trouve très intéressant dans l'ordonnance de 1945, c'est que le juge des enfants était le père et la mère en quelque sorte, juge d'instruction et juge tout court, capable d'apporter une réponse éducative.

La dualité sera très grave. Que se passera-t-il ? On présente le projet en invoquant l'accélération des procédures. Il suffit de relire l'ordonnance de 1945 pour constater qu'elle comporte tous les moyens de cette accélération.

Je prendrai l'exemple du tribunal d'Arras où il n'y a pas de retard dans les procédures. Le juge des enfants qui exerce dans ce tribunal depuis plusieurs années est arrivé alors que la situation était préoccupante, -avec une grande quantité de dossiers en attente-, mais grâce à la passion de sa profession il est parvenu à rendre des jugements dans un délai de deux mois.

Ne parlons plus du retard au niveau des jugements, mais plutôt de celui au niveau de l'application de la sanction. Il n'est pas inutile d'y réfléchir.

L'accélération des procédures va donner des pouvoirs supplémentaires au Parquet. Ce projet vise à devenir plus coercitif en matière d'enfance délinquante, et l'aspect éducatif sera progressivement oublié parce que le juge des enfants n'aura pas le temps ou dira « occupez-vous de l'assistance éducative, je prends en charge le pénal ».

On essaie, à Bobigny, de donner un grand pouvoir au Parquet en matière de droits des mineurs, le juge des enfants est complètement dessaisi.

Actuellement à Bobigny, c'est le substitut des mineurs qui donne des admonestations, qui s'occupe de la médiation réparation.

Cela est à mon avis significatif de l'orientation que l'on veut donner.

L'ordonnance de 1945 était axée sur l'éducation. C'est ainsi qu'il faut penser délinquance des mineurs.

Le système fonctionne très bien à Arras car il existe un accord parfait entre le substitut des mineurs et le juge des enfants, tout le monde travaille ensemble, ce qui ne sera pas forcément le cas dans le cadre de la dualité prévue dans le projet de texte.

Le problème posé n'est pas tellement celui de la rapidité du prononcé de la sanction, mais de son application.

En matière d'assistance éducative, il faut attendre six à dix-huit mois avant d avoir un éducateur pour prendre en charge l'enfant et cela est une cause de récidive.

Il ne faut pas pénaliser les enfants pour une responsabilité que nous devons assumer, car nous n'avons pas les moyens de notre justice.

C'est la réalité du problème, à savoir un manque de greffiers, de magistrats, d'éducateurs. Quand l'un d'eux veut travailler, il ne peut accepter qu'un petit groupe de quinze ou seize enfants, mais combien sont en attente de placement ? Quatre cents à Béthune attendent depuis dix-huit mois.

Il y a une sanction, mais elle n'est pas appliquée immédiatement. C'est la, à mon avis, que se situe le problème.

Tout en maintenant la mise en examen, le juge peut prendre des mesures d'assistance éducative. Pendant cinq ou six mois il aura ainsi le temps de voir évoluer l'enfant avant d'en arriver à la mesure

C'est ainsi qu'il faut fonctionner. Un travail effectif doit être réalisé au moment de la sanction, qui doit être immédiate, sinon elle ne sert à rien et conduit à la récidive.

Voilà mon opinion.

Par ailleurs, un manque de moyens est à regretter au niveau du Conseil Général.

Le département du Pas-de-Calais est pauvre, le Conseil Général l'est aussi, et la situation est dramatique parce que qui dit paupérisation d'une population dit accroissement de la délinquance.

Il se pose de gros problèmes au tribunal pour enfants pour obtenir les moyens utiles pour faire véritablement de l'éducation.

Dans certains départements qui rencontrent de grosses difficultés, il faudrait envisager une enveloppe supplémentaire afin de permettre un véritable suivi éducatif.

Actuellement l'assistance éducative coûte 30 F par jour et par enfant, le placement 30.000 F par mois.

Lorsqu'il y a un délai entre la décision de l'assistance éducative et sa mise en oeuvre, l'enfant récidive éventuellement. Le juge doit le placer. Si on n'a pas immédiatement la réponse à l'assistance éducative, on va donc vers le système de placement, ce qui amène le juge des enfants à demander une enveloppe beaucoup plus conséquente et peut-être moins efficace, parce que placer les enfants c'est un peu les abandonner, les oublier. Le juge des enfants et le substitut le reconnaissent.

De même, il faut envisager une ligne budgétaire complémentaire en matière d'internat. Il coûte 3.000 F par trimestre. Bien souvent il faut choisir le placement parce qu'il n'y a pas d'autre possibilité, alors que l'internat serait suffisant.

Je vous propose là des mesures concrètes.

M. le Président.- Vous avez dans cette salle des Présidents de Conseils Généraux qui portent une extrême attention à ces problèmes, et qui mettent en oeuvre les moyens pas toujours suffisants, mais assez largement pour répondre aux problèmes.

Le cumul des mandats est critiqué...

M. Jean-Jacques HYEST - Réprouvé par certains.

M. le Président .- Il permet, néanmoins, de vérifier parfois la réalité des choses.

Je vous remercie de vos interventions, d'un côté une critique portant sur la moitié du texte, et de l'autre une critique totale.

Ce qui est extraordinaire dans l'ordonnance de 1945, c'est qu'elle a été prémonitoire à un moment où la délinquance n'existait pas, ou pratiquement pas.

Me Marie-Elisabeth BRETON.- Il y avait 35.000 délinquants en 1945, l'état d'esprit était différent. L'ordonnance de 1945 a su s'adapter. On est passé de la philosophie d'Emmanuel Mounier à une notion de sujet de droit.

C'est ce qui est remarquable dans l'ordonnance de 1945 et il ne faut pas la vider de sa substance avec du sécuritaire.

M. le Président.- Nous essaierons de ne pas le faire.

Y a-t-il des questions des membres de la Commission ?

M. Michel RUFIN.- Maître Ponelle, vous vous êtes inquiétée de la possible non intervention du Parquet dans le cadre de la convocation par l'officier de police judiciaire.

Est-ce que le fait que le juge puisse alors ne prononcer qu'un rappel à la loi n'est pas de nature à vous rassurer ?

Me Marie-France PONELLE.- C'est vrai, mais ce ne sera pas toujours le cas. Ce n'est pas uniquement la mise en examen, mais aussi le jugement qui peut être fait à la suite d'une convocation par OPJ.

On voit assez souvent des nullités qu'il faut soulever dans les procédures qui ne sont pas du tout respectées pour des petits dossiers. Sans contrôle du Parquet on risque d'aller beaucoup plus vers des nullités qui compliqueront la procédure.

Me Marie-Elisabeth BRETON, Je ne suis pas tout à fait d'accord avec mon confrère, non pas sur les nullités, mais sur le rôle de l'avocat devant le tribunal pour enfants.

Il y a une réflexion à mener. On se bat pour le maintien de l'ordonnance de 1945. Est-ce que l'avocat, devant le tribunal pour enfants doit avoir la même philosophie, les mêmes réactions que dans une autre procédure ?

À partir de là est-ce que véritablement on doit manoeuvrer avec des nullités, alors qu'on sait que l'intérêt de l'enfant est la rapidité du rappel à la loi et le suivi éducatif ?

L'avocat, à mon avis, a un rôle essentiel à jouer. C'est pourquoi il est très important qu'il soit prévu sa présence à tous les moments, même au niveau de l'assistance éducative, car je pense qu'il peut épauler le juge des enfants et, après la décision de justice, permettre un suivi avec la famille.

Après avoir passé la porte du tribunal, il est important que l'avocat continue à aider l'enfant, la famille.

Alors les nullités de procédure...

Me Marie-France PONELLE.- L'avocat est quand même garant de la procédure. Il ne faut pas faire des nullités constamment, mais considérer l'intérêt de l'enfant en priorité.

M. le Président.- Donc il faut à la fois de bons avocats et de bons juges.

Me Marie-France PONELLE.- Il faut tout bon en deux mots.

M. le Président.- Je vous remercie de l'utilité de vos interventions.

Je demande à M. le Président Bruel, président du tribunal pour enfants de Paris, Mme le Juge Bagot, et M. Kulyk, juge d'instruction, de nous rejoindre.

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