II. LA PRÉPARATION DE LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE
La délégation a mené une réflexion continue depuis 1994 sur la préparation de la Conférence intergouvernementale. Elle a notamment adopté trois rapports d'information :
- le rapport de M. Yves GUÉNA sur « La préparation de la Conférence intergouvernementale de 1996 » en décembre 1994 (n° 104 ; 1994-95) ;
- le rapport de M. Yves GUÉNA sur « La réforme de 1996 des institutions de l'Union européenne » en février 1995 (n° 224 ; 1994-95) ;
- le rapport de M. Jacques GENTON sur « Le fonctionnement parlementaire du traité sur l'Union européenne » en juin 1995 (n° 339 ; 1994-95).
Au cours des derniers mois, elle s'est penchée sur deux points particuliers de la négociation qui s'engagera dans le cadre de la Conférence intergouvernementale :
- le rôle des Parlements nationaux dans le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la politique sociale européenne.
A. LE RÔLE DES PARLEMENTS NATIONAUX DANS LE FONCTIONNEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE
Le 13 décembre 1995, la délégation a entendu une communication de M. Yves Guéna sur la préparation de la Conférence intergouvernementale de 1996.
M. Yves Guéna a indiqué que, compte tenu des travaux récents de la délégation pour l'Union européenne et de la commission des Affaires étrangères, qui avaient entendu les jours précédents respectivement le ministre des affaires européennes et le ministre des affaires étrangères, il ne souhaitait pas aborder l'ensemble des questions que doit traiter la Conférence de 1996, mais se concentrer principalement sur le problème du rôle des Parlements nationaux dans le fonctionnement de l'Union européenne. La difficile ratification du Traité de Maastricht, a-t-il souligné, a provoqué une prise de conscience au sein du Parlement quant à l'existence d'une coupure entre le peuple et ses représentants et aux risques dune situation où les législateurs nationaux se trouvaient dépourvus de moyens d'action face au développement d'une législation communautaire tendant à jouer un rôle prépondérant dans la formation du droit, le nouvel article 88-4 de la Constitution a été une première réponse : l'expérience a prouvé qu'elle répondait à un réel besoin, même si la faculté de voter des résolutions reste encore cantonnée aux textes relevant du premier pilier de l'Union. La proposition de loi organique instituant un contrôle de l'Assemblée nationale et du Sénat sur la participation de la France au budget des Communautés européennes, si elle n'a pas encore abouti malgré une première lecture dans chaque Assemblée, procède d'un même esprit : qu'elle ait été défendue par de fervents partisans de 1a construction européenne montre le caractère consensuel de la volonté de réévaluer la fonction de contrôle du Parlement national dans le domaine européen. La Conférence intergouvernementale de 1996, a-t-il souligné, doit marquer une nouvelle étape dans le processus de réintroduction des Parlements nationaux dans la construction européenne.
Puis M. Yves Guéna a abordé les fondements de ce processus. Le Traité sur l'Union européenne avait prévu sa propre révision en 1996 sur cinq points : l'adaptation du fonctionnement des institutions, l'extension éventuelle de la procédure dite de codécision entre le Parlement européen et le Conseil des ministres, la mise en oeuvre de la politique étrangère et de sécurité commune (PLSC), l'extension des compétences communautaires à l'énergie, à la protection civile et au tourisme, et l'introduction dans le droit communautaire d'une hiérarchie des normes. En revanche, les problèmes de l'élargissement et de la démocratisation de l'Union n'étaient pas mentionnes. Les Conseils européens de Corfou, puis de Cannes, ont cependant élargi l'agenda de la Conférence intergouvernementale de 1996, qui devra prendre en compte le futur élargissement de l'Union, l'exigence de rapprocher la construction européenne des citoyens, et la nécessité de mieux respecter le principe de subsidiarité. Enfin, la lettre commune de MM. Jacques Chirac et Helmut Kohl en vue du Conseil européen de Madrid demande une « meilleure association » du Parlement européen, une « implication renforcée » des Parlements nationaux, ainsi qu'une « application plus résolue » du principe de subsidiarité.
M. Yves Guéna a ensuite rappelé que le Parlement européen avait été associé aux travaux du « groupe Westendorp », où il disposait de deux représentants ; il a regretté cette formule, estimant qu'elle introduisait une discrimination entre le Parlement européen et les Parlements nationaux et qu'elle contrevenait au caractère intergouvernemental de la procédure de révision des traités.
Puis il a rappelé les données du problème de la participation collective des Parlements nationaux. La Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), qui s'est mise en place de manière pragmatique depuis 1989, permet un échange de vues entre les représentants de toutes les assemblées parlementaires des quinze États membres ; chaque pays est représenté par six parlementaires (dans le cas de la France, trois députés et trois sénateurs) et le Parlement européen est également représenté par six de ses membres. Le rôle de la COSAC s'est affirmé avec le temps : ses réunions semestrielles lui permettent d'engager un dialogue avec la présidence en exercice, qui est représentée par les ministres compétents, quelquefois même par le chef du Gouvernement comme ce fut le cas à Bonn où le Chancelier a prononcé un discours remarqué. À la COSAC de Paris, les délégués français avaient plaidé pour que soit instituée plus clairement une instance collective de représentation des Parlements nationaux, dénommée « Sénat européen » ou « comité interparlementaire ».
M. Yves Guéna a estimé que cette proposition avait été plutôt mal accueillie, sans doute en partie parce qu'elle avait été mal interprétée : il ne s'agissait pas de créer une seconde Chambre traditionnelle, qui aurait eu les mêmes compétences que le Parlement européen et aurait dû s'accorder avec celui-ci par une procédure de navette, mais bien plutôt un forum interparlementaire qui aurait amené la présidence en exercice à s'expliquer plus systématiquement sur les activités des deuxième et troisième piliers, et sur l'application du principe de subsidiarité. Le refus de nombreux délégués de créer ce qu'ils percevaient comme une nouvelle institution et l'opposition résolue des délégués du Parlement européen expliquent que cette proposition aît reçu un accueil négatif. Dans ce contexte, M. Ferdinand Nothomb, alors président de la Chambre des représentants de Belgique, a proposé la constitution d'un groupe parlementaire de réflexion chargé notamment d'examiner les voies d'une meilleure association des Parlements nationaux, Cette suggestion a été reprise par M. Philippe Séguin, lors de la Conférence des présidents des Assemblées des Quinze, et a conduit à la mise en place, sur la base du volontariat, d'un groupe de réflexion composé de parlementaires désignés par les présidents des assemblées participantes. Ce groupe a tenu quatre réunions auxquelles ont participé régulièrement des délégués de la Belgique, de la France, de la Grèce, du Luxembourg, et parfois de l'Irlande et du Portugal ; le Danemark, la Finlande, le Royaume-Uni et le Bundesrat ont été représentés généralement par un observateur. Le groupe a limité son étude à la présence des Parlements nationaux dans le fonctionnement démocratique de l'Union par le contrôle parlementaire sur les Gouvernements et par des réunions interparlementaires pour débattre de sujets d'intérêt commun. La question du rôle des Parlements nationaux a été reprise lors de la COSAC de Madrid, qui s'est déroulée en l'absence de délégués du Parlement allemand et qui a été marquée par l'offensive de certains contre l'idée d'une association plus étroite des Parlements nationaux ; cependant diverses délégations ont manifesté leur souci de réaliser des progrès dans ce domaine. Enfin, le groupe parlementaire de réflexion a terminé ses travaux le 4 décembre à Athènes et a adopté des conclusions détaillées concernant le rôle des Parlements nationaux lors de sa réunion finale à laquelle participaient des parlementaires de la Belgique, de la France, de la Grèce, du Luxembourg et du Portugal.
M. Yves Guéna a alors donné connaissance du texte adopté :
Conclusions du groupe parlementaire de réflexion À la suite de ses réunions tenues à Paris, le 29 juin, à Luxembourg, le 28 septembre, à Bruxelles, le 26 octobre, et à Athènes, le 4 décembre 1995, le groupe parlementaire de réflexion sur la conférence intergouvernementale de 1996 a adopté les conclusions suivantes : 1. Le groupe a considéré que les Parlements nationaux peuvent apporter, dans le cadre de la préparation de la conférence intergouvernementale de 1996, une plus value spécifique en ce qui concerne l'amélioration de la démocratie, de la transparence et de l'efficacité dans l'Union européenne' ; 2. Le rôle général des Parlements nationaux dans le fonctionnement de l'Union européenne doit faire l'objet d'une mention dans le corps même du futur traité régissant l'Union européenne ; 3. La représentation des Parlements nationaux au sein de l'Union est assurée par l'intermédiaire de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) et doit faire l'objet d'une inscription dans le corps même du traité ; 4. La transmission des propositions d'actes communautaires à tous les Parlements nationaux de l'Union européenne doit revêtir le caractère d'une obligation inscrite dans le traité. Cette transmission est opérée par l'instance de l'Union européenne qui est l'auteur de la proposition, et ce dès sa communication aux Gouvernements des États membres ; - Il en va de même pour l'avant-projet de budget général des Communautés, que chaque Parlement national examinera selon ses procédures propres, tant en ce qui concerne les recettes que les dépenses ; 5. Les Parlements nationaux doivent être pleinement éclairés sur la mise en oeuvre du budget communautaire grâce, notamment, à une intensification de la collaboration entre les Cours des comptes nationales et la Cour des comptes des Communautés européennes ; 6. Le traité lui-même doit garantir que les directives sont rédigées comme des lois-cadres, et non comme de quasi-règlements, afin d'assurer le respect du principe de subsidiarité ; 7. Le traité doit prévoir que l'examen politique du respect du principe de subsidiarité par les propositions d'actes communautaires est confié à un organe représentatif des Parlements nationaux, comme la COSAC, lorsqu'une ou plusieurs assemblées parlementaires nationales estiment que ce principe n'est pas respecté ; - Le même organe doit avoir vocation à émettre un avis sur le choix de l'instrument juridique le plus adéquat, directive ou règlement ; 8. Les organes compétents des Parlements nationaux doivent être informés par leurs Gouvernements respectifs des projets d'actions et de positions communes relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune avant leur adoption ; - Les Parlements nationaux peuvent procéder à des échanges de vues au sein de la COSAC sur les grandes orientations de la politique menée dans le cadre du deuxième pilier ; en ce cas, la COSAC peut s'élargir aux Présidents des commissions compétentes des Parlements nationaux et, lorsque sont en cause des questions de sécurité, à des représentants de l'Assemblée parlementaire de l'Union de l'Europe Occidentale (U.E.O.) ; 9. Les propositions d'actes de l'Union relevant du troisième pilier doivent être transmises pour examen aux Parlements nationaux par leurs Gouvernements respectifs, dès que le Conseil en est saisi ; les Parlements nationaux en débattent au sein de la COSAC ; en ce cas, celle-ci s'élargit aux Présidents des commissions compétentes des Parlements ; 10. Le groupe parlementaire de réflexion se félicite des progrès considérables réalisés ces dernières années par les États membres de l'Union européenne pour l'information et l'examen des problèmes européens dans les Parlements nationaux ; - Il considère que cette participation accrue, souhaitée par tous, des Parlements nationaux à la discussion ainsi qu'à la responsabilité concernant les actions de l'Union, justifierait une meilleure organisation de la COSAC, qui s'est imposée comme lieu de leurs échanges de vues ; - En particulier, il serait souhaitable de garantir une continuité de la représentation des différentes assemblées à la COSAC et de doter celle-ci d'un secrétariat. À l'issue de ses travaux, le groupe parlementaire de réflexion a confié à ses membres le soin d'assurer la diffusion de ses conclusions au sein des assemblées parlementaires, ainsi que leur transmission aux Gouvernements, à la COSAC et au groupe de réflexion sur la Conférence intergouvernementale institué par la Conseil européen de Corfou. |
Après la communication de M. Yves Guéna, la délégation a procédé à un échange de vues sur le rôle des Parlements nationaux.
M. Christian de La Malène a mis l'accent sur le principe de subsidiarité. Il est nécessaire, a-t-il estimé, de dire qui fait quoi : on ne peut se satisfaire d'une situation où la Commission européenne semble considérer qu'elle peut interpréter cette notion à sa convenance ; le Parlement européen s'oppose à ce qu'une émanation des Parlements nationaux se prononce sur la subsidiarité : cependant, d'une manière ou d'une autre, il doit exister une instance chargée d'interpréter ce principe. Puis il a souligné que, au stade actuel de la construction européenne, la démocratisation de celle-ci passait en partie par le Parlement européen et en partie par les Parlements nationaux.
M. Yves Guéna a fait valoir que l'objectif d'un meilleur respect du principe de subsidiarité était mentionné dans les conclusions du sommet de Cannes et dans la déclaration franco-allemande de Baden-Baden. Il a rappelé en outre que, au sein du groupe Westendorp, M. Michel Barnier avait proposé la création d'un haut conseil à caractère consultatif, émanant des Parlements nationaux, qui serait chargé de se prononcer sur les questions de subsidiarité.
M. Jacques Genton a ajouté que le document adopté à Athènes par le groupe parlementaire de réflexion confiait lui aussi aux Parlements nationaux, individuellement et par l'intermédiaire de la COSAC, une responsabilité particulière dans la meilleure application de ce principe.
M. Claude Estier est revenu sur les conclusions à tirer de la COSAC de Madrid. Les résultats de celle-ci ont pu paraître négatifs en raison de l'absence des délégués allemands et surtout du comportement singulier de la présidente espagnole, qui a empêché tout débat constructif, mais le point important est que plusieurs délégations ont plaidé pour un renforcement et une meilleure organisation de la COSAC, ce qui rejoint les conclusions adoptées à Athènes. Il a en conséquence souhaité que la prochaine COSAC prenne en compte ces avancées.
M. Jacques Genton a indiqué qu'il se proposait de prendre contact, le moment venu, avec la présidence italienne pour que la prochaine COSAC puisse avoir un caractère constructif et pour qu'elle puisse prendre connaissance des conclusions du groupe parlementaire de réflexion. Il a souhaité que ces conclusions soient bien interprétées : elles ont pour but de renforcer l'assise de la construction européenne, en rétablissant le contact entre l'Union européenne et les Parlements nationaux, de manière à permettre à ceux-ci de jouer leur rôle de médiation vis-à-vis des opinions publiques ; il ne s'agit donc pas de concurrencer le Parlement européen, mais bien de permettre aux Parlements nationaux d'apporter de manière complémentaire leur contribution spécifique à la démocratisation de l'Union. Dans le même sens, il conviendrait de revoir le mode d'élection des députés européens pour améliorer leur représentativité.
M. Jacques Oudin a souligné à son tour que la volonté de mieux associer des Parlements nationaux à la construction européenne n'avait nullement pour but d'entraver les progrès de celle-ci, mais de favoriser sa démocratisation, qui suppose un contrôle mutuel des pouvoirs. Il a souhaité que la délégation fasse un bilan sur la mise en oeuvre du principe de subsidiarité, en estimant qu'une application plus résolue de ce principe était la condition d'une extension des compétences européennes. Soulignant que la Cour de justice ne paraissait pas bien placée pour garantir cette meilleure application en raison des tendances centralisatrices de sa jurisprudence, il a conclu que la meilleure solution, en cette matière, était de s'appuyer sur les Parlements nationaux. Une longue expérience historique, a-t-il déclaré, prouve que le bicamérisme est la meilleure formule pour obtenir une démocratie équilibrée : la France ne doit donc pas abandonner, malgré les critiques et les réserves, l'idée d'une seconde Chambre européenne, dont il ne faut pas faire un épouvantail : la COSAC peut en tenir lieu, si son fonctionnement est amélioré, l'essentiel étant que les Parlements nationaux ne soient pas exclus du processus européen pour pouvoir remplir pleinement leur mission.
M, Yves Guéna a souhaité que l'expression « seconde Chambre » soit évitée car elle conduit à un malentendu, chacun pensant immédiatement à deux assemblées ayant des compétences similaires et devant s'accorder par une navette, alors que l'association des Parlements nationaux peut s'effectuer par le biais d'une COSAC renforcée.
M. Denis Badré a approuvé le constat de M. Yves Guéna sur la coupure entre les opinions publiques et la construction européenne et la nécessité d'y remédier. Face aux critiques, a-t-il souligné, il convient cependant de ne pas donner le sentiment d'un flottement en mettant l'accent sur les aspects institutionnels. Les progrès de la construction européenne sont confrontés à un déficit d'explication, c'est-à-dire à un problème de pédagogie : il faut donc chercher à simplifier les institutions ou du moins à ne pas les compliquer. Il convient dès lors avant tout de clarifier les rôles respectifs des institutions, notamment celui du Parlement européen. Certes, celui-ci a un problème de représentativité que n'ont pas les Parlements nationaux, mais introduire des complications supplémentaires risque de braquer les citoyens contre l'Europe. Ne pourrait-on s'appuyer sur le Comité des régions, qui a le mérite d'exister, même si l'on parle peu de lui, pour en faire une véritable seconde Chambre ayant un enracinement local, ce qui aiderait à combler le déficit de représentativité du Parlement européen ? Il paraît souhaitable en tout cas de clarifier à partir de l'existant plutôt que de compliquer encore l'édifice.
M. Yves Guéna a déclaré qu'il ne croyait pas que le Comité des régions puisse remplacer la réunion des Parlements nationaux pour démocratiser l'Union européenne. Il a précisé que le groupe parlementaire de réflexion n'avait pas examiné la question de la clarification du rôle du Parlement européen, celui-ci étant représenté au sein du groupe Westendorp où il avait pris grand soin de lui-même.
M. Pierre Fauchon a déclaré ne pas se faire d'illusions, pour sa part, sur le rôle que pourraient jouer les Parlements nationaux. Il n'est pas certain, a-t-il estimé, que leur association plus étroite suffirait à rétablir le contact avec les opinions publiques : le trouble que connaît actuellement la France montre que, même dans le cadre national, le Parlement n'assure pas toujours ce contact. Se déclarant favorable à une participation accrue et à une mobilisation plus active des Parlements nationaux dans le processus européen, notamment par un contrôle des Gouvernements, il s'est opposé à la création d'une institution nouvelle qui serait susceptible de provoquer un blocage. Pour assurer un véritable contrôle démocratique, il convient plutôt, selon lui, de réformer le Parlement européen. Un système bicaméral avec une seconde Chambre issue des Parlements nationaux serait peut-être une solution valable à un stade ultérieur de la construction européenne : ainsi, le Sénat des États-Unis a été longtemps issu des législatures des États ; mais, au stade actuel, c'est le Conseil des ministres qui représente le mieux les pays membres.
Puis M. Pierre Fauchon a abordé la question de la subsidiarité en indiquant être en désaccord sur ce point avec les autres orateurs. Il a souligné que les traités fixaient les compétences de chacun et qu'il n'était donc pas nécessaire de préciser d'une autre manière les responsabilités respectives. Plus généralement, a-t-il estimé, le principe de subsidiarité devrait plutôt conduire à renforcer les compétences européennes, à mettre en place une monnaie européenne, une politique économique européenne, une défense européenne, car les nations ne sont plus au niveau des problèmes, comme le montre la honte qu'a représenté l'action européenne dans l'ex-Yougoslavie.
M. Yves Guéna a fait valoir que, tant pour la formulation du principe de subsidiarité que pour la définition de la PESC, les règles étaient inscrites dans le Traité de Maastricht.
M. Pierre Fauchon a répondu que, considéré en lui-même, le principe de subsidiarité devrait conduire à une extension des compétences européennes. Critiquant vivement l'idée de mettre en place une instance chargée de contrôler le respect de la subsidiarité, il a estimé qu'une telle instance ne serait pas opérationnelle et s'est demandé quelle serait sa légitimité.
M. Yves Guéna a considéré que, dans le domaine du contrôle parlementaire, la belle simplicité de l'argumentation fédéraliste pouvait rendre celle-ci spécieuse et a fait valoir que la question essentielle consistait à déterminer si la représentation démocratique pouvait valablement s'exercer au-delà du cadre national.
M. Christian de La Malène a estimé que ce débat conduisait au problème de la légitimité : celle-ci ne se décrète pas, elle se ressent, et dans ce sens-là on peut penser que les institutions européennes connaissent un déficit de légitimité.
M. Pierre Fauchon a répondu que ce déficit n'était pas propre à l'Europe, estimant que, par exemple, on pouvait se demander si, dans le contexte actuel, le Gouvernement français était ressenti comme légitime.
M. Lucien Lanier a souhaité que le débat ne prenne pas un tour passionnel, surtout dans un domaine où la position de la délégation a été déjà définie dans ses grandes lignes et réaffirmée à plusieurs reprises en recueillant un large consensus. Le principe de subsidiarité est inscrit dans le traité de Maastricht, et y figure comme un principe concernant l'exercice des compétences définies par ce Traité, non comme un moyen de les modifier. Il a fait valoir qu'un large accord existe pour considérer qu'une meilleure application de ce principe rendrait les interventions communautaires plus efficaces et favoriserait leur acceptation et que les dirigeants allemands sont d'ailleurs les premiers à insister sur ce point. Quant au contrôle parlementaire, un large accord, a-t-il estimé, existe également pour considérer qu'il ne peut reposer uniquement sur un Parlement européen monocaméral et qu'il doit donc reposer également sur l'action des Parlements nationaux. Celle-ci ne doit pas prendre la forme d'une seconde Chambre traditionnelle, mais s'exercer plutôt dans le cadre d'une COSAC au fonctionnement amélioré, dont le rôle devra s'affirmer par étapes et où le Parlement allemand doit trouver sa juste place. Concluant son propos, M. Lucien Lanier, approuvé par M. Jacques Genton, président, s'est félicité que le groupe parlementaire de réflexion ait adopté dans son document d'Athènes une approche pragmatique et progressive autour de laquelle existe un large accord.
M. Philippe François a fait valoir à M. Pierre Fauchon que le respect du principe de subsidiarité par les institutions européennes n'était pas toujours une attitude spontanée, citant en exemple le cas de travaux récents d'une des commissions permanentes du Parlement européen, qui s'est penchée sur « le problème du cormoran sous l'angle de la pêche à la ligne » et en particulier sur « l'influence du cormoran sur l'état des stocks dans certaines eaux bavaroises ».
B. LA POLITIQUE SOCIALE EUROPÉENNE
Le 23 janvier 1996, la commission des affaires sociales et de l'emploi du Parlement européen a organisé une réunion sur « La politique sociale européenne et la Conférence intergouvernementale de 1996 » à laquelle elle a convié des représentants des Parlements des États membres.
Le 20 février, M. Louis SOUVET, qui représentait le Sénat à cette réunion, a fait une communication à ce sujet devant la délégation et la commission des Affaires sociales réunies conjointement.
M. Louis SOUVET :
« Le 23 janvier dernier, la commission des Affaires sociales du Parlement européen a organisé une réunion entre parlementaires nationaux et parlementaires européens afin d'évoquer la politique sociale de la Communauté, dans la perspective de la Conférence intergouvernementale qui va s'ouvrir prochainement pour réviser le Traité de Maastricht. J'ai eu l'honneur de représenter le Sénat à cette réunion, et il m'a semblé important que nous puissions discuter des thèmes qui ont été abordés, dans la mesure où le Sénat doit être informé des réflexions en cours sur l'avenir de l'Union européenne.
Deux sujets de débats étaient proposés par le Parlement européen :
- tout d'abord, la politique de l'emploi ;
- ensuite, la question de la place des droits fondamentaux dans le Traité.
La politique de l'emploi
Comme vous le savez, les traités communautaires contiennent peu de dispositions relatives à l'emploi L'article 2 du Traité de Rome évoque parmi les missions de la Communauté « un niveau d emploi et de protection sociale élevé », mais il s'agit là d'un objectif général.
Par ailleurs, l'article 103 du Traité de Maastricht évoque la politique économique, qui est considérée comme une question d'intérêt commun. Cet article prévoit que le Conseil européen adopte des conclusions sur les grandes orientations des politiques économiques des États membres et de la Communauté. Le Conseil est chargé de surveiller l'évolution économique de chacun des États membres et peut adopter des recommandations lorsqu'un État s'écarte des grandes orientations définies par le Conseil européen.
Mais il s'agit là de dispositions qui n'ont pas la même valeur contraignante que celles qui concernent l'Union monétaire ; elles concernent de plus la politique économique en général et non la politique de l'emploi.
Naturellement, s'il n'existe dans te Traité que peu de dispositions relatives à l'emploi, de nombreuses politiques communautaires sont en revanche susceptibles d'avoir un effet sur l'emploi C'est le cas par exemple des dispositions sur le marché intérieur ou sur les fonds structurels...
Au cours des dernières années, les institutions communautaires ont entrepris des actions pour lutter contre le chômage en Europe. En 1993, la Commission européenne a publié un livre blanc qui s'intitulait « Croissance, compétitivité, emploi ». La Commission estimait dans ce document que la Communauté devrait favoriser l'emploi en menant les actions suivantes : tirer le maximum du marché unique, soutenir le développement et l'adaptation des petites et moyennes entreprises ; créer les grands réseaux européens d'infrastructures ; préparer la société de l'information ; favoriser le dialogue social.
En décembre 1994, les chefs d'État et de gouvernement réunis en Conseil européen à Essen, se sont appuyés sur le livre blanc de la Commission européenne pour définir des priorités de l'Union européenne et des États membres dans la lutte contre le chômage. Parmi ces priorités, on trouve la promotion des investissements dans la formation professionnelle, l'augmentation de l'intensité en emplois de la croissance (notamment par une organisation plus souple du travail), l'abaissement des coûts salariaux indirects...
Par la suite, le Conseil des ministres a demandé aux États membres de transposer les grandes priorités du Conseil européen d'Essen en programmes pluriannuels destinés à être examinés chaque année par les chefs d'État et de gouvernement. Enfin, lors du Conseil européen de Madrid, les chefs d'État et de Gouvernement ont adopté un rapport préparé par le Conseil des ministres des affaires économiques (ou Conseil Ecofin) et le Conseil des ministres des Affaires sociales ; ce rapport formule des recommandations que les États sont appelés à suivre dans leur action.
Il existe donc une volonté de coordonner les actions des États membres en matière de lutte contre le chômage. La question sur laquelle nous invitait à réfléchir le Parlement européen était celle de savoir s'il faut aller plus loin et inscrire des dispositions plus contraignantes et traitant précisément de l'emploi dans le Traité.
Le Parlement européen y est pour sa part tout à fait favorable et propose notamment que l'on insère dans le Traité un nouveau chapitre sur la politique de l'emploi, qui définirait des objectifs et des procédures, dans le même esprit que ce qui existe pour l'Union monétaire. Le Parlement européen propose également de créer un comité de l'emploi, comme il existe un comité monétaire, afin de suivre les incidences des politiques de l'Union européenne sur l'emploi.
C'est sur cette proposition du Parlement européen que portait le débat auquel j'ai participé à Bruxelles.
Nous avons tout d'abord entendu un fonctionnaire de la Commission européenne, qui nous a expliqué les actions actuellement menées au niveau européen dans la lutte contre le chômage. Les deux conclusions qu'il a tirées de son exposé sont :
- d'une part, que les institutions communautaires sont déjà allées au-delà de la compétence que leur reconnaît le Traité dans ce domaine ;
- d'autre part, que le manque de structures stables au niveau communautaire est probablement un handicap pour lutter contre le chômage.
Ensuite, le débat s'est ouvert et la grande majorité de nos collègues des autres États membres se sont prononcés pour l'inscription dans le Traité d'un chapitre sur l'emploi et pour la création d'un comité pour l'emploi. Beaucoup ont estimé qu'on avait trop privilégié la politique économique et monétaire au détriment de la politique sociale et de l'emploi.
Naturellement, le représentant conservateur de la Grande-Bretagne a avancé des idées très différentes, qui ont eu le mérite de relancer le débat. Il a en effet estimé que les dispositions européennes en matière sociale avaient pour effet d'aggraver le chômage et il a affirmé que la Grande-Bretagne faisait diminuer le chômage grâce à une réduction des dépenses, une réduction des impôts, et une diminution de l'influence des syndicats.
Par ailleurs, les représentants danois ont estimé que l'emploi devait relever de la coopération entre les gouvernements et qu'il ne fallait pas transférer à l'Union des compétences qui appartiennent aux Parlements nationaux.
Pour ma part, j'ai défendu l'idée qu'on ne créait pas des emplois avec des bases juridiques et qu'il fallait avant tout offrir aux entreprises une grande liberté en évitant les réglementations trop tatillonnes et contraignantes qui donnent de l'Europe une image bureaucratique. J'ai également insisté sur le fait que de nombreuses actions en matière d'emploi ne peuvent être menées de manière efficace qu'au niveau régional ou local.
L'essentiel, selon moi, c'est que les États aient la volonté politique d'entreprendre une réelle coopération pour lutter contre le chômage. Cela rejoint d'ailleurs ce que nous disait ce fonctionnaire de la Commission européenne en nous expliquant que ce que les États membres ont fait jusqu'ici en matière de coopération dans la lutte contre le chômage, ils l'ont fait en marge des dispositions des traités.
Les droits fondamentaux
J'en viens maintenant au second thème de cette réunion du 23 janvier, qui était celui de l'éventuelle inscription de droits fondamentaux et de droits sociaux dans le futur traité.
Actuellement, il existe dans le Traité de Maastricht, un article F qui précise que « l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire. » Il convient toutefois de noter que cette disposition fait partie de celles pour lesquelles la Cour de Justice des Communautés européennes n'a pas de compétence pour statuer.
Par ailleurs, le traité contient également une disposition (c'est l'article 119) relative à l'égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne les rémunérations. Le Parlement européen nous proposait donc de réfléchir sur la nécessité éventuelle d'aller plus loin à l'occasion de la Conférence intergouvernementale. Naturellement, le Parlement européen y est, pour se part, très favorable.
Un groupe, composé d'un représentant de chaque ministre des Affaires étrangères des États membres et de deux représentants du Parlement européen, a préparé un rapport sur la réforme du Traité, dans lequel il évoque cette question. Plusieurs hypothèses sont envisagées dans ce rapport :
- renforcer l'affirmation du respect des droits de l'homme par les États membres et envisager des sanctions contre les États qui ne respecteraient pas ces droits ;
- faire adhérer l'Union ou la Communauté en tant que telle à la Convention européenne des Droits de l'homme ; cela conduirait la Cour de Justice des Communautés à examiner les recours des citoyens des États membres dans ce domaine ;
- insérer un catalogue de droits fondamentaux dans le Traité ou dans un préambule ;
- intégrer dans le Traité le protocole social annexé au Traité de Maastricht et signé alors par tous les États de la Communauté, à l'exception du Royaume-Uni ;
- inscrire dans le Traité une clause générale de non-discrimination, qui concernerait la nationalité, mais aussi le sexe, la race, la religion, un handicap, l'âge et l'orientation sexuelle ;
- enfin, renforcer l'égalité entre hommes et femmes, en prévoyant éventuellement des actions positives pour parvenir à cette égalité.
Comme vous le voyez, il s'agit de possibilités assez variées et qui posent des problèmes différents.
Le débat que nous avons eu au Parlement européen souffrait un peu de ce mélange de problèmes très différents. Un grand nombre de participants, et notamment les membres du Parlement européen, ont plaidé soit pour l'inscription d'un catalogue de droits fondamentaux dans le Traité, soit pour une adhésion de la Communauté à la Convention européenne des Droits de l'homme.
Certains, en revanche, ont évoqué essentiellement les droits sociaux. Quelques parlementaires ont parlé de la nécessité d'avoir un minimum d'harmonisation en matière de sécurité sociale pour faire en sorte que les travailleurs qui se déplacent dans la Communauté puissent avoir droit à des prestations sociales.
Plusieurs parlementaires, notamment allemands, ont plaidé pour que des possibilités d'actions positives en faveur des femmes soient inscrites dans le Traité. Le système des quotas au profit des femmes existe en effet dans certains Länder allemands et vient d'être condamné par la Cour de Justice, qui a estimé qu'il était contraire au principe d'égalité.
À nouveau, le représentant conservateur du Royaume-Uni a été le plus farouchement opposé à toutes les possibilités évoquées. Il a estimé, avec un sens de la nuance particulier, que de nouvelles dispositions sociales conduiraient à la pauvreté généralisée. Les Danois ont également manifesté leurs réticences en estimant que ces questions devaient rester de la compétence des États membres. Ils ont également évoqué un problème juridique important qui est celui de la concurrence de compétence entre la Cour de Justice des Communautés et la Cour européenne des Droits de l'homme, en cas d'adhésion de la Communauté à la Convention européenne des Droits de l'homme.
Pour ma part, j'ai évoqué les nombreuses incertitudes juridiques qui entourent ces propositions, pleines de bonnes intentions, mais dont il convient de peser mûrement toutes les conséquences. Ainsi, il est très difficile de savoir quel effet aurait, sur la jurisprudence de la Cour de Justice, l'insertion d'un catalogue de droits dans le Traité ou l'adhésion de la Communauté à la Convention européenne des Droits de l'homme.
N'aboutirait-on pas à une jurisprudence inutilement centralisatrice et uniforme ? Or, quels seraient les avantages réels de cette proposition puisque les États membres de la Communauté respectent déjà actuellement les droits fondamentaux et qu'ils ont tous adhéré déjà à la Convention européenne des Droits de l'homme ? Je ne suis donc pas sûr qu'il y ait plus d'avantages que d'inconvénients à inscrire de telles dispositions dans le Traité.
En ce qui concerne la non-discrimination, il est, là encore, très difficile de savoir comment une clause générale de non-discrimination serait interprétée par la Cour de Justice. Que signifie par exemple la non-discrimination en matière d'orientation sexuelle ? Il y a quelques mois, un rapporteur du Parlement européen avait proposé que des couples d'homosexuels puissent adopter des enfants. Un amendement a été déposé pour faire disparaître ce passage. Cet amendement n'a été adopté qu'à une voix de majorité. Qu'arrivera-t-il si l'on inscrit la non-discrimination en matière d'orientation sexuelle dans le Traité ? N'aboutira-t-on pas à faire trancher de grands sujets de société par la seule Cour de Justice ?
Dans ces conditions, je crois que ces sujets doivent être abordés avec une grande prudence. Je comprends bien que certains, notamment au Parlement européen, veulent faire progresser la citoyenneté européenne, mais je crois qu'il faut bien évaluer les conséquences pratiques de ce type de modification du Traité.
Voilà, mes Chers Collègues, ce que je souhaitais vous dire sur cette rencontre. Il me semblait important que le Sénat soit informé sur ces questions avant le début de la Conférence intergouvernementale, qui s'ouvrira le 29 mars, et que l'occasion nous soit offerte d'avoir un échange de vues à ce sujet. »
Un débat s'est alors engagé, au cours duquel M. Charles Metzinger a rappelé qu'il avait déposé une proposition de résolution, approuvée par la délégation, visant à demander au Gouvernement d'agir pour que le Traité de Maastricht soit modifié afin de permettre aux États membres, dans le cadre du principe de subsidiarité, de maintenir les avantages spécifiques qu'ils accordent aux femmes en matière de pensions, de congés et de conditions de travail. Il a indiqué que la Cour de justice des Communautés européennes avait condamné, à plusieurs reprises, au nom du principe d'égalité, des avantages spécifiques accordés aux femmes, notamment en ce qui concerne l'âge d'accès à la retraite ou le travail de nuit.
M. Charles Metzinger a alors souhaité que la commission des Affaires sociales examine sa proposition de résolution, afin que le Sénat puisse faire valoir ses positions dans le cadre de la préparation de la conférence intergouvernementale. Il s'est également déclaré favorable au développement d'une Europe sociale, et a souligné que cette prise de position n'était qu'apparemment en contradiction avec la défense du principe de subsidiarité, dans la mesure où l'Europe sociale ne pourra se construire que lentement et que, dans cette attente, les États doivent pouvoir maintenir leurs acquis sociaux.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des Affaires sociales, s'est déclaré inquiet face à la jurisprudence de la Cour de justice, qui pourrait conduire à une remise en cause d'acquis auxquels la France est très attachée.
M. Jacques Genton s'est félicité de l'organisation de cette réunion commune de la délégation et de la commission des affaires sociales. Il a fait valoir que la délégation n'avait pas vocation à se substituer aux commissions constitutionnelles, mais se devait de les alerter sur certaines questions sensibles, comme elle l'a fait dans le cas du problème de l'égalité entre hommes et femmes.
M. Jacques Oudin a tout d'abord souligné qu'au moment où les États membres de l'Union européenne réfléchissaient aux moyens de faire progresser l'Europe dans certains domaines d'intérêt commun, comme la défense, la politique étrangère ou la monnaie, il était essentiel dans le même temps d'appliquer de manière rigoureuse le principe de subsidiarité. Il a estimé que ce principe avait tout particulièrement vocation à s'appliquer dans le domaine social et s'est demandé ce que seraient devenus nos régimes sociaux si l'on avait procédé à une harmonisation complète dans le cadre européen. Il a souhaité que le Sénat adopte une attitude claire sur ce sujet.
À propos de la Cour de justice des Communautés européennes. M. Jacques Oudin a fait valoir que celle-ci avait tendance à trancher de manière systématique en faveur de l'extension des compétences communautaires. Il a estimé qu'un texte flou ne pouvait que conduire à une interprétation favorable à l'extension des compétences communautaires.
M. Jean-Pierre Fourcade a souligné l'importance de la conférence intergouvernementale et a observé que la France n'avait pas intérêt à une mise en commun trop poussée des réglementations sociales. Il a en revanche indiqué qu'il était souhaitable que des actions puissent être entreprises au niveau européen afin de favoriser la croissance, la compétitivité et l'emploi, conformément aux recommandations du livre blanc de la Commission européenne.
Évoquant la question des droits fondamentaux. M. Jean-Pierre Fourcade a observé qu'il convenait de préciser les contours de cette notion et s'est inquiété de la possibilité de jurisprudences complexes ou contradictoires de la part de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour européenne des droits de l'homme.