N° 217

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 décembre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1)
relatif au
programme Territoires d'industrie,

Par Mme Martine BERTHET, M. Rémi CARDON et Mme Anne-Catherine LOISIER,

Sénatrices et Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.

SOMMAIRE

Pages

L'ESSENTIEL 9

RAPPORT 15

I. LE PROGRAMME TERRITOIRES D'INDUSTRIE, UN INSTRUMENT ORIGINAL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALISÉE 16

A. DE L'INSTRUMENT DE COHÉSION SOCIALE À L'OUTIL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE : LES DEUX TEMPS DES TERRITOIRES D'INDUSTRIE 16

1. Les Territoires d'industrie de phase 1 (2018-2022) : une carte blanche aux territoires 16

a) La dernière pièce du puzzle de la reconquête industrielle ? 16

b) Une méthode novatrice : la carte blanche aux territoires 16

c) Une désignation volontariste des Territoires d'industrie, révélatrice du double objectif du programme 17

2. La phase 2 (2023-2027) : rendre le programme plus opérationnel 20

a) Des périmètres plus opérationnels 20

b) Une méthode légèrement rénovée 21

B. UNE APPROCHE ORIGINALE : LA PRISE EN COMPTE DES FACTEURS TERRITORIAUX DANS LES DYNAMIQUES INDUSTRIELLES 24

1. Un sous-jacent théorique trop longtemps ignoré : l'impact des facteurs locaux sur les dynamiques industrielles 24

2. Une architecture de gouvernance reflétant la logique ascendante et territorialisée du programme 26

a) Au niveau local, une architecture de gouvernance bicéphale associant élus et industriels, plébiscitée 26

b) La qualité du dialogue avec l'État, un autre élément facilitateur crucial 27

c) Les chargés de mission, des facilitateurs 27

3. Un programme à l'origine dépourvu de tous moyens financiers 28

II. UNE MISE EN oeUVRE INÉGALE, PERTURBÉE PAR LA CRISE COVID 30

A. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DES FINANCEMENTS COUPÉE NET PAR LES MESURES DE FREINAGE BUDGÉTAIRE 30

1. Une montée en puissance des financements avec la période covid 30

a) Le nécessaire déblocage de crédits dédiés au programme 30

b) Lors de la crise de la covid et du plan de relance, une substitution de crédits d'urgence aux crédits récurrents 31

c) Des engagements financiers initiaux non tenus, compensés par les plans de relance 32

2. Un nouveau financement dédié en phase 2 insuffisant par rapport aux besoins 34

a) Des moyens budgétaires de phase 2 normalisés... 34

b) ... en outre coupés net par les mesures de freinage budgétaire... 36

c) ... et in fine largement insuffisants 37

3. Un bilan de financement mitigé 38

a) Un fléchage imparfait des financements promis aux Territoires d'industrie 38

b) Un soutien financier insuffisant en faveur des collectivités engagées en faveur de l'industrie dans leurs territoires, notamment pour le volet foncier 41

B. UNE INÉGALE APPROPRIATION PAR LES DIFFÉRENTS ACTEURS, DANS LES TERRITOIRES 45

1. Une inégale implication des régions, appelée à monter en puissance en phase 2 45

a) Une réticence initiale débouchant sur une implication hétérogène 45

b) Une implication croissante des régions, avec le soutien de l'État 47

c) Un bilan financier difficile à établir 48

2. Les chambres de commerce et d'industrie, grandes absentes des Territoires d'industrie 48

3. Un rôle d'animateur de l'État globalement bien perçu 50

a) Au niveau national, une gouvernance en mode projet agile et efficace 50

b) Au niveau local, un rôle hétérogène mais plutôt bien perçu 51

C. LA NÉCESSITÉ D'UNE ÉVALUATION SOLIDE DU PROGRAMME POUR MIEUX CALIBRER SES ÉVOLUTIONS À VENIR 52

1. Des résultats mitigés 52

a) Une appréciation en demi-teinte des acteurs du monde industriel 52

b) Des résultats macro-économiques contrastés 52

c) Les ferments de la compétitivité à venir ? 54

2. Mieux évaluer les résultats du programme à tous les niveaux 55

a) Une absence d'évaluation des moyens engagés... 55

b) ... et des résultats obtenus 57

c) La nécessité d'un suivi fin au niveau local comme au niveau agrégé, une recommandation récurrente partiellement satisfaite 57

III. ADAPTER LES POLITIQUES PUBLIQUES AUX BESOINS DES TERRITOIRES, LA CONDITION D'UNE RÉINDUSTRIALISATION RÉUSSIE 58

A. COMPÉTENCES ET ATTRACTIVITÉ : DES BESOINS TERRITORIAUX DIFFÉRENCIÉS, INSUFFISAMMENT SOUTENUS PAR LE PROGRAMME 59

1. L'augmentation des compétences : des actions locales en manque de relais et de coordination nationale 59

a) Des actions proactives au niveau local, souffrant d'un manque de structuration au niveau national 60

b) Une nécessaire stimulation des services en charge de la formation au niveau national 61

c) Affermir le modèle des écoles de production 62

2. Disponibilité des logements et attractivité du territoire : un continuum à réinvestir 65

a) La disponibilité en logements de proximité, un déterminant majeur du recrutement 65

b) Accessibilité et mobilités, deux axes complémentaires de l'attractivité 67

c) Penser l'attractivité comme un tout : un axe du programme à renforcer 68

B. PARTIR DES BESOINS DES TERRITOIRES POUR DÉTERMINER LES ACTIONS À MENER DANS LE CADRE DU PROGRAMME 69

1. Mieux adapter l'offre de service aux problématiques des Territoires d'industrie 69

2. Réactiver l'axe « simplification » du programme en encourageant le recours aux dérogations au droit commun 71

C. FAVORISER L'ÉMERGENCE DE FILIÈRES TERRITORIALES INNOVANTES 73

1. Permettre la structuration de filières territoriales 73

a) Les filières, des moteurs pour le tissu économique 73

b) À la recherche de partenariats : sortir des Territoires d'industrie 76

2. Mieux articuler les projets locaux avec les priorités nationales de politique industrielle, tout en restant à l'écoute des territoires 77

LISTE DES RECOMMANDATIONS 79

AXE 1 : PÉRENNISER LE PROGRAMME EN RÉORIENTANT SES PRIORITÉS VERS LES PRINCIPAUX DÉTERMINANTS DE L'ATTRACTIVITÉ INDUSTRIELLE 79

Sous-axe 1 : Pérenniser le programme en priorisant les territoires les plus « industrialisables », dans une logique de filière 79

Sous-axe 2 : Réorienter le programme vers les fondamentaux de l'attractivité industrielle 79

Sous-axe 3 : Réanimer l'axe « simplification du programme » 79

AXE 2 : RENDRE LE PROGRAMME PLUS OPÉRATIONNEL AMÉLIORER LA MOBILISATION DES ACTEURS ET EN CIBLANT LE FINANCEMENT 80

Sous-axe 1 : Renforcer la mobilisation des acteurs 80

Sous-axe 2 : Diversifier et mieux cibler les financements 80

AXE 3 : MIEUX S'ADAPTER AUX SPÉCIFICITÉS ET AUX BESOINS DES TERRITOIRES 80

Sous-axe 1 : Adapter l'offre de service aux besoins des territoires 80

Sous-axe 2 : Privilégier la constitution de filières locales 81

AXE 4 : S'APPUYER LE RETOUR D'EXPÉRIENCE DES TERRITOIRES D'INDUSTRIE POUR MIEUX CALIBRER LES POLITIQUES INDUSTRIELLES 81

EXAMEN EN COMMISSION 83

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES 85

LISTE DES DÉPLACEMENTS 89

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI 91

L'ESSENTIEL 9

I. UN OUTIL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALISÉ TRÈS APPRÉCIÉ DES ACTEURS LOCAUX, MALGRÉ UNE MISE EN oeUVRE ET DES RÉSULTATS HÉTÉROGÈNES 10

A. UN INSTRUMENT ORIGINAL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALE 10

1. Le facteur territorial, un puissant levier de réindustrialisation, longtemps ignoré 10

2. Une architecture de gouvernance et des modalités de mise en oeuvre novatrices 10

B. UN BILAN LOCAL POSITIF, UN BILAN GLOBAL MITIGÉ 11

1. Une mise en oeuvre hétérogène portée par une implication inégale des acteurs à tous les niveaux 11

2. Un bilan financier en trompe-l'oeil 11

II. RECENTRER LE PROGRAMME POUR MIEUX SOUTENIR LES PROJETS INDUSTRIELS DE TERRITOIRES 12

A. RÉORIENTER LE PROGRAMME SUR LES FONDAMENTAUX DE L'ATTRACTIVITÉ 12

1. Penser l'attractivité dans toutes ses dimensions 12

2. Soutenir financièrement les collectivités qui investissent dans le foncier industriel et les infrastructures 12

B. MIEUX ADAPTER LE PROGRAMME AUX BESOINS DES TERRITOIRES 13

1. Prioriser, cibler et diversifier les offres de service des opérateurs de l'État 13

2. Simplifier pour mieux prendre en compte les contraintes locales 13

3. Privilégier la constitution de filières locales 13

RAPPORT 15

I. LE PROGRAMME TERRITOIRES D'INDUSTRIE, UN INSTRUMENT ORIGINAL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALISÉE 16

A. DE L'INSTRUMENT DE COHÉSION SOCIALE À L'OUTIL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE : LES DEUX TEMPS DES TERRITOIRES D'INDUSTRIE 16

1. Les Territoires d'industrie de phase 1 (2018-2022) : une carte blanche aux territoires 16

2. La phase 2 (2023-2027) : rendre le programme plus opérationnel 20

B. UNE APPROCHE ORIGINALE : LA PRISE EN COMPTE DES FACTEURS TERRITORIAUX DANS LES DYNAMIQUES INDUSTRIELLES 24

1. Un sous-jacent théorique trop longtemps ignoré : l'impact des facteurs locaux sur les dynamiques industrielles 24

2. Une architecture de gouvernance reflétant la logique ascendante et territorialisée du programme 26

3. Un programme à l'origine dépourvu de tous moyens financiers 28

II. UNE MISE EN oeUVRE INÉGALE, PERTURBÉE PAR LA CRISE COVID 30

A. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DES FINANCEMENTS COUPÉE NET PAR LES MESURES DE FREINAGE BUDGÉTAIRE 30

1. Une montée en puissance des financements avec la période covid 30

2. Un nouveau financement dédié en phase 2 insuffisant par rapport aux besoins 34

3. Un bilan de financement mitigé 38

B. UNE INÉGALE APPROPRIATION PAR LES DIFFÉRENTS ACTEURS, DANS LES TERRITOIRES 45

1. Une inégale implication des régions, appelée à monter en puissance en phase 2 45

2. Les chambres de commerce et d'industrie, grandes absentes des Territoires d'industrie 48

3. Un rôle d'animateur de l'État globalement bien perçu 50

C. LA NÉCESSITÉ D'UNE ÉVALUATION SOLIDE DU PROGRAMME POUR MIEUX CALIBRER SES ÉVOLUTIONS À VENIR 52

1. Des résultats mitigés 52

2. Mieux évaluer les résultats du programme à tous les niveaux 55

III. ADAPTER LES POLITIQUES PUBLIQUES AUX BESOINS DES TERRITOIRES, LA CONDITION D'UNE RÉINDUSTRIALISATION RÉUSSIE 58

A. COMPÉTENCES ET ATTRACTIVITÉ : DES BESOINS TERRITORIAUX DIFFÉRENCIÉS, INSUFFISAMMENT SOUTENUS PAR LE PROGRAMME 59

1. L'augmentation des compétences : des actions locales en manque de relais et de coordination nationale 59

2. Disponibilité des logements et attractivité du territoire : un continuum à réinvestir 65

B. PARTIR DES BESOINS DES TERRITOIRES POUR DÉTERMINER LES ACTIONS À MENER DANS LE CADRE DU PROGRAMME 69

1. Mieux adapter l'offre de service aux problématiques des Territoires d'industrie 69

2. Réactiver l'axe « simplification » du programme en encourageant le recours aux dérogations au droit commun 71

C. FAVORISER L'ÉMERGENCE DE FILIÈRES TERRITORIALES INNOVANTES 73

1. Permettre la structuration de filières territoriales 73

2. Mieux articuler les projets locaux avec les priorités nationales de politique industrielle, tout en restant à l'écoute des territoires 77

LISTE DES RECOMMANDATIONS 79

AXE 1 : PÉRENNISER LE PROGRAMME EN RÉORIENTANT SES PRIORITÉS VERS LES PRINCIPAUX DÉTERMINANTS DE L'ATTRACTIVITÉ INDUSTRIELLE 79

Sous-axe 1 : Pérenniser le programme en priorisant les territoires les plus « industrialisables », dans une logique de filière 79

Sous-axe 2 : Réorienter le programme vers les fondamentaux de l'attractivité industrielle 79

Sous-axe 3 : Réanimer l'axe « simplification du programme » 79

AXE 2 : RENDRE LE PROGRAMME PLUS OPÉRATIONNEL AMÉLIORER LA MOBILISATION DES ACTEURS ET EN CIBLANT LE FINANCEMENT 80

Sous-axe 1 : Renforcer la mobilisation des acteurs 80

Sous-axe 2 : Diversifier et mieux cibler les financements 80

AXE 3 : MIEUX S'ADAPTER AUX SPÉCIFICITÉS ET AUX BESOINS DES TERRITOIRES 80

Sous-axe 1 : Adapter l'offre de service aux besoins des territoires 80

Sous-axe 2 : Privilégier la constitution de filières locales 81

AXE 4 : S'APPUYER LE RETOUR D'EXPÉRIENCE DES TERRITOIRES D'INDUSTRIE POUR MIEUX CALIBRER LES POLITIQUES INDUSTRIELLES 81

EXAMEN EN COMMISSION 83

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES 85

LISTE DES DÉPLACEMENTS 89

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI 91

L'ESSENTIEL

Le mercredi 18 décembre 2024, la commission des affaires économiques a adopté le rapport d'information de Mme Martine Berthet, M. Rémi Cardon et Mme Anne-Catherine Loisier sur le programme Territoires d'industrie.

Soucieux, dans une logique de territorialisation de leur mission de contrôle, de confronter les réalités de terrain aux bilans tirés par les pilotes et acteurs du programme au niveau national, les rapporteurs ont constaté la dynamique très positive - quoique inégale - impulsée par le programme au niveau local, malgré un soutien hétérogène de l'État et de ses opérateurs. Cette démarche s'inscrit dans la logique de « contrôle sénatorial de proximité » souhaité par le Président du Sénat, visant à mieux évaluer l'impact des politiques publiques au niveau local.

Afin d'affermir la composante territoriale de l'effort national de réindustrialisation, les rapporteurs proposent de pérenniser le programme, peu coûteux pour les finances publiques, en le recentrant sur les territoires en capacité de développer une activité structurée autour de filières industrielles. Ils recommandent en particulier de mieux soutenir les initiatives locales visant à renforcer de manière transversale l'attractivité des territoires pour l'industrie et d'encourager le recours aux dérogations, pour mieux s'adapter aux réalités et contraintes locales.

I. UN OUTIL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALISÉ TRÈS APPRÉCIÉ DES ACTEURS LOCAUX, MALGRÉ UNE MISE EN oeUVRE ET DES RÉSULTATS HÉTÉROGÈNES

A. UN INSTRUMENT ORIGINAL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALE

1. Le facteur territorial, un puissant levier de réindustrialisation, longtemps ignoré
 

Lancé en 2018, le programme Territoires

d'industrie réintroduit la notion de territoires dans la stratégie de reconquête industrielle engagée au mi-temps des années 2010, d'abord focalisée sur la réduction des coûts de production et le soutien aux grandes filières et à l'innovation. Il s'agissait de construire, de manière proactive, le « facteur territorial » à l'oeuvre, par exemple, dans les districts italiens (constitué de « facteurs invisibles » tels que les relations entre acteurs, les traditions et expériences, la culture industrielle, ...), dont le poids dans les trajectoires industrielles a été récemment évalué par la littérature économique à pas moins de 40 %. Cette approche territoriale est d'autant plus pertinente qu'on estime que le tissu industriel déjà existant concentre 70% du potentiel de réindustrialisation en France ; elle pourrait permettre, au total, la création de plus de 400 000 emplois.

Au total, 183 Territoires d'industrie ont été labellisés lors de la reconduction du programme, pour la période 2023-2027, rassemblant 630 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

2. Une architecture de gouvernance et des modalités de mise en oeuvre novatrices

Conçu comme un outil « biface » de cohésion sociale et territoriale et de politique industrielle, le programme, piloté conjointement par la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l'économie et par l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT), repose sur une logique ascendante d'élaboration de projets au niveau de chaque territoire d'industrie, piloté localement par un binôme constitué d'un élu local et d'un industriel du territoire, épaulé d'un comité de projet composé de l'ensemble des acteurs locaux pertinents en fonction des caractéristiques du territoire, ainsi qu'un représentant de l'État - généralement le sous-préfet. À l'origine, l'État et ses opérateurs soutiennent le programme uniquement via la priorisation vers les Teritoires d'industrie d'outils de politiques publiques existantes, sans crédits supplémentaires.

« L'objectif était de donner carte blanche aux territoires. »

B. UN BILAN LOCAL POSITIF, UN BILAN GLOBAL MITIGÉ

1. Une mise en oeuvre hétérogène portée par une implication inégale des acteurs à tous les niveaux

Cette architecture de gouvernance et cette carte blanche donnée aux industriels sont plébiscitées par les élus et les industriels, pour qui la principale plus-value du programme est de permettre le développement d'une dynamique coopérative entre tous les acteurs concernés, publics et privés, facilitée par l'animation des chefs de projets nommés dès la phase 1 dans certains Territoires d'industrie, et généralisée depuis 2023.

Le programme a cependant été mis en oeuvre de manière hétérogène dans les territoires, d'autant que la première liste des Territoires d'industrie avait été désignée sans concertation avec les industriels et élus locaux. Malgré cela, 85 % des Territoires d'industrie de la phase 1 ont candidaté et ont été labellisés pour la phase 2.

En outre, les régions n'ont pas été associées par l'État au lancement du programme, malgré leur rôle de cheffes de file en matière de développement économique ; l'implication des chambres de commerce et d'industrie (CCI) demeure globalement insuffisante.

 
2. Un bilan financier en trompe-l'oeil

Reposant sur une logique d'offre de services renforcée - notamment en accompagnement et animation -, de la part des services et opérateurs de l'État, le programme était, à l'origine, dépourvu de tout financement spécifique. Si les Territoires d'industrie ont massivement bénéficié, comme les autres territoires, des mesures de soutien à l'activité économique déployées au moment de la crise de la covid puis via le plan France 2030, les crédits récurrents du programme, qui co-financent des postes de chefs de projet et de l'ingénierie dans les Territoires d'industrie, se montent seulement à quelques millions d'euros par an.

Très peu coûteux pour les finances publiques, le programme devrait donc être pérennisé et doté d'une ligne de financement pluriannuelle sécurisée pour ces missions. Dans un contexte d'austérité budgétaire, la présence des chefs de projets, un meilleur relais assuré par les CCI et une coordination régionale renforcée devraient permettre aux acteurs industriels d'être mieux informés et accompagnés dans la recherche d'aides publiques, y compris régionales et européennes.

II. RECENTRER LE PROGRAMME POUR MIEUX SOUTENIR LES PROJETS INDUSTRIELS DE TERRITOIRES

A. RÉORIENTER LE PROGRAMME SUR LES FONDAMENTAUX DE L'ATTRACTIVITÉ

1. Penser l'attractivité dans toutes ses dimensions

Les projets portés dans le cadre des Territoires d'industrie témoignent de la pertinence et de la créativité des acteurs locaux pour lever les freins constatés au développement industriel, quelle que soit leur nature. Le recentrage du volet « attractivité » sur son seul aspect foncier, lors du passage à la phase 2 du programme, a pu faire oublier que l'attractivité industrielle doit être pensée comme un tout. Parmi les points particulièrement cruciaux observés par les rapporteurs dans les Territoires d'industrie visités figurent :

- l'amplification de l'offre de logements abordables, y compris pour les apprentis et alternants. En plus des actions menées par Action Logement, désormais partenaire du programme, toutes les solutions développées par les opérateurs de l'État, notamment l'ANCT via d'autres programmes nationaux de revitalisation des zones rurales et petites villes, doivent pouvoir être mobilisées à cet effet ;

- le développement de solutions de mobilité pour l'accès aux lieux de production, véritable angle mort du programme ;

- le soutien au développement des compétences industrielles, pénalisé en particulier par la quasi-absence de dialogue, au niveau national, avec les ministères en charge de l'éducation, de la formation et de l'emploi, qui se répercute sur les actions menées au niveau local. Le modèle des écoles de production, dont se sont emparés de nombreux Territoires d'industrie pour répondre rapidement aux besoins des entreprises - et dont le rôle de cohésion sociale doit aussi être souligné - doit être affermi, en pérennisant la participation de l'État à leurs frais de fonctionnement et en levant les freins financiers à la scolarité des publics les plus fragiles.

2. Soutenir financièrement les collectivités qui investissent dans le foncier industriel et les infrastructures

Le foncier est identifié comme un facteur clé pour la réindustrialisation, pourtant aucun soutien spécifique n'est prévu dans le cadre du programme pour les collectivités qui acquièrent, viabilisent et aménagent des zones industrielles « clé en main », les laissant souvent démunies. Les crédits de l'ex Fonds friche s'étant révélés notoirement insuffisants, les rapporteurs recommandent, à enveloppe constante, la sécurisation d'une ligne spécifiquement dédiée, à cette fin, aux collectivités des Territoires d'industrie.

B. MIEUX ADAPTER LE PROGRAMME AUX BESOINS DES TERRITOIRES

1. Prioriser, cibler et diversifier les offres de service des opérateurs de l'État

Pour donner de la valeur au label Territoires d'industrie, ces derniers doivent bénéficier d'une véritable priorisation dans l'accès aux dispositifs de droit commun déployés par les opérateurs de l'État, conformément à la promesse faite au lancement du programme. Six ans après son lancement, un panier de services adapté peut et doit en outre être élaboré, à partir des fiches projets élaborées par les Territoires d'industrie.

Afin de mieux adapter ces dispositifs aux problématiques identifiées sur le terrain, le programme doit faire l'objet d'évaluations régulières grâce à une meilleure prise en compte du périmètre des Territoires d'industrie dans les outils de « reporting » des services et opérateurs de l'État et des collectivités.

2. Simplifier pour mieux prendre en compte les contraintes locales

Alors que le thème de la « simplification » est devenu l'un des axes forts de la politique économique, les Territoires d'industrie doivent être encouragés à se servir davantage des facultés de dérogation qui existent au niveau local, pour lever les freins à la réalisation de projets industriels (recours à France Expérimentation, pouvoir de dérogation préfectoral).

Sur ce sujet en particulier, les comités des Territoires d'industrie, aux prises avec les réalités locales, doivent devenir force de proposition pour inspirer un nouvel acte de simplification des normes affectant le développement industriel.

3. Privilégier la constitution de filières locales

Les visites de terrain ont montré combien est profitable, pour l'ensemble d'un territoire, l'existence de filières industrielles locales qui structurent l'écosystème et fédèrent les forces vives du tissu industriel, au bénéfice de l'innovation et de la compétitivité. Aussi, en complément de l'approche par filière développée à l'échelon national, les rapporteurs recommandent de privilégier dans les Territoires d'industrie la constitution de filières, en les rapprochant, là où ils existent, des clusters et pôles de compétitivité.

Les recommandations de la mission d'information

Axe 1 : Pérenniser le programme en réorientant ses priorités vers les principaux déterminants de l'attractivité industrielle

Pérenniser le programme en le recentrant sur les territoires porteurs de véritables projets industriels et disposant d'aménités pour le développer.

Réactiver le volet « attractivité », en développant notamment les actions relatives à l'accès au logement et aux mobilités, et renforcer l'axe « développement des compétences » en renforçant la collaboration avec les acteurs de la formation et de l'emploi au niveau local et au niveau national, et en affermissant le modèle des écoles de production.

Réactiver le volet « simplification », pour encourager le recours aux dérogations au niveau local pour favoriser la réalisation de projets industriels.

Axe 2 : Rendre le programme plus opérationnel en améliorant la mobilisation des acteurs et en ciblant le financement

Assurer une meilleure implication des CCI et des régions dans le programme.

Pérenniser les financements du programme sur une ligne spécifique, pour une durée d'au moins quatre ans, pour assurer le co-financement des chefs de projet, le soutien en ingénierie et le financement de la détection de projets industriels et des écoles de production, et flécher spécifiquement des financements à destination des communes et EPCI pour l'aménagement foncier et le développement d'infrastructures à destination de l'industrie.

Axe 3 : Mieux s'adapter aux spécificités et aux besoins des territoires

Prioriser l'accès des Territoires d'industrie aux programmes de droit commun développés par les opérateurs de l'État, et élaborer une offre de services spécifiquement dédiés aux Territoires d'industrie, sur la base des fiches-actions élaborées par ces derniers.

Évaluer le programme, au niveau national et local, a minima à mi-parcours et en fin de phase.

Privilégier la constitution de filières industrielles territoriales et encourager le développement de partenariats avec d'autres territoires industriels européens, dans une logique de filière.

Axe 4 : S'appuyer sur le retour d'expérience des Territoires d'industrie pour mieux calibrer les politiques industrielles

Utiliser les Territoires d'industrie comme force de proposition en matière de politique industrielle.

Créer un délégué interministériel à la réindustrialisation pour favoriser une approche transversale de la réindustrialisation.

RAPPORT

Instrument original de politique industrielle territorialisée, le programme Territoires d'industrie, lancé en 2018 pour une durée initiale de quatre ans, a été renouvelé en novembre 2023 pour une nouvelle période de quatre ans, soit jusqu'à fin 2027.

À cette occasion, la commission des affaires économiques du Sénat a souhaité en proposer une évaluation, avec le double objectif de dessiner les caractéristiques et conditions d'une pérennisation réussie du programme, et de rechercher les éléments susceptibles d'inspirer, plus globalement, une rénovation de la politique industrielle française.

La suspension des travaux parlementaires consécutive à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2023 a retardé l'aboutissement de la mission, qui dispose donc désormais d'une année de recul sur la seconde phase du programme, ce qui a permis d'en apprécier concrètement les récentes évolutions.

En raison du caractère territorialisé du programme Territoires d'industrie, la présente mission a semblé particulièrement indiquée pour mettre en oeuvre le « contrôle sénatorial de proximité » (aussi dit « contrôle territorialisé ») souhaité par le Président du Sénat, sur la recommandation de M. Mathieu DARNAUD, alors Vice-président du Sénat, président de la délégation en charge du lien avec les territoires et des consultations des élus et des citoyens, et dans la lignée des recommandations du plan d'action de modernisation des méthodes de contrôle du Sénat présentées par Mme Pascale GRUNY, alors Vice-présidente du Sénat, fin 20211(*).

Ainsi, afin d'évaluer la mise en oeuvre du programme au niveau local, les rapporteurs se sont ainsi rendus dans le Territoire d'industrie d'Albert-Amiens, dans la Somme, le 12 juillet 2024, et celui du Grand Chalon, en Saône-et-Loire, le 16 septembre 2024 ; une table ronde avec les acteurs du Territoire d'industrie de la Vallée de la Maurienne a en outre été organisée le 12 novembre 2024. Les informations recueillies « sur le terrain » ont permis aux rapporteurs de mieux appréhender les interactions de ces différentes parties prenantes et les capacités d'adaptation du programme aux réalités locales, et de mettre en perspective les données recueillies via les questionnaires écrits et les traditionnelles auditions « en chambre » des principales parties prenantes au dispositif (services de l'administration centrale, opérateurs de l'État, associations d'élus, syndicats d'industriels et experts), qui ont complété l'examen de ces trois Territoires d'industrie.

I. LE PROGRAMME TERRITOIRES D'INDUSTRIE, UN INSTRUMENT ORIGINAL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALISÉE

A. DE L'INSTRUMENT DE COHÉSION SOCIALE À L'OUTIL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE : LES DEUX TEMPS DES TERRITOIRES D'INDUSTRIE

1. Les Territoires d'industrie de phase 1 (2018-2022) : une carte blanche aux territoires
a) La dernière pièce du puzzle de la reconquête industrielle ?

Lancé en novembre 2018, le programme Territoires d'industrie s'inscrit dans la stratégie de reconquête industrielle conduite à partir du milieu des années 2010, à la suite notamment des conclusions du rapport Gallois de 20122(*).

Il s'agissait d'inverser la tendance de cinq décennies de recul de l'industrie, qui ont vu la part de l'industrie dans le produit intérieur brut passer de 22 % au début des années 1970 à seulement 11 % actuellement (contre par exemple 21 % en Allemagne)3(*), et l'emploi industriel reculer de 28 % en 19754(*) à 11 % actuellement5(*).

Après une première série de mesures visant à réduire les coûts de production (crédits d'impôts et allègements de charge principalement), à améliorer les compétences et à favoriser l'innovation (pôles de compétitivité, programmes d'investissements d'avenir (PIA) et création de Bpifrance, notamment), et à soutenir les filières, le programme Territoires d'industrie a réintroduit la notion de territoires dans les stratégies de politique industrielle.

b) Une méthode novatrice : la carte blanche aux territoires

Ne présentant ni dimension de filière, ni dimension sectorielle, le programme entendait, pour sa composante industrielle, passer d'une logique de guichet à une logique de projets, en laissant le soin aux acteurs locaux de chaque Territoire d'industrie (élus et acteurs du monde économique) de déterminer leur propre plan d'action, construit selon leurs besoins, avec l'appui des services déconcentrés et opérateurs de l'État, chargés de mettre à disposition une offre de services en ingénierie et en investissement.

L'action du programme était cependant organisée en fonction de quatre axes, pré-identifiés comme répondant aux « besoins » en matière de développement industriel, à savoir le développement des compétences, le soutien à l'innovation, un travail sur l'attractivité des territoires et la simplification.

 

Il convient de souligner le caractère très novateur de cette démarche ascendante, qui a d'ailleurs pu se heurter dans un premier temps aux réticences de la « machine » du ministère de l'économie, comme l'a indiqué aux rapporteurs M. Olivier Lluansi, qui était alors en charge du pilotage du lancement du programme.

« L'objectif était de donner carte blanche aux territoires. C'est à ma connaissance la première fois que la mise en oeuvre d'une ambition nationale était confiée aux collectivités locales en partenariat avec les services déconcentrés de l'État. »

Jean-Baptiste Gueusquin, directeur du programme6(*)

c) Une désignation volontariste des Territoires d'industrie, révélatrice du double objectif du programme

Dès son lancement en 2018, le programme Territoires d'industrie a été présenté comme un double outil de cohésion sociale et de cohésion territoriale est un programme de politique industrielle.

Pour cette raison, le programme est coanimé par l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) - et avant elle par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) - et par la direction générale des entreprises (DGE) au ministère de l'économie. Les modalités d'intervention du programme, créé quelques mois seulement après le lancement du dispositif « Action coeur de ville » (ACV), piloté également par l'ANCT, reposent d'ailleurs sur la même logique d'une priorisation de territoires afin d'y concentrer les interventions publiques. Les représentants de la DGE ont d'ailleurs indiqué aux rapporteurs que cette dernière ne participait pas vraiment à la sélection des dossiers, réalisée par l'ANCT, avec une vision plus territoriale qu'industrielle.

C'est avec à l'esprit ce double objectif qu'une liste initiale de 128 Territoires d'industrie7(*) a été élaborée par l'administration, dans le cadre d'une mission de préfiguration du programme piloté par Oliver Lluansi8(*), en prenant en compte trois critères, à savoir la part d'industrie dans l'emploi local, le potentiel de développement industriel, et l'engagement des acteurs - notamment les élus et industriels - en faveur de l'industrie.

Les territoires initialement ciblés étaient des territoires ruraux et péri-urbains, et des villes petites9(*) et moyennes10(*) - à l'exclusion, donc, des métropoles - avec une forte identité industrielle - qu'elle soit historique ou plus récente - et de forts enjeux de transformation dans un avenir proche. Bien qu'elles ne représentent pas une part prépondérante de l'emploi industriel national (44 %), les zones rurales hors aires d'attraction des métropoles sont caractérisées par une part d'emplois industriels manufacturiers locale élevée, tout comme les petites villes et les villes moyennes et les zones rurales situées dans leurs aires d'attraction. Ainsi, dans les aires d'attraction des villes moyennes, un salarié sur cinq travaille dans le secteur industriel ; ils sont environ un sur quatre dans les espaces ruraux hors aires d'attraction et dans les aires d'attraction des petites villes, ceux taux étant sensiblement supérieurs à la moyenne française11(*).

Un dernier critère, non explicite, était que les Territoires d'industrie devaient mailler tout le territoire français, dans une stratégie d'équilibre territorial. Ce point est bien observable sur les cartes nationales de répartition des Territoires d'industrie, en première comme en deuxième phase.

La méthode de désignation des premiers Territoires d'industrie, par son caractère volontariste et descendant, était en décalage avec la philosophie du programme, qui visait à faire émerger des initiatives des territoires. Conscientes dès l'origine du caractère imparfait de la liste initiale, les instances de pilotages ont toutefois fait preuve d'une grande souplesse en permettant la désignation au fil de l'eau de nouveaux Territoires d'industrie, ainsi que la modification du périmètre des Territoires existant. En outre, une fois le programme enclenché, à l'intérieur de chaque Territoire d'industrie, c'est bien de manière ascendante que les projets de territoires ont été élaborés par les acteurs locaux. À la fin de la première phase, 149 Territoires d'industrie étaient ainsi labellisés, rassemblant 551 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), soit un peu moins d'un EPCI sur deux.

Au finale, ces Territoires rassemblaient 49 % des établissements industriels français, et 56 % de l'emploi industriel. L'industrie n'y occupe cependant pas nécessairement une place prépondérante en termes de part de l'emploi. Indépendamment de l'effet du programme, leurs dynamiques de moyen terme en matière de développement industriel sont en outre très diverses, des territoires à l'industrie dynamique, comme la Vendée, à ceux en forte déprise industrielle, par exemple dans les Ardennes12(*).

Les Territoires d'industrie de la phase 1 (2018-2022)

Source : ANCT

Alors que le programme devait initialement expirer en 2022, la période de la crise covid, qui a mis en évidence l'importance pour la souveraineté nationale de la reconquête industrielle, et pendant laquelle l'État a fortement soutenu tant la consommation que l'investissement productif sur le territoire, a révélé la puissance de l'outil Territoires d'industrie. Selon l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF), ce sont au total près de 2 000 projets qui ont été soutenus, dans le cadre de la première phase du programme.

2. La phase 2 (2023-2027) : rendre le programme plus opérationnel

Le programme a été reconduit pour quatre ans à partir de novembre 2023, conformément à l'annonce faite par le Président de la République le 11 mai 2023.

a) Des périmètres plus opérationnels

Contrairement à la première phase, la désignation s'est faite sur la base de candidatures émanant des territoires, dans une logique ascendante, ces derniers déterminant également leur propre périmètre (la moitié des Territoires d'industrie de la phase 1 ayant candidaté pour la phase 2 ont ainsi ajusté leur périmètre pour le rendre plus opérationnel). Signe de leur satisfaction quant au programme, 85 % des Territoires d'industrie de phase 1 participent également à la phase 2.

Tous les candidats à la phase 2 ont été labellisés. Le Territoire d'Industrie du Grand Chalon, qui avait souhaité intégrer le programme dès 2018, a ainsi candidaté pour la phase 2, en élargissant son périmètre - restreint, pour la phase 1, à la communauté de communes du Grand Chalon (51 communes) - aux EPCI voisins (Entre Saône et Grosne, Saône Doubs Bresse et Sud Côte Chalonnaise), le Grand Chalon conservant toutefois l'animation du programme. Au contraire, le Territoire d'industrie d'Albert-Amiens a été reconduit en phase 2 sans modification de périmètre, en dépit de sa discontinuité territoriale et de la difficulté constatée de mettre en oeuvre de réelles actions communes13(*).

La phase 2 du programme a également été ouverte aux métropoles, à condition toutefois qu'elles justifient d'enjeux de transition industrielle, mais également de collaborations avec les EPCI de leur aire d'attraction.

Interrogés par les rapporteurs sur l'opportunité d'élargir la couverture territoriale des Territoires d'industries, l'ensemble des personnes auditionnées ont estimé qu'un équilibre satisfaisant avait été trouvé en phase 2, en raison de la non-pertinence d'un soutien à l'industrie partout sur le territoire, mais surtout, même là où une forte empreinte industrielle pourrait rendre le programme pertinent, de la nécessité d'une forte implication des équipes locales (cf. ci-dessous) pour assurer la réussite du programme sur un territoire donné. Les rapporteurs déplorent cependant que le programme soit mal identifié : le département de la Savoie par exemple, très industriel, ne compte qu'un seul Territoire d'industrie (Territoire d'industrie de la Vallée de la Maurienne). Ce défaut de labellisation de territoires fortement industrialisés et à fort potentiel industriel s'explique parfois par ignorance des modalités de fonctionnement du dispositif et de sa potentielle plus-value par les acteurs locaux, parfois par crainte qu'il s'agisse d'un dispositif trop lourd, comme certains acteurs locaux ont pu en faire part aux rapporteurs de la mission.

b) Une méthode légèrement rénovée

Dans cette nouvelle phase, tirant parti de dispositifs mis en place au fil de l'eau lors de la phase 1 et jugés efficaces, la gouvernance a été davantage formalisée, puisqu'il a été demandé à tous les Territoires d'industrie de s'organiser autour d'une gouvernance dédiée, mobilisant des binômes élus-industriels référents.

Au niveau national également, la gouvernance a été précisée : Régions de France, Intercommunalités de France et France industrie sont associés à l'État en tant que partenaires du programme au niveau national. Six opérateurs pertinents (Action Logement, Ademe, Bpifrance, Business France, la Caisse de dépôts et consignations (CDC) et France Travail) sont impliqués, par le biais d'une charte collective signée au moment du lancement du programme en novembre 2023 (par opposition aux conventions-cadres signées au fil de l'eau à compter de 2019). La deuxième phase a enfin confirmé le rôle des trois niveaux d'animation (territorial, régional, national).

Il a été demandé aux Territoires d'industrie, dès l'amont de la sélection, de produire un plan d'action partagé entre l'ensemble des acteurs pertinents du territoire.

Les objectifs du programme ont également été revus, avec la définition de quatre axes transversaux : transition écologique et énergétique ; innovation ; développement des compétences ; mobilisation du foncier industriel.

(recentrage)

Au total, 183 territoires sont labellisés, regroupant 630 intercommunalités.

Les Territoires d'industrie de phase 2 (2023-2027)

Source : ANCT

B. UNE APPROCHE ORIGINALE : LA PRISE EN COMPTE DES FACTEURS TERRITORIAUX DANS LES DYNAMIQUES INDUSTRIELLES

1. Un sous-jacent théorique trop longtemps ignoré : l'impact des facteurs locaux sur les dynamiques industrielles

Interrogé par les rapporteurs, Olivier Lluansi, préfigurateur du programme Territoires d'industrie, a souligné l'importance, longtemps méconnue et même ignorée, des facteurs territoriaux dans le succès d'un projet industriel : hors dynamiques macro-économiques et de filières, l'impact de ce facteur a été évalué par divers travaux économiques à pas moins de 40 %. Cette dynamique serait en effet déterminée en premier lieu par les conditions macroéconomiques (environ la moitié des facteurs déterminants), les 10 % résiduels étant expliqués par la concentration, dans un territoire donné, d'industries particulièrement dynamiques ou particulièrement en déclin sur le plan national (effet de spécialisation)14(*).

Si cet effet local a été bien documenté, par exemple dans le cas des districts industriels italiens, qui ont, selon Olivier Lluansi, directement inspiré le programme Territoires d'industrie15(*), l'idée de le construire de manière proactive était tout à fait novatrice.

Le cas des districts italiens

Les districts industriels italiens ont joué un rôle clé dans le développement économique du pays. Les districts sont majoritairement composés de petites et moyennes entreprises (PME) qui collaborent et se spécialisent dans différentes étapes de la production, créant ainsi un réseau dense et interconnecté. Par ce biais, l'Italie combine tradition artisanale et innovation industrielle (exemples : la production de marbre à Carrare, de maroquinerie à Florence, de soie à Côme, et de chaussures dans les Marches). L'Italie accompagne de manière ciblée des villes industrielles, avec l'idée de créer des filières locales (districts industriels).

À l'inverse, et à rebours des idées reçues, l'intensité industrielle de départ d'un territoire et sa spécialisation sectorielle n'auraient qu'une influence marginale sur l'évolution de l'emploi industriel16(*). Une récente étude de Bpifrance montre d'ailleurs que la culture et l'histoire des territoires sont des facteurs de moins en moins déterminant pour le choix de nouvelles implantations industrielles (22 % pour les implantations déjà réalisées, contre seulement 11 % pour les implantations futures, selon les industriels interrogés)17(*) - seul facteur en régression parmi tous les autres facteurs testés.

Au contraire, « l'hétérogénéité observée pourrait provenir de caractéristiques intrinsèques à chaque TI [Territoire d'industrie] et, plus particulièrement, des facteurs invisibles [...] parmi lesquels intervient la dimension culturelle indissociable d'un projet mobilisant des ressources locales et s'appuyant sur des savoir-faire, des traditions, des expériences »18(*).

De manière convergente, une récente étude de Bpifrance estime à 70 % le potentiel de réindustrialisation, en France, qui se trouve dans le tissu industriel déjà existant, seuls 30 % devant être réalisés par de nouveaux projets, français ou étrangers19(*).

Selon Olivier Lluansi, les actions de politique industrielle procédant d'une approche par filières nationales et par un soutien privilégié à l'innovation de rupture (approche qui est notamment celle du programme d'investissements France 2030) doivent, en conséquence, être complétées par une approche territoriale. Cette approche territoriale permettrait la création d'environ 430 à 450 000 emplois, soit précisément le même ordre de grandeur que le potentiel de création d'emplois porté par France 203020(*). L'effet d'entraînement de l'industrie sur l'activité locale, mesurée en termes d'effet d'entraînement d'emploi l'industriel sur le reste de l'emploi local, a en outre été mis en évidence de longue date par les économistes21(*).

« Si depuis 2010, on a seulement réussi à stabiliser la part de l'industrie dans le PIB, c'est parce que le levier territorial n'a pas été suffisamment activé. »

Olivier Lluansi

Recommandation n° 1 : Pérenniser le programme en assumant sa composante territoriale et son rôle de moteur de la cohésion des territoires ; encourager les candidatures porteuses d'un véritable projet industriel de territoire et disposant d'aménités pour le développer, en les incitant à candidater.

2. Une architecture de gouvernance reflétant la logique ascendante et territorialisée du programme
a) Au niveau local, une architecture de gouvernance bicéphale associant élus et industriels, plébiscitée

De nombreux travaux académiques ont d'ailleurs mis en évidence le rôle de l'environnement local dans les dynamiques industrielles, et notamment l'innovation, l'existence des dynamiques locales étant notamment créée par la capacité de l'ensemble des acteurs du territoire à créer des dynamiques collectives autour de projets communs. Dans ce cadre, les modalités de gouvernance territoriale sont déterminants.

L'architecture de pilotage du programme Territoires d'industrie repose, au niveau local, sur un binôme composé d'un industriel local et d'un élu de l'une des intercommunalités du Territoire d'industrie (souvent le vice-président délégué au développement économique de l'intercommunalité concernée). Ce binôme préside un « comité de projet », mis en place dans chaque Territoire d'industrie, où siège également le représentant de l'État (généralement le sous-préfet), ainsi que toute personne ou tout organisme intéressé au programme, la composition du comité demeurant très souple.

Le rôle du comité de projet est, en phase de lancement, l'établissement d'un projet de territoire, décliné en des « fiches-actions » compatibles avec les objectifs du programme, puis en phase de déploiement, le suivi et l'animation du programme.

Selon l'étude précitée de Bpifrance, le facteur de bonnes relations avec les élus locaux est cité comme déterminant pour leur choix d'implantation par 22 % des industriels, contre seulement 14 % auparavant22(*). Or les référents territoriaux industriels des Territoires d'industrie interrogés par la Cour des comptes estiment ainsi que le premier acquis du programme Territoires d'industrie a été sa contribution au développement d'une dynamique coopérative de tous les acteurs concernés, publics et privés (99 % estiment que c'est le cas23(*)).

Certains Territoires d'industrie ont d'ailleurs souhaité approfondir cette dynamique, en mettant également en place, outre les instances de pilotage du programme, des clubs de rencontre plus informels, visant à faire synergie et à insuffler un sentiment d'appartenance au territoire.

Ainsi, le Grand Chalon a mis en place des « clubs TI », ouverts à toutes les entreprises industrielles du territoire, visant à les regrouper autour d'une thématique (marque employeur, visite de structures de formation visites d'entreprises...).

Ce dialogue noué entre les différents acteurs dans le cadre des comités de Territoires d'industrie a permis de faire émerger de bonnes pratiques dont il convient d'encourager la pérennisation.

b) La qualité du dialogue avec l'État, un autre élément facilitateur crucial

La qualité du dialogue entre l'administration et les opérateurs de l'État a également été une des valeurs ajoutées du programme, en permettant aux services de l'État et à ses opérateurs de davantage s'impliquer dans l'écosystème industriel local et de mieux informer les entreprises des aides publiques disponibles. Cet aspect est mis en avant par 97 % pour industriels interrogés par la Cour des comptes, même si près de 40 % d'entre eux estiment que la contribution du programme à ce facteur n'a été que modérée.

La participation d'un représentant des services déconcentrés de l'État dans les comités de projet - dont les rapporteurs ont pu mesurer la pleine implication dans les Territoires d'industrie du Grand Chalon et d'Albert-Amiens, ne suffit en effet pas toujours à mobiliser en deuxième intention d'une manière suffisante les services en région des opérateurs de l'État impliqués dans le programme.

Dans tous les cas, le dialogue noué entre l'ensemble des parties prenantes dans le cadre des comités de projet des Territoires d'industrie a permis de faire émerger de bonnes pratiques dont il convient d'encourager la pérennisation.

c) Les chargés de mission, des facilitateurs

Afin de renforcer la dynamique territoriale et de « faire le lien » entre les différentes parties prenantes, certaines collectivités territoriales impliquées dans des Territoires d'industrie ont mis en place rapidement des chefs de projets, chargés d'animer le comité de projet.

L'intermédiation territoriale dans les coopérations entre acteurs,
un facteur-clé du succès des Territoires d'industrie

« Les rôles de facilitateur/entremetteur, de fédérateur et d'orchestrateur [...] ressortent pour identifier et caractériser les relations et fonctions que jouent ces dispositifs ou acteurs intermédiaires dans le système territorial et avec l'ensemble des parties prenantes des projets ou actions développés. Ainsi, le facilitateur aide à fluidifier les relations, les échanges et les prises de connaissance entre les différents acteurs, qui ne se connaissent pas nécessairement bien sur un territoire ou qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. De son côté, le fédérateur désigne davantage la capacité d'un acteur ou d'un dispositif à créer de la confiance entre les acteurs du territoire [...]. Quant au rôle d'orchestrateur, il s'agit d'animer le réseau de partenaires locaux ou d'acteurs. Par ce rôle, il permet de lever les freins ou des résistances de certains acteurs à participer à la dynamique des projets et actions entreprises sur le territoire. »24(*)

Dans les Territoires d'industrie, l'intermédiation est assurée au niveau local par le binôme élu/industriel, à la tête du comité de projet, ainsi que par le chef de projet Territoires d'industrie. Cette intermédiation est complétée par la mise en place de comités de pilotage régional et national.

À partir de 2019, l'État a proposé à certains Territoires d'industrie rencontrant des difficultés de financement particulières et aux moyens limités de cofinancer un poste de chef de projet par le biais du fonds national d'aménagement et de développement des territoires (FNADT).

À l'issue de la première phase du programme, un peu plus d'un tiers des Territoires d'industrie disposaient d'un chef de projet, financé25(*). La DTI note que cette quarantaine de chefs de projets qui avaient été mis en place notamment grâce au co-financement via le FNADT en première phase ont eu un « rôle [qui] s'est avéré particulièrement important pour la réussite des territoires qui en bénéficiaient 26(*) ». De fait, selon les sondages effectués par la Cour des comptes auprès des Territoires d'industrie, 88 % de ceux qui avaient, en phase 1, créé un poste de chef de projet ont constaté une mise en oeuvre satisfaisante ou correcte des plans d'action, contre seulement 65 % pour ceux qui n'en avaient pas créé.

En conséquence, le recrutement d'un chef de projet a été généralisé, pour tous les Territoires d'industrie, en phase 2. Selon la DGE27(*), en juin 2024, 65 % des Territoires d'industrie étaient dotés d'un chef de projet.

3. Un programme à l'origine dépourvu de tous moyens financiers

À l'origine du programme, en 2018 et 2019, aucun accompagnement financier spécifique n'était prévu pour les Territoires d'industrie.

Il leur était en revanche proposé des actions d'accompagnement et d'animation, avec une offre de services renforcée autour de dispositifs de l'État et de ses opérateurs partenaires (à l'origine la CDC, Bpifrance, Business France et Pôle emploi, avec lesquels des conventions-cadres ont été signées par l'État dès mars 2019), mais aussi, dans l'esprit de la DGE, les conseils régionaux, qui avaient vocation à orienter et prioriser leur offre de service vers les Territoires d'industrie.

L'offre de l'État se concentrait autour d'un soutien renforcé en animation (financement des postes de chefs de projet dans les Territoires d'industrie) et offre en ingénierie de l'ANCT, qui visait à aider les territoires à définir, structurer et accélérer leurs projets. Dans ce cadre, le marché d'ingénierie de l'ANCT pouvait - et peut toujours - être mobilisé, selon un principe de subsidiarité, pour la conduite d'études dans les Territoires, d'autres opérateurs avec lesquels collabore l'ANCT pouvant également être mobilisés pour de l'ingénierie (notamment la Banque des Territoires ou l'Ademe). À compter de 2020, un accompagnement renforcé a été mis en place par l'État à destination de certains territoires (notamment avec le dispositif Rebond industriel, cf. ci-dessous), et certains projets (« Territoires d'industrie en transition écologique »).

Les engagements des opérateurs de l'État partie prenante au programme étaient, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport, majoritairement fondés, à l'origine, sur des dispositifs existants, en particulier pour Bpifrance, Business France et Pôle emploi : il s'agissait par exemple, pour Bpifrance, de prioriser l'accès aux entreprises des Territoires d'industrie à ses « accélérateurs », ou pour Pôle emploi de mettre à disposition ses différents services.

De manière cohérente avec cette approche, les financements en faveur du programme annoncés par le Gouvernement au moment du lancement de la première phase28(*) concernaient en très grande majorité un fléchage vers les Territoires d'industrie de dispositifs déjà existants, pour un total évalué par la Cour des comptes à 1,367 Md€29(*). Ainsi, la Banque des Territoires, devait, dès l'origine, outre le fléchage d'une partie de ses propres ressources vers les Territoires d'industrie30(*) et de la mobilisation des dispositifs de droit commun, flécher vers les Territoires d'industrie des financements étatiques issus du « grand plan d'investissement » de 2017 ou du plan d'investissement d'avenir (PIA)31(*).

L'approche consistant à utiliser des programmes et financements déjà existants était cohérente avec la philosophie du programme, qui avait vocation, sous la double tutelle de la DGE et de l'ANCT, à se déployer en synergie avec d'autres programmes, et notamment avec les programmes et politiques de revitalisation des territoires portés par l'ANCT. Ce choix était a priori d'autant plus adéquat que les recoupements territoriaux avec d'autres labels portés par l'ANCT étaient très importants. Ainsi, 73 % des quartiers de politique de la ville (QPV) et 81 % des communes ACV se trouvent dans des territoires d'industrie. Pour les villes petites et moyennes en particulier, particulièrement concernées par les programmes ACV, mais aussi « petites villes de demain » (PVD), la dynamique industrielle est souvent liée étroitement à leur attractivité globale. Des synergies peuvent alors se mettre naturellement en place avec le programme Territoires d'industrie, notamment des travaux sur la mobilisation du foncier industriel et la revitalisation des friches, ou bien sur la requalification des entrées de ville.

Dans les QPV également, l'industrie était vue comme une opportunité notamment en matière de développement des compétences et de réponses à des besoins de formation et d'insertion des jeunes issus de ces quartiers. Le développement d'écoles de production pouvait ainsi, par exemple, être pertinent à double titre et soutenu par le biais des deux programmes.

Selon la DTI32(*) elle-même, cette approche s'est néanmoins « révélé[e] insuffisante pour concrétiser les projets identifiés ».

II. UNE MISE EN oeUVRE INÉGALE, PERTURBÉE PAR LA CRISE COVID

A. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DES FINANCEMENTS COUPÉE NET PAR LES MESURES DE FREINAGE BUDGÉTAIRE

1. Une montée en puissance des financements avec la période covid
a) Le nécessaire déblocage de crédits dédiés au programme

Sur le plan budgétaire, le programme s'appuie sur plusieurs programmes différents du budget de l'État, pour d'une part fournir une offre de services aux collectivités, et d'autre part soutenir directement des projets industriels situés dans les Territoires d'industrie. La commission des affaires économiques du Sénat a, à de nombreuses reprises, dans ses avis budgétaires déploré cet éclatement des crédits, qui ne permettent pas d'avoir une vue d'ensemble sur les dépenses consenties par l'État en faveur des Territoires d'industrie.

Ainsi que le précise en outre la DTI, le chiffrage de cet effort est d'autant plus délicat qu'en complément des crédits de l'État, les partenaires du programme (les opérateurs Bpifrance, Banque des territoires, Ademe, France Travail, Business France, Action Logement ainsi que les conseils régionaux) ont également mobilisé leurs crédits propres en faveur du programme, et que « [d]'autres crédits déconcentrés de l'État, non spécifiques au programme Territoires d'industrie, ont également pu être mobilisés sur des projets de territoires ».

Si le programme était à l'origine dépourvu de tout financement, des crédits d'ingénierie et visant au co-financement des chefs de projet ont été spécifiquement déployés par l'État, via les crédits accordés au FNADT et à l'ANCT par le biais du programme budgétaire 112 (« Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », mission « Cohésion des territoires), à compter de l'année 2020. Ces sommes sont demeurées modestes jusqu'en 2022 (7,5 M€ en cumulé33(*)).

Par ailleurs, l'État a, à compter de 2021, spécifiquement fléché des fonds, via le programme 134, vers le soutien à l'accès des entreprises des Territoires d'industrie aux accélérateurs de Bpifrance et au déploiement de volontaires territoriaux en entreprises (VTE) dans les Territoires d'industrie, également opéré par Bpifrance (4 M€ pour la période 2021-202334(*)).

b) Lors de la crise de la covid et du plan de relance, une substitution de crédits d'urgence aux crédits récurrents

Afin de soutenir les entreprises industrielles face aux conséquences de la crise de la covid, le Gouvernement a créé plusieurs dispositifs qui n'étaient pas réservés aux Territoires d'industrie mais leur ont, de fait, particulièrement bénéficié ; la mise en place de ces dispositifs de relance a permis une montée en puissance du programme.

· Dès juillet 2020, un dispositif « pack rebond » ad hoc a été lancé, visant à soutenir les projets industriels, notamment dans les territoires en difficulté. Déployé dans un premier temps sur les territoires affectés par la fermeture de l'usine Bridgestone, à Béthune, qui a servi de « preuve de concept », il a ensuite été déployé, à compter d'août 2022 dans le cadre du plan France 2030 dans une quarantaine de territoires confrontés à des restructurations d'entreprises, souvent occasionnées par les nécessités d'adaptation à la transition écologique - notamment dans la filière automobile (appel à manifestations d'intérêt (AMI) « Rebond industriel »), puis élargi à d'autres secteurs en 2023, dans le cadre du renouvellement du dispositif. Le principe était de détecter, puis d'amorcer le soutien financier à des projets structurants de rebond industriel « qui n'auraient pas trouvé de financements publics dans le cadre des aides de droit commun de l'État, de ses opérateurs et des collectivités territoriales »35(*). À son lancement, l'AMI « Rebond industriel » (désormais clos) était dotée de 100 M€ (sur plusieurs années)36(*).

Selon la Cour des comptes, ces deux dispositifs ont, durant leurs deux premières années d'existence, concerné uniquement les Territoires d'industrie - même si, en droit, d'autres territoires étaient éligibles - et ont ensuite continué à bénéficier très majoritairement aux Territoires d'industrie37(*).

· En complément, le fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires (FAIIT), doté initialement de quelque 400 M€ en pluriannuel38(*), a été lancé à l'automne 2020, pour soutenir des projets susceptibles d'avoir un fort impact sociétal et économique (maintien et création d'emplois, décarbonation, formation, approfondissement des collaborations avec les acteurs territoriaux...)39(*), sélectionnés par les régions et les préfectures de région. Selon la Cour des comptes, les Territoires d'industrie ont représenté près des deux tiers des projets lauréats et des montants reçus40(*).

c) Des engagements financiers initiaux non tenus, compensés par les plans de relance

L'évaluation réalisée par la Cour des comptes note que « les dispositifs [...] figurant dans le périmètre initial de 2018 sont en net retrait par rapport aux montants annoncés »41(*).

   

Montants (en M€)

Dispositif mobilisé

Opérateur / administration

Annoncés en 2018

Engagés, en 2023

Payés, en 2023

AAP "Ingénierie de formations professionnelles innovantes" du PIA régionalisé

CDC

112

7

7

Territoires d'innovation PIA

330

11

9

Financement de la Banque des territoires (appui aux projets)

500

73

45

Volet "filières" du PIA régionalisé

Bpifrance

185

38

14

Accélérateurs de Bpifrance (promotion et facilitation d'accès)

60

3

3

10 000 diagnostics "industrie du futur" (priorisation de l'accès aux diagnostics)

DGE

80

n.c.

n.c.

AAP "Préparations opérationnelles à l'emploi collectives"

Pôle Emploi / France Travail

100

n.c.

n.c.

Source : Rapport Cour des comptes, p. 44

Montants annoncés et effectivement décaissés
en faveur des Territoires d'industrie

Sources : commission des affaires économiques, d'après les données de la Cour des comptes

Répartition des montants annoncés, engagés et payés par l'État et ses opérateurs
dans les Territoires d'industrie (2019-2023)
(
anneau extérieur : engagements, anneau intérieur : paiements)

Sources : commission des affaires économiques, d'après les données de la Cour des comptes

Malgré une absence de suivi et de consolidation de la part de l'État et des opérateurs, la Cour des comptes a évalué à 1,775 Md€ en engagements et 883 M€ en montant effectivement décaissés les fonds versés à des projets situés dans des Territoires d'industrie, sur la période 2019-202342(*). La Cour précise que « l'État et ses opérateurs ont bien apporté des financements importants aux entreprises et aux collectivités des territoires d'industrie, mais selon des modalités et pour des objectifs différents à bien des égards de la vision et des annonces de départ ». Ainsi, « si l'Ademe n'était pas intervenue à partir de fin 2019 et si la crise sanitaire n'avait pas conduit à mettre en place dans l'urgence les aides directes du Fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires, les engagements de l'État n'auraient pu être tenus sur la période des quatre ans »43(*) : les fonds dispensés par l'Ademe (notamment via le fonds chaleur) et le FAIIT ont en effet représenté plus de 80 % des sommes décaissées dans les Territoires d'industrie sur la période 2019-2023.

Comme le note la Cour des comptes, in fine, « [l]a mobilisation des opérateurs initiaux, mesurée en termes de financements engagés ou décaissés, est restée en net retrait par rapport aux objectifs du programme »44(*).

2. Un nouveau financement dédié en phase 2 insuffisant par rapport aux besoins
a) Des moyens budgétaires de phase 2 normalisés...

À l'afflux de moyens financiers au moment de la crise de la covid et dans son sillage a succédé une brutale attrition des crédits dédiés aux Territoires d'industrie.

Alors que les fonds dispensés dans le cadre de France Relance et de France 2030 arrivaient à terme, le lancement de la deuxième phase du programme a coïncidé avec l'annonce d'une dotation budgétaire en faveur des Territoires d'industrie de 100 M€ sur quatre ans pour 2024, déployés dans le cadre du Fonds vert, opéré par l'Ademe. Ces crédits avaient vocation à soutenir des projets d'investissements industriels structurants et aux impacts positifs notamment en matière de transition écologique45(*) (« Territoires d'industrie en transition écologique »), conformément au nouvel axe du programme. Contrairement à la plupart des autres dispositifs, ce dernier était exclusivement réservé aux Territoires d'industrie. Il avait pour vocation de soutenir des projets industriels particuliers, soit d'industrie verte, soit de relocalisation de la production de produits de consommation, soit, par exemple de projets contribuant à la diversification économique de territoires d'industrie, par exemple pour des territoires de montagne très dépendants du tourisme.

Pour rappel, une telle dotation renforcée du programme Territoires d'industrie, notamment en crédits d'investissement, avait été demandée par la commission des affaires économiques du Sénat, dans le cadre des discussions sur le budget 2023, par un amendement adopté par le Sénat qui n'avait pas survécu à la navette parlementaire.

Projets éligibles au dispositif « Territoires d'industrie en transition écologique

Volet 1 : À titre principal, des projets d'investissements industriels structurants et ambitieux sur le plan environnemental contribuant à l'émergence au renforcement et/ou à la réindustrialisation de chaînes de valeur industrielles clés pour la transition écologique.

Volet 2 : À titre auxiliaire, des projets d'investissements contribuant au développement des compétences nécessaires pour ces secteurs.

Volet 3 : À titre exceptionnel, un soutien spécifique et renforcé aux projets d'investissements industriels structurants et ambitieux sur le plan environnemental, tels que définis aux volets 1 et 2, qui contribuent à la redynamisation de territoires « rebond industriel », dans une limite de 3 territoires par an.

Les projets éligibles devaient en outre :

- Être situés dans le périmètre d'un Territoire d'industrie 2023-2027 ;

- être soutenus par un EPCI, du fait de leur cohérence avec la stratégie industrielle du territoire, par le biais d'un courrier de soutien des collectivités concernées.

Seuls les projets présentant une assiette minimale de dépenses de 400 000 € sont éligibles.

Source : Ademe, Cahier d'accompagnement des porteurs de projet et des services instructeurs
- Fonds d'accélération de la transition écologique
dans les territoires, p. 4-5

La phase 2 du programme prévoyait également une augmentation des crédits dédiés au programme via un abondement du programme 112, pour :

- le financement de postes de chefs de projets dans tous les Territoires d'industrie, sur l'enveloppe FNADT (2 M€) ;

- un soutien renforcé en ingénierie, via le budget de l'ANCT (2,5 M€)46(*).

En outre, les missions « Rebond » portées par France Relance puis par France 2030 devaient continuer à être déployées, notamment dans le cadre de l'AMI « Rebond industriel » de France 2030 sur le programme budgétaire 424. Le dispositif n'a pas été pérennisé et n'a pas été doté de nouveaux crédits, mais le Gouvernement a indiqué qu'un accompagnement sur le modèle de ce dernier « pourra également être proposé de manière exceptionnelle (2 à 3 fois par an) à des Territoires d'industrie qui feraient face à des difficultés importantes sur le plan industriel [...]. La mesure « Territoires d'industrie en transition écologique du Fonds vert sera alors mobilisée en priorité au bénéfice de ces territoires en complément d'ingénierie déployée par l'ANCT »47(*) (à hauteur, selon l'ANCT, de 10 M€ sur les 100 M€ initialement appelés à être déployés dans le cadre du Fonds vert). Chaque projet « Rebond » nécessitant environ, selon Jean-Baptiste Gueusquin, directeur du programme Territoires d'industrie, 2 M€, ces 10 M€ pouvaient permettre de soutenir en réalité jusqu'à 4 ou 5 projets par an, avec la perspective également d'effets leviers, pour que soient également mobilisés des fonds européens.

En revanche, le programme 134 ne comporte plus de ligne dédiée aux volontaires territoriaux en entreprises (VTE) en territoires d'industrie et à l'accès aux accélérateurs de Bpifrance pour les entreprises en Territoires d'industrie. Interrogée par les rapporteurs, Bpifrance a souligné que la bonification de tarif qui avait été mise en place continue pour l'instant d'être proposée aux entreprises uniquement industrielles (et non plus de services) des Territoires d'industrie, financée sur les fonds propres de Bpifrance.

Les rapporteurs relèvent également que la « charte collective » signée avec les six opérateurs du programme le 9 novembre 2023 pour la deuxième phase du programme n'implique plus aucun engagement chiffré de la part de ces derniers, et qu'il ne leur est plus demandé de prioriser les Territoires d'industrie dans leurs activités, ce qui peut s'apparenter à un désengagement de l'État et de ses opérateurs.

b) ... en outre coupés net par les mesures de freinage budgétaire...

Ces différentes enveloppes ont subi dès 2024 de lourdes restrictions budgétaires, notamment sur le volet d'investissement, puisque :

- l'enveloppe du Fonds vert dédié aux Territoires d'industrie a été affectée par une réduction de 30 % sur les enveloppes régionalisées, ainsi que par le gel puis l'annulation des crédits réservés au niveau national (7 M€), initialement envisagés pour lancer dans ce cadre quelques missions « Rebond ». Ainsi au final, ce sont seulement 63 M€ qui ont pu être engagés dans ce cadre ;

- l'enveloppe de l'AMI « Rebond industriel » France 2030, initialement de 100 M€ également, a été réduite aux financements nécessaires pour les missions déjà engagées, pour un montant total de 57 M€, ce qui a entraîné la fin précipitée du dispositif - qui devait à l'origine durer jusqu'en 2027 - dès le printemps 2024. Dans le même temps, la possibilité de mener à bien quelques missions « Rebond » dans le cadre du Fonds vert est rendue caduque par la réduction des crédits affectant ce dernier.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, la DTI a fait savoir que « la réduction à venir du Fonds vert à 1 milliard d'euros laisse craindre une nouvelle réduction de l'enveloppe Territoire d'industrie en transition écologique », d'autant plus pénalisante que le fonds étant régionalisé, les préfectures de région ne pourraient plus accompagner qu'un nombre très réduit de projets, ce qui correspondrait « à du saupoudrage »48(*). La réduction des crédits d'ingénierie de l'ANCT risque également d'affecter l'offre de service du programme, alors que cette montée en puissance de l'appui en ingénierie constituait l'un des axes forts de développement de la phase 2, mais les documents budgétaires n'offrent pas une granularité assez fine pour déterminer d'ores et déjà si le programme Territoires d'industrie sera particulièrement affecté par cette baisse de crédits.

c) ... et in fine largement insuffisants

Selon Olivier Lluansi, interrogé par les rapporteurs, ce sont pas moins de 300 M€ qui auraient été nécessaires pour doter de manière satisfaisante le programme. Complétée à parité par les régions et par des fonds européens, pour un total de près de 1 Md€, cette enveloppe aurait été selon lui suffisante pour créer environ 450 000 emplois industriels. A cet égard, les 100 M€ prévus dans le cadre du Fonds vert (« Territoires d'industrie en transition écologique ») se sont révélés largement insuffisants - a fortiori après les coupes budgétaires effectuées au cours de l'année 2024 - au regard du nombre de candidatures issues des Territoires d'industrie. Intercommunalités de France chiffre ainsi à 310 M€ les besoins correspondant à toutes les demandes effectuées dans le cadre de « Territoires d'industrie en transition écologique », estimation convergente avec celle de la DTI, qui indique avoir recensé deux à trois fois plus de projets candidats que de projets in fine financés. La DGE estimait également, en septembre 202449(*) que « [le] maintien des crédits issus du Fonds vert [...]sera clé pour assurer la pérennité du dispositif ».

Au total, les 63 M€ déployés dans le cadre du Fonds vert auront permis, selon Jean-Baptiste Gueusquin le soutien d'environ 100 projets, en majorité des PME, créateurs chacun en moyenne d'une vingtaine d'emplois - la création d'emplois étant d'ailleurs un critère de sélection des projets -, ce qui est jugé très positif. Dans l'idéal, une augmentation de l'enveloppe dédiée au financement de projets industriels, sur appel à projet, dans les Territoires d'industrie serait donc souhaitable.

Cependant, compte tenu de la situation budgétaire extrêmement contrainte, les rapporteurs préconisent dans l'immédiat de recentrer les moyens financiers du programme sur ses volets les moins coûteux, à savoir les crédits de fonctionnement et d'ingénierie, qui financent l' « ossature » du programme, et sont cruciaux pour permettre aux Territoires d'industrie de continuer à fonctionner. En contrepartie, les rapporteurs estiment qu'il est essentiel de donner de la visibilité aux acteurs locaux sur la pérennité du programme et de son financement. En effet, selon les témoignages recueillis sur le terrain, davantage encore que la modestie des moyens financiers mis à disposition, c'est leur imprévisibilité et l'effet « yo-yo » dans la dotation de l'État qui pénalise sa bonne utilisation par les Territoires d'industrie. Intercommunalités de France, interrogée par les rapporteurs, estime en effet que le financement de l'ingénierie et d'études par l'État a été globalement suffisant dans le cadre du programme. En conséquence, ils recommandent la pérennisation du programme, et une dotation budgétaire pluri-annualisée.

Les rapporteurs tiennent à souligner le coût in fine très peu élevé du programme Territoires d'industrie pour les finances publiques (4,5 M€ en 2024, via les crédits du FNADT et de l'ANCT), par rapport à la masse cumulée des aides à l'industrie, récemment chiffrées à plus de 200 Md€ sur une décennie par la Cour des comptes50(*). Ce montant existant devrait être complété par le minimum de crédits nécessaires aux territoires pour se projeter à moyen terme, par exemple pour des projets dont l'amorçage nécessite quelques années, notamment les écoles de production (actuellement quelques millions d'euros par an, déjà inscrits dans le budget général de l'État au titre du programme budgétaire 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »)51(*) ainsi que pour des campagnes ciblées de détection de projets, dont le dispositif « Rebond » a montré toute la pertinence52(*), et qui pourraient se faire à moyens constants ou quasi-constants, en tirant parti des crédits d'ingénierie déployés dans le cadre du programme.

Recommandation n° 8 : Pérenniser une ligne de financement du programme sur au moins quatre ans, en ciblant le maintien du co-financement des chefs de projet et du soutien en ingénierie, le financement de la détection de projets industriels et le financement des écoles de production.

3. Un bilan de financement mitigé
a) Un fléchage imparfait des financements promis aux Territoires d'industrie

Pour Intercommunalités de France, le programme Territoires d'industrie est une « machine à projets », qui permet d'orienter les financements d'autres dispositifs de l'État, comme France 2030. Or le rapport de la Cour des comptes précité met également en évidence l'absence de priorisation des Territoires d'industries pour les dispositifs de droit commun des opérateurs partenaires, y compris, par exemple, en termes de délai d'examen des dossiers53(*) - à l'exception des rares dispositifs dédiés, comme celui des VTE54(*).

La priorisation de l'accès aux accélérateurs de Bpifrance s'est par exemple in fine résumée à une réduction de prix de 6 à 10 000 € HT (sur des programmes ayant un coût de plusieurs dizaines de milliers d'euros généralement55(*)), selon la taille de l'entreprise et le programme. Le dispositif, selon Bpifrance, a tout de même bénéficié à 471 PME ayant participé à une quarantaine de programmes d'accélération différents, généralistes, nationaux ou régionaux, sectoriels et thématiques, mais ce chiffre n'a pas pu être mis en regard du nombre total de bénéficiaires des accélérateurs, faute de données transmises par Bpifrance.

« [L]a priorisation et la concentration des moyens voulue par le gouvernement au lancement du programme n'a pas eu lieu. »

Cour des comptes56(*)

Si, comme indiqué ci-dessus, certains dispositifs, notamment ceux mis en place au moment de la crise covid, ont particulièrement bénéficié aux Territoires d'industrie, alors même qu'ils ne leur étaient pas réservés, cette situation ne semble pas être le résultat d'une priorisation de la part des opérateurs, mais d'une meilleure appropriation des dispositifs de financement de la part des acteurs locaux. Ainsi, selon l'évaluation faite par la Cour des comptes, le FAIIT a profité pour deux tiers à des entreprises situées dans les Territoires d'industrie (représentant 63 % des projets et 64 % des montants engagés)57(*). Cependant, l'analyse, de la sélection montre que la proportion des dossiers présentés par des entreprises situées dans un Territoire d'industrie retenus est moindre que pour les dossiers présentés par des entreprises hors Territoires d'industrie (40 % contre 48 %), alors même que le cahier des charges de cet appel à projets disposait explicitement qu'une priorité serait donnée aux projets émanant de Territoires d'industrie. Plus qu'une priorisation des dossiers, le fait que le FAIIT ait surtout profité aux Territoires d'industrie témoigne donc surtout d'une propension plus importante à candidater des entreprises situées dans les Territoires d'industrie. De fait, pour Intercommunalités de France, c'est bien parce que les Territoires d'industrie s'étaient organisés pour récupérer ces financements que le FAIIT leur a beaucoup profité.

L'association fait d'ailleurs la même analyse de feu le Fonds friches, désormais intégrés au Fonds vert, dont les subventions auraient particulièrement profité aux Territoires d'industrie en raison de la mobilisation et de la réactivité de ces derniers.

De manière frappante, Bpifrance a reconnu que malgré son tropisme vers le secteur industriel, les Territoires d'industrie n'avaient représenté en moyenne, en phase 1 du programme, qu'un tiers de son activité globale, ce qui est bien inférieur au poids des Territoires d'industrie dans l'activité et l'emploi industriels nationaux.

Au final, l'appréciation des acteurs sur la capacité du programme Territoires d'industrie à attirer les financements est mitigée : parmi les référents industriels des Territoires d'industrie interrogés par la Cour des comptes, seul un tiers estime que l'appartenance à un Territoire d'industrie a permis de « beaucoup » faciliter l'obtention d'aides ou de subventions publiques pour les projets industriels (62 % pensent que cette appartenance a permis de faciliter « modérément » cette obtention), 18 % seulement estimant que le programme a « beaucoup » facilité l'obtention de financements privés (bancaires notamment) pour les projets industriels (51 % « modérément »)58(*). Or, selon les résultats d'un sondage du Medef, transmis aux rapporteurs, les entreprises n'ayant pas eu recours aux aides à l'innovation ou à l'investissement avancent en premier lieu les motifs d'un manque d'information ou de clarté de l'information disponible (43 %) et d'une trop grande complexité des dossiers de demande (36 %).

De ce point de vue, le bénéfice de disposer d'un point d'accès unique a été souligné devant les rapporteurs notamment par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CMPE), et jugé particulièrement important pour les TPE et les PME : l'organisation a cité en exemple le Grand Chalon, où les agents de la direction du développement économique assurent eux-mêmes, en interne, cette mission de point d'entrée unique pour solliciter avec les entreprises demandeuses l'ensemble des aides financières disponibles auprès des partenaires économiques du Grand Chalon (auprès de la région, de l'État et de l'Union européenne). Au contraire, les rapporteurs ont relevé que dans les Territoires d'industrie d'Albert-Amiens, les aides étatiques et régionales étaient « plus ou moins intégrées au programme ».

Il est donc nécessaire de continuer à améliorer la lisibilité des aides et dispositifs accessibles aux entreprises situées dans les Territoires d'industrie, notamment pour les TPE, les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI). Si la présence systématique d'un point de contact privilégié, en la personne du chef de projet, obligatoirement nommé dans chaque Territoire d'industrie en deuxième phase, devrait améliorer la situation, les rapporteurs recommandent également la mise en place de dispositifs plus directement accessibles de recensement des aides notamment par voie dématérialisée ; ils ont, à ce propos, reçu avec intérêt l'annonce par la DGE, lors de son audition, d'un projet de plateforme numérique, dont le déploiement est piloté par la direction interministérielle du numérique (Dinum), avec la participation de l'Ademe, pour recenser toutes les aides à l'industrie, dans un premier temps au niveau national. Ils recommandent d'y intégrer également les aides locales, mais également les aides européennes, par exemple celles du Fonds pour la transition juste (FTJ), créé précisément pour accompagner la transition énergétique et industrielle des territoires concernés par de fortes émissions de CO2, et dont les objectifs recoupent largement ceux des « Territoires d'industrie en transition écologique »59(*).

Recommandation n° 9 : Assurer une meilleure visibilité des aides locales, régionales, nationales et européennes disponibles et développer des guichets uniques pour les déployer dans les Territoires d'industrie.

b) Un soutien financier insuffisant en faveur des collectivités engagées en faveur de l'industrie dans leurs territoires, notamment pour le volet foncier

En l'état actuel des choses, les financements accessibles aux collectivités du bloc communal spécifiquement dédiées au programme Territoires d'industrie se limitent, comme indiqué précédemment, à des crédits d'ingénierie et de co-financement des chefs de projet.

Or, le lancement du programme Territoires d'industrie est intervenu dans un contexte de montée en charge des intercommunalités sur les sujets économiques, dans le sillage, notamment, de la loi NOTRe de 201560(*). Les EPCI sont notamment compétents en matière de foncier industriel et d'aides à l'immobilier d'entreprise.

Dans le cadre de son rapport sur le programme, la Cour des comptes s'est livrée à un exercice d'évaluation des dépenses d'action économique des EPCI sur la période 2019-2023, pour constater que ces dernières ont été globalement en hausse de 16 % dans les Territoires d'industrie, et en baisse de 8 % dans les autres territoires, les dépenses « Aides à l'énergie, aux industries manufacturières et au bâtiment et travaux publics »61(*) ayant même quasiment quadruplé dans les Territoires d'industrie (+ 374 %) tandis qu'elles faisaient un peu plus que doubler (+ 124 %) hors Territoires d'industrie62(*).

Évolution des dépenses du bloc communal (2019-2023)

Source : Cour des comptes

Or aucun financement dédié n'est disponible pour les collectivités dans le cadre de Territoires d'industrie, la Cour notant par ailleurs que les parts de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et du FNADT dont ont bénéficié les Territoires d'industrie sont restées stables entre 2019 et 202363(*).

Il convient cependant de noter que, dans une logique de financement complémentaire, la Banque des Territoires a souligné devant les rapporteurs que le programme Territoires d'industrie lui avait permis de structurer son offre de financement en faveur de l'industrie, assez éparse jusqu'en 2018 : la Banque a, depuis le lancement du programme, structuré de nouvelles offres sur des thématiques industrielles, incluant notamment l'immobilier industriel, la reconversion des friches industrielles, la 5G industrielle, l'efficacité énergétique et la décarbonation industrielle, ainsi que le portage de foncier à vocation industrielle.

Cette question des moyens mis à disposition des collectivités est en particulier cruciale sur la question du foncier - qui est d'ailleurs l'un des axes de la phase 2 du programme - alors qu'elle demeure la première préoccupation des industriels en vue d'une implantation dans un territoire, et l'une de celles où le volontarisme des collectivités peut avoir le plus d'impact.

Selon l'AMF, parmi les questions récurrentes posées par les industriels en vue d'une implantation, figurent : la présence de foncier disponible immédiatement, compatible avec le PLU(i) ; les accès ferroviaires, autoroutiers, aéroportuaires ; les contraintes énergétiques (accès à l'eau, à l'électricité...)64(*). Les réponses fournies aux rapporteurs par Business France confirment que le foncier disponible ainsi que la connectivité et les utilités, et notamment la présence de sites clés en main, est un élément d'attractivité important plus spécifiquement pour les investisseurs internationaux, avec la présence de la main-d'oeuvre, la stabilité de l'environnement juridique et fiscal et, pour les entreprises innovantes - moins concernées - l'accès aux financements nécessaires à leur croissance.

L'AMF déplore en conséquence, l'absence de dispositif ou d'aide à destination des communes ou EPCI souhaitant étendre et aménager leurs zones « UE » (zones « urbaines d'équipement », qui peuvent être dédiées aux activités économiques) et « UI » (zones urbaines à vocation industrielle et artisanale), et ce alors que les frais engagés par l'achat des terrains et les diverses études et travaux préalables (fouilles archéologiques, relevés topographiques, étude des sols, cadastre, mise en place de réseaux et voiries...) sont très importants.

Bien identifié dans le cadre du volet « attirer » dans le premier temps du programme, cette mobilisation du foncier industriel a été mise au premier plan pour la phase 2, notamment via la campagne de recensement et d'aménagement des 55 sites industriels destinés à devenir « clés en main France 2030 », lancée en 2023 à la suite du dispositif « sites industriels clés en main » lancé en 2020, et qui avait déjà identifié au total plus d'une centaine de sites à aménager.

À la suite d'un appel à candidatures, 55 sites disponibles à court ou moyen terme ont été identifiés pour ce deuxième temps (soit 5 à 10 sites par région). 85 % d'entre eux sont situés en Territoires d'industrie, ce qui a amené à transférer le pilotage du dispositif des sites clés en main de la DGE à la DTI. Cette situation s'explique notamment par le fait que les Territoires d'industrie sont en moyenne davantage pourvus en foncier économique que les autres bassins d'emploi (20 à 27 ha par bassin d'emploi, contre 10 pour les bassins d'emploi non couverts par le dispositif65(*)).

Aucun financement spécifique n'est accessible pour l'aménagement de ces sites, mais des financements de droit commun sont mobilisables, notamment pour des travaux d'ingénierie (via le marché de l'ANCT et la Banque des Territoires) mais aussi de financement (par la Banque des Territoires en prêts et prise de participation, et via l'enveloppe Recyclage foncier du Fonds friche). La DTI note cependant que le nombre des sites identifiés ayant bénéficié du Fonds friche est très faible (5, soit moins de 10 %), et qu'une réduction de l'enveloppe pénaliserait encore les porteurs de projet, qui sont souvent des collectivités, qui rencontrent un déficit d'ingénierie pour préparer les dossiers66(*).

La zone SaôneOr : aux origines des sites clé en main

Les rapporteurs de la mission ont pu bénéficier, lors de leur déplacement à Chalon-sur-Saône, d'une visite de la zone industrielle SaôneOr (près de 100 ha), située sur l'ancienne friche Kodak. La requalification de cette vaste réserve foncière a été engagée par le Grand Chalon dès 2016. Elle a servi de modèle et de précurseur au premier dispositif sites clés en main, dont elle a reçu le label à sa création.

80 ha sont pour l'heure viabilisés et la zone accueillera notamment à compter du premier trimestre 2025 les activités du groupe d'agroalimentaire espagnol VickyFood, soucieux de se rapprocher de ses marchés français et d'Europe du Nord - pour une création à terme de 250 emplois, sur 14 ha dont la moitié est pour l'instant gardée en réserve -, et une usine de fabrication de pompes à chaleur Atlantic - sur 19 ha -, mais aussi par exemple la PME locale Aérométal, active dans le tri et la préparation de matériaux critiques, et qui a confirmé aux rapporteurs un projet d'agrandissement à court terme.

Le foncier a constitué dès l'origine l'un des axes forts de l'action du Territoire d'industrie du Grand Chalon, confirmé lors de la phase 2 du programme : alors qu'il ne reste plus que quelque 12 ha disponibles sur la zone SaôneOr, le Grand Chalon a engagé la requalification de la friche Philips/Nordeon (7 ha), qui sera commercialisée dès le début 2025. La réhabilitation de ce site labellisé « clé en main France 2030 » a été subventionnée par la région (950 000 €), l'Ademe (2,7 M€) et, dans une moindre mesure, la Banque des territoires, pour un montant total de 7 M€.

Source : commission des affaires économiques,
informations recueillies lors du déplacement de la mission à Chalon-sur-Saône

Sans contester l'intérêt du dispositif sites clés en main, les associations d'élus regrettent cependant le peu de cas fait des opérations similaires menées à des échelles plus modestes par les collectivités, souvent dans une logique un peu différente de « quasi-sur-mesure ». Les élus comme les industriels ont en effet souligné l'inadaptation, pour les plus petites entreprises, de sites trop standardisés, parfaitement aménagés mais souvent proposés à des prix très élevés, par rapport à la disponibilité de sites aménagés a minima, mais avec l'assurance d'une forte réactivité de la collectivité pour participer à leur installation.

La Banque des Territoires estime également que le sujet du foncier devrait être davantage pris en compte dans le programme Territoires d'industrie. Alors qu'elle estime de 1 à 2 Md€ les montants - en subventions - nécessaires pour accélérer la préparation de nouveaux sites et l'installation de nouveaux sites industriels, dont 500 M€ pour les seuls 55 sites clés en main France 2030, les seules subventions disponibles via le Fonds vert régionalisé sont en effet notoirement insuffisantes, au risque de pénaliser particulièrement les plus petits projets, y compris dans les Territoires d'industrie, où cet axe est pourtant prioritaire. Pour utiles qu'elles soient, les actions menées par la Banque des Territoires sur ce sujet, présentées par cette dernière aux rapporteurs, ne pourront se substituer au fléchage de financements spécifiques (il s'agit notamment d'offres de subvention aux collectivités (hors ou dans les Territoires d'industrie) pour des missions d'ingénierie, et de l'animation du portail national du foncier économique France Foncier +, lancé en avril 2024 pour accélérer l'identification par les industries de fonciers correspondant à leur besoin, tout en permettant aux collectivités de mettre en place une stratégie foncière.

Pour rappel, l' amendement précité présenté au nom de la commission des affaires économiques dans le cadre de l'examen du PLF pour 2023, qui visait à pérenniser une dotation de 100 M€ sur quatre ans dédiée au programme Territoires d'industrie, visait non seulement des crédits d'accompagnement aux entreprises, mais également les mesures de soutien à l'ingénierie pour les collectivités et des mesures de mobilisation et de requalification du foncier.

Recommandation n° 10 : Prévoir des financements spécifiques, dédiés aux communes et EPCI des Territoires d'industrie engagés dans le développement industriel, notamment pour l'accès au foncier et au développement d'infrastructures, sur une ligne dédiée en dehors du Fonds vert.

B. UNE INÉGALE APPROPRIATION PAR LES DIFFÉRENTS ACTEURS, DANS LES TERRITOIRES

1. Une inégale implication des régions, appelée à monter en puissance en phase 2
a) Une réticence initiale débouchant sur une implication hétérogène

Le lancement et le déploiement du programme Territoires d'industrie se sont faits dans un contexte de montée en puissance des régions en termes politique et économique, dans le sillage de la loi Maptam de 201467(*), qui les instituait « cheffes de file » en matière de développement économique, et de la loi NOTRe de 201568(*), qui a étendu leurs compétences en la matière69(*).

Cependant, de manière surprenante, et ainsi que le souligne la Cour des comptes dans son rapport d'évaluation, « [a]u démarrage du programme, la contribution des régions a été limitée et inégale en raison du manque de concertation en amont sur le principe et les modalités avec ces collectivités qui disposent pourtant désormais de la compétence de chef de file en matière de développement économique »70(*).

Ce défaut d'implication des régions, largement imputable aux services de l'État, a été doublé de la réticence de certaines régions à voir l'État intervenir dans un secteur dans lequel leur compétence venait d'être renforcée. Cela a été d'autant plus préjudiciable à la bonne marche du programme que, comme l'ont exprimé aux rapporteurs les représentants de Bpifrance, même si des représentants des opérateurs et des services déconcentrés de l'État siègent dans les comités locaux de chaque Territoire d'industrie, le partenaire institutionnel local privilégié des opérateurs est bien la région, compte tenu de ses compétences en matière de développement économique. Le bon fléchage des aides économiques élaborées sous la houlette des régions vers les Territoires d'industrie en a également été pénalisé, au détriment des demandeurs.

Une inégale implication de la Région

dans les différents Territoires d'industrie étudiés

· Dans le Territoire d'industrie d'Albert-Amiens, l'ensemble des parties prenantes a souligné l'excellente implication de la région Hauts-de-France, intervenue dès la phase 1 pour structurer le programme et mobiliser les entreprises.

La région a notamment, dès 2015, co-financé avec les fonds européens IndustrieLAB (commune de Méaulte), plateforme d'innovation et pôle de transfert et d'innovation au bénéfice des TPE et PME, géré par la région.

IndustrieLAB sert aujourd'hui de support et d'ancrage au développement de la plupart des initiatives développées par le Territoire d'industrie dans le cadre de son volet « innovation », avec notamment des actions d'appui à la diversification de l'offre de services d'IndustriLAB, le développement d'IndustriLAB en tant que lieu de découverte et d'initiation à la filière industrielle pour les étudiants et les publics scolaires, ou encore un partenariat entre IndustrieLAB et la métropole d'Amiens en vue de l'élaboration d'un projet de pépinière-hôtel d'entreprises dédiée aux startups industrielles.

· Dans le Territoire d'industrie du Grand Chalon au contraire, l'impulsion est clairement donnée par Le Grand Chalon Agglomération, la région demeurant davantage en retrait, et intervenant surtout en tant que cofinanceur (par exemple pour des projets d'aménagement foncier, cf. ci-dessus).

· Le Territoire d'industrie de la Vallée de la Maurienne se singularise par l'existence d'un binôme informel constitué de la sous-préfète de Saint-Jean-de-Maurienne, et de la députée, au titre de ses fonctions de conseillère régionale, venant doubler le binôme de gouvernance élu-industriel constitué au niveau local : fortement impliquées dans la réussite de ce projet de territoire, elles font le constat d'un meilleur portage des actions et demandes du Territoire d'industrie, notamment au niveau régional.

Source : commission des affaires économiques,
informations recueillies lors des déplacements et auditions de la mission

La mise en place du FAIIT dans le sillage de la crise covid a marqué un net renforcement de l'implication des régions dans le dispositif, la sélection des dossiers se faisant par accord entre la préfecture de région et le conseil régional, sous le contrôle de la DTI et de la DGE. Compte tenu des prérogatives de la région, les rapporteurs suggèrent qu'une part des fonds étatiques disponibles pour les Territoires d'industrie soient régionalisés, sur le modèle du FAIIT, avec un cofinancement par les régions et une gouvernance président de conseil régional-préfet de région, de manière à créer un effet de levier financier et une synergie entre les priorités nationales et régionales, tout en s'assurant que les secondes ne prennent pas de manière abusive le pas sur les premières.

b) Une implication croissante des régions, avec le soutien de l'État

Pour autant, des comités de pilotage régionaux ont été mis en place dès la phase 1 du programme dans certaines régions, sous la présidence du président de région et en présence du préfet de région, afin d'élaborer des stratégies régionales Territoires d'industrie, en vue notamment de participer à la mobilisation coordonnée des outils et moyens de l'État, des opérateurs et du conseil régional71(*). Y participaient également les représentants des différents Territoires d'industrie du ressort, ainsi que du monde industriel, et des opérateurs de l'État pertinents. La crise de la covid a souvent interrompu les travaux des comités régionaux, qui se sont dès lors poursuivis avec une intensité très variable72(*).

La deuxième phase du programme devrait également voir la situation s'améliorer, puisque les régions ont été consultées pour la sélection des Territoires d'industries, et que l'État a institué un véritable copilotage du programme avec les régions.

Un poste de coordinateur régional des Territoires d'industrie peut désormais être cofinancé par l'État (via la DTI) et la région73(*). Outre sa mission générale d'animation, il a vocation à servir notamment de relais à l'ANCT, au niveau régional, pour diffuser l'information sur les dispositifs d'aides à l'industrie existants, les modifications législatives et réglementaires susceptibles d'affecter le secteur industriel, le logement des salariés...

Selon Intercommunalités de France, le tandem EPCI-régions en matière de politique industrielle est actuellement en voie de consolidation, au travers de deux volets :

- la création d'une animation conjointe, qui passe par des réseaux de développeurs intercommunaux et/ou d'agences permettant d'accompagner les industriels sur le terrain ;

- la mise en oeuvre de politiques publiques complémentaires, les EPCI se concentrant sur le foncier, l'aménagement, les réseaux, l'emploi et l'attractivité, tandis que les régions se concentrent sur le numérique, les aides, la décarbonation et la formation.

c) Un bilan financier difficile à établir

En ce qui concerne la participation des régions au financement du programme, les rapporteurs relèvent que selon la Cour des Comptes, les régions, « [c]ontactées dans le cadre de l'évaluation, [...] n'ont pas été en mesure de détailler les montants de leurs différentes interventions sur les territoires labellisés Territoires d'industrie, à l'exception des aides directes aux entreprises »74(*), faute de suivi territorial adéquat.

La DGE75(*) estime cependant à 580 M€ ce financement apporté directement ou indirectement au programme par les régions, depuis son lancement en 2018, ventilé entre :

- 150 M€ de contribution au FAIIT ;

- 430 M€ de mobilisation d'aides au titre des politiques régionales en matière économique - dont on ne sait pas cependant si elles sont réellement fléchées vers les Territoires d'industrie.

Recommandation n° 7 : Renforcer l'implication des régions en soutenant la création de postes de coordinateurs régionaux, en affermissant la coordination région-préfecture de région et en régionalisant une partie des appels à manifestation d'intérêt (AMI) et des appels à projets (AAP) déployés dans les Territoires d'industrie.

2. Les chambres de commerce et d'industrie, grandes absentes des Territoires d'industrie

Lors de leurs déplacements, et en tenant compte de leur expérience locale, les rapporteurs ont noté avec étonnement l'inégale implication des chambres de commerce et d'industrie (CCI) dans les Territoires d'industrie. La tête de réseau, CCI France, n'est d'ailleurs pas partenaire du programme au niveau national. Selon les chiffres fournis par CCI France en effet, seules 14 CCI sont directement impliquées dans la gouvernance de Territoires d'industrie, soit en tant que signataires de contrats Territoires d'industrie, soit parce qu'un élu consulaire est le binôme industriel du Territoire d'industrie, ou encore parce qu'elles animent ou coaniment un Territoire d'industrie, en tant que chefs de projet ; 32 CCI seraient par ailleurs « associées » aux comités, ateliers et groupes de travail.

Selon les informations transmises par CCI France, dans ce cadre les CCI participent à la rédaction de documentation, fournissent des informations aux différentes parties prenantes, réalisent des diagnostics ou enquêtes, ou encore accompagnent des entreprises, notamment dans le cadre d'autres dispositifs déjà existants, par exemple la Team France Export. Elles organisent également des formations, ainsi que des événements de promotion de l'industrie sous la bannière « Territoires d'industrie ». Les rapporteurs estiment que cette implication est trop légère, et correspond tout au plus aux missions habituelles des CCI, y compris hors Territoires d'industrie.

Ils notent d'ailleurs avec intérêt que CCI France, dans ses réponses écrites, suggère de « mettre l'accent sur l'ingénierie et s'appuyer davantage sur les capacités existantes » dans les Territoires d'industrie, et que les CCI « se proposent de pouvoir intervenir dans cette mission d`ingénierie qu'elles maîtrisent bien », dans une logique de bon usage des deniers publics, puisque « cela permettrait de s'appuyer sur les capacités d'ingénierie existantes plutôt que de les doublonner ». Les CCI indiquent d'ailleurs s'être engagées à mettre en place dans les territoires des accélérateurs dédiés à l'accompagnement des projets de relocalisation et de réindustrialisation à destination des PME, en vue notamment de permettre aux entreprises d'optimiser leur chaîne d'approvisionnement, d'internaliser tout ou partie de leur production industrielle ou de développer leur sous-traitance en France, en mobilisant l'ensemble des écosystèmes régionaux et des partenaires, ce qui pourrait compléter l'offre actuelle de Business France. Par leur rôle de plaque tournante et leur bonne connaissance de l'écosystème, les CCI pourraient également faire office de point de contact unique pour orienter les entreprises dans le maquis des aides, lorsque les collectivités n'ont pas les moyens d'assurer cette mission.

Cette implication renforcée des CCI ne devrait bien entendu pas aboutir à évincer d'autres instances parfois très impliquées localement, comme les chambres syndicales territoriales de l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) : les rapporteurs ont pu le constater par exemple lors de leur déplacement à Chalon-sur-Saône : l'UIMM 71 y a notamment, depuis une quinzaine d'années, développé des actions structurantes dans le domaine de la compétence et des formations.

Recommandation n° 6 : Assurer une meilleure implication des CCI dans les Territoires d'industrie, notamment pour le soutien aux entreprises dans les appels à projets et le relais des offres de financement disponibles (en complément du chef de projet, dans chaque Territoire d'industrie) ; organiser la coopération avec CCI France au niveau national.

3. Un rôle d'animateur de l'État globalement bien perçu
a) Au niveau national, une gouvernance en mode projet agile et efficace

Dès le lancement du programme, la DTI créée pour assurer le suivi a été placée auprès de la DGE et du CGET, devenu depuis ANCT, sans toutefois « faire partie de l'organigramme ». Si les délégués aux Territoires d'industrie successifs ont bien reçu des lettres de mission des ministres de tutelle, « aucun texte n'a formalisé la création de cette structure »76(*). Cette équipe légère, n'ayant jamais comporté plus d'une dizaine de personnes, a piloté le programme « en mode projet ».

« [En 2018, l]a DTI était vue comme un « OVNI administratif » qui a permis l'accélération de projets industriels en donnant la main aux territoires. »

Jean-Baptiste Gueusquin, délégué aux Territoires d'industrie

M. Guillaume Basset, ancien responsable de la DTI a souligné devant les rapporteurs les bienfaits du mode de gouvernance : directement en prise avec les décideurs politiques, notamment avec les cabinets des différents ministres impliqués, la DTI a pu non seulement avoir une vision transversale des problématiques de réindustrialisation, mais également obtenir des arbitrages rapides en interministériel, et accélérer ainsi les prises de décision.

Le programme était également suivi par le comité de pilotage national, co-présidé par le ministre chargé de l'industrie et par celui en charge de la cohésion des territoires, avec la participation des associations représentant les régions et les intercommunalités, des opérateurs de l'État concernés ainsi que de France industrie, dont la DTI assurait le secrétariat. Ce comité de pilotage, réuni régulièrement avant la crise covid, ne s'est plus réuni ensuite qu'une fois par an77(*). Pour la Cour des comptes, et pour les anciens délégués aux Territoires d'industrie interrogés par les rapporteurs, ce suivi en pointillé a permis d'éviter le micro-management des projets portés au niveau local, et de laisser par la force des choses, la dynamique ascendante du programme produire ses effets.

« L'échelon central s'est peu réuni au total, ce qui a évité le micro-management des projets. »

Cour des comptes78(*)

Recommandation n° 16 : Créer un délégué interministériel à la réindustrialisation pour faire travailler ensemble tous les ministères concernés (économie, transition écologique, cohésion des territoires, logement, travail, éducation nationale et enseignement supérieur) et porter une gouvernance des missions de politique industrielle en mode projet au niveau national.

b) Au niveau local, un rôle hétérogène mais plutôt bien perçu

Si le programme est piloté au niveau local par un binôme industriel-élu, les services préfectoraux ont été associés au déploiement du programme, par le biais de leur participation aux comités de projet locaux, et au niveau régional, par leur participation aux comités de suivi régionaux. Chaque préfet de région a été invité à désigner, au sein des services déconcentrés de l'État en région, un référent chargé du suivi du programme, ainsi que de la cohérence des actions menées avec les grandes orientations nationales et territoriales de politique industrielle. Selon la Cour des comptes, ce suivi a cependant été poursuivi inégalement selon les régions, compte tenu des nouvelles priorités en matière économique occasionnées par la crise de la covid et des nouvelles missions confiées dans ce cadre aux services déconcentrés de l'État79(*). Les rapporteurs notent cependant qu'aucun de leurs interlocuteurs, sur le terrain, n'a revendiqué ce rôle, même si les membres des services préfectoraux et les sous-préfets rencontrés l'assumaient de fait.

Pour autant, le bilan de l'implication de l'État au niveau local est globalement jugé positif par les différents interlocuteurs des rapporteurs, dans un contexte où l'intervention de l'État dans les territoires est souvent ressentie comme exagérément rigide et prescriptrice. Pour Olivier Lluansi, « l'État était animateur du dispositif et non prescripteur ». Si Intercommunalités de France a souligné l'implication inégale des services déconcentrés de l'État selon les Territoires d'industrie, l'association ne l'a pas imputé à un quelconque désintérêt, mais a plutôt souligné la multiplication des programmes, priorités et injonctions contradictoires, débouchant sur une faible disponibilité des services de l'État, dépassant largement le seul cadre du programme Territoire d'industries.

Au finale, les industriels interrogés par la Cour des comptes estiment néanmoins, pour plus de la moitié d'entre eux, que le programme a « beaucoup » permis d'améliorer la coordination de l'action publique en faveur de l'industrie (et 39 % « modérément », pour un total de 97 % d'appréciation positive).

C. LA NÉCESSITÉ D'UNE ÉVALUATION SOLIDE DU PROGRAMME POUR MIEUX CALIBRER SES ÉVOLUTIONS À VENIR

1. Des résultats mitigés
a) Une appréciation en demi-teinte des acteurs du monde industriel

Lors de leurs auditions, les rapporteurs ont été frappés par la tiédeur du soutien au programme, de la part des syndicats d'entreprises, y compris de France industrie, pourtant partenaire du programme au niveau national et membre du comité de pilotage national. Ainsi, pour France industrie, « il est difficile de faire un lien direct entre les soutiens (financiers et extra-financiers) et la création d'emplois ou de valeur » - même si « le programme a de façon certaine généré une capacité à lancer de nouveaux projets ». Dans le même esprit, le Mouvement des entreprises de France (Medef) estime que le programme Territoires d'industrie fait davantage oeuvre d'adaptation aux territoires qu'aux industriels, rejoignant en outre France industrie sur la nécessité d'aider tous les projets industriels, indépendamment de leur filière et de leur localisation, par le biais de mesures plus générales de compétitivité, et soulignant la faiblesse des montants agrégés de soutien à l'industrie disponibles dans les Territoires d'industrie, au regard des sommes mises à dispositions chez certains pays concurrents.

Le Medef comme France industrie ont cependant reconnu un effet positif au niveau local, la CPME estimant le programme particulièrement précieux pour les TPE et les petites PME, pour lesquelles les aides versées sont jugées déterminantes pour amorcer des projets, dans une période de crise où les financements privés sont plus délicats à obtenir, mais aussi pour de grosses PME pour lesquelles les aides versées dans le cadre de Territoires d'industrie ont pu jouer un rôle de « dérisqueur » pour des investissements qui n'auraient sans doute pas été réalisés sans elles.

b) Des résultats macro-économiques contrastés

Les travaux académiques réalisés sur les Territoires d'industrie mettent en évidence des résultats très hétérogènes selon les territoires non seulement lorsqu'on les observe « en statique »80(*), mais aussi « en dynamique » : non seulement les Territoires d'industrie présentent des profils de départ très différents, mais l'on observe une absence de convergence des trajectoires de croissance d'emploi dans les Territoires d'industrie en phase 1, une forte inertie des trajectoires industrielles à l'échelle locale et une persistance des disparités entre les différents types de Territoires d'industrie81(*).

Cette analyse est partagée par la Cour des comptes, qui conclut à une absence d'effet mesurable du programme sur l'emploi industriel dans les Territoires d'industrie82(*), ces derniers ayant même connu un recul plus marqué que les autres territoires en matière d'emploi industriel à moyen terme, entre 2006 et 2022 (- 16 %, contre - 10 % pour les autres territoires)83(*), mais ayant également connu, depuis le lancement du programme, une augmentation plus modérée que les autres territoires (+ 0,1 % par an en moyenne, contre + 0,8 % dans les autres territoires), dans un contexte de progression globale de l'emploi industrie en France84(*).

En outre, l'appartenance à un Territoire d'industrie n'aurait pas permis de renverser la dynamique négative pour deux tiers des EPCI situés en Territoire d'industrie ayant perdu des emplois industriels entre 2006 et 2018, tandis que parmi les EPCI ayant connu une dynamique d'emploi industriel supérieure à la moyenne nationale durant cette période, seule un peu plus de la moitié a continué d'avoir une dynamique supérieure à la moyenne, une proportion plus faible que celle des territoires non labellisés Territoires d'industrie avaient également connu auparavant une dynamique d'emploi industriel supérieure à la moyenne nationale85(*). La Cour fait in fine le constat d'une répartition en trois tiers des Territoires d'industrie, concernant les évolutions de leurs performances en matière d'emploi industriel sur la période 2018-2022 par rapport à 2006-2018 : stabilité pour un tiers, amélioration pour un petit tiers et dégradation pour un gros tiers, soit une répartition peu différente des autres territoires, et cependant légèrement défavorable aux Territoires d'industrie86(*).

La Cour note cependant que si aucun effet bénéfique sur l'emploi du programme ne peut être mis en évidence, les biais (volontaires) qui avaient présidé à l'établissement de la liste initiale des Territoires d'industrie (territoires historiquement à forte composante industrielle et exclusion des métropoles notamment), peut également expliquer les mauvaises performances relatives des Territoires d'industrie sur la période 2018-2022, en raison de la persistance, au moins temporaire, des tendances engagées antérieurement à la mise en place du programme87(*).

En ce qui concerne l'attractivité également, Business France indique que 42 % des investissements étrangers en France, en 2023, étaient localisés dans des Territoires d'industrie, ce qui est inférieur à la part des Territoires d'industrie en France.

Cependant, la Cour des comptes relève au contraire, sur la période 2018-2022, une situation financière plus favorable des entreprises industrielles dans les Territoires d'industrie, et une diminution du nombre d'entreprises industrielles un peu inférieure (- 11,4 % contre - 12,4 %)88(*), et fait l'hypothèse selon laquelle cette divergence pourrait être liée à une modernisation de l'outil productif, soutenue par l'État et ses opérateurs et les différents niveaux de collectivités.

c) Les ferments de la compétitivité à venir ?

Ce bilan en demi-teinte est en partie partagé par les élus locaux : ainsi, pour les acteurs du Grand Chalon comme pour l'UIMM locale, le programme a surtout apporté de la visibilité aux dispositifs et permis aux différents acteurs de travailler ensemble, et de produire de la synergie. Le label Territoires d'industrie est vu comme un logo permettant d`afficher la volonté de tous les acteurs du territoire de soutenir l'industrie.

De fait, le programme a été l'occasion de mettre les acteurs publics et les industriels autour d'une même table, ce qui a également permis aux industriels d'un même territoire de se connaître (Territoire d'industrie de Lamballe), à certains territoires de s'interroger sur la spécialisation économique (cas de Niort par exemple) pour dessiner un nouveau projet, ou d'envisager pour la première fois des coopérations (cas d'Angoulême-Cognac).

Au terme de leur mission, les rapporteurs sont convaincus que si l'effet macro-économique du programme n'est pas immédiatement visible, les dynamiques engagées contribueront à l'attractivité, à la compétitivité et à la capacité d'innovation futures des Territoires d'industrie et, partant, du territoire français en général.

« C'est dans le tissu dense et informel des territoires que se construisent et se reproduisent « les sucres lents de la compétitivité », les ressources de longue durée comme les compétences et les réseaux relationnels qui permettent d'affronter des environnements changeants. »

Pierre Velz89(*)

2. Mieux évaluer les résultats du programme à tous les niveaux
a) Une absence d'évaluation des moyens engagés...

Lors de leurs auditions et de leurs déplacements, les rapporteurs ont été frappés par l'incapacité des personnes auditionnées à leur fournir une évaluation précise des actions réalisées dans les Territoires d'industrie, mais également des montants d'argent public engagés, toujours noyés dans la masse générale des aides et actions de soutien à l'industrie.

Confirmant cette impression, la Cour des comptes estime que les éléments de bilan communiqués à la presse par le Gouvernement à l'issue de la première phase du programme (44 000 à 50 000 emplois créés ou en cours de création, plus de 2 Md€ engagés par les pouvoirs publics au bénéfice du programme...) « rel[èvent] uniquement de la communication et ne pouvait [sic] être considérés comme un bilan »90(*).

La seule « évaluation » du programme effectuée par le Gouvernement consiste en une collecte de retours d'expériences, effectuée par le gouvernement à l'été 2021 auprès des Territoires d'industrie et publiée en octobre 2021, intitulée « Territoires d'industrie - une usine à projets au coeur de la relance - point d'étape à trois ans ». Le rapport de la Cour des comptes note cependant des évaluations, notamment financières, divergeant fortement des siennes.

Un Observatoire des Territoires d'industrie, dont des représentants ont été auditionnés dans le cadre de la mission, a également été lancé dès l'été 2019, afin d'apporter aux élus locaux, industriels, experts et services de l'État une plateforme de discussion et un centre de ressources concernant le programme Territoires d'industrie, et plus généralement les dynamiques territoriales en faveur de l'industrie, sous la houlette de La Fabrique de l'industrie91(*), de l'Institut pour la recherche de la Caisse des dépôts, la Banque des Territoires, de l'ANCT et de Régions de France. Ses travaux demeurent néanmoins qualitatifs.

Sous un angle différent, des travaux académiques se sont attachés à évaluer les évolutions divergentes des Territoires d'industrie depuis leur entrée dans le programme92(*).

En réalité, les périmètres des Territoires d'industrie n'ont pas été pris en compte par les différents intervenants, dans le suivi de la mise en oeuvre de leurs dispositifs, ainsi que le relève dans son rapport la Cour des comptes :

Un programme dépourvu de tout dispositif de suivi

Au lancement du programme Territoires d'industrie, le gouvernement avait fait le pari de ne pas créer de nouveaux dispositifs spécifiques aux territoires labellisés mais de davantage orienter les dispositifs de droit commun des opérateurs vers ces territoires.

Aucun suivi n'a cependant été mis en place depuis 2018 pour évaluer cette priorisation et la mobilisation des opérateurs. Ces derniers n'ont pas été intégré la géographie des territoires d'industrie dans leurs outils de suivi. L'analyse réalisée par la Cour se heure à l'incomplétude de certaines données, en particulier concernant la localisation des projets soutenus, seule l'Ademe ayant mis en place ce suivi fin.

La capacité à localiser les interventions est pourtant le corollaire du déploiement de politiques territorialisées comme Territoires d'industrie. Pour les opérateurs qui font encore prévaloir une logique par secteur économique ou par dispositif, un changement d'approche doit être engagé pour mieux prendre en compte la décentralisation de certaines politiques publiques et la territorialisation croissante des dispositifs de l'État.

Source : rapport Cour des Comptes, p. 80

De ce fait, les rapporteurs ont noté de graves imprécisions et divergences dans les données communiquées. Ainsi, dans les réponses fournies à un questionnaire budgétaire sur le PLF 2025, la DGE chiffre globalement à 480 M€ les aides des différents opérateurs partenaires (Ademe, Banque des Territoires, Bpifrance, Business France et Pôle emploi) déployées en faveur des Territoires d'industrie, sans toutefois être en mesure de détailler davantage ce chiffrage. Pour ne prendre qu'un autre exemple, la DTI chiffre à 712 M€ les montants engagés en faveur des Territoires d'industrie dans le cadre du FAIIT (programme budgétaire 363)93(*), tandis que la DGE les chiffre à 750 M€94(*), et que la Cour des comptes les évalue à 442 M€95(*).

b) ... et des résultats obtenus

Les rapporteurs ont également été frappés par l'absence de suivi des actions prévues dans le cadre du programme Territoires d'industrie et, partant, de mesures de correction en cas de non-atteinte. Ainsi, selon le rapport de la Cour des comptes, la mise en oeuvre des « fiches actions » réalisées dans le cadre du programme pour chaque Territoire d'industrie (2 450 actions sur l'ensemble du territoire, pour la phase 1, selon la DGE)96(*) est jugée non satisfaisante par un cinquième des référents élus97(*), chiffre auquel il faut ajouter près de la moitié de référents jugeant cette mise en oeuvre seulement « correcte ». Au total, moins d'un tiers des référents élus estiment qu'une partie importante des fiches action de leur Territoire d'industrie a été mise en oeuvre. Si le bilan est hétérogène selon les typologies de territoires, les rapporteurs notent qu'un bilan in itinere, a minima à mi-parcours, aurait sans doute permis de recalibrer les attentes ou de réenclencher une dynamique lorsque le besoin s'en faisait sentir.

c) La nécessité d'un suivi fin au niveau local comme au niveau agrégé, une recommandation récurrente partiellement satisfaite

Les rapporteurs estiment qu'un suivi non seulement des moyens engagés, mais aussi des actions menées et de leurs résultats, est nécessaire, tant au niveau de chaque territoire qu'au niveau national.

Ils rejoignent en cela non seulement les préconisations de la Cour des comptes, mais encore celles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui y consacre récemment 6 des 22 recommandations sur le programme Territoires d'industrie d'un rapport plus large sur l'industrie rurale98(*). Les rapporteurs notent également que cette amélioration du suivi faisait également partie des recommandations faites en avril 2022 par le comité stratégique national qui épaule le comité de pilotage national, notamment sur des critères de performance de la gouvernance locale des Territoires d'industrie et de la performance économique analysée en termes de variation d'emploi industriel99(*), mais que cette recommandation n'a cependant pas été suivie d'effet.

La DTI a néanmoins porté à la connaissance des rapporteurs la mise en place, pour la phase 2, d'une plateforme de ressources, gérée par la DTI, à destination des chefs de projets (Osmose), et surtout d'une plateforme collaborative de suivi de projets, visant au pilotage et au « reporting » de l'ensemble des plans d'action élaborés en phase 2 du programme, accessible aux chefs de projets et à l'écosystème des acteurs du programme, les chefs de projets étant invités à tenir à jour, dans cette plateforme, l'avancée de leurs actions. Un bilan semestriel devrait à terme être produit, sur cette base, par la DTI.

La mise en place d'un tel suivi est essentielle, pour permettre d'analyser finement les réalisations dans le cadre du programme. Il doit être doublé d'analyses des effets économiques du programme dans chaque territoire et au niveau agrégé, afin de permettre d'adapter en cours de programme le fléchage prioritaire de tel ou tel outil de politique publique vers les territoires concernés, selon leurs caractéristiques.

Il est en outre indispensable que tous les financeurs, au niveau de l'État et des régions en particulier, prennent en compte le périmètre des Territoires d'industrie en vue de rapporter non seulement sur les aides et actions spécifiques aux Territoires d'industrie, mais également sur les aides et actions de droit commun bénéficiant aux Territoires d'industrie.

Recommandation n° 12 : Procéder à une évaluation opérationnelle du programme a minima à mi-parcours et en fin de phase, au niveau de chaque Territoire d'industrie et au niveau national ; compléter cette évaluation par des évaluations macro-économiques ciblées et agrégées ; exiger des services et opérateurs de l'État impliqués directement ou indirectement, ainsi que des régions un suivi spécifique des actions menées dans les Territoires d'industrie et des fonds alloués.

III. ADAPTER LES POLITIQUES PUBLIQUES AUX BESOINS DES TERRITOIRES, LA CONDITION D'UNE RÉINDUSTRIALISATION RÉUSSIE

Six ans après le lancement du programme Territoires d'industrie, et un an après le lancement de la deuxième phase, les rapporteurs souhaitent, en outre des recommandations d'amélioration opérationnelles évoquées ci-dessus, proposer des évolutions structurantes du programme. Il s'agit de construire les conditions pour que cette politique industrielle territorialisée puisse devenir un vecteur et un levier d'innovation et de compétitivité, compatible et complémentaire des priorités nationales en matière de politique industrielle, sans toutefois en être exclusive. Dans cette logique, les rapporteurs proposent de renforcer les diagnostics territoriaux, en faisant fonds sur le travail déjà accompli dans les Territoires d'industrie, pour adapter les politiques publiques nationales et les outils pertinents.

A. COMPÉTENCES ET ATTRACTIVITÉ : DES BESOINS TERRITORIAUX DIFFÉRENCIÉS, INSUFFISAMMENT SOUTENUS PAR LE PROGRAMME

1. L'augmentation des compétences : des actions locales en manque de relais et de coordination nationale

L'ampleur des besoins en compétences dans les années à venir, dans le secteur de l'industrie, est bien documentée : la dernière évaluation globale en date sur ce sujet les estime à 110 000 par an en moyenne jusqu'en 2035100(*), avec une tendance à une baisse de l'emploi industriel dans les secteurs de basse technologie et au contraire la création de niveaux de qualification élevés101(*). Au total, les difficultés de recrutement devraient continuer à s'accentuer d'ici 2030 - 40 % des métiers en tension aujourd'hui continueront de l'être) -, avec cependant une grande hétérogénéité territoriale (accentuation des difficultés au Sud et à l'Ouest, amélioration dans la partie nord--est de la France). Ce double constat appelle à une politique de formation aux métiers de l'industrie proactive, couplée à une approche territorialisée de l'emploi, qui prenne en compte les spécificités des bassins d'emploi et des régions en matière d'emploi et de compétences industrielles.

De fait, l'étude de Bpifrance précitée102(*) montre que la question des compétences devient déterminante pour le choix des futures implantations industrielles (pour 50 % d'entre eux, contre 25 % pour les implantations existantes), ce qui représente la plus forte progression parmi les facteurs pris en compte par les industriels pour décider de leur future implantation. Interrogée par les rapporteurs, Intercommunalités de France place également ce critère de disponibilité de main-d'oeuvre formée et disponible en second parmi les besoins des industriels, juste derrière les besoins en foncier. Or selon les informations fournies par Bpifrance aux rapporteurs, « les territoires couverts par le dispositif Territoires d'industrie [en deuxième phase] sont moins pourvus en talents, qui se dirigent vers des territoires plus métropolitains ».

a) Des actions proactives au niveau local, souffrant d'un manque de structuration au niveau national

De fait, cette dimension, affichée comme priorité dans les deux temps du programme, n'est pas absente des Territoires d'industrie, au niveau local.

Dans le Territoire d'industrie de la Vallée de la Maurienne, par exemple, a été créé pendant la première phase du programme un organisme de formation en usinage et chaudronnerie à destination d'adultes demandeurs d'emploi ou en reconversion professionnelle (la « Fab'Académie »), portée par l'UIMM Savoie et un groupement d'entreprises et répondant aux besoins des industriels locaux. Cofinancée par les entreprises partenaires et, pour environ 45 %, par les fonds ayant transité par Territoires d'industrie (issus de France Relance), elle a déjà formé 7 promotions de 6 à 8 personnes chacune.

Le Territoire d'industrie Albert-Amiens a également travaillé sur l`offre de formation disponible, avec une évolution du service accueil-mobilité d'Amiens vers la recherche proactive de talents, une adaptation des offres de formation locales à l'industrie, la promotion des compétences recherches (Campus des métiers et qualifications (CMQ) Chimie, CMQ Métallurgie et Plasturgie, CMQ Transport et logistique) et la création à la rentrée 2023 d'un bachelor « Ingénierie numérique ». Le Territoire entend, en phase 2, consolider et développer cette offre locale de formations aux métiers de l'industrie (fiche-action 8) et valoriser et promouvoir la filière industrielle sur les territoires (fiche-action 7), même si les projets ne sont pas précisément définis à ce stade.

Le Territoire d'industrie du Grand Chalon se distingue également par une politique de formation volontariste, qui le place dans les premiers rangs nationaux des territoires ayant le plus fort taux d'étudiants dans les filières industrielles (deux fois la moyenne nationale)103(*), avec notamment le développement d'une offre de formation centrée sur le numérique, du bac + 1 au doctorat, en passant par le diplôme d'ingénieur, dans l'optique de proposer des offres de formation postbac de haut niveau afin d'éviter une « fuite des cerveaux » vers la métropole de Lyon pour leurs études supérieures et de former de la main-d'oeuvre pour les industries locales104(*).

Au final, cependant, les rapporteurs font le constat d'un déficit de liens, au niveau local, avec les acteurs de la formation initiale et professionnelle. Pour ne prendre qu'un exemple, sur les quelque 2700 projets remontés à Intercommunalités de France (temps 1 et 2), moins d'une centaine mentionnent explicitement parmi leurs partenaires l'Éducation nationale, les collèges ou lycées ou les rectorats, et un quart seulement des Territoires d'industrie citent les universités parmi leurs partenaires pour au moins un projet.

b) Une nécessaire stimulation des services en charge de la formation au niveau national

Pour les rapporteurs, ces difficultés procèdent en grande partie d'un manque de mobilisation de ces acteurs au niveau national. De fait, ni le ministère de l'éducation nationale, ni celui de l'enseignement supérieur et de la recherche ne sont institutionnellement parties prenantes au programme.

De même, alors même que France Travail (à l'époque Pôle emploi) a été engagé dès les origines dans le programme, aucune concertation préalable n'avait été menée avec la délégation générale de l'emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) du ministère du travail105(*), ce qui a abouti, au moins dans un premier temps, à un manque de coordination des actions menées dans les Territoires - alors que la DGE et la DGEFP collaborent par exemple au suivi des filières industrielles dans le cadre du Conseil national de l'industrie (CNI).

La DGEFP, auditionnée par les rapporteurs, reconnaît d'ailleurs que, si des actions partenariales en matière de développement des compétences et de l'emploi dans l'industrie sont bien mises en place dans les Territoires d'Industrie avec l'appui du réseau des délégués à l'accompagnement des reconversions professionnelles (Darp) au sein des services déconcentrés de l'État, le paysage demeure contrasté, avec des territoires bénéficiant d'une dynamique partenariale forte (Territoires d'industrie de Bourg-en-Bresse ou de Terres de Montaigu par exemple), mais aussi d'autres bassins où les travaux sont moins dynamiques. Pour la DGEFP, les freins ne seraient d'ailleurs pas à chercher uniquement du côté de l'administration, mais aussi d'une insuffisante implication globale des acteurs des Territoires d'industrie (collectivités et industriels) et des services déconcentrés de l'État, y compris les sous-préfets ; d'un déficit d'identification des moyens financiers ou en ingénierie pourtant disponibles et d'un manque de lisibilité du dispositif Territoires d'industrie par rapport aux autres dispositifs territoriaux, notamment les contrats de relance et de transition écologique (CRTE...) ; des difficultés à atteindre et travailler avec les TPE/PME ; et surtout, de fortes réticences de certains partenaires locaux et entreprises à travailler spécifiquement sur les enjeux d'accompagnement des reconversions professionnelles des salariés fragilisés. Ce dernier point a été confirmé, localement, par les représentants de l'UIMM rencontrés à Chalon-sur-Saône, qui tirent un bilan en demi-teinte de leurs efforts pour recruter, face à la pénurie de main-d'oeuvre, des personnes issues de l'insertion (chômage de longue durée, sorties de prison...) grâce à des dispositifs financés par la région ou France Travail, mais ont dit se heurter à la réticence des entreprises.

Les rapporteurs rappellent également que plusieurs appels à manifestation d'intérêt (AMI) portant sur le développement des compétences ont bénéficié en tout ou partie aux Territoires d'industrie, notamment, dans le cadre du FAIIT, l'AMI visant à appuyer le déploiement d'écoles de production (34 lauréats en 2021) et celle visant à anticiper les compétences « 4.0 » de demain (41 lauréats en juillet 2022).

L'AMI « Cnam dans les Territoires », déployé dans le cadre du Plan de relance, a également permis de proposer une offre d'enseignement supérieur et de recherche (ESR) dans des territoires industriels en manque de formation, et de mettre un coup d'arrêt à une longue période de concentration de l'ESR dans les grandes métropoles, au risque d'une déconnexion de l'offre et de la demande en populations formées. Si la reconduction d'un tel AMI, dans le contexte budgétaire actuel, paraît illusoire, il est essentiel qu'une meilleure collaboration au niveau local entre les acteurs de l'ESR, les industriels et les élus locaux permette de secouer les pesanteurs et de mettre en oeuvre rapidement des formations universitaires répondant aux besoins du territoire.

Recommandation n° 3 : Renforcer la collaboration avec les acteurs de la formation et de l'emploi : au niveau local, mieux associer les établissements d'enseignement (secondaire et supérieur) ainsi que les services déconcentrés de l'État et les opérateurs en charge de l'emploi et de la formation professionnelle ; au niveau national, intensifier le dialogue entre les ministères en charge de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle, initiale et continue, et les ministères de l'économie et en charge de la cohésion des territoires.

c) Affermir le modèle des écoles de production

Écoles techniques privées, reconnues par l'État depuis 2018, les écoles de production dispensent à des jeunes de 15 à 18 ans, sous statut scolaire, un parcours de formation alliant enseignement général, enseignement technologique et enseignement professionnel, dans des conditions réelles de production, en atelier (la formation se répartit généralement en deux tiers de formation pratique et un tiers d'enseignement théorique), à quoi s'ajoute un accompagnement personnalisé. Les maîtres de production sont des professionnels du secteur.

Elles préparent à l'obtention d'une qualification sanctionnée par un diplôme à finalité professionnelle, au minimum en 2 ans pour le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou en 3 ans pour le baccalauréat professionnel (baccalauréat professionnel). Les principales activités enseignées dans les écoles de production sont en lien avec l'industrie (usinage, chaudronnerie, métallerie, polissage, mécanique automobile...). Les productions des élèves sont vendues dans les conditions du marché aux entreprises partenaires de l'école, assurant des recettes pour l'établissement.

Les écoles de production, un réseau en plein développement

En fort développement depuis 2016, les écoles de production sont reconnues par l'État depuis la loi du 5 septembre 2018 (« liberté de choisir son avenir professionnel »).

Au 1er septembre 2024, le réseau des écoles de production était composé de 46 écoles reconnues par l'État (et environ 70 au total), accueillait au total plus près de 2000 élèves. Chaque école de production est gérée par une association régie par la loi de 1901 ; sa gouvernance est assurée par un conseil d'administration composé de 3 collèges : entreprises, territoire, équipe enseignante.

Selon la Fédération nationale des écoles de production (FNEP), depuis 2021, 25 écoles de production industrielle ont été créées dans des territoires d'industrie (Industrie 21 dans le Territoire d'industrie de Dijon Comté, École Flamme dans le Territoire d'industrie Haute-Picardie...), des écoles existantes ayant en outre été développées. Elles ont tout particulièrement bénéficié de l'AMI « Écoles de production », lancé en mai 2021 avec une enveloppe de 5 M€. Selon Intercommunalités de France, cet AMI a permis de plus que doubler le nombre d'écoles de production au niveau national.

La FNEP vise une centaine d'écoles et 4 000 élèves formés à l'horizon 2028.

Toutefois, l'annonce faite par l'ancien ministre de l'industrie Roland Lescure, en octobre 2023, de lancer une nouvelle AMI « Écoles de production », n'a pas été suivie d'effet, fragilisant cet objectif.

Source : éléments transmis par la Fnep

Les rapporteurs soulignent le double bénéfice apporté par ce modèle des écoles de production, qui apportent davantage de souplesse qu'une formation professionnelle classique et permettent de répondre aux besoins d'une partie des presque 100 000 jeunes qui sortent chaque année du système éducatif sans diplôme, tout en structurant une offre de main d'oeuvre pour les entreprises.

Si l'AMI a permis d'enclencher la création de nouvelles écoles de production, en particulier dans les Territoires d'industrie - l'École de production de Chalon, visitée par les rapporteurs, a par exemple bénéficié de fonds France Relance, complétés par une dotation aux investissements de la part du Grand Chalon, ainsi que par la Fondation Total, très investie dans le modèle des écoles de production, et des industriels locaux -, la soutenabilité des dépenses de fonctionnement n'est pas toujours assurée. Les écoles de production reconnues par l'État bénéficient en effet d`une subvention allouée par le ministère du travail, dans le cadre d'une convention pluriannuelle (2022-2025), et qui peut atteindre jusqu'à un tiers de ses ressources106(*), le reste étant couvert par les recettes des ventes de la production des élèves et la taxe d'apprentissage. La subvention étatique peut être complétée par des subventions de la région. Alors que les trois types de financement (taxe d'apprentissage, subventions publiques et recettes des ventes) devraient dans l'idéal se répartir à égalité, la direction de l'École de production de Chalon a indiqué aux rapporteurs que ses ressources provenaient très majoritairement des subventions de la région et de l'État (60 %), complétées à 20 % par la taxe d'apprentissage et à 20 % par les recettes des ventes des plus de 17 000 pièces produites annuellement par les élèves aux 25 entreprises clientes.

Ce modèle de formation, qui, comme l'ont constaté les rapporteurs, répond à un véritable besoin, doit être soutenu. Dans le contexte budgétaire actuel, il ne leur apparaît toutefois pas opportun de relancer une AMI - des aides à l'ouverture d'écoles de production pouvant d'ailleurs être sollicitées par d'autres biais107(*) - mais bien de consolider les écoles de production existantes. À cette fin, les rapporteurs estiment que le programme devrait permettre de couvrir une partie des frais de fonctionnement des écoles de production, de manière sécurisée, au moins pendant la période d'amorçage de un à cinq ans forcément nécessaire aux écoles de production pour atteindre l'équilibre budgétaire, du fait de la montée en charge relativement lente des effectifs, de délais d'obtention de subventions du ministère du travail et des commandes clients relativement faibles en phase de lancement.

L'attention des rapporteurs a également été attirée sur le coût de ces études pour les élèves, qui, contrairement aux apprentis sous statut, ne sont pas rémunérés : les rapporteurs appellent donc à étudier les conditions d'une extension du statut d'apprenti aux élèves d'écoles de production, ou à défaut à mettre en place une aide à destination des élèves, afin de leur assurer un revenu décent. Ils rappellent que les écoles de production jouent un rôle de cohésion sociale important, puisque, selon les chiffres fournis par la FNEP, 30 % des jeunes intégrés en 2023 étaient porteurs d'un handicap, et 14 % étaient sous statut protégé (mineurs non accompagnés, accompagnés par l'aide sociale à l'enfance ou la protection judiciaire de la jeunesse). Face aux difficultés pécuniaires récurrentes rencontrées par leurs élèves, les écoles de production ont instauré un fonds de solidarité, financé principalement par mécénat, afin de répondre aux urgences financières qui pourraient entraver la scolarité des jeunes ou les faire renoncer à intégrer une école de production. Au titre de l'année 2023, ce sont ainsi près de 50 000 € qui ont été versés à 93 élèves dans ce cadre, pour couvrir des besoins en nourriture, en logement, transports ou l'achat de produits d'hygiène de base.

Recommandation n° 4 : Faire évoluer le statut des écoles de production pour le rendre plus attractif, notamment en pérennisant la participation de l'État aux frais de fonctionnement, et en garantissant aux élèves le nécessitant une dotation financière leur permettant de couvrir leurs besoins de première nécessité.

2. Disponibilité des logements et attractivité du territoire : un continuum à réinvestir
a) La disponibilité en logements de proximité, un déterminant majeur du recrutement

Tous les acteurs des Territoires d'industrie avec lesquels les rapporteurs ont échangé au cours de leurs travaux ont souligné le caractère déterminant, pour permettre le recrutement, de logements abordables, à proximité des usines. Ce lien géographique domicile-travail est naturellement encore plus déterminant sur des postes de production, exigeant une présence sur site.

Ce point est également mis en évidence dans l'étude précitée de Bpifrance108(*) : outre la disponibilité en foncier et autres aménités, la capacité d'un territoire à s'industrialiser ou se réindustrialiser passe également par son attractivité générale, et notamment résidentielle. L'éloignement du domicile est en particulier perçu comme un frein au choix d'une carrière dans l'industrie109(*). Paradoxalement, ce point n'a pourtant pas fait l'objet d'une attention particulière dans le temps 1 du programme, malgré l'association dès 2019 d'Action Logement au programme. Ainsi, seuls 1,1 % des projets remontés en 2021 abordaient cette thématique110(*).

Les Territoires d'industrie visités par les rapporteurs leur ont pourtant donné à voir des actions très concrètes dans ce domaine. Dans le Territoire d'Industrie Albert-Amiens par exemple, le service « S'installer à Amiens », co-financé par Amiens Métropole et la CCI Amiens-Picardie Hauts-de-France, se mobilise pour accompagner les nouveaux arrivants et leurs conjoints, et le Territoire d'Industrie a indiqué travailler avec les agences immobilières et les notaires pour faciliter de nouvelles installations à Albert et aux alentours. Les rapporteurs ont également visité, à Albert, une résidence étudiante, jeunes actifs et alternants (résidence Antoine de Saint-Exupéry) développée dans le cadre du plan d'action de la phase 1 de Territoires d'industrie et inaugurée en 2022 : gérée par l'association Accueil & Promotion, elle est composée de 28 studios meublés et équipés, ainsi que d'espaces collectifs, elle héberge des jeunes de 16 à 30 ans salariés, stagiaires, apprentis, étudiants ou en recherche d'emploi, pour une durée de quelques mois à maximum deux ans, avec des préavis d'arrivée et de départ réduits.

Ce type de résidences se rapproche, par sa vocation et sa nature des « résidences à vocation d'emploi » (RVE) déployées par Action Logement. Ces RVE, composées de logements autonomes meublés, loués avec ou sans service pour une occupation d'une durée limitée d'au moins une semaine à des locataires justifiant d'un lien entre l'occupation du logement et l'emploi. Elles peuvent être particulièrement utiles pour des salariés en mobilité, ou concernés par des contrats de travail de courte ou moyenne durée (stages, formations en alternance, intérim, contrats à durée déterminée, ...). Les rapporteurs rappellent que dans le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables, dont l'examen a été reporté sine die à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024, la commission des affaires économiques avait proposé de doter ces RVE, qui sont actuellement déployées sous divers régimes imparfaitement adaptés à leur vocation111(*), d'un régime juridique propre. Ce dernier, les assimilant à du logement locatif intermédiaire (LLI) et permettant de déroger à la durée minimale d'un mois requise pour l'utilisation du bail mobilité, permettrait aux employeurs de sous-louer des logements en RVE à leurs salariés, et de lever ainsi le frein de la disponibilité en logements pour l'accueil de nouveaux salariés. Ces dispositions pourraient avec profit être réintroduites dans les textes dont l'examen sera prochainement soumis à l'examen du Parlement, tout comme un certain nombre d' autres avancées législatives introduites par la commission des affaires économiques à l'article 10 du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordable, consistant notamment à ouvrir la possibilité, pour un employeur, de recourir à l'usufruit locatif social (ULS) pour assurer le logement des salariés, à élargir les possibilités de délégation du contingent préfectoral pour loger les travailleurs prioritaires dans le cadre de conventions avec les bailleurs sociaux, Action Logement et les sociétés d'économie mixte (SEM) ainsi qu'avec des entreprises bénéficiant de réservations, et à permettre à des employeurs de garantir les emprunts des bailleurs et d'acquérir les droits de réservation associés, ainsi qu'à sécuriser la possibilité pour une personne morale de prendre à bail « en bloc » des logements intermédiaires en vue de les sous-louer - faculté particulièrement précieuse pour les entreprises désireuses de proposer des logements à leurs salariés à un raisonnable.

De manière plus générale, les rapporteurs tiennent à souligner les capacités d'action, dans le domaine du logement des salariés, d'Action Logement, désormais officiellement opérateur de la deuxième phase du programme, et saluer les capacités d'innovation et d'adaptation de cet opérateur, appuyées par une connaissance fine de la situation et des besoins des territoires112(*), ce qui permet à Action Logement d'intervenir en priorité sur les secteurs à enjeux, avec une capacité d'adaptation aux enjeux locaux y compris démographiques : Action Logement a ainsi mis en place un prêt spécifique à l'accession à la propriété, en Martinique, pour encourager les moins de 40 ans à revenir s'installer et travailler sur l'île, notamment pour tenir compte des besoins identifiés consécutivement à la labellisation comme Territoire d'industrie de la Communauté d'agglomération Centre Martinique (CACEM) et de la communauté d'agglomération du Pays Nord Martinique et a exposé aux rapporteurs ses efforts pour développer une offre d'hébergement temporaire de qualité peu onéreuse, dans les zones tendues ou des bassins économiques dynamiques, accessibles pour une durée limitée, uniquement sur justificatif d'un lien entre occupation et emploi (« résidences à vocations d'emploi » (RVE)), ou encore spécifiquement à destination des Territoires d'industrie, l'extension à titre expérimental aux jeunes en VTE-TI de l'aide mobilité et recrutement mobili-jeune (subvention pouvant aller jusqu'à 100 € par mois, dans la limite de 1 100 euros, pour aider les jeunes à supporter les dépenses liées à l'accès ou au changement de logement pour les besoins de leurs formations), mesure particulièrement pertinente dans la mesure où un tiers des jeunes en VTE l'effectuent hors de leur région d'origine113(*).

Les rapporteurs souhaitent appeler les acteurs des Territoires d'industrie à exploiter pleinement ces capacités d'Action Logement, en anticipant au maximum les besoins, gardant à l'esprit que la temporalité du développement de l'offre de logement à grande échelle demeure différente de celle des implantations industrielles, et également à faire fonds sur les synergies possibles avec d'autres programmes, notamment ACV, dont Action Logement est d'ailleurs aussi un opérateur essentiel. Le rôle des élus et leur lien avec les industriels du territoire dans le cadre du pilotage mixte du programme pourraient, sur ce sujet, être particulièrement précieux.

b) Accessibilité et mobilités, deux axes complémentaires de l'attractivité

Les retours d'expérience locaux suggèrent aux rapporteurs qu'à défaut de capacités immédiates de l'élargissement de l'offre de logements, ou en complément d'un tel élargissement, l'amélioration des conditions de mobilité des salariés de l'industrie et des personnes en formation pourrait être davantage étudiée par les Territoires d'industrie.

Ainsi, dans le Territoire d'industrie Albert-Amiens, la Communauté de communes du Pays du Coquelicot a développé en première phase un axe de réflexion sur les mobilités domicile-travail qui a débouché, par exemple, sur la mise à disposition de vélos électriques pour relier la gare d'Albert à IndustrieLAB, non desservie par les transports en commun.

Dans le Territoire d'industrie du Grand Chalon, c'est à destination des élèves et apprentis du secteur industriel que l'UIMM propose, au cas par cas, le financement de véhicules, afin d'éviter que des freins à la mobilité n'entravent leur formation.

c) Penser l'attractivité comme un tout : un axe du programme à renforcer

Pour Intercommunalités de France, « la capacité du territoire à proposer un écosystème, c'est-à-dire des partenaires locaux, un réseau d'écologie industrielle, une offre de services aux salariés (restauration, accompagnement du conjoint, mobilité), devient un argument différenciant pour attirer l'industrie à haute valeur ajoutée pour le territoire. In fine, l'enjeu n'est pas tant d'attirer de l'industrie sur le territoire, car en proposant du foncier économique à bas coût une grande majorité des territoires peuvent attirer des entreprises, notamment de logistique. La concurrence se joue sur l'attraction d'entreprises ayant un fort impact territorial : des salaires élevés, une identité technologique ou environnementale de marque, etc. ».

Pour cela, les collectivités se doivent de développer un véritable « marketing territorial », expression à la mode qui exprime bien la nécessité d'améliorer l'image du territoire dans son ensemble, pour en assurer l'attractivité. On la retrouve d'ailleurs dans le plan d'action du Territoire d'industrie de la Vallée de la Maurienne, qui vise, pour la phase 2 du programme, parmi ses quatre actions prioritaires au-delà du soutien de projets industriels particuliers, à « miser sur le marketing territorial afin d'être plus attractif et attirer des talents et de nouveaux habitants en Maurienne en menant une étude stratégique d'attractivité offensive »114(*) - cet élément est tout particulièrement important en Maurienne, où le taux de chômage est particulièrement bas et où les besoins en main-d'oeuvre qualifiée sont donc particulièrement difficiles à couvrir.

Au-delà des caractères d'attractivité proprement économiques, c'est tout le cadre de vie qui doit être pris en compte pour favoriser l'accueil de nouveaux salariés. Cela recouvre l'offre de logement, mais aussi la qualité de l'offre de soin et l'accueil des professionnels de santé, les infrastructures d'accueil de jeunes enfants et l'offre culturelle et sportive : M. Christophe Buisset, vice-président de la communauté de communes du Pays du Coquelicot en charge du développement économique (Territoire d'industrie Albert-Amiens), citait par exemple la programmation des bibliothèques ou des cinémas d'Albert comme des facteurs d'attractivité et partie intégrante de son action en faveur de l'industrie.

Recommandation n° 2 : Refaire de l'attractivité un axe du programme Territoires d'industrie, dans toutes ses dimensions, en insistant notamment sur les volets logement et mobilité ; en particulier, associer le plus en amont possible les acteurs locaux du logement pour créer les meilleures conditions d'attractivité (diagnostic des besoins, développement d'une offre adaptée en fonction des profils et des besoins).

B. PARTIR DES BESOINS DES TERRITOIRES POUR DÉTERMINER LES ACTIONS À MENER DANS LE CADRE DU PROGRAMME

1. Mieux adapter l'offre de service aux problématiques des Territoires d'industrie

Les opérateurs de l'État partenaires du programme, interrogés par les rapporteurs, ont été explicites sur l'absence de priorisation des projets situés dans les Territoires d'industrie dans leurs programmes de droit commun : Bpifrance par exemple a assumé « ne pas avoir a priori une approche territoriale » et avoir fait le choix des projets à financer en fonction de leur qualité, et non de leur localisation - recoupant les constats faits par la Cour des comptes (cf. ci-dessus). Or même si le chiffrage précis est délicat, en l'absence de données, ces programmes de droit commun représentent sans aucun doute des montants beaucoup plus importants que les financements spécifiquement dédiés aux Territoires d'industrie (volet « filières » du PIA, VTE-TI et accès préférentiel aux accélérateurs), opérés également par Bpifrance.

Alors que ces dispositifs spécifiques aux Territoires d'industrie sont en voie d'extinction, faute de crédits, et qu'il est peu probable qu'un programme d'investissements industriels de l'ampleur de France 2030 vienne prendre le relais de ce dernier, il est particulièrement important que les opérateurs de l'État impliqués dans le programme élaborent une nouvelle offre de services mieux adaptée aux problématiques rencontrées dans les Territoires d'industrie. L'ANCT a d'ailleurs reconnu que le principe de priorisation vers les Territoires d'industrie de dispositifs de droit commun préexistants avait « rapidement atteint ses limites », et estimé que la phase 2 du programme a été l'occasion de réaliser une mise à jour complète de l'offre de service du programme, avec le souhait de « construire des mesures dédiées aux Territoires d'industrie avec des enveloppes identifiées sur trois volets (animation, ingénierie et financement) ». La capacité d'adaptation de l'État à partir des remontées des territoires avait d'ailleurs été partiellement démontrée, puisque par exemple, le foncier, qui ne faisait pas partie des enjeux identifiés initialement par le programme, avait été inclus dans la deuxième phase, notamment à la suite de la remontée des premières fiches action en 2019, qui faisaient apparaître cette problématique comme prépondérante au sein du volet « attractivité » du programme. Ce nouveau panier de services bénéficierait bien entendu d'abord aux Territoires d'industrie, mais également, au moins dans un second temps, à l'ensemble du territoire.

Les échanges les plus récents avec les représentants tant du monde industriel que des collectivités ne témoignent cependant pas d'évolutions du panier de l'offre de service. Intercommunalités de France déplore par exemple dans ses réponses écrites, que si le programme Territoires d'industrie sert à orienter les projets industriels jugés intéressants dans les territoires vers des dispositifs de financement existant par ailleurs, « l'inverse n'est pas vrai : les autres dispositifs nationaux ne s'appuient pas sur Territoires d'industrie. Autrement dit : les besoins remontés par Territoires d'industrie en matière de formation, de disponibilité du foncier, de modernisation du parc machine ne sont pas soutenus par les autres politiques industrielles de l'État, sous prétexte qu'ils ne sont pas assez innovants, pas assez importants. ». Pour l'association, l'adaptation des politiques industrielles existantes aux problématiques remontées dans les fiches projets élaborés au sein des Territoires d'industrie ne s'est fait pour l'instant qu'au niveau local, et non pas encore aux niveaux régional et national.

Une exception est peut-être à trouver dans les sites clés en main, le Grand Chalon estimant par exemple que l'une de ses fiches-actions du temps 1, visant à la « Simplification des procédures administratives de l'Autorité Environnementale pour les entreprises s'implantant sur SaôneOr (Attirer, Simplifier) » a directement inspiré, au niveau national les sites industriels clés en main - qui sans leur être exclusifs, ont particulièrement bénéficié aux Territoires d'industrie.

Les rapporteurs engagent donc l'État et tous ses opérateurs à examiner en détail les fiches-actions élaborées par les Territoires d'industrie, et à imaginer de manière proactive les outils pour y répondre. Sans prétendre à des propositions exhaustives, les rapporteurs attirent l'attention sur la question de la requalification du foncier, déjà évoquée, mais aussi de la modernisation de l'outil industriel, particulièrement importante pour de petits sites de production dont l'appareil de production est parfois vieillissante. Les offres relativement peu coûteuses en ingénierie, diagnostic et accompagnement, devraient être privilégiées.

Recommandation n° 11 : Mieux adapter l'offre de services proposée par les opérateurs de l'État partie prenante au programme aux spécificités des Territoires d'industrie, sur la base des fiches-actions remontées par les Territoires d'industrie, d'une part en assurant une réelle priorisation des projets émanant des Territoires d'industrie dans les dispositifs de droit commun, d'autre part en élaborant un nouveau panier de services dédié prenant en particulier en compte les problématiques du foncier, du logement et de la mobilité.

Plus fondamentalement, les rapporteurs suggèrent d'utiliser le programme Territoires d'industrie, qui couvre la moitié du territoire français, comme réservoir d'idée pour élaborer les grandes orientations de politique industrielle à l'échelle nationale.

Comme le suggère la DGEFP, qui n'a pas participé aux tous premiers moments du programme, « [l]e programme Territoires d'industrie bénéficie à un grand nombre d'intercommunalités ou de groupements d'intercommunalités, sans couvrir pour autant l'ensemble des bassins d'emplois concernés par les enjeux de réindustrialisation. Aussi, il apparaît important de capitaliser sur les projets déployés par Territoires d'industrie pour identifier les leviers efficaces en matière de développement des compétences industrielles, afin de les essaimer plus largement. [...]. Le partage d'expérience est ainsi le garant d'une politique de réindustrialisation efficace et bénéficiant à l'ensemble du territoire français. ». Cette opinion rejoint celle de France industrie, pour qui le programme « doit [...] être utilisé comme un capteur qui orienterait les grandes politiques publiques »115(*). Les comités de projet pourraient également être directement interrogés sur les freins juridiques rencontrés à des actions qu'ils auraient souhaité mettre en oeuvre.

Recommandation n° 15 : Utiliser les comités locaux et régionaux des Territoires d'industrie comme force de proposition - notamment sur le volet « simplification », pour inspirer un nouvel acte de simplification des normes affectant le secteur industriel.

2. Réactiver l'axe « simplification » du programme en encourageant le recours aux dérogations au droit commun

Parmi les principaux facteurs de réussite des projets industriels, le Medef cite celui d'un accompagnement par l'État dédié, visant à sécuriser le porteur de projet, notamment dans le cas de procédures administratives complexes et de régulations strictes. Si l'affichage « pro business » permis par les Territoires d'industrie peut rassurer les industriels quant au soutien des élus locaux, ces derniers demeurent contraints par un cadre juridique contraint et peu adaptable.

Au moment où le thème de la « simplification » est devenu l'un des axes forts de la politique économique, les rapporteurs estiment que ce quatrième axe de la première phase du programme Territoires d'industrie, rapidement abandonné au vu du peu d'appétence des acteurs à s'en emparer (selon les chiffres de la Délégation aux Territoires d'industrie, seulement environ 10 % des fiches-actions recensées mi-2019 portaient sur ce thème), devrait être réanimé.

Ils suggèrent une communication en ce sens auprès de l'ensemble des Territoires d'industrie de la part de la DTI, rappelant la possibilité, pour les porteurs de projets, de demander des dérogations de nature législative ou réglementaire par le biais du dispositif France Expérimentation, à titre expérimental, en cas de besoin d'adaptation des normes de niveau national.

Cette possibilité, qui pourrait trouver un écho surtout chez les porteurs de plus gros projets, pourrait être complétée par un rappel, par voie de circulaire, à l'ensemble des préfets, de la récente pérennisation de leur faculté de déroger à certaines normes pour prendre des décisions non réglementaires, notamment en matière de dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques - aménagement du territoire, construction et urbanisme, emploi et activité économique-, en vue notamment d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques, et en cas de motif d'intérêt général116(*).

Enfin, sur le modèle du fonctionnement des Territoires d'industrie, où les industriels sont associés dès l'origine à l'élaboration des actions du programme, les rapporteurs estiment qu'en raison de la prégnance de la problématique foncière, les acteurs du monde économique devraient être plus souvent associés, au moins à titre consultatif, aux instances programmatiques pilotées localement par la puissance publique ou les collectivités. Un recueil systématique des besoins, au moment de l'élaboration des documents d'urbanisme, serait notamment très pertinent, dans un contexte de pénurie foncière.

Recommandation n° 5 : Réactiver l'axe `simplification' du programme et encourager le recours à des dérogations ad hoc, en utilisant notamment le pouvoir de dérogation préfectoral.

C. FAVORISER L'ÉMERGENCE DE FILIÈRES TERRITORIALES INNOVANTES

1. Permettre la structuration de filières territoriales
a) Les filières, des moteurs pour le tissu économique

Le dossier de presse fourni par le Gouvernement lors du lancement de la phase 2 du programme affirme qu'« [e]n parallèle à France 2030 qui appuie le développement de l'innovation de rupture, le programme Territoires d'industrie soutient la réindustrialisation par la création d`outils de production pour des filières structurantes dans les territoires », et avance le chiffre de 232 projets pour soutenir les filières, par exemple dans les domaines de l'agroalimentaire, de l'automobile, du bois, du textile, ou des matériaux biosourcés117(*) ». Aucun exemple précis n'est cependant venu étayer cette affirmation, et les rapporteurs n'ont constaté aucune action spécifique en ce sens lors de leurs différents entretiens ou de leurs déplacements.

L'exemple des deux Territoires d'industrie visités par les rapporteurs illustre pourtant comment l'existence de filières territoriales profite à l'ensemble de l'écosystème du territoire, y compris hors filière. Les rapporteurs estiment qu'une attention toute particulière devrait, en conséquence, être portée à ces filières et à leur développement au niveau local, même si elles ne constituent pas forcément des priorités à l'échelon national.

Dans le Territoire d'industrie d'Albert-Amiens par exemple, le cluster Altytud, qui rassemble les industries aéronautiques de la région Hauts-de-France, est officiellement impliqué dans le programme, en appui à l'offre d'accompagnement au développement et à la transformation. Les acteurs interrogés ont également souligné le fort effet d'entraînement occasionné par la présence de l'entreprise Airbus, installée depuis 100 ans sur le site de Méaulte118(*). Ainsi, IndustriLAB est particulièrement orienté sur l'industrie aéronautique - la communauté de communes du Pays du Coquelicot présente d'ailleurs le site comme « la plateforme d'innovation, de formation et de transfert de technologie de notre Terre d'Excellence aéronautique » -, avec notamment la présence du « lycée Airbus » (lycée privé aéronautique Henry Potez), mais met à la disposition de l'ensemble des porteurs de projets des infrastructures dédiées à ce secteur - notamment une chaîne de prototypage, grâce à des partenariats avec Airbus Industrie et Stelia Aerospace119(*) - mais également des facilités moins spécifiques, comme des formations continues à la réalité virtuelle, accessibles tant aux entrepreneurs qu'aux chercheurs.

Sur le volet « compétences » également, Airbus joue un rôle moteur et structurant pour la filière, avec notamment l'organisation de « job datings » où sont invités l'ensemble des sous-traitants, et des activités de promotion de l'industrie auprès des scolaires et des lycéens.

Le Territoire d'industrie du Grand Chalon est également fortement engagé dans le développement de la filière nucléaire, historiquement forte en région Bourgogne, notamment via la création d'une plateforme technologique dédiée au contrôle non destructif, le CND Lab'. Élaboré de façon à être pluri-filière, la plateforme a été soutenue dans le cadre de France 2030 sur l'axe « Amélioration et transformation des filières », afin d'accompagner la structuration de la filière du contrôle non destructif dans la région Bourgogne-France-Comté.

On peut citer également, par exemple, le cas du Territoire d'industrie d'Alès, fortement affecté par l'arrêt de l'activité minière à partir des années 1960, et où dès les années 1990, l'ensemble des acteurs du territoire, emmenés par les élus locaux, ont mis en oeuvre une politique volontariste de développement industriel sur la base de filières structurées autour, notamment, des métiers et des sports mécaniques120(*). Dans le Territoire d'industrie de Dieppe Côte d'Albâtre, où la tradition industrielle est également bien établie, les multiples filières présentes (métallurgie, industrie automobile, construction électrique et électronique et agro-alimentaire) sont structurées à la fois par un tissu de PME denses et par des entreprises de dimension internationale (Renault, avec l'usine Alpine, Nestlé avec l'usine Nescafé...)121(*). De même, dans le Territoire d'industrie d'Angoulême-Cognac, l'écosystème bâti autour de la production de cognac, qui à côté des plus grands producteurs de la filière, détenus aujourd'hui par de grands groupes mondiaux de spiritueux, très tournés vers l'export (Hennessy, Martel, Rémy Martin, Courvoisier), intègre également, par exemple, des PME actives non seulement dans la production, mais également dans la tonnellerie ou l'emballage, posant d'ailleurs la question des synergies à trouver avec l'Angoulêmois dans le cadre d'un Territoire d'industrie regroupant quatre EPCI, et structuré autour du Grand Angoulême et du Grand Cognac122(*).

Dans le Territoire d'industrie Nord Franche-Comté, où coexistent plusieurs filières historiques autour de l'automobile, du ferroviaire, de l'énergie et du numérique notamment, la structuration de nouvelles filières fait partie des projets identifiés en phase 1 du programme, notamment autour de l'hydrogène, en tirant parti de la dynamique du cluster « Vallée de l'énergie » de Belfort et sur la labellisation, depuis 2016 de la région Bourgogne-Franche-Comté comme « Territoire d'hydrogène123(*) »124(*).

La nature même de la gouvernance des Territoires d'industrie, qui repose sur le dialogue entre les acteurs locaux et l'élaboration de projets communs, paraît d'ailleurs tout indiquée pour favoriser les filières à l'échelle d'un territoire, si l'on considère, comme Olivier Lluansi, que « [l]es filières sont très pertinentes lorsqu'un nombre limité de donneurs d'ordres s'entendent bien et ont la volonté de faire évoluer la filière »125(*), en le transposant à l'échelle locale. Pour soutenir encore davantage la constitution de telles filières dans les Territoires d'industrie, les rapporteurs recommandent d'en tenir compte dans les appels à projets, à tous niveaux, notamment en abaissant les seuils d'éligibilité des projets financés dans le cadre du programme Territoires d'industrie, en particulier, s'il était reconduit, celui du dispositif « Territoires d'industrie en transition écologique » du Fonds vert, actuellement fixé à 400 000 € de dépenses ou bien, en vue d' « embarquer » les PME sous-traitantes, voire des entreprises de service industriel impliquées dans une filière donnée, en rendant possible la formation de « consortiums de projets », rassemblant plusieurs projets situés sur un même Territoire d'industrie, l'atteinte du seuil étant apprécié en agrégeant les dépenses prévisionnelles de l'ensemble desdits projets.

Recommandation n° 13 : Favoriser la constitution de « filières industrielles locales », en soutenant l'accès des TPE et PME aux AAP et AMI, notamment en assouplissant les critères quantitatifs des appels à projets afin de permettre aux TPE et PME d'y accéder.

Les rapporteurs estiment également que la structuration en filières est la condition pour que les Territoires d'industrie deviennent de véritables relais d'innovation. La DTI a d'ailleurs admis devant les rapporteurs que l'axe portant sur l'innovation était le plus difficile à mettre en oeuvre au sein du programme Territoires d'industrie, alors même que c'est une condition essentielle de la compétitivité des entreprises industrielles françaises, y compris à l'export. L'attrition à venir des fonds dédiés à l'innovation de rupture, délivrés sur projet, va renforcer l'importance des points de contact entre le monde de la recherche et celui de l'entreprise que sont, par exemple, les pôles de compétitivité. Les rapporteurs, à partir de la liste des fiches-actions fournie par Intercommunalité de France, ont relevé avec stupéfaction que seulement une douzaine de Territoires d'industrie les citaient parmi leurs partenaires, et recommandent de renforcer ces synergies.

L'exemple du Territoire d'industrie du Grand Chalon illustre également la mise en place, de manière proactive, de tout un écosystème autour du numérique propice à faire jaillir une innovation a minima incrémentale, favorable à la compétitivité des entreprises du territoire : à l'Usinerie, lieu innovant réunissant quatre co-fondateurs (École nationale supérieure des arts et métiers, Cnam, UIMM et l'Usinerie Partners), l'Usinerie Partners est en charge d'informer, accompagner, mettre en réseau et former les entreprises industrielles pour l'appropriation et la mise en oeuvre des briques technologies numériques de l'industrie 4.0 (offre de services « Protée'IN »), tandis que les autres partenaires développent une offre de formation centrée sur le numérique, du bac + 1 au doctorat, en passant par le diplôme d'ingénieur, dont une partie sous forme d'une alternance (licence informatique générale en 3 ans, dont les deux dernières en alternance), afin de mieux ancrer cette offre de formation dans le tissu économique local. Le site met également à disposition des industriels des installations et infrastructures numériques leur permettant de travailler à des problèmes de conception ou de process industriel, y compris en collaboration avec les étudiants des formations hébergées à l'Usinerie.

b) À la recherche de partenariats : sortir des Territoires d'industrie

Dans l'optique du renforcement des filières, les apporteurs recommandent également d'engager une réflexion sur la formalisation de partenariats avec des régions industrielles de pays voisins partageant les mêmes problématiques industrielles, notamment dans les régions frontalières, sur le modèle, par exemple, de l'Euro-accélérateur, mis en place en 2021 au sein de la Grande région Sarre-Lor-Lux, afin de favoriser la transversalité des projets industriels frontaliers, notamment dans les domaines des compétences, des ressources et des acteurs. Ce partenariat a été formalisé par une charte d'engagements réciproques de la part de tous les acteurs impliqués (élus, industriels, opérateurs et services des États et de collectivités...) ; pour chacune des régions, une cellule d'intermédiation comprend une personne chargée de mobiliser les acteurs locaux susceptibles d'apporter des contributions, qu'il s'agisse de syndicats, instituts, etc., rappelant le rôle d'animation des Territoires d'industrie.

L'objectif de l'Euro-accélérateur, qui vise à pérenniser les activités industrielles dans les territoires et à revitaliser ces derniers, en favorisant le développement et la croissance des entreprises, ainsi que le soutien à l'innovation, rejoignent également les objectifs des Territoires d'industrie, tout comme la méthode, qui repose à la fois sur un accompagnement (notamment à la recherche de nouveaux marchés et à l'obtention de financements) et au développement d'une marque territoire.

Contrairement aux Territoires d'industrie cependant, cet « euro-réseau » est spécifiquement dédié à certains secteurs technologiques et industriels identifiés comme clés (automobile, spatial, matériaux et procédés (notamment aciérie et métallurgie), santé, bois et énergie), communs aux territoires de la Grande région.

Recommandation n° 14 : Encourager le développement de partenariats avec d'autres territoires industriels européens (districts italiens par exemple), en vue d'échanges de bonnes pratiques, et le cas échéant de partenariats industriels, dans une logique de filière.

2. Mieux articuler les projets locaux avec les priorités nationales de politique industrielle, tout en restant à l'écoute des territoires

Enfin, les rapporteurs suggèrent de mieux articuler les priorités nationales de politique industrielle avec le programme. Comme l'a exprimé France industrie, « la réindustrialisation issue de grands projets - soutenus notamment par France 2030 - va « polliniser » les territoires et susciter de nouveaux projets plus modestes mais indispensables. Ces derniers constituent la cible du programme Territoires d'industrie. Il est par conséquent indispensable de maintenir une cohérence entre les « grandes » politiques nationales et le programme ».

Du fait de la quasi-absence de fonds spécifiquement dédiés au programme, cette cohérence existe de fait, puisque l'outil Territoires d'industrie a notamment, comme susmentionné, servi à accompagner les entreprises dans des réponses à appels à projets.

Les rapporteurs appellent cependant à être particulièrement vigilants à maintenir un droit d'initiative pour les territoires, et à ne pas excessivement contraindre les réponses à de futurs appels à projets par la définition de priorités nationales peu en phase avec la réalité de certains territoires. En effet, le dispositif « Rebond », on l'a vu, a mis en évidence l'importance des projets « dormants » dans les territoires : l'ingénierie mise à disposition des Territoires d'industrie dans ce cadre a permis de détecter pas moins de 1 600 projets, dont les deux tiers n'étaient pas connus par les acteurs publics avant cet accompagnement126(*) ; la méthode du « porte à porte » a été particulièrement plébiscitée par les syndicats d'entreprises.

De manière convergente, les représentants de la Communauté de communes du Pays du Coquelicot, dans le Territoire d'industrie d'Albert-Amiens, ont souligné le travail engagé sur la diversification du tissu industriel local, menée en parallèle avec un fort de soutien à la filière aéronautique ; selon la préfecture, c'est d'ailleurs la crise de l'aéronautique, consécutive à la crise du covid, qui avait véritablement « lancé » ce Territoire d'industrie, avec l'intervention de bureaux d'études qui ont permis de mettre en lumière les atouts du territoire hors de cette seule filière.

Les rapporteurs rappellent que dans ou hors filières, le soutien aux PME et aux ETI est particulièrement pertinent, dans la mesure où plusieurs études économiques suggèrent que le déclin plus important de la part de l'industrie en France, par rapport aux autres pays industrialisés, depuis les années 1970, pourrait être due à la structure du tissu industriel français, justement caractérisée par la part plus importante des grandes entreprises. Or ces dernières sont davantage susceptibles de délocaliser leur production en cas de dégradation de la compétitivité-coût127(*). Au contraire, les tissus industriels italien et allemand présentent une part plus importante de PME et d'ETI, qui auraient moins tendance à créer de l'emploi dans leurs filiales à l'étranger128(*). En outre, selon Olivier Lluansi, l'effet des aides publiques sur la création d'emploi est significativement plus important en ciblant les PME qu'en ciblant les grands groupes (d'un facteur pouvant aller de 1 à 10).

Pour toutes ces raisons, les rapporteurs insistent sur la nécessité de mobiliser le programme pour soutenir en priorité les PME et ETI, maillons indispensables à la nécessaire réindustrialisation de notre pays.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

AXE 1 : PÉRENNISER LE PROGRAMME EN RÉORIENTANT SES PRIORITÉS VERS LES PRINCIPAUX DÉTERMINANTS DE L'ATTRACTIVITÉ INDUSTRIELLE

Sous-axe 1 : Pérenniser le programme en priorisant les territoires les plus « industrialisables », dans une logique de filière

1. Pérenniser le programme en assumant sa composante territoriale et son rôle de moteur de la cohésion des territoires ; encourager les candidatures porteuses d'un véritable projet industriel de territoire et disposant d'aménités pour le développer, en les incitant à candidater.

Sous-axe 2 : Réorienter le programme vers les fondamentaux de l'attractivité industrielle

2. Refaire de l'attractivité un axe du programme Territoires d'industrie, dans toutes ses dimensions, en insistant en particulier sur les volets logement et mobilité ; en particulier, associer le plus en amont possible les acteurs locaux du logement pour créer les meilleures conditions d'attractivité (diagnostic des besoins, développement d'une offre adaptée en fonction des profils et des besoins).

3. Renforcer la collaboration avec les acteurs de la formation et de l'emploi : au niveau local, mieux associer les établissements d'enseignement (secondaire et supérieur) ainsi que les services déconcentrés de l'État et les opérateurs en charge de l'emploi et de la formation professionnelle ; au niveau national, intensifier le dialogue entre les ministères en charge de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle, initiale et continue, et les ministères de l'économie et en charge de la cohésion des territoires.

4. Faire évoluer le statut des écoles de production pour le rendre plus attractif, notamment en pérennisant la participation de l'État aux frais de fonctionnement, et en garantissant aux élèves le nécessitant une dotation financière leur permettant de couvrir leurs besoins de première nécessité.

Sous-axe 3 : Réanimer l'axe « simplification du programme »

5. Réactiver l'axe « simplification » du programme et encourager le recours à des dérogations ad hoc, en utilisant notamment le pouvoir de dérogation préfectoral.

AXE 2 : RENDRE LE PROGRAMME PLUS OPÉRATIONNEL AMÉLIORER LA MOBILISATION DES ACTEURS ET EN CIBLANT LE FINANCEMENT

Sous-axe 1 : Renforcer la mobilisation des acteurs

6. Assurer une meilleure implication des CCI dans les Territoires d'industrie, notamment pour le soutien aux entreprises dans les appels à projets et le relais des offres de financement disponibles (en complément du chef de projet, dans chaque Territoire d'industrie) ; organiser la coopération avec CCI France au niveau national.

7. Renforcer l'implication des régions en soutenant la création de postes de coordinateurs régionaux, en affermissant la coordination région-préfecture de région et en régionalisant une partie des appels à manifestation d'intérêt (AMI) et des appels à projets (AAP) déployés dans les Territoires d'industrie.

Sous-axe 2 : Diversifier et mieux cibler les financements

8. Pérenniser une ligne de financement du programme sur au moins quatre ans, en ciblant le maintien du co-financement des chefs de projet et du soutien en ingénierie, le financement de la détection de projets industriels et le financement des écoles de production.

9. Assurer une meilleure visibilité des aides locales, régionales, nationales et européennes disponibles et développer des guichets uniques pour les déployer dans les Territoires d'industrie.

10. Prévoir des financements spécifiques, dédiés aux communes et EPCI des Territoires d'industrie engagée dans le développement industriel, notamment pour l'accès au foncier et au développement d'infrastructures, sur une ligne dédiée en dehors du Fonds vert.

AXE 3 : MIEUX S'ADAPTER AUX SPÉCIFICITÉS ET AUX BESOINS DES TERRITOIRES

Sous-axe 1 : Adapter l'offre de service aux besoins des territoires

11. Mieux adapter l'offre de services proposée par les opérateurs de l'État partie prenante au programme aux spécificités des Territoires d'industrie, sur la base des fiches-actions remontées par les Territoires d'industrie, d'une part en assurant une réelle priorisation des projets émanant des Territoires d'industrie dans les dispositifs de droit commun, d'autre part en élaborant un nouveau panier de services dédié prenant en particulier en compte les problématiques du foncier, du logement et de la mobilité.

12. Procéder à une évaluation opérationnelle du programme a minima à mi-parcours et en fin de phase, au niveau de chaque Territoire d'industrie et au niveau national ; compléter cette évaluation par des évaluations macro-économiques ciblées et agrégées ; exiger des services et opérateurs de l'État impliqués directement ou indirectement, ainsi que des régions un suivi spécifique des actions menées dans les Territoires d'industrie et des fonds alloués.

Sous-axe 2 : Privilégier la constitution de filières locales

13Favoriser la constitution de « filières industrielles locales », en soutenant l'accès des TPE et PME aux AAP et AMI, notamment en assouplissant les critères quantitatifs des appels à projets afin de permettre aux TPE et PME d'y accéder.

14. Encourager le développement de partenariats avec d'autres territoires industriels européens (districts italiens par exemple), en vue d'échanges de bonnes pratiques, et le cas échéant de partenariats industriels, dans une logique de filière.

AXE 4 : S'APPUYER LE RETOUR D'EXPÉRIENCE DES TERRITOIRES D'INDUSTRIE POUR MIEUX CALIBRER LES POLITIQUES INDUSTRIELLES

15. Utiliser les comités locaux et régionaux des Territoires d'industrie comme force de proposition - notamment sur le volet « simplification », pour inspirer un nouvel acte de simplification des normes affectant le secteur industriel.

16. Créer un délégué interministériel à la réindustrialisation pour faire travailler ensemble tous les ministères concernés (économie, transition écologique, cohésion des territoires, logement, travail, éducation nationale et enseignement supérieur) et porter une gouvernance des missions de politique industrielle en mode projet au niveau national.

EXAMEN EN COMMISSION

(Mercredi 18 décembre 2024)

Le compte rendu sera publié ultérieurement.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 27 juin 2024

Audition conjointe

· Direction générale des entreprises (DGE) : MM. Thomas GOUZÈNES, sous-directeur en charge de la politique industrielle, et Louis FLEURET, directeur de projet Réindustrialisation ;

· Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) : M. Gwenaël GUYONVARCH, directeur exécutif adjoint des territoires.

- Observatoire des Territoires d'industrie : M. Vincent CHARLET, délégué général de la Fabrique de l'industrie, et Mme Caroline GRANIER, cheffe de projet, coordinatrice des activités de l'observatoire des Territoires d'industrie.

- Table ronde

· Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) : Mme Jennifer BASTARD, responsable Fiscalité, MM. Johann MEURVILLE, responsable Développement, en charge des unions territoriales, et Adrien DUFOUR, responsable des affaires publiques ;

· France industrie : M. Alexandre SAUBOT, président, et Mme Murielle JULLIEN, directrice des affaires publiques ;

· Mouvement des entreprises de France (Medef) : MM. Bruno ARCADIPANE, vice-président, Stéphane DAHMANI, directeur adjoint du pôle Économie, et Mme Charlotte DRONNEAU, chargée de mission Affaires publiques.

Lundi 1 juillet 2024

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : MM. Éric ÉTIENNE, directeur général délégué Territoires et ruralités, et Jean-Baptiste GUEUSQUIN, directeur du programme Territoires d'industrie (délégué aux Territoires d'industrie).

Banque publique d'investissement (Bpifrance) : MM. Guillaume MORTELIER, directeur exécutif en charge de l'accompagnement, Stéphane HAYEZ, directeur adjoint de la direction des partenariats, de la création et de l'action territoriale, et Jean-Baptiste MARIN-LAMELLET, directeur des relations institutionnelles.

Banque des territoires : M. François WOHRER, directeur de l'investissement, et Mmes Camille ETÉVÉ, responsable du programme Territoires d'Industrie, et Giulia CARRÉ, directrice des relations institutionnelles au groupe Caisse des dépôts et consignations.

- Table ronde

· Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) : Mme Fanny RIES, adjointe au maire d'Issoudun, coprésidente du groupe de travail Industrie ;

· Intercommunalités de France : Mmes Virginie CAROLO-LUTROT, première vice-présidente et présidente de Caux Seine agglo, et Montaine BLONSARD, responsable des relations avec le Parlement.

Mercredi 17 juillet 2024

- Table ronde

· Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) au ministère du travail : Mme Stéphanie LE BLANC, sous-directrice en charge des mutations économiques et de la sécurisation de l'emploi, et M. Stéphane RÉMY, sous-directeur en charge des politiques de formation et du contrôle ;

· France travail : Mme Catherine POUX, directrice du développement des services aux entreprises, et M. Eudes de MOREL, chargé des affaires institutionnelles ;

· OPCO 2i : Mme Stéphanie LAGALLE-BARANÈS, directrice générale ;

· Fédération nationale des écoles de production (Fnep) : M. Patrick CARRET, directeur général, et Mme Vanessa DEQUIDT, responsable du développement ;

· Ministère de l'éducation nationale (MEN) : M. Geoffroy DE VITRY, haut-commissaire à l'enseignement et à la formation professionnels, et Mme Audrey PÉROCHEAU et M. Marc GERONIMI, conseillers du haut-commissaire.

Lundi 28 octobre 2024

Action Logement Groupe : Mmes Nadia BOUYER, directrice générale, Karen ESTEVE, directrice régionale Outre-mer, et Akila MAT, responsable des relations institutionnelles.

Intercommunalités de France : M. Lucas CHEVRIER, conseiller Industrie.

Business France : M. Guillaume BASSET, directeur général délégué adjoint, chargé de l'attractivité des territoires.

- Audition conjointe

· M. Guillaume BASSET, directeur général délégué adjoint, chargé de l'Attractivité des Territoires, ancien délégué aux Territoires d'industrie ;

· M. Olivier LLUANSI, économiste, ancien délégué aux Territoires d'industrie.

Mardi 12 novembre 2024

- Table ronde « Territoire d'industrie Vallée de la Maurienne »

· M. Loïc MAENNER, directeur général chez Trimet France, pilote territorial industriel du Territoires d'industrie Vallée de la Maurienne ;

· M. Philippe GARZON, responsable de l'antenne Savoie et responsable régional développement économique, et Mme Carine VERNEY, chargée d'affaires Territoire d'industrie Maurienne, à l'agence économique régionale Auvergne Rhône-Alpes Entreprises ;

· M. Jean-Patrick BAILHACHE, secrétaire général de l'UIMM Savoie ;

· Mme Karima HUNAULT, sous-préfète de Saint-Jean-de-Maurienne, référente État du programme Territoires d'industrie.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- CCI France

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Vendredi 12 juillet 2024

DÉPLACEMENT DANS LA SOMME - TERRITOIRE D'INDUSTRIE D'ALBERT-AMIENS

Visite de la plateforme IndustriLAB (Méaulte)

· Mme Salima SIMON, directrice d'IndustriLAB ;

· M. Christophe BUISSET, vice-président de la communauté de communes du Pays du Coquelicot, en charge du développement économique ;

· Mme Virginie LEROUX, directrice du développement de la communauté de communes du Pays du Coquelicot ;

· M. Yann MISIAK, secrétaire général de la sous-préfecture de Péronne ;

· M. David GRIMAUX, chargé de mission emploi/économie à la sous-préfecture de Péronne.

Visite de la résidence Antoine de Saint-Exupéry (Albert)

· M. Bertrand GALLOO, directeur général de l'association Accueil & Promotion ;

· Mme Frédérique HOORELBEKE, directrice du foyer.

Échanges de vue avec M. le préfet Rollon MOUCHEL-BLAISOT, préfet de la Somme, en présence de MM. Clément RAY, président d'Innovafeed et Patrick COLIN, fondateur d'Unither Pharmaceuticals.

Visite de La Machinerie (Amiens)

· Mme Fatima OUADI, directrice du pôle métropolitain du Grand Amiénois ;

· Mme Delphine LEMAIRE-JAVOROVIC, directrice du développement économique et de l'emploi à Amiens Métropole ;

· Mme Delphine BOUBERT, chef de service Emploi-insertion développement économique à Amiens Métropole ;

· M. Matthieu PHILIPPE, coordinateur et référent Fabrique numérique de La Machinerie.

Lundi 16 septembre 2024

DÉPLACEMENT À CHALON-SUR-SAÔNE - TERRITOIRE D'INDUSTRIE
DU GRAND CHALON

Échanges de vue sur le Territoire d'industrie du Grand Chalon, Maison des Entreprises (Chalon-sur-Saône)

· Mme Martine GRANIER, directrice du développement économique du Grand Chalon ;

· Mme Isabelle LAUGERETTE, secrétaire générale des sections 21 et 71 de l'UIMM ;

· M. Sébastien DUBOIS, chargé de mission au sein de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) de Bourgogne-Franche-Comté ;

Visite de l'École de production de Chalon

· Mme Sarah CHERABIEH-BOUTTIER, directrice.

Visite de l'Usinerie (Chalon-sur-Saône)

· Mme Laurence GROSSELIN, directrice générale de l'Usinerie Partners ;

· M. Jean-Rémy CHARDONNET, professeur à l'École nationale des arts et métiers, Laboratoire d'ingénierie des systèmes physiques et numériques (Lispen) ;

· M. Ludovic LABOURÉ, responsable Formations et développement, Cnam Bourgogne-Franche-Comté.

Échanges de vue avec M. Sébastien MARTIN, président de la communauté d'agglomération du Grand Chalon, président d'Intercommunalités de France, en présence de Mme Clarisse MAILLET, présidente de la CPME 71 et directrice de la société Aérométal, membre du binôme de direction du Territoire d'industrie.

Visite de la zone industrielle SaôneOr, en présence de M. Sébastien MARTIN, Mme Martine GRANIER et M. Sébastien DUBOIS.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

des principales recommandations de la mission

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier

Support

PÉRENNISER LE PROGRAMME EN RÉORIENTANT SES PRIORITÉS
VERS LES PRINCIPAUX DÉTERMINANTS DE L'ATTRACTIVITÉ INDUSTRIELLE

1

Pérenniser le programme en le recentrant sur les territoires les plus à même de développer des projets industriels structurés et compétitifs

Ministères de la cohésion des territoires et de l'économie

2027

Instructions à l'ANCT et à la DGE

Appel à candidatures pour les prochaines phases du programme

3

Renforcer la collaboration avec les acteurs de la formation et de l'emploi

Acteurs des Territoires d'industrie

Ministères de la cohésion des territoires, de l'économie, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur
et du travail

Dès 2025

Instauration
d'un dialogue interministériel régulier

Instructions
des ministères de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et du travail aux services déconcentrés

4

Soutenir le modèle des écoles de production en assurant une part étatique de financement et en levant les freins financiers à la scolarité

Ministère du travail

Dès que possible

Reconduction
de la convention de financement des écoles reconnues par l'État

Réflexion sur le statut des élèves des écoles
de production

5

Encourager le recours aux dérogations locales

DTI

Ministères de la cohésion des territoires et de l'économie

Dès 2025

Communication aux Territoires d'industrie

Circulaire aux préfets

RENDRE LE PROGRAMME PLUS OPÉRATIONNEL AMÉLIORER LA MOBILISATION
DES ACTEURS ET EN CIBLANT LE FINANCEMENT

8

Pérenniser une ligne de financement du programme sur au moins quatre ans, en ciblant a minima le maintien du cofinancement des chefs de projet et du soutien en ingénierie, le financement de la détection de projets industriels

Parlement

Gouvernement

Début 2025

PLF 2025

10

Prévoir des financements spécifiques, dédiés aux communes et EPCI des Territoires d'industrie engagée dans le développement industriel, notamment pour l'accès au foncier et au développement d'infrastructures, sur une ligne dédiée

Parlement

Gouvernement

Début 2025

PLF 2025

MIEUX S'ADAPTER AUX SPÉCIFICITÉS ET AUX BESOINS DES TERRITOIRES

11

Élaborer un nouveau panier de services dédié prenant en particulier en compte les problématiques du foncier, du logement et de la mobilité

Opérateurs
de l'État

2025

Adaptation de l'offre de services des opérateurs partenaires
du programme

12

Évaluer le programme, au niveau national et local, a minima à miparcours et en fin de phase

Opérateurs
de l'État, régions, EPCI

DTI

2025 et 2027

Adaptation des outils de reporting de l'ensemble des parties prenantes

Rapport d'évaluation du programme transmis à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale
et du Sénat

S'APPUYER LE RETOUR D'EXPÉRIENCE DES TERRITOIRES D'INDUSTRIE
POUR MIEUX CALIBRER LES POLITIQUES INDUSTRIELLES

15

Utiliser les Territoires d'industrie comme force de proposition en matière de politique industrielle

DGE

2025

Relevé de propositions

Projet de loi dédié ou amendements au projet de loi « simplification »

16

Créer un délégué interministériel à la réindustrialisation

Premier ministre et ensemble
des ministères concernés

Dès que possible

Décret du Premier ministre et de l'ensemble des ministères concernés ; lettre de mission


* 1 Compte rendu de la réunion du Bureau du Sénat du 25 janvier 2024.

* 2 L. Gallois, Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, rapport au Premier ministre, novembre 2012.

* 3 Chiffres Insee ; certains modes de comptabilisation amènent à modérer cet écart, cf. par exemple https://blog.insee.fr/combien-pese-l-industrie-en-france-et-en-allemagne/.

* 4 Commissariat général à l'égalité des territoires, « Regards croisés sur les territoires industriels. Pour un dialogue entre fonction économique, capital social et héritage matériel », octobre 2018.

* 5 France Stratégie, « Scénarios d'une réindustrialisation : besoins et effets potentiels », septembre 2024.

* 6 Basset G., Gueusquin J.-B. et Lluansi O., « L'initiative territoires d'industrie : une innovation institutionnelle », propos recueillis par Nadine Levratto, Revue d'économie industrielle, n° 181/182, 2023, p. 231-24.

* 7 Tels qu'annoncés le 22 novembre 2018 lors du lancement du programme.

* 8 Ainsi, selon la Cour des comptes, « Certains des EPCI ont [...] appris tardivement, et sans avoir été formellement sollicités, qu'ils étaient inclus dans un territoire d'industrie » (rapport précité, p. 28).

* 9 Moins de 50 000 habitants.

* 10 De 50 000 à 200 000 habitants.

* 11 Gros-Balthazard M. et Talandier M., « Réindustrialiser les territoires, la revanche des villes petites et moyennes ? », EchoGéo (63), 2023, cité par Cour des comptes, annexe n° 4, p. 133 (chiffres 2019).

* 12 Amdaoud M. et Levratto N., « Territoires d'industrie : hétérogénéité et convergence », Revue d'économie industrielle, 2023/1 (n° 181-182), p. 199-229, p. 203.

* 13 Constat convergent avec celui fait par exemple dans Brou C. et Nadou F., « Territoires d'industrie, de la difficulté d'une mise en oeuvre territorialisée de la politique industrielle », Revue d'économie industrielle, 2023, n° 181-182, p. 179.

* 14 Carré D., Levratto N. et Frocrain Ph., L'étonnante disparité des territoires industriels. Comprendre la performance et le déclin, Paris, Presses des Mines, 2019 ; cf. également Granier C., « Refaire de l'industrie un projet de territoire », Les Notes de La Fabrique, 2023.

* 15 Basset G., Gueusquin J.-B. et Lluansi O., « L'initiative territoires d'industrie : une innovation institutionnelle », propos recueillis par Nadine Levratto, Revue d'économie industrielle, n° 181/182, 2023, p. 231-24.

* 16 Carré D., Levratto N. et Frocrain Ph. 2019, article précité.

* 17 Bpifrance, « Industrie et territoires. Comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile. », 15 mai 2014.

* 18 Amdaoud M. et Levratto N., « Territoires d'industrie : hétérogénéité et convergence », Revue d'économie industrielle, 2023/1 (n° 181-182), p. 199-229, p. 224.

* 19 Bpifrance, « Industrie et territoires. Comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile. », 15 mai 2014.

* 20 Voir aussi Basset G. et Lluansi O. 2023, « Réindustrialisation : le potentiel caché de nos territoires », Note pour la Fabrique de l'industrie.

* 21 Cf. par exemple, cités par Carré, Levratto et Frocrain 2019, Moretti E. 2010, « Local multipliers », American Economic Review, 100(2), p. 373-377 ; Malgouyres C. 2017, « The impact of chinese import competition on the local structure of employment and wages : Evidence from France », Journal of Regional Science, 57(3), p. 411-441 ; Frocrain Ph. et Giraud P.-N. 2018, « The Evolution of Tradable and Non-Tradable Employment : Evidence from France. », Économie et Statistique, n° 503-504, p. 87-107.

* 22 Bpifrance, « Industrie et territoires. Comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile. », 15 mai 2014.

* 23 60 % « beaucoup », 39 % « modérément » ; source : Cour des comptes, Le programme « Territoires d'industrie ». 2018-2023, rapport public thématique, novembre 2024 (ci-après « Rapport Cour des comptes »).

* 24 Brou et Nadou 2023, article précité, p. 169, explicitant la typologie développée par Nadou F. et Pecqueur B., « Pour une socioéconomie de l'intermédiation territoriale. Une approche conceptuelle », Géographie, économie, société, 2020, n° 3/4, vol. 22, p. 265-284.

* 25 Pour un total de 8 M€ sur la période 2018-2023 (Cour des comptes, p. 61). L'aide pouvait aller jusqu'à 80 000 € pour deux ans (chiffres fournis par la DTI).

En phase 2, selon le dossier de presse du programme, p. 17, les chefs de projets peuvent faire l'objet d'une subvention en fonctionnement d'un montant total de 30 000 à 40 000 € (en fonction de l'importance du Territoire d'industrie), à la condition que les territoires assurent au moins 30 % du co-financement.

* 26 Réponse à un questionnaire budgétaire, novembre 2024.

* 27 Réponse à un questionnaire budgétaire, septembre 2024.

* 28 https://www.economie.gouv.fr/conseil-national-industrie-2018.

* 29 Rapport Cour des Comptes, p. 35.

* 30 26 M€ de soutien en ingénierie et 100 M€ d'investissement dans des projets d'équipement des collectivités.

* 31 Rapport Cour des Comptes, p. 36-37.

* 32 Réponse à un questionnaire budgétaire, novembre 2024.

* 33 Chiffres fournis par la DTI.

* 34 Chiffres fournis par la DTI.

* 35 Rapport Cour des Comptes, p. 41.

* 36 Rapport Cour des Comptes, p. 41.

* 37 Rapport Cour des Comptes, p. 61-62.

* 38 Puis réabondé pour atteindre finalement 712 M€ (rapport Cour des comptes, p. 39).

* 39 https://www.economie.gouv.fr/plan-de-relance/territoires-industries-253-premiers-projets-soutenus-france-relance#

* 40 Rapport Cour des Comptes, p. 66.

* 41 Rapport Cour des Comptes, p. 44.

* 42 Rapport Cour des Comptes, p. 43.

* 43 Rapport Cour des Comptes, p. 45.

* 44 Rapport Cour des Comptes, p. 45

* 45 Dossier de presse, p. 19.

* 46 Chiffres fournis par la DTI, réponse à un questionnaire budgétaire.

* 47 Dossier de presse du lancement de la phase 2, p. 22 (ci-après « Dossier de presse »).

* 48 Réponse à un questionnaire budgétaire.

* 49 Réponse à un questionnaire budgétaire.

* 50 Cour des comptes, 10 ans de politiques publiques en faveur de l'industrie : des résultats encore fragiles, communication à la commission des finances de l'Assemblée nationale, novembre 2024.

* 51 Cf. ci-dessous, p. 58.

* 52 Cf. ci-dessous, p. 72.

* 53 Rapport Cour des comptes, p. 64-65.

* 54 Aide à l'embauche de 4 000 € pour le recrutement de jeunes talents sur des postes à responsabilité.

* 55 Cf. par exemple : https://www.bpifrance.fr/nos-appels-a-projets-concours/candidatez-a-la-8e-promotion-de-laccelerateur-pme.

* 56 Rapport Cour des comptes, p. 88.

* 57 Rapport Cour des comptes, p. 84

* 58 Rapport Cour des comptes, p. 50.

* 59 Le FTJ soutient ainsi les investissements dans les domaines de connectivité numérique, technologies énergétiques propres, réduction des émissions, réhabilitation des sites industriels, reconversion des travailleurs.

Tous les Territoires d'industrie ne sont cependant pas éligibles à ce fonds, ciblé sur six régions concentrant la majorité des émissions industrielles de COet une forte proportion d'emploi industriel, excepté pour le programme national FTJ « Emploi et compétences », à périmètre national.

* 60 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République.

* 61 Catégorie de nomenclature la plus fine existant en comptabilité des collectivités pour cibler les dépenses en faveur de l'industrie.

* 62 Rapport Cour des comptes, p. 81-82.

* 63 Rapport Cour des comptes, p. 63.

* 64 Les autres items étant l'écosystème économique en général, l'implication des collectivités dans l'accompagnement à l'implantation, et le vivier de personnes employables (source : réponses écrites de l'AMF).

* 65 Données fournies par Bpifrance.

* 66 Réponse à un questionnaire budgétaire.

* 67 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 68 Cf. ci-dessus.

* 69 Rapport Cour des comptes, p. 83.

* 70 Rapport Cour des comptes, p. 28.

* 71 Rapport Cour des comptes, p. 32.

* 72 Rapport Cour des comptes, p. 33.

* 73 Subvention de l'État de 30 000 € par an, à parité avec la région.

* 74 Rapport Cour des comptes, p. 86 (la demande portant sur les thématiques développement économique, formation professionnelle, mobilités, aide à l'export logement, éducation, fonds européens et numérique).

* 75 Réponse à un questionnaire budgétaire.

* 76 Rapport Cour des comptes, p. 33.

* 77 À compter de fin 2021, il a bénéficié en outre de l'appui d'un « comité stratégique » consultatif constitué de neuf experts et représentants du monde académique (rapport Cour des Comptes, p. 33).

* 78 Rapport Cour des comptes, p. 34.

* 79 Rapport Cour des comptes, p. 33.

* 80 Amdaoud M. et Levratto N., « 146 territoires d'industrie, en apparence semblables et pourtant si différents », Miméo, 2022 [halshs-03 527 887].

* 81 Amdaoud M. et Levratto N. 2023, « Territoires d'industrie : hétérogénéité et convergence », Revue d'Économie Industrielle, n° 81-182, p. 199-229.

* 82 Rapport Cour des comptes, p. 89-100.

* 83 Rapport Cour des comptes, p. 90.

* 84 Rapport Cour des comptes, p. 91.

* 85 Rapport Cour des comptes, p. 92.

* 86 Rapport Cour des comptes, p. 94.

* 87 Rapport Cour des comptes, p. 100.

* 88 Rapport Cour des comptes, p. 101-104. La Cour note en outre une rapide augmentation de la valeur ajoutée moyenne et du résultat de l'exercice et de l'excédent brut d'exploitation (EBE) des entreprises industrielles des Territoires d'industrie par rapport aux autres territoires, à partir de 2020.

* 89 Préface à l'article de C. Granier, « Refaire de l'industrie un projet de territoire » (cf. ci-dessus).

* 90 Rapport Cour des Comptes, p. 114.

* 91 Émanation de l'UIMM, de France industrie et du Groupement des industries métallurgiques (GIM).

* 92 Cf. notamment Amdaoud M. et Levratto N., 2023, « Territoires d'industrie : hétérogénéité et convergence », Revue d'Économie Industrielle, n° 81-182, p. 199-229, qui cherche à quantifier l'impact du programme sur différents critères.

* 93 Réponse à un questionnaire budgétaire, novembre 2024.

* 94 Réponse à un questionnaire budgétaire, septembre 2024.

* 95 Rapport Cour des comptes, p. 44.

* 96 Questionnaire budgétaire.

* 97 Cour des comptes, p. 52 ; ont été interrogés uniquement les élus de Territoires d'industries de deuxième phase qui étaient déjà labellisés en première phase.

* 98 OCDE (2023), The Future of Rural Manufacturing, OECD Rural Studies, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/e065530c-en.

* 99 Rapport Cour des comptes, p. 111-112.

* 100 Basset G. et Lluansi O., « Pénuries de compétences et réindustrialisation : un étonnant paradoxe », Les Synthèses de La Fabrique, n° 27, juillet 2023.

* 101 Rapports coréalisés par France Stratégie et la Dares « Prospective Métiers et Qualifications 2030 ».

* 102 Bpifrance, « Industrie et territoires. Comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile. », 15 mai 2014.

* 103 Bpifrance, « Industrie et territoires. Comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile. », 15 mai 2014, p. 42.

* 104 D'autres Territoires d'industrie mènent une politique particulièrement proactive et offensive dans le domaine de la formation et du développement des compétences, comme par exemple celui Montaigu, en Vendée, qui décline ses actions du secondaire au supérieur.

* 105 Cour des comptes, La Direction générale des entreprises : une réorganisation aboutie, un rapport aux territoires à renforcer, octobre 2024, p. 75.

* 106 En LFI 2024, les crédits ouverts à cette fin étaient de 13,24 M€ ; le PLF 2025 présenté à l'automne 2024 par le Gouvernement, et non adopté en raison de la censure de ce dernier par l'Assemblée nationale, prévoyait une subvention de 15,5 M€ pour 2025.

* 107 L'Ademe, interrogée par les rapporteurs, a par exemple cité le cas du Territoire d'industrie Sèvres-Niortais, qui a déposé un dossier pour une école de production sur la géothermie, dans le cadre des « Territoires d'industrie en transition écologique ».

* 108 Bpifrance, « Industrie et territoires. Comment gagner la bataille de la réindustrialisation ? Regards croisés entre territoires, industriels et société civile. », 15 mai 2014, p. 44.

* 109 Enquête Portloc réalisée auprès de 5 000 représentants de la société civile en décembre 2023, citée par l'étude Bpifrance précitée.

* 110 Territoires d'industrie - une usine à projets au coeur de la relance - point d'étape à trois ans, 2021, p. 14.

* 111 Régime hôtelier ou régime des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS).

* 112 Action Logement Services mène régulièrement des études territoriales permettant d'appréhender les besoins en des entreprises et de la facilité d'accès à un logement abordable dans le territoire concerné, en croisant les données propres à Action Logement et les données publiques plus larges, et Action Logement cofinance également sur sa ligne budgétaire d'ingénierie territoriale des études pour connaître les conditions des salariés d'un territoire pour mieux affiner la demande potentielle de logements à court, moyen et plus long termes.

* 113 Chiffre fourni par Bpifrance.

* 114 Document fourni lors de l'audition.

* 115 Réponses écrites à un questionnaire.

* 116 Décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet.

* 117 Dossier de presse, p. 15.

* 118 Le site est spécialisé dans l'assemblage des tronçons de fuselage avant des Airbus A320, A330, A350, A400 M et dans la fabrication de pièces composites de grandes dimensions, ainsi que dans l'assemblage d'éléments pour Airbus Helicopters et le Falcon 10X de Dassault Aviation.

* 119 Filiale d'Airbus Group dédiée à la conception et à la fabrication de matériel de cabines pilotes et passagers.

* 120 Observatoire des Territoires d'industrie, « Alès régénère son industrie encore et encore », compte rendu de séance, novembre 2022.

* 121 Observatoire des Territoires d'industrie, « Dieppe Côte d'Albâtre fait le plein d'énergie », compte rendu de séance, février 2020.

* 122 Fouqueray E. et Nadaud E., Angoulême-Cognac : appréhender la diversité des territoires industriels, Les Docs de La Fabrique, Presses des Mines, 2021.

* 123 En tant que lauréate de l'AAP national « Territoires hydrogènes » (AAP), dans le cadre du plan de modernisation « la Nouvelle France Industrielle ».

* 124 Observatoire des Territoires d'industrie, « Le Nord Franche-Comté mise sur les filières d'avenir », compte rendu de séance, septembre 2019.

* 125 Observatoire des Territoires d'industrie, « Reconstruire l'industrie dans les territoires », compte rendu de séance, juillet 2019.

* 126 DGE, réponse à un questionnaire budgétaire.

* 127 « Les multinationales françaises, fer de lance du commerce extérieur français, mais aussi de sa dégradation », La lettre du Cepii, n° 427, mai 2022 ; « Les stratégies internationales des entreprises françaises », Trésor-Eco, n° 267, septembre 2020.

* 128 G. Hemery, B. Vatimbella et al., « Où en est la réindustrialisation de la France ? », Les Thémas de la DGE, n° 20, mai 2024, p. 3.

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