N° 772

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 septembre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la formation linguistique
et
civique dans le cadre du contrat d'intégration républicaine,

Par Mme Marie-Carole CIUNTU,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

Le contrat d'intégration républicaine (CIR) constitue la matérialisation du parcours personnalisé d'intégration républicaine des étrangers primo-arrivants et prévoit un dispositif de formation linguistique et civique. Ses exigences ont été sensiblement rehaussées par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (CIAI). Le rapporteur spécial de la mission « Asile, immigration et intégration », Marie-Carole Ciuntu, a présenté le 24 septembre 2024 les conclusions de son rapport d'information sur la formation linguistique et civique dans le cadre du CIR.

I. UN LEVIER D'INTÉGRATION CRITIQUÉ

La création d'un dispositif d'accueil et de formation des étrangers primo-arrivants en France remonte à 2003 et à la création, à titre expérimental, du contrat d'accueil et d'intégration (CAI). Ce dispositif a fait l'objet d'un renforcement progressif : la signature d'un contrat d'intégration est devenue obligatoire avec la loi n° 2006-911 du 24 juillet 20061(*) et les exigences linguistiques et civiques ont été rehaussées par la loi n° 2016-274 du 7 mars 20162(*) et la loi n° 2018-778 du 10 septembre 20183(*).

Ainsi, avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (CIAI), prévue au 1er janvier 2026, la formation linguistique et civique repose sur :

- une formation linguistique prescrite à l'issue d'un test de niveau en début de cycle. Cette formation linguistique est obligatoire dès lors que l'étranger primo-arrivant ne maîtrise pas le niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Elle vise à l'atteinte de ce niveau par la prescription de modules d'enseignement compris entre 100 et 600 heures. La formation est facultative pour les étrangers maîtrisant d'ores et déjà le niveau A1 ;

- une formation civique obligatoire de douze heures, soit quatre journées de stage, « relative aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu'à l'organisation de la société française »4(*).

A. LA MISE EN oeUVRE DU CIR FAIT L'OBJET DE CRITIQUES RÉCURRENTES

Alors que le nombre de signatures de CIR a progressé de 20,3 % sur la période 2016-2023, la mise en oeuvre des dispositifs de formation présente des limites évidentes, déjà soulignées dans le rapport du président Roger Karoutchi en 20175(*), alors rapporteur spécial des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Premièrement, les formations ne reposent pour l'heure sur aucune obligation de résultats. L'étranger signataire d'un CIR n'est soumis à aucune condition d'acquisition de la langue ou d'assimilation des notions dispensées dans le cadre de la formation civique. Seuls l'assiduité et le sérieux des signataires sont pris en compte.

Deuxièmement, le niveau A1 ne semble pas suffisant pour permettre une réelle intégration, en particulier dans le monde du travail.

Troisièmement, la formation civique est excessivement théorique et condensée. L'enseignement repose sur la transmission d'un très grand nombre d'informations, mêlant concepts théoriques abstraits (les « principes et valeurs de la République ») à des informations pratiques sur la vie en France. En outre, cette formation intervient dès le début du parcours, soit en décalage avec l'apprentissage et la maîtrise de la langue.

Quatrièmement, le rapporteur spécial a pu observer des difficultés pratiques dans l'organisation des formations : les délais d'entrée en formation peuvent être considérablement rallongés, la rendant moins pertinente ; certains employeurs sont réticents à libérer leurs salariés pour suivre des formations et les organismes de formation peinent à organiser des groupes d'apprentissage homogènes.

Évolution de la répartition des bénéficiaires de la formation linguistique
selon le forfait horaire attribué

(en %)

Note : l'année 2019 marque l'entrée en vigueur du doublement du nombre d'heures de formation prescrites

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Cinquièmement, la mise en oeuvre du CIR et de ses formations reste lacunaire à Mayotte. Initialement fixée au 1er janvier 2018, son application a été plusieurs fois reportée et est finalement effective depuis le 1er janvier 2022. Pour autant, le CIR mahorais est allégé par rapport au reste du territoire : la formation linguistique est de 100 heures au maximum et seulement deux jours de formation sont prévus pour le volet civique.

B. LA FORMATION LINGUISTIQUE ET CIVIQUE CONSTITUE, AU REGARD DE SES RÉSULTATS, UN DISPOSITIF RELATIVEMENT COÛTEUX

Sur la période 2016-2023, les crédits dédiés aux formations linguistiques et civiques ont plus que doublé, passant de 36,8 millions d'euros à 116,9 millions d'euros en sept ans. Cette progression est proportionnellement plus importante que l'évolution du nombre de CIR signés sur la même période, qui n'est que de + 20,3 %. Cette augmentation correspond essentiellement aux effets des réformes successives de la formation civique et linguistique.

Mise en perspective de l'évolution des dépenses liées à la formation civique
et linguistique avec l'évolution du nombre de CIR signés entre 2016 et 2023

(en nombre de CIR signés à gauche - en millions d'euros à droite)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Le coût moyen pondéré de la formation linguistique et civique, en 2024, est de 7,40 euros par heure pour la formation linguistique6(*) et de 64,49 euros par journée de formation civique pour les trois premières journées du parcours.

Force est de constater qu'au regard des moyens budgétaires croissants engagés sur la formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants, les résultats obtenus sont particulièrement décevants. En dépit d'un objectif linguistique de maîtrise du seul niveau A1, le taux d'atteinte en fin de parcours demeure peu élevé : seulement 68 % des personnes orientées en formation linguistique ont atteint ce niveau en 2023, soit une baisse de neuf points par rapport aux résultats obtenus en 2021.

II. LA LOI CIAI : UN RENFORCEMENT CONSÉQUENT MAIS IMPARFAIT DU DISPOSITIF DE FORMATION LINGUISTIQUE ET CIVIQUE

A. UN RÉHAUSSEMENT DU NIVEAU EXIGÉ EN FRANÇAIS ACCOMPAGNÉ D'UN TEST SANCTIONNANT LA FORMATION CIVIQUE

L'article 20 de la loi du 26 janvier 2024, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2026, conditionne la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle à la connaissance d'un niveau minimal de la langue française, qui a été fixé au niveau A27(*) du CECRL, suite à un amendement de la commission des lois du Sénat. Ce niveau devra désormais être justifié, la simple obligation de suivi sérieux et assidu des formations prescrites dans le cadre du CIR n'étant plus suffisante. Afin d'anticiper ce passage du niveau A1 au niveau A2, qui constitue en réalité un alignement sur les exigences de la plupart des pays européens, plusieurs expérimentations sont en cours sur le territoire depuis le 1er mars 2024 (département du Val-de-Marne et région Bourgogne-Franche-Comté).

Également sous l'impulsion du Sénat, un test à l'issue de la formation civique, dont le contenu a été enrichi avec l'enseignement de l'histoire et la culture de la société française, conditionnera la délivrance des cartes de séjour pluriannuelles et de résident pour les signataires du CIR. Les modalités de mises en oeuvre de ce test n'ont pas encore été déterminées par le pouvoir réglementaire.

Ainsi, la réforme traduit le passage d'une obligation de moyens à une obligation de résultats en matière de formations linguistique et civique des primo-arrivants.

B. UNE RÉFORME DONT LE COÛT BUDGÉTAIRE DEMEURE IMPRÉCIS ET QUI NE PERMET PAS DE RÉPONDRE À CERTAINES LACUNES

S'agissant du coût de la réforme, les conséquences financières seront importantes pour les crédits du programme 104 et de la politique d'intégration. Largement sous-évaluées dans l'étude d'impact de la loi du 26 janvier 2024, elles pourraient atteindre 100 millions d'euros selon le ministère de l'intérieur. Il s'agit toutefois d'une évaluation a minima qui repose sur le scenario d'un allongement de 100 heures des durées de formation pour atteindre le niveau A2.

Un taux de prescription des formations linguistiques de

Le coût horaire des formations linguistiques est de

Un montant annoncé pour financer la réforme des formations linguistiques et civiques de

 
 
 

Par ailleurs le dispositif connait certaines lacunes. Tout d'abord, la formation linguistique est largement déconnectée de la formation civique, avec un niveau de langues initial évalué trop rapidement, sur la base d'une « fiche navette » très sommaire. Cette situation peut d'ailleurs permettre d'expliquer, en partie, l'hétérogénéité des groupes en fin de formation linguistique.

Ensuite, la multiplication des objectifs de la formation civique a entrainé une dilution de l'apprentissage des droits et devoirs liés à l'intégration dans la société française. Les constats issus du rapport du président Roger Karoutchi sont toujours d'actualité, et ce, alors même que, selon les informations transmises par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), les supports de formation ont été mis à jour fin 2023. Les contenus sont toujours trop denses, et ont même eu tendance à s'étoffer, évoquant d'ailleurs souvent une liste de droits, sans forcément associer en parallèle les devoirs liés à l'exercice des droits auxquels peuvent prétendre les primo-arrivants.

Enfin, la dernière journée de formation civique, portant alternativement sur l'emploi ou le domaine socio-culturel, selon le choix du signataire, paraît particulièrement inadaptée. La journée emploi se limite aussi à des connaissances très génériques sur le marché de l'emploi, sans partenariat instauré avec France Travail, notamment en plateforme d'accueil de l'OFII. De même, les partenariats avec les acteurs du service public de l'emploi sont très variables selon les territoires, si bien que peu d'intervenants extérieurs sont disponibles pour animer la journée emploi dans les territoires ruraux. Par suite, il n'existe pour l'heure pas d'évaluation permettant de démontrer le bénéfice du suivi de cette formation en matière de recherche d'emploi. En ce qui concerne la journée socio-culturelle, elle peut aussi être très éloignée des thèmes liés à l'intégration dans la société et à la culture française. De plus, les signataires du CIR qui choisissent cette journée n'ont pas le choix à son contenu, qui peut être très aléatoire d'une date à une autre, et d'un centre de formation à un autre.

III. ACCOMPAGNER LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME DE 2024 PAR DES MESURES COMPLÉMENTAIRES ET EN SÉCURISANT SON FINANCEMENT

A. CONSOLIDER LE CONTENU DES FORMATIONS POUR LES RENDRE PLUS EFFICACES

En premier lieu, il convient d'instaurer une vraie complémentarité entre les formations, tant sur leur contenu que leur temporalité. Il apparaît en effet souhaitable de faire débuter systématiquement les cours de formation linguistique avant la formation civique, pour que les étrangers puissent disposer de rudiments de la langue française avant d'apprendre des concepts tels que la laïcité.

En second lieu, les supports de formation doivent nécessairement être plus concrets et concentrés autour de l'intégration dans la société française, à travers les droits, mais aussi les devoirs de la vie en France. Ils pourraient également être accessibles en ligne.

Ainsi, quatre jours entiers uniquement dédiés aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu'à l'organisation de la société française, sont nécessaires pour s'assurer d'une bonne transmission des connaissances. La journée dédiée à l'emploi pourrait devenir optionnelle, et uniquement réservée aux signataires du CIR désireux de chercher un emploi ou déjà inscrits à France Travail.

B. ACCOMPAGNER LE BASCULEMENT D'UNE OBLIGATION DE MOYENS À UNE OBLIGATION DE RÉSULTATS

D'une part, un allongement du parcours linguistique, d'au moins 100 heures, semble nécessaire pour atteindre le niveau A2, dans la lignée de l'expérimentation actuellement menée par l'OFII, et en vue d'anticiper l'entrée en vigueur de la réforme.

D'autre part, le test sanctionnant la formation civique devra être le reflet d'une formation civique recentrée sur les valeurs de la République, l'organisation administrative, ainsi que la culture et l'histoire de la France. Il pourrait aussi être divisé en deux parties, l'une orale et l'autre écrite, avec une plateforme en ligne d'entraînement pour les préparationnaires du test, comme cela se pratique dans plusieurs pays européens ayant instauré ce test.

C. SÉCURISER LE FINANCEMENT, NOTAMMENT EN INTRODUISANT UNE PARTICIPATION FINANCIÈRE DES ÉTRANGERS

En l'état actuel du droit, les formations dispensées dans le cadre du CIR sont gratuites. Pourtant, la formation linguistique et civique des étrangers dans le cadre du CIR représente un coût croissant pour nos finances publiques. Sans faire porter la charge exclusive du financement de ce dispositif sur les primo-arrivants, une participation financière selon les conditions de revenus devrait être envisagée.

Plusieurs États européens, dont l'Allemagne et l'Italie, prévoient une participation financière des étrangers aux formations linguistiques qui leur sont dispensées. La France pourrait mettre en place une participation forfaitaire des étrangers aux formations linguistiques. À cette participation, devrait s'ajouter la prise en charge par l'étranger de la certification de son niveau de langue en fin de parcours.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 (DGEF, OFII) : Faire débuter la formation linguistique avant la formation civique, en prévoyant un parcours alternant la formation linguistique avec deux fois deux blocs de deux jours de formation civique, avec des supports de formations complémentaires et accessibles en ligne pour tous les primo-arrivants.

Recommandation n° 2 (DGEF, OFII et ses prestataires) : Recentrer les quatre jours de formation civique autour de contenus uniquement dédiés aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu'à l'organisation de la société française, en transformant la journée « Emploi » en une journée optionnelle pour les signataires du CIR désireux de chercher un emploi ou déjà inscrits à France Travail.

Recommandation n° 3 (DGEF) : Rehausser a minima de 100 heures le volume horaire de la formation linguistique pour l'adapter aux nouvelles exigences du niveau A2, en prévoyant une sortie anticipée du cursus de formation en cas d'atteinte du niveau.

Recommandation n° 4 (DGEF, OFII et ses prestataires) : Structurer le test sanctionnant la formation civique en deux parties, avec une première épreuve écrite, complétée d'un entretien oral de mise en situation, avec des plateformes d'entraînements en ligne à destination des signataires du CIR.

Recommandation n° 5 (Ministère de l'intérieur et des Outre-mer, DGEF) : Mettre les crédits du programme 104 dédiés à la formation linguistique et civique en conformité avec les objectifs affichés par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 et tirer les conséquences de cette réforme sur l'évaluation de la performance de la politique de formation.

Recommandation n° 6 (DGEF, OFII et ses prestataires) : Instaurer une participation financière des étrangers signataires du CIR aux coûts des formations linguistiques et civiques, sous réserve de leurs ressources.

Recommandation n° 7 (DGEF, OFII et ses prestataires) : Instaurer une prise en charge financière, par l'étranger, de la certification du niveau de langue prévue en fin de parcours.

AVANT-PROPOS

« On n'habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c'est cela et rien d'autre ».

Emil Cioran, Aveux et anathèmes, 1986.

Ces propos du philosophe roumain réfugié en France Emil Cioran illustrent de façon topique les problématiques au coeur de la dynamique d'intégration, qui irrigue la mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'intégration, devenu contrat d'intégration républicaine (CIR), depuis la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France. Un précédent rapport du rapporteur spécial de la commission des finances, Roger Karoutchi, consacré à la formation linguistique et civique en 2017, est arrivé à la conclusion que la réforme de 2016 n'a entraîné aucune réelle amélioration.

Le présent rapport est donc l'occasion de faire un bilan de ce dispositif, à l'heure de sa réforme par la loi 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, qui remodèle de nouveau le contrat d'intégration républicaine, tant sur son volet civique que linguistique. La signature de ce contrat est obligatoire pour tous les primo-arrivants non ressortissants d'États membres de l'Union européenne, admis au séjour en France et qui souhaitent s'y installer durablement, hors exemptions limitativement énumérées. Le nombre de CIR signés a sensiblement augmenté, passant d'un peu plus de 106 000 contrats conclus en 2016 à près de 128 000 en 2023.

Alors même que la réforme n'a pas encore produit pleinement ses effets, il faut d'ores et déjà relever les limites à la fois endogènes et exogènes de cette formation étatique. D'une part, la plupart des remarques sur le contenu des formations formulées en 2017, et en particulier sur la formation civique, conservent malheureusement leur portée. Les contenus proposés et enseignés ne peuvent garantir une réelle intégration dans la société française. D'autre part, et partant du fait que l'État ne doit pas être le seul moteur d'intégration, force est de constater que le phénomène communautaire peut être un frein à l'apprentissage de la langue française et des valeurs de la société française transmises dans le cadre du contrat d'intégration républicaine.

I. LA FORMATION LINGUISTIQUE ET CIVIQUE DANS LE CADRE DU CIR, UN LEVIER D'INTÉGRATION CRITIQUÉ

A. UN DISPOSITIF PROGRESSIVEMENT RENFORCÉ...

1. Une formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants ayant fait l'objet de réformes et renforcements successifs

Selon les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France (CESEDA), l'« étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans révolus, et qui souhaite s'y maintenir durablement s'engage dans un parcours personnalisé d'intégration républicaine »8(*). Ce dernier se matérialise par la signature d'un contrat d'intégration (CIR).

Dans une logique contractuelle, la signature par l'étranger primo-arrivant d'un CIR ouvre droit à des formations linguistiques et civiques visant à renforcer son intégration.

À titre préliminaire, il importe de préciser que le CIR et les formations attenantes, qui sont l'objet de ce contrôle, ne s'adressent qu'aux étrangers dits « primo-arrivants ». Il s'agit des étrangers, non-ressortissants d'États membres de l'Union européenne, qui souhaitent s'installer durablement en France et ont obtenus un titre de séjour. Ce dernier peut être délivré pour différents motifs d'admission (économique, familial, humanitaire...). Tous les étrangers résidant légalement en France ne relèvent pas de la catégorie des primo-arrivants. Par exemple, les demandeurs d'asile, en attente d'instruction de leur dossier par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) n'en font pas partie.

Il est également nécessaire de souligner que tous les étrangers primo-arrivants ne sont pas arrivés récemment sur le territoire français. Le terme « primo-arrivant » se réfère à la situation administrative de l'étranger, qui dispose d'un premier titre de séjour, et non pas à l'entrée en France. Environ un tiers des signataires du CIR sont en France depuis plus de deux ans, selon un rapport commun de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale des affaires sociales9(*). Il peut s'agir de bénéficiaires de la protection internationale, de mineurs non accompagnés arrivant à majorité ou de bénéficiaires de l'admission exceptionnelle au séjour, communément désignée sous le terme de « régularisation ».

a) La création d'un cadre contractuel pour l'intégration des étrangers primo-arrivants

La création d'un dispositif d'accueil et de formation des étrangers primo-arrivants en France remonte à 2003 et à l'instauration, à titre expérimental, par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, du contrat d'accueil et d'intégration (CAI). Ce dispositif, expérimenté à compter du 1er juillet 2003 dans douze départements, découlait d'une recommandation du rapport annuel du Haut Conseil à l'Intégration rendu en 200110(*). Dès sa naissance, le CAI prévoyait un volet de formation linguistique et un volet de formation civique. Cette dualité perdure aujourd'hui.

La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a donné une première base légale au CAI, tout en opérant sa généralisation sur l'ensemble du territoire. Dans ce cadre, le CAI comportait un caractère facultatif et devait être proposé, pour une durée d'un an renouvelable une fois, à tout étranger admis pour la première fois au séjour en France en vue d'une installation durable. En contrepartie d'un engagement d'assiduité, l'étranger signataire du CAI bénéficiait d'actions destinées à favoriser son intégration « dans le respect des lois et des valeurs fondamentales de la République »11(*). Ces dernières comportaient une formation linguistique, une formation civique et une journée d'information sur la vie en France.

Au dispositif général du CAI s'ajoutait également un dispositif de pré-contrat d'accueil et d'intégration (pré-CAI). Mis en place par l'OFII en 2008, il visait à préparer l'arrivée d'un étranger en France et d'engager un parcours d'intégration depuis le pays d'origine. Destiné aux demandeurs d'un visa, le pré-CAI prévoyait l'organisation d'un test de langue à l'issue duquel l'étranger demandeur pouvait se voir prescrire un parcours de formation linguistique de 30 heures. La délivrance d'un visa se trouvait conditionnée à l'assiduité à la formation.

La signature d'un contrat d'intégration est devenue obligatoire avec la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. La loi a étendu cette obligation aux mineurs de 16 à 18 ans. La loi du 24 juillet 2006 a également permis de préciser le contenu des formations linguistiques et civique dispensées dans le cadre du CAI, ainsi que les modalités d'évaluation du suivi desdites formations. Elle a enfin prévu que le respect de ce contrat soit pris en compte lors de l'examen de la demande de renouvellement du titre de séjour.

Le contenu du CAI a été ultérieurement précisé par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

b) La structuration progressive des dispositifs de formation linguistique et civique dans le cadre du CIR à partir de 2016

La transformation du contrat d'accueil et d'intégration en contrat d'intégration républicaine (CIR) a été opérée par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France. La création du CIR poursuivait un double objectif de personnalisation du contrat passé entre l'étranger et l'État, d'une part, et d'une meilleure articulation entre ce dispositif et la politique de délivrance des titres de séjour, d'autre part. Pour ce faire, la loi du 7 mars 2016 a conduit à plusieurs évolutions.

Premièrement, cette loi a relevé les objectifs de maîtrise de langue en prévoyant que la formation linguistique dans le cadre du CIR vise à atteindre un niveau A1 du cadre européen de référence pour les langues. Dans le cadre du CAI, l'objectif était d'atteindre le niveau A1.1 soit un niveau de maîtrise élémentaire de la langue française moins élevé.

Deuxièmement, elle a renforcé la place de la maîtrise linguistique dans la délivrance des titres de séjour :

- d'une part, en conditionnant la délivrance d'une carte séjour pluriannuelle à l'assiduité et au sérieux de la participation de l'étranger aux formations prescrites dans le cadre du CIR ;

- d'autre part, en conditionnant la délivrance d'une carte de résident de 10 ans à l'obtention d'une attestation de validation du niveau A2.

Troisièmement, la loi du 7 mars 2016 a renforcé le volet civique de la formation délivrée dans le cadre du CIR. Elle a ainsi introduit une formation civique obligatoire de 12 heures, soit deux journées de stage.

Par ailleurs, la loi de 2016 a procédé à la suppression du dispositif du pré-CAI. Cette mesure de suppression avait notamment été recommandée par un rapport d'évaluation de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), « au vu de l'insuffisance de ses prestations et de leur mauvaise articulation avec les prestations d'accueil délivrées dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration »12(*). En effet, le suivi des prestations d'un pré-CAI ne changeait absolument pas le dispositif d'intégration proposé à l'étranger une fois arrivé sur le territoire. La faible durée des formations et l'absence de sanction adossée au pré-CAI produisait en outre de faibles résultats de maîtrise de la langue française.

La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a poursuivi le renforcement des dispositifs de formation linguistique et civique dans le cadre du CIR. La loi a précisé que la formation linguistique dispensée dans le cadre du CIR « comprend un nombre d'heures d'enseignement de la langue française suffisant pour permettre à l'étranger primo-arrivant d'occuper un emploi et de s'intégrer dans la société française »13(*). Elle a également prévu que cette formation pouvait donner lieu à une certification standardisée du niveau de langue.

En parallèle des dispositions de la loi du 10 septembre 2018, le comité interministériel à l'intégration (C2I) du 5 juin 2018 a prolongé cette orientation, tant sur le volet linguistique que sur le volet civique.

S'agissant du volet linguistique, le C2I a acté le doublement du volume des formations linguistiques. Pour rappel, suite à un entretien d'évaluation initial, le nombre d'heures de formation prescrites était de 50, 100 ou 200 heures. Les formations sont ainsi passées à des modules de 100, 200 ou 400 heures. De nouveaux modules de 600 heures sont également créés. Ces derniers sont spécifiquement destinés aux stagiaires les plus en difficulté avec la langue française, soit le public « non-lecteur, non-scripteur ».

Concernant le volet civique, le C2I a également doublé la durée de formation pour passer de six à douze heures. Le contenu et l'organisation des formations civiques ont également été revues pour pallier les limites soulignées lors des différents rapports de contrôle.

Les évolutions actées par la loi du 10 septembre 2018 comme par le C2I s'appuyaient largement sur les recommandations émises par le député Aurélien Taché dans son rapport « 72 propositions pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France », remis au Gouvernement en février 2018.

c) L'état du droit avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration

À l'issue des évolutions législatives et réglementaires précitées et jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, la formation civique et linguistique dans le cadre du CIR repose donc sur :

une formation linguistique prescrite à l'issue d'un test de niveau en début de cycle. Cette formation linguistique est obligatoire dès lors que l'étranger primo-arrivant ne maîtrise pas le niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Elle vise à l'atteinte de ce niveau par la prescription de modules d'enseignement compris entre 100 et 600 heures. La formation est facultative pour les étrangers maîtrisant d'ores et déjà le niveau A1.

une formation civique obligatoire de douze heures, soit quatre journées de stage, « relative aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu'à l'organisation de la société française »14(*).

En sus des formations linguistique et civique, le CIR prévoit « un conseil en orientation professionnelle et un accompagnement destiné à favoriser son insertion professionnelle, en association avec les structures du service public de l'emploi ».

Il importe de rappeler ici que, si les dispositions du CESEDA posent un principe de signature obligatoire d'un CIR par l'étranger primo-arrivant, elles prévoient certaines exemptions. Plusieurs catégories d'étrangers primo-arrivants sont ainsi dispensées de la signature d'un CIR, parmi lesquelles :

- les ressortissants de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

- les personnes dont le statut relève de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- les personnes réfugiées, apatrides ou bénéficiaires de la protection subsidiaire ;

- les personnes n'ayant pas vocation à s'installer durablement en France, notamment les étrangers titulaires d'une carte de séjour temporaire « étudiant », « visiteur » ou « stagiaire »15(*) ;

- les personnes présentant des garanties suffisantes d'intégration, à l'instar des titulaires d'une carte de résident ou des personnes ayant effectué leur scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français pendant au moins trois années scolaires ou qui ont suivi des études supérieures en France d'une durée au moins égale à une année universitaire16(*).

À noter que si les catégories précitées ne sont pas soumises à l'obligation de signer un CIR, la possibilité de conclure un tel contrat est ouverte à plusieurs d'entre elles. Les étrangers dont le statut est régi par l'accord franco-algérien de 1968 ou les bénéficiaires de la protection temporaire peuvent ainsi s'engager dans un tel parcours.

Par ailleurs, et de manière exceptionnelle, le bénéfice des formations linguistiques de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été ouvert aux bénéficiaires de la protection temporaire, majoritairement des ressortissants ukrainiens. L'objectif poursuivi était de permettre une intégration rapide des ukrainiens arrivés en France à la suite de l'agression russe de février 2022.

Cette possibilité déroge avec le cadre de droit commun puisque le suivi des formations linguistiques est en principe conditionné à la signature d'un CIR. Des avenants aux conventions liant l'OFII et ses prestataires linguistiques ont été signés en mai 2022 pour permettre cette dérogation. En l'absence de signature de CIR, les bénéficiaires de la protection temporaire ne sont pas soumis aux obligations de sérieux et d'assiduité. Des parcours de 100 à 200 heures pour le niveau A1 et de 100 heures pour le niveau A2 et B1 ont ainsi été proposés à ce public, sous réserve d'une attestation provisoire en cours de validité. Entre mai 2022 et décembre 2023, la direction de l'intégration et de l'accès à la nationalité indique que 9 621 diagnostics ont été comptabilisés sur ce dispositif pour 6 063 entrées en formation effectives. La majorité des formations suivies (75 %), l'ont été sur des parcours A1 de 200 heures.

L'accueil et l'orientation linguistique des primo-arrivants par l'OFII

Le parcours d'intégration républicaine, matérialisé par la signature d'un contrat d'intégration républicaine, commence symboliquement par une demi-journée passée dans une plateforme d'accueil (PFA) de l'OFII. Après un premier déplacement en préfecture, l'étranger primo-arrivant est orienté vers la direction territoriale de l'OFII et reçoit une convocation pour un rendez-vous en PFA. Les futurs signataires sont convoqués par groupes de 40 personnes.

L'accueil en PFA dure environ une demi-journée et se structure en trois grandes étapes.

Tout d'abord, les primo-arrivants se voient présenter le parcours d'intégration républicaine et le CIR. Cette présentation, réalisée par un auditeur de l'OFII, permet d'expliquer ce qu'est le CIR, son contenu, les droits et devoirs qu'il implique et ses conséquences sur le parcours d'intégration et le droit au séjour des étrangers concernés. Comme l'indique l'OFII sur son site internet17(*), les auditeurs insistent sur le fondement commun des formations linguistiques et civiques, à savoir « un établissement durable en France et un engagement dans un parcours d'intégration en respectant les valeurs essentielles de la société française et de la République ».

À la suite de cette présentation initiale, les futurs signataires sont soumis à une évaluation de leur niveau de français en deux temps qui doit permettre de déterminer le parcours de formation linguistique adapté.

Dans un premier temps, un test de positionnement écrit évalue les compétences de compréhension et d'expression écrites. Ce test est encadré par des formateurs linguistiques engagés dans un marché de formation avec l'OFII.

Dans un second temps, chaque primo-arrivant bénéficie d'un entretien avec un auditeur de l'OFII. Ce rendez-vous poursuit un double objectif. D'une part, il complète le test de positionnement écrit et permet d'évaluer le niveau d'expression et de compréhension orales de l'étranger. D'autre part, cet échange permet à l'OFII de disposer d'un panorama approfondi sur la situation administrative et professionnelle de la personne auditionnée. Cette dernière peut également faire part à l'OFII de difficultés sociales, familiales ou de santé et bénéficier d'une orientation vers les services compétents (France Travail, Caisse primaire d'assurance maladie...).

L'entretien oral peut se montrer révélateur au regard d'éventuelles difficultés d'intégration. Les auditeurs de l'OFII et les formateurs linguistiques interrogés par le rapporteur spécial ont ainsi fait remonter la survenance ponctuelle d'incidents lors de ces rendez-vous.

Au sortir de l'évaluation orale, l'auditeur valide ou non la maîtrise du niveau A1 par l'étranger. En cas de validation de ce niveau, il est dispensé de suivre les formations linguistiques du CIR. Sinon, il se voit orienté vers le parcours linguistique adapté à son niveau, de 100 à 600 heures. Dans ce cas, il reçoit une convocation auprès d'un centre de formation.

Source : commission des finances d'après l'OFII

À noter que le CIR peut faire l'objet d'une résiliation unilatérale par le préfet18(*), sur proposition de l'OFII, pour deux raisons distinctes :

- d'une part, le non-respect des obligations de sérieux et d'assiduité aux formations linguistique et civique prévues par le CIR ;

- d'autre part, des comportements contraires aux valeurs de la République et de la société française durant le parcours d'intégration (dont le contrôle est détaillé dans un encadré dédié infra).

Sur la période 2017-2023, l'OFII a clôturé négativement un total de 40 371 contrats, soit 7,8 % de contrats clôturés au cours de cette période. Si ces clôtures négatives demeurent largement minoritaires dans le total des ruptures de CIR, elles connaissent une hausse importante depuis 2022 qui parait essentiellement portée par les manquements aux obligations de sérieux et d'assiduité.

Nombre de clôtures négatives de CIR par an sur la période 2017-2023

(en nombre de CIR et en pourcentage)

Clôtures négatives

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Total

Asile

355

1 400

1 248

1 107

2 352

2 350

6 352

15 164

Famille

486

1 711

1 437

1 514

3 026

2 615

7 655

18 444

Économique

76

311

434

271

649

398

1 135

3 274

Autres

82

171

234

311

584

519

1 588

3 489

Total

999

3 593

3 353

3 203

6 611

5 882

16 730

40 371

Clôtures positives

26 236

135 660

39 588

83 310

81 596

25 725

86 778

478 893

Clôtures négatives / clôtures positives

3,7 %

2,6 %

7,8 %

3,7 %

7,5 %

18,6 %

16,2 %

7,8 %

Source : commission des finances d'après les réponses de la DGEF au questionnaire

2. La mise en oeuvre du dispositif de formation linguistique et civique

Selon la direction générale des étrangers en France (DGEF), au 31 décembre 2023, 127 876 contrats d'intégration républicaine ont été signés. Le nombre de signatures en 2023 marque une progression de 16,2 % par rapport à 2022.

Dans une perspective plus large, les signatures de CIR ont augmenté de 20,3 % sur la période 2016-2023. L'année 2020 constitue une exception notable dans cette progression quasi linéaire en raison des difficultés liées à la crise sanitaire. La hausse du nombre de CIR signés depuis 2016 doit être mise en relation avec l'augmentation du nombre de primo-arrivants. En 2023, 326 954 premiers titres de séjour ont été délivrés, contre 230 353 en 201619(*).

À noter qu'une part significative des CIR signés en 2023, soit près de 36 % du total, l'ont été en Ile-de-France.

Évolution du nombre de CIR signés selon le motif de signatures

(en nombre de CIR signés - en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de contrôle

La mise en oeuvre du CIR reflète les évolutions de l'immigration en France. Au sein des bénéficiaires du CIR, si les signataires pour motif familial demeurent majoritaires, avec près de 47 % des personnes concernées par le dispositif, la part des signataires pour motif économique et des réfugiés est en forte hausse. La proportion de réfugiés ayant conclu un CIR a ainsi progressé de plus de 94 % sur la période 2016-2023.

La part croissante des réfugiés se traduit également dans les nationalités les plus représentées parmi les signataires du CIR. A savoir, les ressortissants afghans et ivoiriens, dont les nationalités sont parmi les plus concernées par les demandes d'asile en 202320(*).

La répartition des signataires du CIR selon la nationalité n'est pas sans incidence sur le taux de prescription des formations linguistiques à l'issue de l'évaluation initiale du niveau de français. Certaines nationalités, en particulier des pays du Maghreb, ont, pour des raisons historiques et culturelles, une connaissance de base de la langue française. À l'inverse, des ressortissants afghans ou turcs, plutôt anglophones, ont besoin de suivre des parcours de formation plus longs.

Pays d'origine les plus représentés parmi les signataires du CIR

Pays d'origine des signataires du CIR

Nombre de signataires par pays

Afghanistan

12 754

Maroc

11 430

Tunisie

9 909

Algérie

8 617

Turquie

6 294

Côte d'Ivoire

5 937

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Entre 2018 et 2023, le niveau moyen de maîtrise du français par les primo-arrivants est resté relativement stable. Le taux de prescription du parcours linguistique du niveau A1, qui correspond à la proportion d'étrangers signataires du CIR ne maîtrisant pas ce niveau de base, était de 45,8 % en 2023. Un tel taux de prescription correspond à plus de 12,3 millions d'heures de formation.

Cette moyenne masque des variations de taux de prescription selon les départements. Le taux de renvoi vers un parcours A1 s'élevait ainsi à 63,2 % à Mayotte en 2022. Des disparités existent également entre les différents motifs de signature du CIR. Les bénéficiaires de la protection internationale se distinguent par un taux de prescription linguistique plus important. Selon le rapport annuel 2022 de l'OFII, 71,3 % des bénéficiaires de la protection internationale avaient été orientés vers un parcours A1 en 2022.

Évolution du taux de prescription de formation linguistique entre 2018 et 2022

(en pourcentage)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Taux de prescription

47,3 %

48,2 %

45,9 %

47,5 %

46,5 %

45,8 %

Source : commission des finances, d'après les rapports d'activité de l'OFII

La réforme de la formation linguistique actée par le C2I du 5 juin 2019 a conduit à une évolution de la répartition des primo-arrivants ne maîtrisant pas le niveau A1 entre les différents parcours de formation. Comme exposé supra, la réforme poursuivait un double objectif d'allongement de la durée des formations pour l'ensemble des signataires du CIR concernés et de soutien accru au public non-lecteur non-scripteur.

Les modules de formations de 200 et de 400 heures constituent désormais la majorité des formations linguistiques prescrites aux signataires du CIR orientés par l'OFII. Depuis 2019, le parcours de 600 heures, destiné au public non lecteur et non scripteur a connu un développement certain, avec un quasi doublement des forfaits horaires attribués.

Évolution de la répartition des bénéficiaires de la formation linguistique
selon le forfait horaire attribué

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de contrôle

À la suite de la réforme des formations linguistique et civique de 2018, une évaluation a été commandée au cabinet EY par la DGEF. Le rapport remis par le cabinet de conseil21(*) fournit certains éclairages sur le public concerné par les modules d'apprentissage proposés par l'OFII :

- plus le forfait horaire de formation est élevé, plus la part de femmes parmi les apprenants est importante. En 2019, les femmes représentaient 61 % des signataires du CIR engagés dans un forfait de formation de 600 heures ;

le taux de scolarisation décroit à mesure que la prescription augmente. L'étude montre ainsi que la part des signataires non-scolarisés est quatre fois supérieure pour le parcours de 600 heures par rapport aux parcours de 200 et 400 heures. En miroir, le taux d'études est décroissant par rapport à la durée de formation linguistique prescrite ;

- parmi les motifs de signature du CIR, les réfugiés sont surreprésentés au sein des parcours de 400 et 600 heures. En 2022, 62,3 % des bénéficiaires de la protection internationale (BPI) avaient été orientés vers ces parcours.

Le déplacement du rapporteur spécial
au centre de formation INFORME à Bobigny

Le 25 avril 2023, le rapporteur spécial a visité le centre de formation INFORME (Initiatives pour la formation et l'emploi), structure spécialisée dans la formation linguistique « français langue étrangère » (FLE) pour adultes. Créé en 2004, le centre est titulaire d'un marché de formation linguistique de l'OFII et intervient à Bobigny et à la Courneuve.

Cette visite a permis d'échanger avec le directeur du centre et une partie de ses formateurs. Le rapporteur spécial a également pu assister à une session de formation A1. Cette dernière était dispensée à un groupe de 16 primo-arrivants, engagés dans un parcours linguistique de 100 heures. Les apprenants étaient de nationalités diverses (bangladaise, congolaise, égyptienne, marocaine, tunisienne et ukrainienne).

Le niveau du groupe de formation est apparu fortement hétérogène. Certains apprenants étaient relativement à l'aise avec la langue française tandis que d'autres montraient des difficultés de compréhension et d'expression. Cette hétérogénéité a semblé d'autant plus surprenante que le groupe se situait en fin de parcours linguistique, d'une part, et que l'ensemble de ses membres avait commencé la formation au même moment, d'autre part.

Source : commission des finances, d'après les éléments recueillis lors du déplacement et du site internet d'INFORME

3. Une formation linguistique pouvant se poursuivre au-delà du CIR

La fin du parcours d'intégration et la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle ne signifient pas la fin de l'accompagnement linguistique des étrangers. Plusieurs dispositifs permettent en effet, au-delà du CIR, de renforcer la maîtrise de la langue des étrangers en France.

Premièrement, l'OFII propose, à l'issue de la formation linguistique obligatoire, des parcours de formation complémentaires visant l'atteinte des niveaux A2 et B1 du CECRL, d'une durée de 100 heures pour chacun22(*).

Ces modules additionnels visent à accompagner les étrangers en situation régulière sur une période de cinq ans. Les niveaux A2 et B1 correspondent aux niveaux requis respectivement pour l'obtention d'une carte de résident de dix ans23(*) et pour l'acquisition de la nationalité française24(*). Outre ces objectifs d'intégration de long terme, la poursuite d'un parcours linguistique offre aux bénéficiaires des avantages immédiats en termes d'insertion professionnelle.

Depuis 2022, les formations complémentaires sont désormais directement proposées aux étrangers signataires du CIR mais dispensés de la formation linguistique obligatoire en raison d'une maîtrise du niveau A1.

Cependant, en dépit de ces évolutions et des avantages attenant à la poursuite de la formation linguistique, ces parcours complémentaires facultatifs paraissent peu prisés par les étrangers pouvant en bénéficier. D'une part, des contraintes personnelles ou professionnelles peuvent désinciter les publics concernés à s'engager dans une nouvelle formation contraignante et, d'autre part, la majorité d'entre eux ne sont pas encore éligibles à une carte de résident ou à la naturalisation.

Deuxièmement, le service public de l'emploi peut assurer le financement de formations « français langue étrangère » (FLE). Les étrangers salariés ont ainsi la possibilité de mobiliser leur compte personnel de formation (CPF) pour bénéficier d'une formation en FLE. Selon les données recueillies par la commission des lois du Sénat lors de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, 8 516 formations avaient été dispensées de janvier à octobre 2022 dans ce cadre. Ce type de formation peut également relever de l'initiative de l'employeur, en application de l'article L. 6321-1 du code du travail, notamment pour permettre l'adaptation du salarié à son poste de travail.

Troisièmement, les collectivités territoriales organisent également des formations linguistiques, qu'ils s'agissent des régions, au titre de l'insertion socio-professionnelle, des départements, au titre de la solidarité, ou des communes.

4. Une application différée et allégée du CIR à Mayotte
a) Un dispositif allégé compte tenu des contraintes spécifiques au département de Mayotte

Jusqu'à la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, le CAI puis le CIR n'était pas applicable à Mayotte. Son introduction dans ce département a été rendue possible par l'article 61 de la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France. Cet article a cependant prévu une extension du CIR à Mayotte de manière progressive à compter du 1er janvier 2018, en application de l'article 73 de la Constitution qui dispose que le législateur peut prévoir des adaptations tenant à des « caractéristiques et contraintes particulières ».

S'agissant de Mayotte et du CIR, les caractéristiques et contraintes particulières ont été notamment exposées dans le rapport au président de la République relatif à l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du CESEDA, qui indiquait que « si le français est la langue officielle de l'île, il n'est pas ou peu connu des personnes âgées qui, ainsi que la plupart des plus jeunes, utilisent une langue africaine vernaculaire. Ainsi, un dispositif volontariste en faveur de l'apprentissage du français par les étrangers pourrait amener des incompréhensions. De même, la formation civique apportée dans ces prestations pourrait contenir des prescriptions opposées aux dispositions du statut personnel autorisé à Mayotte et dérogatoire au droit commun sur de nombreux points (mariage, droit religieux...) ».

Par conséquent, le format du contrat d'intégration républicaine a été largement allégé pour son application à Mayotte :

- d'une part, pour le volet linguistique, la formation visant l'obtention du niveau A1 est limitée à un module de 100 heures, soit l'équivalent du parcours de formation le plus court dispensé dans le dispositif de droit commun ;

- d'autre part, pour le volet civique, la durée de formation a été fixée à deux jours, contre quatre jours sur le reste du territoire. La première journée permet de transmettre des informations générales et éléments pratiques tandis que la seconde journée concentre la formation sur les quatre thématiques de l'emploi, la santé, la parentalité et le logement.

Par ailleurs, le CIR mahorais ne prévoit pas, comme dans le droit commun, de positionnement linguistique initial externalisé, de formations complémentaires vers les niveaux A2 et B1, de certification du niveau de langue prise en charge par l'État, d'orientation vers le service public de l'emploi ou d'entretien de fin de CIR.

b) Une entrée en vigueur différée et reportée à plusieurs reprises

Outre un format allégé, la loi du 7 mars 2016 a aussi prévu une entrée en vigueur progressive du contrat d'intégration républicaine à Mayotte. Initialement fixée au 1er janvier 2018, son application a été une première fois reportée jusqu'en 2020 par la loi de finances pour 201825(*), puis jusqu'en 2022 par la loi de finances pour 202026(*). Le CIR adapté est finalement entré en vigueur dans ce département au 1er janvier 2022.

Ces deux reports successifs de l'application du CIR dans ce territoire s'expliquaient en particulier, outre les tensions liées au contexte migratoire mahorais, par la difficulté pour les services de la préfecture et de l'OFII d'identifier des prestataires locaux en mesure d'assurer les formations linguistiques et civiques.

B. ...DONT LA MISE EN oeUVRE A FAIT L'OBJET DE CRITIQUES RÉCURRENTES...

1. L'absence regrettable d'obligation de résultats en dépit d'un objectif de maitrise de la langue française peu ambitieux
a) L'assiduité et le sérieux, des critères d'évaluation insatisfaisants

En l'état actuel du droit et jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2024, l'étranger signataire d'un CIR n'est soumis à aucune condition de résultat sur l'atteinte du niveau A1, comme sur l'assimilation des notions dispensées dans le cadre de la formation civique.

Les dispositions du CESEDA précisent simplement que, pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle, le signataire du CIR est tenu d'une part, de respecter les « valeurs essentielles de la société française et de la République » et, d'autre part, de suivre avec « assiduité et sérieux » les formations linguistique et civique27(*). Dans une instruction de février 2021 relative à la politique d'intégration des étrangers primo-arrivants, le ministère de l'intérieur et des Outre-mer avait précisé les modalités d'évaluation de ces critères28(*) : « La condition de sérieux est remplie dès lors que l'étranger a été attentif au contenu des formations dispensées et, dans le cadre de la formation linguistique, a progressé d'au moins un point par rapport au niveau initial. La condition d'assiduité est satisfaite dès lors que l'étranger primo-arrivant a suivi au moins 80 % de la formation linguistique et a assisté, en l'état, au moins aux trois premières journées de formation civique sur les quatre journées prévues ».

b) Un objectif limité de maîtrise de la langue française

Au-delà de l'absence d'obligation de résultat attachée à la formation linguistique, force est de constater que l'atteinte du niveau A1 paraît insuffisant au regard de la finalité d'intégration des étrangers primo-arrivants. Dans son précédent rapport consacré à la formation linguistique et civique en 2017, le rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat, Roger Karoutchi, avait souligné que le niveau A1.1 s'apparentait davantage à un « kit de survie » qu'à un gage d'intégration29(*).

Ainsi, le niveau A1 ne semble pas suffisant pour permettre une réelle intégration. Le rapport sur l'insertion par l'emploi des étrangers primo-arrivants, réalisé par l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale des affaires sociales en avril 202130(*), relève lui aussi que le niveau A1 n'est pas suffisant pour pouvoir être intégré professionnellement.

Les auditions du rapporteur spécial, tant d'opérateurs des marchés de formation que de France Travail, confirment que le rehaussement de l'objectif de maîtrise de la langue est indispensable à une meilleure intégration professionnelle. Le seul niveau A1 confine les étrangers primo-arrivants dans des emplois très peu qualifiés et dans lesquels l'usage du français est limité. Selon une étude réalisée par l'INSEE, les immigrés qui maîtrisent le français perçoivent, en moyenne, un salaire 17 % plus élevé31(*).

Le cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL)

Utilisateur élémentaire

A1

Introductif ou découverte - Peut comprendre et utiliser des expressions familières et quotidiennes ainsi que des énoncés très simples qui visent à satisfaire des besoins concrets. Peut se présenter ou présenter quelqu'un et poser à une personne des questions la concernant - par exemple, sur son lieu d'habitation, ses relations, ce qui lui appartient, etc. - et peut répondre au même type de questions. Peut communiquer de façon simple si l'interlocuteur parle lentement et distinctement et se montre coopératif.

A2

Intermédiaire ou de survie - Peut comprendre des phrases isolées et des expressions fréquemment utilisées en relation avec des domaines immédiats de priorité (par exemple, informations personnelles et familiales simples, achats, environnement proche, travail). Peut communiquer lors de tâches simples et habituelles ne demandant qu'un échange d'informations simple et direct sur des sujets familiers et habituels. Peut décrire avec des moyens simples sa formation, son environnement immédiat et évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats.

Utilisateur intermédiaire

B1

Niveau seuil - Peut comprendre les points essentiels quand un langage clair et standard est utilisé et s'il s'agit de choses familières dans le travail, à l'école, dans les loisirs, etc. Peut se débrouiller dans la plupart des situations rencontrées en voyage dans une région où la langue cible est parlée. Peut produire un discours simple et cohérent sur des sujets familiers et dans ses domaines d'intérêt. Peut raconter un événement, une expérience ou un rêve, décrire un espoir ou un but et exposer brièvement des raisons ou explications pour un projet ou une idée.

 

B2

Avancé ou indépendant - Peut comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits dans un texte complexe, y compris une discussion technique dans sa spécialité. Peut communiquer avec un degré de spontanéité et d'aisance tel qu'une conversation avec un locuteur natif ne comportant de tension ni pour l'un ni pour l'autre. Peut s'exprimer de façon claire et détaillée sur une grande gamme de sujets, émettre un avis sur un sujet d'actualité et exposer les avantages et les inconvénients de différentes possibilités.

Utilisateur expérimenté

C1

Autonome - Peut comprendre une grande gamme de textes longs et exigeants, ainsi que saisir des significations implicites. Peut s'exprimer spontanément et couramment sans trop apparemment devoir chercher ses mots. Peut utiliser la langue de façon efficace et souple dans sa vie sociale, professionnelle ou académique. Peut s'exprimer sur des sujets complexes de façon claire et bien structurée et manifester son contrôle des outils d'organisation, d'articulation et de cohésion du discours.

C2

Maîtrise - Peut comprendre sans effort pratiquement tout ce qu'il/elle lit ou entend. Peut restituer faits et arguments de diverses sources écrites et orales en les résumant de façon cohérente. Peut s'exprimer spontanément, très couramment et de façon précise et peut rendre distinctes de fines nuances de sens en rapport avec des sujets complexes.

Source : commission des finances, d'après le CECRL

2. Une formation civique trop théorique et condensée sur quatre jours

La formation civique dispensée dans le cadre du CIR s'organise, comme indiqué supra, sur quatre journées de formation au contenu suivant :

- une journée de présentation générale de la France et des principes-clés de l'intégration ;

- une journée d'approfondissement des principes d'intégration donnant lieu à la délivrance d'une feuille de route sur la suite de la formation ;

- une troisième journée consacrée aux principes et valeurs de la République qui donne en théorie lieu à des cas pratiques et mises en situation ;

- une quatrième journée d'ateliers thématiques au choix du primo-arrivant qui peut opter pour un atelier professionnel, un atelier social ou un atelier culturel selon ses préférences et les priorités de son projet. De manière générale, les primo-arrivants, priorisant leur insertion dans l'emploi, choisissent très majoritairement l'atelier professionnel.

Deux critiques principales ont été formulées à propos de la formation civique depuis son introduction dans le cadre du CIR auxquelles les réformes successives jusqu'à la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 ne sont pas parvenus à véritablement répondre.

D'une part, sur le fond, la formation civique poursuit des objectifs ambitieux de transmission d'un très grand nombre d'informations. Ces dernières relèvent tant de grands concepts abstraits comme les « principes et valeurs de la République », qui peuvent s'avérer complexe à appréhender pour des publics d'origines socioculturels divers, que d'informations pratiques sur la vie en France, autour de grandes thématiques comme l'emploi, le logement ou la santé.

D'autre part, s'agissant de l'organisation pratique de son déroulement, la formation intervient particulièrement tôt dans le parcours d'intégration des étrangers. Ceux-ci sont généralement convoqués en formation civique avant d'avoir commencé les cours de langue française. Il en ressort un profond décalage entre les capacités de compréhension du public assistant à ces formations et l'ambitieux contenu qu'elles sont supposées transmettre. Pour répondre à la barrière linguistique, le cahier des clauses particulières de l'OFII prévoit la présence obligatoire d'un service d'interprétariat lors de ces formations. Outre la contrainte pour les organismes de formation d'identifier et de sélectionner des interprètes qualifiés, le recours à l'interprétariat réduit la portée des interventions des formateurs. Or, 65,2 % des stagiaires ont eu besoin d'un service d'interprétariat en 2023 que les prestataires de l'OFII ont fournis dans 79 langues.

3. Un modèle de formation soumis à des contraintes endogènes et exogènes

Les différents travaux d'évaluation de la formation linguistique et civique ainsi que les auditions et déplacements du rapporteur, en Ile-de-France et en Bourgogne-Franche-Comté, font apparaître des difficultés récurrentes dans le déroulement des parcours de formation.

Premièrement, les délais d'entrée en formation peuvent être rallongés par rapport à leur durée théorique. Comme souligné dans le rapport externe d'évaluation des formations linguistique et civique, le délai qui intervient entre la prescription des formations et le début des cours est prévu pour être d'un mois maximum. Or, nombre de primo-arrivants sont confrontés à des délais plus longs. Selon les annexes du rapport précité, cinq primo-arrivants interrogés sur six ont déclaré avoir suivi de leur propre initiative des cours de français hors du CIR pour pallier les délais de prise en charge. Cet allongement des délais peut s'expliquer en partie par les aléas du parcours d'intégration et par la durée des démarches administratives auprès des préfectures ou de l'OFII. Selon le département, un facteur de flux peut également intervenir. Dans les départements urbains où les primo-arrivants sont plus nombreux, une saturation des modules de formation peut apparaitre. À l'inverse, dans les départements plus ruraux, le seuil minimal de six personnes fixé par le cahier des clauses particulières (CCP) de l'OFII pour constituer un groupe d'apprentissage peut être difficile à atteindre et ralentir l'entrée en formation.

Concernant les formations linguistiques, le principe d'entrée « date à date » dans les formations, visant à prévenir les entrées en cours de formation, peut également contribuer à ralentir l'entrée en formation.

S'agissant des formations civiques, la mobilisation de services d'interprétariat, obligatoire, constitue un facteur additionnel de report du début de la formation, en particulier dans les territoires les moins dotés.

Deuxièmement, des difficultés ont été signalées concernant certains employeurs réticents à libérer leurs salariés pour les formations linguistique et civique. En effet, lorsque le signataire du CIR a unemploi, il peut demander un aménagement de son temps de travail pour suivre les formations. Ces difficultés peuvent survenir du côté de l'étranger salarié qui, placé dans une situation hiérarchique et ayant des besoins financiers, sera réticent à solliciter un aménagement de son temps de travail par peur de perdre son emploi. Les difficultés peuvent aussi émerger du côté de l'employeur, particulièrement dans le cas des petites et moyennes entreprises. Ce dernier pourra ainsi refuser de se priver d'un salarié, dans le souci de ne pas pénaliser l'activité de son entreprise. En outre, selon les formateurs interrogés par le rapporteur, une grande partie des employeurs est mal informée sur le parcours d'intégration et les obligations qui incombent aux signataires du CIR. Un travail de dialogue et de sensibilisation incombe de fait aux formateurs et aux auditeurs de l'OFII.

En l'état actuel du droit et avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, le refus de l'employeur conduit l'étranger salarié à aménager son temps de formation. Cet aménagement repose essentiellement sur un étalement des cours et leur concentration sur les soirées et les week-ends.

Troisièmement, en dépit de la réforme des marchés de formation qui visait en partie à répondre à ce point, les organismes de formation peinent encore à organiser des groupes d'apprentissage homogènes. Les dernières révisions des marchés de formation, en 2019 et 2022, poursuivaient l'objectif d'une plus grande homogénéisation des groupes de travail. Le déplacement du rapporteur à Bobigny a toutefois permis d'observer que cet objectif n'était pas atteint. Le rapporteur a pu assister à une formation, dans le cadre d'un parcours de 200 heures, dispensé à un groupe dont les membres, d'origines et de milieux socioculturels variés, présentaient des niveaux de langue hétérogènes. Ce constat est d'autant plus surprenant que le groupe observé se situait en fin de parcours et auraient donc dû tous être proches du niveau A1.

C. ...AVEC UN COÛT BUDGÉTAIRE CROISSANT POUR DES RÉSULTATS DÉCEVANTS

1. Un coût budgétaire ayant plus que doublé depuis 2016

Sur le plan de la nomenclature budgétaire, les crédits dédiés à la formation linguistique et civique relèvent du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » de la mission « Immigration, asile et intégration. L'action 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants » du programme 104 supporte l'essentiel du financement de ces formations au titre de l'enveloppe budgétaire allouée à l'OFII. Aux crédits de l'action 11 s'ajoute également un financement subsidiaire de l'action 12 du même programme qui permettent de financer les formations A2 et B1 hors CIR.

Sur la période 2016-2023, les crédits dédiés aux formations linguistiques et civiques ont plus que doublé, passant de 36,8 millions d'euros à 116,9 millions d'euros en sept ans, soit une augmentation de plus de 217 %. Cette progression est proportionnellement plus importante que l'évolution du nombre de CIR signés sur la même période, qui n'est que de + 27 %.

Mise en perspective de l'évolution des dépenses liées à la formation civique
et linguistique avec l'évolution du nombre de CIR signés entre 2016 et 2023

(en nombre de CIR signés à gauche - en millions d'euros à droite)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Elle correspond surtout aux effets des réformes successives de la formation civique et linguistique depuis la loi du 7 mars 2016, qui ont notamment allongé les durées de formation. À titre d'illustration, la multiplication par deux des dépenses consacrées à la formation civique depuis 2020 répond au passage de deux à quatre journées de stage suite au comité interministériel à l'intégration (C2I) du 5 juin 2018.

Évolution des dépenses consacrées à la formation civique et linguistique
sur la période 2016-2023

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Évolution 2016-2023

Formation linguistique

28,68

44,22

41,51

46,73

51,87

66,33

70,50

85,82

+ 199,27 %

Formation civique

8,01

8,43

8,14

13,97

15,50

24,43

24,72

31,05

+ 283,31 %

Total

36,78

52,64

49,65

60,70

67,37

90,76

95,21

116,86

+ 217,78 %

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Selon la DGEF et l'OFII, le coût moyen pondéré de la formation linguistique et civique, en 2024, est :

- de 7,40 euros par heure pour la formation linguistique, selon une estimation fondée sur 20 marchés de formation, hors Mayotte ;

- de 64,49 euros par journée de formation civique pour les journées 1, 2 et 3 du parcours. Le coût des journée 1 et 2 redescend à 58,43 euros lorsqu'elles sont assurées à distance. S'agissant de la « journée 4 », le coût unitaire moyen s'élève à 67,57 euros pour l'atelier emploi et de 66,85 euros pour l'atelier socio-culturel. À noter que le coût moyen de la formation civique tient en principe compte du coût de l'interprétariat.

Le coût de formation peut faire l'objet d'une revalorisation annuelle, sur la base de l'évolution de l'indice des prix à la consommation, et sous réserve que les prestataires en fassent la demande.

Évolution des crédits dédiées à la formation linguistique par rapport au nombre d'heures de formation linguistique dispensées entre 2016 et 2023

(en nombre d'heures de formation à gauche - en millions d'euros à droite)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Aux crédits inscrits dans le programme 104 au titre de l'intégration se sont ajoutés des financements supplémentaires pour couvrir le coût de l'accompagnement des bénéficiaires ukrainiens de la protection temporaire. En 2023, ce sont 4,7 millions d'euros qui ont été prévus en loi de finances initiale sur l'action 12 du programme 104, dont 2,8 millions d'euros dédiés à la formation linguistique de ce public.

2. Des résultats décevants au regard des moyens budgétaires consacrés à la formation linguistique

Force est de constater qu'au regard des moyens budgétaires croissants engagés sur la formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants, les résultats obtenus sont particulièrement décevants. En dépit d'un objectif linguistique de maîtrise du seul niveau A1, comme indiqué supra, le taux d'atteinte en fin de parcours demeure peu élevé. En 2023, seulement 68 % des personnes orientés en formation linguistique ont atteint le niveau A1, soit une baisse de neuf points par rapport aux résultats obtenus en 2021.

Évolution du taux d'atteinte du niveau A1 à l'issue de la formation linguistique dans le cadre du CIR

(en pourcentage)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Taux d'atteinte du niveau A1

67 %

74,3 %

76,4 %

67 %

68 %

Note : les chiffres de 2022 et 2023 sont calculés en incluant le département de Mayotte

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de contrôle

Certes, les taux d'atteinte du niveau A1 en 2022 et 2023 sont minorés par les résultats particulièrement faibles obtenus à Mayotte. Dans ce département, la proportion de personnes orientées vers la formation linguistique et qui valident le niveau A1 n'était que de 43,3 % en 2022. Le taux d'atteinte, hors Mayotte, s'élèverait à 70,1 % en 2023.

Il n'en demeure pas moins que ces faibles performances sont préoccupantes. Les résultats obtenus en 2023 sont inférieurs de plus de dix points de pourcentage à l'objectif de 80 % d'atteinte du niveau A1 fixé par le projet annuel de performances de la mission « Immigration, asile et intégration » annexé au projet de loi de finances pour 2023. Cet objectif de 80 % a été maintenu dans le projet annuel de performances présenté dans le cadre du PLF 2024 et devrait être fixé à 85 % à compter de 2025.

Par ailleurs, il existe de très fortes disparités de résultats entre les différents parcours horaires de formation linguistique. Pour 2022, le taux d'atteinte moyen du niveau A1 n'était que de 42 % pour les parcours de 600 heures et de 62 % pour les parcours de 400 heures, contre 80 % pour les parcours de 100 heures. Or les parcours de 400 et 600 heures regroupent les personnes les plus en difficulté avec la langue française et ayant un niveau scolaire plus faible. Ces caractéristiques recoupent majoritairement les bénéficiaires de la protection internationale. La proportion de ces derniers dans le public des formations linguistiques est en croissance sur la période 2018-2023.

En outre, l'OFII souligne, dans son rapport d'activité 2022, que l'entrée en vigueur de nouvelles grilles d'évaluation initiale du niveau de langue a pu conduire à une surestimation du niveau des étrangers primo-arrivants, conduisant à l'orientation dans les parcours de 100 et 200 heures de personnes qui auraient nécessité des formations plus longues.

En tout état de cause, la mise en perspective de la progression continue des moyens budgétaires alloués à la politique d'intégration et des résultats obtenus par les dispositifs de formation linguistique dans le cadre du CIR montre clairement les insuffisances du dispositif.

II. UN DISPOSITIF DE FORMATION LINGUISTIQUE ET CIVIQUE SENSIBLEMENT RENFORCÉ PAR LA LOI DU 26 JANVIER 2024 POUR CONTRÔLER L'IMMIGRATION, AMÉLIORER L'INTÉGRATION

A. UNE RÉFORME AMBITIEUSE DU CADRE DE LA FORMATION CIVIQUE ET LINGUISTIQUE OPÉRÉE PAR LA LOI DU 26 JANVIER 2024...

1. Un rehaussement du niveau de langues exigé pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident dans le cadre de la formation linguistique
a) La fixation du niveau de langue demandé au niveau législatif issue d'un apport sénatorial

L'article 1er du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, prévoyait de conditionner la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle (CSP) à la connaissance d'un niveau minimal de la langue française, qui devait être déterminé par voie réglementaire par le biais d'un décret en Conseil d'État. Au-delà de l'obligation de suivi sérieux et assidu des formations prescrites dans le cadre du CIR, la réforme introduit une obligation de résultats. En effet, l'étranger qui souhaite se voir délivrer une CSP devra désormais justifier de sa maîtrise du français en fournissant un document au titre des pièces obligatoires définies par un arrêté du 4 mai 2022, qui devra par conséquent être complété de la pièce attestant le niveau de langue.

Afin de préciser et compléter le niveau linguistique demandé, la commission des lois du Sénat a, par l'adoption d'un amendement des rapporteurs, précisé explicitement que le niveau requis pour la délivrance d'une CSP serait le niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL)32(*), en laissant au pouvoir réglementaire le soin de prévoir des conditions d'aménagement ou de dispense d'une telle justification de français pour les personnes incapables de la fournir. La commission des lois du Sénat a par conséquent également réhaussé le niveau de langues pour l'octroi d'une carte de résident, qui sera désormais le niveau B1 du CECRL33(*), et celui pour acquérir la nationalité française, qui sera désormais le niveau B2 du CECRL34(*).

Supprimées par la commission des lois de l'Assemblée nationale, ces dispositions ont finalement été retenues dans le texte de la commission mixte paritaire et dans le texte promulgué, à l'article 20, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2026.

Selon l'étude d'impact du projet de loi et les informations transmises par la direction générale des étrangers en France, plusieurs types de justificatifs du niveau de langues pourront être recevables :

- les titres ou diplômes attestant d'un niveau de connaissance du français au moins équivalent au niveau exigé du CECRL, qui sont des diplômes de langue française reconnus par l'État, comme le diplôme d'études en langue française (DELF), le diplôme approfondi de langue française (DALF) ou encore le diplôme de compétence linguistique (DCL) délivrés par le ministère de l'éducation nationale ;

- les diplômes de niveau 3 délivrés par une autorité française, en France ou à l'étranger, sanctionnant un enseignement suivi en langue française quel que soit le domaine ou la discipline concerné : diplômes de l'enseignement secondaire (diplôme national du brevet, BEP, CAP, baccalauréat...) et supérieur (licences, masters, doctorats, diplômes d'État dans les secteurs de la santé et du social, etc.) ainsi que les titres et diplômes enregistrés au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), dont la validité peut être vérifiée sur le site de France Compétences ;

- les tests linguistiques certifiés reconnus par le ministère de l'intérieur attestant du niveau de français requis : le test de connaissance du français (TCF), délivré par France Education International et le test d'évaluation du français (TEF), délivré par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris.

Actuellement, il existe d'ores et déjà un dispositif de certification mis en place dans le cadre du CIR, qui permet à tout signataire volontaire et éligible de s'inscrire à une certification d'un niveau A1, A2 ou B1. Les certifications proposées sont prises en charge financièrement par l'OFII. Le coût de cette certification représente pour l'OFII un montant de l'ordre de 2,5 millions d'euros par an selon les informations transmises par l'Office. À ce jour, les modalités de prise en charge de cette certification dans le cadre de l'application de la loi du 26 janvier 2024 n'ont pas encore été précisées.

Afin d'anticiper le passage au niveau A2, la direction générale des étrangers en France et l'OFII ont mis en place plusieurs expérimentations sur le territoire à partir du 1er mars 2024. Ainsi, les signataires du CIR, dans le département du Val-de-Marne et de la région Bourgogne-Franche-Comté, dont la maîtrise du français est inférieure au niveau A2, bénéficient dorénavant d'un nombre d'heures de formation plus important. Les personnes ayant déjà le niveau A1, qui étaient jusqu'alors dispensées de formation linguistique, se voient désormais prescrire un parcours de 200 heures pour atteindre le niveau A2. De la même façon, les personnes qui bénéficiaient jusqu'à présent de 100, 200, 400 ou 600 heures de formation pour atteindre le niveau A1, se verront désormais prescrire 200 heures supplémentaires pour atteindre le niveau A2. Ainsi, les parcours prescrits seront donc de 200 heures à 800 heures pour atteindre le niveau A2, contre 100 à 600 heures aujourd'hui.

L'expérimentation, lancée sur deux lots expérimentateurs par avenant au marché de formation linguistique de l'OFII, concerne 8 100 personnes, avec 5 500 personnes à Créteil et 2 600 personnes en Bourgogne-Franche-Comté. Concrètement, lors du positionnement linguistique en plateforme d'accueil au sein des directions territoriales de l'OFII, les signataires du CIR évalués en-deçà du niveau A2 seront fortement incités à suivre ces parcours de formation linguistique avec un niveau réhaussé, tout en restant informés du fait que seul le niveau A1 demeure pour l'instant obligatoire au regard des exigences réglementaires. Il convient de relever que le recours à des aménagements horaires, telle que la demande de passage en cours du soir par exemple, est facilitée dans le cadre de ce parcours de formation plus long.

La date de fin de cette expérimentation sera arrêtée par le comité de pilotage, réunissant les différentes parties prenantes à cette expérimentation, à savoir la direction de l'intégration et de l'accès à la nationalité (DIAN), l'OFII et les prestataires en charge de la formation linguistique.

L'expérimentation du niveau A2 à Châtillon-sur-Seine
dans le département de la Côte-d'Or

L'expérimentation du niveau A2, mise en oeuvre à partir 1er mars 2024, a été annoncée en octobre 2023 à la direction territoriale et au prestataire de formation linguistique, ce qui leur a laissé peu de temps pour trouver des salles et des formateurs supplémentaires. Ces derniers, recrutés par Frate Formation Conseil dans la région Bourgogne-Franche-Comté, sont présents sur les plateformes d'accueil de l'OFII, afin de proposer ce niveau A2.

Ainsi, entre mars et avril 2024, 433 signataires du CIR se sont vus proposer un parcours A2 de 200 heures. Environ 20,5 % des signataires ont refusé de suivre ce parcours, principalement pour des raisons professionnelles (27 %) ou pour des raisons diverses liées à un déménagement, une absence au premier jour de la formation ou encore le souhait d'un report dans le temps de cette formation (48 %).

Ce rehaussement du niveau a engendré une adaptation de la mallette pédagogique, initialement conçue pour un niveau A1. Les modifications de la mallette mettent principalement l'accent sur les scenarios pratiques relatifs au monde du travail et la formation professionnelle, dans la mesure où ce choix de parcours apparaît largement motivé par une volonté d'insertion dans le marché du travail.

Ce territoire rural a pour spécificité qu'il n'y pas toujours assez de signataires du CIR pour former un groupe d'apprentissage de la langue. L'OFII ne peut imposer à son prestataire d'ouvrir un groupe que lorsqu'il y a au moins six personnes. Ce manque d'offre de formation, cumulé aux difficultés des signataires du CIR de se rendre sur les lieux de formation en l'absence de transports en commun, ont pour conséquence que des signataires peuvent mettre deux à trois ans pour remplir leurs obligations de formation linguistique dans le cadre du CIR. Dans ce cas, des échanges s'opèrent entre l'OFII et la préfecture pour expliquer les raisons du non-respect de toutes les obligations de formation au bout de deux ans.

Dans ce contexte, les groupes de formation linguistique sont multi-niveaux, avec des A1.0 non scripteur, non lecteur, des A1.1 et des A2.

Depuis le 1er mars 2024, sur les 34 sorties à l'échelle de la région Bourgogne-France-Comté, qui représentent toutefois un échantillonnage faible, il y a eu 91 % de réussite à la fin de la formation sur le parcours de 200 heures pour l'obtention du niveau A235(*).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les éléments recueillis auprès de la direction territoriale de l'OFII à Dijon et du prestataire de formation linguistique Frate Formation Conseil

Dans le même temps, des expérimentations ont aussi été lancées en ce qui concerne la formation linguistique à visée professionnelle, avec la prescription d'un forfait de 400 heures, également à partir du 1er mars 2024, dans la région Grand Est et en Occitanie. Pour être éligible à ce dispositif, le signataire du CIR doit présenter une maîtrise de la langue française minimale de A1.1 à l'écrit ou à l'oral et démontrer sa volonté à travailler sur son projet professionnel et à entrer rapidement sur le marché de l'emploi. Selon les projections fondées sur les données de 2023, 2 831 signataires du CIR pourraient être concernés par ce dispositif, dont 1 359 personnes en Grand Est et 1 472 personnes en Occitanie. L'expérimentation a pour objectif, dans le cadre de la formation linguistique obligatoire, de permettre l'acquisition de compétences linguistiques suffisantes et d'une connaissance élémentaire des codes du monde de l'entreprise et du marché du travail en France, pour améliorer l'employabilité des signataires du CIR et faciliter leur accès à des formations qualifiantes ou pré-qualifiantes. Elle a quant à elle une durée de six mois.

Cette expérimentation, qui s'appuie désormais sur les prestataires linguistiques de l'OFII, s'inscrit dans la continuité d'une expérimentation de formation linguistique à visée professionnelle précédemment menée dans le cadre du CIR en partenariat avec le conseil régional d'Ile-de-France, d'octobre 2022 à octobre 2023. La portée de cette expérimentation était réduite ab initio, dès lors que le public éligible à ce dispositif a été restreint par la nécessité d'une inscription préalable à Pôle emploi, devenu France Travail, et la stabilité géographique des signataires du CIR, alors même que l'Ile-de-France se caractérise par une mobilité intrarégionale forte. Sur les 55 orientations de signataires de CIR réalisées, 25 ont donné lieu à une entrée effective en formation. À la fin de l'expérimentation, seulement neuf personnes ont trouvé un emploi, dont quatre en contrat à durée indéterminée.

b) Ce niveau de langue renforcé correspond en réalité à un alignement sur les exigences de la plupart des pays européens

Le rehaussement du niveau de langue exigé est conforme au cadre posé par le droit européen.

En effet, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé, dans un arrêt du 4 juin 2015, P,S contre Commissie Sociale Zekerheid Breda36(*), que les États membres peuvent exiger certaines conditions d'intégration pour les ressortissants de pays tiers, conformément à leur droit national, et ce, conformément à l'article 5 de la directive 2003/10937(*), sous l'intitulé « Conditions relatives à l'acquisition du statut de résident de longue durée », sous réserve que les conditions pratiques de mise en oeuvre sont conformes à la directive. Il revient ainsi au juge national de vérifier le niveau de connaissance exigé, l'accessibilité au cours, le montant des frais d'inscription, ou encore les circonstances individuelles telles que l'âge, l'analphabétisme ou le niveau d'éducation du ressortissant étranger38(*).

Par suite, de nombreux États européens conditionnent la délivrance de titres de longue durée ou le renouvellement de titres à une maîtrise minimale de la langue. En Italie, lors de la délivrance du premier titre de séjour, les ressortissants de pays tiers signent un contrat d'intégration qui les contraint à justifier du niveau A2 après deux ans de séjour, qui peut être prorogé d'un an en cas de non atteinte de ce niveau, de même qu'une connaissance suffisante des principes fondamentaux de la Constitution italienne, du civisme, de la culture et de la vie en Italie. En Grèce, les ressortissants de pays tiers doivent justifier d'une maîtrise de la langue grecque au niveau B1, et passer avec succès un examen de culture et d'histoire grecque en langue grecque, pour obtenir une carte de résident.

Certains États européens vont même jusqu'à conditionner une connaissance minimale de la langue du pays préalablement à l'installation sur le territoire. En Allemagne, les primo-arrivants s'installant dans le cadre d'un regroupement familial doivent justifier d'un niveau A1 en allemand pour obtenir un visa, et le niveau B1 est requis pour obtenir une carte de résident. Il en va de même en Autriche pour la maîtrise du niveau A1 avant l'installation sur le territoire. Un niveau A2 est exigé en cas de renouvellement d'un titre de séjour et un niveau B1 en cas d'octroi d'une carte de résident.

Il apparaît ainsi que la réforme de la formation linguistique issue de la loi du 26 janvier 2024 permet à la France de réduire son décalage avec les autres pays européens. Le rehaussement du niveau de langue du niveau A1 au niveau A2 pour l'octroi d'une carte de séjour pluriannuelle pourra avoir des effets non négligeables en termes d'augmentation du niveau de maîtrise de la langue française. Si l'étude d'impact est largement silencieuse sur les effets de la réforme39(*), dans la mesure notamment où le projet de loi initial prévoyait de confier la fixation du niveau de langues au pouvoir réglementaire, les effets du relèvement du niveau A1.1 au niveau A1 suite à la réforme du CIR, entrée en vigueur le 1er mars 2019, ont été évalués pour les bénéficiaires de la protection internationale40(*). La réforme a ainsi conduit à une augmentation de 9 points de pourcentage de la part des bénéficiaires de la protection internationale atteignant le niveau A1, soit une augmentation de 16 % par rapport à son niveau antérieur. 1 800 bénéficiaires de la protection internationale auraient ainsi atteint le niveau A1 sur les 21 000 signataires de CIR entre mars 2019 et février 2020.

c) Ces obligations ne s'appliqueront toutefois pas à un nombre conséquent de primo-arrivants

Les nouvelles obligations de justification d'un niveau de français suffisant et de réussite de l'examen civique, issues de la réforme de la loi pour contrôler l'immigration, ne s'imposeront toutefois pas à tous les primo-arrivants.

D'une part, certains étrangers signent le CIR, mais ne seront pas soumis à ces obligations. Il s'agit tout d'abord des bénéficiaires de la protection internationale ou du statut d'apatride, qui se voient délivrer une carte de résident de dix ans. Ces bénéficiaires représentent une part croissante des signataires de CIR, avec 27 138 signataires sur 110 080 signataires en 2022, et 38 119 signataires sur 127 876 signataires en 2023. Par ailleurs, il s'agit aussi des primo-arrivants régis par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Les algériens représentent 6 626 signataires du CIR en 2022 et 8 617 signataires en 2023.

Au niveau cumulé, l'ensemble de ces étrangers signataires du CIR mais non soumis aux nouvelles obligations de la loi du 26 janvier 2024 représentent 36,5 % des signataires en 2023.

Nombre d'étrangers signataires du CIR en 2023 mais non soumis
aux nouvelles obligations de la loi du 26 janvier 2024

(en nombre de CIR signés)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire de contrôle

D'autre part, les étrangers, non signataires du CIR dans la mesure où ils n'ont pas vocation à rester durablement en France, ne sont de facto pas soumis à ces obligations associées au CIR. La liste des titres de séjour dispensé de la signature du CIR figure à l'article L. 413-8 du CESEDA, et contient majoritairement des détenteurs de cartes de séjour temporaires et de cartes de séjour pluriannuelles pour les salariés détachés et les travailleurs saisonniers.

2. La délivrance de cartes de séjour pluriannuelles et de cartes de résident aussi conditionnée à la réussite d'un examen à l'issue de la formation civique
a) L'instauration d'un test sanctionnant la formation civique à compter du 1er janvier 2026, dont le contenu a été enrichi

Sous l'impulsion de la commission des lois du Sénat, la loi du 26 janvier 2024 a enrichi le contenu de la formation civique à l'histoire et la culture de la société française. Ainsi, l'article L. 413-3 du CESEDA, dans sa version modifiée par l'article 20 de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, dispose que la formation civique prescrite par l'État doit être « relative aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu'à l'organisation de la société française », à partir du 1er janvier 2026.

Il ressort des supports de formation établis par la direction générale des étrangers en France que la formation civique contient déjà des éléments sur l'histoire de France, ainsi que des Outre-mer, sous forme d'une frise chronologique de quatre pages, allant de l'Antiquité à la Vème République, lors de la troisième journée de formation civique dite « J3 ». De même, cette journée permet aussi d'aborder certains aspects de la culture française, notamment à travers les monuments nationaux, la littérature, l'art ou encore la gastronomie.

Toutefois, le rapporteur spécial estime que l'affirmation de la culture et de l'histoire de la société française au rang législatif permettra utilement de réorienter le contenu de la formation civique, qui tend à s'élargir à de nombreux domaines, largement éloignés du noyau dur des principes structurants de notre République et de son histoire.

Par ailleurs, la commission des lois du Sénat a également introduit le principe d'un test à la fin de la formation civique, qui conditionnera la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle et de la carte de résident pour tous les demandeurs qui auront signés le CIR.

Ce dispositif devrait avoir pour effet, au moins à court terme, de faire diminuer le nombre de délivrances de cartes de séjour pluriannuelles et de cartes de résident, par parallélisme avec l'obtention de la nationalité française. En effet, depuis la mise en place de l'entretien de naturalisation dit « d'assimilation »41(*), on observe une baisse de l'ordre de 30 % du nombre de naturalisations42(*).

b) Les modalités de mise en oeuvre de cet examen, d'ores et déjà pratiqué par certains partenaires européens, demeurent toutefois floues

Le contenu du test sanctionnant la formation civique ainsi que ses modalités devront être précisés par arrêté. Pour l'heure, selon les informations transmises par la direction de l'intégration et de l'accès à la nationalité, les éléments de ce test civique sont en cours de définition.

Là encore, à l'instar du rehaussement du niveau de langue exigé, l'instauration d'un test à l'issue de la formation civique se pratique dans la plupart des pays européens qui ont instauré le suivi d'une formation dédiée43(*).

En Allemagne, l'obtention du certificat de cours d'intégration passe par la réussite du test de langue, le « Test d'allemand pour immigrés - Deutsch-Test für Zuwanderer » (DTZ) » et le test « Vivre en Allemagne ». Ce test civique intervient à la fin du cycle de cours dit « d'orientation », sur l'ordre juridique, l'histoire et la culture, des droits et devoirs en Allemagne, les formes de vie communautaire dans la société ainsi que les valeurs importantes en Allemagne, telles que la liberté de religion, la tolérance et l'égalité femmes-hommes. Ces cours se déroulent à la fin du cours de langue et comprennent en principe 100 unités d'enseignement, mais peuvent parfois être limités à 30 unités d'enseignement en cas de cours intensif. Afin de déterminer le parcours adapté, le prestataire du cours d'orientation évalue le niveau de l'étranger.

Le test à l'issue de la formation civique contient des questions relatives au système politique allemand, comme son organisation administrative, à la diversité des religions et à l'égalité en droits des femmes et des hommes. Il comprend 33 questions à choix multiple, avec une seule bonne réponse possible sur quatre propositions. Le test est réussi lorsque au moins 15 des 33 questions sont correctes44(*), dans le temps imparti d'une heure. Toutes les questions sont disponibles et accessibles en ligne, afin que les étrangers participant à ce test puissent s'entraîner.

S'agissant du coût de ces formations en Allemagne, une participation financière des étrangers à hauteur de 2,29 euros45(*) est requise pour chaque heure de cours. Dans la mesure où le parcours d'intégration général comprend 700 heures de cours au total, le montant à verser pour les étrangers est de l'ordre de 1 600 euros, qui peut être échelonné et payé pour chaque tranche de 100 heures de cours. Des exemptions aux contributions aux frais sont prévues en cas de bénéfice de l'allocation citoyenne (« Bürgergeld »), de l'allocation chômage ou de toute autre aide sociale. Par ailleurs, en cas de réussite aux tests finaux dans les deux ans qui suivent la délivrance de l'autorisation de participer, l'étranger peut obtenir, sous certaines conditions, le remboursement de la moitié de sa contribution aux frais.

En Italie, un accord d'intégration est systématiquement souscrit pour les étrangers qui demandent un permis de séjour d'au moins un an, par lequel ils s'engagent, envers l'État, à atteindre des objectifs spécifiques d'intégration, moyennant l'achèvement d'un parcours linguistique, civique et social au cours de la période de validité du permis de séjour, mais aussi la scolarisation de leurs enfants le cas échéant. Lors de la souscription, 16 crédits sont attribués au signataire, crédits qui peuvent être augmentés moyennant l'acquisition de connaissances données en langue italienne niveau A2, mais aussi sur les principes fondamentaux de la Constitution italienne et la culture civique en Italie. Avant deux ans, un étranger doit avoir atteint 30 crédits pour rester sur le territoire italien, sachant que l'absentéisme à la formation civique entraîne le retrait de 15 crédits.

Le test de langue italienne et de culture civique requis dans le cadre de l'accord d'intégration est divisé en deux parties, une partie écrite et une partie orale. La partie écrite comprend la lecture et l'écoute d'un texte avec des réponses écrites à formuler à diverses questions, ainsi que l'écriture d'un court texte. La partie orale permet quant à elle d'évaluer l'étranger sur des questions sur la vie en Italie ou encore la Constitution italienne.

Les cours de langue et d'éducation civique sont gratuits pour les migrants. Les frais sont pris en charge par le ministère de l'Éducation nationale, de l'Université et de la Recherche, une simple participation est demandée de l'ordre de 60 euros pour l'achat du matériel nécessaire.

Aux Pays-Bas, hormis certains publics spécifiques46(*), l'État n'intervient pas dans la formation des étrangers souhaitant s'installer durablement sur le territoire néerlandais. Ils doivent faire individuellement eux-mêmes les démarches auprès d'organismes de formation47(*) afin d'obtenir un examen d'intégration, qui comprend un volet civique et un volet linguistique, avec une maîtrise du néerlandais au moins au niveau A2. Afin de financer ses formations, la personne étrangère peut solliciter un prêt étatique, dont le montant maximal est de 10 000 euros en fonction des revenus de la personne, appréhendés à l'échelle du foyer fiscal, sauf pour les réfugiés dont le prêt n'est pas conditionné aux revenus. La participation à l'examen d'intégration est payante et de l'ordre de 300 euros. Six mois après la réussite de l'examen d'intégration, la personne étrangère doit rembourser le montant utilisé du prêt, dans un délai de dix ans, et proportionnellement à ses revenus ainsi que ceux de son partenaire.

Les formations linguistiques et civiques en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas ainsi que leurs prises en charge financière

 

Formation linguistique

Formation civique

Prise en charge financière de ces formations

Allemagne

Les cours de langue font partie intégrante du parcours d'intégration, et sont un préalable au cours d'intégration civique.

600 unités d'enseignement (UE) de langue, pouvant aller jusqu'à 900 UE.

Un « test d'allemand pour les immigrés » (DTZ) a lieu à la fin de la formation linguistique.

La formation civique comprend 100 UE et est sanctionnée par la réussite d'un test « Vivre en Allemagne ».

Les personnes étrangères doivent participer, à compter du 1er octobre 2022, à hauteur de 2,29 euros par heure de cours, avec des possibilités d'exemption en cas de bénéfice de certaines aides sociales, soit un montant total de 1 600 euros pour un parcours d'intégration de 700 UE.

En cas de réussite aux deux tests, il est possible, sous certaines conditions, d'obtenir le remboursement de la moitié de la contribution aux frais, soit un montant de l'ordre de 800 euros.

Italie

La formation linguistique pour atteindre le niveau A2 comprend 200 heures de cours, dont 180 heures d'activité d'enseignement.

Les étrangers doivent suivre une formation civique, en plus de la formation linguistique.

Un test de langue et de culture civique est organisé à l'issue des formations.

Gratuité de tous les cours, avec une simple participation financière requise pour l'achat du matériel nécessaire.

Pays-Bas

Des cours de langue doivent être suivis à la suite d'une démarche individuelle par les étrangers qui arrivent sur le territoire néerlandais.

Il en va de même pour la formation civique, qui n'est pas organisée par l'État, qui contrôle simplement la qualité de la formation délivrée à travers un label.

La réussite d'un examen d'intégration est requise, qui comprend à la fois un volet linguistique et un volet civique.

Prêt étatique d'un montant maximal de 10 000 euros pour permettre aux étrangers de payer leurs formations, qui doit être remboursé dans un délai de 10 ans à la suite de la réussite de l'examen d'intégration.

Source : commission des finances du Sénat

3. Une plus grande association des employeurs au parcours d'intégration des primo-arrivants
a) Des formations dans le cadre du CIR déjà largement orientées vers l'insertion professionnelle, particulièrement à partir de la révision des marchés de formation de l'OFII à partir de 2022

Le comité interministériel à l'immigration et à l'intégration (C3I), du 6 novembre 2019, a entendu renforcer le volet emploi de la politique de l'intégration48(*).

Dans ce contexte, la quatrième journée de la formation civique, dont la durée a été portée à quatre jours en mars 2019 hors Mayotte, a été recentrée sur l'emploi dès 2021, en laissant aussi la possibilité aux signataires du CIR de choisir alternativement un atelier « socio-culturel ». En 2023, 66 % des signataires du CIR ont choisi la journée 4 « emploi », soit 81 309 signataires.

Cette réorientation professionnelle de la formation civique a notamment été permise grâce à la révision des marchés de l'OFII à partir du 1er janvier 2022, et à travers les trois marchés de formation linguistique, de formation civique et de positionnement linguistique/certification49(*), qui reposent sur des lots géographiques.

En premier lieu, les exigences qualitatives des marchés ont été renforcées à travers différentes mesures :

- le relèvement des conditions de recrutement des formateurs et des interprètes en termes de diplômes, d'expérience professionnelle et de maîtrise de la langue française. À titre d'exemple, les formateurs civiques doivent être titulaires d'un diplôme de niveau licence, avec une expérience professionnelle d'au moins deux ans dans le domaine de la formation pour adultes, ou bien de cinq ans en cas d'obtention d'un diplôme en deçà de la licence, et maîtriser la langue française au niveau C2 ;

- la prise en compte dans la sélection des offres, de l'obtention de la certification qualité des prestataires d'action de formation exigée par le ministère du travail (« Qualiopi ») ;

- la diminution de la pondération du critère prix par rapport aux précédents marchés publics (20 % pour la formation linguistique contre 30 % avant 2022 et 30 % pour la formation civique contre 40 % dans les précédents marchés) ;

- l'augmentation des sanctions financières pour retard dans les délais ou mauvaise exécution, avec l'instauration d'un système de bonus.

En second lieu, la refonte des formations linguistiques et civiques a permis d'irriguer ces dernières d'aspects plus professionnalisants. Ainsi, la mallette pédagogique de la formation linguistique a évolué pour proposer une approche par situations inspirée de la didactique professionnelle, avec des préconisations obligatoires pour chaque forfait, notamment des mises en situation professionnelle. La refonte des différentes mallettes pédagogiques de formations linguistiques et civiques a été conduit par la direction de l'intégration et de l'accès à la nationalité, en lien avec l'OFII, chargé d'intégrer ces nouvelles exigences au cahier des clauses particulières des marchés et au système d'information, qui était alors en cours de développement entre l'OFII et les préfecture, « CIR Nouvelle génération » dit « CIR-NG ».

S'agissant de la journée 4 « emploi », elle s'est progressivement perfectionnée pour se diviser en deux ateliers, spécialisés en fonction du profil du signataire. Le premier atelier est destiné aux personnes déjà actives, en recherche d'emploi ou en création d'entreprise, et vise ainsi à familiariser les étrangers avec le monde économique et leur donner les informations importantes pour débuter une recherche d'emploi ou encore faire valider leurs expériences. Le second atelier est quant à lui pour les personnes éloignées de l'emploi et a pour objectif de sensibiliser à l'importance de l'insertion professionnelle de façon assez générique.

Par ailleurs, un accord national50(*), signé le 1er mars 2021, pour les années 2020 à 2024, entre l'État, l'OFII, et le service public de l'emploi - France Travail, l'Union nationale des missions locales (UNML), le Conseil national handicap et emploi des organismes de placement spécialisés et l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) - a pu permettre de mobiliser les acteurs du service public de l'emploi dans le cadre de la journée 4 « emploi » de la formation civique. Ainsi, des partenariats ont pu être noués localement entre les prestataires de formation et plusieurs acteurs du service public de l'emploi, du monde économique et de la formation professionnelle. En 2023, la mise à jour des données relatives aux partenariats noués localement montre que les directions territoriales de l'OFII déclarent suivre localement 342 partenariats, plus ou moins mobilisés et qui peuvent potentiellement donner lieu à des interventions lors de la journée 4 « emploi », ce qui représente une moyenne de 11 partenariats par direction territoriale.

Enfin, France Travail a déployé un module de formation en ligne à destination des formateurs prestataires de la formation civique dans le cadre du CIR afin de leur présenter l'offre de service de France Travail et a animé plusieurs webinaires d'échanges de pratiques.

Or, force est de constater que cette orientation professionnelle tend à prendre une place substantielle au sein de la formation civique, au point d'empiéter sur le noyau dur, qui devrait consister en l'apprentissage des principes structurants de la République, ainsi que les droits et devoirs liés à la vie en France, conformément aux dispositions de l'article L. 413-3 du CESEDA.

Par ailleurs, il n'existe pour l'heure pas d'évaluation permettant de mesurer les effets de cette journée 4 « emploi » sur l'insertion professionnelle des signataires du CIR, si bien qu'il est impossible d'établir des corrélations entre le bénéfice de cette formation et le fait de trouver un emploi.

En effet, les données transmises par France Travail dans le cadre de ce contrôle budgétaire ont été très génériques. Au niveau national, 59 % des personnes qui ont signé le CIR s'inscriraient à France Travail. Concernant Mayotte, l'organisme n'a pas été en mesure de communiquer de chiffres s'agissant du nombre de primo-arrivants inscrits.

Avec l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, à partir du 1er janvier 2025, tous les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) seront automatiquement inscrits à France Travail. Au 1er mai 2024, France Travail ne dispose pas de projections précises à horizon 2025, même si cet établissement public anticipe un volume bien plus important à prendre en charge par leurs services, qui nécessitera une offre de services plus musclée, notamment en matière d'apprentissage de la langue française. 60 % des personnes étrangères hors Union européenne pourraient être bénéficiaires du RSA, ce qui représente environs 80 000 primo-arrivants inscrits de plus à France Travail par an.

Par ailleurs, il résulte des travaux menés par le rapporteur spécial que plusieurs critiques, déjà relevées dans différents rapports d'évaluation, peuvent toujours être formulées à l'encontre de cette orientation professionnelle de la formation civique.

En premier lieu, les partenariats avec les acteurs du service public de l'emploi sont très variables selon les territoires. En septembre 2021, un rapport du cabinet d'audit Ernst & Young (EY)51(*) relevait que la mobilisation des acteurs du territoire au cours de la journée 4 « emploi » pouvait s'avérer complexe pour les territoires ruraux52(*).

En deuxième lieu, force est de constater qu'il existe toujours peu de dispositifs spécifiquement destinés aux personnes arrivant en France pour motif familial53(*), alors même que cette catégorie de primo-arrivants constitue pourtant 47 % des signataires en 2023, dont la majorité sont des femmes. Les dispositifs d'accompagnement sont davantage tournés vers les bénéficiaires de la protection internationale, comme les programmes Hope et AGIR spécifiquement dédiés à l'intégration, notamment professionnelle, des personnes réfugiées. S'agissant en particulier des femmes qui arrivent en France dans le cadre du regroupement familial, le rapporteur spécial constate un certain renoncement de l'État face à ces populations qui affirment ne pas vouloir s'orienter vers la formation et l'emploi. L'OFII semble ainsi se contenter d'un constat d'échec d'une partie des objectifs du CIR pour ces populations.

En troisième et dernier lieu, le rapport IGA/IGAS/IGESR d'avril 2021 préconisait de bâtir un véritable partenariat entre l'OFII et Pôle Emploi, devenu France Travail, avec notamment la mise en place de permanences de conseillers dans les directions territoriales de l'OFII et de formations communes entre les agents des deux établissements. Si les liens se sont renforcés entre ces deux organismes, le rapporteur spécial relève une absence de relai de France Travail en plateforme d'accueil de l'OFII, à l'occasion du déplacement réalisé au sein de la direction territoriale de Paris.

Dans ce contexte, et alors que de nombreuses personnes auditionnées ont rapporté être confrontées à de nombreux employeurs ne souhaitant pas libérer leurs employés afin de suivre les formations dans le cadre du CIR, la loi du 26 janvier 2024 entend associer davantage les employeurs au parcours d'intégration des primo-arrivants.

b) Un renforcement des obligations des employeurs en matière de formation au français

L'article 23 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration modifie plusieurs dispositions relatives à la formation continue des salariés au sein du code du travail afin d'organiser la contribution des employeurs à la formation linguistique de leurs salariés signataires d'un CIR.

D'une part, cet article permet aux employeurs, dans le cadre du plan de développement de compétences, de proposer à l'ensemble de leurs salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret. D'autre part, il crée un nouvel article L. 6321-3 dans le code du travail permettant aux salariés allophones signataires d'un CIR de comptabiliser comme temps de travail effectif les actions permettant le suivi de leur formation linguistique. Celles-ci sont considérées comme réalisées sur leur temps de travail, et donc avec maintien de leur rémunération. Enfin, cet article complète l'article L. 6323-17 du code du travail consacré aux autorisations d'absence pour le suivi des formations prévues dans le cadre du CPF par un nouvel alinéa, qui dispose que, pour le seul suivi des formations en français langue étrangère (FLE) dans le cadre du parcours de formation linguistique de l'étranger signataire d'un CIR, l'autorisation d'absence pendant le temps de travail est de droit54(*).

Au regard des réticences constatées de nombreux employeurs pour libérer leurs salariés le temps des formations linguistiques et civiques dans le cadre du CIR, il est possible de se demander comment ces nouvelles mesures se mettront en oeuvre en pratique, notamment dans les secteurs en tension sur le marché du travail.

La commission des lois du Sénat, « jugeant les possibilités actuelles de formation suffisantes et ne souhaitant pas imposer aux employeurs des obligations qui relèvent davantage des pouvoirs publics »55(*), avait supprimé cet article du projet de loi, dont le coût pour les employeurs n'a pas été chiffré dans l'étude d'impact.

B. ...QUI NE PERMET TOUTEFOIS PAS DE RÉPONDRE PLEINEMENT AUX LACUNES IDENTIFIÉES DES FORMATIONS LINGUISTIQUES ET CIVIQUES...

1. Une formation linguistique largement déconnectée de la formation civique, avec un niveau initial évalué trop rapidement

Le rehaussement du niveau linguistique ne permettra pas de résoudre toutes les difficultés de la formation linguistique dans le cadre du CIR, outre les problèmes de disponibilités des signataires du CIR au regard de leurs éventuelles contraintes professionnelles, qui ont déjà été relevés.

En effet, en premier lieu, la qualité de l'évaluation du positionnement linguistique semble encore perfectible, et ce, alors même qu'il fait l'objet d'un marché dédié à la suite de la révision des marchés de l'OFII à partir de 2022 et que des professionnels interviennent désormais en plateforme d'accueil (PFA) pour effectuer ces tests linguistiques. L'évaluation des signataires du CIR comprend deux étapes, une phase de test écrit d'une durée de 30 minutes, et un entretien oral de 10 minutes. Conformément au guide du positionnement en plateforme d'accueil, élaboré par le ministère de l'intérieur et l'OFII en novembre 2022, l'entretien oral doit permettre de recueillir des informations et confirmer des hypothèses sur le niveau de scolarisation de la personne et ses capacités d'apprentissage. Il est recommandé aux évaluateurs de proposer une reformulation des questions le cas échéant, de veiller à ce que la personne puisse avoir des opportunités pour s'exprimer, ainsi qu'une bonne gestion du temps de l'entretien, qui doit être ni trop lent ni trop rapide. Or, lors de son déplacement en PFA, le rapporteur spécial a assisté à plusieurs entretiens oraux de positionnement linguistiques, qui ont tous duré moins de cinq minutes, avec peu de questions afférentes aux compétences scolaires éventuellement développées dans le pays d'origine. Par suite, le rapporteur spécial ne peut que le regretter, considérant que cette connaissance constitue un préalable nécessaire à une bonne formation linguistique, afin de bien les orienter.

Le positionnement linguistique effectué trop rapidement, et sur la base d'ailleurs d'une fiche navette assez sommaire, pourrait expliquer, du moins en partie, l'hétérogénéité des groupes arrivés en fin de formation linguistique, constatés lors du déplacement au centre de formation Informe à Bobigny. L'audit interne mené par l'OFII en 2023 révèle à ce propos que 16 % des prestations d'évaluation initiale sont à ajuster ou à revoir dans le cadre du marché de positionnement linguistique.

En deuxième lieu, la formation linguistique n'apparaît pas assez complémentaire avec la formation civique. Lors du déplacement en plateforme d'accueil, plusieurs personnes auditionnées ont fait remonter au rapporteur spécial une certaine lassitude exprimée par des signataires sur le contenu des formations linguistiques, avec une redondance concernant l'apprentissage des fruits et des légumes. Lors de ses déplacements dans des centres de formation linguistique, le rapporteur a pu remarquer aussi une certaine déconnexion avec les sujets civiques, à travers une formation linguistique tournée vers l'apprentissage des numéros d'urgence ou encore des différents bâtiments dans une ville. Les résultats de l'audit interne de l'OFII menés en 2023 confirment ce décalage. Pour 2022 et 2023, respectivement 37 % et 33 % des prestations de formation linguistique sont à ajuster ou à revoir.

En outre, le rapporteur spécial relève que la disposition des classes, d'ailleurs chargées56(*), est peu propice aux interactions et aux participations, qui constituent pourtant des clés pour progresser au mieux dans la maîtrise d'une langue.

2. Une multiplication des objectifs de la formation civique entraînant une dilution de l'apprentissage des droits et des devoirs liés à l'intégration dans la société française

En dépit des réformes successives, la formation civique n'est toujours pas adaptée et semble s'éloigner de plus en plus de la transmission des valeurs et des principes structurants de la République française.

Sur la forme, le rapporteur spécial constate que les classes de formation civique sont aussi chargées, à l'instar de celles de formation linguistique, avec en moyenne 17 personnes dans chaque cours. Les formateurs essaient néanmoins de créer des plus petits groupes de trois à quatre personnes à l'intérieur de cet ensemble à l'aide d'une disposition des tables adaptée. Certains signataires du CIR peuvent suivre les deux premières journées par visio-conférence.

La mise en oeuvre de la formation à distance (FAD)
dans le cadre de la formation civique

À partir de 2022, la possibilité a été instaurée de suivre les deux premières journées de formation civique à distance, sous certaines conditions, telles qu'une bonne connexion internet et un matériel adapté, et en cas de maîtrise d'un certain niveau de langues. La mallette pédagogique a par conséquent été adaptée pour permettre de suivre les cours par visio-conférence.

Ce dispositif n'a toutefois pas été beaucoup utilisé, il ne concerne que 2 % des parcours de formation civique.

Un dispositif similaire est prévu dans le cadre de la formation linguistique, mais qui a été aussi peu mobilisé. Moins de 50 000 heures ont été dispensées à distance, soit 0,4 % du total des heures de formations linguistiques.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

En ce qui concerne les trois premières journées de formation, elles sont trop denses et insuffisamment centrées sur la mise en oeuvre au quotidien des principes structurants de la République française. Le rapporteur spécial regrette que les constats issus du rapport de 2017 du président Roger Karoutchi57(*), alors rapporteur spécial des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », soient toujours d'actualité, et ce, alors même que, selon les informations transmises par l'OFII, les supports de formation ont été mis à jour fin 2023 suite à la constitution d'un groupe d'experts dans le cadre de la promulgation des lois sur le plein emploi et pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

Les contenus sont toujours trop denses, et ont même eu tendance à s'étoffer. Alors que les Power Point de formation contenaient en moyenne 80 diapositives par journée en 2016, ils en contiennent aujourd'hui en moyenne 180 pour chaque journée de formation. Certains thèmes apparaissent largement éloignés de l'apprentissage des valeurs civiques, comme les règles applicables aux contrats de bail, ou encore les caractéristiques démographiques de la France. Dès lors, les formateurs, qui ne peuvent s'appuyer que sur ce seul outil pédagogique, sont obligés d'aborder ces aspects très théoriques. Le rapporteur spécial relève d'ailleurs que les supports de formation sont très centrés autour des droits en France, et manquent très souvent d'associer en parallèle les devoirs liés à l'exercice des droits auxquels peuvent prétendre les primo-arrivants.

Des supports abstraits et peu adaptés : extraits du diaporama
de la journée 2 de formation civique (dans l'ordre de gauche à droite
et de haut en bas : diapositives consacrées aux valeurs de la République,
au logement, à la santé et au travail)

 
 
 
 

Source : DGEF et OFII

Par ailleurs, au-delà de la dilution des thèmes étudiés, l'histoire et la culture française sont abordées de façon éparse au fil des diapositives et des trois journées de formation de six heures, ce qui ne permet pas de traiter les sujets en profondeur. En septembre 2021, le rapport du cabinet d'audit Ernst & Young (EY)58(*) notait que l'apprentissage de l'histoire de France était jugé décousu par de nombreux formateurs.

S'agissant de la quatrième journée optionnelle, au-delà de ce qui a déjà été souligné pour la journée 4 « emploi », il apparaît que la journée 4 socio-culturelle peut aussi s'avérer quant à elle très éloignée des thèmes liés à l'intégration dans la société et la culture française. Les signataires du CIR qui choisissent la journée socio-culturelle n'ont pas le choix quant au contenu de la journée, qui peut être très aléatoire d'une date à une autre, et d'un centre de formation à un autre. Elle peut ainsi, par exemple, s'articuler autour de la visite d'un musée, et notamment en région parisienne. Grâce au partenariat avec le Centre des monuments nationaux (CNM), signé en juillet 2022 avec le ministère de l'intérieur et l'OFII, les organismes de formation peuvent organiser des visites culturelles pour les signataires du CIR. Entre septembre 2022 et décembre 2023, 227 visites de groupes ont été organisées dans divers monuments nationaux59(*), ce qui constitue finalement peu de sorties culturelles à l'échelle nationale au regard du nombre de groupes.

Lors des déplacements du rapporteur spécial, il est ressorti que la journée 4 socio-culturelle pouvait aussi, par exemple, comprendre des ateliers pour apprendre à faire diverses démarches administratives (Administration numérique pour les étrangers (ANEF), Défenseur des droits, etc.) ou même pour l'apprentissage des gestes de premier secours.

Ainsi, l'audit interne mené par l'OFII en 2023 estime que respectivement 36 % et 24 % des prestations sont à ajuster ou à revoir en 2022 et 2023 dans le cadre de la formation civique. Il convient de relever que l'amélioration de ces prestations est particulièrement délicate dans les territoires ruraux où certains organismes de formation disposent d'un monopole. Même si les sanctions ont été renforcées dans le cadre de la révision des marchés de l'OFII en 2022, force est de constater que celles-ci demeurent assez vaines lorsqu'il n'y a qu'un seul prestataire de formation civique sur un territoire donné.

Enfin, le rapporteur spécial tient à souligner que la formation civique, et notamment la présentation de certaines valeurs afférentes à l'égalité entre les femmes et les hommes, peut susciter un rejet auprès de certains publics. En cas d'attitude ou de comportement contraires aux valeurs de la République, la personne est reçue par le responsable du site de formation, et un signalement peut être effectué via l'application CIR-NG, directement reliée avec les préfectures, et ainsi au dossier de renouvellement de carte de séjour pluriannuelle.

Le suivi et le traitement des incidents lors des formations linguistique et civique

Depuis la mise en production de l'application CIR-NG au 2 janvier 2022, le suivi et le traitement des incidents conduisant à une rupture de CIR a été facilité. La nouvelle application permet une communication plus fluide des dossiers entre les différentes directions territoriales de l'OFII et les préfectures. Les incidents survenus lors des formations civiques et linguistiques sont signalés à la direction générale des étrangers en France, qui est informée en temps réel par le canal de CIR-NG. Grâce à cette application, les préfectures peuvent consulter directement les dossiers individuels des étrangers concernés.

Afin de traiter au mieux ce type d'incidents, l'OFII a mis en place une procédure de gestion des incidents, précisée dans une note du directeur de l'OFII, Didier Leschi, aux directeurs territoriaux de l'OFII, en date du 16 janvier 2023. Les prestataires de l'OFII étant tenus de signaler tous les incidents impliquant des stagiaires, formateurs ou tiers à la formation60(*), trois cas de figures peuvent se présenter :

- lorsque l'incident est lié à un intervenant, le titulaire du marché de formation doit exclure tout formateur qui ne respecterait pas les principes d'égalité et de neutralité qui s'attachent au service public. Conformément au cahier des clauses particulières (CCP), en cas de non-respect avéré de ses obligations par un formateur, la direction territoriale de l'OFII peut demander son exclusion par le prestataire, sous peine de pénalité, si elle n'a pas été effectuée ;

- lorsque l'incident est lié à un interprète, le CCP et la charte de déontologie relative à l'engagement d'un interprète imposent aux interprètes, sous la responsabilité du prestataire, des obligations de neutralité. En cas de non-respect de ces obligations, la direction territoriale de l'OFII peut exclure l'interprète de l'ensemble du dispositif de formation. Elle en informe le prestataire par courrier ;

- lorsque l'incident est lié à un apprenant, le formateur peut exclure l'étranger de la formation, après un avertissement oral. L'exclusion de la formation se fait en application du règlement intérieur du prestataire, qui en informe immédiatement l'OFII. Plus largement, tout incident donnant lieu à un rejet manifeste des valeurs de la République par un stagiaire est remonté à l'OFII, par le bouton « Déclarer un incident » sur CIR-NG. L'OFII informe par la suite l'étranger de son exclusion des dispositifs de formation et l'invite à formuler des observations pour un éventuel recours. En fonction des observations de l'étranger, le directeur territorial prend la décision de proposer au préfet une résiliation du CIR, ou de la réintégration dans les formations. Dans ce cadre, l'OFII soumet au préfet une proposition de courrier de résiliation. Si l'étranger est bénéficiaire de la protection internationale, l'OFII informe l'OFPRA.

Conformément au CESEDA, la décision de résiliation du CIR est en effet prise par le préfet, sur proposition de l'OFII, lorsque « l'étranger, sans motif légitime, ne participe pas ou plus à une formation prescrite ou ne respecte pas les engagements souscrits dans le cadre du contrat d'intégration républicaine »61(*). Le préfet motive la décision de résiliation et précise ses conséquences sur la délivrance d'un titre de séjour pluriannuel.

Le suivi conjoint des dossiers par l'OFII et la DGEF paraît toutefois perfectible aux yeux du rapporteur spécial. L'OFII ne dispose ainsi d'aucun éléments statistiques sur les décisions prises par les préfectures suite à la rupture de CIR, sans que l'on puisse déterminer s'il s'agit d'une absence de compilation des données au niveau des directions territoriales de l'OFII ou d'un manque d'information de l'OFII par les préfectures. Si l'OFII n'est pas compétente au fonds pour traiter des procédures de délivrance des titres de séjour, un retour d'information systématique de la part des préfectures afin de déterminer les conséquences concrètes sur la situation des étrangers concernés serait souhaitable.

Depuis la mise en place de CIR-NG, les ruptures de CIR liées à des incidents au cours des formations ont été relativement peu nombreuses : 24 CIR ont été résiliés pour des situations problématiques dans des formations linguistiques et 14 dans des formations civiques. Il s'agit majoritairement d'incidents liés à des comportements agressifs à l'encontre de formateurs, d'autres apprenants ou à des propos contraires aux valeurs de la République. Par rapport au volume de clôtures négatives (16 730 en 2023), le nombre de ruptures « comportementales » reste limité.

Le suivi et le traitement de ces incidents sont néanmoins fragilisés s'agissant de certains publics, dispensés de l'obligation de conclure un CIR mais engagés volontairement dans cette démarche. La rupture du CIR est sans conséquence sur la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle pour les signataires volontaires du CIR. Le cas des réfugiés est topique de cette faiblesse du dispositif, la rupture du CIR n'ayant en effet aucune conséquence sur le statut de réfugié. Dans cette situation le signalement de l'OFII à la DGEF n'a qu'une valeur d'information.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de l'OFII

3. Une mise en oeuvre décevante de la formation linguistique et civique à Mayotte

La mise en oeuvre du CIR à Mayotte à compter du 1er janvier 2022 à Mayotte s'est appuyée sur un soutien accru des services de l'État et de l'OFII à l'opérateur sélectionné pour assurer la formation linguistique et civique dans ce département, les Apprentis d'Auteuil.

Le nombre de CIR signés depuis 2022 est inférieur aux objectifs initialement fixés pour le déploiement de ce dispositif à Mayotte. Seuls 2 010 étrangers primo-arrivants ont conclu un CIR en 2022 et 2 441 l'ont fait en 2023. Lors de leur audition par la rapporteur spécial, la structure des Apprentis d'Auteuil a ainsi indiqué que les flux de personnes en formation linguistique et civique étaient moins élevés qu'anticipés et semblaient maîtrisables pour l'association.

Le faible nombre de signatures de CIR peut paraitre surprenant au regard de la situation migratoire à Mayotte et du nombre important d'étrangers présents sur ce territoire. Toutefois, il importe de garder à l'esprit que le dispositif du CIR ne s'applique qu'aux étrangers primo-arrivants, c'est-à-dire en situation régulière. Une part substantielle des étrangers arrivés à Mayotte, étant en situation irrégulière, ne peuvent bénéficier du CIR.

Le taux de prescription de formation linguistique à Mayotte est plus important que la moyenne nationale, avec 63,2 % des signataires du CIR orientés vers une formation A1 en 2022, contre 46,5 % au niveau global.

Trois principaux facteurs ont contribué à ces résultats extrêmement faibles :

- premièrement, la faiblesse structurelle du dispositif de formation linguistique prévu dans le CIR Mahorais. Le parcours de formation de 100 heures est largement insuffisant pour amener vers le niveau A1 les publics les plus en difficulté avec la langue française ;

- deuxièmement, l'immigration vers Mayotte, ces derniers mois, a évolué du fait d'une diversification des pays d'origine des primo-arrivants. Les ressortissants de pays d'Afrique de l'Est et des Grands Lacs (République démocratique du Congo, Rwanda, Burundi et Somalie), non lecteurs et non scripteurs, constituent une part croissante des nouveaux signataires du CIR ;

- troisièmement, les très fortes tensions sociales, en partie liées au contexte migratoire, perturbent régulièrement la continuité des services publics et l'organisation des formations linguistiques et civiques. Les locaux utilisés par les prestataires de formation ont ainsi pu faire l'objet de dégradations.

Sous-dimensionné, le dispositif du CIR adapté à Mayotte présente un bilan provisoire particulièrement faible. À moyens constants, ces résultats ne permettent pas d'envisager un alignement à moyen terme sur le cadre de formation linguistique et civique de droit commun.

C. ...POUR UN COÛT BUDGÉTAIRE SOUS ÉVALUÉ

1. L'entrée en vigueur de l'article 20 de la loi contrôlant l'immigration et améliorant l'intégration pourrait représenter de nouvelles dépenses conséquentes pour le programme 104

La réforme de la formation linguistique portée par l'article 20 de la loi du 26 janvier 2024 portera des conséquences financières importantes pour les crédits du programme 104 et de la politique d'intégration.

En premier lieu, la certification obligatoire du niveau de langue en fin de parcours conduira, comme exposé supra, compte tenu des taux actuels de validation du niveau A1 en fin de parcours, à la constitution d'un « stock » de personnes recalées au test de certification de langues et ne pouvant prétendre à une carte de séjour pluriannuelle. La gestion de ce stock et la potentielle réorientation de ces personnes vers des formations additionnelles de français en vue de retenter le test de certification entraineront un coût supplémentaire pour le budget de l'OFII. Par ailleurs, il n'est actuellement pas précisé que le coût de l'examen de certification soit pris en charge par l'État.

En second lieu, la fixation de l'exigence de maîtrise du français au niveau A2 entraînera nécessairement une réorganisation de l'offre de formation et de sa mise en oeuvre par l'OFII et ses prestataires. Il s'agira, en particulier, d'allonger la durée de formation linguistique pour s'adapter à un niveau supérieur d'exigence.

L'exigence de réorganisation de l'offre de formation sera également valable au niveau de la formation civique où la mise en place d'un examen de validation des connaissances impliquera une révision du format des modules de cours. 

2. L'impact financier du basculement vers une obligation de résultats à la fin de la formation et le rehaussement des exigences linguistiques n'a fait l'objet d'aucune évaluation approfondie

Pour autant, il apparaît nécessaire de relever l'indéniable faiblesse de l'évaluation budgétaire du coût de la réforme de la formation linguistique et civique dans le cadre du CIR opérée par l'article 20 de la loi du 26 janvier 2024. Aucune estimation chiffrée n'a ainsi été fournie à la représentation nationale dans les documents transmis en amont de l'examen du projet de loi en première lecture au Sénat.

Sur le plan des recettes, l'étude d'impact anticipe simplement les conséquences de la non-atteinte de la condition de maîtrise du niveau A2. Les personnes qui ne valideraient pas ce niveau ne pourrait prétendre à un titre de séjour pluriannuel et se verraient donc forcés de solliciter le renouvellement de cartes de séjour temporaire. Il en découlerait une hausse des taxes et droits de timbre attachés à la délivrance ou au renouvellement de ces titres de séjour.

Sur le plan des dépenses, l'étude d'impact indique pudiquement qu'une hausse du niveau de langue pour la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle aurait pour incidence « une hausse du budget de l'OFII ».

Le Gouvernement a été amené à préciser son estimation au cours de l'examen du projet de loi contrôlant l'immigration et confortant l'intégration. Interrogé sur le coût budgétaire de cette réforme, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a déclaré, le 21 novembre 2023, devant la commission des lois de l'Assemblée nationale : « Nous avons débloqué les moyens nécessaires, soit plus de 100 millions d'euros par an, notamment pour les cours de français mis en place avec la LOPMI »62(*).

La loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dite LOPMI, prévoyait effectivement une hausse des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration » à un niveau de 2,16 milliards d'euros en 2026, contre 2,01 milliards d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2023.

Cette programmation a été actualisée par la promulgation de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 qui prévoit que les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » s'élèveront à 2,3 milliards d'euros de crédits de paiement en 2026.

Plafonds de crédits de paiement alloué à la mission « Immigration, asile
et intégration », hors contribution au CAS pensions fixé par la loi
de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

(en milliards d'euros courants)

 

2023

2024

2025

2026

Crédits de paiement de la mission IAI

2,0

2,2

2,2

2,3

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Toutefois, rien n'indique, dans les travaux législatifs de la LOPMI comme de la LPFP, que ces crédits additionnels seraient fléchés vers la politique d'intégration et plus spécifiquement les cours de langues. Or la mission « Immigration, asile et intégration » comprend d'autres lignes budgétaires dynamiques, en particulier les dépenses liées à la politique d'asile. Pour mémoire, dans la loi de finances pour 2024, les crédits de l'action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 « Immigration et asile » représentaient 65,3 % des crédits de paiement de la mission, contre seulement 20 % au titre de la politique d'intégration.

En tout état de cause, le montant de 100 millions d'euros correspond à une évaluation a minima du coût de la réforme de la formation linguistique. La direction générale des étrangers en France a en effet précisé les modalités de mise en oeuvre de la réforme. Elle consisterait à élargir le bénéfice du module complémentaire de 100 heures de cours de langue proposé par l'OFII pour l'atteinte du niveau A2 ou B1. Ce module, actuellement optionnel, serait ainsi rendu obligatoire.

L'allongement du parcours linguistique de 100 heures pour atteindre le niveau A2 n'est pourtant pas le schéma qui a été privilégié dans le cadre d'une expérimentation menée par l'OFII de prescription de formation linguistique vers le niveau A2, en vue d'anticiper l'entrée en vigueur de la réforme. L'expérimentation est actuellement menée sur deux lots du marché OFII : le lot 9 Créteil et le lot 2 Bourgogne-Franche-Comté. La prescription linguistique vers le niveau A2 est cependant de 200 heures supplémentaires par rapport à la prescription vers le niveau A1, soit le double du montant d'heures annoncé par la DGEF.

Le total de la prescription A1 et d'une prescription additionnelle de 200 heures correspondrait peu ou prou à la durée de la formation linguistique proposée en Allemagne où le niveau de langue exigé se situe entre le niveau A2 et le niveau B1. Pour atteindre cet objectif, le cadre allemand propose des modules linguistiques allant jusqu'à 900 heures pour les profils ayant le plus de difficultés avec la langue germanique. Si le cadre de l'expérimentation actuellement menée par l'OFII était généralisé, le module le plus long prescrit en France serait de 800 heures, en additionnant le module « non-scripteur non-lecteur » de 600 heures et le module additionnel de 200 heures.

Il appartient donc au ministère de l'intérieur et des Outre-mer de préciser quel cadre il entend privilégier pour la mise en oeuvre de cette réforme. La longueur de la formation aura des conséquences budgétaires importantes mais déterminera le taux de réussite des étrangers concernés à l'examen de certification.

III. PRÉPARER LA MISE EN oeUVRE
DE LA RÉFORME DE 2024 EN RESTANT VIGILANT
SUR LES MOYENS BUDGÉTAIRES ALLOUÉS
À LA FORMATION LINGUISTIQUE ET CIVIQUE

A. CONSOLIDER LES FORMATIONS LINGUISTIQUE ET CIVIQUE, EN REVOYANT LEUR ARTICULATION

1.  Revoir la temporalité de la formation civique par rapport à la formation linguistique, qui doivent être complémentaires

Afin d'adapter au mieux le forfait d'heures de formation proposée, il convient d'accroître l'exactitude de l'évaluation lors du positionnement linguistique en plateforme d'accueil. Pour ce faire, le marché de positionnement linguistique de l'OFII pourrait être révisé afin de préciser les conditions dans lesquelles l'entretien oral doit se dérouler, au-delà d'un simple guide adressé aux prestataires présents en plateforme d'accueil. De même, la fiche navette pourrait être plus étayée, notamment en ce qui concerne le parcours et les compétences scolaires dans le pays d'origine du signataire.

Par ailleurs, il apparaît que la formation civique et la formation linguistique peuvent être très éloignées dans le temps l'une de l'autre. Ainsi, un signataire de CIR peut débuter la formation civique dans le délai d'un mois suivant la signature du CIR, voire même achever cette formation, avant même de commencer la formation linguistique. Cette temporalité soulève au moins deux difficultés.

En premier lieu, en l'absence de suivi de formation linguistique parallèle avancée, tous les signataires ne sont pas outillés de la même manière pour comprendre les diverses thématiques abordées lors de la formation civique, et alors même que des concepts ne sont pas traduisibles dans leur langue maternelle car ils n'existent pas dans leur culture d'origine.

En second lieu, les signataires de CIR peuvent de fait achever leur formation linguistique bien en aval de la formation civique, si bien que les apprentissages délivrés lors de la formation civique peuvent s'être estompés, et ce d'autant plus qu'à ce moment-là le signataire de CIR ne maîtrisait pas encore la langue française.

Il convient dès lors de revoir la temporalité des formations par une meilleure articulation des sessions dans le temps et leur complémentarité matérielle.

Les délais de convocation pourraient dès lors être adaptés pour permettre de faire débuter systématiquement les cours de formation linguistique avant la formation civique. Sans aller jusqu'à exiger la validation du test de langues en amont du suivi de la formation civique, comme cela se pratique en Allemagne, le rapporteur spécial estime que les signataires du CIR gagneraient à maîtriser quelques rudiments de la langue française afin de pouvoir assimiler pleinement certains concepts, comme la laïcité.

Dans le même temps, les mallettes pédagogiques de formation linguistiques mises à disposition des prestataires sur la plateforme « communauté CIR » de la DIAN pourraient être enrichies, pour permettre aux signataires du CIR de se familiariser avec certains concepts, qui seront plus longuement développés lors de la formation civique.

Recommandation n° 1 (DGEF, OFII) : Faire débuter la formation linguistique avant la formation civique, en prévoyant un parcours alternant la formation linguistique avec deux fois deux blocs de deux jours de formation civique, avec des supports de formations complémentaires et accessibles en ligne pour tous les primo-arrivants.

2. Recentrer la formation civique sur l'intégration dans la société française, en apprenant prioritairement les principes structurants de la République

Partant du constat que les quatre journées de formation civique sont devenues bien trop denses, et s'éloignent de fait de l'apprentissage des principes structurants de la République, il convient de recentrer cette formation vers l'intégration dans la société française, à travers les droits, mais aussi les devoirs de la vie en France.

Une adaptation de la mallette pédagogique est par suite de nouveau requise, et ce dès le 1er janvier 2025, afin d'anticiper aussi l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, qui prévoient que la culture et l'histoire seront des composantes à part entière de la formation civique. Les supports de formation devront être plus condensés et contenir des exemples concrets et précis en termes de vie quotidienne, afin d'illustrer les grands principes théoriques enseignés.

Des supports papiers pourraient être distribués dès le début de la formation et pour chaque journée, pour que les signataires du CIR puissent mieux suivre le cours, et avoir une base écrite à la fin de chaque journée. Actuellement, selon les réponses transmises par l'OFII, un livret de synthèse de la formation, traduit uniquement en neuf langues, est distribué à la fin de la formation.

Plus largement, il ressort des déplacements sur le terrain que quatre jours entiers uniquement dédiés aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu'à l'organisation de la société française, sont nécessaires pour s'assurer d'une bonne transmission de ces connaissances. La quatrième journée « socio-culturelle » ne semble pas indispensable en elle-même et en tant que telle. Les thèmes abordés pourraient largement être absorbés dans le cycle de quatre jours, et disséminés au fil de ce cycle. En ce qui concerne la journée 4 « emploi », celle-ci pourrait devenir une cinquième journée optionnelle, pour les signataires du CIR désireux de chercher un emploi ou déjà inscrits à France Travail. En effet, selon les termes mêmes de France Travail, il s'agit simplement d'une journée d'information, et non d'une formation professionnalisante personnalisée.

Recommandation n° 2 (DGEF, OFII et ses prestataires) : Recentrer les quatre jours de formation civique autour de contenus uniquement dédiés aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu'à l'organisation de la société française, en transformant la journée « Emploi » en une journée optionnelle pour les signataires du CIR désireux de chercher un emploi ou déjà inscrits à France Travail.

B. ACCOMPAGNER LE BASCULEMENT D'UNE OBLIGATION DE MOYENS À UNE OBLIGATION DE RÉSULTATS

1. Une montée en charge nécessaire du volume des formations linguistiques

Pour l'heure, le volume des formations n'est pas adapté au rehaussement du niveau linguistique au niveau A2 pour l'obtention d'une carte de séjour pluriannuelle.

Un allongement du parcours linguistique d'au moins 100 heures semble nécessaire pour atteindre le niveau A2, dans la lignée de l'expérimentation menée par l'OFII de prescription de formation linguistique vers le niveau A2, en vue d'anticiper l'entrée en vigueur de la réforme.

Par ailleurs, il ressort des échanges avec différents formateurs, et notamment lors du déplacement en Bourgogne-Franche-Comté, que la prescription linguistique pourrait gagner en flexibilité. En effet, dans le cadre d'un parcours 600 heures, une évaluation est opérée à mi-parcours au bout de 400 heures, alors que les personnes pourraient être orientée vers un niveau plus élevé A2 avant 4 mois. Par ailleurs, il n'existe pas de sortie anticipée du niveau A2 mais uniquement pour le niveau A1.

Recommandation n° 3 (DGEF) : Réhausser a minima de 100 heures le volume horaire de la formation linguistique pour l'adapter aux nouvelles exigences du niveau A2, en ouvrant la possibilité d'une sortie anticipée du cursus de formation en cas d'atteinte du niveau.

2. Un test civique adapté aux enjeux de l'intégration, complété d'un accompagnement des signataires en cas d'échec

Les modalités du test civique, qui sera pratiqué à compter du 1er janvier 2026, ne sont pas encore précisées. Le rapporteur spécial estime que la DGEF pourrait s'inspirer des exemples européens qui ont déjà mis en place ce test.

D'une part, la DGEF et l'OFII pourraient prévoir des préparations en ligne afin de permettre aux étrangers de s'entraîner à passer le test civique. De telles plateformes sont disponibles notamment aux Pays-Bas et en Allemagne. Les coûts associés à cette plateforme apparaissent relativement réduits dès lors qu'une plateforme de la DGEF a déjà été créée dans le cadre de la formation linguistique63(*). Dans ce contexte, en cas d'échec au test à l'issue de la formation civique, les signataires du CIR pourraient de nouveau s'entraîner en ligne, avec la possibilité de repasser le test dans un délai d'un mois après leur précédent passage du test.

D'autre part, s'agissant du test en lui-même, il devra être le reflet d'une formation civique recentrée sur les valeurs de la République, l'organisation administrative, ainsi que la culture et l'histoire de la France.

Il pourrait comprendre une première partie écrite, sous forme d'une trentaine de questions à choix multiple, avec un niveau exigé de plus de la moitié des réponses correctes afin de valider ce test, dans un temps limité d'une heure. Cette phase écrite pourrait aussi être complétée d'un entretien oral de quinze minutes de mise en situation, afin de s'assurer que tous les signataires du CIR sont au fait de l'application pratique des principes théoriques inculqués au cours de la formation civique.

Recommandation n° 4 (DGEF, OFII et ses prestataires) : Structurer le test sanctionnant la formation civique en deux parties, avec première épreuve écrite, complétée d'un entretien oral de mise en situation, avec des plateformes d'entraînements en ligne à destination des signataires du CIR.

C. SÉCURISER LE FINANCEMENT

1. Se doter d'une programmation à court et moyen termes plus fine des besoins de financements induits par la réforme

Compte tenu de ce qui précède, il apparait désormais indispensable de préciser rapidement les modalités concrètes de mise en oeuvre de la réforme de la formation civique et linguistique pour en évaluer plus précisément le coût financier. L'examen du projet de loi de finances pour 2025 sera pour le Gouvernement l'occasion de préciser l'évolution des crédits du programme 104 en lien avec l'augmentation du nombre d'heures prescrites, la refonte du contenu des formations linguistique et civique et l'introduction d'une certification linguistique obligatoire et d'un examen civique. Cette évolution ne peut se faire à coûts budgétaires constants, au risque d'aggraver encore le faible taux de maîtrise de la langue française en fin de parcours d'intégration.

Parallèlement à cette programmation plus fine de l'évolution des crédits du programme 104, la maquette des indicateurs de performance relatifs à la formation civique et linguistique devra être revue pour prendre en compte le changement de paradigme induit par le basculement d'une obligation de moyens vers une obligation de résultats. S'agissant de la formation linguistique, les nouveaux indicateurs de performance devront prendre en compte des objectifs de validation du niveau A2 et de réduction du stock de personnes en échec face à l'examen de certification. En miroir, concernant le volet civique, il semblerait souhaitable d'intégrer des objectifs de réussite à l'examen de sortie de formation.

Recommandation n° 5 (Ministère de l'intérieur et des Outre-mer, DGEF) : Mettre les crédits du programme 104 dédiés à la formation linguistique et civique en conformité avec les objectifs affichés par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 et tirer les conséquences de cette réforme sur l'évaluation de la performance de la politique de formation.

2. Instaurer une participation financière des étrangers aux coûts des formations et des certifications, sous condition de revenus

En l'état actuel du droit, les formations dispensées dans le cadre du CIR sont gratuites. Ce principe de gratuité est affirmé dans le CESEDA, tant dans sa partie législative que dans sa partie règlementaire. Ainsi, l'article L. 413-3 de ce code dispose que les dispositifs de formation civique « sont pris en charge par l'État ». De même, son article R. 413-10 précise que « La formation civique et la formation linguistique mentionnées aux articles R. 413-12 et R. 413-13 sont dispensées gratuitement ».

De plus, le principe de gratuité des formations linguistiques a été confirmé par l'article 20 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Ce dernier est venu modifier l'article L. 433-4 du CESEDA, qui fixe les conditions d'obtention d'un titre de séjour pluriannuel. Pour se voir délivrer un tel titre, il est désormais nécessaire que l'étranger ait bénéficié « des conditions nécessaires à l'apprentissage de la langue française par l'accès à des cours gratuits dans son département de résidence ».

Pourtant, comme indiqué supra, la formation linguistique et civique des étrangers dans le cadre du CIR représente un coût croissant pour nos finances publiques. Sans faire porter la charge exclusive du financement de ce dispositif sur les primo-arrivants, une participation financière selon les conditions de revenus devrait être envisagée.

Cette proposition, portée en 2017 par le rapport de la commission des finances, ne fait pas l'unanimité parmi les observateurs de la politique d'intégration. Plusieurs arguments ont été avancés pour s'opposer à la possibilité d'une participation financière directe, notamment dans le rapport d'évaluation de la politique d'accueil des primo-arrivants64(*).

Premièrement, les étrangers participeraient déjà indirectement au financement de la politique d'intégration par le paiement des taxes et des droits de timbres dus au titre de la délivrance ou du renouvellement d'un titre de séjour temporaire.

Si cette forme de contribution financière est réelle, il s'agit d'une participation indirecte qui n'apparaît pas corrélée aux dispositifs de formation. Le montant du timbre fiscal est en effet lié à la mention figurant sur le titre de séjour et ne varie en rien en fonction des dispositifs d'accompagnement ou de formation dont l'étranger a pu bénéficier au cours de son parcours d'intégration.

Deuxièmement, instaurer une participation financière renforcerait l'absentéisme des étrangers engagés dans le CIR. Cette préoccupation a été relayée par les formateurs interrogés au cours des déplacements. Un investissement financier conséquent pourrait conduire les étrangers, en particulier ceux occupant déjà un emploi, à se détourner de la formation.

Il apparait toutefois au rapporteur spécial qu'une participation financière contribuerait à la responsabilisation des étrangers primo-arrivants. Cette évolution correspond à la logique de l'introduction, par la loi de janvier 2024 précitée, d'une obligation de résultats quant à l'atteinte d'un niveau de langue. Le suivi des formations linguistiques ne doit pas être conçu comme une formalité à respecter dans la perspective de l'obtention d'un titre de séjour mais bien comme la condition indispensable de l'intégration en France. Contribuer financièrement à ces formations signifie s'inscrire dans une démarche volontariste d'installation durable en France.

Troisièmement, renoncer au principe de gratuité des formations de l'OFII apparaîtrait contradictoire avec l'existence d'une offre de formation FLE extérieure au CIR, qui conserverait son caractère gratuit. Il existerait ainsi un risque d'éviction vers d'autres formations, relevant du secteur associatif, du service public de l'emploi ou des collectivités territoriales. Néanmoins, cet effet d'éviction ne concernerait que les primo-arrivants susceptibles de signer un CIR mais dispensés de l'obligation de le faire, comme les ressortissants algériens ou les réfugiés. Les primo-arrivants soumis à l'impératif de s'engager dans un CIR n'auraient pas de possibilité de contourner une contribution financière, qui serait en tout état de cause soumise à des conditions de revenus. De plus, il pourrait être envisagé de dispenser les bénéficiaires de la protection internationale de cette participation afin de les inciter à suivre les formations.

Par ailleurs, un détour par le droit comparé permet de souligner une certaine convergence entre les États proposant des formations linguistiques. Certains États européens, à l'image de l'Estonie, de la Grèce ou de la Slovénie, proposent certes des formations gratuites, mais une partie significative des États membres de l'Union européenne font peser au moins une partie de la charge financière sur les bénéficiaires. La Cour des comptes, dans un rapport de 2020 consacré à l'entrée, au séjour et au premier accueil des étrangers en France, relève qu'il est prévu une participation de 1,93 euros par heure de cours en Allemagne, sauf pour les réfugiés et les demandeurs d'emploi et de 1,93 à 2,29 euros en Lituanie. L'Italie prévoit une participation financière pour les cours non financés sur fonds européens et une contribution de 10 euros par trimestre existe au Luxembourg65(*).

Sur ce modèle, la France pourrait mettre en place une participation forfaitaire des étrangers aux formations linguistiques, de l'ordre de 400 euros. Le coût horaire moyen étant de 7,40 euros, hors Mayotte, ce montant devrait permettre un partage des coûts entre l'État et son opérateur, l'OFII, et les bénéficiaires de ces formations. Par rapport à une participation horaire, une contribution forfaitaire permet de ne pas lier le montant acquitté par l'étranger au nombre d'heures prescrites et, ainsi, de ne pas assimiler des heures de formation additionnelles à une forme de sanction financière. L'ensemble des signataires du CIR participerait donc de manière équitable, quel que soit leur niveau de langue au financement de cette politique. Les étrangers dispensés de formation linguistique ne s'acquitteraient cependant que d'une participation à la formation civique.

En outre, la participation financière des étrangers aux coûts des formations serait soumise à des conditions de ressources, comme le proposait le président Roger Karoutchi dans son rapport de 201766(*).

Recommandation n° 6 (DGEF, OFII et ses prestataires) : Instaurer une participation financière des étrangers signataires du CIR aux coûts des formations linguistiques et civiques, sous réserve de leurs ressources.

À cette participation, devrait s'ajouter la prise en charge par l'étranger de la certification de son niveau de langue en fin de parcours. Actuellement, si la certification n'est pas obligatoire, dans l'attente de l'entrée en vigueur de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, une certification par étranger est prise en charge par l'État. Il paraît souhaitable que le coût de la certification soit désormais pris en charge par l'étranger. Dès lors que l'examen de certification, réalisé dans un centre agréé, intervient en fin de parcours linguistique, cette dépense pourrait être plus facilement anticipée par les apprenants.

Recommandation n° 7 (DGEF, OFII et ses prestataires) : Instaurer une prise en charge financière, par l'étranger, de la certification du niveau de langue prévue en fin de parcours.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 24 septembre 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial, sur la formation linguistique et civique dans le cadre du contrat d'intégration républicaine.

M. Claude Raynal, président. - Nous allons entendre la communication de Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », sur la formation linguistique et civique dispensée dans le cadre du contrat d'intégration républicaine (CIR).

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. - En tant que rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration », sept ans après le rapport de notre collègue Roger Karoutchi, j'ai décidé de mener un nouveau contrôle budgétaire sur les formations linguistiques et civiques délivrées dans le cadre du CIR, afin de faire un bilan de ce dispositif souvent décrié et à l'heure de sa réforme par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

La création d'un cadre contractuel pour l'intégration des étrangers remonte à 2003. La signature d'un contrat est devenue obligatoire à partir de 2006 pour les primo-arrivants non ressortissants d'États membres de l'Union européenne, admis au séjour en France et qui souhaitent s'y installer durablement.

Ce cadre contractuel, mis en oeuvre par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), est moins large qu'il n'y paraît puisqu'un grand nombre d'étrangers sont exemptés de cette obligation, à l'instar des réfugiés, des Algériens, ou encore des personnes qui présentent des garanties d'intégration suffisantes. Depuis 2016, le CIR repose, d'une part, sur une formation linguistique de 100 à 600 heures visant l'atteinte du niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues et, d'autre part, sur une formation civique de quatre jours, incluant une dernière journée socioculturelle ou consacrée à l'emploi, selon le choix des signataires.

Le nombre de CIR signés a sensiblement augmenté, passant d'un peu plus de 106 000 contrats conclus en 2016 à près de 128 000 en 2023, soit une hausse de 20,3 %.

Dans le même temps, les crédits alloués à la formation linguistique et civique, retracés principalement au sein de l'action 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants » du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », ont augmenté de plus de 200 % entre 2016 et 2023, passant de 36,8 à 116,9 millions d'euros, pour un coût moyen pondéré de 7,40 euros par heure pour la formation linguistique et de plus de 260 euros pour la totalité des quatre jours de formation civique.

En dépit de ce coût budgétaire en forte hausse, force est de constater que les résultats sont particulièrement décevants.

En effet, les formations ne reposent actuellement sur aucune obligation de résultat. Seule l'assiduité est prise en compte.

Ensuite, le niveau A1 ne semble pas suffisant pour permettre une réelle intégration, notamment dans le monde du travail.

En outre, la formation civique est excessivement théorique et condensée. Elle intervient de surcroît dès le début du parcours, donc en décalage avec l'apprentissage et la maîtrise de la langue.

Enfin, j'ai pu observer moi-même des difficultés pratiques dans l'organisation des formations : problèmes d'accès, absence de groupes homogènes, employeurs réticents à libérer leurs salariés, etc.

Certes, quelques éléments de contexte expliquent la complexité de la tâche.

La France est confrontée à des difficultés croissantes d'intégration. Un chiffre est assez parlant à cet égard : près de 40 % des immigrés en France vivent en dessous du seuil de pauvreté, ce qui est plus élevé que la moyenne européenne et traduit une insertion trop faible sur le marché du travail.

D'autres acteurs que l'État doivent prendre leur part de responsabilité dans ce processus d'intégration, en premier lieu les signataires du CIR eux-mêmes.

Si les incidents dus à un comportement agressif demeurent assez limités au regard du volume des CIR conclus, il ne faut pas les négliger, d'autant qu'ils ne sont d'ailleurs pas toujours suivis d'effets. La rupture du CIR n'a pas de conséquence, par exemple, sur le statut de réfugié, s'agissant de ceux qui suivent volontairement ces formations, ce qui révèle les faiblesses de ce dispositif.

Par ailleurs, lors de mes déplacements dans plusieurs centres de formation partenaires de l'Ofii, notamment à Bobigny, des intervenants ont exposé les difficultés rencontrées avec certains employeurs, qui refusent de laisser les étrangers suivre les formations dans le cadre du CIR, les centres de formation devant souvent appeler les employeurs pour négocier avec eux des moments pendant lesquels ils devront libérer leurs salariés.

Les employeurs doivent donc aussi prendre leur part dans l'intégration des étrangers qu'ils emploient ; la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration dispose d'ailleurs à cette fin que l'autorisation d'absence est de droit pour le suivi des formations en français dans le cadre du parcours de formation linguistique de l'étranger signataire d'un CIR.

Sous l'impulsion du Sénat, ladite loi opère un changement de paradigme, avec le passage d'une obligation de moyen à une obligation de résultat s'agissant des deux formations prescrites. Pour la formation linguistique, le niveau A2 est désormais requis pour les cartes de séjour pluriannuelles, et le niveau B1 pour les cartes de résident. De plus, les signataires devront justifier de ce niveau, une simple présence assidue aux cours n'étant plus suffisante. Enfin, les signataires du CIR devront réussir un examen à l'issue de la formation civique.

Ces nouvelles exigences constituent en réalité un alignement sur les pratiques observées chez la plupart de nos partenaires européens : en Italie, le même niveau A2 est requis au bout de deux ans de séjour ; en Allemagne, la réussite d'un test de langue et d'un test « Vivre en Allemagne » est requise.

Si ces réformes vont dans le bon sens, elles doivent toutefois être précisées avant leur mise en oeuvre à compter du 1er janvier 2026 ; elles devront surtout être financées.

Ainsi, l'allongement de la durée de la formation pour atteindre le niveau A2 n'a pas été défini, de même que les modalités de contrôle de la réussite de la formation civique.

Sur les aspects budgétaires, l'allongement de la durée des formations n'a pas été évalué. Une somme de 100 millions d'euros devrait être débloquée chaque année, dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), pour la mission « Immigration, asile et intégration », mais rien n'indique que ces crédits additionnels seront fléchés pour assurer le financement des cours de français. Nous savons déjà que l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile nécessitera la mobilisation d'une partie de ces crédits.

Cependant, la loi du 26 janvier 2024 n'a pas répondu à l'ensemble des faiblesses constatées précédemment. Des lacunes inhérentes à la formation linguistique et civique demeurent. Je veux insister tout particulièrement sur le contenu de la formation civique, qui est indigeste, même pour des personnes francophones. Les formateurs avec qui j'ai pu avoir des échanges lors de mes déplacements, dont je tiens à souligner l'engagement et le travail de qualité, sont liés par des supports de formation livresques bien trop touffus, déconnectés des situations concrètes auxquelles donne lieu la vie en France.

Par ailleurs, les supports de formation insistent essentiellement sur les droits auxquels les primo-arrivants peuvent prétendre et trop peu sur les devoirs associés à ces droits. Il en est de même pour des sujets aussi fondamentaux que celui de l'égalité entre les femmes et les hommes ou celui de la laïcité.

Je tiens aussi à évoquer rapidement le délicat sujet de la mise en oeuvre du CIR à Mayotte depuis 2022. Il y est « allégé », avec une formation linguistique limitée à 100 heures et deux jours de formation civique. Le nombre de CIR signés, de l'ordre de 2 000 par an, est largement en deçà des objectifs fixés pour le déploiement de ce dispositif sur ce territoire ; cela s'explique en partie par le fait qu'une part substantielle des étrangers à Mayotte sont en situation irrégulière et ne peuvent donc pas bénéficier du CIR. La fondation des Apprentis d'Auteuil, qui gère le CIR sur place, a aussi évoqué des dégradations des locaux de l'Ofii, qui perturbent l'organisation des formations linguistiques et civiques.

J'en viens, pour terminer, aux recommandations qui découlent de ces travaux. Elles sont au nombre de sept et peuvent être regroupées en deux ensembles.

Les quatre premières recommandations ont trait au contenu des formations, au renforcement de leur complémentarité et à la forme que pourrait prendre le test à l'issue de la formation civique. Sur l'ensemble de ces aspects, nous avons tout à gagner de nous inspirer des pratiques de nos partenaires européens qui ont fait le choix de prendre en charge cette politique d'intégration.

Les trois dernières recommandations portent sur le financement de ce dispositif, qu'il faut sécuriser, en prévoyant aussi une participation financière limitée, et sous conditions de ressources, des signataires du CIR. L'Allemagne, l'Italie ou encore la Lituanie ont instauré une telle contribution, qui est d'ailleurs une demande expresse de l'Ofii s'agissant de la prise en charge de la certification du niveau de langue.

M. Claude Raynal, président. - Je salue l'esprit de synthèse qui a présidé à votre présentation de ces travaux.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je salue, non seulement cette approche synthétique, mais aussi le ton employé pour évoquer ce sujet crucial pour l'intégration des primo-arrivants. Je souscris pleinement aux orientations de ce rapport. Quand on accueille de nouveaux arrivants qui ne connaissent ni l'histoire ni la langue de notre pays, il faut se donner les moyens d'en faire des citoyens ; c'est une forme de respect et un bon moyen de favoriser leur bonne intégration. Je ne suis pas partisan de la gratuité pour tout ; c'est pourquoi il me semble souhaitable de prévoir une participation financière à cette formation, sous conditions de ressources. On constate plutôt une détérioration qu'une amélioration de la situation depuis sept ans. Ce travail permet de poser un diagnostic objectif, de braquer le projecteur sur un aspect de la politique d'intégration où l'on a plutôt reculé : on a pour plus cher des résultats stagnants, voire en recul, en ce qui concerne la maîtrise du français. Humainement et financièrement, on doit améliorer les choses. Ce rapport pose les bases d'une nécessaire reprise en main de cette thématique.

M. Rémi Féraud. - Cette question est très importante pour le parcours d'intégration. Nous pouvons nous retrouver dans certaines recommandations, mais des questions demeurent. Imposer une participation financière ne risque-t-il pas de rendre plus difficile l'engagement dans ce parcours d'intégration ? Par ailleurs, je constate souvent à Paris que, si le CIR est extrêmement cadré, tout le monde ne rentre pas dans le cadre, car les parcours d'immigration sont divers et souvent complexes. Je pense à des femmes qui, à leur arrivée, ne travaillent pas, n'apprennent pas le français, mais veulent se lancer quelques années plus tard dans un processus d'intégration ; mais alors, il n'y a plus de financement ! En cadrant de manière très stricte les modalités de soutien et de contrôle, on peut aboutir à l'inverse du but recherché. Ne faudrait-il pas plutôt consacrer autant d'argent public que possible à l'apprentissage du français et de la citoyenneté par ces personnes, à n'importe quel moment de leur parcours ?

M. Thierry Cozic. - Dans le même esprit que Rémi Féraud, je m'interroge sur les recommandations nos 6 et 7 : ne risque-t-on pas un effet d'éviction croissant, qui aboutirait à un moindre apprentissage de la langue par les immigrants ?

Mme Christine Lavarde. - Je m'interroge sur les modalités de mise en oeuvre des cours de langue : est-ce uniquement l'Ofii qui assure ces heures d'apprentissage, ou une gestion décentralisée de cette formation, s'appuyant notamment sur les associations, est-elle possible ? Ces cours de langue sont-ils assurés de manière regroupée, ou bien les 100 à 600 heures sont-elles réparties sur toute une année ? D'autres pays de l'Union européenne attachés à l'intégration par la langue prévoient des formations intensives où, pendant un mois, on ne fait que cela du matin au soir, avec un examen à la fin, dont la réussite conditionne le séjour ultérieur.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial. - En réponse à Mme Lavarde, les formations sont assurées par des prestataires de l'OFII, sous son contrôle, prévu notamment dans le cadre des marchés qui sont passés avec les prestataires.

Il existe plusieurs modalités de suivi des cours pour la formation linguistique, selon le choix du signataire. Pour un parcours de 400 heures par exemple, les signataires peuvent opter soit pour un parcours intensif sur dix semaines, soit pour un parcours extensif sur une année, avec environ sept heures par semaine. Eu égard au caractère contraignant que peut représenter le suivi d'une telle formation, notamment en termes de volume horaire, les centres de formation essaient de s'adapter au mieux aux contraintes des signataires, en proposant notamment des cours le soir ou le samedi pour les personnes qui travaillent.

Toutefois, j'ai pu constater que les rythmes de formation étaient très différents selon les territoires, avec des difficultés propres aux territoires ruraux. Lors de mon déplacement à Châtillon-sur-Seine, dans le département de la Côte-d'Or, les agents de l'OFII m'ont signalé, outre les problèmes de déplacement sur les lieux des cours pour les signataires en l'absence de transports en commun, les difficultés qu'ils avaient à constituer des classes. Ils ne peuvent en effet pas imposer aux prestataires de formation d'ouvrir une classe lorsque le groupe constitué est inférieur à six personnes, si bien que les formations traînent en longueur, sur deux voire trois ans, et que l'OFII est obligé d'échanger avec les préfectures pour expliquer les raisons du non-respect de toutes les obligations de formations dans un délai de deux ans, au moment du bilan de fin de contrat d'intégration républicaine.

Par ailleurs, au sein de ces territoires ruraux, les groupes sont nécessairement plus hétérogènes, ce qui n'est pas nécessairement un frein à l'apprentissage dans la mesure où les classes sont peu chargées, à la différence de l'Île-de-France, où résident la majorité des apprenants et où parfois il n'est donc pas non plus toujours aisé de trouver de la place pour s'inscrire. J'ai pu aussi constater, à Bobigny notamment, des disparités de niveau important entre les étrangers, alors même qu'ils arrivaient en fin de formation. Ces différences de niveau peuvent notamment s'expliquer par un problème d'orientation initiale sur la plateforme d'accueil de l'OFII. La détermination du nombre d'heures de formation linguistique nécessaires se fait extrêmement vite ; j'ai vu quelqu'un qui se débrouillait plutôt bien se voir attribuer 400 heures de cours simplement parce qu'il n'avait pas compris l'expression « situation matrimoniale »...

La formation civique est aussi variable selon les territoires. Dans les territoires ruraux, la faiblesse du nombre de prestataires contraint l'OFII à choisir certains organismes de formation, qui ne correspondent pas toujours aux exigences du cahier des charges des marchés de l'OFII. Il a certes la possibilité de dénoncer le marché, mais il prendrait en ce cas le risque de se retrouver avec un marché infructueux, faute d'autres prestataires dans ces territoires.

Notre objectif doit demeurer une formation relativement rapide, avec des éléments de civisme et de valeurs républicaines, sanctionnée par un test écrit et oral. Cela nous rapprocherait des pratiques d'autres pays européens.

Monsieur Féraud, les personnes prises en charge dans les formations civiques et linguistiques sont souvent sur le territoire national depuis un certain temps, plus de deux ans en moyenne. Ces personnes qui ne sont donc pas stricto sensu des « primo-arrivants » peuvent ainsi tout à fait entrer dans le dispositif du CIR. Il n'y a pas de volonté de refermer l'accès à ces formations. Plus de 40 % des CIR sont signés par des personnes pour lesquelles il n'est pas obligatoire. Mais quand il l'est, requérir une participation financière ne saurait, par définition, avoir un effet d'éviction, comme le démontre les exemples étrangers. Mais la différence entre nous sur ce point est sans doute de nature politique...

La participation témoigne à nos yeux de l'engagement individuel dans la formation. On peut aussi avoir à l'esprit l'exemple allemand, où la participation requise est remboursée de moitié à ceux qui réussissent l'examen final. Une telle participation pourrait permettre une meilleure implication dans le suivi des formations en responsabilisant au mieux les signataires, alors même que la participation à ces cours demeure le plus souvent très passive. Pour trop de personnes, la maîtrise de la langue n'apparaît pas essentielle au déroulement de leur existence en France. Cette attitude est celle de beaucoup de femmes, souvent soumises à des pressions de leur entourage, qui n'ont pas de projet professionnel et pensent pouvoir vivre entre personnes de même nationalité et de même langue, sans apprentissage de la langue française. Un vrai militantisme de notre part s'impose sur la nécessité de la compréhension de notre langue et de nos valeurs pour le séjour sur notre territoire !

Le rapport dénonce un autre défaut qui est d'autant moins justifiable qu'il n'y aurait pas d'incidence financière à agir autrement : les formations civiques auxquelles j'ai pu assister sont extrêmement désorganisées ; on présente à ces personnes, en très peu de temps, des éléments extrêmement disparates, allant de leurs droits en matière de sécurité sociale, en tant que locataires ou dans une copropriété, jusqu'à notre gastronomie, où se perdent quelques points sur des sujets aussi essentiels pour le bien vivre-ensemble que la laïcité ou l'égalité entre hommes et femmes. Au sein des pays d'origine les plus représentés parmi les signataires du CIR figurent l'Afghanistan, la Turquie ou la Côte-d'Ivoire, où ces concepts ne vont pas nécessairement de soi. En outre, le lien entre droits et devoirs n'est pas suffisamment fait.

Plutôt que de cadrer davantage le dispositif, j'appelle à revenir à une approche plus raisonnable. Quand on accueille des étrangers en situation régulière, on a le devoir de leur permettre de recevoir de réelles formations linguistiques et civiques, qui leur soient bénéfiques. Un problème crucial est que la formation civique est souvent dispensée avant la formation linguistique, ce qui en limite singulièrement l'effectivité ! Plus de 65 % des signataires doivent donc avoir recours à l'interprétariat durant les formations, qui peut s'avérer particulièrement délicat pour certains concepts propres à notre système juridique, tels que la laïcité.

M. Karoutchi disait avoir honte, il y a sept ans, devant le spectacle de désorganisation offert par ces formations. La situation reste terriblement préoccupante aujourd'hui et explique sans doute une partie de la situation socio-économique des primo-arrivants. Je n'ai pour ma part pas voulu stigmatiser un échec sans offrir de perspectives. L'important est de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat en matière de connaissance de notre langue et de notre pays ; c'est ce que, je l'espère, permettra la loi du 26 janvier 2024. C'est l'honneur de notre pays que de croire à l'intégration.

M. Claude Raynal, président. - Merci pour ce plaidoyer, madame la rapporteure spéciale.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction de l'intégration et de l'accès à la nationalité (DIAN)

- M. David COSTE, directeur ;

- Mme Annie CHOQUET, sous-directrice de l'intégration des étrangers ;

- Mme Eugénie MARIE, cheffe du bureau de l'apprentissage de la langue et de la citoyenneté.

Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

- M. Didier LESCHI, directeur général.

France Travail

- Mme Ivane SQUELBUT, directrice des partenariats et de la territorialisation ;

- Eudes DE MOREL, chargé des relations institutionnelles.

Apprentis d'Auteuil Mayotte

- M. Augustin FEVRIER, chef de service - dispositif OFII.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Centre de formation INFORME de Bobigny (25 avril 2024)

- Madame Véronique LAGARRIGUE, directrice adjointe de l'OFII de Bobigny ;

- M. Rafik DAHAMNA, directeur du centre de formation INFORME ;

- Mme Florence FONTAINE, responsable du suivi des marchés CIR ;

- Mme Safia YAMI, référente pédagogique ;

- Mme Lynda MERRIR, formatrice.

Centre de formation FRATE Formation (23 mai 2024)

- Mme Perrine MICHEL, directrice territoriale de l'OFII de Dijon ;

- Mme Isciane MAROT, responsable pédagogique FRATE Formation.

IDC Formation (30 mai 2024)

- Mme Olga LYZHINA, responsable du bureau de l'accueil et de l'intégration à direction territoriale de l'OFII de Paris ;

- Mme Ruth SANGRADO, coordinatrice pédagogique formation civique, IDC Formation.

Direction territoriale de l'OFII de Paris (30 mai 2024)

- M. André GENTEUIL, directeur territorial de l'OFII de Paris ;

- Mme Valérie STYPKA, directrice territoriale adjointe.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Faire débuter la formation linguistique avant la formation civique, en prévoyant un parcours alternant la formation linguistique avec deux fois deux blocs de deux jours de formation civique, avec des supports de formations complémentaires et accessibles en ligne pour tous les primo-arrivants

Direction générale des étrangers en France (DGEF), Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

2025

Circulaire et instruction

2

Recentrer les quatre jours de formation civique autour de contenus uniquement dédiés aux valeurs, aux principes, et aux institutions de la République, à l'exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu'à l'organisation de la société française, en transformant la journée « Emploi » en une journée optionnelle pour les signataires du CIR désireux de chercher un emploi ou déjà inscrits à France Travail

DGEF, OFII et ses prestataires

2025

Instruction, marchés de formation

3

Rehausser a minima de 100 heures le volume horaire de la formation linguistique pour l'adapter aux nouvelles exigences du niveau A2, en prévoyant une sortie anticipée du cursus de formation en cas d'atteinte du niveau

DGEF

2025

Instruction, marchés de formation

4

Structurer le test sanctionnant la formation civique en deux parties, avec une première épreuve écrite, complétée d'un entretien oral de mise en situation, avec des plateformes d'entraînements en ligne à destination des signataires du CIR

DGEF, OFII et ses prestataires

2026

Instruction, marchés de formation

5

Mettre les crédits du programme 104 dédiés à la formation linguistique et civique en conformité avec les objectifs affichés par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 et tirer les conséquences de cette réforme sur l'évaluation de la performance de la politique de formation

Ministère de l'intérieur et des Outre-mer, DGEF

2024

Projet de loi de finances pour 2025

6

Instaurer une participation financière des étrangers signataires du CIR aux coûts des formations linguistiques et civiques, sous réserve de leurs ressources

DGEF, OFII et ses prestataires

2025

Loi ordinaire

7

Instaurer une prise en charge financière, par l'étranger, de la certification du niveau de langue prévue en fin de parcours

DGEF, OFII et ses prestataires

2025

Loi ordinaire


* 1 Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.

* 2 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 3 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 4 Article L. 413-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France.

* 5 Rapport d'information n° 660 (2016-2017) fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur la mise en oeuvre de la réforme de la formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants, de M. Roger KAROUTCHI.

* 6 Selon une estimation fondée sur 20 marchés de formation, hors Mayotte.

* 7 Le niveau de langues a également été adapté au niveau B1 du CECRL pour l'octroi d'une carte de résident, et au niveau B2 du CECRL pour acquérir la nationalité française.

* 8 Article L. 413-2 du CESEDA.

* 9 Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, inspection générale de l'administration, inspection générale des affaires sociales, L'insertion par l'emploi des étrangers primo-arrivants : reconnaissance des diplômes et des qualifications, validation des acquis de l'expérience professionnelle, avril 2021.

* 10 Haut Conseil à l'Intégration, Les parcours d'intégration, 2001.

* 11 Article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles, version en vigueur du 1er janvier 2006 au 25 juillet 2006.

* 12 Inspection générale de l'administration, inspection générale des affaires sociales, Rapport sur l'évaluation de la politique d'accueil des étrangers primo-arrivants, octobre 2013.

* 13 Article L. 413-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France.

* 14 Idem.

* 15 Mentionnées aux 1° à 6° et 11° à 15° de l'article L. 413-5 du CESEDA.

* 16 Mentionnées aux 7° à 10°, 16° et dernier alinéas du même article.

* 17 Présentation de la visite d'accueil, https://www.ofii.fr/le-parcours-de-la-visite-daccueil-un-apres-midi-a-la-direction-territoriale-de-lofii-de-paris/.

* 18 Article R. 413-4 du CESEDA.

* 19 Direction générale des étrangers en France, L'essentiel de l'immigration - chiffres clés 2023, juin 2024.

* 20 DGEF, L'essentiel de l'immigration, chiffres clefs, 25 janvier 2024.

* 21 EY, Évaluation des mesures mises en oeuvre à la suite du Comité Interministériel à l'Intégration du 5 juin 2018 sur le champ des formations linguistique et civique, Rapport final, septembre 2021.

* 22 Jusqu'en 2022, la formation B1 ne comprenait que 50 heures. Les nouveaux marchés de formation linguistique ont conduit à un doublement des heures de formation B1.

* 23 Articles L. 413-7 et R. 413-15 du CESEDA.

* 24 Articles 21-1 à 21-6 et 21-14-1 à 21-15-1 du code civil et décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française.

* 25 Article 146 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 26 Article 240 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 27 Article R. 433-5 du CESEDA.

* 28 Instruction de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la citoyenneté, (NOR INTV2101619J) du 17 février 2021 portant sur les priorités 2021 de la politique d'intégration des étrangers primo-arrivants et des bénéficiaires de la protection internationale.

* 29 Rapport d'information n° 660 (2016-2017) fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur la mise en oeuvre de la réforme de la formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants, de M. Roger KAROUTCHI.

* 30 Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, inspection générale de l'administration, inspection générale des affaires sociales, L'insertion par l'emploi des étrangers primo-arrivants : reconnaissance des diplômes et des qualifications, validation des acquis de l'expérience professionnelle, avril 2021.

* 31 Nagui Bechichi, Gérard Bouvier, Yaël Brinbaum, Jérôme Lê, « Maîtrise de la langue et emploi des immigrés : quels liens ? », INSEE Références, 2016.

* 32 L'article 20 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration modifie l'article L. 433-4 du CESEDA, qui prévoit, à partir du 1er janvier 2026 que l'étranger, pour bénéficier d'une CSP, devra justifier « d'une connaissance de la langue française lui permettant au moins de comprendre des expressions fréquemment utilisées dans le langage courant, de communiquer lors de tâches habituelles et d'évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats ».

* 33 L'article L. 413-7 du CESEDA, tel que modifié par la loi du 26 janvier 2024, dispose que l'étranger devra justifier « sa connaissance de la langue française de nature à lui permettre au moins de comprendre des conversations suffisamment claires, de produire un discours simple et cohérent sur des sujets courants et d'exposer succinctement une idée ».

* 34 L'article 21-24 du code civil disposera à partir du 1er janvier 2026 que « l'intéressé justifie d'un niveau de langue lui permettant au moins de comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits dans un texte complexe, de communiquer avec spontanéité, de s'exprimer de façon claire et détaillée sur une grande variété de sujets ».

* 35 Il s'agit du taux de réussite évalué à la fin de la formation, et non celui de la certification. Les résultats des signataires du CIR inscrits à la certification ne sont pas encore disponibles au 1er juin 2024.

* 36 CJUE, 4 juin 2015, C-579/13.

* 37 Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée.

* 38 L'inconstitutionnalité de l'article 20 de la loi du 26 janvier 2024 n'a pas été soulevée devant le Conseil constitutionnel.

* 39 Elle mentionne seulement d'un point de vue des effets macroéconomiques que le rehaussement du niveau de langue exigé a vocation à contribuer à une meilleure intégration et à une meilleure employabilité des étrangers résidant en France.

* 40 Assemblée nationale, rapport relatif à l'intégration professionnelle des demandeurs d'asile et des réfugiés, Jean-Noël BARROT et Stella DUPONT, 23 septembre 2020 - Annexe 1 : « l'effet de la réforme du CIR sur l'acquisition de la langue française par les réfugiés ».

* 41 Cet entretien a été mis en place suite à la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité et a été précisé par le décret n° 2012-126 du 30 janvier 2012 relatif au niveau et à l'évaluation de la connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises requis des postulants à la nationalité française au titre de l'article 21-24 du code civil.

* 42 Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, séance publique du 7 novembre 2023 au Sénat.

* 43 La plupart des pays européens prévoient une formation civique pour les primo-arrivants, à l'exception du Portugal.

* 44 Le score nécessaire est porté à 17 réponses correctes sur 33 questions dans le cadre de la naturalisation allemande.

* 45 Pour les étrangers inscrits aux cours d'intégration avant le 1er octobre 2022, la contribution aux frais est de 2,20 euros par heure, pour un montant de 1 540 euros pour l'ensemble du parcours de 700 heures de formation.

* 46 Les demandeurs d'emploi ou les parents d'enfants mineurs se voient proposés des formations organisées par les communes.

* 47 Le gouvernement néerlandais contrôle toutefois la qualité des cours d'intégration civique au moyen du label de qualité « Blik op Werk ».

* 48 La décision n° 14 pour améliorer notre politique d'immigration, d'asile et d'intégration était de promouvoir l'intégration par le travail.

* 49 L'évaluation initiale du niveau de français des signataires de CIR est désormais confiée à un prestataire de l'OFII présent en plateforme d'accueil.

* 50 Accord cadre national du 1er mars 2021 entre l'État, l'OFII et les acteurs du service public de l'emploi en faveur de l'insertion professionnelle des étrangers primo-arrivants pour 2020-2024.

* 51 Rapport EY « Évaluation des mesures mises en oeuvre à la suite du Comité interministériel à l'intégration du 5 juin 2018 sur le champ des formations linguistique et civique (Rapport septembre 2021, Tomes 1 et 2).

* 52 En Haute-Vienne par exemple, des difficultés ont été rencontrées en 2021 sur deux sites, celui de Guéret et celui de Brive, où les formations civiques sont essentiellement dispensées le samedi, jour où peu d'intervenants extérieurs sont disponibles pour intervenir lors de la journée 4 « emploi ».

* 53 Rapport interinspection « L'insertion par l'emploi des étranges primo-arrivants : reconnaissance des diplômes et des qualifications, validation des acquis de l'expérience professionnelle » (Rapport IGA/IGAS/IGESR, avril 2021).

* 54 Il convient de relever que ces dispositions ne s'appliqueront pas lorsque l'employeur est un particulier.

* 55 Rapport n° 433 (2022-2023) fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, par Mme Muriel JOURDA et M. Philippe BONNECARRÈRE.

* 56 Les cours de formation linguistique étaient composés de 16 à 17 personnes lors des déplacements effectués.

* 57 Rapport d'information n° 660 (2016-2017) fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur la mise en oeuvre de la réforme de la formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants, de M. Roger KAROUTCHI.

* 58 Rapport EY « Évaluation des mesures mises en oeuvre à la suite du Comité interministériel à l'intégration du 5 juin 2018 sur le champ des formations linguistique et civique (Rapport septembre 2021, Tomes 1 et 2).

* 59 Au cours de la troisième journée, il est distribué également une contremarque d'une validité d'un an pour visiter avec sa famille un monument du réseau CMN. 3 542 visites individuelles ont été organisées entre septembre 2022 et décembre 2023.

* 60 En application de l'article 5.1.2 des cahiers des clauses particulières (CCP) de la formation civique 2022, de la formation civique 2022 à Mayotte, et de la formation linguistique 2022 et de l'article 6.1.2 du CCP de la formation linguistique à Mayotte 2022.

* 61 Article R. 413-4 du CESEDA.

* 62 Extrait du compte-rendu de la réunion du 21 novembre 2023 de la commission des lois, Rapport n° 1943 de M. Florent BOUDIÉ, Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE, MM. Ludovic MENDES, Philippe PRADAL et Olivier SERVA, fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 décembre 2023, tome II.

* 63 MOOC Vivre en France.

* 64 Inspection générale de l'administration, inspection générale des affaires sociales, Rapport sur l'évaluation de la politique d'accueil des étrangers primo-arrivants, octobre 2013.

* 65 Cour des comptes, L'entrée, le séjour et le premier accueil des personnes étrangères, 2020, p. 170.

* 66 Rapport d'information n° 660 (2016-2017) fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur la mise en oeuvre de la réforme de la formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants, de M. Roger KAROUTCHI.

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