LES 47 RECOMMANDATIONS
DE
LA COMMISSION D'ENQUÊTE
La nécessité de refonder notre approche collective du phénomène
· Recommandation n° 1 : Engager sans délai des recherches académiques transdisciplinaires sur la perception et la réception des opérations de manipulation de l'information sur l'individu et la société, et veiller à l'actualisation régulière de nos connaissances en la matière.
· Recommandation n° 2 : Élaborer une stratégie globale, nationale et interministérielle de lutte contre les influences étrangères malveillantes, en intégrant d'emblée les enjeux de financement et en associant le Parlement. Un débat sur sa mise oeuvre se tiendrait annuellement au sein des assemblées.
· Recommandation n° 3 : Établir une doctrine claire en matière de réponse aux opérations d'influence malveillantes.
· Recommandation n° 4 : Conforter Viginum dans son rôle de chef-de-file en matière de protection du débat public numérique, en lui conférant un statut d'agence de l'État dotée d'une autonomie de gestion et placée sous la tutelle du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
· Recommandation n° 5 : Réaffirmer le portage politique par le Premier ministre de la politique de de lutte contre les influences étrangères malveillantes en la confortant par la désignation d'un membre du Gouvernement placé auprès de lui qui en aurait la charge.
· Recommandation n° 6 : Mettre en place un observatoire des influences étrangères malveillantes regroupant les parties prenantes de la société civile et les acteurs publics concernés.
Lutter contre les influences étrangères malveillantes sur le territoire national
· Recommandation n° 7 : Conférer à Viginum des moyens humains et matériels en adéquation avec sa mission de chef de file en matière de protection du débat public numérique et identifier clairement, au sein des documents budgétaires et dans une logique de transparence, les crédits et les effectifs alloués.
· Recommandation n° 8 : Renforcer les moyens juridiques de Viginum, en supprimant la référence au seuil des 5 millions de visiteurs uniques par mois pour les plateformes en ligne ; en autorisant la collecte automatisée de données dans les activités de veille de Viginum ; en allongeant le délai de conservation des données traitées et le délai de renouvellement des collectes ; en revoyant la notion d'ingérence numérique étrangère.
· Recommandation n° 9 : Se doter d'un outil de suivi des investissements étrangers en France à l'aune non plus seulement, comme le fait le service de l'information stratégique et de la sécurité économique (Sisse), du caractère stratégique de leur objet mais de leur possible finalité d'influence à moyen-long terme.
· Recommandation n° 10 : Mettre pleinement en oeuvre le volet pénal de la loi « Ingérences étrangères », en diffusant largement aux magistrats l'information pertinente sur les nouveaux outils de lutte contre les ingérences étrangères et en intégrant pleinement la caractérisation de la nouvelle circonstance aggravante d'ingérence étrangère dans la coopération entre Pharos et Viginum. Intégrer cette dimension dans la formation des magistrats à l'École nationale de la magistrature.
Dans le champ des armées, réévaluer les moyens budgétaires à l'aune des nouvelles menaces
· Recommandation n° 11 : Réévaluer, à l'occasion de la prochaine actualisation de la loi de programmation militaire, soit avant la fin de l'année 2027, les moyens de la lutte informationnelle à l'aune de l'évolution de la menace.
Développer notre influence positive à l'étranger en l'articulant à la politique de lutte contre les influences malveillantes
· Recommandation n° 12 : Renforcer les dispositifs de veille et d'alerte au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, notamment en développant les capacités de veille et d'enquête en sources ouvertes au sein de la sous-direction « veille et stratégie » de la direction de la presse et de la communication ; en poursuivant les efforts de formation du réseau diplomatique aux enjeux de communication stratégique.
· Recommandation n° 13 : Renforcer, dans le cadre du prochain contrat d'objectifs et de moyens, les capacités de France Médias Monde pour lutter contre la désinformation.
· Recommandation n° 14 : Rendre plus accessible les offres de radio de France Médias Monde en langue étrangère sur le territoire français grâce à la radio numérique terrestre (DAB +).
· Recommandation n° 15 : Étendre la diffusion de France 24, notamment en Chine.
· Recommandation n° 16 : Poursuivre les efforts visant à faire d'Arte une « plateforme européenne de référence ».
· Recommandation n° 17 : Créer une « Pléiade d'influence » composée d'écrivains, de scénaristes et de représentants des différentes disciplines artistiques au service de la politique d'influence et de la diplomatie publique.
Renforcer les capacités communes de
détection
et de riposte de la France et de ses
alliés
· Recommandation n° 18 : Amplifier l'engagement de la France pour porter l'enjeu de la lutte contre les « FIMI »9(*) au niveau de l'Union européenne, de l'Otan, de l'OCDE et du G7, et renforcer les capacités de riposte collectives.
· Recommandation n° 19 : Accompagner les partenaires européens souhaitant se doter de capacités comparables à Viginum.
· Recommandation n° 20 : Accompagner les partenaires de l'Otan souhaitant se doter de capacités comparables à celles du Comcyber.
Limiter l'amplification des opérations d'influence dans les médias et sur les plateformes
· Recommandation n° 21 : Compléter le mandat de l'Arcom pour y intégrer la thématique de la prévention des ingérences étrangères.
· Recommandation n° 22 : Rétablir une obligation de conventionnement avec l'Arcom pour les médias audiovisuels extra-européens.
· Recommandation n° 23 : À l'occasion d'une prochaine révision de la directive « SMA », proposer une simplification de l'application des critères utilisés pour déterminer l'État membre compétent au titre d'un média audiovisuel extra-européen.
· Recommandation n° 24 : Sur le modèle du dispositif prévu à l'article L. 163-2 du code électoral, mettre en place un dispositif permettant à l'autorité judiciaire de faire cesser la diffusion massive et artificielle de contenus faux ou trompeurs rattachables à une ingérence numérique étrangère et de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.
· Recommandation n° 25 : À court terme, exploiter pleinement les nouvelles prérogatives de régulation conférées par le règlement de l'Union européenne sur les services numériques (DSA) pour s'assurer que les plateformes se donnent les moyens de lutter contre les manipulations de l'information liées à des opérations d'ingérences informationnelles.
· Recommandation n° 26 : À moyen terme, porter au niveau européen une position tendant à conférer aux plateformes un statut d'éditeur au titre d'une partie des contenus qu'ils diffusent ou, a minima, leur conférer un statut hybride d'« entités structurantes de l'espace informationnel » (ni-hébergeur, ni éditeur) assorti d'obligations spécifiques permettant de prévenir les ingérences informationnelles.
· Recommandation n° 27 : Se donner les moyens d'une politique industrielle volontariste en faveur de la souveraineté numérique française et européenne, avec pour objectif de long terme que notre espace informationnel cesse d'être structuré par des opérateurs extra-européens.
· Recommandation n° 28 : Identifier spécifiquement les menaces liées aux ingérences étrangères dans les contrats d'objectifs et de moyens passés entre l'État et les médias réalisant des missions d'intérêt général, en prévoyant notamment la mise en place de dispositifs internes de protection sur le modèle de la procédure d'alerte mise en place par France Médias Monde.
Renforcer les instruments de contrôle de la vie publique et politique à l'aune du risque d'ingérence
· Recommandation n° 29 : Combler les lacunes existantes dans le cadre juridique applicable au financement des campagnes électorales et des partis politiques, en limitant le montant des prêts à un candidat ou à un parti politique, en interdisant aux personnes physiques étrangères ne résidant pas en France de consentir à ce type de prêts, et en interdisant aux mêmes personnes de cotiser aux partis politiques.
· Recommandation n° 30 : Interdire aux partis et aux candidats de recourir aux créateurs de contenus sur les plateformes (« influenceurs ») pour mener des campagnes d'influence électorale rémunérées.
· Recommandation n° 31 : Renforcer les prérogatives de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (CNCCFP), en lui permettant de demander aux prêteurs d'établir l'origine des fonds prêtés à un candidat ou à un parti politique, d'accéder au fichier national des comptes bancaires (Ficoba) et en l'intégrant à la liste des personnes à qui Tracfin peut transmettre des informations.
· Recommandation n° 32 : Tirer les conséquences, dans le projet de loi de finances pour 2025, de l'impact de la mise en oeuvre de la loi « Ingérences étrangères » sur le budget de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, au regard des nouvelles missions qui lui sont confiées.
· Recommandation n° 33 : Intégrer, dans le rapport au Parlement sur l'état de la menace liée aux ingérences étrangères prévu par la loi « Ingérences étrangères », un premier bilan du fonctionnement de la mise en oeuvre du dispositif de contrôle des représentants intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers présentant, le cas échéant, les limites rencontrées par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
· Recommandation n° 34 : Défendre, au niveau européen dans le cadre de la discussion du paquet « défense de la démocratie », un niveau d'exigence en matière de transparence des activités de représentation d'intérêts exercées depuis l'étranger comparable à celui prévu par la loi « Ingérences étrangères ».
· Recommandation n° 35 : Conduire des enquêtes auprès des ministres « pressentis » pour s'assurer de l'absence d'exposition à des influences étrangères.
· Recommandation n° 36 : Encourager résolument en tant que bonne pratique le « sourçage » des amendements et questions parlementaires au Gouvernement lorsqu'ils présentent un lien avec une possible influence étrangère.
Poursuivre le renforcement de la protection de l'université et de la recherche face aux opérations d'influence
· Recommandation n° 37 : Mener un travail de structuration des dispositifs de détection des menaces liées aux influences étrangères au sein des établissements d'enseignement supérieur et de recherche piloté au niveau ministériel, en incluant les établissements privés.
· Recommandation n° 38 : Poursuivre la mise en oeuvre des recommandations du « rapport Gattolin », notamment en matière de la protection des sciences humaines et sociales, de contrôle des accords internationaux, et de transparence sur les liens d'intérêts des chercheurs ainsi que sur les financements extra-européens des établissements privés.
· Recommandation n° 39 : Prévoir une procédure d'encadrement systématique des bourses à financement étatique ou para-étatique.
Maintenir un niveau de vigilance élevé à l'égard des enjeux liés au financement des cultes
· Recommandation n° 40 : Combler les lacunes du cadre juridique issu de la loi du 24 août 2021 confortant les principes de la République en matière de contrôle du financement étranger des cultes.
Poser collectivement les fondations d'une véritable résilience de la société
· Recommandation n° 41 : Créer, au sein de Viginum, une nouvelle fonction de sensibilisation et de formation à la sécurité informationnelle, y compris en direction des acteurs privés.
· Recommandation n° 42 : Mener une évaluation exhaustive des dispositifs français d'éducation aux médias et plus largement à l'esprit critique pour consacrer l'éducation aux médias et à l'information comme grande cause nationale, en y intégrant une dimension spécifique aux influences étrangères malveillantes.
· Recommandation n° 43 : Créer un Pass Médias pour les jeunes, sur le modèle du Pass Culture.
· Recommandation n° 44 : Intégrer dans la Journée défense et citoyenneté une dimension portant sur les influences étrangères.
· Recommandation n° 45 : Créer une spécialité de la réserve opérationnelle et de la réserve citoyenne de défense et de sécurité dédiée à la fonction d'influence et mobilisable pour la détection et la riposte aux opérations d'influence étrangères.
· Recommandation n° 46 : Sensibiliser les élus sur les enjeux liés aux influences étrangères malveillantes (commande publique, cybersécurité etc.).
· Recommandation n° 47 : Examiner la possibilité d'habiliter au secret de la défense nationale davantage de responsables publics, en particulier les exécutifs locaux et les présidents d'établissements d'enseignement supérieur dans la limite du besoin d'en connaître.
* 9 Pour Foreign Information Manipulation and Interference, notion développée par le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) de l'Union européenne.