L'ESSENTIEL
Créée à l'initiative du groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER), la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influence étrangères, présidée par Dominique de Legge (Les Républicains - Ille-et-Vilaine), a adopté le 23 juillet 2024 le rapport présenté par Rachid Temal (SER - Val-d'Oise).
La commission d'enquête propose une politique publique de lutte contre les influences étrangères malveillantes fondée sur :
? une politique publique en 3 piliers : bâtir une dynamique de résilience de la population ; gagner la bataille des narratifs ; construire une stratégie globale et interministérielle pour toute la Nation ;
? une feuille de route de 47 recommandations à mettre en oeuvre dans différents secteurs pour mieux lutter contre les influences étrangères numériques sur le territoire national et pour développer notre influence positive à l'étranger.
Refondation de notre approche collective de la lutte contre les influences étrangères malveillantes : une feuille de route reposant sur trois piliers
Source : commission d'enquête
I. LES PRINCIPAUX CONSTATS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE
A. LES INFLUENCES ÉTRANGÈRES MALVEILLANTES AU CoeUR DES NOUVELLES MENACES HYBRIDES
La menace sur le modèle démocratique et les intérêts de la France ne se limite plus ni à la guerre conventionnelle, ni aux ingérences « traditionnelles » (espionnage, trahison, etc.).
C'est autour de la notion d'influences étrangères malveillantes que la commission d'enquête a centré ses travaux. Cette catégorie se distingue de celle habituellement utilisée de l' « ingérence », qui désigne un moyen plutôt qu'une fin, et est en même temps plus restreinte que celle de l'influence qui, lorsqu'elle est transparente, fait partie du jeu normal des relations internationales. Celles-ci sont assimilables à des attaques hybrides (manipulations de l'information, ingérences numériques étrangères, etc.) d'autant plus pernicieuses qu'elles s'affranchissent des frontières physiques.
Typologie des influences étrangères et distinction avec les opérations coercitives
Source : commission d'enquête
B. LA FRANCE CONFRONTÉE À UN DURCISSEMENT DES STRATÉGIES D'INFLUENCE
Le recours de plus en plus désinhibé à des stratégies d'influence malveillante contre la France s'inscrit dans un contexte international marqué par :
· une nouvelle donne géopolitique avec un retour des stratégies de puissance et une multiplication d'opérations hybrides menées sous le seuil de la guerre conventionnelle ;
· une nouvelle donne technologique, caractérisé par la centralité des plateformes numériques et la montée en puissance de l'intelligence artificielle, qui induisent de nouveaux canaux de perception de l'information par les populations.
Plusieurs compétiteurs sont engagés dans une guerre d'influence contre les pays occidentaux et en particulier contre la France : à côté de la Russie - de loin l'acteur le plus agressif et ce dès avant l'invasion de l'Ukraine - et de la Chine, qui s'efforcent de promouvoir leur modèle autoritaire en décrédibilisant la démocratie, des menaces « tous azimuts » se font jour, émanant de compétiteurs étatiques émergents, tels que la Turquie ou l'Azerbaïdjan.
Dans leur guerre d'influence contre la France, nos adversaires exploitent certaines de nos vulnérabilités, qui découlent des fractures bien réelles de notre société, d'un désarmement de l'État dans certains secteurs ou encore également de la fragilité de l'individu et les biais cognitifs dont il peut être victime. Surtout, ces opérations peuvent paradoxalement tirer profit de notre modèle démocratique et libéral, caractérisé par un espace informationnel ouvert, qui nous distingue des régimes autoritaires muselant l'opinion publique.
Ces opérations prennent principalement la forme de manipulation de l'information. L'affaire des étoiles bleues de David « taguées » à Paris dans les jours qui ont suivi l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 en constitue un prototype : une opération de déstabilisation exploitant un facteur de vive tension politique, portant la signature des services secrets russes, amplifiée artificiellement sur les réseaux sociaux. La typologie des opérations identifiées est cependant plus large : capture des élites, contrôle des diasporas, influence économique, etc.
Ces attaques nous placent face à un défi existentiel : celui de ne pas tomber dans le piège qui nous est tendu et donc de refuser, dans notre défense comme dans notre riposte, de céder sur nos principes et nos valeurs démocratiques.