N° 717

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 juillet 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le suivi des recommandations
du
rapport « Jouons collectif pour l'avenir du Stade de France »,

Par M. Éric JEANSANNETAS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné, le mardi 9 juillet 2024, le rapport de M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », sur l'application des recommandations issues de son rapport déposé le 26 juin 2019 relatif à l'avenir du Stade de France.

I. LA CONCESSION DU STADE DE FRANCE : LE RISQUE DU HORS JEU

Le sénateur Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », a mené au premier semestre 2019 un contrôle budgétaire intitulé Jouons collectif pour l'avenir du Stade de France. Le rapporteur spécial avait mené ce contrôle afin d'anticiper sur une échéance majeure, à savoir la fin de la concession du Stade de France en août 2025.

L'objectif était d'éviter de reproduire les erreurs, particulièrement coûteuses pour les finances publiques, qui avaient été commises lors de la création du Stade et de la signature du contrat en 1995.

Le Stade de France avait en effet été construit dans l'urgence de la coupe du monde de 1998. Si la réalisation de l'enceinte en trois ans par le Consortium Vinci-Bouygues fut une véritable prouesse technique, les délais extrêmement restreints ont placé l'État en position de faiblesse dans les négociations.

Alors qu'il s'était engagé à la présence d'un club résident au Stade de France, cela s'est rapidement révélé être une « chimère » : l'État a ainsi été contraint de verser au Consortium une indemnité compensatrice jusqu'en 2013, pour un montant cumulé de 121,6 millions d'euros.

Évolution de l'indemnité pour absence de club résident (IACR) nette
entre 1998 et 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

En outre, le contrat présente de grandes fragilités sur le plan juridique.

La décision du Premier ministre de l'époque de signer le contrat de concession a été déclarée illégale par un jugement du tribunal administratif de Paris de juillet 1996. Afin que le stade puisse malgré tout être construit dans les délais, une loi du 11 décembre 1996 a opéré une validation du contrat. Cette loi a cependant elle-même été déclarée contraire à la Constitution dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (CC, 11 février 2011, QPC n° 2010-100).

Un avenant a été signé en septembre 2013 pour régulariser la situation, mais de l'avis de plusieurs personnes auditionnées, le contrat actuel demeure encore « fragile » juridiquement.

Le déséquilibre du contrat de concession a également conduit les fédérations sportives à envisager de remettre en cause les conventions qui les liaient au Stade de France. Elles estimaient en effet que la répartition de la valeur s'opérait à leur détriment, alors même que, en l'absence de club résident, elles jouent un rôle crucial dans l'équilibre économique de la concession. Même si les fédérations ont finalement négocié de nouvelles conventions, elles considèrent encore que l'économie du contrat n'est pas idéale.

La résiliation anticipée du contrat n'était cependant pas une option, compte tenu de son coût pour les finances publiques estimé entre 60 et 113 millions d'euros. Le rapporteur spécial était donc favorable à l'annonce du Gouvernement de mener le contrat à son terme en 2025.

Cette décision impliquait toutefois de définir rapidement une stratégie pour l'avenir du Stade de France, et de trouver un accord sur les questions de l'organisation et du financement de la coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Il était nécessaire dès 2019 de tout mettre en oeuvre pour que l'État ne se trouve plus en position de faiblesse lors des négociations. Tel était le sens des trois recommandations qu'avait alors formulées le rapporteur spécial.

Les recommandations du rapporteur spécial dans son rapport de 2019
Jouons collectif pour l'avenir du Stade de France

Recommandation n° 1 : afin de ne pas être exposé, même indirectement, à des risques financiers, l'État doit pleinement s'investir auprès des parties pour qu'elles concluent dans les douze prochains mois les conventions de mises à disposition du stade pour les deux prochaines compétitions internationales, dans des conditions juridiquement robustes et financièrement acceptables.

Recommandation n° 2 : afin d'assurer la livraison à temps de l'enceinte rénovée et de respecter les obligations financières de chacun, il importe de formaliser d'ici la fin de l'année 2019 un accord entre l'État et le concessionnaire sur les travaux nécessaires pour les Olympiades de 2024 et la répartition de leur financement.

Recommandation n° 3 : afin de préserver les finances publiques et d'assurer l'avenir du Stade de France, une décision sur son exploitation après 2025 doit être formalisée d'ici la fin de l'année pour pouvoir être menée à bien avant l'organisation des deux compétitions internationales de 2023 et 2024. L'engagement des fédérations françaises de football et de rugby en constitue l'axe central, ce qui doit conduire à envisager la cession du Stade de France, seule à même d'écarter tout risque financier ultérieur pour l'État.

Le présent rapport de suivi a ainsi été l'occasion de faire le point sur les évolutions qui se sont produites depuis 2019 en vue de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques, et s'agissant de la procédure de renouvellement de la concession.

II. L'AVENIR DU STADE DE FRANCE : RÉUSSIR LA DEUXIÈME MI-TEMPS

A. LE STADE DE FRANCE EST PRÊT POUR PARIS 2024 

Le Stade de France accueillera 43 des 48 épreuves d'athlétisme des Jeux olympiques. Les épreuves de rugby à 7 ainsi que la cérémonie de clôture des Jeux seront également organisées dans l'enceinte. Le Stade de France est ainsi une pièce maîtresse de Paris 2024.

En ce qui concerne les travaux, une convention de « modernisation du Stade de France » a été signée entre la Société de livraison des ouvrages (Solidéo) et le Consortium le 27 avril 2020. Il s'agit d'un délai proche de celui que préconisait le rapporteur spécial lors de son contrôle.

La Solidéo a pris à sa charge la majorité des constructions à destination des Jeux, pour un montant de 37,5 millions d'euros : la modernisation de l'éclairage sportif et architectural, le remplacement des écrans géants, etc. Le Consortium du Stade de France a en revanche financé la piste d'athlétisme (3 millions d'euros).

Les travaux du Stade de France ont été terminés dans les délais et dans le respect de la prévision budgétaire. La Solidéo continue ainsi de faire la preuve de sa bonne gestion, que le rapporteur spécial avait déjà soulignée lors de l'examen de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » au projet de loi de finances pour 2024.

Calendrier des travaux du Stade de France

Note : CMR = coupe du monde de rugby ; JOP = Jeux olympiques et paralympiques ; PC = plan de charge.

Source : Société de livraison des ouvrages olympiques.

La convention de stade pour les JOP a été signée tardivement, à la fin de l'année 2023, alors que le rapporteur spécial préconisait un accord en 2020 au plus tard. Ce délai s'explique par les incertitudes sur le chiffrage des pertes de revenus pour le Consortium du Stade de France (CSDF), ainsi que les discussions liées aux aménagements temporaires à réaliser pour les JOP.

La prise en charge des pertes d'exploitation est finalement organisée par un protocole entre l'État et le Consortium, signée en décembre 2023, et le financement des autres coûts relatifs à la mise à disposition est réglée par une convention signée au même moment entre le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) et le Consortium.

Les dispositions de ces conventions semblent équilibrées. Le loyer et les frais techniques, d'un montant évalué à 14,5 millions d'euros, sont, selon le COJOP, dans la moyenne de leurs autres contrats.

L'État ne prendra pas directement en charge les pertes d'exploitation, estimées à 15 millions d'euros. Les contreparties (extension d'un mois de la durée de la concession, renoncement à percevoir certaines redevances...) sont adaptées, et conformes avec l'objectif de préservation des finances publiques. L'action dans les négociations du délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques, Michel Cadot, a été saluée par les personnes concernées.

B. LE RENOUVELLEMENT DE LA CONCESSION : L'OCCASION DE GARANTIR L'AVENIR DU STADE DE FRANCE

Le 30 mars 2023, le Gouvernement a lancé un appel à candidatures à la fois pour une cession et une concession du Stade de France. Le lancement simultané de ces deux procédures devait permettre à l'État de choisir a posteriori entre la cession et le renouvellement de la concession du Stade de France en fonction de la qualité des offres déposées.

Le lancement de la mise en concurrence est tardif. À la suite de son contrôle, le rapporteur spécial préconisait qu'une décision sur l'avenir du Stade de France soit arrêtée en 2019, pour que la procédure soit achevée avant la coupe du monde de rugby et les JOP. En fin de compte, la décision de lancer les deux procédures de façon simultanée n'a été prise qu'en 2022, et le choix de l'exploitant du Stade sera postérieur aux JOP.

Ce retard s'explique notamment par la décision de lancer une procédure de cession en parallèle de la procédure de concession, ce qui a nécessité des expertises complémentaires. La procédure de cession a finalement été abandonnée, après que le dossier du seul candidat a été déclaré irrecevable1(*).

En tout état de cause, les délais pour la négociation avec les candidats sont contraints, ce qui est un constat également partagé par la Cour des comptes : « La Cour observe que la procédure interviendra dans un calendrier très contraint susceptible de réduire les marges de manoeuvre de l'État et qui augmente le risque d'un impact sur les finances publiques contraire à l'intérêt général. »2(*)

Cependant, le service Fin Infra, rattaché à la direction générale du Trésor, et la direction des sports ont indiqué au cours des auditions qu'aucun risque n'était à signaler à ce stade sur la procédure, et qu'ils étaient confiants dans le fait que la concession actuelle pourrait se terminer à la date prévue, le 5 août 2025. Au cours de ses travaux, le rapporteur spécial n'a pas identifié d'éléments laissant à penser que les délais ne seront pas respectés. Il convient cependant de rester vigilant : la volonté de faire aboutir la procédure avant la fin de la concession actuelle ne doit pas conduire à négliger les intérêts financiers de l'État.

Quels que soient les critères retenus, la prise en compte des intérêts de la Fédération française de football (FFF) et de la Fédération française de rugby (FFR) sera nécessaire. Faute de club résident, les fédérations sportives sont en effet des partenaires indispensables du Stade de France. Une gouvernance plus intégrée n'est pas hors de portée, mais à la condition que le modèle économique soit plus favorable qu'il ne l'est actuellement.

C'est uniquement en développant un modèle d'exploitation qui permette le développement économique de l'enceinte tout en préservant les finances publiques que le Stade de France pourra demeurer un symbole des ambitions sportives de notre pays.


* 1 Un membre du groupement candidat a néanmoins formulé un recours contre cette décision.

* 2 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire de l'exercice 2023 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », avril 2024, page 53.

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