N° 693

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 juin 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif à l'ingénierie des petites communes,

Par MM. Daniel GUERET et Jean-Jacques LOZACH,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; M. Rémy Pointereau, premier vice-président ; Mme Agnès Canayer, MM. Cédric Vial, Fabien Genet, Mme Corinne Féret, MM. Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Mme Guylène Pantel, MM. Didier Rambaud, Pierre Jean Rochette, Grégory Blanc, vice-présidents ; MM. Jean Pierre Vogel, Laurent Burgoa, Bernard Delcros, Hervé Gillé, secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Cédric Chevalier, Thierry Cozic, Mme Catherine Di Folco, MM. Jérôme Durain, Daniel Gueret, Mme Pascale Gruny, MM. Joshua Hochart, Patrice Joly, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Jacques Lozach, Pascal Martin, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Mme Sylviane Noël, MM. Olivier Paccaud, Hervé Reynaud, Jean Yves Roux, Mmes Patricia Schillinger, Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Lucien Stanzione, Jean Marie Vanlerenberghe.

SYNTHÈSE

Le désengagement de l'État de l'ingénierie de proximité, dont les prémices remontent à 2001, a particulièrement touché les 85 % de communes françaises comptant moins de 2 000 habitants. Si les alertes répétées du Sénat1(*) ont précipité une prise de conscience, le déploiement de dispositifs nationaux n'a que partiellement comblé ces carences. Ainsi de l'offre limitée d'« ingénierie sur mesure » de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), ou du récent programme « Villages d'avenir » annoncé en juin 2023.

Après avoir dressé un diagnostic des moyens d'ingénierie à disposition des petites communes, les rapporteurs proposent trois orientations visant à leur permettre de concrétiser leurs projets, pour répondre in fine aux besoins de leurs habitants.

I. LES PETITES COMMUNES, PRINCIPALES VICTIMES DU DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT TERRITORIAL

À partir d'une quinzaine de témoignages d'élus locaux et d'acteurs de l'ingénierie publique, les rapporteurs dressent le diagnostic d'une ingénierie publique à la fois limitée et fragmentée, que peinent à s'approprier les « petites communes ».

La suppression brutale, en 2014, de l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) a alimenté un sentiment d'abandon pour les communes dépourvues de services administratifs suffisamment étoffés. Alors que l'apport d'« ingénierie sur mesure » devait constituer l'une des principales nouveautés de l'ANCT, l'enveloppe financière qui y est réellement consacrée reste quant à elle modeste (5,8 M€ en 2021 et 6,7 M€ en 2022).

Dans ce désert d'ingénierie, des oasis sont certes apparues. Les conseils départementaux, à l'instar de celui d'Eure-et-Loir, se sont affirmés comme des acteurs clefs de l'accompagnement des petites communes, en proposant une palette de prestations gratuites et payantes. La structuration de cette ingénierie territoriale reste toutefois disparate et gagnerait à être affermie, en généralisant par exemple le modèle des agences techniques départementales.

II. LE PROGRAMME « VILLAGES D'AVENIR » : UN COMPLÉMENT NÉCESSAIRE MAIS INSUFFISANT POUR LES PETITES COMMUNES

En juin 2023, la Première ministre présentait le programme « Villages d'avenir », piloté par l'ANCT pour apporter un soutien en ingénierie aux communes de moins de 3 500 habitants. Pour offrir un accompagnement personnalisé à des communes volontaires, 120 chefs de projet, positionnés au sein des services de l'État, seront recrutés au total (dont 92 avaient pris leur fonction à la date de publication du rapport).

Carte des communes lauréates au 2 janvier 2024 (source : ANCT)

Au 1er janvier 2024, 2 458 communes rurales lauréates ont été sélectionnées dans le cadre de la première vague de labellisation pour bénéficier d'un appui de 12 à 18 mois. Les projets les plus fréquents ont trait à la réhabilitation de bâtiments et à l'aménagement d'espaces, à la transition écologique et la biodiversité, aux services et commerces de proximité ou encore à la transition énergétique.

Si le programme - qui procède d'une démarche ascendante - n'est bien sûr pas dépourvu d'atouts, certains points de vigilance doivent être mis en exergue :

- l'absence d'enveloppe financière dédiée au financement des projets peut engendrer des désillusions si la mobilisation des financeurs dans la phase de concrétisation des projets n'est pas à la hauteur des attentes ;

- l'assistance à maîtrise d'ouvrage des communes dans la phase de mise en oeuvre opérationnelle doit être plus clairement définie ;

- la durée d'accompagnement, de l'ordre de 12 à 18 mois, est inférieure au temps de maturation des projets complexes et structurants.

III. LES TROIS RECOMMANDATIONS DE VOTRE DÉLÉGATION

A. AMÉLIORER LA COORDINATION DES DISPOSITIFS D'INGÉNIERIE AFIN DE PRÉVENIR LA CACOPHONIE ET MIEUX ORIENTER LES ÉLUS LOCAUX

Ø Interlocuteurs de premier niveau sur les questions d'ingénierie, les préfets doivent jouer pleinement leur rôle d'orientation des élus, en identifiant et en mobilisant les solutions - avant tout locales - susceptibles de venir en appui aux projets des petites collectivités. La qualité du dialogue entre les services préfectoraux et les collectivités dépend du bon fonctionnement des comités locaux de la cohésion territoriale (CLCT), dont le bilan est aujourd'hui inégal.

Ø Les rapporteurs souhaitent que la logique d'un « guichet unique » accessible aux élus locaux trouve à se déployer dans l'ensemble des départements. L'ANCT, qui procède à un recensement des offres de service des opérateurs afin d'en établir une cartographie, doit en particulier assurer la cohérence de ses interventions avec les autres opérateurs nationaux.

Ø L'enjeu de sensibilisation des élus reste crucial. Par exemple, la Banque des Territoires a précisé aux rapporteurs que la strate des petites communes était celle « qui connai[ssai]t le moins [son] offre de services ». La Banque des Territoires propose pourtant des dispositifs d'accompagnement au soutien de l'ingénierie des petites communes qui gagneraient à être mieux connus.

B. PÉRENNISER LES FINANCEMENTS POUR FAVORISER LA PLANIFICATION DES PROJETS DES PETITES COMMUNES

Ø L'émergence des projets dépend, au-delà de la connaissance de l'écosystème de l'ingénierie, de l'accès à des financements pérennes. Afin de garantir un socle minimal, les rapporteurs recommandent d'expertiser la création d'un fonds national dédié à l'ingénierie des petites communes, qui pourrait être abondé par une cotisation sur l'investissement des collectivités à hauteur de 0,1 %.

Ø Les dépenses en « ingénierie d'animation » devraient compter parmi les dépenses éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) subséquemment élargie. Les auditions menées par les rapporteurs ont permis de constater à quel point ces dépenses d'animation, aujourd'hui non rattachables à un investissement, revêtaient un caractère décisif pour la pérennité des projets locaux.

C. RENONCER AU CARACTÈRE SYSTÉMATIQUE DES APPELS À PROJETS ET STRUCTURER DES RÉSEAUX D'INGÉNIERIE SOLIDES

Ø Sans nier ses atouts, le programme « Villages d'avenir » a pour défaut de perpétuer l'approche systématique des appels à projets, au risque de pénaliser les communes ne disposant pas des capacités pour faire émerger de telles initiatives. Pour prévenir les frustrations parmi les 1 600 communes non retenues lors de la première vague de labellisation, sans doute sera-t-il nécessaire d'assurer un accompagnement renforcé par les services de l'État, et de donner une priorité à l'étude de leur dossier dans les prochaines phases du programme.

Ø Plus structurellement, un réseau d'ingénierie solide passe par la diffusion continue de bonnes pratiques. De ce point de vue, le réseau « Bretagne rurale et urbaine pour un développement durable » (BRUDED) constitue un exemple d'initiative mettant en relation 270 collectivités issues de quatre départements (dont 80 % de moins de 2 000 habitants) pour échanger sur leurs pratiques innovantes et vertueuses. Les rapporteurs forment le voeu que ce type de réseau, qui a émergé sur le terreau de « l'intelligence territoriale », puisse essaimer. Enfin, l'ingénierie mutualisée peut parfois reposer sur des financements publics et privés, à l'instar du programme « 1 000 cafés » dont la mission est de développer une offre de cafés multiservices en milieu rural.

IV. CONCLUSION

Le renforcement de la coordination des ingénieries publiques, la pérennisation des financements, et la structuration des réseaux d'ingénierie publique territoriale sont des enjeux cruciaux pour que vive la démocratie locale et pour donner aux élus locaux le « pouvoir d'agir » nécessaire pour mener à bien les projets essentiels au développement de leurs territoires.

LES 3 RECOMMANDATIONS DE LA MISSION

N° de la recommandation

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

1

Veiller à la bonne articulation des interventions en matière d'ingénierie en faisant prévaloir le principe de subsidiarité et en redonnant à l'État territorial les moyens de jouer son rôle de « chef d'orchestre »

Ministère de l'Intérieur /

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Courant 2024

Assurer l'application homogène de la circulaire du 28 décembre 2023

*

Instructions

interministérielles :

- mobilisation des sous-préfets

- désignation d'un sous-préfet ingénierie

*

Fonds dédié pour les préfets

2

Pérenniser les financements des projets locaux et étudier l'opportunité de créer un fonds national d'ingénierie à destination des petites communes

Ministère de la

Cohésion des

Territoires

(DGCL/ ANCT)

Banque des Territoires (BdT)

2e semestre 2024

Présentation de scénarios chiffrés

3

Veiller à la diffusion des bonnes pratiques pour ne pas perdre d'énergie à « réinventer » des solutions et garantir, en parallèle de la logique d'appels à projets qui irrigue les programmes nationaux, un service public de l'ingénierie.

Ministère de la

Cohésion des

Territoires

(DGCL/ ANCT)

Banque des Territoires (BdT)

Courant 2024

Recensement des initiatives, programme dédié, diffusion de guides de bonnes pratiques, renforcement des moyens humains et financiers dédiés à l'ingénierie (ANCT et BdT), sensibilisation des élus locaux aux dispositifs existants.

AVANT-PROPOS

Au 1er janvier 2023, 85 % des quelque 35 000 communes du pays comptaient moins de 2 000 habitants. Pour donner corps à la démocratie locale, chaque maire devrait pouvoir mener à bien les projets répondant aux besoins de ses administrés.

À cet effet, la délégation aux collectivités territoriales s'est, de longue date, intéressée à l'ingénierie, élément clef du « pouvoir d'agir » des élus locaux. Concept multiforme, l'ingénierie peut désigner2(*) aussi bien le champ de la maîtrise d'ouvrage (assistance à maîtrise d'ouvrage, conseil en amont, conduite d'opérations), que celui des études générales (diagnostic, analyse, dessins), pour aller jusqu'à la maîtrise d'oeuvre (direction de la maîtrise d'oeuvre, conduite des chantiers, réalisation des travaux, contrôle de l'exécution des travaux).

Les « petites communes »3(*), qui ne disposent pas des moyens d'organiser leurs propres services d'ingénierie, ont été les principales victimes du retrait de l'État - depuis plus de 20 ans4(*) -de l'ingénierie de proximité, alors que l'environnement normatif s'est sensiblement complexifié. En dépit de récents progrès, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ne fournit toujours qu'un volume limité d'« ingénierie sur mesure », et n'assume pas encore son rôle « d'ensemblier » à l'échelle territoriale5(*).

Pour tenter de répondre à ce « déficit criant d'ingénierie »6(*), le programme « Villages d'avenir » a été annoncé en juin 2023 dans le cadre du plan « France Ruralité ». Co-construit avec l'Association des maires ruraux de France (AMRF), ce programme vise à répondre aux besoins spécifiques des communes de moins de 3 500 habitants. Les prémices de son déploiement, initié en janvier 2024, appelleront ici plusieurs remarques, pour que son orientation profite effectivement au plus grand nombre de petites communes.

De manière plus structurelle - et dans la lignée des recommandations formulées récemment au sein de cette délégation7(*) - vos rapporteurs estiment nécessaire de renforcer la coordination des acteurs intervenant en matière d'ingénierie, en faisant prévaloir le principe de subsidiarité, et de continuer à diffuser les bonnes pratiques pour éviter de « réinventer » des solutions duplicables.

Le présent rapport a pour objet d'établir un diagnostic des moyens d'ingénierie à disposition des petites communes, d'en dresser les perspectives et de mettre en valeur des initiatives qui contribuent à dynamiser les territoires peu dotés en ingénierie.

I. LE DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT TERRITORIAL DU SOUTIEN À L'INGÉNIERIE DES PETITES COMMUNES N'A ÉTÉ QUE PARTIELLEMENT COMPENSÉ

A. L'INGÉNIERIE DES PETITES COMMUNES, VICTIME COLLATÉRALE DU DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT TERRITORIAL

1. Les petites communes ont particulièrement souffert du désengagement de l'État territorial

Les capacités d'ingénierie des « petites communes » ont souffert du recul de l'État territorial. Ainsi que le relevait sans détour la Cour des comptes dans une récente communication à la commission des finances du Sénat, « la diminution progressive à partir de 2001 puis la suppression de l'aide apportée aux petites collectivités par les services techniques déconcentrés de l'État ont en effet laissé nombre d'entre elles démunies en matière de conception et de conduite de projet. »8(*)

Ces évolutions ont été accélérées par la révision générale des politiques publiques (RGPP). Entre 2012 et 2020, ainsi, la forte décrue des effectifs de l'administration territoriale (- 14 % en équivalents temps plein travaillés [ETP]9(*)) a pénalisé l'accomplissement par les sous-préfets de leur mission de conseil aux collectivités territoriales.

Alors que le Sénat avait insisté10(*) sur son importance, la suppression brutale, en 2014, de l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT11(*)) a été mal vécue par les petites communes. L'ATESAT mobilisait près de 1 400 ETP, essentiellement dans les directions départementales des territoires (DDT), dont le rôle d'accompagnement était crucial12(*).

Dès lors, ainsi que le relevaient Mme Josiane Costes et M. Charles Guené dans leur rapport présenté en 2020 devant la délégation aux collectivités territoriales : « le retrait de l'ingénierie d'État depuis une quinzaine d'années semble tel que certains territoires considèrent qu'elle a disparu et se sentent « abandonnés » par les services de l'État13(*)»

2. Le dispositif du volontariat territorial en administration : entre prise de conscience et insuffisance

Quelques palliatifs, néanmoins insuffisants, témoignent d'une prise de conscience de la nécessité de renforcer l'accompagnement en ingénierie des petites communes, en particulier celles situées en milieu rural. Ainsi de l'annonce, en 2021, de la création de 2 500 postes de volontaires territoriaux en administration (VTA).

Le VTA permet aux communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ruraux de bénéficier de financements à hauteur de 20 000 euros pour la mission d'un jeune diplômé14(*), qui apporte un soutien en ingénierie interne pour une durée de douze à dix-huit mois. Le volontaire est chargé de mission au service de l'ingénierie des petites communes, telles que la préparation de dossiers de subvention, l'appui aux équipes et aux élus dans le montage de projets, ou encore l'identification des financements accessibles et le soutien à la transition écologique de la collectivité.

Il revient aux élus locaux intéressés d'initier cette démarche en envoyant à la préfecture du département et à l'ANCT une fiche de poste15(*). En 2021 et 2022, 550 VTA avaient été conclus (sur un objectif de 600), et le dispositif a été prolongé en 2024 dans le cadre du plan « France ruralités », avec l'ouverture de 220 nouveaux recrutements16(*).

L'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) juge que le dispositif est « un début de réponse sur l'ingénierie ». Dans la lignée de la position de l'AMRF, vos rapporteurs estiment toutefois que ces financements gagneraient à être pérennisés. M. Bernard Delcros, Sénateur et président du Parlement rural français, recommandait que ces moyens s'inscrivent dans la durée, en étant attribués a minima pour « cinq ans, soit la durée d'un mandat ».

3. Une offre d'ingénierie publique s'est structurée au niveau départemental, à des degrés variables selon les territoires

Dans ce contexte de désengagement de l'État territorial, l'offre d'ingénierie publique s'est structurée principalement au niveau départemental, au risque toutefois d'entretenir des inégalités selon les territoires.

Les conseils départementaux se sont souvent affirmés comme des acteurs clefs de l'accompagnement des petites communes, en proposant une palette de prestations gratuites et payantes. Le code général des collectivités territoriales (CGCT) leur offre en effet des bases juridiques pour combler certains interstices. L'article L. 3232-1-1 du CGCT autorise par exemple le département à apporter « pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire », par convention, un soutien aux communes « dans le domaine de l'assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l'entretien des milieux aquatiques, de la prévention des inondations, de la voirie, de la mobilité, de l'aménagement et de l'habitat »17(*).

Les communes peuvent notamment avoir recours :

- dans 75 départements, à une agence technique départementale (ATD), chargée d'apporter « une assistance d'ordre technique, juridique ou financier »18(*) et assurant des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage sur des sujets aussi variés que les infrastructures de voirie ou le numérique ;

- dans 93 départements, à un conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), pôle d'expertise particulièrement précieux pour les « petites communes »19(*).

Le conseil départemental d'Eure-et-Loir - dont vos rapporteurs ont auditionné le Président, M. Christophe Le Dorven - illustre le rôle proactif de certains départements en matière d'ingénierie. L'Eure-et-Loir consacre dans son budget 18,7 millions d'euros à des dispositifs d'aide aux territoires20(*), dont une part substantielle à l'ingénierie des petites communes. En 2018, le conseil départemental a lancé « bourgs centres », son dispositif de soutien à l'ingénierie des petites communes rurales21(*).

L'ATD du département d'Eure-et-Loir fournit quant à elle des prestations d'ingénierie permettant chaque année à 50 à 60 projets de voir le jour22(*). « Eure-et-Loir Ingénierie » (ELI) accompagne les communes dans les procédures de marché public, et assure le suivi de la mise en oeuvre de ces projets (dans la limite de 90 000 euros).

Par ailleurs, le conseil départemental est actionnaire de la société d'aménagement et d'équipement du département d'Eure-et-Loir (SAEDEL), société d'économie mixte intervenant auprès d'acteurs publics et privés pour soutenir l'ingénierie de projet. La SAEDEL propose des solutions opérationnelles en aménagement et construction pour des opérations complexes de plus de 500 000 euros.

L'offre d'ingénierie structurée au niveau départemental, parfois abondante, n'en reste pas moins disparate. Une étude d'une filiale de la Caisse des Dépôts a alerté sur « un manque critique en expertise pour porter des projets territoriaux » dans 26 départements23(*). Ces chiffres corroborent les constats dressés par M. Charles Guené et Mme Céline Brulin dans le cadre de leur mission sur l'ANCT présentée en 202324(*). Alors que l'hétérogénéité de l'offre d'ingénierie risque d'accentuer les inégalités territoriales, force est de constater que l'« alternative à l'approche ``universaliste'' et impartiale des services de la DDT n'a pas encore été trouvée»25(*)

En somme, comme le confirmait la Cour des comptes dans sa communication précitée26(*), le développement des services rendus par les agences techniques départementales « n'a que partiellement comblé cette carence » de l'État territorial.

B. L'OFFRE D'INGÉNIERIE « SUR MESURE » DESTINÉE AUX PETITES COMMUNES RESTE TROP LIMITÉE

Alors que l'apport d'« ingénierie sur mesure » devait constituer l'une des principales nouveautés de l'ANCT, l'enveloppe financière dédiée reste modeste.

1. Les montants consacrés par l'ANCT à l'offre d'« ingénierie sur mesure » restent très limités

L'ANCT est chargée - au-delà du pilotage de programmes nationaux (cf. II infra.) - de la responsabilité de faciliter « l'accès des porteurs de projets aux différentes formes, publiques ou privées, d'ingénierie juridique, financière et technique, qu'elle recense »27(*).

En d'autres termes, l'ANCT est chargée d'une mission d'ingénierie « sur mesure », qui vise à apporter conseil et soutien aux communes les moins dotées dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets territoriaux. Selon M. Christophe Bouillon, l'Agence a soutenu depuis 2020 quelque « 1 500 collectivités dont les projets étaient bloqués »28(*). La Cour des comptes précise que 1 200 projets ont été accompagnés « sur-mesure »29(*).

Il convient naturellement de saluer l'augmentation de l'enveloppe dédiée à l'accompagnement en ingénierie, dont le montant a été porté à 40 millions d'euros en loi de finances pour 2024, contre 20 millions d'euros (M€) ouverts en loi de finances pour 2022. Ce doublement des crédits confèrera aux préfets « davantage de moyens d'activer, via des marchés publics, le recours à des interlocuteurs qui pourront conseiller les collectivités, en particulier les plus petites, sur le cheminement à suivre » pour mener à bien « des projets qui leur semblent parfois trop lourds à porter bien que nécessaires et finançables dès lors qu'une aide adéquate leur est apportée »30(*).

Toutefois, vos rapporteurs rappellent que ces montants sont en trompe-l'oeil, dès lors que la part spécifiquement « sur mesure » s'élevait en réalité à seulement 5,8 M€ en 2021 et à 6,7 M€ en 202231(*). En effet, l'enveloppe dédiée à l'accompagnement en ingénierie (dotée de 20 M€ en 2021) sert à l'ensemble des dépenses d'ingénierie de l'ANCT (y compris, notamment, pour le financement de la participation de l'ANCT aux chefs de projet du programme « Petites villes de demain » et pour les dépenses d'accompagnement des autres dispositifs nationaux).

Enfin, l'ANCT reste méconnue des élus locaux (52 % déclarant ne pas la connaître32(*)). La faible appropriation de l'offre de services constitue l'un des facteurs explicatifs des faibles volumes d'« ingénierie sur mesure » déployés, les demandes d'accompagnement étant largement inférieures aux besoins réels.

Répartition des dépenses de l'enveloppe dédiée à l'accompagnement en ingénierie de l'ANCT (en €)

Source : Cour des comptes, communication à la commission des finances du Sénat

La gratuité des prestations d'ingénierie de l'ANCT pour les communes de moins de 3 500 habitants : apports et limites

En 2021 était décidée la gratuité des prestations d'ingénierie de l'ANCT, pour les communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI de moins de 15 000 habitants. Comme le relevaient Charles Guené et Céline Brulin dans leur rapport « ANCT : se mettre au diapason des élus locaux ! »33(*), cette mesure a priori séduisante pourrait cependant constituer une « fausse bonne idée ».

L'ingénierie gratuite n'est en effet accessible qu'en l'absence d'une réponse locale, au risque d'induire une différence de traitement entre les départements qui ont développé une ingénierie publique et ceux qui en sont dépourvus. Or, lorsqu'ils existent, les opérateurs de l'ingénierie locale proposent des réponses souvent payantes, à l'instar d'une Agence Technique Départementale. Ainsi, tel département devra financer le recours à une prestation auprès des acteurs locaux, tandis que son voisin, dépourvu d'ingénierie locale, bénéficiera de cette prestation gratuitement.

2. La coordination de l'ANCT avec ses partenaires, dont l'action reste trop souvent méconnue, est un enjeu incontournable

L'ANCT, qui agit comme « concepteur, pilote, animateur, instructeur, ou coordinateur » selon les cas, doit assurer la cohérence de ses interventions avec d'autres opérateurs nationaux.

Le renouvellement en cours des conventions-cadres pluriannuelles signées avec les cinq principales institutions partenaires34(*) constitue de ce point de vue une occasion d'améliorer la lisibilité et l'articulation des offres35(*). L'un des enjeux consisterait à préciser le choix de l'ANCT de privilégier l'ingénierie dite « amont »36(*), afin de s'assurer que l'appui de l'ANCT s'oriente de manière complémentaire avec ses partenaires.

Dans cet esprit, l'ANCT précise avoir procédé courant 2023 à un recensement des offres de service des opérateurs afin d'en établir une cartographie, ce dont vos rapporteurs se réjouissent.

Vos rapporteurs, qui ont auditionné les représentants de la Banque des territoires dans le cadre de cette mission, ont souhaité mettre en lumière son action technique et financière au soutien des territoires les plus faiblement dotés en expertise, qui reste encore largement méconnue (voir encadré ci-dessous).

L'action méconnue de la Banque des territoires au soutien de l'ingénierie des petites communes

La Banque des territoires consacre 110 millions d'euros à l'ingénierie d'accompagnement des programmes nationaux de l'ANCT37(*). Parmi ses principales actions, on pourra citer :

- le programme de subventions et de soutien méthodologique. Les aides prennent ici la forme de subventions, comprises entre 10 % et 100 % du coût des études nécessaires, et visent deux grands types de prestations (l'aide à la définition de stratégies territoriales, ainsi que l'aide au montage et à la gouvernance de projets) ;

- le service « Territoires conseils », qui offre des appuis méthodologiques, un service de renseignements juridiques et financiers et des guides méthodologiques pour les communes et intercommunalités de moins de 10 000 habitants.

- la Banque des territoires réserve par ailleurs un soutien spécifique en ingénierie aux communes bénéficiaires des programmes nationaux d'ingénierie, en particulier « Petites villes de demain » et « Villages d'avenir ».

Lors de leur audition par vos rapporteurs, les représentants de la Banque des territoires ont indiqué que la strate des petites communes était celle « qui connai[ssai]t le moins l'offre de service de la Banque des Territoires », et ont fait savoir qu'une campagne de communication (« Rural Consult ») avait été lancée pour favoriser le réflexe du recours aux dispositifs de la Banque des territoires par les élus locaux.

II. LE NOUVEAU PROGRAMME « VILLAGES D'AVENIR » : UN COMPLÉMENT NÉCESSAIRE MAIS INSUFFISANT EN FAVEUR DES PETITES COMMUNES

En juin 2023, dans le cadre du plan « France Ruralités », la Première ministre présentait le programme « Villages d'avenir », piloté par l'ANCT38(*) pour apporter un soutien en ingénierie aux communes de moins de 3 500 habitants. Ce programme, initié depuis janvier 2024 et procédant d'une démarche novatrice, devra éviter plusieurs écueils dans le cadre de son déploiement.

1. Le programme « Villages d'avenir » est destiné spécifiquement aux communes de moins de 3 500 habitants

Le programme « Villages d'avenir », qui s'inspire d'une idée initialement portée par l'Association des maires ruraux de France (AMRF), « apporte une réponse à la maille la plus fine de notre organisation territoriale »39(*), pour pallier les carences d'ingénierie des communes de moins de 3 500 habitants. M. Éric Etienne, Directeur général délégué « Territoires et ruralités » au sein de l'ANCT, en a détaillé les principes à vos rapporteurs.

L'objet du programme est d'offrir un accompagnement personnalisé à des communes candidates pour la mise en oeuvre d'un ou plusieurs projets relevant de « l'ensemble des champs du développement local ». À cette fin, le programme « Villages d'avenir » a prévu le recrutement par l'État de 100 chefs de projet, auxquels s'ajoutent 20 ETP mis à disposition par le Cerema, « positionnés au sein des services de l'État local ». À la date de l'audition de M. Éric Etienne, 116 chefs de projets avaient été recrutés, et 92 avaient pris leur fonction (dont 58 affectés en préfecture, 30 en sous-préfecture et 32 en DDT)40(*).

Un « dispositif national de formation des chefs de projets » est prévu par l'instruction ministérielle du 14 août 2023 pour harmoniser les pratiques. Ainsi, au premier semestre 2024, trois sessions de formation sont organisées pour les chefs de projet, auxquelles la Banque des territoires apporte des financements et un appui41(*).

Les programmes « Villages d'avenir » et « Petites villes de demain » (PVD) divergent dès lors sur deux points principaux :

- le champ de « PVD » est plus large, puisqu'il concerne les communes de moins de 20 000 habitants exerçant des fonctions dites de petite centralité. « PVD » ne répondait donc qu'imparfaitement42(*) aux besoins des petites communes stricto sensu ;

- dans le cadre de « PVD », les chefs de projet sont placés directement au sein des équipes communales ou intercommunales de la collectivité labellisée. À l'inverse, les chefs de projet « Villages d'avenir » ont pour mission d'« épauler les sous-préfets, afin d'aller au contact des élus et les aider à déployer les programmes de l'ANCT »43(*).

2. Quelque 2 458 communes lauréates ont été retenues au terme du premier appel à projets

Au 1er janvier 2024, sur les 4 000 candidates44(*), 2 458 communes rurales lauréates (dont la taille moyenne est de 889 habitants) ont été sélectionnées dans le cadre de la première vague de labellisation « Villages d'avenir » pour bénéficier d'un appui de 12 à 18 mois.

La Saunière compte parmi les 31 « Villages d'avenir » creusois. Vos rapporteurs ont auditionné Mme Annie Zapata, maire de cette commune d'environ 650 habitants, qui accueille favorablement le dispositif, sans pour autant l'avoir attendu avant d'envisager le lancement de projets (épicerie participative, aménagement d'une salle polyvalente, ou encore construction d'un nouveau bâtiment communal). Mme Annie Zapata souhaiterait pouvoir bénéficier d'un accompagnement dans la recherche de financements, ce à quoi devraient pouvoir l'aider les deux chargés de projets recrutés dans la Creuse.

Les modalités de sélection des communes lauréates de la première vague du programme « Villages d'avenir »

Les communes pouvaient se porter candidates par groupe de 2 à 8 communes ; les projets des communes rurales seules et sans fonction de centralité étaient également éligibles. La procédure pour se porter candidat était sans formalisme : un simple courrier comportant une brève description du projet suffisait. Parmi les domaines d'action les plus fréquents chez les lauréats, figurent la réhabilitation de bâtiments et l'aménagement d'espaces (environ 1 300 communes), la transition écologique et la biodiversité (environ 500 communes), les services et commerces de proximité ou encore la transition énergétique.

L'instruction des candidatures a été menée par les préfets de départements. Les communes ont été sélectionnées « sur la base de la qualité et l'enjeu de leurs projets »45(*). Les stratégies de communication des préfectures ont varié, entre une « communication large ou une communication restreinte, destinée à des communes pré-identifiées comme porteuses de projets ».

L'audition de M. Philippe Ponsard, maire de Savennes - commune creusoise d'environ 200 habitants qui n'est pas partie au programme « Villages d'avenir » - a montré qu'il restait possible pour des communes de dimension modeste de mener à bien des projets innovants, à condition toutefois de disposer d'une connaissance fine de l'écosystème des acteurs de l'ingénierie. En 2020, l'équipe communale de Savennes a pu initier un appel à idées « Vivre demain aujourd'hui ! »46(*), en comptant sur l'appui du CAUE, de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), de la communauté d'agglomération du grand Guéret et de plusieurs acteurs associatifs.

Soulignant la volonté des élus locaux de mener à bien des projets, M. Gilles Noël, vice-président de l'AMRF et maire de Varzy, appelait de ses voeux lors de la table ronde en conclusion de cette mission « à faire en sorte que la théorie du ruissellement puisse être inversée » afin que les petites communes « bénéficient d'accompagnements (...) qui ne descendent pas sur des petits villages comme les nôtres »47(*).

3. Le déploiement de « Villages d'avenir » devra éviter plusieurs écueils, en particulier dans la phase de concrétisation des projets

Les représentants de la Banque des territoires, auditionnés par vos rapporteurs, ont mis en avant les atouts du programme « Villages d'avenir » (« démarche ascendante faisant le pari du volontarisme des communes », « logique de mutualisation des moyens d'ingénierie »), tout en mettant en exergue certains points de vigilance :

- l'absence d'enveloppe financière dédiée au financement des projets peut engendrer des désillusions si la mobilisation des financeurs dans la phase de concrétisation des projets n'est pas à la hauteur des attentes ;

- l'assistance à maîtrise d'ouvrage des communes dans la phase de mise en oeuvre opérationnelle - nécessaire pour concrétiser les projets - « ne semble pas avoir été clairement appréhendée »48(*).

Par ailleurs, le dispositif comporte des limites inhérentes à la logique d'appels à projets. D'une part, la durée d'accompagnement est inférieure au « temps de maturation des projets complexes et structurants »49(*), afin de répondre aux besoins de nouvelles cohortes de communes. D'autre part, le programme « Villages d'avenir » perpétue l'approche systématique des appels à projets. Le président de l'AMRF, M. Michel Fournier appelait à « ne pas délaisser » les communes qui se sont portées, en vain, volontaires, « sous peine de générer de la frustration »50(*).

La direction générale déléguée « Territoires et ruralités » de l'ANCT, s'est certes voulue rassurante : « Assez systématiquement, nous constatons une attention particulière des services de l'État aux communes non retenues dans la première vague », au travers d'une « mise en file d'attente pour un traitement après la réalisation des projets des communes retenues », de la « mise en place d'ingénierie sur mesure ou d'un poste de VTA », ou encore de l'« organisation de réunions d'information, [ou d'une] prise de contact par la DDT ».

III. LES TROIS RECOMMANDATIONS DE VOTRE DÉLÉGATION

1. Prévenir la cacophonie : approfondir la coordination des dispositifs d'ingénierie en respectant un « principe de subsidiarité intelligent »

Ainsi que le relevait Mme Ivana Potelon, co-directrice et chargée de développement de BRUDED51(*), lors de la table ronde en conclusion des travaux de cette mission, « la réglementation est touffue, les enjeux techniques et les financements de projets se sont complexifiés, tandis que le paysage d'ingénierie est extrêmement prolifique »52(*). Dès lors, l'enjeu de la « lisibilité et de l'orchestration des ingénieries » est crucial, sachant que celles-ci sont « disséminées et parfois insuffisamment identifiées » par de nouveaux élus.

Vos rapporteurs souscrivent à un « principe de subsidiarité intelligent » consistant à « trouver des réponses au plus près des besoins et à ne pas déstabiliser l'ingénierie mobilisable localement »53(*). Cet effort de coordination et d'orientation est d'autant plus nécessaire que l'offre d'ingénierie est aujourd'hui « très éclatée » 54(*).

Dans le cadre de son audition par vos rapporteurs, M. Christophe Le Dorven, Président du conseil départemental d'Eure-et-Loir, regrettait le manque de synergies entre les offres d'ingénierie locales et nationale. L'ANCT fait encore trop souvent figure de « porte d'entrée supplémentaire », alors qu'une meilleure articulation entre les dispositifs de soutien à l'ingénierie (étatiques, régionaux, départementaux) aurait un effet multiplicateur sur les financements disponibles. Bien que des guides à l'usage des élus locaux, rassemblant en un unique document l'ensemble de l'offre d'ingénierie publique, existent d'ores et déjà « dans certains territoires »55(*), ceux-ci devraient être généralisés en même temps que serait finalisée la cartographie par l'ANCT des offres d'ingénierie disponibles.

Surtout, en leur qualité de délégués territoriaux de l'ANCT56(*), les préfets doivent jouer pleinement leur rôle d'orientation des élus, en identifiant et « en mobilisant les solutions - avant tout locales - susceptibles de venir en appui aux projets des collectivités »57(*). Vos rapporteurs souhaitent que la logique d'un « guichet unique » accessible aux élus locaux - défendue de longue date au sein de la délégation aux collectivités territoriales, récemment réaffirmée par une circulaire en date du 28 décembre 2023 - trouve à se déployer dans l'ensemble des départements (sachant qu'un tiers d'entre eux en étaient jusqu'alors privés58(*)).

La qualité du dialogue entre les services préfectoraux et les collectivités est déterminante pour orienter les élus locaux, et singulièrement ceux issus des « petites communes », vers les dispositifs d'ingénierie pertinents. C'est pourquoi vos rapporteurs insistent sur la nécessité de faire fonctionner partout les comités locaux de la cohésion territoriale (CLCT)59(*), alors que leur bilan est aujourd'hui inégal60(*). À cette fin, il est nécessaire de (re)donner aux préfets les moyens humains et financiers nécessaires pour assumer pleinement leur rôle « d'interlocuteur de premier niveau sur les questions d'ingénierie »61(*).

Vos rapporteurs appellent ainsi à renforcer la coordination des offres d'ingénierie publique, dans un esprit de subsidiarité, en veillant à l'application homogène de la circulaire du 28 décembre 2023. À l'échelle des territoires, pour proposer des solutions adaptées et au plus près des besoins, il convient parallèlement de renforcer les moyens de l'ingénierie territorialisée, ainsi que le soulignait M. Pierre LEROY, président du Pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du Briançonnais, des Écrins, du Guillestrois et du Queyras, lors de son audition dans le cadre de cette mission.

2. Pérenniser les financements : donner aux petites communes les moyens de leurs ambitions et faciliter la planification des projets

La pérennité et la lisibilité des financements restent insuffisantes pour permettre aux petites communes de mener à bien leurs projets, malgré les dispositifs déployés par l'ANCT et ses partenaires (cf. supra I/.).

La logique d'appel à projets - qui irrigue les programmes nationaux tels que « Villages d'avenir » -- a pour principale limite de créer une incertitude sur les financements futurs, et une dépendance pouvant brider les capacités des petites communes à planifier et à investir dans des projets d'ingénierie structurants. Les financements disponibles sont souvent ponctuels, liés à des projets spécifiques, rendant difficile la planification à long terme.

Vos rapporteurs réitèrent la recommandation formulée au sein de cette délégation par Charles Guené et Céline Brulin dans leur rapport « Mettre l'ANCT au diapason des élus locaux ! », consistant à expertiser la création d'un fonds national dédié à l'ingénierie.

Un socle minimal d'ingénierie, nécessaire au montage de projets, à la recherche de financements et plus largement à l'exercice de leurs compétences par les élus locaux, aurait pour avantage de garantir des moyens réguliers et pérennes pour l'ingénierie des petites communes, leur permettant de mieux planifier leurs projets à long terme, en ayant une vision claire de leurs capacités financières.

À cet effet, l'audition de représentants de l'Association Nationale des Pôles d'Équilibre Territoriaux et Ruraux et des Pays (ANPP) a permis de présenter la proposition visant à allouer 1 % des volumes financiers dédiés aux politiques d'investissement au financement de l'ingénierie territoriale, qui a recueilli un soutien substantiel de la part des élus locaux62(*). Cette piste est d'autant plus pertinente dans un contexte où de nouveaux besoins en ingénierie émergent, concernant aussi bien la transition énergétique63(*) que le numérique.

Charles Guené et Céline Brulin suggéraient que ce fonds soit alimenté par une cotisation sur l'investissement des collectivités à hauteur de 0,1 % (la proposition du « 1 % ingénierie » deviendrait, au moins transitoirement, le « 1%o ingénierie »). En d'autres termes, l'idée est de permettre une « forme de ruissellement vertueux » pour abonder un fonds commun national d'ingénierie, suivant une logique de péréquation pour les territoires les moins bien pourvus en ingénierie.

Enfin, vos rapporteurs, reprenant à leur compte l'une des 50 propositions du Sénat pour le plein exercice des libertés locales64(*), plaident pour que les dépenses en « ingénierie d'animation » comptent parmi les dépenses éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), qui devrait donc être subséquemment élargie. En effet, ces dépenses d'animation, non rattachables à un investissement, sont souvent gage de la pérennité des projets locaux, en particulier dans les territoires ruraux. Ainsi, lors de son audition par vos rapporteurs, M. Philippe Ponsard, maire de la Savennes (Creuse), regrettait le manque de financements pour des « animateurs de terrain », capables de mobiliser la population, sans laquelle « on ne change pas l'âme d'un bourg ». Pour rendre effective cette proposition, cette possibilité serait associée à une évaluation de l'efficacité et de l'efficience du projet envisagé.

3. Prévenir la création d'une « ingénierie à deux vitesses » : renoncer au caractère systématique des appels à projets et structurer des réseaux d'ingénierie solides

Vos rapporteurs, sans nier l'intérêt que peuvent revêtir des initiatives telles que le programme « Villages d'avenir », appellent à tempérer la logique des appels à projets nationaux65(*) et à renforcer parallèlement les outils pérennes à disposition des petites communes. En d'autres termes, un véritable service continu d'ingénierie implique prioritairement le renforcement d'une offre d'« ingénierie sur mesure » aujourd'hui largement insuffisante (cf. supra, I/.).

Comme le relevait M. Gilles Noël, vice-président de l'AMRF et maire de Varzy, lors de la table ronde tenue en conclusion de cette mission, la maturation des projets suppose « du temps », et un accompagnement « au-delà de la logique de manifestations d'intérêt et d'appels à projets en tous genres »66(*).

Le recours fréquent aux appels à projets pénalise les communes qui ne disposent pas de la capacité administrative et technique nécessaire pour y répondre. En particulier, les carences des petites communes en matière d'ingénierie stratégique et pré-opérationnelle (« phase amont ») les « exclu(e)nt souvent de la possibilité de s'inscrire dans des dispositifs permettant de trouver un cadre et un accompagnement financier pour faire émerger ou concrétiser les projets qu'elles voudraient porter »67(*).

Ainsi sera-t-il sans doute nécessaire, dans le cadre du programme « Villages d'avenir », afin d'encourager les initiatives, de donner aux projets des communes qui se sont portées candidates, mais n'ont pas été retenues une priorité dans l'étude de leur dossier afin de pouvoir faire partie de la prochaine cohorte de communes accompagnées (qui devrait être annoncée à l'horizon de la fin d'année 2024).

Plus structurellement, un réseau d'ingénierie solide passe également par la diffusion continue de bonnes pratiques, afin - comme les représentants de la Banque des territoires l'indiquaient dans le cadre de leur audition par vos rapporteurs - de « ne pas perdre d'énergie à ``réinventer'' des solutions duplicables ou qui ont fait leurs preuves ailleurs » 68(*). En somme, il apparaît nécessaire - là encore - de faire confiance à « l'intelligence territoriale », en diffusant les expériences issues des gisements d'ingénierie.

De ce point de vue, les auditions menées par vos rapporteurs - ainsi que la table ronde venant en conclusion de leurs travaux - auront permis de mettre en exergue diverses expériences locales remarquables menées par des communes de taille modeste. Pour faire des collectivités territoriales de véritables « moteurs de l'ingénierie publique »69(*), la structuration des réseaux d'ingénierie publique territoriale, la recension de bonnes pratiques et la diffusion des expériences restent plus que jamais d'actualité.

CONCLUSION GÉNÉRALE

L'ingénierie territoriale, qui regroupe des réalités et des enjeux variés, est le corollaire du « pouvoir d'agir » des élus locaux.

Le désengagement progressif de l'État territorial a laissé un vide particulièrement préjudiciable pour les « petites communes », qui peinent à s'orienter dans un écosystème complexe, marqué par une fragmentation des acteurs. Dans ce contexte, les services préfectoraux doivent retrouver les moyens de jouer leur rôle de « chef d'orchestre », suivant un principe de « subsidiarité intelligent » au service des synergies entre les ingénieries locales et étatiques, en orientant les élus.

Conformément à la position constante de cette délégation, vos rapporteurs rappellent qu'il est nécessaire, dans un contexte de ressources limitées, de ne pas multiplier les guichets (au risque de disperser les moyens) et faire confiance aux territoires (en consolidant leurs financements et en privilégiant le développement d'une « ingénierie sur mesure »).

Le présent rapport aura sans doute vocation à s'inscrire dans un nouveau cycle de travaux, conduits au sein de la délégation aux collectivités territoriales, et consacrés aux enjeux de l'ingénierie. Conformément aux trois orientations formulées dans ce rapport, vos rapporteurs souhaiteraient notamment pouvoir :

- s'assurer de l'application homogène de la circulaire du 28 décembre 2023 adressée aux préfets ;

- expertiser les propositions qui - à l'instar du « 1 %  ingénierie » -- seraient de nature à pérenniser les financements de l'ingénierie des petites communes ;

- dresser un nouveau point d'étape du déploiement du programme « Villages d'avenir ».

TABLE RONDE RELATIVE À LA MISSION D'INFORMATION INTITULÉE « RELEVER LE DÉFI DE L'INGÉNIERIE DANS LES PETITES COMMUNES : LES BONNES PRATIQUES »

Jeudi 23 mai 2024

Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente

Mme Françoise Gatel, présidente. - Si l'État doit accompagner nos territoires, les territoires savent aussi inventer des organisations. La table ronde « Relever le défi de l'ingénierie dans les petites communes : les bonnes pratiques » nous donnera l'occasion d'entendre trois organisations expertes du sujet et qui accomplissent des projets remarquables.

Nous avons souhaité retenir un angle résolument optimiste, pour mettre en lumière la capacité d'agir des élus des petites communes. Pour autant, nous ne sommes pas naïfs. Il est bien sûr nécessaire d'avoir conscience des obstacles auxquels font face les petites communes, afin de mieux les franchir, mais il importe aussi que nous mettions en valeur certaines initiatives formidables.

Je tiens à remercier sincèrement les participants qui ont répondu à notre invitation. Nous accueillons ainsi :

- M. Gilles Noël, maire de Varzy, président des maires ruraux de la Nièvre et vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF). La commune de Varzy bénéficie du label « Petites villes de demain », et j'ajouterai que l'AMRF a été un élément moteur de la construction du nouveau label « Villages d'avenir », également piloté par l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) ;

- M. Jean-Marc Labbé, maire de La Méaugon et vice-président de l'association BRUDED ainsi que Mme Ivana Potelon, co-directrice et chargée de développement de BRUDED. BRUDED est un réseau d'échanges de bonnes pratiques et de soutien à l'ingénierie entre collectivités bretonnes engagées dans des projets de développement durable ;

- Mme Chloé BRILLON, présidente du réseau « 1 000 cafés », qui s'est donné pour mission d'implanter des commerces dans des communes rurales touchées par les fermetures d'établissements.

M. Gilles Noël, maire de Varzy, président des maires ruraux de la Nièvre et vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF). - Nous autres, maires ruraux, avons l'habitude de ne jamais renoncer. Je centrerai mon propos sur les projets liés aux espaces publics et aux bâtiments publics, dont l'objectif est de recréer du vivre ensemble. Mon intervention concernera surtout les communes de moins de 3 500 habitants, qui sont le coeur de cette vie rurale appelée à se développer.

En matière d'ingénierie, la complexité de l'environnement institutionnel engendre des frustrations. Pour faire émerger nos projets, nous avons besoin d'un soutien technique qui nous permettra, pour ainsi dire, de limiter la casse. Les maires, confrontés à un galimatias administratif, sont trop souvent contraints de renoncer lorsqu'ils ne disposent pas d'un personnel en nombre suffisant.

Face aux redondances administratives et à la multiplication des normes, notre rôle est limité. Nous manquons d'ingénierie, alors que prévaut une logique de manifestations d'intérêt et d'appels à projets en tous genres. II est certes possible, en cas d'adhésion aux conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), de bénéficier de conseils.

Les programmes « Petites Villes de demain » et « Villages d'avenir » ont suscité un certain engouement local. Ce sont 4 000 communes qui ont candidaté au programme « Villages d'avenir », dont 1 600 ont été retoquées. Dans la Nièvre, douze communes n'ont pas été retenues et vingt-quatre ont été sélectionnées. Une volonté s'exprime donc, à l'échelle locale, pour développer des projets sur nos territoires.

Le label « Villages d'avenir » rend hommage à l'appellation qui avait été défendue avec énergie par le président de l'AMRF auprès des services de l'État. Pour autant, certains collègues s'interrogent sur l'enveloppe budgétaire et les modalités réellement prévues. En outre, « Villages d'avenir » n'a pas été nécessairement discuté avec les collectivités qui soutiennent les projets d'investissement, tels que les conseils départementaux et des conseils régionaux. Or, nous sommes favorables à l'addition des forces sur les territoires, qui bénéficiera à chacun.

L'ingénierie est partout et nulle part. Certains conseils départementaux ont constitué des équipes d'ingénierie pour soutenir des projets et des territoires. Si l'ingénierie des conseils régionaux n'est quant à elle pas réservée aux petits villages, elle peut venir en appui de programmes spécifiques, notamment au travers d'enveloppes financières. Je prendrai l'exemple de la région Bourgogne-Franche-Comté, qui a attribué des enveloppes de 500 000 euros à toutes ses collectivités labellisées « Petites Villes de demain » dans le cadre du dispositif « centralités rurales en région ».

Nous-mêmes, en tant qu'association nationale, comptons un ingénieur de projets auquel chacun peut faire appel et dont la mission est d'orienter les demandeurs vers les dispositifs pertinents.

L'État est à certains égards au rendez-vous, mais à un rythme ralenti. Certaines villes de plus de 3 500 habitants sont attributaires de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), alors même que celle-ci doit bénéficier aux investissements des communes rurales. Nous souhaiterions que l'État remodèle les conditions de distribution de la DETR. En ce qui concerne la dotation globale de fonctionnement (DGF), le produit affecté à un urbain et le produit affecté à un rural n'est pas le même. Nous estimons que ces écarts devraient être réduits, et nous introduirons d'ailleurs sans doute une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à ce titre.

Nos territoires ont besoin d'ingénierie au titre de la transition énergétique. Nous comptons sur l'État, mais aussi sur vous, Sénateurs et Sénatrices, pour faire en sorte que la théorie du ruissellement soit, en quelque sorte, inversée. Nous souhaitons en effet bénéficier de modalités d'accompagnements qui existent, mais qui ne descendent pas jusqu'aux petits villages comme les nôtres. Par exemple, certaines sociétés d'économie mixte et autres structures co-départementales s'intéressent aux projets des chefs-lieux, et beaucoup moins à ceux des petites communes. Nous avons besoin d'une action transversale et coordonnée pour répondre à ce besoin d'ingénierie.

Mme Chloé Brillon, présidente du réseau « 1 000 cafés ». - La structure « 1 000 cafés » est une initiative lancée en 2019 par le Groupe SOS, acteur de l'économie sociale et solidaire, face au constat que 60 % des communes rurales n'avaient plus de commerce de proximité. Or, 80 % des habitants de ces communes affirmaient parallèlement leur volonté de voir ces lieux de convivialité et de services renaître sur leurs communes. C'est autour de ce défi que nous avons créé le programme « 1 000 cafés », qui consiste à soutenir et développer des cafés multiservices en milieu rural. Ces cafés sont conçus comme des espaces de convivialité, à partir desquels se greffent des services, comme de l'épicerie, de la presse, ainsi que des initiatives numériques, ou encore de programmation culturelle. Il s'agit en somme de créer des « lieux qui respirent ». Aujourd'hui, nous accompagnons, nous formons, et nous animons une tête de réseau et nous développons des modèles pour gérer ces différents cafés. Depuis bientôt cinq ans, nous sommes intervenus dans un peu plus de 220 communes sises dans 70 départements.

Pour faire en sorte que ces lieux perdurent, la question de l'ingénierie est décisive, ce que j'illustrerai au travers de quelques points.

Premièrement, récréer un commerce relève d'un projet de village, ce qui suppose que les habitants se l'approprient, afin que l'offre de service et le lieu répondent aux besoins du territoire. C'est pour cela que nous avons développé une méthode de co-construction, qui permet de mener des enquêtes et des réunions publiques avec les habitants et les municipalités, qui sont nos premiers partenaires.

Le deuxième enjeu est la question du modèle économique. Certaines collectivités et communes investissent des montants importants sur un projet immobilier, de l'ordre de 300 000 euros et parfois jusqu'à 1 million. Or, la phase d'ingénierie manque parfois, en amont, pour penser le modèle d'exploitation de ce lieu. C'est pourquoi nous avons développé une expertise qui a consisté à tester, analyser et accompagner une série de modèles de gestion, entrepreneuriaux, itinérants ou associatifs.

Le troisième enjeu correspond à la question du recrutement et de la montée en compétences des porteurs de projets. Ce type de lieux de convivialité repose beaucoup sur une personne ou un collectif. La polyvalence de compétences est essentielle, puisqu'il s'agit pour un petit collectif de gérer une structure, maîtriser l'activité de cafetier et restaurateur, être commerçant, développer des services et faire de la co-construction. C'est pourquoi nous avons développé un parcours d'accompagnement et de formation.

Le dernier enjeu sur lequel nous travaillons est celui de la mutualisation. Les porteurs de projets manquent souvent de temps, une fois leur initiative lancée. De plus, ces porteurs de projets peuvent également se trouver quelque peu isolés dans le village. C'est pourquoi nous avons monté une activité qui consiste à mutualiser une série de contrats fournisseurs et d'ingénierie mise à disposition de ces porteurs de projets, et qui permet des échanges au sein des différentes communautés, par exemple au travers de journées des gérants ou de journées des élus.

L'ingénierie est donc tout à fait clef dans notre équation de lieu de convivialité et de service. Dans notre cas, l'enjeu n'est pas tant d'identifier les besoins, puisque nous avons reçu près de 2 000 candidatures de communes, et 5 000 candidatures de porteurs de projets. Notre mission est bien plutôt de rendre notre accompagnement et cette ingénierie accessibles à ces communes rurales. Nous allons chercher des subventions pour accompagner ces communes. Ces subventions sont publiques, avec l'ANCT, le fonds de soutien au commerce rural, et les fonds européens, ou peuvent être des subventions privées. Tous ces montages sont à la fois complexes et chronophages, y compris pour des fonds aux enveloppes relativement modestes tels que le fonds de soutien au commerce rural, permettant d'obtenir un ticket d'ingénierie plafonné à 5 000 euros.

Enfin, il est essentiel de veiller à la qualité de l'ingénierie proposée sur les territoires. Trop souvent, nous sommes confrontés à des exemples d'études pensées sans opérateur, ou de manière trop éloignée des réalités du métier, qui sont alors inopérantes. C'est pourquoi nous plaidons pour des études de préfiguration qui impliquent des opérateurs.

M. Jean-Marc Labbé, maire de La Méaugon, vice-président de l'association BRUDED. - BRUDED est une association d'élus créée en 2005, dont l'acronyme signifie « Bretagne rurale et rurbaine pour un développement durable ». Cette association est forte d'un réseau de 270 collectivités en Bretagne, mais également en Loire-Atlantique, qui se sont engagées depuis 2005 dans des réalisations concrètes de développement durable et solidaire.

Les petites communes ne disposent pas d'ingénierie en propre. Avec ce réseau, les élus parlent aux élus et échangent sur les bonnes pratiques de leurs communes. Ce dialogue enrichissant permet de tisser des liens et de se soutenir techniquement et juridiquement entre élus, à l'heure où certains maires hésitent à se représenter. Ce réseau, structuré à l'échelle d'une région, est unique en France. Notre site Internet met en valeur la grande diversité des actions menées dans les collectivités adhérentes.

Mme Ivana Potelon, co-directrice et chargée de développement de BRUDED. - BRUDED est un réseau de petites communes, puisque 80 % des communes adhérentes comptent moins de 2 000 habitants. Nous avons la particularité d'être un réseau qui a émergé du terrain, à l'initiative d'élus de petites communes qui ont ressenti le besoin d'échanger leurs pratiques innovantes et vertueuses en matière de développement durable et participatif. Nous ne sommes pas des experts. Nous intervenons plutôt en tant que facilitateurs, au travers des huit chargés de développement de notre équipe, qui agissent auprès des communes en proposant des visites, des rencontres et des échanges de documents support tels que des cahiers des charges ou des conventions.

L'ingénierie est un sujet très transversal. Notre témoignage sera centré sur l'ingénierie en lien avec le renouvellement urbain et les enjeux d'intensification des centres bourgs, mais nous constatons aussi des besoins importants en matière de soutien à l'agriculture, d'alimentation, de mobilité ou encore d'énergie. Nous constatons une multiplication de partenaires techniques mobilisables, y compris par les petites communes. L'enjeu concerne davantage aujourd'hui la lisibilité et l'orchestration de ces différentes ingénieries existantes, mais disséminées et parfois insuffisamment identifiées par de nouveaux élus. La réglementation est touffue, les enjeux techniques et les financements de projets se sont complexifiés, tandis que le paysage d'ingénierie est extrêmement prolifique.

L'orchestration des projets par les élus, pour être bénéfique, doit être réalisée de « A à Z », c'est-à-dire de la définition initiale des objectifs jusqu'à la mise en oeuvre opérationnelle des projets. Il convient donc d'adopter une approche globale et de prendre le temps, dès la phase de faisabilité, d'associer les porteurs potentiels pour appréhender correctement la faisabilité des projets, à l'instar des bailleurs sociaux dont l'intervention n'est pas toujours aisée en milieu rural.

Un autre enjeu de l'orchestration de ces projets a trait à l'adéquation des solutions proposées aux petites communes. L'ingénierie qui intervient dans les petites communes reproduit parfois des solutions plutôt urbaines, par exemple en matière de traduction technique avec des voiries disproportionnées coûteuses et qui ne correspondent pas aux usages ruraux.

Le dernier enjeu de l'orchestration consiste à inclure une dimension de gouvernance et d'animation de projets. On ne naît pas porteur de projets, et l'élu doit par exemple savoir comment et jusqu'où associer les habitants. Cela suppose une ingénierie de pilotage, en complémentarité de l'ingénierie technique qui existe déjà.

Dans les petites communes, de moins de 4 000 ou 5 000 habitants, les services en interne sont très rares. Le directeur général des services n'a pas forcément le temps ou les compétences pour piloter ces projets, ce qui traduit une véritable inégalité de faits au sein des collectivités. Le pilotage renvoie donc aussi à la question du statut de l'élu et à la notion de formation. Une très grande majorité des élus ne mobilise pas ses droits à la formation, qui leur permettraient pourtant de s'outiller en matière de pilotage de projet.

Les échanges de pratiques concrètes sont en outre nécessaires entre élus, en parallèle d'échanges plus techniques. Le besoin d'une assistance à maîtrise d'ouvrage, internalisée ou externalisée, se fait ressentir. Plus le pilotage de projet est proche du terrain, plus l'assistance à maîtrise d'ouvrage prendra en compte le contexte local, au rebours d'une logique d'appel à projets qui peut être fatigante pour les financeurs, les élus et les partenaires.

Mme Sonia de La Provôté. - Ma question porte d'abord sur les modalités de financement et le budget de BRUDED. Quelle est la nature exacte de votre structure, et comment est-elle financée ? Par ailleurs, quelle est votre articulation avec les autres dispositifs d'ingénierie locale disponibles en Bretagne ? Par exemple, avez-vous mis en place un programme partenarial ?

M. Cédric Chevalier. - Ma question s'adresse au réseau « 1 000 cafés ». L'étude de marché est-elle intégrée dans votre aide à l'ingénierie, ou le porteur de projet doit-il avoir conduit cette étude avant de vous solliciter ?

M. Cédric Vial. - Ma question s'adresse également à Madame la présidente de l'association « 1 000 cafés ». Vous avez évoqué le plafonnement à hauteur de 5 000 euros du fonds pour les commerces ruraux. Pourriez-vous revenir sur le fonctionnement de ce fonds. Avez-vous déjà pu intégrer dans votre action les nouveaux dispositifs d'aides pour les associations agissant dans les territoires ruraux, à la suite des annonces récentes de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ? Quels seraient pour vous les moyens qui devraient être développés pour accélérer vos initiatives ?

Mme Ivana Potelon. - Le budget de BRUDED se monte à environ 600 000 euros annuels, financé à 40 % par les cotisations de nos adhérents, elles-mêmes calculées au prorata du nombre d'habitants, sans effet de seuil, selon une logique de solidarité. Les 60 % restant de nos ressources correspondent à des subventions au titre du contrat de plan État-région, ainsi qu'à des financements de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), des départements et des conventions au projet sur certains cycles de visite que l'on peut proposer ou sur des rencontres d'échanges entre-élus.

Ce budget est équilibré, mais reste fragile. Il s'agit en effet d'un projet solidaire d'échanges entre collectivités, qui n'a pas vocation à glisser vers de la prestation de projet.

J'en viens à la question sur le lien à l'ingénierie locale. Nous ne sommes des experts en rien. Nos huit salariés, qui jouent le rôle de facilitateurs, accompagnent nos collectivités adhérentes en Bretagne et en Loire-Atlantique. Notre travail consiste à soutenir des projets dès la phase amont, en aidant les élus à définir leurs objectifs, puis à les orienter vers les partenaires adaptés, en les aidant à définir leur gouvernance. Nous travaillons donc en lien avec l'ingénierie locale et nous jouons un rôle de porte d'entrée et de soutien moral auprès des élus, quand ils se fixent des objectifs ambitieux. Je pense notamment aux élus qui avaient porté, il y a quelques années, des projets d'établissements recevant du public avec des matériaux locaux biosourcés alors que les règles de construction n'étaient pas encore clairement établies.

M. Jean-Marc Labbé. - Nous entretenons des relations très fluides par exemple avec les Agences locales de l'énergie et du climat en Bretagne, ainsi qu'avec les Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) que nous sollicitons.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Ce mode de travail est donc très collaboratif !

M. Laurent Somon. - L'association « 1 000 cafés » n'a-t-elle trait qu'aux cafés et bars-tabacs ou d'autres activités peuvent-elles également être développées, notamment dans le domaine de l'hôtellerie ?

Mme Chloé Brillon. - « 1 000 cafés » mène des études de préfiguration, assez proches des études de marché, mais qui en sont une forme approfondie. Souvent, nous intervenons dans des communes dans lesquelles le marché n'existe pas. Dans cette phase de préfiguration, nous travaillons donc également sur le volet de mobilisation municipale et citoyenne dans le village. Notre deuxième objectif consiste à livrer une recommandation sur le bon modèle économique. La diversité des possibilités - entrepreneuriales, ou itinérantes par exemple - permet de trouver le modèle adapté aux besoins de chaque commune.

La deuxième question touchait au fonds de soutien aux commerces ruraux. Ce dispositif est souvent sollicité par les communes avec lesquelles nous travaillons, et comprend plusieurs aspects. Le premier correspond à la subvention aux travaux et aux projets immobiliers. Le deuxième aspect concerne la subvention à l'équipement. Le troisième axe de ce dispositif, plafonné à 5 000 euros de prestations, touche à l'ingénierie. Ce montant reste relativement faible si l'on met bout à bout l'étude de préfiguration, le recrutement, l'accompagnement à l'ouverture ou encore le soutien à l'exploitation. Ces dépôts de demande d'ingénierie sont en outre structurés commune par commune, ce qui est très chronophage. Nous plaiderions plutôt pour une approche régionale, voire nationale, et une justification a posteriori de l'accompagnement des communes.

Enfin, il existe autant de cafés et de services proposés que de communes. Dans certaines communes, nous avons développé une offre d'hébergement parce que cela était pertinent pour le territoire et parce que les locaux s'y prêtaient. Dans d'autres, nous travaillons un volet de programmation culturelle ou encore de numérique. Les cafés et les lieux sont à géométrie variable, en fonction des territoires.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Le réseau « 1 000 cafés » est une illustration du mécénat de compétences.

M. Daniel Oliveau, mécène de compétences auprès du réseau « 1 000 cafés ». - J'ai la chance d'être détaché en mécénat de compétences chez « 1 000 cafés », ce qui me permet de mettre à profit mon expérience dans le secteur bancaire au service de ce réseau intergénérationnel.

M. Gilles Noël. - Je tiens à ajouter que l'ingénierie suppose également des actions dans le temps. Par exemple, la durée du programme « Petites Villes de demain » gagnerait à être allongée de trois à six ans. Nous souhaiterions que les offres d'ingénierie puissent s'inscrire dans le temps.

Par ailleurs, dans ce maquis des soutiens, l'ANCT peut jouer un rôle particulier sur les territoires, afin d'orienter les élus vers les bons interlocuteurs.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Au Sénat, nous ne cessons effectivement de penser à vous. Nous sommes de grands avocats de la cause des petites communes et du sujet existentiel de l'ingénierie.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Jeudi 23 mai 2024

Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente

Examen du rapport « trois recommandations » relatif au défi de l'ingénierie dans les petites communes

M. Daniel Guéret, rapporteur. - La précédente table ronde a permis de mettre en valeur des exemples stimulants d'initiatives et de coopérations déployées par des communes de dimension modeste, tout en soulignant également certains des défis auxquels elles sont confrontées.

Nous présentons, en conclusion de cette table ronde, trois recommandations sur les défis de l'ingénierie des petites communes, que les échanges tenus à l'instant permettent également de mettre en perspective.

Vaste sujet que le nôtre, qui vise à répondre aux questions suivantes : comment permettre à l'écrasante majorité des communes françaises - 85 % d'entre elles comptent en effet moins de 2 000 habitants - de concrétiser leurs projets ? Comment donner aux maires des petites communes le pouvoir de répondre aux besoins de leurs habitants ?

Nous avons mené, avec mon collègue Jean-Jacques Lozach, deux sessions enrichissantes d'auditions, qui nous auront permis d'échanger avec des acteurs très variés. Nous remercions pour leur disponibilité les élus locaux entendus, à savoir monsieur le Président du conseil départemental d'Eure-et-Loir, madame et messieurs les maires des communes creusoises de La Saunière et de Savennes, de la commune nivernaise de Varzy et de la commune haute-marnaise de Ceffonds, ainsi que monsieur le vice-président de la communauté de communes du Briançonnais. Nous savons également gré aux acteurs de l'ingénierie publique que nous avons auditionnés, au travers des représentants de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), de la Banque des territoires et de l'ensemble des intervenants de la table ronde de ce jour.

Je commencerai par dresser un rapide diagnostic de la situation. Le recul de l'État territorial, engagé depuis plus de 20 ans, et la suppression inattendue en 2014 de l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) ont laissé nombre de petites communes démunies en matière de conception et de conduite de projets. Pour tenter de combler ce vide, les départements ont souvent pris le relais pour structurer une offre d'ingénierie territorialisée. Par exemple, le département d'Eure-et-Loir, avec son dispositif « bourgs centres » lancé en 2018, consacre des ressources significatives à l'ingénierie des petites communes.

Cette structuration est toutefois inégale d'un département à l'autre, risquant ainsi d'accentuer les disparités territoriales. Une étude de la Caisse des dépôts alerte sur un manque critique en expertise dans 26 départements. L'offre d'ingénierie « sur mesure » de l'ANCT, qui était l'une des principales attentes pour permettre un accompagnement de précision des petites communes, reste quant à elle bien trop limitée. L'augmentation de l'enveloppe des crédits propres de l'ANCT dédiée à l'ingénierie est en trompe-l'oeil. En effet, comme l'a montré la Cour des comptes dans une communication sur l'ANCT remise en février 2024 à la commission des finances du Sénat, seule une fraction de cette enveloppe, de l'ordre de 6 millions d'euros, est aujourd'hui consacrée à cette ingénierie « sur mesure ». De plus, l'appropriation de l'offre de service de l'ANCT est trop faible et l'ANCT reste encore méconnue de nombreux élus locaux.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Après avoir retracé cette « chronique de la mort de l'ingénierie publique d'État », venons-en à nos recommandations.

La première a trait à la nécessaire coordination de l'offre de service en ingénierie. En effet, le recul de l'État territorial et l'affaiblissement des directions départementales et territoriales ont cédé la place à une offre d'ingénierie fragmentée et peu visible pour les élus des petites communes.

Au cours de nos auditions avec les maires des villes creusoises de La Saunière et de Savennes, il s'est apparu que la capacité de mener à bien des projets dépendait en grande partie d'une connaissance fine de l'écosystème des acteurs de l'ingénierie.

Savennes, commune de 200 âmes, a réussi à solliciter l'appui du conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), de la communauté d'agglomération du grand Guéret et de plusieurs acteurs associatifs pour lancer un appel à idées qui a été un grand succès, destiné à repenser les manières d'habiter la ville et à dynamiser le secteur touristique.

Les idées existent sur nos territoires, mais encore faut-il savoir à quel interlocuteur s'adresser pour les concrétiser ! D'autres projets remarquables auraient certainement émergé si les conditions d'accès à l'ingénierie étaient plus limpides. Nous espérons que l'ANCT ressuscitera les projets dormants sur nos territoires. C'est pourquoi il reste plus que jamais nécessaire de renforcer le pouvoir d'orientation des préfets, qui doivent effectivement jouer leur rôle de délégué territorial de l'ANCT, comme le prévoit la loi. Les comités locaux de cohésion des territoires (CLCT) constituent l'instance à privilégier pour permettre au principe de subsidiarité de devenir la clef de répartition des services d'ingénierie, dont l'efficacité dépend des synergies entre les services locaux et nationaux.

Nous reprenons à notre compte la recommandation visant à faire du sous-préfet d'arrondissement l'interlocuteur de premier niveau sur les questions d'ingénierie. Nous regrettons que, dans un tiers des départements, la logique du « guichet unique » ne soit pas encore effective.

Nous formons donc le voeu que la circulaire du 28 décembre 2023, qui réaffirme les principes auxquels nous sommes attachés, soit appliquée de manière homogène à l'ensemble du territoire. En somme, nous sommes convaincus que les préfets sont la clef pour donner corps à un principe de subsidiarité intelligent.

Notre deuxième recommandation appelle à pérenniser les financements, pour favoriser la planification des projets des petites communes.

Dans le cadre de cette mission, nos échanges avec des élus locaux - en particulier avec M. Pierre Leroy, ancien maire de Puys-Saint-André et avec Mme Annie Zapata, maire de La Saunière - ont confirmé que l'émergence des projets dépendait en grande partie de la capacité à accéder à des financements pérennes.

La logique d'appel à projets engendre une incertitude sur les financements futurs et une dépendance qui peut brider les capacités des petites communes à investir dans des projets structurants. Or, les financements disponibles sont souvent ponctuels et liés à des projets spécifiques. C'est pourquoi nous recommandons d'expertiser la création d'un fonds national dédié à l'ingénierie, tel que proposé par l'Association nationale des pôles territoriaux (ANPP), que nous avons auditionnée. L'allocation d'une petite fraction des volumes financiers dédiés aux politiques d'investissement, sous la forme d'un fonds national, offrirait des moyens réguliers et pérennes pour les petites communes.

Enfin, comme le Sénat l'avait défendu dans ses « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales », les dépenses en ingénierie d'animation pourraient utilement compter parmi les dépenses éligibles à une Dotation d`équipement des territoires ruraux (DETR) élargie. Il s'agirait effectivement d'élargir l'éligibilité des actions et donc d'élargir également les financements.

M. Daniel Guéret, rapporteur. - Je conclurai nos propos en présentant notre troisième recommandation et en dressant quelques perspectives.

L'esprit de notre dernière recommandation est de prévenir la création d'une « ingénierie à deux vitesses ». À cet effet, il est nécessaire de renoncer au caractère systématique des appels à projets et de structurer des réseaux d'ingénierie solides.

Tout d'abord, le recours fréquent aux appels à projets pénalise les communes qui ne disposent pas de la capacité administrative et technique nécessaire pour y répondre.

Les petites communes manquent souvent de l'ingénierie stratégique et pré-opérationnelle, nécessaire pour s'inscrire dans ces dispositifs. C'est pourquoi les projets des communes qui se sont portées candidates, mais n'ont pas été retenues dans le cadre du programme « Villages d'avenir » devraient bénéficier d'une priorité dans l'étude de leurs dossiers pour la prochaine cohorte de communes accompagnées, et faire l'objet d'une attention renforcée de la part des services préfectoraux.

Pour répondre à ce « déficit criant » d'ingénierie, il est essentiel de renforcer l'offre d'ingénierie « sur mesure », aujourd'hui largement insuffisante. Plus structurellement, un réseau d'ingénierie solide passe par la diffusion continue de bonnes pratiques, comme l'ont bien montré les intervenants de notre table ronde : que l'on pense par exemple à la coopération au sein du réseau BRUDED.

Pour reprendre les termes des représentants de la Banque des territoires que nous avons auditionnés, il convient en effet de « ne pas perdre d'énergie à réinventer des solutions duplicables qui ont fait leurs preuves ailleurs ». Faisons confiance à l'intelligence territoriale et exploitons les gisements d'ingénierie !

Le renforcement de la coordination des ingénieries publiques, la pérennisation des financements et la structuration des réseaux d'ingénierie publique territoriale sont des enjeux cruciaux pour que vive la démocratie locale, et pour donner aux élus locaux le « pouvoir d'agir » nécessaire en vue de mener à bien les projets essentiels au développement de leurs territoires.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous constatons régulièrement la satisfaction des communes qui bénéficient de l'ingénierie de l'ANCT en matière de gestion de projets. Cependant, qu'en est-il en effet des autres communes ? Les appels à projets sont mortifères. Comment nous assurer que toutes les communes aient accès à l'ingénierie ?

La question du financement pose problème, notamment pour les programmes « Petites villes de demain » et « Villages d'avenir ». De plus, l'enveloppe de la DETR reste identique, alors qu'elle doit tenir compte d'un nombre croissant d'obligations.

Nous vous remercions vivement pour votre rapport et vos préconisations, qu'il conviendra de remettre officiellement au ministre.

Les recommandations sont adoptées.

La délégation adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

AUDITIONS DES RAPPORTEURS

Auditions du 4 avril 2024

Conseil départemental d'Eure-et-Loir

M. Christophe LE DORVEN,

Président

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

M. Éric ETIENNE

Directeur général délégué « Territoires et Ruralités »

Association Nationale des Pôles territoriaux et des Pays (ANPP) - Territoires de projet

Pierre LEROY,

Président du pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du Grand Briançonnais, maire de Puy-Saint-André (05)

Michael RESTIER,

Directeur

Association des Maires Ruraux de France (AMRF)

M. Cédric SZABO

Directeur de l'AMRF

M. Gilles NOËL, maire de Varzy (Nièvre)

M. Éric KREZEL, maire de Ceffonds (Haute-Marne)

M. Charlie FOURNIER

Chargé de mission Ingénierie de l'AMRF

Auditions du 2 mai 2024

Banque des territoires

M. Michel-François DELANNOY

Directeur du Département Appui aux Territoires - Groupe Caisse des Dépôts

M. Sylvain BAUDET

Expert développement local - Banque des territoires

M. Alexis NAU

Conseiller relations institutionnelles - Groupe Caisse des Dépôts

Audition de maires de communes creusoises

Mme Annie ZAPATA, maire de La Saunière (commune labellisée « Villages d'avenir »)

M. Philippe PONSARD, maire de Savennes et Vice-Président de l'Agglomération du Grand Guéret

ANNEXE 170(*) : LES CONSEILS DÉPARTEMENTAUX DANS LE SOUTIEN À L'INGÉNIERIE DES PETITES COMMUNES : L'EXEMPLE DU DÉPARTEMENT D'EURE-ET-LOIR

Le département d'Eure-et-Loir a développé plusieurs outils d'ingénierie au service des communes rurales, afin de les accompagner au mieux dans leurs projets et de pallier le désengagement progressif de l'État dans les territoires. Outre la création d'une agence technique départementale, le département pilote différents programmes au service de l'ingénierie des petites communes rurales, tels que :

- le fonds départemental d'investissement ;

- le plan Églises et Petits patrimoines remarquables ;

- le programme « Transition écologique et mobilités douces » ;

- le dispositif « bourg-centre ».

Au total, le département consacre 18,7 millions d'euros aux dispositifs de soutien et d'aide aux territoires71(*), dont une part significative est réservée spécifiquement à l'ingénierie des petites communes72(*).

I. Le fonds départemental d'investissement (FDI) : un engagement financier important pour les projets des communes rurales euréliennes

Le département d'Eure-et-Loir a mis en place un fonds départemental d'investissement (FDI) permettant de contribuer au financement d'équipements et de travaux de voirie des communes de moins de 10 000 habitants et des communautés de communes.

Ce fonds repose sur une logique d'appel à projets lancés annuellement par le département, aux fins d'apporter un soutien à l'investissement des communes et des intercommunalités pour leurs aménagements liés au cadre de vie, à la rénovation des écoles, à la modernisation des routes, ou encore à la création ou la rénovation d'équipements culturels et sportifs.

Un règlement voté annuellement prévoit les thématiques soutenues, le taux et le plafond des subventions du département. Pour l'année 2024, le département a voté une enveloppe de 9 ,3 millions d'euros (soit une enveloppe « voirie » à hauteur de 3,35 millions d'euros et une enveloppe « équipements et services » à hauteur de 5,95 millions d'euros).

Le taux de subvention est plafonné à 30 % du montant total des projets. Il peut cependant être majoré à 50 % pour les travaux de voiries et de réseaux d'assainissement pour les petites communes de moins de 1 000 habitants73(*). L'attribution des subventions se répartit entre les 15 cantons sur la base de critères intégrant les éléments suivants : prorata de kilomètres de voirie (critère de charge) ; montant de base par commune ; potentiel fiscal pondéré par l'effort fiscal (critère de richesse).

II. Le dispositif « bourg-centre » : une démarche précurseur en matière d'ingénierie territoriale

Dès 201874(*), le département d'Eure-et-Loir a lancé son propre dispositif de soutien à l'ingénierie des petites communes rurales, dit « bourgs centres ». Sa logique procède d'un souci d'équité territoriale, afin de « garantir un égal accès aux services et aux équipements publics » entre les territoires urbanisés et les espaces ruraux. Les territoires bénéficiaires sont les communes identifiées comme « bourgs-centres »75(*).

Le dispositif est le fruit d'un « partenariat dynamique et pérenne » avec l'État, le conseil régional Centre-Val de Loire et la Banque des territoires. La signature du protocole d'accord en date du 17 décembre 2018 a concrétisé les engagements du département pour les communes rurales euréliennes. Le dispositif a été prolongé jusqu'en décembre 202476(*).

Ce protocole d'accord a vocation à être décliné localement par la signature de conventions spécifiques sur trois ans avec les « bourgs-centres ». Ces communes doivent présenter un programme d'actions coordonnées et hiérarchisées dans un cadre pluriannuel au terme d'une phase préalable d'études et de programmation. La convention pluriannuelle de financement est conclue pour trois ans avec l'ensemble des partenaires, afin de mettre en oeuvre les projets retenus.

Contrairement aux dispositifs proposés par l'État reposant sur une logique de guichet, le dispositif « bourgs centres » s'appuie sur une logique de projet : le conseil départemental finance les études dites « à 360° » : une autorisation de programme de 750 000 euros a été votée par le département afin de financer les études de territoire. Le taux d'aide du département est de l'ordre de 25 %77(*), pouvant être majoré en cas de moindre participation des partenaires. S'y ajoute une enveloppe « investissement » de 22,9 millions d'euros. Au total, l'enveloppe financière par bourg centre est de l'ordre d'un million d'euros sur trois ans.

III. l'agence Eure-et-Loir Ingénierie (ELI): une agence technique départementale dédiée au soutien des communes rurales en matière d'ingénierie

Le conseil départemental d'Eure-et-Loir a également créé sa propre agence technique départementale78(*), « Agence Eure-et-Loir Ingénierie » (ELI). Son objectif est de permettre aux collectivités locales de bénéficier de prestations d'ingénierie « dans un cadre juridique sécurisé » et de faciliter ainsi l'exercice des compétences des collectivités.

Nombre d'habitants

Nombre de communes

Communes adhérentes à ELI

Part des communes adhérentes à ELI
par catégorie

Part des adhérents ELI par strate

Moins de 500

193

154

79.8 %

49.4 %

500 à 1 000

80

76

95 %

24.4 %

1 001 à 2 000

52

51

98. 1 %

16.3 %

2 001 à 5 000

28

23

82. 1 %

7.4 %

Plus de 5 000

12

8

66.7 %

2.6 %

Totaux

365

312

85.5 % (moyenne)

100 %

Part des communes adhérentes à ELI en fonction des strates de population

Source : travaux des rapporteurs à partir des données transmises par le département.

Chaque année, 50 à 60 projets voient le jour grâce à ELI, qui accompagne les communes dans les procédures de marché public puis assure le suivi de la mise en oeuvre de ces projets (dans la limite de 90 000 euros).

De manière générale, ELI intervient : (1) sur les missions d'assistance technique en matière d'assainissement, qui constituaient l'objet originel de l'agence avant que son expertise ne soit étendue au contrôle des installations d'assainissement non collectif (ANC) dans le cadre des ventes, aux contrôles de bon fonctionnement, aux contrôles des branchements à l'assainissement collectif (AC) dans le cadre des ventes ; (2) sur les missions de maîtrise d'oeuvre en matière de voirie et, depuis peu, sur des missions de maîtrise d'oeuvre et d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) en matière d'espace public ; (3) sur l'instruction des autorisations d'urbanisme ; (4) au travers du conseil juridique (par exemple en matière d'accompagnement à la commande publique, afin de sécuriser juridiquement les procédures) ou encore de la rédaction d'actes administratifs liés au foncier ; (5) en matière de règlement européen à la protection des données (RGPD), avec la mutualisation d'un délégué à la protection des données.

En outre, ELI mène trois expérimentations en matière d'AMO bâtimentaire et plus particulièrement sur des projets de rénovation énergétique de bâtiments communaux. Si cette expérimentation est concluante, la mission pourrait être proposée à l'ensemble des collectivités euréliennes, potentiellement avec un seuil d'habitants.

ELI a progressivement élargi son champ d'intervention auprès des communes euréliennes afin de pallier le désengagement de l'État en matière d'ingénierie :

- depuis la suppression de l'ATESAT79(*) en 2014, ELI a mis en place une mission voirie afin de faciliter la mise en oeuvre des projets de réhabilitation de voirie ou des projets d'aménagement de sécurité. Cette mission a rencontré un franc succès avec plus de 256 communes adhérentes ;

- en 2015, l'État a mis fin à la mise à disposition de ses services pour l'instruction des autorisations d'urbanisme. 99 communes euréliennes adhèrent à ce jour au service d'instruction des autorisations d'urbanisme mis en place par le département ;

- à la suite de la fermeture d'un grand nombre de trésoreries, une mission de conseil financier a été créée pour accompagner les communes de moins de 1 500 habitants ;

- depuis 2023, ELI accompagne aussi les communes dans leurs projets d'aménagement d'espace public : création de city stades à Chartainvilliers, renaturation d'un ancien site agricole à Brezolles.

Les relations entre ELI et le conseil départemental sont régies par une convention de gestion fixant les liens et les modalités de remboursement (personnels, informatique, véhicules, etc.). Son financement repose sur une participation annuelle directe du conseil départemental de 135 000 euros depuis 2016. En parallèle, le département met à disposition gracieusement les locaux et certaines directions qui interviennent en support (à l'instar de la direction de la communication pour la réalisation de supports de communication, de la direction des relations humaines, et de la direction du numérique). En outre, l'ensemble des collaborateurs d'ELI est recruté par le département, puis mis à disposition de l'agence.

Enfin, le conseil départemental est également actionnaire de la société d'aménagement et d'équipement du département d'Eure-et-Loir (SAEDEL), société d'économie mixte intervenant auprès d'acteurs publics et privés du département pour soutenir notamment l'ingénierie de projet. La SAEDEL apporte, après mise en concurrence, une offre destinée à apporter des réponses opérationnelles en aménagement et construction sur des opérations complexes de plus de 500 000 euros, avec la possibilité de s'appuyer sur des outils d'investissement du département (Eure-et-Loir développement) ou des partenariats avec des bailleurs sociaux et autres opérateurs économiques ciblés.

Exemples interventions en coeur de villages soutenues par la SAEDEL

Communes

Champs d'intervention

Mignières

Logements, commerces, équipements scolaires, culturels et administratifs

Saint-Georges-sur-Eure

Logements, commerces, médiathèque

Hanches

Logement et commerce

Prunay-le-Gillon

Logement

Le Mesnil-Thomas

Gite touristique

Thimert-Gâtelles

École, foyer culturel, restaurant scolaire

Barjouville

Maison de santé, école, commerce, logement

Theuville

École et mairie

Toury

Reconversion friche Weldom

Oulins

Logements et commerce

Logements et commerce

Source : travaux des rapporteurs à partir des données transmises par le département.

ANNEXE 2 : CONTRIBUTION ÉCRITE DE LA FÉDÉRATION DES AGENCES LOCALES DE L'ÉNERGIE ET DU CLIMAT

Quelles solutions face au défi de l'ingénierie pour la transition écologique et énergétique dans les petites communes ?

La publication du rapport de l'Inspection générale des finances « L'investissement des collectivités territoriales » d'octobre 2023 vient de confirmer le poids des investissements que les collectivités auront à porter pour réussir la transition écologique : 21 Md€ par an d'investissements d'ici 2030.

Pour opérer la transition énergétique et écologique, et réussir ces investissements majeurs, il est désormais admis qu'il faut de « l'ingénierie ». Aussi, des ressources ponctuelles sont mises à disposition par l'État. Mais de fonds en appels à projets lancés par l'État et ses opérateurs, l'ingénierie est trop souvent financée par le biais d'enveloppes à court terme. Ces enveloppes permettent de financer des chargés de mission ou des bureaux d'études, sans mutualisation, pendant une durée courte, sur un projet.

Plusieurs conséquences :

- Les collectivités sont en situation de concurrence les unes par rapport aux autres pour gagner des appels à projets, au détriment des petites communes, et singulièrement dans les territoires ruraux, qui n'ont pas le temps ou les ressources pour se saisir de ces appels à projets. Pour gagner un appel à projets, il faut bien sûr avoir le temps de candidater.

- On finance des postes par projets, ce qui ne permet pas de couvrir l'intégralité des besoins réels des communes (ne serait-ce que par la diversité des contraintes et chantiers imposés par l'État/la loi : zones à faible émission, zones d'accélération EnR, rénovation des écoles, etc.).

- Par leur court-termisme, la non-stabilité des moyens, ces enveloppes s'opposent à toute visibilité et à des logiques de recrutement, a fortiori de fidélisation des ressources humaines, pourtant indispensables, dans des métiers en tension.

En réalité, il faut plus qu'une expertise technique en appui ponctuel sur un projet. Les territoires ont besoin d'une multitude de compétences, d'expertises (techniques et financières) et d'une ingénierie connaisseuse du territoire, soucieuse d'animer le terrain, pour faire émerger les projets - et les investissements - qui permettent aux plans climat air énergie territoriaux (PCAET) de devenir réalité, et en capacité de suivre les projets dans la durée.

Il ne faut donc pas des chargés de projets isolés, pendant trois ans, ou un bureau d'études pendant trois mois, mais des structures d'ingénierie expertes, neutres et de proximité, présentes dans la durée pour accompagner le Maire durant toute la durée de son projet, de la conception à la réalisation et sans rupture.

L'AMRF n'a pas dit autre chose en conclusion du Grand Atelier des Maires ruraux pour la transition écologique, lorsqu'elle réclamait « un droit à l'accompagnement », reposant sur trois piliers : « Des capacités d'ingénierie technique pour aider les élus à identifier les ressources, et concrétiser les projets, partout, à la plus petite échelle » ; « Des capacités d'animation pour créer des stratégies, des synergies, de l'énergie entre tous les acteurs du territoire et créer ainsi les conditions du changement culturel » et de la formation de tous les élus. 80(*)

Mais penser que chaque commune aura les moyens d'avoir sa propre structure pérenne d'ingénierie dans la durée n'est pas rationnel.

En revanche, ce sont des ressources mutualisables. Bien sûr, les agences locales de l'Énergie et du Climat sont notre modèle : structures souples, associations ou sociétés publiques locales (SPL), elles sont mutualisées à l'échelle de départements, de métropoles ou de pays, selon des périmètres de proximité cohérents et soutenables financièrement. Elles ont des compétences aussi expertes que variées pour calquer aux besoins propres à chaque territoire (qu'ils soient dans les domaines de la mobilité, de la rénovation du patrimoine public, de la rénovation des copropriétés et/ou maisons individuelles, déploiement de la géothermie ou photovoltaïque selon le potentiel, etc.), en toute agilité pour se renouveler au gré des priorités qu'imposent aux collectivités, de l'évolution des réglementations et des urgences.

Aujourd'hui, il y a deux écueils majeurs au développement de ce réseau d'ingénierie territorial mutualisé :

- Malgré la reconnaissance des Agences locales de l'Énergie et du Climat dans le code de l'Énergie81(*), ce modèle mutualisé reste trop faiblement identifié par les collectivités (l'État et ses agences ne participant pas à l'effort pour le faire connaître - hormis dans deux régions, qui ont bénéficié du choix de l'ADEME locale de miser sur le modèle).

- Dans la logique de nos constats précédents, ces structures sont, elles aussi, confrontées à la réalité pernicieuse des appels à projets. Il serait urgent de rassembler des enveloppes pour alimenter un budget unique qui participe au financement du fonctionnement de ces ressources, sans concurrence entre les collectivités.

ANNEXE 3 : CARTE DES COMMUNES LAURÉATES DU PROGRAMME « VILLAGES D'AVENIR »


* 1 On pourra se référer au cycle de travaux de la délégation aux collectivités territoriales consacré à l'ingénierie, initié par le rapport d'information n°557 (2009-2010) de M. Yves Daudigny, déposé le 15 juin 2010, et prolongé par le récent rapport d'information n°313 (2022-2023) de Mme Céline BRULIN et M. Charles GUENÉ, déposé le 2 février 2023.

* 2 Vos rapporteurs retiendront ici la définition proposée dans le rapport d'information n°557 (2009-2010) de M. Yves DAUDIGNY, déposé le 15 juin 2010.

* 3 La notion de « petite commune » fait elle-même l'objet de multiples définitions de la part des statisticiens. Alors que l'Insee retient une définition assez large (seuil de 10 000 habitants), vos rapporteurs proposeront ici plutôt de retenir le champ des communes de moins de 3 500 habitants (seuil retenu par convention dans de nombreux articles du code général des collectivités territoriales).

* 4  Rapport d'information n°654 (2011-2012) de M. Pierre JARLIER, déposé le 10 juillet 2012, p. 27.

* 5  Rapport d'information n°337 (2023-2024) de M. Bernard DELCROS, déposé le 14 février 2024, p. 51.

* 6 Formule utilisée par la Banque des territoires dans ses réponses au questionnaire de vos rapporteurs.

* 7  Rapport d'information n°313 (2022-2023) de Mme Céline BRULIN et M. Charles GUENÉ, déposé le 2 février 2023.

* 8 Cour des comptes, communication à la commission des finances du Sénat sur L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), février 2024, p. 55.

* 9 Cour des comptes, rapport d'observations définitives sur Les effectifs de l'administration territoriale de l'État, mai 2022, p. 6.

* 10 Rapport d'information de M. Dominique de Legge n° 666, enregistré à la présidence du Sénat le 22 juin 2011, de la mission présidée par M. François Patriat (voir notamment recommandation n° 26).

* 11 La loi n° 2001-1168 dite « MURCEF » avait prévu l'ATESAT, dispositif dérogatoire, destiné à maintenir une mission de solidarité hors du secteur concurrentiel, dans des conditions compatibles avec le droit européen de la commande publique. Pouvaient bénéficier du concours des services de l'État, sans passation de marchés publics, les communes ou leurs groupements dont les ressources financières et humaines ne permettaient pas de disposer de leur propre expertise (les conditions d'éligibilité dépendaient d'un double critère financier et démographique).

* 12 Conseil d'État, « L'usager du premier au dernier kilomètre de l'action publique : un enjeu d'efficacité et une exigence démocratique », étude annuelle 2023, voir pp. 104 et 210.

* 13  Rapport d'information n°591 (2019-2020) de Mme Josiane COSTES et M. Charles GUENÉ, déposé le 2 juillet 2020, p. 38.

* 14 Le candidat doit avoir entre 18 et 30 ans et un diplôme de niveau bac+2 (diplômé en droit public ou droit des collectivités locales, gestion de projets, urbanisme, ingénierie des travaux publics ou développement territorial, par exemple).

* 15 Après que le préfet de département a confirmé à la collectivité qu'elle pouvait bénéficier du dispositif VTA, la collectivité lance le recrutement et instruit un formulaire. L'ANCT publie le cas échéant l'annonce sur la plateforme dédiée, et la collectivité intéressée peut choisir un candidat parmi les postulants. Une aide forfaitaire de 20 000 euros est versée à la collectivité dans les trois mois suivant la signature du contrat.

* 16 Communiqué de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, diffusé le 14 avril 2023.

* 17 Au demeurant, on notera que l'article 18 du projet de loi pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, déposé le 3 avril 2024 sur le bureau de l'Assemblée nationale, vise à introduire de plus grandes facultés d'intervention des départements, en prévoyant la possibilité qu'un EPCI à fiscalité propre ou un syndicat mixte compétent puisse déléguer à un département la maîtrise d'ouvrage en matière de production, de transport et de stockage d'eau destinée à la consommation humaine ou en matière d'approvisionnement en eau.

* 18 Article L. 5511-1 du CGCT.

* 19  Rapport d'information n°654 (2011-2012) de M. Pierre JARLIER, déposé le 10 juillet 2012, p. 58.

* 20 Budget 2024 du conseil départemental d'Eure-et-Loir.

* 21 Délibérations résultant des séances des 25 juin et 5 novembre 2018 consistant à créer un nouveau dispositif axé sur les « bourgs-centres ».

* 22 Réponses écrites du département d'Eure-et-Loir au questionnaire adressé par vos rapporteurs.

* 23 «  L'ingénierie territoriale, une aubaine pour les territoires (et pour la France !) » étude de 2022, du SCET, filiale de la Caisse des Dépôts.

* 24 Voir compte rendu de la réunion de la délégation aux collectivités territoriales du 2 février 2023 : « 30 départements sont dans un dénuement presque total en matière [d'ingénierie] (...). Dans ces 30 départements, en général, les grandes villes et grandes communautés d'agglomération se sont organisées, tandis que règne autour un no man's land, où les petites communes ne bénéficient pas de cette ingénierie ».

* 25 Conseil général de l'environnement et du développement durable, Mission d'évaluation des réformes de l'assistance technique pour raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) et de l'application du droit des sols (ADS), n° 010538-01, novembre 2016, p. 59.

* 26 Cour des comptes, communication à la commission des finances du Sénat sur L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), février 2024, p. 55.

* 27 Dispositions figurant à l'article L. 1231-2 du CGCT.

* 28 Voir le compte rendu de l'audition de M. Christophe BOUILLON, président de l'ANCT, par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 31 janvier 2024.

* 29 Cour des comptes, communication à la commission des finances du Sénat sur L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), février 2024.

* 30  Rapport d'information n°337 (2023-2024) de M. Bernard DELCROS, déposé le 14 février 2024, p. 10.

* 31 Cour des comptes, communication à la commission des finances du Sénat sur L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), février 2024, p. 55.

* 32  Rapport d'information n°313 (2022-2023), op.cit.

* 33 Ibid.

* 34 Les cinq principales institutions partenaires, participant à l'offre d'ingénierie de l'ANCT sur la base de participations négociées, sont le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'Agence de la transition écologique (Ademe) et la Banque des territoires.

* 35 Rapport Cour des comptes, p. 29.

* 36 Ingénierie intervenant au stade de la définition et du cadrage de projets. Elle intervient au stade du diagnostic, de l'élaboration de projets de territoire, de l'accompagnement à l'élaboration de projets thématiques (études de faisabilité ou de définition), de la concertation et de la participation des habitants, ainsi que de la recherche de financements.

* 37 Cour des comptes, communication à la commission des finances du Sénat sur L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), février 2024, p. 55.

* 38 Au titre de ses missions, l'ANCT est chargée du pilotage des programmes nationaux de « revitalisation » des territoires, notamment : Action coeur de ville, Entrées de ville, Territoires d'industrie, Petites Villes de demain, Avenir montagnes, France Très Haut Débit, France mobile et - depuis récemment - Villages d'avenir.

* 39 Réponses de la Banque des territoires au questionnaire de vos rapporteurs.

* 40 L'ANCT précise avoir reçu en moyenne 5 candidatures par poste (entre 2 et 20 postulants selon les départements, le nombre de candidats étant proportionnelle à la taille de la ville de localisation du poste). Les chefs de projet recrutés justifient d'une expérience professionnelle comprise entre 7 et 20 ans, et une majorité a travaillé dans le secteur public.

* 41 La formation, organisée sur deux jours, comprenait notamment des interventions et échanges avec des élus, des apports d'expertise en matière de financement de projets et de compétence des collectivités locales.

* 42 Le programme « Petites villes de demain », doté d'un budget de 3 milliards d'euros sur la période 2020-2026, a pour principal objet de revitaliser des communes de moins de 20 000 habitants. PVD concerne à ce jour quelque 1 600 collectivités, dont 52 % sont des communes de moins de 3 500 habitants, confrontées à des vulnérabilités telles que la dégradation du bâti ancien ou l'érosion commerciale (voir le compte rendu de l'audition de M. Christophe BOUILLON, président de l'ANCT, par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 31 janvier 2024).

* 43 Selon les termes de Mme Cécile RAQUIN, directrice générale des collectivités locales, lors de son audition par la commission des finances du Sénat, le 14 février 2024 (voir le compte rendu).

* 44 Selon les chiffres cités par le vice-président de l'AMRF et maire de la commune de Varzy, M. Gilles Noël, au cours de la table ronde du 23 mai 2024 en conclusion de cette mission (voir compte rendu annexé).

* 45 Réponses écrites de la direction « Territoires et Ruralités » de l'ANCT au questionnaire adressé par vos rapporteurs.

* 46 Fin 2020, l'équipe municipale de Savennes a lancé un appel à idées intitulé « Vivre demain aujourd'hui ! », visant à « réinventer les manières d'habiter à la campagne ». Le nombre et la qualité des candidatures a dépassé les espérances : quatorze équipes ont proposé de réfléchir à des manières innovantes et économes d'habiter, d'accueillir, de travailler et de se déplacer sur le territoire de la commune de Savennes.

* 47 Voir compte rendu, annexé au rapport, de la table ronde organisée lors de la réunion plénière de la délégation du 23 mai 2024.

* 48 Réponses écrites de la Banque des territoires au questionnaire transmis par vos rapporteurs.

* 49 Ibidem.

* 50 Intervention de M. Michel Fournier, Président de l'AMRF, à l'occasion de rencontres organisées par la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale le 1er février 2024 sur le thème des politiques de redynamisation des villes petites ou moyennes et de la ruralité.

* 51 BRUDED (acronyme de « Bretagne rurale et rurbaine pour un développement durable ») est un réseau de partage d'expériences entre collectivités dans tous les champs du développement durable, en Bretagne et Loire-Atlantique, qui compte plus de 270 communes et 7 communautés de communes adhérentes en Bretagne et en Loire-Atlantique. Les expériences et bonnes pratiques sont recensées sur le site internet du réseau, consultables à cette adresse : https://www.bruded.fr/

* 52 Voir compte rendu, annexé au rapport, de la table ronde organisée lors de la réunion plénière de la délégation du 23 mai 2024.

* 53 Pour reprendre la formule utilisée par les représentants de la Banque des territoires dans leur réponse écrite au questionnaire de vos rapporteurs.

* 54 Conseil d'État, Étude annuelle sur l'administration jusqu'au dernier kilomètre, p. 210.

Les élus locaux doivent aujourd'hui trouver leurs marques entre une multiplicité d'opérateurs et institutions de l'État (Anah, Ademe, ANCT, Anru, Cerema, Banque des territoires), auxquels s'ajoutent désormais les opérateurs d'ingénierie locale, ainsi que les prestataires privés.

* 55 Voir le compte rendu de l'audition de M. Christophe BOUILLON, président de l'ANCT, par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 31 janvier 2024, p. 6.

* 56 Au terme de l'article 4 de la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création de l'ANCT, les préfets de départements sont désignés comme les délégués territoriaux de l'Agence.

* 57 Cour des comptes, communication à la commission des finances du Sénat sur L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), février 2024, p. 50.

* 58 Voir le compte rendu de l'audition de M. Stanislas BOURRON, directeur général de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat le 30 avril 2024.

* 59 Ainsi que le soulignait M. Stanislas Bourron, directeur général de l'ANCT, lors de son audition le 14 février 2024 devant la commission des finances du Sénat, ces comités locaux sont « l'espace adéquat pour discuter des questions d'ingénierie en lien avec le président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), le président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), les agences techniques départementales ou encore les agences d'urbanisme, afin d'apporter une offre de services structurée dans les territoires. »

* 60 Voir compte rendu de l'audition de Mme Cécile Raquin, directrice générale des collectivités locales, le 14 février 2024 devant la commission des finances du Sénat.

* 61  Rapport d'information n°313 (2022-2023) de Mme Céline BRULIN et M. Charles GUENÉ, déposé le 2 février 2023.

* 62 Plus de 11 900 signatures recueillies sur une plateforme de pétition en ligne.

* 63 On se rapportera utilement aux travaux de la délégation aux collectivités territoriales consacrés à la transition environnementale des collectivités ( Rapport d'information n° 87 (2023-2024), déposé le 9 novembre 2023).

* 64 Rapport « 50 propositions du Sénat pour le plein exercice des libertés locales », de MM. Philippe BAS et Jean Marie BOCKEL 2 juillet 2020, page 32.

* 65 Vos rapporteurs ne peuvent ainsi que souscrire à la recommandation formulée par le Conseil d'État dans son étude annuelle consacrée au dernier kilomètre de l'action publique (page 20), appelant à ce que les « territoires les plus fragiles [soient] mieux accompagnés en les orientant vers une offre d'ingénierie adaptée et en mettant fin au caractère systématique des appels à projets nationaux ».

* 66 Voir compte rendu, annexé au rapport, de la table ronde organisée lors de la réunion plénière de la délégation du 23 mai 2024.

* 67 Conseil d'État, « L'usager du premier au dernier kilomètre de l'action publique : un enjeu d'efficacité et une exigence démocratique », étude annuelle 2023.

* 68 On pourra citer de ce point de vue les 32 mesures « sur étagère » construites avec l'ensemble des partenaires de l'ANCT au niveau national.

* 69 Rapport d'information du Sénat n°557 (2009-2010) au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, de M. Yves Daudigny, « Les collectivités territoriales : moteurs de l'ingénierie publique ».

* 70 Annexe réalisée à partir des données de la contribution écrite transmise par le Conseil départemental d'Eure-et-Loir dans le cadre de l'audition organisée avec les rapporteurs.

* 71 Budget 2024 du conseil départemental d'Eure-et-Loir.

* 72 Cf Rapport d'information n°909 (2021-2022) portant sur « à la recherche de l'État dans les territoires » réalisé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat.

* 73 Règlement d'intervention du fonds départemental d'investissement, conseil départemental d'Eure-et-Loir.

* 74 Délibérations résultant des séances des 25 juin et 5 novembre 2018 consistant à créer un nouveau dispositif axé sur les « bourgs-centres ».

* 75 À la suite d'un appel à projets ouvert aux 33 communes mentionnées dans la liste arrêtée dans le protocole selon des critères de sélection partagés par les partenaires.

* 76 Avenant du 31 août 2022 visant à prolonger la durée du dispositif jusqu'au 31 décembre 2024.

* 77 Pouvant être majorée en cas de moindre participation des partenaires : ces études sont également financées par les partenaires de la démarche bourgs centres initiée par le Département afin de financer au global les études à hauteur de 80 %. Le Département a déjà engagé sur cette enveloppe un montant de 227 000 euros pour accompagner de telles études ; pour le budget 2024, les crédits de paiement inscrits représentent un montant de 60 000 euros.

* 78 D'après un recensement effectué par l'Association nationale des agences techniques départementales, 70 départements apportent une assistance technique, juridique ou financière dont 55 sous forme d'agence technique départementale (48 sous forme d'EPA et 7 sous forme d'association, syndicat mixte ou SPL) et 15 départements sous forme de régie.

* 79 Article 123 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 abrogeant le dispositif ATESAT créée par l'article 7-1 de la Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République.

* 80 L'ensemble de ces citations provient des conclusions du « Grand Atelier des Maires ruraux pour la transition écologique adoptées » lors du Congrès national des maires ruraux de France 2023 https://www.amrf.fr/wp-content/uploads/sites/644/2023/10/VF-_-Livret_GrandAtelier_Orientations.pdf

* 81 Article L211-5-1 du code de l'énergie.

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