B. DES ÉCHANGES TECHNIQUES FLUIDES AVEC LES SERVICES DU GOUVERNEMENT, QUI DOIVENT ETRE UTILEMENT COMPLÉTÉS PAR L'AUDITION DU MINISTRE EN CHARGE DES RELATIONS AVEC LE PARLEMENT

1. Malgré l'annonce d'un suivi des arrêtés par le Secrétariat général du Gouvernement, des divergences persistantes sur le périmètre retenu

Après rapprochement des états établis au 31 mars, les commissions échangent avec les services correspondants au sein des administrations, avec l'appui du SGG, afin de déterminer les raisons qui ont empêché ou retardé la parution de certains textes. Cela permet d'enrichir l'aspect qualitatif du contrôle et d'éviter d'éventuelles incompréhensions.

Cette interaction permet d'aboutir à une convergence relative des taux globaux d'application des lois calculés par le Sénat et le Gouvernement. Cette convergence est néanmoins relative car il existe deux différences de périmètre entre les taux du Sénat et ceux établis par les services du SGG.

Tout d'abord, le Sénat calcule deux taux d'application : un taux qui intègre les mesures pour lesquelles le législateur a prévu une entrée en vigueur différée ; et un taux qui ne les intègre pas. A l'inverse, le SGG n'établit qu'un taux global d'application, hors prise en compte des mesures différées.

Par ailleurs, le Sénat retient toutes les mesures réglementaires d'application des lois tandis que le SGG comptabilisait traditionnellement uniquement les décrets d'application et ne retenait donc pas les arrêtés. Néanmoins, pour la session 2022-2023, le SGG a annoncé suivre désormais progressivement les mesures d'application des lois autres que les seuls décrets, notamment les arrêtés.

Réclamée depuis de nombreuses années par le Sénat, cette innovation doit cependant être tempérée pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le SGG n'a commencé à suivre les arrêtés qu'à partir du 1er janvier 2024, même s'il commence à se livrer à un exercice de rattrapage. Par ailleurs, il comptabilise les arrêtés à part, ne restant responsable que des seuls décrets. Enfin, au cours des réunions interministérielles (RIM) de programmation et de suivi, ces mesures sont examinées avec un moindre niveau de détail.

Il en résulte que pour la session 2022-2023, le SGG n'a pas été en mesure de transmettre des taux de parution consolidés et suffisamment fiables s'agissant des arrêtés. Il devrait cependant à l'avenir publier des chiffres globaux les intégrant. La prise en compte des arrêtés devra donc être un point de vigilance du Sénat l'année prochaine lors du bilan annuel de l'application des lois de la session 2023-2024.

Pour la session 2022-2023, le Sénat retient un taux global d'application des lois de 64 % et de 68 % hors mesures différées. Le SGG quant à lui présente un taux d'application des lois de 68,5 %. Contrairement à la session précédente, les écarts de taux sont bien plus faibles et même quasi inexistant, s'agissant du taux d'application hors mesures différées.

Lors de la session précédente, le taux global d'application des lois selon le Sénat s'établissait à 65 %, et à 68 % hors mesures différées, contre un taux global selon le SGG de 74 %. L'écart était donc important24(*). Pour la session 2022-2023, le taux de parution des arrêtés est relativement proche du taux de parution des décrets (57 % contre 67 %). Il en résulte des taux d'application des lois davantage analogues entre celui du Sénat et celui du SGG.

La nécessité d'un suivi des arrêtés par le Secrétariat général du Gouvernement

Le Secrétariat général du Gouvernement s'est engagé à suivre à partir du 1er janvier 2024 les arrêtés faisant l'objet d'un renvoi exprès dans la loi, et devrait conduire un travail de rattrapage avant cette date.

L'absence de suivi des arrêtés par le Secrétariat général du Gouvernement demeurait en effet un angle mort du suivi de la prise des textes appelés par les lois votées, que le Sénat s'efforce, quant à lui, d'éclairer.

Comme pour les sessions précédentes, la Secrétaire générale du Gouvernement avait indiqué pour le bilan de la session 2020-2021 que « la petite taille du SGG et l'importance des flux qui y convergent conduisent à nous concentrer sur ce qui relève directement du Premier ministre en termes d'application [...] c'est aux ministères de procéder au suivi des arrêtés ». Mme Claire Landais annonçait cependant pouvoir envisager que le SGG soit « au moins le relais d'une demande de suivi un peu plus précis des arrêtés et sur des schémas plus harmonisés, avec éventuellement des clauses de revoyure »25(*).

Lors du débat en séance publique sur le bilan annuel de l'application des lois du 31 mai 2023, le ministre des relations avec le Parlement avait indiqué, en réponse à la sénatrice Pascale Gruny26(*), que le taux d'application des lois retenu par le Gouvernement « n'inclut pas les arrêtés, qui relèvent d'une compétence ministérielle, et qui sont en vérité trop nombreux pour faire l'objet d'une suivi centralisé »27(*). Il précisait néanmoins que le SGG « appelle régulièrement l'attention des ministres sur ce point » et le ministre prenait « l'engagement d'évoquer cette question lors du prochain comité interministériel de l'application des lois ».

Le SGG a décidé en 2023 de faire évoluer ses méthodes pour permettre une « mise en place progressive du suivi des arrêtés d'application des lois ». Le Sénat salue cette évolution et reste vigilante s'agissant de la mise en oeuvre de cet engagement pour le bilan de la session 2023-2024, un suivi consolidé des arrêtés n'étant pas encore possible pour la session 2022-2023.

Le Sénat rappelle avec force que, pour l'application d'une loi, peu importe que la disposition adoptée renvoie à un décret ou à un arrêté : la non-adoption de l'un ou de l'autre a pour effet, dans les deux cas, d'empêcher la volonté du législateur de se traduire pleinement dans le droit et dans les faits. C'est d'ailleurs ce que rappelle elle-même la circulaire du 27 décembre 2022 : « Chaque disposition législative qui demeure inappliquée est une marque d'irrespect envers la représentation nationale et de négligence vis-à-vis de nos concitoyens ».

En outre, conformément à l'article 21 de Constitution, seul le Premier ministre « exerce le pouvoir réglementaire »28(*) de droit commun. En dehors du pouvoir d'organisation de leurs services, les ministres ne sont associés à son exercice qu'en vertu d'une délégation accordée par une loi ou un décret. Le Premier ministre a donc à répondre des actes de ses ministres et, à ce titre, le Secrétariat général du Gouvernement n'outrepasse pas son rôle en suivant la publication des arrêtés.

2. Un débat en séance publique programmé en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement

L'audition préparatoire de la Secrétaire générale du Gouvernement et le débat en séance, dont les contours avaient varié au fil des années, conformément aux recommandations de la mission de réflexion sur le contrôle parlementaire évoquée précédemment, sont désormais remplacés par un débat en séance plénière, en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement, à laquelle pourra être associée les services du SGG.

Les principales difficultés techniques et juridiques sont levées au moment de la rédaction du rapport, grâce à des échanges d'excellente tenue avec le SGG. Le débat en séance plénière, moment fort du contrôle parlementaire, permettra donc de soulever des considérations plus politiques telles que l'application de dispositions législatives en décalage avec la volonté exprimée par le législateur lors de leur examen ou encore des appréciations sur la qualité des rapports transmis au Parlement.


* 24 L'explication en était que le nombre d'arrêtés pris en application de la loi - non comptabilisés par le SGG - avait fortement augmenté et, surtout, que leur taux d'application était particulièrement faible (42 % contre un taux de parution des décrets de 72 %).

* 25 Audition de Mme Claire Landais, Secrétaire générale du Gouvernement, sur le bilan annuel de l'application des lois, mercredi 27 juillet 2022.

* 26 Alors président de la délégation du Bureau chargé du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances.

* 27 31 mai 2023, Compte rendu intégral du Débat sur l'application des lois pour la session 2021-2022.

* 28 Selon l'article 13 de la Constitution, le Président de la République dispose également d'une compétence d'attribution sur les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres, laquelle a été progressivement élargie.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page