EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 mai 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Le sujet des catastrophes naturelles est d'actualité pour notre commission : la semaine prochaine, j'aborderai plus spécifiquement le phénomène du retrait-gonflement des argiles (RGA). Créé en 1982, le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit « régime CatNat », a connu un certain nombre d'évolutions. Pour rappel, le régime privé classique prend en charge tous les risques aléatoires, quantifiables et soutenables économiquement pour les assurés, ce qui signifie que le niveau de prime qui leur est demandé afin de couvrir le risque reste raisonnable au regard de leurs capacités. Dès lors qu'un risque ne répond plus à ces trois caractéristiques, il sort du système assurantiel privé pour basculer dans le système assurantiel public-privé des catastrophes naturelles.

Ce régime CatNat est aujourd'hui confronté au phénomène du réchauffement climatique : avec la hausse des températures, l'enjeu tient désormais davantage à la volatilité et à l'intensité des catastrophes qu'à leur fréquence. Face à des pics de sinistralité très élevés, le maintien d'une intervention publique est justifié. À l'issue des événements du mois de décembre dernier, et notamment des tempêtes, certains ministres se sont interrogés sur la pertinence d'une refonte du périmètre du régime CatNat, une question que je m'étais également posée l'année dernière à l'occasion du contrôle portant sur le risque lié au phénomène de RGA, me demandant s'il n'était pas appelé à basculer dans le système privé.

Après analyse, il ne semble pas judicieux de faire évoluer le périmètre du régime CatNat, en intégrant par exemple les tempêtes, la grêle et la neige, dans la mesure où ces risques sont déjà couverts par le régime assurantiel ordinaire. De la même manière, il ne semble pas pertinent d'y intégrer le recul du trait de côte, quand bien même le phénomène de submersion marine fait partie du régime CatNat. Le risque lié au RGA, quant à lui, doit rester dans le régime, même si des réassureurs privés pourraient, à l'avenir, assumer une partie du rôle aujourd'hui joué par la Caisse centrale de réassurance (CCR).

J'en viens aux différents acteurs, à commencer par les assurés, qui financent le régime. Les assureurs, auprès desquels sont souscrits les contrats d'assurance, collectent de manière automatique la surprime CatNat, répercutées, ainsi que la « surprime de la surprime » qui finançait le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), plus communément appelé le fonds Barnier, avant sa budgétisation en 2021. Il existe, parallèlement, un mécanisme de réassurance : si elle peut être en théorie assumée par le secteur privé, la CCR couvre dans la pratique 95 % du marché. Le rôle de la CCR ne se limite d'ailleurs pas aux catastrophes naturelles, puisqu'elle couvre également les risques terroristes et technologiques.

La surprime versée par l'assuré va pour moitié à l'assureur et pour moitié à la CCR, et permet d'indemniser les sinistrés. Sans aller dans le détail de la procédure permettant d'obtenir le statut de sinistré, je rappelle que celle-ci a évolué avec la loi du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles - loi Baudu -, ainsi qu'avec différents textes d'application de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). Lorsque le sinistre est reconnu comme relevant du régime CatNat, son coût est évalué et donne lieu à une indemnisation versée pour moitié par l'assureur et pour moitié par la CCR.

En apparence complexe, ce « partenariat public-privé » permet de garantir une mutualisation des portefeuilles des assureurs, qui ne sont pas répartis de manière homogène sur le territoire. Il ne subsiste, par exemple, que deux compagnies d'assurances dans les départements d'outre-mer (DOM), alors que ces territoires sont fortement exposés au risque cyclonique. En l'absence d'une telle mutualisation, les primes payées par les assurés pourraient varier de un à trente : le dispositif permet donc de partager le risque entre assureurs et réassureurs. Ce système est spécifique à la France ; à l'inverse, les assureurs peuvent refuser de couvrir vos risques, comme c'est le cas aux États-Unis ; plus proche de nous, l'Espagne a mis en place un système dans lequel le réassureur perçoit 100 % des primes ; dans d'autres pays enfin, seul le régime assurantiel classique existe.

Dans le détail, la surprime est acquittée par toutes les personnes ayant souscrit un contrat multirisque habitation ou un contrat automobile, avec un taux s'élevant respectivement à 12 % et à 6%. À compter du 1er janvier 2025, ledit taux passera à 20 % sur le contrat habitation et à 9 % sur le contrat automobile. Cette très forte hausse intervient alors que la nécessité d'augmenter les recettes du système avait déjà été soulignée par différents rapports au cours des dernières années, mais le Gouvernement a procrastiné et n'a adopté le texte réglementaire correspondant que le 22 décembre, à une période qui a permis de passer la hausse sous silence. Cette augmentation ne sera pourtant pas neutre pour les assurés : là où ils financent actuellement le régime CatNat à hauteur de 23 euros par an, ils y consacreront environ 40 euros par an à partir de 2025.

Pour 1,9 milliard d'euros collecté pour le régime CatNat en 2022, les particuliers ont versé 1 milliard d'euros et les entreprises 750 millions d'euros, tandis que 130 millions d'euros ont été versés au titre des contrats automobiles.

Le déséquilibre du régime avait été largement documenté : avec un taux de surprime de 12 %, le ratio sinistres-primes s'établissait à 128 %. Avec l'augmentation du taux de surprime, il devrait être ramené à 77 %, ce qui permettrait donc de retrouver un équilibre, au moins à court terme. Cela m'amène à ma première préconisation, qui consiste à mettre en place une indexation automatique du taux de surprime, d'autant que celle-ci a vocation à croître fortement, avec des variabilités considérables selon les scénarios d'augmentation des températures qui se réaliseront.

L'État, quant à lui, intervient dès lors que le seuil de 90 % des réserves de la CCR est atteint. La garantie de l'État n'a été mobilisée qu'une seule fois depuis la création du régime, en 2000 sur l'exercice 1999, à l'occasion des tempêtes Lothar et Martin. Cela étant, le risque d'en appeler à l'État devient chaque année un peu plus élevé, car les réserves du régime CatNat se sont nettement amoindries : alors qu'elles s'élevaient à 3 milliards d'euros fin 2021, elles s'étaient réduites à 2 milliards d'euros fin 2022 et n'étaient plus que de 500 millions d'euros à 600 millions d'euros fin 2023. De fait, les provisions d'égalisation sont désormais quasi nulles, alors qu'elles s'établissaient encore à 1,2 milliard d'euros à la fin de l'année 2021. Par conséquent, le risque d'un recours à la garantie illimitée de l'État est croissant.

Il le sera d'autant plus dans le futur, puisque la sinistralité est appelée à augmenter fortement. En 2020, le coût des événements à indemniser était de 2 milliards d'euros ; à l'horizon 2050, les différentes projections laissent entrevoir des montants allant de 3 milliards d'euros à 3,8 milliards d'euros, soit des montants qui ne pourront pas être couverts par l'augmentation du taux de surprime à 20 %. Cette hausse des coûts est liée à l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des événements, sous l'effet du réchauffement climatique, ainsi qu'à l'augmentation intrinsèque de la valeur des biens assurés. En ne tenant compte que des impacts du changement climatique, la sinistralité augmentera de 40 % ; en intégrant l'augmentation de la valeur des biens, cette hausse sera de 60 %.

Au sein même du régime CatNat, des distorsions sont à l'oeuvre. Au cours des trente premières années d'existence de ce régime, les inondations ont été majoritaires puisqu'elles représentaient la moitié des indemnités versées, la sécheresse 42 % et les autres risques 8 %. Sur les dix dernières années, on constate déjà une modification de la répartition puisque la sécheresse représente désormais 52 % des indemnités, contre 32 % pour les inondations et 16 % pour les autres risques. À l'avenir, le poids du RGA devrait augmenter fortement, avec une volatilité qui pourrait être considérable selon les scénarios de hausse de température. Les indemnités versées au titre de la sécheresse devraient avoisiner 43 milliards d'euros entre 2020 et 2050, contre 13,8 milliards d'euros sur la première période d'existence du régime. Ce triplement tient pour environ 20 % à l'élargissement des critères d'indemnisation introduit par la loi relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles de décembre 2021, dite « loi Baudu », et pour le reste à l'impact du changement climatique.

Pour ce qui est de la sinistralité relative aux inondations, la hausse devrait être comprise entre 6 % et 19 %. Parallèlement, le risque de submersion marine augmentera assez significativement.

Une fois ce constat posé, j'en viens aux propositions, avec un premier volet consacré aux moyens de mieux protéger les assurés, notamment pour mieux prendre en compte la détresse des sinistrés lorsque leur situation n'est pas reconnue comme relevant des catastrophes naturelles. Lorsque je vous avais présenté un point spécifique sur le RGA l'année dernière, je vous avais indiqué qu'un sinistré sur quatre était éligible à une indemnisation au titre du régime CatNat. Parmi les communes affectées par le phénomène, seule une sur deux était en effet éligible à cette indemnisation dans le cadre de l'ancien régime - même s'il devrait progresser à la suite de récentes modifications -, tandis que seulement la moitié des dossiers déposés dans ces communes ouvrait droit à une indemnisation.

Parmi les préconisations les plus saillantes, l'une concerne l'expertise, qui joue un rôle clé. L'expert, en effet, décidera si la situation du sinistré relève du régime CatNat, puis communiquera le montant de l'indemnité versée par la compagnie d'assurances. Disons-le simplement : il existe une forte présomption d'un manque d'indépendance des experts, d'où découle une forte défiance de la part des sinistrés. Afin d'y remédier, je préconise l'interdiction des liens capitalistiques entre la compagnie d'assurances et la société d'experts qui est mandatée. En outre, certains experts peuvent être rémunérés en fonction de l'indemnité proposée, ce qui est également insatisfaisant.

Par ailleurs, il semble judicieux de rétablir la possibilité d'utiliser librement son indemnité d'assurance : si une compagnie d'assurances ne vérifie jamais si vous avez utilisé votre indemnité versée au titre d'un dégât des eaux pour repeindre un mur, l'ordonnance du 8 février 2023 a explicitement précisé que l'indemnité versée au titre du RGA devait être utilisée pour réparer le bien endommagé. Or une telle utilisation peut être dénuée de sens, car un sinistré peut préférer un déménagement à la réparation de son bien. De la même manière, une partie des victimes des récentes inondations à répétition dans le Pas-de-Calais ont pu exprimer le souhait de quitter leur domicile.

Il faut donc laisser cette possibilité d'utiliser librement l'indemnité d'assurance, la jurisprudence allant plutôt dans ce sens. En revanche, il convient d'assortir ce principe d'une obligation de céder le bien endommagé, afin qu'il ne soit pas utilisé à des fins de location ou pour une autre activité économique. Les biens laissés vacants devront donc être remis gratuitement aux communes : libres à elles, ensuite, de décider de leur utilisation. Cette solution me paraît préférable à celle qui consiste à imposer aux sinistrés de rester chez eux, quitte à ce qu'ils soient à nouveau victimes d'inondations ou de fissures dans leur habitation deux ou trois ans après.

Une autre préconisation a trait à un sujet évoqué par le Premier ministre lors de son discours de politique générale devant le Sénat, à savoir le fait que certains territoires ne pourront plus être assurés. Nous n'avons pas réussi à caractériser un phénomène d'éviction massif dans le secteur de l'assurance : le bureau central de tarification (BCT) - en quelque sorte l'assureur en dernier ressort - nous a indiqué qu'il ne recevait au mieux que cinq dossiers par an d'assurés venant l'informer qu'ils s'étaient vu refuser la souscription d'un contrat ouvrant droit à la garantie CatNat. Précisons cependant que le requérant ne peut que difficilement apporter la preuve que ce refus est lié à l'importance du risque de catastrophes naturelles : en retenant une présomption de refus pour ce motif, la charge de la preuve incomberait à l'assureur, ce qui permettrait au BCT d'obliger les compagnies à présenter une proposition d'assurance à un tarif qui resterait raisonnable. J'insiste sur ce point : les assurés doivent pouvoir choisir une proposition économiquement soutenable, ce que permet justement le régime CatNat grâce à la mutualisation du risque.

La situation des DOM est, quant à elle, particulière, avec un taux de couverture assurantielle bien plus faible et une assurance multirisque habitation peu souscrite. Nous n'avons pas réussi à en déterminer les causes exactes, qui pourraient tenir à des niveaux de primes très élevés.

Le second volet des préconisations a trait à l'amélioration de la prévention, avec l'idée que toute action réduisant le risque dès à présent sera de nature à diminuer la sinistralité à l'avenir et donc à garantir la soutenabilité financière du régime CatNat. Persuadée qu'il convient d'inciter les personnes à mettre en place des politiques de prévention, j'estime qu'il ne faut pas « punir » de la même manière l'assuré qui s'est inscrit dans une démarche de prévention et celui qui n'a rien entrepris le jour où un sinistre survient. En pratique, la punition prend la forme de la franchise qui reste à charge : il conviendrait de moduler cette dernière en la diminuant pour les assurés ayant adopté des mesures de prévention. Cette logique existe d'ailleurs déjà pour les entreprises qui assurent plus de 300 mètres carrés, reste à l'appliquer aux particuliers.

Mieux prévenir, c'est aussi renforcer les règles de construction pour le RGA : si la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) a apporté des premiers éléments en prévoyant des études, celles-ci ne sont que de niveau G1, alors qu'un niveau G2 serait requis pour déterminer la nature des fondations à réaliser. De plus, ces études devraient être communiquées au moment de la vente du terrain, sous peine de voir des ménages acquérir un terrain et se voir signifier par le constructeur que des fondations à 6 mètres seront nécessaires, ce qui entraînerait des coûts bien plus élevés que des fondations à 1,5 mètre, soit le régime de base de la loi Élan. L'Espagne, dont la nature géologique est assez proche de celle de la France, impose, pour sa part, des fondations bien plus profondes et présente une sinistralité RGA bien plus faible. J'entends déjà l'objection selon laquelle il en résultera une augmentation des coûts de construction, mais je rappelle qu'une habitation est un bien durable et qu'il vaut mieux accepter de payer 5 000 euros supplémentaires lors de la construction pour éviter ensuite une sinistralité bien plus lourde.

S'agissant des autres risques, il me paraît aujourd'hui inconcevable de continuer à effectuer des rénovations globales dans des habitations qui ne sont pas résilientes au changement climatique. La rénovation d'une maison qui sera inondée demain ou qui se trouve en risque RGA fort a-t-elle du sens ? Non. Les rénovations globales devraient donc être couplées à des études de risques, ainsi qu'à la mise en place de mesures de prévention, afin de rendre les habitations résilientes aux aléas climatiques. Parallèlement, des travaux d'adaptation au changement climatique ne devraient pas être effectués sur des passoires thermiques : il faudrait donc s'assurer d'une complète porosité entre MaPrimeRénov' et une nouvelle prime pour la résilience, en tâchant de construire des habitations durables. Le financement de cet effort, en particulier pour les ménages les plus précaires, pourrait s'appuyer sur un prêt à taux zéro (PTZ), sans oublier le fait que les ressources destinées à financer la prévention des risques sont déjà collectées auprès de l'ensemble des assurés par le biais de la surprime.

Il est d'ailleurs impossible de passer sous silence la scandaleuse déconnexion entre les recettes de la taxe sur la surprime CatNat et le montant du fonds Barnier. Certes, ce dernier a opéré un saut quantitatif entre 2020 et 2021 en passant de 131,5 millions d'euros à 200 millions d'euros ; pour autant, ce montant reste significativement plus faible que les 273 millions d'euros collectés auprès des assurés en 2023, et sera en 2025, à la suite du relèvement du taux de surprime, bien plus modeste que les 450 millions d'euros qui devraient être collectés. En résumé, les particuliers et les entreprises verseront 450 millions d'euros au titre de la prévention des risques naturels alors que seulement 200 millions d'euros seront, bon an mal an, inscrits au budget.

Cette situation est anormale et pose problème, en termes d'acceptabilité, pour des sinistrés qui ne parviennent pas à être indemnisés ou pour des personnes qui ne peuvent pas financer les travaux d'adaptation. Il faudra donc s'assurer d'une transparence totale des montants collectés auprès des assurés, ainsi que des dépenses que consacre l'État à la prévention des risques naturels. Tous les flux ne doivent pas nécessairement transiter par le fonds Barnier - le fonds vert peut appuyer des actions de prévention -, mais, in fine, 450 millions d'euros devront être consacrés à la prévention des risques naturels majeurs.

Enfin, je préconise une extension du fonds Barnier au RGA et à la lutte contre le recul du trait de côte, qui en sont aujourd'hui totalement exclus, ainsi qu'un renforcement de l'utilisation de ce fonds par les particuliers.

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Merci de m'avoir convié. Ce rapport vient opportunément répondre à une lacune que nous avions eu l'occasion de souligner lors de l'examen de la loi Baudu, à savoir l'absence totale d'un volet financier. En complément d'un régime CatNat imaginé il y a quarante ans, ladite loi a eu le mérite de revenir sur les aspects organisationnels et de faciliter les démarches pour les maires - avec la création d'un référent départemental, par exemple - et pour les assurés.

Vos propositions me conviennent tout à fait. La démarche me semble similaire à celle qui a été adoptée lors de l'examen de la loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie : la mesure préconisée pour les franchises procède exactement du même mécanisme que celui qui a été mis en place pour les obligations légales de débroussaillage. Je prends en compte l'ensemble des recommandations, même si j'aurais sans doute accordé la priorité à la prévention, en l'abordant avant les problématiques assurantielles.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Si la commission des finances valide ce rapport, une proposition de loi sera déposée dans la foulée sur les aspects relevant de ses compétences. J'espère que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable se saisira de ce texte pour le compléter.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les propositions formulées permettront de répondre à une partie des demandes en associant en particulier le public et le privé, par le biais d'un financement auquel contribuent tous les assurés, c'est-à-dire une très grande majorité de Français. Je préfère cette solution à un énième renvoi à la responsabilité du seul État.

Par ailleurs, il ne faudra pas perdre de vue celles et ceux, communes ou particuliers, qui resteront à l'écart, du moins au début parce que leurs dossiers ne sont pas reconnus.

Le coût des travaux que devront entreprendre les particuliers sera très important. Plus globalement, il faudra examiner, au-delà du bâti neuf, les dossiers actuels, des corrections étant déjà apportées sur du bâti ancien, et pas uniquement sur des lotissements construits dans les années 1970.

Enfin, il est certain que les sommes utilisées pour le fonds Barnier doivent être mieux dépensées et surtout mieux connues. La formule de l'indexation me paraît être une bonne solution : d'ailleurs, si les réserves du fonds venaient à être trop importantes en raison d'une moindre sinistralité, nous pourrions décider, par une mesure adoptée dans le cadre du projet de loi de finances, de bloquer l'indexation. Je salue, à nouveau, ce travail colossal qui permet de mieux cerner d'énormes enjeux.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je m'interroge sur les modalités pratiques d'une diminution des franchises en cas d'adoption de mesures de prévention : si le cas du débroussaillage qui a été cité est simple à comprendre face au risque incendie, quelles pourraient être les mesures de prévention pour des catastrophes naturelles ? Comment apprécierait-on la nécessité d'adopter ou non ces mesures, afin d'éviter toute injustice ? Pourrait-il s'agir de diagnostics obligatoires des habitations ? L'idée de cette diminution semble séduisante, mais sa mise en oeuvre paraît complexe.

M. Didier Rambaud. - Je souligne la grande qualité pédagogique du rapport. Parmi vos recommandations, la treizième, qui conduirait à conditionner l'attribution de MaPrimRénov' à la réalisation de travaux de prévention des risques me conduit à m'interroger cependant, car il s'agit d'une contrainte supplémentaire alors que nous nous plaignons régulièrement de l'empilement des normes. Il sera difficile, en particulier, d'expliquer aux agriculteurs qu'ils ne pourront pas bénéficier de MaPrimeRénov' pour ce motif.

Mme Ghislaine Senée. - Je ne partage pas toutes les propositions concernant la prise en charge du phénomène du RGA mais nous aurons l'occasion d'en reparler prochainement.

Par ailleurs, ce rapport permet sans doute d'exercer une forme de pression alors que le ministre de la transition écologique s'apprête à présenter le plan national d'adaptation au réchauffement climatique (Pnacc) : peut-être serait-il possible d'y intégrer un certain nombre de propositions.

Je partage l'attention portée à la prévention et souligne qu'il existe là une réelle opportunité pour accélérer la transition énergétique du bâti, qu'il soit neuf ou surtout ancien. Le RGA, qui affecte un grand nombre d'habitations, constitue aussi un levier pour le secteur du bâtiment, actuellement en proie à des difficultés économiques : la rénovation pourrait donc avoir des effets vertueux pour la croissance et pour l'emploi.

De manière générale, la solidarité nationale reste un enjeu prioritaire. Certains sinistrés vivent dans des passoires thermiques et sont dépourvus des moyens de lancer des procédures face aux refus des experts de les indemniser au titre du RGA. Ils sont parfois obligés de tout abandonner et vivent dans des conditions fortement dégradées. D'autres assument le coût des travaux, mais peuvent avoir à débourser 150 000 euros au bas mot, simplement pour rendre leur maison à nouveau habitable et vendable. Il est urgent d'apporter une réponse à ces cas, de plus en plus nombreux et préoccupants.

M. Thierry Cozic. - Je salue la qualité de ce travail, qui dépoussière un sujet complexe. Le renforcement des règles de construction dans les zones exposées au RGA me semble tout à fait pertinent. En revanche, à l'instar de mon collègue Didier Rambaud, je suis très réservé sur le conditionnement de l'attribution de MaPrimeRénov' à la réalisation de travaux de prévention des risques, tout comme sur la perspective de créer un PTZ visant à aider au financement des dépenses de prévention des particuliers.

À titre de retour d'expérience, je rappelle que les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) pouvaient donner lieu à un accompagnement allant jusqu'à 90 % du montant des travaux. Cependant, pour en avoir mis un en oeuvre, je souligne les difficultés pour les ménages à faibles revenus d'assumer ne serait-ce que 10 % de ces coûts, même avec des mesures d'étalement des paiements. Je tiens à vous alerter sur un point, le principe du PTZ est intéressant, mais la mise en pratique s'avère bien plus complexe.

M. Laurent Somon. - Les phénomènes s'amplifient et méritent qu'on s'y attarde. J'aurais la même remarque sur la treizième recommandation, en y ajoutant une interrogation : en raison des pluies diluviennes et des éboulements qui les affectent régulièrement, toutes les zones montagneuses seront-elles considérées comme des zones à risques et donc pénalisées par une absence de soutien à la rénovation ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Je rappelle que MaPrimRénov' est financée par de l'argent public : jugez-vous opportun de l'investir pour changer les huisseries d'une habitation qui sera inondée ou fissurée, alors qu'une mutualisation des coûts permettrait d'engager des rénovations plus globales ? Tel est le sens de cette treizième recommandation. Les particularités des zones montagneuses devront bien sûr être prises en compte, en intégrant le risque de coulée de boue, peu fréquent, mais potentiellement très destructeur.

J'y insiste, est-il logique de procéder à la rénovation thermique d'une maison qui se trouve dans une zone qui sera exposée au risque de submersion marine à un horizon de trente ans ? Tel ne me semble pas être le rôle de la puissance publique.

S'agissant du plan d'adaptation du ministère de la transition écologique, nous pourrons sans doute être une source d'inspiration : les différentes auditions que nous avons menées nous ont montré que ce plan est loin d'être prêt, alors que nous ne pouvons pas continuer à attendre. Il importe d'agir plus rapidement, d'autant que le deuxième volet de la loi Baudu, consacré au financement et à la soutenabilité du régime, n'est jamais arrivé en dépit des promesses.

Pour ce qui est de la modulation de la franchise, j'observe qu'un certain nombre de compagnies d'assurances proposent la réalisation gratuite de diagnostics afin de réduire la vulnérabilité des assurés. En outre, un outil public, la plateforme Géorisques, a récemment été déployé et permet d'identifier les aléas naturels ainsi que les risques existant dans une zone donnée, en renseignant simplement son adresse. En fonction des informations fournies par cet outil, l'assuré pourra adopter des mesures de prévention adaptées. Ces dernières ne sont pas nécessairement coûteuses : il peut s'agir de couper des arbres à fort système racinaire situés à proximité d'une habitation, car ils accentuent le phénomène de RGA, ou encore d'installer des batardeaux en zone inondable. Ces mesures de prévention peuvent être mises en oeuvre et réduiront le coût de la sinistralité le jour où l'événement se matérialisera.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

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