D. UNE CRISE ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE INSTALLÉE POUR DURER

La crise est aujourd'hui multisegment. Elle touche l'accession neuve, les transactions dans l'ancien et la production des institutionnels (LLS tout particulièrement) ainsi que l'offre locative de longue durée.

L'immobilier est un secteur de long terme, les projets mettent plusieurs années à se concrétiser. Il faut comprendre que la crise de la demande entretient et accentue la crise de l'offre neuve. En effet, en France, la promotion neuve ne souffre pas de surproduction. Elle ne produit que ce qu'elle a vendu et financé auprès des banques. Dès lors, les programmes qui ne sont pas vendus et les permis qui ne sont pas demandés aujourd'hui sont autant de constructions qui ne se feront pas dans les prochaines années et qui empêchent les promoteurs de reconstituer leurs fonds propres. 150 000 à 300 000 pertes d'emplois directs et indirects sont à craindre7(*). Les pertes de recettes fiscales et sociales vont être importantes. Le Gouvernement a méconnu l'effet de levier des dépenses en matière de logement. On évoque 3,8 milliards d'euros de pertes de droits de mutation et 4 milliards de moindre rentrée de TVA. À cet égard, il doit être rappelé que les recettes fiscales sur le logement, qui sont estimées selon l'INSEE et la Cour des comptes entre 92 et 97 milliards d'euros, sont plus deux fois plus élevées que les aides consenties, évaluées à 41,5 milliards d'euros en 2022.

« Si rien n'est fait rapidement, cette crise profonde va s'installer dans la durée
avec de graves conséquences. »

Cette crise économique du logement a une dimension politique forte puisque le blocage du parcours résidentiel se traduit par une « assignation à résidence » ou un sentiment de déclassement faute de pouvoir accéder à la propriété comme les générations précédentes, ce qui est particulièrement marquant pour les classes moyennes. Cette situation est vécue comme une injustice d'autant plus grande que se développent les résidences secondaires et les meublés de tourisme dans certaines zones tendues. Beaucoup de nos concitoyens se voient privés du droit de choisir le lieu où ancrer leur vie et leur famille.

Car, fondamentalement, la crise du logement vient entraver des projets de vie. Comment étudier ou changer d'emploi sans pouvoir se loger ou dans des conditions telles que cette évolution qui devrait être un progrès devient une charge ? Il n'y a pas de plein emploi ou de réindustrialisation sans logement. Comment agrandir sa famille sans pouvoir loger un enfant en plus ? Trop peu ont souligné le lien entre la chute de la démographie et la crise du logement.

L'ensemble de ces situations met à mal le pacte social et menace la solidarité et la cohésion nationale. Des élus ont souligné la résurgence de manifestations identitaires ou régionalistes. Les polémiques autour de l'accès et du maintien dans le logement social en sont un autre signal. Alors que dans un parcours résidentiel fluide, le logement social était pour beaucoup un passage à un moment de la vie, il est désormais perçu ou présenté soit comme une relégation soit comme un avantage indu.

Cette crise est profonde. Même si les taux d'intérêt baissent conduisant à une certaine relance de l'immobilier, la crise du logement demeurera. Si rien ne change, elle devrait s'installer dans la durée et prendre un caractère politique toujours plus marqué car elle provoque de la frustration et du ressentiment.


* 7 Le secteur retient habituellement un ratio de 1 logement neuf = 1,5 emploi.

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