D. LES EXPERTS À BERCY

En avance sur les autres administrations, la DGFiP développe aussi ses propres chatbots d'IA générative, adaptés à ses besoins métier. Deux projets sont actuellement en développement :

TNMJ - Transformation numérique du métier juridique : outil de recherche juridique intelligente dans les bases documentaires (rescrits, etc.), avec génération de réponse automatique, destiné à tout agent de la DGFiP ;

E-contact : rédaction automatique de réponses à des demandes simples des contribuables. Le bureau SRP (Stratégie relations aux publics) reçoit 12 millions de questions par an, qui correspondent la plupart du temps à de simples demandes d'informations. Aujourd'hui, les agents recherchent manuellement la réponse.

Ces deux projets s'appuient sur la technique de « retrieval-augmented generation » (RAG, « génération augmentée de récupération »), qui combine les capacités d'un grand modèle de langage (le traitement du langage et la génération de contenu) avec celles d'un « système expert », outil de récupération d'informations comparable à un moteur de recherche, mais spécialisé dans un domaine spécifique ou un type de données en particulier.

Le grand avantage de la RAG est de pouvoir apporter à l'utilisateur des réponses précises, à jour et personnalisées, sans pour autant devoir réentraîner le modèle (fine-tuning), une tâche à la fois longue, complexe et surtout très coûteuse du fait de la puissance de calcul nécessaire. Les deux approches ne sont toutefois pas exclusives, et le fine-tuning, s'il est plus coûteux à entraîner et davantage sujet aux « hallucinations », fournit généralement des réponses plus rapides, puisqu'il a « intégré » les données pertinentes.

Ici, la recherche se ferait typiquement dans le corpus juridique propre à la matière fiscale : textes législatifs et réglementaires (code général des impôts, livre des procédures fiscales, etc.), doctrine (BOFiP, rescrits, etc.), jurisprudence, bases documentaires, instructions et autres documents de référence.

Un outil destiné aux agents pourrait, bien sûr, accéder à la documentation interne.

Il reste que tous ces outils - Albert et les systèmes experts - ont en commun de faciliter l'accès à de l'information générale (loi, doctrine, etc.), certes dans un domaine spécialisé, mais pas à de l'information individuelle, c'est-à-dire aux données des usagers (contribuables et assujettis, employeurs et allocataires, importateurs et logisticiens, etc.). En ce sens, ils se limitent à l'ajout d'une couche superficielle d'IA générative dans les outils « métier » de l'administration, et il n'est pas envisagé d'aller au-delà à ce jour.

Or, valoriser des informations générales et publiquement disponibles, le secteur privé peut aussi le faire - et il a d'ailleurs largement commencé.

De nombreux « TaxGPT » promettent déjà aux contribuables de les aider à remplir leur déclaration et à optimiser leur impôt en exploitant les niches fiscales.

Des entreprises comme eClear ou Digicust veulent « révolutionner le dédouanement » grâce à l'IA, en automatisant la classification des marchandises dans le «Système harmonisé » (SH, la nomenclature douanière), en calculant les droits et en anticipant les risques de conformité.

En matière d'aides sociales, les chatbots d'IA proposant d'aider les demandeurs à s'y retrouver dans les procédures et subtilités administratives sont encore rares - sans doute parce que le « public cible » ne promet pas la même rentabilité... Il est toutefois probable qu'une offre émerge, ou qu'il suffise tout simplement d'utiliser la prochaine version de ChatGPT.

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