N° 306

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 31 janvier 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux entreprises (1) relatif aux entreprises face à la pénurie de foncier économique,

Par MM. Christian KLINGER et Michel MASSET,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : M. Olivier Rietmann, président ; M. Pierre Cuypers, Mme Laurence Garnier, MM. Christian Klinger, Michel Canévet, Patrick Chauvet, Mme Marion Canalès, MM. Simon Uzenat, Martin Lévrier, Ian Brossat, Michel Masset, Guillaume Gontard, Emmanuel Capus, vice-présidents ; M. Michel Bonnus, Mmes Else Joseph, Brigitte Devésa, M. Jérôme Darras, secrétaires ; MM. Yves Bleunven, Denis Bouad, Jean-Luc Brault, Alain Cadec, Mmes Catherine Conconne, Nathalie Delattre, MM. Gilbert Favreau, Stéphane Fouassin, Fabien Gay, Mme Antoinette Guhl, M. Olivier Jacquin, Mme Lauriane Josende, MM. Daniel Laurent, Pierre-Antoine Levi, Mme Pauline Martin, MM. Franck Menonville, Serge Mérillou, Damien Michallet, Mme Anne-Marie Nédélec, MM. Cyril Pellevat, Clément Pernot, Sebastien Pla, Mme Anne-Sophie Romagny, M. Dominique Théophile, Mme Sylvie Valente Le Hir.

L'ESSENTIEL

v La raréfaction du foncier à vocation économique est réelle : plusieurs territoires se trouvent déjà en situation de quasi-pénurie. Cette dynamique va, avec certitude, s'accentuer sous l'effet des objectifs de « zéro artificialisation nette » et de la hausse des prix du foncier.

v Il s'agit déjà d'une menace tangible pour le développement de dizaines d'entreprises, PME et ETI, implantées de longue date au coeur des territoires. Les exemples de « déménagements contraints » d'entreprises ou d'abandons de projets se multiplient. Pourtant, la prise de conscience n'est pas encore là.

v En effet, la réaction de l'Etat se limite à des actions en faveur des « grands projets » de gigafactories, de l'« industrie verte » ou d'investissement étranger en France. Elle néglige les TPE, PME et ETI qui constituent la majeure partie du tissu économique français. Celles-ci ne bénéficient pas des mêmes facilités, des mêmes moyens ni du même accompagnement.

v Alors que l'écosystème administratif national et local s'est complexifié, les entreprises n'ont pas de vision claire du partage des rôles entre différents services et opérateurs.

v L'État a nettement réduit, au cours des années écoulées, les effectifs de l'administration déconcentrée chargée d'accompagner et d'instruire les projets. C'est l'un des principaux facteurs de blocage et de délais additionnels, en dépit des efforts de simplification des textes. Les règles sont appliquées différemment, voire inégalement, selon les territoires.

v Les entreprises restent aussi insuffisamment associées à la planification locale, et leurs besoins sont insuffisamment anticipés, alors que les documents d'urbanisme, de plus en plus rigides et complexes, sont source d'une forte inertie.

v En conséquence, le temps administratif ne correspond plus au temps économique. La durée cumulée des procédures d'autorisation d'un projet et des recours n'est souvent plus compatible avec les contraintes de la compétition économique mondiale à laquelle font face les entreprises.

(Exemple recueilli lors des auditions)

v Les grands objectifs de réindustrialisation, de transition environnementale et énergétique de l'industrie, de plein emploi, ne se traduisent pas par une meilleure acceptabilité des projets de création de sites d'activité. Environnement et entreprises sont, à tort, trop souvent opposés, alors que ces dernières joueront un rôle incontournable dans les grandes transitions.

v La complexité du droit accroît le risque juridique qui pèse sur les projets, et joue un rôle extrêmement désincitatif. Rares sont aujourd'hui les projets qui ne sont pas attaqués en justice à toutes les étapes de leur réalisation, ce qui peut les retarder de plusieurs années. En particulier, les études d'impact relatives à la biodiversité sont perçues comme source d'une grande insécurité.

v L'action publique pour protéger et développer le foncier économique est insuffisante, alors même qu'il fait l'objet d'un effet d'éviction documenté. En outre, la réhabilitation des friches ne sera pas, seule, à la hauteur des enjeux, et la rénovation des zones d'activités n'en est encore qu'à ses débuts. Ces dynamiques conduisent à un « grignotage » du foncier économique existant en France au profit d'autres usages.

v La forte contrainte posée par les objectifs de « zéro artificialisation nette » doit aller de pair avec une amélioration des dispositifs de compensation et de mutualisation de l'impact des projets, notamment la compensation environnementale, dont les critères sont aujourd'hui extrêmement rigides, et les possibilités de mutualisation des impacts au titre du « ZAN ».

v L'évolution vers des modes d'aménagement économique plus durables impliquera des efforts de densification de la part des entreprises, mais suppose aussi de lever les freins réglementaires contre-productifs et d'accentuer l'accompagnement.

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