EXAMEN EN DÉLÉGATION

La séance est ouverte à 9 heures 03.

Lors de sa réunion du jeudi 9 novembre 2023, la délégation aux collectivités territoriales a adopté à l'unanimité le présent rapport.

Madame Françoise GATEL, présidente. - Mes chers collègues, c'est un grand plaisir d'être réunis ce matin pour écouter nos trois éminents collègues. Laurent Burgoa, Pascal Martin et Guy Benarroche ont collaboré depuis un certain temps déjà dans le cadre d'un partenariat remarquable, avec les stagiaires de l'INET, sur un rapport crucial concernant l'engagement des collectivités locales dans la transition environnementale. Ce projet a considérablement mobilisé notre attention.

Je voudrais revenir sur le partenariat avec l'INET, l'institut de formation des collaborateurs des collectivités territoriales. Il revêt une importance capitale, car nous aspirons profondément à ce que le Sénat collabore étroitement avec des élèves - fonctionnaires et ceux qui, à un moment donné, seront au coeur de nos préoccupations, à savoir les territoires. Il est essentiel d'offrir à ces élèves la possibilité de comprendre le fonctionnement du travail parlementaire et de travailler en étroite collaboration avec les sénateurs.

Nous avons donc reçu quatre jeunes hauts fonctionnaires que je suis ravie de saluer et de remercier une nouvelle fois. Leur travail approfondi a grandement soutenu nos collègues, car ils ont effectué des visites dans 36 territoires répartis sur 22 départements. La qualité de ce rapport est également due à la diversité des collectivités et des territoires étudiés, qui se distinguent par leur taille et leur identité. Des élus, des experts, des fonctionnaires et d'autres acteurs ont participé activement à ces travaux sur le terrain.

Lors de la session plénière de restitution des travaux des étudiants, nous avons eu une séquence interactive de belle ampleur, où ces étudiants ont animé trois tables rondes croisant les témoignages d'élus locaux et des acteurs territoriaux. Ce partenariat a été très enrichissant et je souhaite vivement que nous puissions le poursuivre.

Nous sommes conscients que la transition environnementale est un défi majeur. Nous connaissons la diversité et l'ingéniosité de nos territoires et de nos collectivités, leur capacité à agir, parfois sans attendre des lois avec des normes strictes, mais en sachant créer et innover, tel Monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir. Je cède la parole à nos collègues rapporteurs.

Pascal MARTIN, rapporteur. - Chers collègues, les impacts du dérèglement climatique se manifestent de manière indéniable et généralisée dans nos territoires : inondations, érosion côtière, incendies, vagues de chaleur, rareté de l'eau, répercussions sur les cultures, sécurité alimentaire, déclin de la biodiversité, entre autres. Les élus locaux, particulièrement ces derniers jours lors des événements en Bretagne, en Normandie et dans les Hauts-de-France, sont en première ligne pour faire face à ces problématiques et trouver des solutions. Leur action vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à s'adapter aux réalités climatiques actuelles et futures.

Cette approche double, combinant atténuation et adaptation, engendre des coûts incontournables pour l'action. Les élus soulignent les défis liés à la collecte des données et à la multitude d'outils de diagnostic, des points que nous examinerons ultérieurement.

Agir est essentiel, mais la question demeure : comment procéder ? Comment identifier les vulnérabilités nécessitant une intervention prioritaire ? Comment initier, promouvoir ou accélérer des projets en faveur de l'environnement ? Comment concilier les urgences du quotidien et les attentes sociales avec des enjeux à long terme ? Comment structurer et mobiliser son administration pour intégrer ces objectifs dans les pratiques ? Comment trouver des relais et des soutiens locaux pour mobiliser d'autres acteurs vers une dynamique positive ?

Nous avons cherché à éclaircir ces questions en donnant la parole à une variété d'élus locaux, quelle que soit leur orientation politique. Nous avons mené plus de trente auditions d'élus, interrogé près de 150 personnes et reçu 40 contributions écrites.

Notre objectif principal était de concevoir un rapport pragmatique, tel une boîte à outils offrant des exemples, des bonnes pratiques et des solutions concrètes. Chaque sujet est étayé par des réponses pratiques, des exemples stimulants et des ressources réutilisables. Le résumé du rapport est structuré pour permettre un accès direct, avec des icônes pour faciliter la recherche de réponses.

Notre rapport émet 24 recommandations clés pour réussir cette transition. Les élus ont transmis plusieurs messages forts que Laurent Burgoa présentera dans un instant.

Laurent BURGOA, rapporteur. - Le premier point crucial réside dans la nécessité de former et de sensibiliser l'ensemble des acteurs impliqués dans une politique de transition environnementale, qu'il s'agisse des élus, des collaborateurs d'élus, des agents publics, des préfets et sous-préfets, des fonctionnaires des services déconcentrés ou des partenaires des collectivités.

Une fois la sensibilisation effectuée, il est impératif de s'engager dans des formations plus approfondies, même si celles-ci requièrent du temps, car elles offrent des leviers essentiels pour passer à l'action. La formation entre pairs doit être privilégiée. L'approche de formation des acteurs locaux pour la transition doit favoriser la collaboration territoriale et la suppression des frontières, en visant une approche décentralisée, collective et inclusive.

Il est essentiel d'inciter tous les élus, cabinets et agents publics à se former sur ces sujets et à investir dans des réseaux spécialisés, répertoriés dans le rapport. Plus spécifiquement, nous recommandons l'ajout d'une condition à l'octroi de l'agrément des organismes formateurs d'élus locaux : l'intégration systématique des enjeux de transition environnementale et de résilience territoriale dans toute formation dispensée.

Les élus ont également la responsabilité de stimuler les habitants et les acteurs locaux pour qu'ils acquièrent des compétences sur ces enjeux primordiaux. Le rapport présente une variété de dispositifs de sensibilisation et d'éducation populaire. Nous soulignons l'importance d'éduquer et de former la prochaine génération afin qu'elle comprenne les enjeux environnementaux à venir et les transformations qu'ils entraînent.

Nous formulons plusieurs recommandations pour renforcer l'éducation et la formation aux enjeux environnementaux dans l'enseignement primaire, secondaire, technique, supérieur et périscolaire. Les liens avec la communauté scientifique sont d'une importance capitale sur ces deux sujets, et le rapport présente différentes méthodes de collaboration ainsi que des exemples inspirants.

Guy BENARROCHE, rapporteur. - Il est indéniable que la formation est une étape essentielle, mais les élus locaux nous ont également souligné que ce n'était pas suffisant. Il est impératif de développer la capacité d'action en s'appuyant sur une connaissance approfondie de ces enjeux, tel est le deuxième message des élus locaux.

Acquérir une compréhension approfondie des problématiques à l'échelle de son territoire, approfondir les sujets, renforcer les diagnostics, représente la voie à suivre. Plutôt que de proposer directement des solutions qui pourraient être inadéquates ou insatisfaisantes, il est crucial d'établir un diagnostic solide, et le rapport illustre ce que constitue un tel diagnostic à travers de nombreux exemples de collectivités ayant réalisé un travail remarquable. Ces éléments offrent aux élus de véritables guides pour l'action.

Nous formulons plusieurs recommandations concrètes pour renforcer la capacité d'agir. Parmi celles-ci, nous préconisons que l'État et ses organismes mettent gratuitement à disposition des élus locaux un ensemble de données territorialisées relatives aux enjeux environnementaux (climat, biodiversité, etc.) au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Nous adressons également une recommandation, afin qu'il continue à recenser les compétences nécessaires au sein des collectivités et de leurs regroupements pour réussir la transition environnementale. À partir des diagnostics effectués et des outils fournis, il est ensuite primordial de documenter les mesures qui seront mises en place dans chaque collectivité pour mener à bien cette transition.

Pascal MARTIN rapporteur. - Le troisième message met en lumière le pragmatisme des élus locaux. Bien que certaines collectivités soient très avancées et adoptent une réflexion globale, qualifiée de systémique, tous les élus le soulignent unanimement : la transition environnementale doit être abordée progressivement pour convaincre et surmonter les doutes ou les réticences.

Les élus locaux opèrent par projets. Face à un enjeu mondial potentiellement déstabilisant, la transition environnementale doit se concrétiser à travers des projets ciblés avant de devenir une action intégrée plus large.

Il est donc primordial de viser des projets concrets : des initiatives générant des économies, améliorant le cadre de vie et bénéficiant à la population. Les projets à forte dimension transversale tels que ceux concernant les paysages, l'alimentation, la distribution d'arbustes fruitiers, la gratuité des transports en commun, le soutien à l'achat de vélos, la mise à disposition de composteurs, etc., représentent également des moyens de traiter les enjeux environnementaux de manière complète. Les élus recommandent également de s'engager dans des projets entraînant les acteurs locaux et favorisant la création de confiance, de coopération et d'alliances.

Cependant, un maire met en garde : « Si nous avions abordé de front les questions de biodiversité ou d'environnement de manière rigide, il aurait été difficile d'engager les autres élus et les acteurs. »

Pour progresser dans cette démarche graduelle, nous recommandons notamment aux collectivités de s'intéresser au programme de l'ADEME « Territoires engagés pour la transition écologique » (TETE). Ce programme accompagne déjà 400 collectivités, touchant 50 % de la population nationale, et peut contribuer à structurer une démarche de transition. Il existe un programme similaire axé sur la biodiversité, nommé « Territoires engagés pour la nature » de l'Office Français pour la Biodiversité (OFB).

Enfin, nous encourageons les collectivités à réaliser un bilan à mi-mandat pour réviser les programmes d'investissement pluriannuels à la lumière des enjeux environnementaux et à évaluer l'empreinte carbone de leurs projets.

Laurent BURGOA, rapporteur. - Le quatrième message émanant des élus concerne la méthode de travail. À cet égard, les élus mettent en avant trois axes à suivre.

Tout d'abord, pour initier, maintenir et réussir une politique de transition environnementale, il est impératif de savoir la narrer. Il est nécessaire d'expliquer les enjeux et les perspectives, de contrebalancer les discours catastrophistes ou fatalistes par des discours qui inspirent l'espoir et l'envie d'agir. La capacité à raconter une histoire est fondamentale.

De plus, la coopération représente l'une des conditions essentielles à la réussite d'une politique de transition.

Enfin, il est crucial de rechercher l'engagement citoyen. Madame la Présidente, je sais que ce sujet vous est cher, celui de la démocratie implicative, en référence au rapport de la délégation que vous aviez élaboré avec notre ancien collègue Jean-Michel Houllegatte. Pour des problématiques impactant la vie des citoyens, l'implication citoyenne est incontournable. Le rapport présente de nombreux exemples à ce sujet.

Guy BENNAROCHE, rapporteur. - Le récit représente effectivement un élément crucial, voire pivot, car il suscite cette implication citoyenne sans laquelle aucune transition environnementale ne peut se concrétiser.

Le rapport aborde également trois messages clés des élus qui sont plus revendicatifs. Tout d'abord, les élus interpellent l'État. Ils exigent un changement de méthode. Ils attendent un « État stratège » qui établisse les grandes lignes d'objectifs et qui privilégie, pour y parvenir, une contractualisation locale plutôt que d'imposer une solution uniforme et générale, inadaptée par définition au niveau local. Ils réclament de la cohérence dans l'action des services de l'État et de ses agences, ainsi qu'une décentralisation de l'État au niveau local.

Nous suggérons que l'État déconcentré élabore une feuille de route de la transition environnementale pour ses services et opérateurs, afin de gagner en cohérence et en lisibilité.

L'évolution du financement de la transition est également souhaitée : il est nécessaire d'abandonner les appels à projets au profit d'un cadre contractuel global pluriannuel, souple et pratique, centré sur des objectifs clairs, différenciés et réalistes, avec une évaluation simple, mais solide. C'est à partir des actions engagées dans les communes que l'État pourra atteindre ses objectifs stratégiques. Nous recommandons ainsi que l'État fasse des Contrats de relance et de transition écologique (CRTE) le support d'une programmation pluriannuelle des financements.

Pascal MARTIN, rapporteur. - Notre deuxième demande porte sur l'évolution des procédures budgétaires et comptables. Les obstacles pour réaliser les investissements nécessaires à la transition environnementale ne sont pas uniquement financiers. Même si l'on rappelle que pour parvenir à la neutralité carbone, la France devra investir 66 milliards d'euros supplémentaires par an d'ici 2030, dont 12 milliards pour les collectivités.

Nos règles budgétaires et comptables entravent la transition. La rigidité dans la séparation budgétaire entre les sections de fonctionnement et d'investissement, les questions liées à la dette verte, la fiscalité locale rarement incitative, ainsi que les effets contre-productifs du fonds de compensation de la TVA, avec à titre d'exemple, l'enlèvement des dépenses de plantation d'arbres ou de débitumisation de son assiette.

Nous recommandons d'initier une réflexion pour proposer des évolutions des règles budgétaires et comptables afin de les rendre plus favorables à la transition environnementale.

Nous préconisons également de pérenniser le fonds vert, d'en augmenter le montant et de renforcer la grille d'évaluation des projets ex-ante.

Laurent BURGOA, rapporteur. - La troisième et dernière revendication des collectivités ne surprendra personne : les élus soulignent la faiblesse et les lacunes de l'ingénierie publique, alors que les enjeux de cette transition sont colossaux.

Ce besoin en ingénierie se manifeste de plusieurs façons. Tout d'abord, la nécessité d'une ingénierie de premier conseil remplissant les fonctions d'accueil, conseil et orientation. Nous recommandons à l'État de concevoir un référentiel/guide de l'accompagnement des transitions environnementales destiné à ses services déconcentrés, en particulier à ses sous-préfets, premiers interlocuteurs des collectivités.

Ensuite, le besoin d'une ingénierie d'animation territoriale pour sensibiliser, coopérer, établir des alliances et mobiliser.

Par ailleurs, il est nécessaire d'avoir une ingénierie du transfert et de l'essaimage. Les communes rurales sont des acteurs essentiels de la transition environnementale, et même si elles accomplissent des avancées remarquables, il est crucial de passer d'une logique de « pionniers » à une diffusion massive de ces initiatives. L'État, ses opérateurs et les associations nationales d'élus doivent encourager la mise en place d'une ingénierie favorisant la diffusion, le transfert et l'essaimage de ces initiatives.

Enfin, il est essentiel de passer d'une approche cloisonnée à une approche plus globale et à des solutions plus systémiques.

Guy BENARROCHE, rapporteur. - Enfin, la mission s'est penchée sur la territorialisation de la planification écologique, devenue une priorité nationale sous la responsabilité de la Première ministre, Élisabeth Borne, avec la création d'un secrétariat général à la planification écologique qui lui est rattaché.

Nous soulignons que les élus locaux doivent être impliqués dans cette territorialisation pour poursuivre les objectifs suivants. Il s'agit d'harmoniser les méthodes et les outils fondant les stratégies de décarbonation, permettant ainsi un dialogue plus opérationnel entre les niveaux national et local ainsi qu'entre les différents documents locaux. Deuxième objectif : instaurer des cadres de gouvernance, notamment au niveau régional, pour assurer la convergence des stratégies et l'atteinte des objectifs. Le troisième objectif vise à expérimenter une contractualisation autour du plan d'action de décarbonation de quelques collectivités. Il conviendrait ensuite progressivement d'afficher, de manière indicative, des objectifs territorialisés, notamment via les CRTE. Enfin, le dernier objectif vise à mettre en place un débat annuel sur la trajectoire locale, en corrélation avec la trajectoire théorique du territoire et en lien avec les objectifs nationaux.

Nous espérons que ce rapport intéressera de nombreux élus. Je remercie mes collègues Laurent Burgoa et Pascal Martin ainsi que Mayeul Placès, élément indispensable sans lequel ce travail n'aurait pas pu être mené à bien.

Françoise GATEL, Présidente. - Je vous remercie sincèrement, chers collègues, pour l'engagement profond que vous avez démontré dans votre travail, votre capacité à embrasser la diversité de nos territoires, et à mettre en lumière leur engagement ainsi que les moyens de les rendre plus efficaces. Vous avez souligné certaines contradictions qui nous concernent en tant que parlementaires. Parfois, nous sommes enclins à déterminer ce qui est bénéfique pour la planète et à imposer des directives aux élus locaux. Or, comme vous l'avez souligné, la réalité de la mise en place de la transition écologique dépend en grande partie des acteurs locaux qu'il faut accompagner dans cette démarche. Je suis ravie de constater la cohérence entre tous les rapports de la délégation, mettant en avant, chacun à votre manière, l'importance cruciale d'une implication forte et d'un partenariat solide avec l'État déconcentré.

Vous aurez l'opportunité de présenter et de remettre ce rapport au ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu la semaine prochaine. Je souhaiterais suggérer, avec votre accord, que nous fassions une présentation de ce rapport à l'Association des maires de France (AMF), ainsi qu'à l'ensemble de nos collègues, afin de lancer une démarche visant à diffuser ces idées. Il est crucial de susciter l'intérêt, d'impliquer tout le monde et de fournir des formations. Je suis convaincue que nos collègues sénateurs accueilleront favorablement ce guide méthodologique, en vue de sa diffusion voire sa présentation aux élus locaux.

De nombreux élus locaux expriment leur ras-le-bol face à un discours moralisateur et à certaines incohérences, notamment en ce qui concerne le budget vert. Des discussions sont en cours entre l'AMF et Bercy pour faciliter la mise en place plus cohérente de cet outil, permettant ainsi aux collectivités d'informer leurs concitoyens sur les actions menées. Le manque d'investissements ciblés sur la transition écologique pourrait laisser croire que rien n'est entrepris. Pourtant, la transition écologique englobe tous les aspects de notre vie : l'alimentation, les déplacements, et bien d'autres domaines.

Il est probable que votre démarche doive être enrichie par un échange approfondi sur les budgets verts.

Je suis très heureuse de ce que vous dites au moment de l'examen du projet de loi de finances (PLF). Vous ne pouvez pas demander aux collectivités d'engager des dépenses écologiques si on ne se met pas en cohérence.

Il est évident qu'il y a des axes à améliorer à ce niveau précis. Je tiens à souligner que le ministre délégué chargé des comptes publics, Thomas Cazenave, se montre extrêmement favorable aux budgets verts. Un autre aspect crucial réside dans le soutien à apporter à la prise de décision des élus locaux et à l'implication des services déconcentrés de l'État. L'apport de données territorialisées est également d'une importance capitale, car pour agir efficacement, il est nécessaire de bien comprendre les enjeux spécifiques à chaque territoire.

Il est à noter que vous avez également repris l'importance de la souplesse, de l'adaptabilité et de l'évaluation. Comme cela a été exprimé précédemment avec notre Premier Vice-Président Rémy Pointereau dans le rapport sur la « Simplification des normes imposées aux collectivités territoriales : des paroles aux actes », des évaluations plus substantielles seraient avantageuses pour des dépenses plus avisées et leur partage avec l'ensemble des élus.

Enfin, il est essentiel de susciter l'enthousiasme et l'engagement pour la transition écologique. Cela ne doit en aucun cas être perçu comme une punition ou une tâche fastidieuse, mais bien comme l'affaire de tous, notre avenir commun. Il existe des réussites remarquables à accomplir dans cette voie, même si le chemin est ardu. Cependant, sans une détermination soutenue et un accompagnement adéquat, cela s'avère difficile à réaliser. Ce rapport est un travail majeur de la délégation.

Je tiens à exprimer mes remerciements à chacun d'entre vous. Je voudrais également adresser un remerciement particulier à Guy Benarroche, dont le départ de la délégation a été annoncé. Il a été un camarade exemplaire. J'ai eu l'opportunité de travailler avec lui lors de missions sur les métropoles de Lyon et de Marseille. Guy est animé de convictions profondes qu'il défend avec détermination, intelligence et un grand respect envers tous, sans porter de jugements catégoriques. Je tiens sincèrement à le remercier pour son excellent travail. Son regard sur la transition écologique est inspirant et parvient à retranscrire avec pertinence les enjeux de cette transformation. Cela mérite indubitablement d'être salué.

Céline BRULIN. - Votre rapport met en avant l'intérêt de privilégier les processus. En France, nous avons beaucoup tendance à adopter des dates couperets sans réellement travailler sur les transitions. Les appels à projets vont à l'encontre de cette logique. Par ailleurs, tout le monde n'a pas un accès uniforme à certains dispositifs permettant d'y répondre.

Votre rapport semble légèrement décalé par rapport aux annonces et au vote à l'Assemblée nationale concernant les budgets verts. Un amendement a été adopté, mais je n'ai pas compris s'il ouvrait simplement la possibilité ou imposait à terme l'utilisation de cet outil. Il me semble que cela concerne les communes de plus de 3 500 habitants. Considérez-vous cette catégorie de collectivité et ces budgets verts comme pertinents ? Le budget vert est-il réellement un outil ? Que faudrait-il faire pour que cela soit le cas ?

J'aimerais faire une analogie, peut-être un peu audacieuse, mais je pense que vous comprendrez, avec les agendas du développement durable qui étaient élaborés dans les collectivités par le passé. Nous les réalisions simplement parce que c'était une obligation. Parfois, nous ajoutions un peu de tout à l'intérieur pour simplement dire que nous avions rempli le document. Il y avait certainement des éléments intéressants, mais je doute que ce support ait réellement été un catalyseur pour ces transitions. Les budgets verts risquent-ils de tomber dans les mêmes écueils ou peuvent-ils être véritablement utiles pour favoriser ces changements ?

Hervé REYNAUD. - J'ai particulièrement apprécié l'approche de ce rapport, dans laquelle je me suis retrouvé, ainsi que la clarté de son contenu. À partir de principes simples, il offre des éléments concrets pour progresser. La démarche doit être pleinement transversale, même si le point de départ peut être une série de projets spécifiques. Pour rendre l'approche un peu plus systémique, et au-delà des objectifs de développement durable de l'Agenda 2030, ne pensez-vous pas que les démarches de Responsabilité Sociétale des Organisations (RSO) pourraient également être une solution pour véritablement orienter nos politiques publiques au niveau local ?

Laurent SOMON. - Vous démontrez effectivement l'importance de la confiance à accorder aux territoires, en mettant en avant des initiatives ascendantes plutôt que des politiques descendantes, ce qui montre une efficacité bien plus remarquable. L'État doit établir des objectifs et surtout donner les moyens aux collectivités de les atteindre.

Deux points posent particulièrement problème aux collectivités locales. D'une part, il y a la question de la rénovation des bâtiments pour les départements. Les collèges, souvent vieux de cinquante ou soixante ans, nécessitent des travaux lourds et coûteux. Les salles de sport demandent également d'importants investissements. Le fonds vert est envisagé comme l'une des solutions. Cependant, nous restons sceptiques quant à la manière dont il sera réparti, d'autant qu'une part est destinée à compenser la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

D'autre part, une orientation a été prise pour la relocalisation des industries souveraines dans le cadre de l'industrie verte en France. Comment envisagez-vous l'articulation entre les objectifs de l'État et ces orientations ? Comment se passent les financements à ce niveau ? Enfin, comment peut-on diffuser les bonnes pratiques et les initiatives sur l'ensemble du territoire national pour atteindre ces objectifs ?

Pascal MARTIN, rapporteur. - Je ne pourrais pas répondre à toutes vos questions, notamment concernant la Responsabilité Sociétale des Organisations. Des initiatives locales émanent de communes comptant 500 ou 1000 habitants, qui ne bénéficient pas toujours d'un soutien administratif ou d'une ingénierie territoriale. Le budget vert pourrait donc être utile pour apporter de la clarté et peut-être une meilleure acceptation de la part des populations. Il est crucial d'y aller progressivement. Une approche globale et systémique pourrait mener à l'échec. S'il est imposé à toutes les collectivités, quelles que soient leurs strates, certaines pourraient ne pas être en mesure de le mettre en oeuvre.

Laurent BURGOA, rapporteur. - Le budget vert est un outil, et comme toujours c'est moins l'outil qui compte que le chemin fait ensemble. Le budget vert permet de se poser des questions, de réinterroger les pratiques habituelles, de mobiliser élus et fonctionnaires dans une dynamique. Si c'est pris de cette façon, cela peut être positif, mais en tant que tel ce n'est pas un outil qui va résoudre tous les sujets.

Guy BENARROCHE, rapporteur. - Il faut effectivement travailler à des processus pour définir la mise en place en fonction du territoire et de l'état où d'avancement dans le processus. Il est peu opportun de fixer les mêmes dates butoirs dans tous les territoires.

La connaissance territoriale de ce qui se passe et la formation des différents élus et des différents personnels ne sont pas les mêmes d'un endroit à l'autre. Nous ne pouvons fixer les agendas sans définir le processus permettant de le mettre en oeuvre.

Jean-Jacques LOZACH. - Il est vrai qu'on assiste actuellement à la mise en oeuvre de la concrétisation de tout un ensemble de procédures et de processus, avec d'ailleurs parfois des zonages complètement anarchiques.

Avez-vous le sentiment que cette préoccupation environnementale est suffisamment prise en compte ?

Avez-vous des informations à nous communiquer sur la mise en oeuvre des COP régionales qui avaient été annoncées par la Première ministre au mois de septembre dernier et normalement auraient dû être lancées au mois d'octobre ?

Sonia de LA PROVOTE. - Trois réflexions me viennent à l'esprit, lesquelles sont également des questions. Premièrement, sur le terrain, les politiques publiques devraient être guidées par la conviction plutôt que par l'obéissance, bien que ces dernières années, la tendance de la loi ait été plutôt directive. En considérant votre troisième recommandation et la liste non exhaustive des acteurs impliqués, je me demande s'il ne serait pas nécessaire de simplifier cet éventail d'intervenants dans le domaine de l'environnement et de l'accompagnement des collectivités.

Deuxièmement, l'importance de l'ingénierie territoriale est souvent sous-estimée. Il est crucial que l'ingénierie territoriale ou locale soit entre les mains des élus locaux. Les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement qui se sont spécialisés dans le domaine de l'environnement, les différentes ingénieries proposées par les conseils départementaux, les agences d'urbanisme, ainsi que les services d'accompagnement en matière d'ingénierie au sein des intercommunalités, constituent une base et un soutien primordiaux. Certes, la Direction générale de l'Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN), la Direction générale des Collectivités Locales (DGCL), tous les services nationaux dédiés à l'environnement sont importants. Pour une approche systémique, il est impératif de valoriser davantage l'expertise, les compétences et la confiance accordées à l'ingénierie territoriale.

Troisièmement, concernant les outils, prenons l'exemple des instruments pour mesurer les ZAN (Zéro artificialisation nette) que l'État ne pourra fournir avant la fin de 2025. Outre l'harmonisation des services de l'État, ne devrions-nous pas envisager une uniformisation des moyens de mesure ? Un guichet unique de la part de l'État pour ces questions pourrait s'avérer utile.

Jean-Claude ANGLARS. - Je voudrais également saluer les rapporteurs et souligner mon plaisir à les entendre. Votre approche méthodique est véritablement la bonne.

Au sein du groupe, avec Valérie Létard, nous avons eu un débat sur le ZAN. Nous avions alors suggéré que le fonds vert soit pérennisé et placé sous la responsabilité des préfets. À ce moment-là, certains hauts fonctionnaires de divers ministères nous avaient expliqué que cette proposition était dénuée de sens. Finalement, à partir de 2023, les préfets ont été chargés de promouvoir le fonds vert avec une certaine flexibilité dans son application. Cela a favorisé l'essor du sujet de la transition écologique, que ce soit en milieu urbain ou rural, grâce à l'intégration du fonds vert. Selon moi, en termes de méthode, cette approche s'est avérée efficace.

Je me demande alors ce qu'il en est des autres échelons des collectivités territoriales, des départements ou des régions, que vous n'avez pas abordés dans votre présentation.

En dernier lieu, votre présentation devrait nous amener, en tant que parlementaires, à nous interroger. Il semblerait nécessaire d'ouvrir le débat sur la fin du cumul des mandats afin de retrouver cette proximité et ce bon sens si caractéristiques des élus locaux.

Laurent BURGOA, rapporteur. - Les autres niveaux de collectivités territoriales sont bien présents dans le rapport. Par exemple, nous recommandons que le département joue un rôle de coordination pour sensibiliser les élus communaux au sujet du fonds vert.

Nous avons apprécié que la responsabilité du fonds vert incombe aux préfets. Toutefois, le délai entre la décision et le paiement est catastrophique pour nos communes. Parfois, il faut attendre deux ans pour obtenir la signature du préfet. Nous aspirons justement à davantage de proximité. Il pourrait être envisageable que les sous-préfets disposent, spécifiquement pour le fonds vert, d'une enveloppe leur permettant d'intervenir plus rapidement pour soutenir les communes.

Pascal MARTIN, rapporteur. - Les conférences des parties (COP) régionales sont bien en cours en ce mois de novembre et jusqu'à la fin de l'année. Une circulaire signée le 29 septembre dernier lançait et précisait l'exercice. Les discussions avec les régions ont pris plus de temps que prévu, notamment sur les questions du périmètre des participants.

Pour ce qui est des appels à projets, les communes, notamment les plus petites, se retrouvent souvent désorientées. Je fais un parallèle avec la gestion de la crise du Covid : les réactions immédiates des collectivités ont été mises en place sans attendre d'instructions de l'État. De même, beaucoup de communes n'ont pas attendu, et sinon attendraient toujours, des directives de l'échelon central.

En matière d'outils, le rapport comporte une annexe détaillée répertoriant tous les outils utiles pour les collectivités.

Guy BENARROCHE, rapporteur. - Qu'il s'agisse des COP régionales, de l'ingénierie ou des outils de mesure territorialisés, la première étape consiste à solliciter les avis des initiatives locales, notamment ceux des maires. Les élus ont besoin du soutien de la population pour concrétiser leurs projets. Sans cette adhésion locale, il leur sera ardu d'atteindre leurs objectifs, malgré les incitations ou obligations de l'État.

Il revient à la commune et à son maire de déterminer l'échelle vers laquelle ils souhaitent orienter leurs projets.

En ce qui concerne les outils de mesure, plusieurs initiatives sont recensées, notamment des collaborations entre des communes très diverses territorialement pour élaborer des processus, des méthodes d'avancement et des approches d'ingénierie. Ainsi, des exemples concrets existent avec des processus et des implémentations qui méritent d'être partagés.

Les ressources investies, que ce soit en énergie, en temps ou en argent, pour répondre à une labellisation ou à un appel à projets sont considérables. Les acteurs locaux se retrouvent souvent dans des situations complexes, sans toujours voir une confiance accordée à leurs projets.

Pourtant, des mécanismes d'évaluation pourraient permettre à ces projets de s'aligner sur des objectifs précis et de s'intégrer dans une stratégie. Cela partirait d'un état initial de confiance envers le maire plutôt que d'une nouvelle suspicion.

Laurent BURGOA, - La réflexion que nous avons menée a aussi pu porter sur la pertinence d'introduire un nouveau label pour les municipalités dans le cadre de la transition environnementale. Après mûre réflexion, nous avons conclu qu'il existait déjà un nombre suffisant de labels. Nous avons ainsi jugé plus efficient de prodiguer des conseils à la fois aux élus locaux et aux services déconcentrés de l'État sans que cela prenne cette forme.

Françoise GATEL, - La synthèse remarquable de votre travail est déjà disponible en ligne. Ce résumé, réparti sur 7 pages, offre une solide base à chacun d'entre nous pour devenir un ambassadeur auprès des élus locaux. Je suis convaincue que cette implication doit venir de tous, que ce soit de l'État, des élus locaux ou de nous-mêmes, afin de soutenir cet engagement auprès des élus.

Nous avons abondamment discuté du fonds vert. Comme vous l'avez mentionné, il s'agit d'un cheminement de long terme au sein duquel nous devons éviter les fluctuations et les bouleversements budgétaires. Il est donc primordial d'encourager et de soutenir la contractualisation pluriannuelle à partir des projets communaux. L'État, par l'intermédiaire du sous-préfet ou du préfet, devrait définir, à partir des grandes orientations de la politique étatique en matière de transition écologique, la durée de son engagement dans ces projets.

Il est essentiel que les élus puissent s'engager dans leurs projets en toute sérénité. Certains se mobilisent, initient des concertations, pour que finalement leurs propositions ne soient pas retenues. Outre une mobilisation de temps et d'argent, cela entraîne parfois la déception des citoyens au sein du conseil municipal et une remise en questions de l'efficacité du maire. Nous semblons être pris dans un cercle vicieux et il est impératif que nous trouvions une nouvelle approche.

J'ai entendu, chers collègues, les idées que vous partagez, et je souscris à l'idée qu'il faut laisser aux élus le pouvoir d'agir. Je souhaiterais partager une anecdote. Lors de la période de la COVID-19, le président de la République avait annoncé la réouverture de toutes les écoles dans un délai de 8 jours. Les élus se sont alors interrogés sur la marche à suivre. Le ministère de l'Éducation nationale a publié un protocole de 95 pages à ce sujet. Un maire, incertain de pouvoir rouvrir son école par manque de lavabos pour que les enfants puissent se laver les mains, a pris l'initiative d'acheter des abreuvoirs dans un magasin de fournitures agricoles et les a installés le long du mur de l'école, répondant aux besoins sanitaires rapidement, efficacement et à moindre coût. Il faut laisser aux élus locaux la possibilité d'agir ! Parfois, en cessant de leur imposer des obligations, nous pouvons améliorer nos lois.

Je suis donc d'avis qu'il est crucial de poursuivre nos investigations sur les budgets verts. Nous envisageons également de nous rapprocher de l'Association des maires, qui a réalisé un travail exemplaire. L'AMF pourrait, en outre, contribuer à diffuser ce guide de bonnes pratiques auprès des élus locaux.

La séance est suspendue de 10 heures 21 à 10 heures 35.

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