COMPTE RENDU DE L'ÉCHANGE DE VUES SUR LES ORIENTATIONS DU RAPPORT D'INFORMATION (Mercredi 7 juin 2023)
Mme Maryse Carrère, présidente. - Mes chers collègues, ouvrons, à présent, la discussion entre nous.
Notre mission a débuté ses travaux à la fin du mois de janvier dernier. Au fil de nos auditions, nous avons pu interroger, à la fois, les représentants des grandes catégories de collectivités territoriales, les services de l'État - à l'exception des ministres Béchu et Faure en raison de contraintes d'agenda -, les représentants des agents municipaux ou des centres de gestion, des universitaires ainsi que de nombreux maires, notamment à l'occasion de nos déplacements en Ille-et-Vilaine, dans les Vosges, en Haute-Garonne et dans la Somme. À chaque fois, ces rencontres ont été riches d'enseignement et nos collègues Sénateurs nous ont accueillis avec plaisir sur leur territoire.
Nous avons également organisé le sondage présenté par l'institut CSA et une consultation des élus municipaux à partir de la plateforme des élus locaux, qui s'achève demain. Plus de 2 700 réponses ont déjà été obtenues. 7 % d'entre elles sont des réponses de maires.
Il s'agit maintenant pour nous, à partir de ces travaux, de partager ensemble un constat et de dessiner des pistes pour apporter des réponses sur l'avenir de la commune et du maire, en tenant compte de la place éminente qu'ils tiennent dans le coeur des Français.
Pour lancer la discussion, je vous propose d'écouter, en premier lieu, notre rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - À l'aune des différents travaux menés par la mission, il me semble que l'on peut distinguer aujourd'hui plusieurs grands axes pour essayer d'apporter des solutions.
Préalablement, je souhaiterais rappeler la volonté que nous avions en lançant cette mission : celle de s'interroger sur l'incidence d'une forme de découragement, voire de désespérance, qui s'est traduite dans les faits par un nombre croissant de démissions d'élus locaux et de maires.
Ce constat est le révélateur de la fragilité de notre démocratie locale, ou en tout état de cause, de craintes que nous pouvons légitimement avoir quant à son avenir. Le découragement de certains maires et élus locaux était déjà perceptible en 2020, puisqu'un nombre significatif de maires avaient choisi de ne pas se représenter - bien que ce choix puisse aussi être lié à des raisons personnelles ou conjoncturelles comme la crise sanitaire, la crise énergétique ou encore les mouvements sociaux. Si on se concentre sur celles et ceux qui considèrent qu'ils n'ont plus les moyens d'exercer leur mandat ou que l'engagement municipal est devenu trop complexe, on peut craindre une désaffection pour le mandat de maire dans les années futures.
C'est pourquoi il nous appartient de répondre à cette impérieuse nécessité de conforter la démocratie locale au travers du renforcement, de la revitalisation et d'un nouveau souffle qui pourrait être donné à l'échelon communal. Il nous faut faire preuve de clarté, c'est-à-dire ne pas omettre les points qui peuvent susciter des débats, à l'instar du discours tenu par le président David Lisnard que nous avons entendu hier.
Parmi les grands axes de notre travail, je pense qu'il est nécessaire de réaffirmer clairement la position de la commune par le droit et par la Constitution. Il m'apparaît important de sanctuariser la clause de compétence générale, en l'élevant peut-être au rang constitutionnel. Cela permettrait de réaffirmer cet esprit communal.
Si les travaux de notre mission ne se sont pas particulièrement concentrés sur les grandes métropoles, il n'en demeure pas moins qu'elles constituent un enjeu pour demain, comme nous l'avons montré dans deux rapports publiés en décembre 2022 intitulés Métropole de Lyon - Communes : le pari d'un destin commun et Métropole d'Aix-Marseille-Provence : une métropole à la croisée des chemins.
Les rapports de la Cour des comptes illustrent bien la question de fond qui se pose. Si l'on suit leur préconisation, demain, la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui permet à chacune de nos 35 000 communes de fonctionner, pourrait être perçue par les intercommunalités et redistribuée aux communes selon des critères que les intercommunalités auraient elles-mêmes déterminés.
Il faut réaffirmer la place de la commune dans l'architecture institutionnelle globale pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il s'agit d'un échelon qui fait sens auprès de nos concitoyens en termes de proximité et d'efficience de l'action publique, de lien social, de creuset des solidarités. C'est un échelon dans lequel l'action publique est lisible. Ce constat vaut aussi bien pour les communes démographiquement petites, dans la ruralité, que pour celles en milieu urbain.
Un deuxième sujet émerge de nos auditions et de nos déplacements. Il s'agit de la nécessaire clarification des relations entre la commune et l'État. On a souvent rappelé à l'envie le couple maire-préfet - et j'y ajoute même le couple président d'intercommunalité-préfet. Aujourd'hui, il me semble être un facteur de plus en plus fort et prégnant de découragement, tant les maires et les élus locaux mettent en exergue un triple besoin.
Un besoin de simplification - ont notamment été déplorés au cours de nos auditions la complexité d'attribution des dotations de l'État et parfois le manque de réactivité.
Un besoin d'ingénierie. Lors de l'audition de la direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES), le rôle des agences comme l'Agence nationale de la cohésion et des territoires (ANCT) a été souligné, tandis qu'un renfort de personnels formés à cette question pourrait intervenir à l'avenir dans les préfectures et sous-préfectures.
Le dernier besoin est celui d'avoir des interlocuteurs clairement identifiés dans l'architecture de l'État déconcentré. Malgré les véhicules législatifs récents, le préfet de département ne semble toujours pas être considéré comme l'interlocuteur privilégié du département au sein de l'Office français de la biodiversité et d'une grande majorité des services déconcentrés de l'État. Il y a donc encore beaucoup à faire. Le préfet doit être l'incarnation de l'État sur les territoires, celui qui permet l'agilité, l'efficacité et la rapidité de la réponse aux besoins des collectivités. De nos auditions ressort également le sentiment que l'État a parfois un rôle de censeur alors que les élus locaux ont besoin d'un État qui joue le rôle de conseil.
Le troisième sujet que je souhaitais aborder fait souvent débat entre nous : il s'agit de la relation au sein du bloc communal. Nous sommes tous convaincus, je crois, qu'il n'y a pas lieu de repenser toute l'architecture intercommunale. Elle doit aujourd'hui vivre sa vie. En revanche, j'ai pris dans un sens plutôt négatif les rapports de la Cour des comptes qui préconisent d'attribuer la DGF aux intercommunalités. Cette recommandation s'appuie sur le constat que les intercommunalités ne sont parfois pas en mesure d'exercer pleinement les compétences qui leur ont été confiées par la loi, en raison parfois d'un manque de moyens et non pas d'un manque de volonté de la part des élus intercommunaux.
Peut-être faut-il donner un peu plus de souplesse et d'agilité sur la répartition des compétences. Peut-être faut-il que les élus disposent d'un peu plus de liberté - par exemple en début de mandat, au moment où on pense le pacte de gouvernance et le projet de territoire - pour faire redescendre une compétence au niveau communal si on considère qu'elle n'est pas suffisamment bien exercée ou qu'on ne répond pas à suffisamment à l'exigence de proximité en la confiant à l'intercommunalité. A contrario, les communes qui n'arriveraient plus à porter certaines compétences devraient pouvoir la transmettre à l'intercommunalité. Ces possibilités ne peuvent toutefois être envisagées sans tenir compte des réalités territoriales.
Je rejoins ce que disait hier M. David Lisnard, président de l'association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, bien que nous ayons encore quelques divergences d'approches : il faut faire attention à ce que l'on entend par le terme de différenciation. Aujourd'hui, il s'agit d'un terme un peu cosmétique, qui recouvre beaucoup de champs. Il y a urgence à le définir clairement. Si la différenciation consiste uniquement à générer du droit d'exception, je crains que cela rende les choses toujours plus complexes, toujours moins lisibles et que l'État soit vu comme le seul recours, sans que ce dernier ne soit en mesure d'apporter les clarifications et les simplifications attendues.
Enfin, beaucoup d'indices nous laissent à penser que 2026 sera une période charnière. Il faut ouvrir le champ des possibles de façon intelligente. Nous pouvons prendre plusieurs exemples :
- considérer que de nombreux maires appellent de leurs voeux qu'on puisse abaisser, dans certains cas, le nombre de conseillers municipaux de 9 à 7 ;
- sanctuariser le fait que les communes nouvelles restent un outil à la main des élus locaux et, qu'en aucun cas, l'État puisse s'en saisir pour imposer des regroupements ;
- mieux prendre en compte les réalités territoriales dans la loi : les préfets pourraient avoir une marge de manoeuvre en adoptant une lecture un peu plus souple de la norme ou du règlement.
À tout cela s'ajoute la question centrale des conditions d'exercice des mandats locaux, à laquelle se superpose la question générationnelle. Si la génération d'élus retraités nous explique de manière feutrée que les conditions d'exercice du mandat sont difficiles, les jeunes générations d'élus l'expriment de manière plus directe. Pour ces dernières, l'engagement dans la vie politique locale ne soulève pas de difficulté par principe, mais lorsque tout devient plus compliqué, les vocations sont freinées. On peut évoquer les violences à l'égard des élus, pas seulement physiques mais aussi et surtout verbales, compte tenu de l'émergence des réseaux sociaux. Ces réseaux sociaux rendent d'ailleurs l'action du maire et de son équipe bien plus complexe, qu'il s'agisse de la conduite de projets, de l'exercice de la démocratie participative ou encore de la concertation.
Garantir des conditions permettant un exercice plus serein du mandat implique notamment une meilleure conciliation entre vie professionnelle et engagement d'élu. Peut-être cela requiert-il de se poser également la question de l'indemnité. À ce sujet, nous avons déjà apporté une première réponse dans la loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019. Bien évidemment, l'indemnité ne doit pas être entendue comme un moyen de gagner toujours plus, mais elle pourrait constituer un curseur intéressant dans certains cas, par exemple lorsque l'élu est contraint d'exercer son métier à temps partiel pour mener à bien, en parallèle, l'exercice de son mandat. Cette idée renvoie d'ailleurs au constat que nous faisions au cours d'une précédente audition. Aujourd'hui, la sphère privée consent parfois moins à octroyer aux élus locaux des temps partiels - et cela peut se comprendre dans certains cas : par exemple, dans l'artisanat. La question de l'indemnité doit donc se poser de façon encadrée et intelligente.
On pourrait également citer la question importante de la formation et, plus généralement, tout ce qui concourt à soutenir le maire pour qu'il se sente moins seul. Notre mission peut aussi s'inspirer des travaux existants car ils sont complémentaires, par exemple sur la thématique des secrétaires de mairie. On prend conscience de l'importance de ce métier pour le bon fonctionnement de la commune.
Il pourra en outre être utile de s'inspirer des bonnes pratiques que nous avons pu relever au cours de nos auditions et de nos déplacements. Je pense notamment au déplacement dans la Somme, où le procureur a décidé de mobiliser des moyens humains pour traiter avec réactivité les situations dans lesquelles les élus se sentent menacés ou sont en difficulté. Le procureur est ainsi sensibilisé à ces questions et contribue au rapprochement de l'État et des maires. Cela fait écho d'ailleurs à l'audition du maire de Saint-Brévin-les-Pins : dans ce cas précis, j'ai le sentiment que l'État n'a peut-être pas su apporter l'attention et l'accompagnement qu'il fallait.
Voilà, en résumé, les grandes tendances du travail que nous venons d'accomplir. Au cours de ces derniers mois, nous nous sommes intéressés à différentes catégories de territoires, nous avons entendu l'ensemble des associations d'élus et nous avons prêté une attention particulière à ceux qui rentraient dans la vie municipale - en menant, par exemple, des auditions de jeunes maires, qui, pour certains d'entre eux, n'étaient pas encore rentrés dans la vie active.
En conclusion, un point positif est que la volonté de servir ne disparaît pas. Malgré la grogne, la colère, la désespérance parfois et l'incompréhension, cette volonté de s'engager persistera, à condition que nous répondions aux attentes des maires. Nous en avons l'ardente obligation si nous désirons anticiper les difficultés qui pourraient survenir lors du prochain renouvellement en 2026.
Mme Cécile Cukierman. - Je partage les orientations du rapporteur. Ce rapport doit contribuer à faire en sorte qu'en 2026, certains maires se réengagent et d'autres s'engagent pour la première fois.
Les causes de la crise actuelle des vocations sont multiples. La société est certainement devenue plus violente et surmédiatisée. L'idée qu'il est nécessaire de suivre un cursus honorum - en devenant d'abord conseiller municipal puis adjoint au maire - pour devenir maire est moins prégnante. Par conséquent, les maires qui exercent leur premier mandat ont de moins en moins d'expérience d'élu et n'ont donc plus les mêmes attentes ni les mêmes relations avec la population. L'engagement politique est touché par les mêmes évolutions que le monde du travail où de plus en plus de gens aspirent à la mobilité plutôt qu'à construire une carrière linéaire. Nous devons évidemment réfléchir au statut de l'élu, aux droits à la retraite et à la revalorisation de l'indemnité de maire mais nous devons également trouver le moyen de sécuriser la mobilité des parcours sans créer de frustration.
L'audition du maire de Saint-Brévin-les-Pins a permis de mettre en lumière le manque de considération à l'égard des élus. Je me souviens qu'au moment du démantèlement de la jungle de Calais, le sous-préfet appelait le maire tous les deux jours et y passait régulièrement pour lui montrer que, même lorsque la situation était difficile, l'État le soutenait. Cela permet, lorsque l'on est élu, d'affronter l'adversité de façon plus sereine.
Mme Anne Chain-Larché. - Les auditions menées par la mission ont été passionnantes et ont permis de montrer que la crise de vocation des maires était liée à la complexité de l'exercice de leur mandat. Aujourd'hui, les maires nouvellement élus n'ont plus du tout la même approche.
À mon sens, les solutions à apporter à ce problème sont multiples : simplifier les conditions d'exercice du mandat, mieux former les maires, leur permettre de s'entourer d'un personnel compétent - ce qui incite à repenser le statut de secrétaire de mairie -, leur assurer une protection, un sentiment de respect et de reconnaissance car les maires sont en première ligne, leur donner les moyens humains et financiers nécessaires à l'accomplissement de leur mission.
Cette mission d'information a suscité de l'espoir : de nombreux élus m'ont indiqué qu'ils étaient satisfaits que le Sénat s'empare du sujet.
Je soutiens par ailleurs les remarques qui ont été formulées sur la différenciation territoriale.
M. Didier Marie. - Les auditions n'ont fait que conforter notre sentiment. Je profite de cet échange de vues pour partager ce qui devrait constituer, à mon sens, les lignes de force du rapport.
En premier lieu, réaffirmer que la commune est la cellule de base de la démocratie locale en soulignant le fait que les 500 000 élus que compte la France sont une richesse absolue et rappeler aux maires que le Sénat est conscient de leur rôle et y sensibiliser la population.
Ensuite, réarmer les maires dans plusieurs domaines, notamment celui de la formation, en créant un module de formation obligatoire assuré par les services de l'État après les élections municipales. Certains préfets ont d'ores et déjà déployés des initiatives de ce type mais il convient désormais de définir un dispositif harmonisé et généralisé sur l'ensemble du territoire. Cette mesure serait d'autant plus utile que les nouveaux maires n'ont pas toujours été conseillers municipaux ou adjoints et ne peuvent donc pas s'appuyer sur leur expérience d'élu.
À ces premières idées s'ajoutent des sujets sur lesquels la mission d'information devra se prononcer tels que le statut de l'élu et les modalités d'association des maires à l'intercommunalité. Notre groupe formulera peut-être des propositions dans ces domaines. À titre d'exemple, la conférence des maires se tient, au mieux, une fois par an. Dans certaines intercommunalités, les maires se réunissent avant chaque réunion du conseil communautaire, même lorsqu'ils ne sont pas vice-présidents de l'intercommunalité. Nous devons rendre obligatoire ce genre de dispositifs, de même que les pactes de gouvernance et les pactes financiers afin de permettre de lutter contre le sentiment d'exclusion des élus qui ne sont pas dans l'exécutif. Cette proposition vaut pour toutes les intercommunalités, quelle que soit leur taille, car lorsque les petites communes s'éloignent de l'intercommunalité, les maires ont le sentiment d'être dépossédés de toutes leurs prérogatives.
Sur le volet déconcentration, enfin, il est nécessaire de donner davantage de moyens au préfet de département, de renforcer les sous-préfectures, d'augmenter les moyens humains de l'administration territoriale de l'État et de mobiliser les agents en proximité des maires. J'ajoute qu'une réflexion sur la taille des sous-préfectures, qui varie énormément d'un département à un autre, devrait être menée. L'une des sous-préfectures de mon département, par exemple, compte plus de 200 communes. Il est donc impossible, pour le sous-préfet, d'apporter son soutien à l'ensemble des maires de son arrondissement.
Mme Maryse Carrère, présidente. - Notre mission se heurte à une difficulté de taille : les différences territoriales. Nous nous sommes rendus dans des départements où l'État et les maires entretiennent des relations très différentes. Cultiver des relations de qualité est plus aisé dans un département qui compte peu de communes. De même, le niveau d'ingénierie territoriale varie considérablement d'un territoire à l'autre en fonction des initiatives locales.
Nous devrions également intégrer à notre réflexion le rôle du département dans le cadre de sa mission de solidarité territoriale dans des domaines tels que l'ingénierie territoriale ou la formation. Dans les Hautes-Pyrénées, l'agence départementale d'accompagnement des collectivités organise des formations à destination des élus.
Nous devons nous efforcer de synthétiser notre propos en mettant en lumière les bonnes pratiques observées dans les territoires.
J'ajouterai enfin qu'il est urgent de clarifier les missions que le maire doit exercer au nom de l'État. Lorsque je suis moi-même devenue maire, personne ne me les a expliquées.
Mme Laurence Garnier. - Les constats dressés à la suite de nos auditions rejoignent ceux que nous avions déjà identifiés, en tant que sénateurs, au contact des maires de nos départements respectifs : la complexité législative, la difficulté à monter des dossiers de subventions, etc. Mais je suis surtout frappée par la méconnaissance profonde de la mission du maire qui nourrit une forme d'incompréhension, voire d'agressivité, de la part de la population. J'y suis particulièrement attentive, étant élue de la Loire-Atlantique, le département où se situe la commune de Saint-Brévin-les-Pins.
Un maire de mon département a publié dans son magazine municipal une image d'iceberg très frappante : la partie émergée de l'iceberg représente l'idée, la réflexion et la réalisation et la partie immergée une multitude d'obstacles à franchir tels que les études de faisabilité, le montage des dossiers ou encore les appels d'offre. Nous devons renforcer la formation civique car la méconnaissance des missions du maire par la population génère des problèmes en cascade.
Mme Brigitte Devésa. - Je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit. Nous assistons, depuis de nombreuses années, à la déliquescence des relations entre les maires et la population : les élus ont toujours été « à portée d'engueulade » mais la situation est bien plus préoccupante aujourd'hui. Comment se montrer pédagogue vis-à-vis de citoyens qui expriment de plus en plus directement leur énervement ? Un exemple concret : j'étais adjointe au maire d'Aix-en-Provence en 2014 au moment de la réforme des rythmes scolaires et j'ai eu toutes les difficultés à gérer les conséquences de cette réforme qui n'avait pas été conçue par l'équipe municipale. J'ai fait face à des attaques régulières. Les élus confrontés à cette situation doivent saisir la justice mais les classements sans suite de leurs plaintes finissent par les décourager.
Nous devons remettre le maire au centre du village et faire oeuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens. Les élus prennent leur part dans ce travail mais l'État doit prendre aussi ses responsabilités dans toutes ses composantes, qu'il s'agisse de la justice ou de l'administration déconcentrée. Certains préfets n'ont pas le temps ni les moyens de se rendre au-delà des grandes agglomérations de leur territoire...
Les auditions menées par la mission d'information ont conforté toutes les remontées de terrain qui nous parviennent au quotidien. Les maires que nous avons entendus ne veulent pas céder devant la menace : il faut les remobiliser et leur donner la capacité de travailler correctement.