C. LA CARTE DE FRANCE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS FONCIERS DOIT ÊTRE ACHEVÉE
La dynamique de création d'établissements publics fonciers des années 2000 et des années 2010 a permis de couvrir une grande partie du territoire français. Les EPF d'État les plus anciens, créés sur un périmètre limité, se sont étendus progressivement à l'ensemble de la région, à l'exception des territoires déjà couverts par un EPF local, dont certains ont également été rejoints par de nouvelles communes ou intercommunalités.
L'EPF Normandie, le plus anciennement créé, portait à l'origine sur la basse Seine. L'EPF de Lorraine, créé sur deux départements, recouvre aujourd'hui l'ensemble de la région Grand Est à l'exception de l'Alsace, déjà couverte par un EPF local. Les EPF de Nord-Pas-de-Calais, de Poitou-Charentes et du Languedoc-Roussillon se sont élargis à l'occasion de la fusion de ces régions en 2016 au sein, respectivement, des régions Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie.
Les EPF ont une tendance de plus en plus claire à faire coïncider leur périmètre avec celui de la région. Les EPF créés depuis le début de ce siècle ont ainsi couvert dès leur création l'ensemble d'une région administrative, à l'exception de l'EPF de Vendée.
Toutefois, tandis que des EPF d'État étaient créés ou s'étendaient dans certaines régions, d'autres régions n'en étaient pas pourvues et c'est sur des initiatives locales que des EPF locaux ont été créés en grand nombre au cours des années 2000 et 2010, au point d'aboutir à la carte des EPF actuelle (voir infra), fortement morcelée.
Deux observations peuvent être faites.
Dans certaines régions, le retard de création d'un EPF d'État a abouti à la création d'EPF locaux qui ont fini par être plus ou moins imbriqués dans le périmètre de l'EPF d'État.
C'est le cas tout particulièrement dans la région Occitanie : l'EPF régional recouvre aujourd'hui l'ensemble du territoire de la région à l'exception de trois grandes agglomérations de l'ancienne région Midi-Pyrénées (Toulouse, Montauban et Castres) qui avaient créé leur EPF local avant la fusion des régions. Le territoire de Perpignan est même couvert à la fois par l'EPF régional et un EPF local, cas unique en France : en pratique les deux établissements mènent des actions différentes et une convention règle la répartition de la taxe spéciale d'équipement entre les deux établissements, mais la Chambre régionale des comptes regrette l'insuffisance de la coopération entre les deux établissements30(*).
Surtout, le rapporteur spécial note la persistance de vastes « zones blanches », en particulier le long d'un axe ouest-est qui inclut les bassins de la Loire et de la Saône31(*).
Cette situation n'est pas satisfaisante. Face à l'importance de plus en plus grande prise par la question de l'accès au foncier et les risques d'un renchérissement de la ressource avec la mise en oeuvre du « zéro artificialisation nette », les collectivités dépourvues de cet outil risquent d'être désavantagées.
Note : le périmètre de certains EPF continuant à évoluer, cette carte peut ne pas être entièrement à jour pour certains d'entre eux32(*).
L'échelle régionale présente plusieurs avantages : elle permet à l'établissement d'atteindre une taille critique lui permettant de réunir l'ensemble des compétences nécessaires à ses différents métiers. En outre, elle permet de placer l'EPF comme acteur de référence de la question foncière face à la région qui organise la stratégie d'organisation de l'espace à travers les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), dont l'évolution législative récente a accru la portée33(*). Les EPF qui recouvrent l'ensemble d'une région, ou au moins d'un département, apprécient de pouvoir mener leur action sur la totalité du périmètre de la collectivité à laquelle ils sont le plus liés.
Il est donc proposé de rechercher une couverture complète du territoire par des établissements publics fonciers.
Cette proposition rejoint celle faite par le Conseil des prélèvements obligatoires, dans un rapport remis l'an passé à la commission des finances sur la fiscalité locale dans la perspective du ZAN34(*) : « Étudier l'extension de la couverture géographique des établissements publics fonciers à l'ensemble du territoire national et la taxe spéciale d'équipement affectée à leur financement ».
Il n'est pas question, toutefois, de remettre en cause les initiatives locales qui ont abouti à la création d'établissements locaux, dans la mesure où ils ont fait leur preuve et apportent satisfaction aux communes et intercommunalités. Les compétences des EPF d'État et locaux étant dans l'ensemble comparables, le point crucial est que les actions soient menées et que les collectivités locales soient pleinement représentées dans la gouvernance, ce qui est le cas pour ces deux catégories d'établissements.
Recommandation
Achever la couverture de la carte par des EPF, sans remettre en cause l'existence des EPF locaux existants lorsqu'ils donnent satisfaction.
S'agissant des établissements publics d'aménagement, la question du périmètre ne se pose pas dans les mêmes termes.
Ils sont souvent mis en place sur le périmètre d'une opération d'intérêt national (OIN) et n'ont donc pas vocation à agir en dehors de ce périmètre, même si les besoins locaux peuvent conduire à une extension mesurée. Cela a été le cas par exemple de l'EPA Euroméditerranée à Marseille : l'opération d'intérêt national a été lancée en 1995 sur un périmètre de 310 hectares (EuroMed 1), étendu à 480 hectares en 2007 (EuroMed II).
Par ailleurs, certains établissements peuvent exercer des missions ponctuelles d'acquisitions foncières, d'aménagement ou de conseil en dehors de leur périmètre.
Le code de l'urbanisme permet même, en principe, à Grand Paris Aménagement35(*) d'intervenir sur l'ensemble du territoire national. Actuellement l'activité de l'établissement se limite toutefois à la région Île-de-France pour ce qui concerne l'action foncière et la conduite des opérations d'aménagement. Elle s'étend à l'ensemble du territoire national pour des missions d'accompagnement des services de l'État dans l'élaboration des projets partenariaux d'aménagement (PPA), dont Grand Paris Aménagement héberge un centre de ressources national.
* 30 Chambre régionale des comptes d'Occitanie, rapports d'observations définitives relatifs à l'EPFL Perpignan-Pyrénées-Méditerranée (2022) et à l'Établissement public foncier d'Occitanie (2023).
* 31 Des discussions sont en cours pour une meilleure couverture du département de l'Aisne.
* 32 L'EPF local de l'Ain indique ainsi couvrir désormais l'ensemble du département de l'Ain. L'EPFL d'Oise et Aisne indique également avoir pour membres trois EPCI du centre et du sud de l'Aisne alors que la carte n'indique que la communauté d'agglomération du Grand Soissons.
* 33 La loi Climat-résilience, en particulier, fait du SRADDET le pivot de la mise en oeuvre de l'objectif de réduction de 50 % de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici à 2031.
* 34 Conseil des prélèvements obligatoires, La fiscalité locale dans la perspective du ZAN, rapport remis à la commission des finances du Sénat, octobre 2022.
* 35 Articles L. 321-9 et suivants du code de l'urbanisme.