TROISIÈME PARTIE
LES LEÇONS DE LA LOI ORE,
RECENTRER ET CONSOLIDER LE MODÈLE DE FINANCEMENT AUTOUR DU PARCOURS DES
ÉTUDIANTS
Au-delà du bilan des mesures liées à la loi ORE, nécessaire au vu des ambitions initiales de la loi et des montants mobilisés, le rapporteur spécial attire l'attention sur le fait qu'il est nécessaire, dans une vision prospective, de mobiliser les leçons à tirer des limites soulevées précédemment.
I. CRÉER UN VÉRITABLE PILOTAGE NATIONAL DU PREMIER CYCLE PAR LA CONSTRUCTION DE SYSTÈMES D'INFORMATION ROBUSTES
Ainsi qu'il ressort des analyses de la deuxième partie, la mise en place de la loi ORE s'est heurtée à des lacunes dans le pilotage national et des difficultés à maintenir une gestion consolidée face à des établissements autonomes.
A. RENFORCER LE CADRE NATIONAL DE PILOTAGE POUR DAVANTAGE DE SUIVI ET DE TRANSPARENCE DES DONNÉES
Le problème n'est pourtant pas lié uniquement à la loi ORE. Ainsi, la Cour des comptes identifiait en 2012 à propos du plan Réussite en licence de 2007 un « défaut de suivi des crédits ». La ministre chargée de l'enseignement supérieur observait en mars 2013, citée par la Cour en 2020, que l'effort de financement du plan réussir en licence (PRL) avait « en réalité plutôt servi de rustine pour colmater les déficits des universités », alors que les dispositifs prévus avaient été peu mis en place, et que l'identification et le suivi des crédits du plan Réussite en licence n'avaient pas été réalisés de manière égale par toutes les universités. Il est frappant de constater à quel point ces observations demeurent pertinentes dix ans plus tard.
En conséquence, le rapporteur spécial insiste sur le fait que le ministère doit considérer le renforcement de l'efficience des crédits alloués, et donc de leur suivi, comme un axe prioritaire d'amélioration de sa gestion.
Recommandation n° 1 : Mettre en place un réel suivi des crédits accordés aux établissements d'enseignement supérieur par le biais de leur subvention pour charges de service public et de leur exécution, consolidé au niveau national (ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP).
Cela ne peut passer que par le déploiement d'un système informatique interopérable entre les rectorats, l'administration centrale et les établissements, qui fait encore défaut. Dès 2019, le comité de suivi de la loi ORE indiquait que les systèmes d'information actuels « ne sont pas adaptés à ces nouveaux usages et vont rapidement constituer un obstacle à la mise en oeuvre à grande échelle des transformations appelées par la loi ORE ». Ce grand chantier informatique, toujours repoussé et qui sera de grande ampleur, tant financière que par sa durée et les changements que cela impliquera pour l'ensemble des établissements, devient néanmoins incontournable.
La remise en place d'un système d'allocation des ressources aux universités, s'inspirant du modèle SYMPA, permettant de réintroduire une logique de performance est une recommandation formulée à plusieurs reprises, notamment par le rapport de la commission des finances de 2019 précédemment mentionné. Il s'agit également d'une demande formulée par France universités : « l'absence d'un système d'allocation des moyens, répartissant les moyens sur la base d'indicateurs pondérés, connus de tous, nuit à la fluidité des relations entre les différents acteurs »38(*).
Recommandation n° 8 : Définir un système informatique permettant de formaliser l'allocation des moyens aux universités en introduisant une logique d'efficience des financements (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP).
D'autre part, le rapporteur spécial a pu constater une grande demande des acteurs auditionnés (syndicats d'enseignants et d'étudiants notamment, mais également de l'administration elle-même) pour davantage d'information et de transparence dans la gestion des données. Afin de répondre à cette demande, figure en annexe du présent rapport la déclinaison par établissement des financements perçus au titre de la loi ORE.
Sur ce point, il est vrai que la politique d'open data du ministère sur Parcoursup constitue un progrès. Mais il est nécessaire d'aller plus loin, en particulier s'agissant des données budgétaires. Les documents budgétaires sont, en effet, très succincts sur les SCSP des universités et la ventilation des moyens accordés à chaque université, a fortiori, comme on a pu le voir plus haut, sur la consommation des différentes enveloppes. Il est donc nécessaire de détailler, ne serait-ce que dans les rapports annuels de performance, le mode de calcul de la SCSP. Cette recommandation vaut également pour les sommes qui seront distribuées aux universités à partir de 2023 par le biais des contrats d'objectifs et de moyens pluriannuels (COMP).
Recommandation n° 2 : Intégrer dans les documents budgétaires une restitution plus détaillée de la consommation des crédits pour les principaux dispositifs de financement des universités (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP, direction du Budget).
* 38 Réponses de France universités au questionnaire du rapporteur spécial.