II. COROLLAIRE DE L'ALLONGEMENT DES DÉLAIS, L'EXPLOSION DES COÛTS

A. COFLIGHT, SYSTÈME DE TRAITEMENT DES PLANS DE VOLS, CONÇU COMME UN NOUVEAU STANDARD RÉVOLUTIONNAIRE NE SERA UTILISÉ QUE PAR LA DSNA

Le programme Coflight a démarré en 2002. Sa vocation était de créer un système de traitement automatique des plans de vol de nouvelle génération. Cet outil, qui permet une modélisation des plans de vol en quatre dimensions, devait se traduire par une vraie rupture opérationnelle et technologique. L'intérêt principal de Coflight est de permettre une mise à jour en temps réel et automatique de la trajectoire des plans de vol, notamment en prenant en compte les interventions effectuées par les contrôleurs aériens des différents secteurs traversés.

Grâce à Coflight, le contrôleur aérien doit disposer d'une meilleure prévision de la trajectoire des aéronefs, ce qui doit permettre à la DSNA d'offrir des services de navigation aérienne plus performants8(*) ou de réduire la durée du vol et la consommation de carburant.

L'outil Coflight intéresse aussi le ministère des armées dans la mesure où il doit gérer à lui seul les plans de vol civils et militaires quand les systèmes Cautra et STRIDA gèrent les plans de vol séparément.

Dès l'origine, et afin de mutualiser les dépenses de développement de ce projet, la DSNA s'est associée au PSNA italien, l'ENAV9(*). Pour mener à bien ce projet, la DSNA et l'ENAV ont conclu un contrat avec un consortium formé des industriels Thalès et Leonardo.

Cette coopération franco-italienne ne devait être qu'un début et la DSNA avait l'ambition de convaincre d'autres PSNA européens d'adopter ce système. En 2018 encore, la DSNA escomptait faire évoluer le cadre du programme pour constituer un groupement de commandes transnational afin de mutualiser les coûts de la maintenance corrective et évolutive de l'outil. Cependant, aujourd'hui, cette ambition a fait long feu, l'ENAV se retire du projet et la DSNA sera très vraisemblablement le seul PSNA à opérer Coflight et à assumer les coûts de ses développements futurs (voir infra).

Coflight est désormais intimement lié au programme 4-Flight dont il doit constituer le « coeur ». Ses développements et son calendrier de déploiement se confondent donc avec ceux de 4-Flight.

B. ÉLÉMENT CLÉ DE LA MODERNISATION DU CONTRÔLE AÉRIEN, 4-FLIGHT EST LONGTEMPS RESTÉ CLOUÉ SUR LE TARMAC

Engagé en 2011, 4-Flight est le programme majeur de modernisation du système français de gestion du trafic aérien, dit « ATM10(*) ». Système de contrôle aérien complet de nouvelle génération, 4-Flight a vocation à se substituer à l'outil Cautra utilisé depuis les années 1960. Ce programme a été confié à Thalès en partenariat avec la direction de la technique et de l'innovation (DTI) de la DSNA très impliquée dans cette opération et elle-même conceptrice de certains périphériques de l'outil.

Grâce à une interface homme-machine moderne et des outils d'assistance automatisés, 4-Flight a vocation à générer des gains de productivité et donc à accroître les capacités du contrôle aérien.

En 2018, le rapporteur spécial avait fait le constat des dérives budgétaires et temporelles du programme. Alors que l'accord cadre initial prévoyait un déploiement en 2015, il est vite apparu que l'ampleur du projet n'était pas compatible avec cette échéance. Après la livraison par Thalès de versions pré-opérationnelles11(*), la première étape de déploiement a été une première fois reportée à l'hiver 2018-2019. Cependant, après le test des versions intermédiaires, la DSNA a décidé une nouvelle fois de reporter les premiers déploiements12(*) de 4-Flight de deux ans, à l'hiver 2020-2021. Suite à de nouveaux tests de validation, cette échéance sera une nouvelle fois décalée d'un an et demi pour le CRNA de Reims13(*) et de deux ans pour le centre d'Aix-en-Provence14(*).

Les rapports compliqués entre la DSNA et Thalès à la fin de la décennie 2010 peuvent expliquer une part des difficultés majeures rencontrées sur le programme à cette période. La DSNA reprochait notamment aux versions intermédiaires livrées par Thalès de n'être ni assez robustes pour satisfaire les exigences de fiabilisation et de certification d'assurance logicielle, ni suffisamment résilientes pour fonctionner correctement en mode dégradé, ni suffisamment sécurisées contre les risques cyber. Enfin, il est apparu que les contraintes liées à l'interaction profonde des outils 4-Flight et Coflight avaient été largement sous-estimées et que des développements complémentaires de Coflight étaient indispensables avant de pouvoir déployer 4-Flight.

Des négociations contractuelles très difficiles ont alors été conduites entre la DSNA et Thalès. Elles se sont prolongées un an entre juillet 2017 et juin 2018. Elles ont conduit à rallonger les délais de développement et ont participé à amplifier le dérapage des coûts du programme, passés de 450 millions d'euros en 2011 à 500 millions d'euros en 2013, 583 millions d'euros en 2016, 670 millions d'euros en 2017 puis 850 millions d'euros en 2018 après la conclusion de l'avenant au contrat.


* 8 Comme par exemple les alertes de détection des conflits.

* 9 L'Ente nazionale assistenza al volo.

* 10 Pour « air traffic management ».

* 11 En 2015, en 2017 puis en 2018.

* 12 Dans les CRNA de Reims et d'Aix-en-Provence.

* 13 Déploiement en avril 2022.

* 14 Déploiement en décembre 2022.

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