DEUXIÈME PARTIE
MASQUÉE PAR LES GRANDS
PROGRAMMES, L'OBSOLESCENCE DES INFRASTRUCTURES DEVIENT CRITIQUE ALORS QU'IL
FAUT DÉJÀ SE PROJETER
DANS L'APRÈS 4-FLIGHT
I. LA DSNA DOIT DÉJÀ SE PROJETER DANS « L'APRÈS 4-FLIGHT »
Alors qu'il a été si longtemps attendu, mais notamment parce qu'il a été imaginé il y a de cela maintenant près de quinze ans, il apparaît que le système 4-Flight n'a pas d'avenir de long terme car il n'a pas été conçu sur une architecture informatique pérenne. Il sera ainsi difficile de le faire évoluer et il ne pourra pas être adopté par d'autres PSNA. À long terme, le coût de sa maintenance et de ses évolutions, estimé à plus de 70 millions d'euros par an, qu'elle devrait assumer seule, n'apparaît pas financièrement soutenable pour la DSNA qui risquerait de se laisser une nouvelle fois distancer en matière de modernisation technologique. Aussi, et alors même que son calendrier de déploiement vient tout juste de débuter, la DSNA doit déjà affiner sa stratégie dans la perspective du système qui succèdera à 4-Flight à l'horizon de la fin de la décennie.
Une fois son retard comblé et pour qu'elle se maintienne durablement au niveau technologique de ses homologues, la DSNA doit absolument parvenir à s'inscrire dans les feuilles de route industrielles standards du secteur afin de pouvoir partager les frais de ses systèmes avec d'autres PSNA. Pour cela, la DSNA doit poursuivre ses efforts pour recoller au cycle technologique et pouvoir ainsi durablement bénéficier des dernières avancées industrielles. La DSNA reconnait d'ailleurs qu'elle est « aujourd'hui le seul prestataire européen à supporter à lui seul le coût d'un système ATC33(*) spécifié pour ses propres besoins. Il y a donc une nécessité impérieuse de définir une trajectoire permettant de rejoindre un produit industriel avant la fin de la décennie »34(*).
La situation actuelle est en effet particulièrement sous-optimale d'un point de vue économique pour la DSNA qui se prive d'un potentiel pourtant bien réel d'influer sur les orientations des industriels et de réaliser des économies substantielles. À l'avenir, elle doit pouvoir profiter de sa masse critique significative, en tant que principal PSNA européenne, et la conjuguer avec celle de partenaires pour peser dans la négociation avec les industriels dans un secteur caractérisé par sa concentration et dont la structure de marché, selon les produits, est, dans le meilleur des cas, oligopolistique.
L'alliance de PSNA « Coopans », qui est en passe de s'étendre dans la perspective de développer à horizon 2027-2028 un outil commun produit par Thalès, est à ce titre un exemple intéressant pour la DSNA.
Consciente de la non soutenabilité à moyen-terme de la situation actuelle qui reviendrait à compromettre une nouvelle fois ses capacités à se moderniser, la DSNA a entamé des réflexions portant sur un plan de transition progressive du système 4-Flight, à travers le développement d'une série de nouvelles versions, vers une architecture susceptible de permettre à la DSNA d'intégrer des feuilles de routes industrielles mutualisées avec d'autres PSNA. Le coût prévisionnel de cette phase de transition, qui pourrait s'étaler de 2024 à 2029 est aujourd'hui évalué par la DSNA à 342 millions d'euros. Sur cette base, à compter de 2030 et dans le cadre d'une architecture informatique largement rationalisée et centralisée, le déploiement d'un nouveau système est envisagé par la DSNA pour un coût prévisionnel de 182 millions d'euros entre 2030 et 2035.
Les prolongements du programme 4-Flight, dont le coût est aujourd'hui estimé à 885 millions d'euros, pourraient donc se chiffrer à 524 millions d'euros d'ici 2035, soit un total de 1,4 milliard d'euros.
Comme il avait déjà pu le recommander dans son rapport précité de 2018, le rapporteur spécial estime que la DSNA a tout intérêt à s'inscrire au plus vite dans des feuilles de routes industrielles partagées pour mutualiser les coûts de développement et de maintenance de ses systèmes avec certains de ses homologues. Pour ne pas exposer la DSNA aux dérives financières qu'elle a connues sur ses programmes de modernisation actuels, à l'horizon 2030, le successeur de 4-Flight devra impérativement s'inscrire dans cette logique.
Recommandation n° 4 : mutualiser les coûts et les risques liés au développement de systèmes de navigation aérienne innovants grâce à des partenariats avec d'autres prestataires de services de la navigation aérienne.
* 33 Air traffic control.
* 34 Réponse de la DSNA au questionnaire du rapporteur spécial.