B. LE DÉVELOPPEMENT DU CONTRÔLE INTERNE
1. La meilleure identification des risques
Les collectivités territoriales n'ont pas découvert l'importance du contrôle interne à l'occasion de l'expérimentation de la certification de leurs comptes. Pour nombre d'entre elles, notamment parmi celles de grande taille, cette mission de contrôle était déjà une priorité afin de sécuriser et de fiabiliser les comptes. Toutefois, l'expérimentation a fait jouer un effet de levier unanimement reconnu : chez les collectivités expérimentatrices, les progrès dans ce domaine ont été notables et probablement plus rapides que parmi leurs voisines hors du champ de l'expérimentation.
Dans chaque collectivité, l'expérimentation de la certification a débuté par une phase préparatoire correspondant à l'établissement de diagnostics d'entrée et des rapports d'examen ciblés. Dans le bilan qu'elle tire de l'expérimentation, la DGFiP souligne que, dès ce stade, « la mise en évidence d'insuffisances dans le contrôle interne par les juridictions financières a conduit les collectivités à mener des travaux pour renforcer leurs procédures, cartographier leurs risques et ainsi s'inscrire dans une démarche de renforcement de la maîtrise des risques »17(*).
Par la suite, la phase de certification des comptes par des commissaires aux comptes a également comporté un fort effet incitatif : l'audit externe des comptes requiert un contrôle interne renforcé. Ainsi, les collectivités territoriales ont été incitées à repenser leurs processus : la documentation des procédures, la description et le positionnement des contrôles, les contrôles de traçabilité, la prise en compte des procédures en cours d'évolution par le système d'information... Elles ont également été amenées à fiabiliser leurs données en rapprochant l'inventaire comptable de l'inventaire physique. Le recensement des risques auxquels est exposée la collectivité territoriale a également reçu une attention particulière, et souvent beaucoup plus appuyée que jusque-là, tout comme la couverture de ces risques par des provisions adéquates.
La DGFiP note que « les questions et constats formulés par le commissaire aux comptes [ont constitué] un moyen de faire progresser la régularité et la sincérité des comptes, en obligeant à réviser les règles en vigueur au sein de la collectivité, à apurer certaines opérations anciennes, ou encore à optimiser certaines pratiques au sein du poste comptable dans des délais plus courts que ce qui pouvait être envisagé précédemment »18(*).
Ce constat tiré par la DGFiP a trouvé une résonance dans les retours d'expérience remontées au cours de la mission d'information. Ainsi, au niveau du Conseil régional des Pays-de-la-Loire, « la venue du commissaire aux comptes a permis de faire prendre conscience aux agents de la nécessité du renforcement de la traçabilité des documents et des actions »19(*).
Le Conseil départemental du Rhône rejoint cette analyse rétrospective tout en insistant sur le fort enjeu que représente la cartographie des risques. Il précise, en outre, qu'au sein des services du département « le dispositif de contrôle interne et de maîtrise des risques a été appréhendé de façon transversale afin que toutes les directions soient impliquées »20(*). Pierre angulaire des dispositifs d'aide sociale, le département peut tirer un profit extrême de cette cartographie en ce qu'elle débouche sur une meilleure maîtrise du risque de liquidation ou de versement d'une allocation, par exemple.
Du côté de la communauté d'agglomération du Grand Dole, on estime qu'en matière de contrôle interne et d'identification des risques « l'appréhension des concepts est peu évidente, [...mais] on découvre au fil de l'eau nos marges d'appréciation ».
2. L'exemple du patrimoine immobilier
Quelle que soit leur taille, les collectivités territoriales sont confrontées à des difficultés pour connaître de façon exhaustive l'étendue et la nature de leur patrimoine immobilier. À leur décharge, ce patrimoine a souvent été constitué par sédimentations successives et affecté par des entrées et sorties plus ou moins bien datées et identifiées. Pourtant, sa connaissance est indispensable. En effet, la bonne appréhension de l'état général des immobilisations permet à l'ordonnateur au sein de la collectivité de mieux définir sa stratégie de gestion patrimoniale : politique d'acquisition, entretien des bâtiments, arbitrages à réaliser entre la location et la vente, suivi des biens confiés à un délégataire... En se fondant sur des immobilisations correctement évaluées et mesurant leur évolution dans le temps, le bilan patrimonial immobilier contribue en outre à améliorer la lisibilité de la trajectoire budgétaire de la collectivité : s'enrichit-elle dans le temps ou s'appauvrit-elle ?
Pour les collectivités qui l'ont mené, l'exercice de certification a mis en lumière un déficit de connaissance, mais a aussi représenté une opportunité de progresser dans ce domaine.
Dès la phase préparatoire, les juridictions financières ont adressé des recommandations aux collectivités territoriales les invitant à :
- établir un inventaire physique exhaustif de leurs actifs mobiliers et immobiliers, en commençant par les plus significatifs, et le rapprocher de l'inventaire comptable ;
- être en mesure de justifier, par tout moyen approprié, l'exactitude de la valeur des actifs inscrits à l'inventaire comptable et considérés comme significatifs, en liaison avec le comptable public21(*) ;
- recenser et comptabiliser les régularisations de l'actif immobilisé en matière d'immobilisations en cours et d'amortissements.
Dans leurs efforts de mise au niveau des standards de certification de leurs comptes, les collectivités territoriales ont été freinées par « des discordances quasi systématiques entre l'inventaire de l'ordonnateur et l'actif du comptable public ; les travaux de fiabilisation [ont été] complexifiés par un contexte où les transferts de compétences et d'équipements ont des conséquences significatives sur l'actif immobilisé. La justification des soldes comptables sur certains postes de l'actif immobilisé, tels que les réseaux et les installations de voiries, ont également posé des difficultés au regard de la forte antériorité de ces opérations qui ne permettent pas toujours de remonter à la pièce justificative »22(*).
Au total, ces difficultés se sont traduites par des réserves dans tous les rapports des commissaires aux comptes en 2021 (avis portant sur les comptes 2020) et dans la plupart en 202223(*) (avis portant sur les comptes 2021).
La fiabilisation du cycle des immobilisations et la meilleure connaissance du patrimoine de la collectivité : des retours d'expérience Dans le cas de la région des Pays-de-la-Loire, des travaux significatifs avaient déjà été engagés en amont de l'exercice de certification : les lycées avaient fait l'objet d'une valorisation, ce qui a ensuite facilité l'avancement de la certification. La région s'est, en outre, lancée dans un chantier important pour fiabiliser l'inventaire physique du patrimoine immobilier et l'analyse des immobilisations en-cours. À la fin de l'exercice 2021, la commune de Montpellier était parvenue à opérer le rapprochement physique et comptable de 79 % de son parc immobilier, fiabilisant ainsi 45 % de ses actifs corporels et incorporels. La commune de Sceaux a mené des actions de fiabilisation de ses comptes dès la première année d'expérimentation, notamment en ce qui concerne la traduction comptable des mises en service des immobilisations. Le recensement complet des baux a ainsi permis à la collectivité d'en optimiser la gestion. Au niveau de la commune de Cuers, l'exercice 2021 a été marqué par des avancées très significatives en matière de fiabilisation des comptes au travers de travaux conduits sur l'actif immobilisé (travail de régularisation sur les comptes des immobilisations dans le budget de la commune et les budgets annexes). Bien que des travaux conséquents restent à réaliser, le commissaire aux comptes a noté les efforts importants opérés par la commune dans cette démarche de fiabilisation des comptes. La communauté d'agglomération du Grand Dole a engagé un travail d'identification des parcelles, bâtiments et véhicules dont elle est propriétaire, par le biais d'une source externe, et également en collectant les actes notariés. Même si le rapprochement avec l'inventaire comptable reste à mener, le Grand Dole a d'ores et déjà enregistré une importante correction au bilan d'ouverture sur ses immobilisations faisant suite à un travail de fond sur le fichier d'inventaire comptable : plus de 4 millions d'euros d'immobilisation en valeurs brutes ont pu être fiabilisés. La communauté d'agglomération de l'Albigeois a déclaré avoir rapproché, au 31 décembre 2021, 89 % de son patrimoine immobilier de l'inventaire physique. Enfin, la communauté d'agglomération Sarreguemines Confluences a procédé à des corrections sur ses actifs et passifs pour un montant de 50,4 millions d'euros au total au cours des deux exercices soumis à certification. Ces corrections ont notamment consisté en des reclassements comptables (sorties et entrées dans l'inventaire). L'actif et l'inventaire apparaissaient ainsi fiabilisés à 100 % au 31 décembre 2021 (contre 75 % au 31 décembre 2019). Source : DGFiP |
* 17 Réponse écrite au questionnaire de votre rapporteur.
* 18 Réponse écrite au questionnaire de votre rapporteur.
* 19 Idem.
* 20 Idem.
* 21 Le comptable public est responsable de l'enregistrement comptable des biens et de leur suivi au bilan. À ce titre, il tient l'état de l'actif.
* 22 Réponse écrite de la DGFiP au questionnaire de votre rapporteur.
* 23 Plus précisément, 19 collectivités ont été visées par ces réserves.