E. CINQUIÈME PILIER : UN ÉCOSYSTÈME DE NIVEAU MONDIAL
Tirant profit d'un système de financement unique et du solide accompagnement financier et institutionnel du CNC, l'industrie du cinéma se distingue également par son large éventail de formations, dispensées par des écoles de renommée mondiale, et corrélativement par un écosystème technique et artistique de niveau mondial. La floraison de lieux de formation à l'image depuis le milieu du XXème siècle a contribué à asseoir l'influence du cinéma français à l'international et la diversité des formations proposées n'a depuis cessé de croître pour répondre aux nouveaux défis du secteur.
1. Une pluralité de formations reconnues
Traditionnellement considérée comme le berceau du cinéma, la France s'est dotée très tôt d'un ensemble d'écoles tournées vers la formation à l'image, pour apporter à ses talents de solides connaissances techniques et répondre au mieux aux attentes des professionnels.
L'école Louis-Lumière - anciennement « École technique de photographie et de cinéma » (ETPC) devenue l'« École nationale de photographie et cinématographie » (ENPC) -, créée en 1926, est la deuxième école de cinéma au monde, après la VGIK russe fondée sept ans auparavant. L'établissement public était alors destiné à former des techniciens du cinéma pour pallier le manque d'enseignement spécifique à la formation d'une main d'oeuvre qualifiée. Pour compléter ces enseignements, une autre école de l'enseignement supérieur public est fondée en 1943, avec pour objectif de dispenser un apprentissage plus théorique et artistique, tourné davantage vers les métiers de création : il s'agit de l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC), dont la Fémis prendra la suite en 1986.
Longtemps en position de duopole, l'école Louis-Lumière et la Fémis bénéficient aujourd'hui encore d'une renommée mondiale. Les classements américains publiés par - Variety ou The Hollywood Reporter placent systématiquement ces dernières années la Fémis dans le Top 15 des meilleures écoles de cinéma au monde.
L'entrée à la Fémis se fait sur concours, à destination des étudiants de niveau Bac+ 2, Bac+ 3 ou Master 2 selon les cursus. L'École, très sélective, diplôme une cinquantaine de personnes par an. En formation initiale, la durée des études varie de 1 à 4 ans selon les cursus. L'établissement propose également chaque année des stages de formation continue à destination de 200 professionnels dans les domaines de l'écriture de scénario, le développement de documentaires, la production et l'exploitation cinématographiques. La Fémis ne dispose pas de corps enseignant permanent, mais fait appel à plus de 500 intervenants professionnels chaque année pour encadrer les enseignements des différents cursus et stages. L'École Louis-Lumière, qui diplôme aussi une cinquantaine d'étudiants chaque année, mise également sur une forte imbrication professionnelle dans sa pédagogie : elle compte environ 25 professeurs permanents, pour 100 intervenants.
Les grandes écoles de cinéma françaises permettent ainsi à leurs étudiants, depuis leur création, de bénéficier d'une formation de qualité, d'acquérir une solide expérience en travaillant sur des projets concrets avec les autres métiers de la profession, et de tisser un réseau dense et reconnu.
À l'université, des départements d'enseignement du cinéma ont émergé dans les années 1970, donnant naissance à des cursus en « études cinématographiques » souvent inclus dans des UFR de Lettres ou d'Arts. Progressivement, dans les années 1980, l'enseignement du cinéma apparaît également dans les établissements du secondaire : à la rentrée 1986, une épreuve de « cinéma et audiovisuel » est inscrite au baccalauréat, donnant ainsi davantage de visibilité aux cursus consacrés au cinéma dans l'enseignement supérieur.
D'autres filières scolaires de formation ont émergé au cours des dernières décennies qu'il s'agisse d'écoles (la classe préparatoire Ciné-Sup à Nantes, le Conservatoire libre du cinéma français, le Conservatoire européen d'écriture audiovisuelle, l'École supérieure de la réalisation audiovisuelle, l'école supérieure de l'image, etc.) ou de formations artistiques classiques (Beaux-Arts, Écoles de photographie, voire Conservatoires etc.) dispensant également une formation en cinéma, et dotant ainsi la France d'un large écosystème de formations dans le domaine du cinéma.
2. Un enseignement ouvert et varié pour faire face aux besoins du secteur
Face à l'inflation des demandes de contenu, notamment via les plateformes, les écoles de cinéma françaises sont en plein renouveau pour accueillir des profils différents, moins homogènes, et diversifier les écritures cinématographiques. L'industrie du cinéma ne cesse en effet d'innover pour conserver ses talents et continuer à imposer son savoir-faire sur la scène internationale.
Consciente de ces nouveaux enjeux, la Fémis a développé le programme La Résidence, destiné à des jeunes de milieu modeste avec ou sans diplôme, mais ayant déjà développé une pratique amateur, d'une durée de deux ans, avec la création d'un court métrage en deuxième année.
Des initiatives comme la CinéFabrique, association implantée à Lyon depuis 2015 et bientôt à Marseille, ou Kourtrajmé depuis 2018 à Montfermeil et à Marseille, ont permis de multiplier les voies d'accès aux métiers du cinéma.
La CinéFabrique est la seule école française de cinéma à proposer une pédagogie basée sur la pratique avec la réalisation d'une centaine de films chaque année, et qui propose une troisième année en alternance. Kourtrajmé, quant à elle, est une école gérée par une structure associative qui propose des formations gratuites ; les candidats sont sélectionnés sur leur motivation et sur une vidéo qu'ils ont réalisée, consacrée à un thème libre. Ces écoles accueillent des jeunes sans condition de diplôme, les forment et les aident à s'insérer dans le milieu professionnel, pour donner des clés à tous ceux qui souhaitent se former à l'image.
Panorama des formations publiques et privées
Plusieurs initiatives ont également été mises en place afin d'optimiser le travail de repérage des nouveaux talents, d'accompagner des jeunes cinéastes au talent prometteur pour qui l'accès au milieu professionnel est difficile faute de formation et d'expérience significatives, et de contribuer ainsi au renouvellement de la création. Le soutien du CNC aux associations qui accomplissent ce travail s'élève à 1,2 million d'euros en 2021.
En partenariat avec les Régions, le CNC a ainsi développé sur tout le territoire l'opération Talents en Court. Ce dispositif vise à répondre aux besoins d'information, de conseil, d'accompagnement et de connexion professionnelle des jeunes éloignés des secteurs cinématographique et audiovisuel pour des raisons sociales et géographiques.
Par ailleurs, le CNC soutient un certain nombre de résidences (Groupe Ouest, SoFilm, Frames, La Ruche, Le GREC...) et finance des bourses de résidence dans le cadre de ses propres dispositifs et en partenariat avec les collectivités territoriales dans le cadre des conventions de coopération pour le cinéma et l'image animée.
3. Un savoir-faire technique recherché
Bénéficiant d'un large éventail de formations techniques de qualité, le cinéma français est également caractérisé par ses industries techniques, dont les compétences et la diversité sont aussi mondialement reconnues.
Les industries techniques assurent des prestations indispensables dans le processus de création, de production et de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. Elles fournissent notamment la matière support des oeuvres originales, les équipements pour les tournages et les studios de tournage. Elles assurent également la post-production, les effets spéciaux et la fabrication des copies, physiques ou numériques. Enfin, elles fournissent le matériel permettant la projection dans les salles, la diffusion à la télévision ou sur internet et les outils nécessaires à la conservation des oeuvres.
Le chiffre d'affaires de la filière des industries techniques est évalué à 906 millions d'euros en 2020, en baisse de 14,4 % par rapport à 2019.
Cependant, 2021 est en France l'année de tous les records pour la production : plus de 15 500 jours de tournage (soit 25 % de plus qu'en 2019, avant la crise), 2,8 milliards d'euros de dépenses engagées sur le territoire français (soit une augmentation de près de 35 % des dépenses de production par rapport à 2019), dont 400 millions d'euros pour les tournages internationaux soit + 62 %.
Les productions d'initiative étrangère, réalisées en France pour partie ou en totalité, se sont en effet considérablement développées ces dix dernières années.
Alors que jusqu'en 2009, date d'entrée en vigueur du Crédit d'impôt international, la France accueillait chaque année une centaine de jours de tournages étrangers, ce chiffre a connu une croissance exponentielle avec une très forte accélération observée ces dernières années jusqu'à atteindre 1 900 jours de tournage en 2021.
Sur cette même année, le nombre de projets internationaux ayant des dépenses éligibles au Crédit d'impôt international s'établit au nouveau record de 92 productions, pour un montant global de 398 millions d'euros, en hausse de + 62 % par rapport à 2019 avant la crise.
La production en France en 2021
2,8 milliards d'euros de dépenses de production engagées sur le territoire français dont 400 millions d'euros pour les tournages internationaux
92 productions, pour un montant global de 398 millions d'euros de dépenses, éligibles au Crédit d'impôt international
Plus de 15 500 jours de tournage, dont 1 900 jours pour les tournages étrangers
Ces productions, générant des retombées économiques directes et indirectes très significatives, s'appuient ainsi sur les compétences reconnues des producteurs exécutifs et des équipes techniques françaises et permettent également de développer l'activité des studios et de monter des équipes capables de travailler sur des productions particulièrement ambitieuses.
Dans le même temps, les projets d'animation ont progressé fortement, achevant d'imposer l'animation française comme une filière d'excellence, tant d'un point de vue technique que créatif, et un atout majeur en matière d'attractivité. À Paris, le studio Illumination MacGuff, qui emploie plus de 900 personnes, a créé et produit des oeuvres phares telles que « Moi, moche et méchant » et « Tous en Scène » pour Universal.
L'animation représente près de la moitié des promesses de dépenses engagées par ces productions d'initiative étrangère, à hauteur de 185 millions d'euros pour les seuls projets agréés en 2021.
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Puissamment soutenu par les pouvoirs publics et un modèle de régulation robuste, le cinéma français n'est pourtant pas exempt d'interrogations quant à son avenir et ses finalités.
La mission d'information a été maintes fois frappée par la virulence de certaines oppositions, d'ailleurs largement portées sur la place publique, entre tenants d'une approche « par le public » et d'une approche « par l'art ». Or la richesse de notre cinéma est précisément de parvenir à faire coexister dans une même salle une famille pas toujours unie, mais qui se reconnait dans des valeurs communes.
La mission a donc souhaité mieux appréhender les débats et les doutes qui agitent le cinéma français, à travers la question de la production, qui soulève le sujet de l'équilibre économique du cinéma, et de l'avenir du 7ème art à l'heure des plateformes.