II. UNE RÉGION PRISE EN TENAILLE ENTRE DEUX MENACES

Les pays du golfe de Guinée doivent affronter deux principaux types de menaces , qui viennent potentiellement « percuter » leur potentiel de prospérité et de stabilité : les unes en provenance de l'Océan, les autres de l'intérieur du Continent . Au large des côtes de la façade atlantique, la menace est triple : la piraterie, la pêche illégale et le trafic de drogue . Du côté de l'intérieur des terres, la progression du djihadisme inquiète tous les pays de la région.

A. LA PIRATERIE : UN PHÉNOMÈNE EN RÉGRESSION SUR LEQUEL IL FAUT RESTER VIGILANT

Le golfe de Guinée est devenu, dans les années 2010, la première région au monde pour ce fléau, avec plus de cent incidents par an. Les enlèvements avec demande de rançon ont progressivement remplacé les vols de pétrole lorsque le prix de celui-ci a diminué. Selon les armateurs français, la piraterie est très coûteuse aussi bien en frais d'assurance que de sécurisation des navires, dans cette zone où passent plus de 1 500 navires par jour.

1. Des efforts locaux et régionaux importants

Comme l'ont rappelé deux résolutions du conseil de sécurité des Nations unies, c'est d'abord la responsabilité des États de la région de sécuriser leur domaine maritime. De fait, ceux-ci s'y efforcent, individuellement mais aussi collectivement, dans le cadre de l'Union africaine et surtout, au niveau régional, de l'architecture de Yaoundé . Celle-ci, mise en place en 2013, consiste en un dispositif assez complexe, avec plusieurs instances régionales sur divers niveaux. Le bilan de ce dernier dispositif est mitigé , car les pays membres restent assez jaloux de leurs prérogatives de souveraineté et font face à de tels problèmes à l'intérieur de leurs frontières qu'il leur est difficile de consacrer des moyens massifs à la sécurité maritime. L'harmonisation des législations, indispensable pour mieux réprimer la piraterie, accuse ainsi un certain retard.

2. Corymbe, une opération de sécurisation au long cours

Deuxième niveau d'intervention contre la piraterie : l'opération Corymbe de la Marine nationale française, mise en oeuvre depuis plus de trente ans, en coordination avec les forces françaises prépositionnées dans la région (Sénégal, Côte d'Ivoire et Gabon). Dans le cadre de cette opération remarquable se déroule un travail de coopération et d'exercices communs de grande ampleur avec les marines des pays partenaires - comme en témoignait cette année la présence à Lagos, lors de la visite de la mission, du porte hélicoptère amphibie (PHA) Tonnerre . Corymbe inclut également des actions de formation au profit des marines locales, mais aussi des opérations d'arraisonnement menées contre les pirates. Corymbe peut s'appuyer sur des outils uniques comme le MICA Center hébergé à Brest, qui veille en continu sur le trafic maritime et, en cas d'attaque, alerte les marines des pays concernés de la région.

Il existe enfin, au niveau de l'Union européenne, une « Présence maritime coordonnée » combinant les moyens navals européens disponibles au profit des pays riverains. En effet, d'autres pays européens sont présents dans la région avec des navires militaires et contribuent ainsi à la lutte contre la piraterie.

3. Poursuivre les efforts malgré une diminution peut-être conjoncturelle des faits de piraterie

Il semble exclu de mettre en place dans le golfe de Guinée une opération de type Atalante , solution parfois évoquée pour porter un coup fatal à la piraterie comme ce fut le cas dans le golfe d'Aden, car la situation est ici très différente. En effet, contrairement à la Somalie en 2009, les États de la zone ne sont pas des États faillis. Par ailleurs, le golfe d'Aden est un « rail de navigation » où les navires de commerce peuvent être protégés en convois. Au contraire, dans le golfe de Guinée, les routes maritimes sont diverses et les navires très dispersés.

Par ailleurs, au moment où la mission a lancé ses travaux, un fait inattendu s'était produit depuis environ un an : le nombre d'attaques de piraterie avait radicalement diminué, passant de 115 incidents en 2020 à 52 en 2021, et seulement 16 entre janvier et juin 2022 . Les spécialistes entendus par la mission ne doutent pas du rôle des actions de sécurisation maritime dans cette évolution. Néanmoins, ils n'y voient pas le facteur déterminant, celui-ci étant plutôt à rechercher du côté de la politique intérieure nigériane. En effet, les troubles politiques et sociaux majeurs intervenus dans ce pays, au sein du delta du Niger, ont sans doute joué un rôle essentiel dans le développement de la piraterie dans les années 2010. Inversement, l'approche de l'élection présidentielle au Nigeria (février 2023) a probablement un lien avec un double phénomène : la diminution des attaques de piraterie et l'augmentation massive du pillage des oléoducs à terre, 80% de la production étant désormais pillée, ce qui a conduit les majors pétroliers à abandonner progressivement leur activité on-shore au profit de la seule exploitation des ressources off-shore.

Toutefois il est possible que de nouveaux changements politiques au Nigeria conduisent au retour de la piraterie dans le golfe de Guinée . En outre, la pression du djihadisme pourrait inciter les pays riverains à se détourner des enjeux maritimes. Dès lors, la coopération entre les pays de la zone et avec leurs partenaires européens doit continuer à progresser, notamment les efforts d'harmonisation juridique en vue d'une meilleure répression pénale .

Dispositif de sécurisation à bord d'un navire dans le golfe de Guinée

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