V. DOTER LES FORCES ARMÉES DES MOYENS CORRESPONDANT AUX AMBITIONS FRANÇAISES INDOPACIFIQUES
Les moyens militaires des forces de souveraineté sont inadaptés d'une part aux caractéristiques de l'Indopacifique (élongations extrêmes, conditions météorologiques exigeantes et durcissement de l'environnement sécuritaire) et d'autre part aux ambitions affichées de la stratégie de la France en Indopacifique.
Le constat de l'insuffisance des moyens des FAZSOI, des FANC et des FAPF au regard des missions assignées s'impose. La LPM devra y remédier !
Depuis 2008, le nombre des personnels des armées dans les forces de souveraineté a connu une attrition drastique de l'ordre de 20 % des effectifs et la systématisation du recours aux missions de courte durée (MCD). Les équipements, désormais dimensionnés au plus juste des missions militaires sont particulièrement vieux : le Transall avait une soixantaine d'années, le Casa et les P400 ont une quarantaine d'années, ils souffrent en conséquence d'une faible disponibilité. Les moyens de surveillance aérienne et de transport tactique des forces, très insuffisants, sont peu disponibles, particulièrement les hélicoptères. Le remplacement du Puma par le Super Puma (H225) n'est prévu qu'à l'horizon 2026-2028, celui du Fennec par l'hélicoptère interarmées léger (HIL) Guépard en 2032, du Casa par l'Avion de transport d'assaut du segment médian (ATASM) à l'horizon 2030-2035. Aucun retard supplémentaire ne doit être pris dans ces remplacements. Le remplacement des Casa en service au sein des FAZSOI, des FAPF et des FANC n'est pas encore prévu. Des solutions de location doivent être recherchées pour combler les trous capacitaires dus aux indisponibilités des équipements. Sans avion de transport à long rayon d'action, la capacité de projection de force et l'appui logistique dans les zones de responsabilité permanentes (ZRP) est fragile. Le recours à l'A400M possible pour compenser ces déficits de capacité est sous préavis de 48 H et nécessite des adaptations insuffisamment prises en compte en termes d'infrastructures. Enfin, les moyens nécessaires doivent être mis en oeuvre pour rénover les bases aériennes : la BA 186 en Nouvelle Calédonie et la BA 181 à la Réunion doivent faire l'objet d'investissements au bon niveau.
Pour la marine, trois patrouilleurs sont actuellement indisponibles (à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie, et en Polynésie française). D'importantes ruptures temporaires de capacité sont prévues jusqu'en 2025 et ne devraient cesser qu'avec la livraison des 6 patrouilleurs outre-mer (POM), prévue pour fin 2025. La prochaine loi de programmation militaire (LPM) ne doit en aucun cas ralentir le rythme de livraison ou réduire le nombre de POM prévu. L'accroissement des moyens est indispensable pour crédibiliser la stratégie de la France pour l'Indopacifique. Les moyens doivent être mis à la hauteur des ambitions.
La mise en service de quatre Bâtiments de soutien et d'assistance outre-mer (BSAOM) à la place des cinq Bâtiments de transport léger (Batral) s'est accompagnée d'une division par deux des capacités de transport et de la perte de la capacité amphibie, alors que sur la période 2008-2030, le tonnage de la marine chinoise devrait croitre de 138 %, celui de la marine de la Corée du Sud de 101 % et celui de la marine indienne de 40 %. Comme le recommande le rapport Les outre-mer au coeur de la stratégie maritime nationale de Philippe Folliot, Annick Petrus et Marie-Laure Phinera-Horth, de la délégation sénatoriale aux outre-mer (24 février 2022), il faut rétablir des capacités amphibies en acquérant des hydroglisseurs, et en accélérant le déploiement du programme European Patrol Corvette pour assurer le remplacement des frégates de surveillance, recommandations que nous reprenons. La LPM doit prévoir le renouvellement des frégates de surveillance (classe Floréal), dont le retrait du service est prévu pour 2035, en prenant en compte, le besoin de bâtiments plus crédibles dans un contexte de retour des conflits entre puissances et d'un environnement opérationnel plus exigeant. Le Porte-Avions de nouvelle génération (PANG) est essentiel dans ce contexte ! Notre capacité à déployer un porte-avions en Indopacifique assoit notre crédibilité auprès de nos Alliés. La LPM doit prévoir l'avancement de ce programme majeur sans aucun retard.
Enfin, pour la composante terrestre, la montée en gamme et la modernisation des équipements avec la scorpionisation des forces sont nécessaires. Il n'est sans doute plus pertinent de distinguer les standards opérationnels entre la métropole et l'Indopacifique. Il en va de la crédibilité des forces, de leurs capacités en matière d'interopérabilité lors des déploiements depuis la métropole et lors des exercices de haut niveau organisés avec les pays indopacifiques partenaires.
Il est d'ailleurs souhaitable, pour toutes les armées, de renforcer la participation des moyens du haut de spectre aux divers exercices de coopération dans la zone indopacifique, et de conduire, outre les récents déploiements, des activités à forte visibilité stratégique : tels que des exercices de tir de missiles, des exercices sur les fonds marins et les câbles sous-marins, associant les bases des forces de souveraineté.