II. RÉAFFIRMER UNE POSITION FRANÇAISE FORTE ET RÉALISTE FACE À LA CHINE

Les différentes conceptions de l'Indopacifique ne traitent pas de la question de la Chine directement : la plupart d'entre elles, et celle de la France ne fait pas exception, énumèrent les partenariats souhaités et ignorent « l'éléphant dans la pièce », c'est-à-dire la Chine dont le poids et la politique sont essentiels dans la zone indopacifique.

La troisième voie française est-elle tenable face aux réalités de l'Indopacifique et aux ambitions chinoises ?

La stratégie de la France s'arrête à la réaffirmation de l'attachement de notre pays, partagé avec l'Inde, l'Australie, le Japon et l'Asean, à un ordre multilatéral fondé sur le droit. Les revendications territoriales chinoises, dites « ligne en neuf traits » sur la mer de Chine méridionale, ne sont nommées que de façon très prudente dans la stratégie de la France pour l'Indopacifique. Elles ont pourtant fait l'objet d'une condamnation la Cour permanente d'arbitrage (PCA) de la Haye en 2016. Pourquoi ne pas le dire ? La condamnation des positions chinoises nuirait à la stratégie de troisième voie, voie d'équilibre ou de stabilisation pour reprendre les termes de la stratégie indopacifique. Mais celle-ci est-elle tenable face aux réalités de l'Indopacifique et aux ambitions chinoises ? Cette « troisième voie » française n'a pas convaincu l'Australie qui a renoncé au partenariat stratégique conclu avec la France et à la fourniture des sous-marins Barracuda.

Les pays de l'Asean, le Japon, l'Inde et l'Australie défendent la même volonté d'autonomie que la France et refuseraient de s'impliquer dans la rivalité sino-américaine, selon le document français. Toutefois, les positions japonaise et australienne sont sans doute plus ambiguës, en témoignent le Quad, Aukus et les accords de défense liant ces pays aux États-Unis. L'objectif politique français nous amène selon les analystes à « surjouer une différence d'approche, en partie artificielle, avec les pays anglo saxons tout en favorisant les exportations d'armes vers certains pays comme l'Inde, les EAU et l'Indonésie, qui restent l'un des moteurs, bien que non assumé, de la politique étrangère française dans la région ». Le discours français est parfois contre-productif : la position française paraît ambiguë et nos ambitions d'être une puissance d'équilibre ne sont pas en adéquation avec notre poids réel, ce qui pose in fine des questions sur la crédibilité même de la stratégie française.

Enfin, être une puissance d'équilibre, si l'on s'en donnait les moyens, n'est possible que si la situation le permet. Or la politique et les ambitions chinoises fragilisent l'équilibre indopacifique. L'aspiration au statut de puissance internationale de la Chine se manifeste par une stratégie planifiée dans le temps long par le parti communiste chinois visant à la doter du statut de première puissance mondiale d'ici 2050, année du centenaire de la création de la République populaire de Chine. Le XXème congrès du parti communiste chinois d'octobre 2022 a été l'occasion d'un nouveau durcissement des positions chinoises : la légitimité du PCC repose désormais sur la promesse du rétablissement du rang impérial de la Chine garanti par Xi Jinping (et non plus sur la croissance économique).

Dans ce contexte, la France devra réaffirmer une position ferme si les aspirations chinoises sont défavorables aux intérêts français et aux valeurs qu'elle défend, telles le multilatéralisme, la libre navigation, l'État de droit et les droits de l'homme. La stratégie française doit tenir compte du positionnement chinois, de son agenda et de sa volonté de s'affirmer première puissance mondiale et définir une position forte et réaliste en réponse.

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