ANNEXE 2
BASSINES OU PAS ? LES TERMES DU DÉBAT SUR LES RETENUES
D'EAU DES DEUX-SÈVRES
En préambule, il convient de noter que le terme « bassine » est un terme journalistique et non juridique, qui désigne des retenues d'eau artificielles destinées principalement à l'irrigation agricole, construites en terrain plat. A l'inverse des retenues collinaires ces réserves :
- d'une part, doivent être totalement endiguées , car elles ne s'appuient pas sur le relief ;
- d'autre part sont assez peu alimentées par l'écoulement naturel des eaux et dépendent donc principalement pour leur remplissage des pompages dans les nappes phréatiques ou les rivières adjacentes.
Les deux modalités doivent en tout état de cause faire l'objet soit de déclaration pour les petits ouvrages soit d'autorisation administrative pour les plus importants car elles affectent l'écoulement naturel des eaux.
1. Le projet
Le projet de création de 19 réserves collectives de substitution (pour un stockage total projeté de 6,9 millions de m 3 ) sur la Sèvre Niortaise et le Marais Poitevin, lancé en 2016, est porté par la société coopérative anonyme de l'Eau des Deux-Sèvres (SCAEDS) qui regroupe un peu plus de 300 agriculteurs.
Il s'agit de retenues « de substitution » , remplies en période hivernale, lorsque les taux de remplissage des nappes sont élevés ou lorsque le débit des cours d'eau alimentant la retenue est fort. On est alors au-dessus des seuils à partir desquels le prélèvement d'eau porte préjudice à la faune et la flore. Grâce à la retenue, on peut réduire les prélèvements estivaux, ce qui entraîne une réduction de la pression sur les eaux de surface ou souterraines.
Le projet de la SCAEDS prévoit la suppression du pompage dans les cours d'eau et un pompage exclusivement dans la nappe entre novembre et mars pour alimenter les retenues. Il s'appuie sur une étude d'impact (de 1 600 pages) et a fait l'objet, suite à une enquête publique menée début 2017, d'une autorisation le 23 octobre 2017 par un arrêté préfectoral interdépartemental (suivi de plusieurs arrêtés préfectoraux contenant des prescriptions complémentaires), attaqué sans succès devant la juridiction administrative. Une partie du dossier est consultable en ligne.
Ces dispositifs sont considérés comme particulièrement pertinents dans les zones sous tension où l'on connaît un déficit structurel d'eau : les zones de répartition des eaux (ZRE). Elles permettent de transformer un flux (abondant) d'eau en stock d'eau, utilisable à des moments critiques (l'été). Ils transforment une ressource incertaine en ressource sécurisée et jouent le rôle « d'assurance-eau » pour les producteurs agricoles. Ils réduisent aussi les tensions entre acteurs lorsqu'il faut gérer une sécheresse.
Les projets de retenues sont portés le plus souvent par des collectifs d'agriculteurs, assurant une gestion collective de la ressource en eau à l'échelle d'un sous-bassin, et pas une gestion individuelle sans coordination entre exploitants.
Il faut noter que seules les retenues de substitution (et non les retenues conduisant à créer des volumes supplémentaires mobilisables pour l'irrigation) peuvent faire l'objet de subventions par les agences de l'eau 102 ( * ) .
2. Les critiques portées aux « bassines »
Elles coûtent cher au moment de la construction (car elles ne s'appuient pas sur le relief existant) et en fonctionnement (coûts énergétiques pour le pompage) et mobilisent d'importants crédits publics (taux de subvention de 70 %).
Elles récupèrent dans la nappe ou dans les rivières une eau de qualité, qui va se détériorer (eau stagnante, avec possibilité d'apparition de cyanobactéries) et en partie s'évaporer (l'évaporation est fonction de la température de l'air et de la surface du plan d'eau, de l'ordre de 2 000 m 3 d'eau par hectare de lac durant les 3 mois d'été).
Certains chercheurs 103 ( * ) estiment que les retenues de substitution ne règlent pas les situations de pénurie d'eau dans les secteurs où elles sont mises en place. Au contraire, elles tendent à augmenter les consommations d'eau et à créer un faux sentiment de sécurité. L'avis de l'OFB sur le Varenne agricole de l'eau va dans le même sens, préconisant de prioriser la sobriété plutôt que la création de retenues supplémentaires 104 ( * ) .
Une expertise scientifique collective de 2017 diffusée par l'OFB 105 ( * ) analysait l'impact cumulé des retenues sur les systèmes aquatiques et estimait que celui-ci n'était pas négligeable (réduction de la disponibilité de l'eau à l'aval, réduction de la circulation des sédiments), avec un manque de données rendant ceci peu quantifiable.
Les sécheresses longues, phénomène nouveau en France mais déjà connu aux États-Unis (voir l'assèchement du lac Mead aux États-Unis), rendent inopérantes les retenues de substitution (qui ne peuvent pas être remplies).
* 102 Instruction ministérielle du 4 juin 2015 NOR : DEVL1508139J, remplacée par l'instruction ministérielle du 07 mai 2019 sur les PTGE NOR : TREL1904750J.
* 103 Voir Montginoul & Erdlenbruch, 2009 : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02297804/document
* 104 https://www.ofb.gouv.fr/sites/default/files/Fichiers/Actes%20administratifs/Avis%202%20CS%20OFB%20%20Varenne%20de%20l%27agriculture%20%281%29.pdf
* 105 https://professionnels.ofb.fr/fr/doc-comprendre-agir/impact-cumule-retenues-deau-milieu-aquatique-expertise-scientifique-collective