DEUXIÈME PARTIE
NÉCESSAIRE ET
PLÉBISCITÉE PAR SES PARTENAIRES,
LA RÉVOLUTION DU
MODÈLE DE L'IGN DOIT ENCORE SURMONTER PLUSIEURS OBSTACLES
I. LES INCERTITUDES INHÉRENTES À UNE LOGIQUE DE PROJETS
A. LE « TROU D'AIR » OU LA « SURCHAUFFE »
1. Le risque du « trou d'air »
Fondé sur la participation de l'institut à de grands projets nationaux d'accompagnement des politiques publiques, réalisés en quasi-régie par des marchés dits « in house » conclus avec des partenaires institutionnels et faisant l'objet de flux financiers distincts de la subvention pour charges de service public (SCSP), le nouveau modèle économique de l'IGN présente une fragilité intrinsèque . Pour être économiquement soutenable, il suppose la recherche permanente par l'IGN de nouveaux partenaires et de nouveaux marchés afin de trouver de nouveaux relais de croissance et d'équilibrer son budget.
L'IGN devrait devenir de plus en plus dépendant financièrement de ces grands projets. Le COP 2020-2024 précise ainsi que « les activités facturées par l'IGN à des tiers commanditaires couvriront ses coûts complets » mais intègreront également, « dans la mesure du possible, une contribution au financement de l'innovation et de l'investissement technologique de l'établissement » . Le financement des investissements et de l'innovation de l'IGN est ainsi appelé à dépendre, au moins partiellement, de ces grands marchés.
La fin du plan de relance et la baisse de régime du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP), actuellement les principaux pourvoyeurs de financements des grands projets dont dépend son nouveau modèle, renforcent les incertitudes sur les perspectives économiques de l'IGN à moyen terme. Dans ce contexte, le rapporteur spécial constate que les projections financières de l'EPOM traduisent des hypothèses de baisse des recettes des activités en partenariat. Au terme de cet EPOM, entre 2024 et 2027 , pour maintenir son activité et équilibrer son budget, l'IGN doit parvenir à négocier pour environ 100 millions d'euros de nouveaux contrats .
L'évolution prévisionnelle des recettes tirées des « grands projets » de l'IGN (2020-2024)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat
La fragilité de son nouveau modèle est également renforcée par la trop forte dépendance actuelle de l'IGN à ses deux principaux « clients » , le ministère des armées et le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. À eux seuls, et sans compter les 22 millions d'euros versés par le second au titre du programme Lidar HD dans le cadre du plan de relance, ils représentent un quart des ressources de l'opérateur. Cette situation ajoute à la nécessité pour l'IGN de multiplier et diversifier ses nouveaux partenariats.
Cette nécessité implique des enjeux de promotion, de prospection, de communication de la part de l'IGN et de ses autorités de tutelles mais aussi une gouvernance renforcée des grands projets publics d'information géolocalisée et une véritable stratégie de l'État en la matière. Pour répondre à ses enjeux, comme précisé supra , le rapporteur spécial appelle notamment à la création d'un véritable guichet cartographique public, à renforcer la communication de l'IGN et de ses autorités de tutelle auprès des ministères, et à transmettre des recommandations visant à ce que chacun d'entre eux, lorsqu'il envisage un projet concernant les données géolocalisées, s'interroge sur la possibilité et la pertinence de recourir aux services de l'institut.
L'IGN n'est cependant pas à l'abri d'un « trou d'air » qui se manifesterait par un volume de grands marchés insuffisant pour assurer la viabilité économique du modèle et l'équilibre budgétaire de l'institut. Les missions essentielles de l'établissement, telles que la production de données souveraines socles pourrait alors se trouver menacées.
Si ce phénomène de « trou d'air » devait advenir, le rapporteur spécial considère que l'État devrait nécessairement prendre ses responsabilités et intervenir, en ajustant, au moins temporairement, la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'établissement et ce, afin de préserver un outil d'une part de référence au service de la maîtrise de données souveraines stratégiques et d'autre part essentiel à la conduite de la stratégie environnementale du pays.
2. Le phénomène de « goulot d'étranglement »
À l'inverse du risque de « trou d'air », le nouveau modèle de l'IGN peut exposer l'établissement à un phénomène de « goulot d'étranglement » . Limité par des moyens contraints , notamment en matière de ressources humaines, l'IGN peut, en cas d'afflux de projets, se trouver dans la situation de ne pas pouvoir satisfaire certaines demandes . Ce type de situation peut se traduire par un phénomène de « surchauffe », une mise sous tension et une saturation des équipes . Le nouveau modèle de l'IGN suppose une agilité d'organisation et une souplesse dans la gestion des ressources humaines particulièrement complexes dans le cadre budgétaire contraint qui est celui d'un établissement public à caractère administratif. Pour répondre à ce type de situation inconfortable, l'IGN devra mobiliser l'ensemble des souplesses et dérogations que lui permet la réglementation . Le développement du recours à la sous-traitance constitue aussi une variable d'ajustement pour l'établissement qui lui permet, par effet de levier, d'accroître, au moins momentanément, son volume d'activité à effectifs constants.
Compte tenu du nombre de projets en production, le rapporteur spécial constate que l'IGN se trouve dans une certaine mesure confronté à cette situation actuellement. La capacité de l'établissement à fonctionner efficacement dans ce type de circonstances tout en maintenant sa cohésion interne sera une façon d'évaluer la viabilité à long terme de son nouveau modèle économique.