VI. UNE SITUATION FINANCIÈRE MARQUÉE PAR LES GRANDS PROJETS QUI SERA MISE À L'ÉPREUVE PAR LE NOUVEAU MODÈLE DE L'IGN
A. UNE CROISSANCE PORTÉE PAR LES GRANDS PROJETS ET LA SOUS-TRAITANCE
Dépenses et recettes effectives de l'IGN (2017-2024)
(en milliers d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'IGN
Portée par son nouveau modèle, l'activité de l'IGN est en croissance . Alors que son budget oscillait entre 150 et 160 millions d'euros jusqu'en 2020, celui-ci, moyennant le décalage entre la perception des recettes issues des financements des grands projets et l'exécution des dépenses pour leur réalisation effective, devrait se situer entre 170 et 180 millions d'euros jusqu'en 2024 . Cet accroissement d'activité à effectifs constants, et même en diminution, est permis par l'effet de levier procuré par le recours à la sous-traitance . Il signale aussi que la multiplication des projets auxquels contribue l'IGN a placé l'opérateur dans une situation de « saturation » de ses moyens humains.
B. LES RESSOURCES PROVENANT DES GRANDS PROJETS REPRÉSENTENT UNE PART DE PLUS EN PLUS SIGNIFICATIVE DU BUDGET DE L'IGN
1. La diminution de la vente de cartes et la gratuité des données publiques affectent le chiffre d'affaires de l'IGN
Évolution du chiffre d'affaires de l'IGN (2017-2022)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'IGN
Essentiellement porté par la vente de cartes papier, le marché dit « grand public » s'est contracté de plus de 20 % depuis 2018 . La stabilisation observée à partir de 2019 autour de 8,5 millions d'euros s'explique notamment par des efforts entrepris par l'opérateur pour enrayer cette érosion, notamment la commercialisation de nouvelles cartes et atlas régionaux ou encore le développement du portail « IGN Rando ». L'EPOM anticipe néanmoins une nouvelle baisse de ce marché qui pourrait s'établir à 7,5 millions d'euros à horizon 2024.
L'érosion du marché dit « professionnel » est quant à elle appelée à se poursuivre . Elle s'explique en partie par la fin du cycle d'acquisition de données de grands acteurs privés mais elle est surtout la résultante du processus d'ouverture et de gratuité des données publiques. Les recettes de ce marché se sont ainsi taries de plus de 50 % depuis 2017 . Alors que l'IGN a pour objectif de les stabiliser autour de 5 millions d'euros à horizon 2027, l'EPOM anticipe des recettes de seulement 3,8 millions d'euros en 2024.
Le marché « défense - espace » présente quant à lui une dynamique positive qui s'explique par le partenariat de confiance historique noué entre le ministère des armées et l'IGN . L'EPOM anticipe un niveau de recettes de 18 millions d'euros en 2024.
2. La progression rapide des ressources tirées des grands projets
Son nouveau modèle se traduit déjà de façon très concrète dans les comptes de l'établissement . Ainsi, pour 2021, les recettes issues de ses grands projets ont atteint le montant exceptionnel de 55,5 millions d'euros , contre 28,8 millions d'euros perçus en 2020, ce qui représentait déjà une augmentation de 39,8 % par rapport à 2019. Ce montant exceptionnel s'explique par les 23,7 millions d'euros perçus dans le cadre du projet Lidar HD financé par une subvention du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) et des crédits issus du plan de relance.
Ressources tirées des grands projets (2016-2021)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'IGN
L'EPOM anticipe néanmoins un tassement très net de ces recettes , en 2023 et en 2024, en particulier dans un contexte de tarissement des crédits issus du plan de relance et du FTAP .
Financements obtenus par l'IGN
en provenance de
grands fonds publics nationaux
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de l'IGN au questionnaire du rapporteur spécial
Sur la période récente, les financements obtenus par l'IGN en provenance de grands fonds publics nationaux tels que le plan de relance, le fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) ou le fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH) ont été particulièrement significatifs . Ils se sont élevés à près de 64 millions d'euros 68 ( * ) , représentant environ 40 % d'une année de recettes de l'IGN. Le rapporteur spécial craint que le tarissement de ces sources de financement ne mette d'autant plus sous pression le modèle économique de l'IGN dans les années à venir .
* 68 Dont 36,2 millions d'euros pour le FTAP et 27,1 millions d'euros pour le plan de relance.